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Full text of "La Nature 1874 S 2 N 53a 78"

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LA NATURE 



REVUE DES SCIENCES 



ET DE LEURS APPLICATIONS AUX ARTS ET A L'INDUSTRIE 



LA NATURE 

REYTE DES SCIEÏCES 

ET DE LFXRS APPLICATIONS AUX ARTS ET A L'INDUSTRIE 

JOURNAL HEBDOMADAIRE ILLUSTRÉ 



ABONNEMENTS 



Paris. Un an 20 fr. » 

— Six mois 10 fr. » 



Départements. Un an 2ïi fr. » 

— Six mois 12 fr. 50 



Étranger : le port en sus. 
Les abonnements d'Alsace-Lorrainc sont reçus au prix do 2ô fr. 



Prix du numéro : 50 centimes 



Corbbil. — ■ Typ. el stér. Crétb. 



-, o fa aj- 




REVUE DES SCIENCES 

ET DE LEURS APPLICATIONS AUX ARTS ET A L'INDUSTRIE 

JOURNAL HEBDOMADAIRE ILLUSTRÉ 

HONOIlï PAR M. LI MINISTRE DE L'jJiSTIlUCTIOD PUBLIQUE DUJdJ SOUSCRIPTION POUR LES BIBLIOTHÈQUES POPULAIRES ET SCOLAIRES 



RÉDACTEUR EN CHEF 

GASTON TISSANDIER 



ILLUSTRATIONS 



DESSINATEURS 

MM. BONNAFOCX, FÉRAT, GELBERT, E. JUILLERAT 

A. TISSANDIER. t\t. 



GRAVEURS 
MM. BLAKADET, DIETRICH, MORIETJ, SMEETON-TILLY 
PÉROT, etc. 




DEUXIÈME ANNÉE 
1874 

DEUXIÈME SEMESTRE 



PARIS 

G. MASSON, ÉDITEUR 

LIBRAIRE DE L'ACADÉMIE DE MÉDECINE 

120, BOULEVARD SAINT-GERMAIN 



2* ANNÉE. - N 9 53. 



JUIN 1874. 



LÀ NATURE 



REVUE DES SCIENCES 



ET DE LEURS APPLICATIONS AUX ARTS ET A L'INDUSTRIE 



LES DISTANCES DES ÉTOILES 

L'idée de l'univers a aubi depuis le commencement 
de ce siècle la plus complète des métamorphoses, mé- 
tamorphose dont peu d'hommes paraissent encore se 
douter. H y a moins d'un siècle, les savants qui ad- 
mettaient le mouvement de la terre (il y en avait en- 
core qui s'y refusaient 1 ), se représentaient le système 
du monde comme un édifice borné par la frontière 
de l'orbite de Saturne à une distance du soleil central 
égale à 109,000 fois le diamètre de la terre, ou à 
327 millions de lieues environ. Les étoiles étaient 
fixes, distribuées sphériquoment, à une distance peu 
supérieure à celle de Saturne. Au delà on admettait 
volontiers un espace vide, entourant l'univers. 

La découverte d'Uranus, en 1785, fît voler en 
éclat cette ceinture formée par l'orbite de Saturne 
depuis l'antiquité. D'un seul coup elle recula les 
frontières de la domination solaire à la distance de 
752 millions de lieues du centre du système, c'est- 
à-dire au delà de l'espace où l'on supposait vague- 
ment les étoiles. La découverte de Neptune, en 1846, 
transporta de nouveau ces limites à une distance de- 
vant laquelle nos pères auraient frémi : l'orbite dé- 
crite par cette dernière planète connue du système 
est tracée à plus de un milliard de lieues du Soleil. 

Mais la puissance attractive de cet astre immeiise 
s'étend plus loin encore. Au-delà de l'orbite d'Uranus, 
au-delà de la route ténébreuse lentement parcourue 
par Neptune, les déserts glacés de l'espace sont sillon- 
nés par les comètes, ces vagabondes du ciel, légères et 
échevelées, qui, eu véritables chauves-souris de la nuit 
éternelle, se jettent à corps perdu dans un vol obli- 
que et sans fin, rebroussant chemin lorsqu'une autre 
attraction les appelle, et, poussées par une excentricité 
sans égale, tombent dans la parabole et dans l'hy- 

1 Mercier, membre de l'Institut, écrivait encore en 1815 : 
c Les savants auront beau faire, ils ne me feront jamais croire 
que je tourne comme un chapon i la broche. » Hélas! le spi- 
rituel littérateur tournait ainsi pendant sa vie, et il tourne 
encore depuis sa. mort. 

î' «HUM. — 2' wmesln. 



perbolc. Il en est toutefois qui, soumises à l'attrac- 
tion solaire, restent sujettes à son empire, ne volti- 
gent point de systèmes en systèmes, suivent des 
courbes fermées, mais néanmoins s'éloignent à des 
distances qui dépassent de loin celles d'Uranus et de 
Neptune. Telle est la comète de Ilalley.qui s'enfonce 
dans l'espace jusqu'à un milliard trois cents millions 
de lieues du Soleil. Telle est la comète de 1 84 1, qui 
s'éloigne jusqu'à quinze milliards de lieues. Telle est 
encore celle de 1680, dont l'aphélie gît à 52 mil- 
liards de lieues du Soleil, lequel yu de là ne brille 
plus que comme une simple étoile, et qui cependant 
a encore le pouvoir de rappeler à lui la comète vapo- 
reuse. Dans ces ténèbres silencieuses et glacées, la 
comète entend sa voix! elle se retourne vers lui, et 
reprend son cours pour venir se réchauffer à ses 
feux, après une route immense qu'elle n'emploie pas 
moins de 44? siècles à parcourir, son orbite entière 
embrassant 88 siècles. 

Ces nombres peuvent cependant à peine être com- 
parés à ceux qui expriment les distances des étoiles. 
Quel moyen avons-nous de mesurer ces distances? Ici, 
ce n'est plus la dimension du globe terrestre qui 
peut servir de hase au triangle, comme dans la me- 
sure de la distance de la Lune, et la difficulté ne peut 
pas être tournée non plus, comme dans le cas du So- 
leil, par l'auxiliaire d'une autre planète. Mais, heu- 
reusement pour notre jugement sur les dimensions 
de l'univers, la construction du système du monde 
offre un moyen d'arpentage pour ces lointaines per- 
spectives, et ce moyen, eu même temps qu'il démon- 
tre une fois de plus le mouvement de translation de 
la terre autour du Soleil, il l'utilise pour la solution 
du plus grand des problèmes astronomiques. 

En effet, la terre, en tournant autour du Soleil à la 
distance de 37 millions de lieues, décrit par an une 
circonférence (en réalité c'est une ellipse) de 24J 
millions de lieues. Le diamètre de cette orbite est 
donc de 74 millions de lieues. Puisque la révolution 
de la terre est d'une année, la terre se trouve, en 
quelque moment que ce soit, à l'opposé du point où 

i 



LA NATURE. 



elle se trouvait six mois auparavant et du point où 
elle se trouvera six mois plus tard. Autrement dit la 
distance d'un point quelconque de l'orbite terrestre 
au point où elle se trouve à six mois de différence est 
de 74 mil lions de lieues. C'est là une longueur res- 
pectable et qui peut servir de base à un triangle 
dont le sommet serait une étoile. 

Le procédé pour mesurer la distance d'une étoile 
à la Terre consiste donc à o! server minutieusement 
cette étoile à six moisd'intervalle,ou plutôt pendant 
une année entière, et à voir si cette étoile re&te fixe, 
ou bien si elle subit un petit déplacement apparent 
de perspective, en raison du déplacement annuel de 
la terre autour du Soleil. Si elle reste fixe, c'est 
qu'elle est à une distance intime de nous, û l'hori- 
zon du ciel pour ainsi dire, et que 74 millions de 
lieues sont comme zéro devant cet éloignemeut. Si 
elle se déplace, on constate qu'elle décrit pendant 
l'aimée une petite ellipse, relkt de la translation 
annuelle de la Terre. Chacun a pu remarquer, en 
voyageant en chemin de fer, que les arbres, les 
objets les plus proches, courent en sens contraire 
de nous, et d'autant plus vite qu'ils sont plus pro- 
ches, tandis que les objets lointains situés à l'hori- 
zon restent fixes. C'est absolument le même effet 
qui se produit dans l'espace, par suite de notre mou- 
vement annuel autour du Soleil. Seulement, quoi- 
que nous marchions incomparablement plus vite 
qu'un train express (onze cents fois plus!), et que 
nous fassions 050,1100 lieues par jour, 27 ,500 lieues 
par heure, les élodes sont toutes si éloignées, que 
c'est à peine si elles bougent. Nos 74 millions de 
lieues de déplacement ne sont presque rien, pour 
les plus proi lies même. Quel malheur- de ne pas habi- 
ter Jupiter, Saturne, Urauus ou Neptune! Avec leurs 
orbites cinq, neuf, dix-neuf et trente fois plus larsje 
que la nôtre, les habitants de ces planètes ont dû 
pouvoir déterminer la distance d'un bien plus grand 
nombre d'étoiles que nous n'avons encore pu le faire. 

Ce moyen de mesurer la distance des étoiles par 
l'effet de perspective dû au déplacement annuel de la 
terre, avait déjà été deviné par les astronomes du siè- 
cle dernier et en particulier par Bradley, qui en es- 
sayant de mesurer la distance des étoiles par des ob- 
servations combinées à six mois d'intervalle, trouva... 
autre chose. Au lieu de découvrir la distance des 
étoiles sur lesquelles s'étaient portées ses observa- 
tions, il découvrit un phénomène d'optique fort im- 
portant: Y aberration de la lumière, effet produit 
par la composition de la vitesse dp la lumière avpc 
le mouvement de la terre dans l'espace. C'est comme 
William Ilerschel, qui, en cherchant la parallaxe des 
étoiles par des comparaisons entre des étoiles bril- 
lai » tes avec leurs pi us voisines, trouva les systèmes des 
étoiles doubles. C'est comme Fraunhofer qui, en 
cherchant les limites des couleurs du spectre solaire, 
trouva les raies d'absorption dont l'étude a fondé 
l'analyse spectrale. L'histoire des sciences nous mon- 
tre que bien souvent les découvertes ont été faites 
par des recherches qui ne les concernaient qu'indi- 



rectement. En prétendant atteindre pur l'ouest les 
frontières orientales de l'Asie, Christophe Colomb 
découvrit le nouveau monde. Il ne l'eût point décou- 
vert, et ne l'eût point cherché, s'il eût connu la vé- 
ritable distance qui sépare le Portugal du Kamt- 
chatka. 

On ne connaît la distance de quelques étoiles que 
depuis l'année 1840. C'est dire combien cette décou- 
verte est récente, et c'est à peine si l'on commence 
maintenant à se former une idée approchée des dis- 
lances réelles qui séparent les étoiles entre elles. La 
parallaxe de la 61 e du Cygne, la première qui ait été 
connue, a été déterminée par Bessclet résulte d'obser- 
vations faites à Kmnisberg, de 1837 à 1840. Déjà, eu 
4812, Arago et .M. Mathieu, le doyen actuel du Bureau 
des longitudes, avaient fait des observations sur cette 
étoile, maïs sans arriver à des résultats certains 1 . 
Le premier résultat relatif à la distance des étoiles 
est celui de Besscl, et date de 1840. La parallaxe de 
l'étoile Alpha delà Lyre a été trouvée par Struve, à 
la suite d'observations faites à Dorpat, de 1835 à 
1838 , et a été publiée après 1 840. Il en est de même 
de celle de l'étoile Alpha du Centaure, observée en 
1832 et 1839 au cap de Bonne-Espérance, parlïcn- 
derson et Maclear, et qui se trouve être l'étoile la plus 
rapprochée de nous. 

Deux méthodes se présentent pour déterminer ces 
parallaxes. La première consisteà comparer entre elles 
les positions observées à six mois d'intervalle ; la 
seconde, à découvrir un mouvemeut a j -parent dans 
une étoile (comparée à une étoile immobile située 
beaucoup plus loin que celle qu'on étudie), mouve- 
ment apparent dû à la perspective causée par la 
translation annuelle de Ja Terre sur son orbite. Cette 
dernière méthode est maintenant la plus employée. 
Le résultat du l'une et de l'autre est démontrer sous 
quel angle on verrait de l'étoile le demi-diamètre de 
l'orbite terrestre. 

Galilée, dans ses dialogues (Giornata terza); Gre- 
gory, en 1675, à la Société royale de Londres ; Huy- 
ghens, dans son Cosmotheros, publié en 1695 ; Con- 
dorcet, dans son éloge de lïoemer, en 1773; William 
Ilerschel, en 1781, ont décrit l'une et l'autre de ces 
méthodes. Hooke, Flamsteed, Cassini, Bradley, Ro- 
bert Long, Ilerschel, Piazzi, Brinkley ont essayé, de 
1674 à 1820 , de déterminer la faible quantité 
du mouvement apparent des étoiles les plus bril- 
lantes, que l'on considérait comme les plus proches; 
mais leurs efforts furent infructueux, à cause de 
l'exiguïté de ce mouvement. H fallait des instruments 
d'une précision extrême, un esprit d'observation ri- 
goureux, et une patience à toute épreuve pour obte- 
nir des résultats dignes de confiance. 

Depuis l'année 1840, l'attention des astronomes 
s'est souvent portée vers cette même recherche, et 
des milliers de calculs ont été faits. On e*t parvenu à 
grand'peine à déterminer la parallaxe de quelques 
étoiles. Et encore les erreurs d'observation inévita- 

1 Voy. Àrago, Mémoires scientifiques, t. II, p. 201, et 
Astronomie populaire, t. I, p. 444. 



LA N AT LUE. 



blfis masquent-elles souvent les résultats. Que l'on 
songe, en effet, que nulle étoile n'est assez proche 
pour offrir une parallaxe d'une seconde ! Une seconde 
c'est la dimension à laquelle se réduirait un cercle 
d'un mètre de diamètre transporté à 20b' kilomètres, 
ou à plus de 50 lieues de distance de l'œil. Cela pa- 
raît moins que rien. C'est l'épaisseur d'un cheveu 
d'un dixième de millimètre, tendu à 20 mètres de 



distance de notre œil. Le mouvement annuel appa- 
rent d'une étoile qui révèle sa distance s'accomplit 
tout entier dans cette épaisseur! Pour un observateur 
transporté dans l'étoile la plus rapprochée de nous, 
ce cheveu cacherait toute la distance qui sépare la 
Terre du Soleil. 

Aucune étoile n'offrant, une parallaxe égale à une 
seconde, il en résulte qu'aucune n'est à moins de 



Tableau des distances mesurées dans l'univers. 



Diamètre 

Hauteur 
Distance: 
Distance 



Di si; ii tec 
Distance 



Distance 
Di.-tancu 
Distance 



Astre» appartenant nu Soleil. 

: île la Terre 

de l'iitmnsphère aérienne 

moyenne «te la Lune 

minimum île Vénus 

— île Mars 

- «te Mercure 

moyenne du Soleil 

minimum «te Jupiter , 

- de Saturne 

— il'ilinnus ........ 

di; Neptune 

de la comète de H.illey à son avilie. h'. 

de. la comète de 1811 à son aphélie 

de la comète de 1080 à son aphélie 



3183 liiMics «le 
12 — 



PO 109 

10200000 

1030('00() 

22600:100 

370O00OO 

155000000 

31501:0000 

6G00 )OoO'.> 

1073000000 

lDODOtlOJOO 

15587800000 

32000000000 



NOJf> 



ILtoiU-s. 



Alpha du Centaure. . . 

01° du Cvgne 

21185 I.ah.nile 

34 Groombridgc . . . 

21258 Lalande 

7415 Œil zen 

Sirius. ........ 

01* du Dragon . . . . , 

1830 Groonibridgo. . . . 

lîèta du Centaure. . . . 

Yéga 

70 p Opliiucus 

loin de la grande Ourse. 

Arcturiis 

Gamma du Dragon. . . 

Etoile polaire 

3077 Bradley 

a Hercule 

85 Pégase 

Capclla ou la Chèvre. . 



l'AL.H.I.AXKS 



1 

5ê 

ïi 

8 " 
8i 
8 ' 
1 

5 
7 
1 
1 



DISTANCES EN 
P.AYONS MK l.'oLl!lTE 

Tt'IinESTIlB 



0,91 

0,51 

0,51 

0.507 

0,20 

0,2-47 

0,23 

0,22 

0,22 

0,21 

0,17 

0,168 

0,17,3 

0,127 

0,002 

0,070 

0,00 I 

0.0GO 

0,050 

0,046 



220400 

403000 

404000 

071000 

795300 

835100 

897000 

910000 

912700 

95Gf'0O 

1300000 

1 400000 

1550900 

1024 00 

2292000 

2714000 

3551000 

3351C0O 

4125000 

448401);) 



IHSTAJICES ES 
M1LMOKS DE I.IKt'I'iS 



8370 '00 

14053200 

1494800O 

24800'. 00 

2. '352 100 

5U89K7U0 

331891 

33070000 

337G99;)0 

34ti52000 

50.S30000 

54000000 

59000000 

01000000 

90000000 

117000000 

125510000 

12350H00O 

15*400000 

170392000 



TEMPS QUE LA LUUIÈHF. 

EMPLOIE l'OUJl VE.Nin 

A LA TELLE 



A ans 
6 

fi 

10 
12 

13 
14 

14 
14 
15 
21 
22 
24 
25 
35 
50 
5i 
54 
60 
71 



8 mois 
5 
G 
11 
2 
5 
2 
5 
7 
5 
3 
1 
5 
8 
9 


2 



206/205 fois 57 millions de lieues. L'espace qui en- 
vironne le système planétaire, dans toutes les direc- 
tions, est dépourvu d'étoiles jusqu'à cette distance 
au moins. 

L'étoile la plus rapprochée de nous, Alpha du 
Centaure, offre une parallaxe de 0",9f . Sa distance 
à la terre est de 226,400 fois le rayon de l'orbite ter- 
restre, c'est-à-dire de 8,57(5,800 millions de lieues. 
C'est notre voisine, et telle est probablement la dis- 



tance minimum qui sépare les étoiles les unes des 
autres; huit tril lions de lieues. Gomme on le sait, 
chaque étoile brille par sa propre lumière, est un 
soleil analogue au nôtre, entouré sans doute d'un 
système de planètes habitées. 

La deuxième étoile, dans l ordre des distances, est 
la 61 e du Cygne. Sa parallaxe est de 0",51 et son 
éloignement est de 15 trîllions de lieues. 

On est arrivé à déterminer ainsi la distance de vingt 



LA NATURE. 



étoiles seulement sur les milliers qu'on a étudiées 
dons ce but. Parmi les plus remarquables signa' ons 
surtout Sirius, soleil 2,tj88 fois plus volumineux que 
le nôtre, entoure d'un système de corps célestes dont 
on connaît déjà plusieurs membres, et éloigné de 
nous à la distance de 55 tril lions de lieues; citons 
l'étoile polaire, étoile double, dont la distance égale 
117 tri liions de lieues ; citons Capella, qui plane à 
170 trillions de lieues d'ici, distance que la lumière, 
qui vole en raison de 77,000 lieues par seconde, n'em- 
ploie pas inoins de 71 ans et 8 mois à traverser, de 
telle sorte que le rayon lumineux que nous recevons 
actuellement, en 1874, de celte belle étoile, est parti 
de son sein en 1803. Elle pourrait être éteinte de- 
puis 1804, et nous la verrions encore. Elle pourrait 
s'éteindre aujourd'hui et les habitants de la terre 
l'admireraient encore dans leur ciel jusqu'en l'année 
1940. llcdproqnemenl s'il y avait, sur les planètes 
qui gravitent autour de Capella, des esprits dont la 
vue transcendante fût assez parfaite pour découvrir 
de là-haut notre petite terre perdue dans les rayons 
de notre soleil, ils verraient actuellement, de cette 
distance, la terre de l'année 1805, et seraient en re- 
tard de 71 ans et 8 mois sur notre histoire. 

Ce sont là les étoiles tes plus proches de nous. 
Toutes les autres sont incomparablement plus éloi- 
gnées. 

Il y a des étoiles dont la lumière ne peut nous ar- 
river qu'après cent ans, mille ans, dix mille ans de 
marche incessante de 77,000 lieues par seconde. 
Que l'on essaye de suivre par la pensée le trajet d'une 
pareille flèche ! 

Pour traverser l'univers sidéral dont nous faisons 
partie (la voie lactée), la lumière n'emploie pas 
moins de 15,000 ans. 

Pour venir de certaines nébuleuses, elle doit mar- 
cher pendant plus dû trois cents fois ce temps; pen- 
dant cinq millions d'années 

Que l'imagination qui n'est pas effrayée par de 
telles grandeurs essaye de les concevoir. Si elle n'a 
pas ressenti encore le vertige de l'infini, qu'elle con- 
temple froidement ces profondeurs, et qu'elle sente 
la position de la terre et de l'homme devant, ces abî- 
mes. Elle commencera ainsi à apprécier les specta- 
cles découverts par l'astronomie sidérale. 

Le tableau ci-contre renferme toutes les dislances 
mesurées jusqu'à ce jour dans l'Univers sidéral ; nous 
avons fait précéder les lointaines distances des étoiles 
par les mesures relatives à notre propre système pla- 
nétaire. Les chiffres que nous avons réunis, permet- 
tent d'apprécier l'extrême petitesse de la Terre au 
sein de l'immensité; ils nous montrent encore que 
toutes les planètes de notre système solaire ne for- 
ment qu'un groupe infime dans l'espace. 

Telles sont les dimensions actuellement mesurées 
dans la construction générale de l'Univers. Nous ne 
sommes encore — et nous ne serons jamais — qu'au 
vestibule de l'édifice, au bord de l'abîme de Fin- 
fini, 

Camille Flasijiajuos. 



LES PANSEMENTS A LA OUATE 

ET L'HYGIÈNE DES HOPITAUX. 

M. Alphonse Guérin, l'émînent chirurgien de 
l'Hôtel-Dieu, a lu récemment à l'Académie des scien- 
ces un remarquable mémoire sur « l'influence des 
ferments sur les maladies chirurgicales. » Ce travail 
est la suite de ses remarques sur « l'efficacité des 
pansements à la ouate. » M. Alphonse Guérin a 
démontré que lorsque l'on place de la ouate sur une 
plaie, le pus est complètement préservé de la fer- 
mentation putride. — Celte observation a une im- 
portance pratique d'une grande importance, mais 
elle offre aussi, au point de vue philosophique, un 
intérêt particulier. 

D'après M. Alphonse Guérin, si, dans le cas du 
pansement à la ouate, la plaie est mise à l'abri des 
conditions de la fermentation, « cela n'est pas dû à 
l'absence du contact de l'air, » mais bien à l'arrêt, 
parla ouate, des ferments atmosphériques. — L'air 
ambiant circule évidemment à travers le corps po- 
reux, mais les germes qu'il renferme sont retenus 
par la ouate, qui agit à la façon d'un filtre. 

« Je soutiens, dit M. Guérin, qu'il ne se produit 
pas de fermentation dans le pus qui n'est en contact 
qu'avec de l'air filtré; je le démontre expérimentale- 
ment, et mes expériences sont la confirmation de 
l'idée qui m'a guidé dans mes recherches. Je neveux 
examiner que l'influence des ferments sur les plaies, 
mais si la thèse que je soutiens est. vraie, n'est-il pas 
évident que l'hygiène des hôpitaux reste tout entière 
à l'étude? Jusqu'ici, on a mesuré la salubrité d'un 
établissement sanitaire, d'après le nombre de mètres 
cubes qu'il renferme; on a calculé la quantité d'acide 
carbonique produit, et l'on a cru qu'avec !a venti- 
lation on devait diminuer la mortalité d'une manière 
notable. Je ne nie pas que la ventilation et une 
grande masse d'air ne soient des conditions favora- 
bles; mais, quand on a construit à grands frais un 
établissement comme l'hôpital Lariboisière, où la 
ventilation atteint la plus grande perfection, on n'est 
pas peu surpris d'apprendre que nulle part la mor- 
talité n'est plus grande. Si l'on admet avec moi que 
ce sont des ferments contenus dans l'air qui empoi- 
sonnent les blessés, on comprendra que si les pous- 
sières qui couvrent les poutres et remplissent les 
interstices des parquets et des cloisons contiennent 
des ferments qui n'attendent que des conditions fa- 
vorables pour devenir actifs, la ventilation qui ap- 
porte, sans doute, de l'air pur dans les salles, ne 
peut manquer de les souffler et de mettre les fer- 
ments en suspension dans l'air de manière qu'aucun 
blessé n'échappe à leur action. » 

Il semble résulter, du beau travail de M. Alphonse 
Guérin, que le pansement â la ouate préserve les 
plaies du contact des poussières et des ferments 
atmosphériques; les conséquences qui se dégagent 
de cette conclusion sont considérables au point de 
vue de l'hygiène et de la pathologie, D r Z. 



LA NATURE. 



GRAND APPAREIL 

DU CONSERVATOIRE DES ARTS ET MÉTIERS 
POUR LA FUSION DO PLÀTlNË. 

Notre gravure représente le magnifique appareil 
qui a été construit au Conservatoire des Arts et Mé- 
tiers, et qui a servi le 13 mai dernier à la fusion de 
2« r )0 kilogrammes de platine iridié, destiné à la con- 
fection des mètres étalons internationaux. Ce vaste 
fourneau, disposé d'après le principe déjà mis en 
œuvre par MM. II. Sainte-Claire Deville et Debray, 



dépasse par ses dimensions tout ce qui avait été 
construit jusqu'ici dans un but analogue. L'expé- 
rience exécutée par MM. H. Sainte-Claire Deville et 
Tresca a réussi au-delà de toute espérance; elle a 
démontré que la liquéfaction par la chaleur de 
grandes masses de platine n'était plus un obstacle 
pour la science. Le lingot de platine que l'on a en 
effet retire de l'intérieur de l'appareil, a un volume 
de 12 litres environ, sa longueur est de l m ,lo, sa 
largeur de m ,17 et son épaisseur de m ,08 ; sa valeur 
est environ de 250,000 francs 1 . Jamais pareille 
masse de ce mêlai n'avait été fondue jusque-là. 
Le fourneau du Conservatoire a une longueur de 




Grand fourneau à gaz oxhydrique où s'est opérée la fusion de 2j0 kilogrammes de plaliuc pour la confection des mètres 

internationaux. 



P",40; il est formé de pierre de Saint-Waast, dont 
la substance est un calcaire à gros grains, contenant 
environ 5 p. 100 de silice. — Quand on veut fondre 
dans les laboratoires une petite quantité de platine, 
à l'aide du chalumeau à gaz oxhydrique, on emploie 
généralement des creusets en chaux vive, qui résis- 
tent à l'action de la haute température produite. 
Mais cette substance ne pourrait se prêter à la con- 
fection d'un creuset d'une grande dimension. MM. II. 
Sainte-Claire Deville et Tresca ont eu recours à la 
pierre calcaire (carbonate de chaux). Sous l'influence 
de la chaleur, la surface du creuset calcaire se dé- 
compose, l'acide carbonique se dégage et abandonne 
la chaux avec laquelle il se trouvait uni. Avec le 
calcaire ordinaire ce dégagement gazeux offre de 



graves inconvénients ; les huiles d'acide carbonique 
traversent le bain de métal en fusion et déterminent 
des boursouflures à sa surface; en outre le lingot 
après refroidissement adhère solidement à la chaux 
avec laquelle il se trouve en contact. Il fallut cher- 
cher une qualité de pierre spéciale; la pierre de 
Saint-Waast, poreuse, légèrement pulvérulente, 
donne de très-bons résultats. Quand le platine e?t 
fondu dans lu cavité creusée dans cette pierre, l'acide 
carbonique ne se dégage que sur les bords de la 
masse liquide, sans la traverser : la décomposition 
du calcaire s'effectue jusqu'à une profondeur de 
tn ,02 environ, de sorte que le métal repose en 

4 Voy. Table des matières de la 2' année, l ,r semestre : /'"a-. 
siott du lingot de la Commission du mètre. 



LA NATURE. 



réalité sur un lit de chaux, d'une, épaisseur assez 
considérable. 

Aux doux extrémités du fourneau, sont deux ouver- 
tures, cylindriques, à travers lesquelles on passait 
successivement les barreaux de platine iridié destinés 
à la fusion. — Quand les sept chalumeaux, repré- 
sentés à la partie supérieure du couvercle qu'ils tra- 
versent, étaient allumés, le platine iridié entrait en 
fusion avec une grande rapidité; de petites ouver- 
tures permettaient de voir intérieurement l'aspect du 
métal fondu. Il était d'un blanc d'urgent éblouis- 
sant, aussi fluide que du mercure, et formait une 
surface réfléchissante comme celle d'un miroir. Par 
les ouvertures latérales, on voyait jaillir de grandes 
flammes très-lumineuses. La température devait 
alors s'élever environ à 2500° centésimaux; c'est à 
peu près le point de fusion du platine 1 . 

Les sept chalumeaux communiquent par des tubes 
du caoutchouc à des réservoirs de gaz de l'éclairage, 
et d'oxygène. — Ces tubes soutenus dans des man- 
chons sont fixés à des robinets réunis sur une sphère 
decuivre comme le repiésente notre ligure. — La con- 
sommation de l'oxygène dans l'expérience du 13 mai 
a été environ de 120 litres par kilogramme de pla- 
tine ; dans des opérations précédentes, on avait été 
généralement obligé d'atteindre le volume de 150 li- 
tres, le résultat récemment obtenu est donc en faveur 
de l'heureuse disposition du bel appareil du Conser- 
vatoire des Arts et Métiers. Gaston Tissaîjdier. 



LÀ TRAITE DES ESCLAVES 

DANS l'aFIUQUE MODERNE. 

On se rappelle sans doute en quels ternies indignés 
Lamennais flétrit l'esclavage dans une allégorie rem- 
plie d'amertume de ses Paroles d'un croyant : « 11 y 
eut autrefois, dit le grand écrivain, un homme méchant 
et maudit du ciel. Et cet homme était fort, et il 
haïssait le travail, de sorte qu'il se dit: Comment 
ferai-je ? si je ne travaille point, je mourrai ; et le 
travail m'est insupportable. Alors il lui entra une 
pensée dans le cœur. 11 s'en alla de nuit, et saisit 
quelques-uns de ses frères pendant qu'ils dormaient 
et les chargea de chaînes. Car, disait-il, je les force- 
rai avec les verges et le fouet à travailler pour moi, et 
je mangerai le fruit de leur travail. Et il fit ce qu'il 
avait pensé, et d'autres, voyant cela, en firent autant, 
et il n'y eut plus de frères; il y eut des maîtres et 
des esclaves. » 

Croirait-on que ce crime épouvantable de la traite 
des hommes, que ce commerce monstrueux, dont 
l'idée seule soulève le cœur d'indignation et de 
dégoût, loin de disparaître dans certaines régions du 
continent africain, s'y étale sans honte, et y prend 

1 L'or fond à 1250°, la fonte de fer â 1250°, le cuivre à 
il(H>% l'argent à 10JO", le plomb à 555°, l'étain à 228°, etc. 



chaque jour une épouvantable proportion. Un Fran- 
çais, M. Bcrlioux, membre de la Société aboli lion- 
nisle anglaise, a récemment publié de l'autre côté du 
détroit un opuscule qui a pour titre : The slave 
tradein Africa m 1872 ; il met en lumière des faits 
révoltants et des tableaux horribles. Il n'est pas inu- 
tile de les envisager, pour montrer l'étendue du mal 
qui s'accomplit à la face des nations civilisées, et que 
celles-ci ne seraient pas impuissantes à détruire si 
elles en prenaient la ferme résolution. 

Ce sont des Européens, de prétendus marchands 
d'ivoire, des aventuriers, véritables bêtes féroces, qui 
sont les principaux entrepreneurs de la traite, et le 
croirait-on ? plusieurs consuls européens ferment les 
yeux sur ce trafic. — D'après M. Berlioux, la traite 
existe actuellement en Afrique sur une superficie de 
pays qui dépasse celle de l'Europe entière. Les nè- 
gres sont pris dans des razzias, soit dans l'Afrique 
centrale, soit dans les vallées du Nil, soit sur les 
côtes de Zanzibar ; ces infortunés, surpris à l'impro- 
yiste, sont enlevés de la patrie, arrachés à leur 
famille, et dirigés sur Tripoli par le Fezzan. Comme 
la traite es-t officiellement prohibée en Turquie, les 
transports se font de nuit; les traitants achètent la 
complicité des autorités ottomanes. Pendant le voyage 
la mortalité dans les caravanes d'esclaves est si terrible, 
« qu'un étranger peut aller du Fezzan au Uournou 
rien qu'en suivant la route indiquée par les sque- 
lettes des malheureux, morts de misère et de froid 1 . » 

Qui pourrait soupçonner l'importance numérique 
de cette hideuse exportation humaine? M. Berlioux 
évalue à 70,000 le nombre des captifs enlevés tous 
les ans de l'Afrique par les enl repreneurs de la traite. 
Pour s'emparer de ces 70,000 hommes, il a fallu en 
tuer, d'après le même auteur, de 350, 000 à 600,000 ï 
Ajoutons que les pays dévastés, les habitations in- 
cendiées, la ruine et la misère sont le funeste com- 
plément de la chasse à l'homme! 

Nous ne suivrons pas M. Berlioux dans les parties 
de son travail où il envisage les origines et les cau- 
ses de la traite des noirs ; nous ne parlerons pas non 
plus des accusations qu'il porte à ce sujet à l'isla- 
misme; nous nous bornons à signaler les faits qu'il 
révèle, et que nous voudrions voir reproduits par 
la presse tout entière. Faisons des vœux pour que 
l'ouvrage de M. Berlioux soit traduit en français, 
pour qu'il soit répandu dans l'Europe entière; c'est 
là un de ces livres qui devraient exercer une grande 
influence sur l'opinion publique, et déterminer même 
une pression efficace sur les gouvernements. On ne 
saurait trop faire pour propager des vérités sembla- 
bles à celles que M. Berlioux étale à nos yeux, et pour 
montrer dans leur horreur ces tristes plaies de l'hu- 
manité. Elles inspirent trop de pitié pour qu'elles 
ne suscitent pas des remèdes ! L. Lhéritier. 

» Compta rendu de l'ouvrage- de M. Berlioux, lu par M. Ilend 
de Scmallé., à 3a séance de la Suciéttî de géographie du 18 juil- 

Ic-t lS7û. 



IA NATURE. 



LES MÉLANGES RÉFRIGÉRANTS 

LEURS EFFETS PHYSIOLOGIQUES. 

Tout corps solide qui devient liquide, tout liquide 
qui devient gazeux absorbe de la chaleur : les mé- 
langes réfrigérants sont tous basés sur un de ces 
deux changements d'efat. Qu'on dissolve dans l'acide 
chlorhydrique du sulfate de soude hydraté, on aura 
un abaissement de température considérable ; en 
effet, l'eau solide contenue dans le sulfate passe 
à l'état liquide au moment où le sulfale, décomposé 
par l'acide chlorhydrique, se métamorphose en chlo- 
rure de sodium qui cristallise sans prendre d'eau de 
cristallisation ; or, l'eau ne peut passer de l'état so- 
lide à l'état liquide sans absorber de la chaleur; elle 
l'emprunte aux corps environnants qui se trouvent 
ainsi singulièrement refroidis. 

L'appareil Carré, qui a joui pendant quelques an- 
nées d'une véritable importance industrielle, est 
basé sur la liquéfaction du gaz ammoniac, puis sur 
le retour de celui-ci à l'état gazeux, et c'est précisé- 
ment au moment de la vaporisation du liquide qu'a 
lieu un refroidissement suffisant pour déterminer la 
formation d'une masse de glace considérable. Au- 
jourd'hui on fait particulièrement usage, dans les 
appareils réfrigérants, de mélanges de glace et 
d'acide sulfurique ; une communication toute ré- 
cente de M. Berthelot à l'Académie des sciences 
(séance du 27 avril 1874) est venue de nouveau 
attirer l'attention sur le refroidissement possible à 
l'aide de ces deux substances. 

On sait qu'on obtient très-aisément dans les labo- 
ratoires, en hiver, des cristaux d'acide sulfurique bi- 
hydratê (S0 5 IIO ■+- 110) , ce sont ces cristaux que 
M. Berthelot emploie, il les mélange avec de la glace 
et il calcule le refroidissement obtenu qui résulte de 
la différence entre la chaleur absorbée : 1° par la 
glace liquéfiée par sa combinaison avec l'acide sul- 
furique; 2° par l'acide sulfurique se liquéfiant égale- 
ment et la chaleur dégagée par la combinaison de 
l'acide sulfurique avec l'eau. En employant 58 gram- 
mes d'acide sulfurique et 155 grammes d'eau , 
M. Berthelot calcule que le refroidissement sera 
de 52'»,6. Si, au lieu de prendre le mélange à la 
température ordinaire, on l'employait déjà refroidi, 
à 20° par exemple, on trouverait un abaissement de 
température de 60° environ, et, par suite, le mé- 
lange atteindrait, à la fin de l'expérience, une tem- 
pérature inférieure à — 80°. — Tels sont au moins 
les nombres que le calcul fournit, mais, en général, 
les résultats d'expérience sont inférieurs à ceux 
qu'il permit de prévoir, et bien que M. Berthelot 
espère que par un emploi plus judicieux des res- 
sources qu'indique la théorie, on doive aller plus 
bas que 100° et. approcher davantage de ce zéro ab- 
solu, que les doctrines actuelles semblent fixer vers 
273°; nous n'y sommes pas encore. 

On sait que ces basses températures agissent très- 



énergiquement sur l'organisme ; s'il est possible de 
conserver dans la main quelques flocons d'acide car- 
bonique solide, qui n'apparaissent qu'autant que la 
température s'abaisse à — 78°, on est sérieuse- 
ment brûlé quand on comprime ces flocons entre les 
doigts; la peau est désorganisée à leur contact 
comme elle le serait par un fer rouge. Toutefois 
l'effet frigorifique produit sur l'organisme varie sin- 
gulièrement, suivant la nature de la substance froide 
qui arrive au contact de la peau ou des muqueuses, 
et un savant chimiste belge, M. Melsens, a l'ait dans 
ces derniers temps de curieuses expériences sur ce 
sujet. 11 les a communiquées, l'été 1 dernier, à l'Aca- 
démie de Belgique, et nous croyons intéressant de 
les résumer ici. — M. Mclsens a remarqué que 1" eau- 
de-vie refroidie à — 20°,6 présente un goût très- 
agréable ; les personnes à qui il en avait fait goûter, 
abaissée ii une température de — 30 à 55° par un 
mélange déglace et de chlorure de calcium, la trou- 
vaient plus douce, plus moelleuse, plus fine que 
l'eati-de-vie prise à la température ordinaire. On 
peut même abaisser davantage encore la température 
des liquides alcooliques, sans qu'ils exercent sur la 
langue aucune action fâcheuse; refroidis à l'iùde 
d'acide carbonique solide, le rhum, le cognac se 
congèlent partiellement, prennent l'aspect de sor- 
bets, et il faut les déguster, comme des glaces, en 
se servant de cuillers en bois, une cuiller en mêlai 
produirait une sensation Irès-désagréable qui pour- 
rait aller jusqu'à la brûlure. 

Quand on laisse ignorer aux personnes à qui on 
fait prendre ces sorbets alcooliques la température 
à laquelle ils se trouvent, il leur est imposible.de 
croire qu'ils viennent de supporter sans inconvénient 
le contact d'une substance portée à une tempéra- 
ture assez basse pour produire l'effet d'une vérita- 
ble brûlure. 

Quand on abaisse la température des liquides 
alcooliques jusqu'à — 60°, les dégustateurs com- 
mencent à éprouver la sensation du froid ; M. Mel- 
sens a expérimenté jusqu'à — 71°; beaucoup de 
ses auditeurs ont pris avec plaisir de gros glaçons de 
rhum amenés h cette température; mais, en général, 
quand la quantité était considérable, l'effet a été 
analogue à celui d'une cuillerée de soupe prise un 
peu chaude. 11 est remarquable que de l'eau-de-vie, 
refroidie à — 71° c, mise sur l' avant-bras, le cau- 
térise légèrement, mais ne brûle pas comme le fait 
la pâte d'éther et d'acide carbonique solide. 

Comment expliquer ces effets curieux? sont-ils 
dus à un phénomène analogue à ceux qu'on observe 
dans la calélàction, et les alcools refroidis restent-ils 
enveloppés d'une certaine quantité de vapeur qui 
empêche leur contact avec les organes, comme une 
goutte d'eau jetée sur un métal porté au rouge ce- 
rise reste suspendue au-dessus de lui sans arriver jus- 
qu'au contact et, par suite, sans se volatiliser immé- 
diatement? cela est probable, mais des études plus 
prolongées que celles qu'a fuites le savant belge sont 
nécessaires pour le démontrer. M. Melsens n'a si- 



s 



LA NATURE. 



gualé, an reste, ces faits qu'à titre de curiosité, et 
l'importance du sujet qu'il traite dans le mémoire 



dont nous avons extrjit les résultats précédents , froidies. 



l'empêche de s'arrêter davantage sur les effets phy- 
siologiques des boissons alcooliques fortement re« 




Observatoire naval des Etats Dnis, à Washington. 



LES OBSERVATOIRES AIX ÉTATS-UNIS 

Les nations jeunes se montrent volontiers géné- 
reuses envers la science et les savants. La Russie se 



vante avec raison de son observatoire de Poulkova ; 
l'Australie en a déjà un, celui de Melbourne, dont 
on commence à parler. Les États-Unis en possèdent 
plusieurs qui sont pourvus des meilleurs appareils 




Observatoire naval dus Etats-Unis. — Coupe du hâtiment principal. 



mode» nés. L'observatoire naval de Washington est une 
création bien récente. Vers 1832, les Américains 
commencèrent à s'occuper du levé hydrographique de 
leurs côtes. Ils sentirent la nécessité d'avoir un dépôt 
central pour les cartes et les instruments. L'officier 



qui en eut la garde fut chargé en outre d'éprouver 
et de régler les chronomètres de la marine. On lui 
permit de faire quelques observations astronomiques. 
En 1842, le lieutenant Gilliss, qui était à la tète du 
dépôt, publia un travail remarquable sur la comète 



LA NATURE. 



d'Enckc. Ceci attira l' attention du Congrès qui se 
décida, sans plus attendre, à fournir les fonds néces- 
saires pour créer un observatoire digne de l'Union 
américaine. Ou 
construisit alors 
l'édifice qui est 
représenté dans 
nos gravures. Le 
lieutenant Gilliss 
put y placer tout 
de suite quelques 
beaux instru- 
ments, et de plus 
une bibliothèque 
astro 110 inique 
due presque en 
entier aux libé- 
rables gracieuses 
«des observatoires 
i!eParis,deGreen- 
wicb, de Vienne 
et de Berlin. 

En 1845, le cé- 
lèbre Maury prit 
la direction de cet 
établissement. 
Quel que soit le 
mérite des études 
météorologiques 
auquel son nom 
reste attaché, l'on 

ne peut s'empêcher de convenir que l'observation 
fies astres fut bien négl ; gée pur lui. 11 y resta seize 




Observatoire naval des Étals-Unis. — Lunette des passages 



ans et n'en sortit, en 1861, que par scrupule de 
conscience, parce qu'il était dévoué de cœur à la 
cause des sécessionistes. Après lui, l'astronomie pro- 
prement dite re- 
■ prit la place qui 
... ' j /, i " I, lui est due. Les 

Américains ont 
fait de rapides 
progrès dans 
cette science; ils 
font de grands 
préparatifs poul- 
ie prochain pas- 
sage de Vénus sur 
le soleil. Le Con- 
grès a déjà volé 
un crédit spécial 
de 150 mille dol- 
lars applicable 
aux dépenses de- 
cette solennité 
scientifique. 

L'observatoire 
de Washington 
est situé sur une 
hauteur qui do- 
mine la ville. La 
coupe du bâti- 
ment principal 
fait voir quelle est 
la disposition in- 
térieure des établissements de ce genre Au centre, un 
immense pilier en maçonnerie supporte l'équatorial- 




Obscrvatoire de Wcst-Point. 



De chaque côté, des piliers semblables supportent les 
cercles muraux et les lunettes des passages. Les 
instruments, bien isolés du plancher sur lequel mar- 



che l'observateur, sont ainsi soustraits aux vibra- 
tions qui nuiraient à l'exactitude des résultats. Une 
autre gravure représente une lunette de passage 



10 



LA NATURE. 



avec tous les engins qui l'accompagnent. Cet appa- 
reil sert, on le sait, à déterminer l'instant précis du 
passage d'un astre au méridien. 

]i existe plusieurs autres observatoires Lien orga- 
nises aux Etats-Unis. Celui de Cincinnati, fondé en 
1843 par l'initiative d'une société savante locale, 
vient d'être reconstruit en 1870 avec tous les per- 
fectionnements de la science actuelle. Celui de Wost- 
Point. qui date de 1839, est une dépendance de l'A- 
cadémie militaire. C'est là que les futurs officiers et 
ingénieurs de l'Union se forment aux opérations dé- 
licates de la géodésie. Un grave danger menace cet 
établissement : une compagnie de chemin de fer a 
obtenu l'autorisation de percer un tunnel à traders 
la colline dont il occupe le sommet. Si ce projet se 
réalise, la locomotive passera juste au-dessous du 
cercle mural. 11 ne !ui restera plus alors qu'à démé- 
nager, car les trépidations du sol ne permettraient 
plus d'y faire des observations exactes. 

Ces détails que nous empruntons au Harper's 
magazine de New-York, montrent que les Améri- 
cains s'occupent séi icu.'cment des recherches scien- 
tifiques. L'astronomie, la météorologie, la physique 
céleste, ne peuvent plus faire de progrès qu'à con- 
dition d'avoir des observateurs habiles et de bons 
instruments en différents pays du globe. Il s'élève 
aussi par cela même une féconde émulation entre les 
savants de diverses contrées. H. Bi.f.rzy. 



LES AXUbDS 

OISEAUX DES ILES ÏÏASCABEIGNES' 

l.Ë MONTE DE L*ILF. M AU MCE 

Le Dronte a acquis depuis plusieurs années une 
réelle célébrité ; la liste des travaux dont il a été 
l'objet occupait déjà, en 1848, près de six pages 
dans l'ouvrage de MM. Strickland et Melville sur 
les oiseaux anciens des îles Mascareignes*. Depuis 
cette époque plusieurs savants et principalement 
MM. Brandt, Newton et Al ph. Mi hic-Edwards, se sont 
occupés du même sujet, et grâce à leurs recherches 
nous connaissons maintenant les principaux points 
de l'ostéologie du Dronte et les affinités de cet oiseau 
bizarre. 

D'après les compilateurs, l'île Maurice aurait été 
découverte en même temps que l'île Bourbon, vers 
1502 ou 1542, par un navigateur portugais nommé 
Pedro Mascaregnas, et aurait été appelée primitive- 
ment Cerne, soit parce qu'on la confondit avec une 
île mentionnée par Pline, soit parce qu'on y trouva 
de gros oiseaux plus Ou moins analogues à des 
Cygnes 5 ; mais ce fait n'est pas suffisamment établi. 

1 Yoy. l 6r semestre 1874, p. 1 13. 

* Strit-kL'iiU et Melville, '[hc Dodo and ils kindred. — 
Londres. 1848.- — Appendix. 

* (U'iimiis, Erolica, p. 101. 



Nous savons en revanche, d'une manière positive, 
qu'en 1598, les Hollandais, sous la conduite de Jacob 
Cornélius Neck ou Van Neck, abordèrent dans cette 
île; que, la trouvant inhabitée, ils en prirent posses- 
sion, et qu'ils changèrent son nom de Cerne en celui 
de Maurice. La relation de ce voyage parut pour la 
première fois à Amsterdam, en 1601, et, la même 
année, De Bry en donna une traduction latine dans 
la cinquième partie de son India orientalis 1 . L'édi- 
tion primitive est accompagnée d'une planche, que 
nous reproduisons à cause de son adorable naïveté, 
et qui représente comment les Hollandais ont tenu 
mesnageen l'isle Maurice; on y voit le minisire Pierre 
Delphois , homme syncere et candide, faisant un 
jiresche fort sévère (u° 11 delà p huche), tandis que 
le maréchal panclie la fei aille et travaille certain 
fer qui fust au navire (n° 9). Quelques hommes 
réparent une barque, tandis que d'autres se livrent 
à la pèche (u° 1"2), et prennent des écrivisses de la 
grandeur d'un pied, qu'Us mengent. Les huttes 
dressées par les matelots (n° 10) sont abritées par 
un Daclier dont les feuilles sont si grandes qu'un 
homme s en pcult garantir contre la pluie sans se 
mouiller (n° 5), et par un arbre sauvage sur lequel 
on a mis un aisselet t orné des armoiries d Hol- 
lande, Zélande et d'Amsterdam, à fin qu'autres 
arrivants audit lieu pour royent veoir que les Hol- 
landais y avoyent esté (u° ti). Dans les airs volent 
une chauve-souris teslue en forme de Marmclot 
(n° 8), et un oiseau nommé Rabot Forcados à cause 
de sa queue en forme d'une force* (n° 4); sur une 
branche est perché un corbeau indien, de triple 
couleur*; sur le sol rampent péniblement des tor- 
tues frustes d'aisles pour nager, de telle grandeur 
qu'elles chargent un g homme (u° 1), et tout à 
côté marche gravement un de ces oiseaux de formes 
massives (u° 2), que les Hollandais nommaient 
oiseaux de nausée, ainsi que l'auteur nous l'apprend 
lui-même dans le texte explicatif ou déclaration de 
ce qui a été veu et trouvé sur l'isle Maurice. « Ces 
oiseaux, dit-il, à l'instar d'une Cigne, ont le cul rond 
couvert de deux ou trois plumettes crespues, carent 
des aisles, mais en lieu d'icelles ont ilz trois ou quatre 
plumettes noires; des susdicts oiseaux avons nous 
prins une certaine quantité, accompagné d'aucunes 
tourterelles et d'autres oiseaux... ; avons cuit cet 
oiseau, estoit si coriace que ne le pouvions assez 
bouillir, mais Tarons mengé à demy cru. » De Bry 
qui traduit presque sans altérations le texte original, 
ajoute que les Hollandais ramenèrent avec eux un de 
ces oiseau de nausée ou Walckvogel, et il en donne 
une figure. Mais ce dessin est évidemment exécuté 

1 L'édilioi> primitive est inliluli'c : Le second Livre, joui- 
nal ou comptoir constituant la vrai discours et narration 
du voyage, faict par les huict navires d' Amsterdam au mois 
de mars l'an 1 51)8, sous la conduiltc de l'admirai Jean Coi" 
neUlï- iW'<7 et du vice- admirai Wihrant dp- Wnrivicq. — 
Amsterdam, 1001. 

4 C'est la ['régala aiptda (Linii.). . . . 

3 Un fitiecros. 



LA NATURE, 



11 



d'après un Casoar, et peut-être même d'après le 
spécimen vivant de celle dernière espèce qui fut 
apporté en Hollande en 1597, aussi nous ne pouvons 
accepter que sous toutes réserves le renseignement 
qui nous est fourni par De Dry, et qui n'est point 
confirmé par le lémoignagne des auteurs contempo- 
rains. Clusius, dans ses Exolica, publiés en lGOo, 
fait également mention du vovage de Van Neck, et 
reproduit une figure du Walckvogel (ou du DoJo) 
extrait, dit-il, d'une édition hollandaise et meilleure à 
tous égards que celle qui accompagne l'édition fran- 
rai-c de 16(11 ; il nous apprend aussi que le Droute 
avait le bec épais et allongé, jaunâtre à lu base, et 
non à la points, avec une bande bleuâtre sur le milieu 
de la mandibule supérieure terminée par un crochet, 
que le corps gros et charnu dans sa partie posté- 
rieure, était couvert de plumes courtes et serrées, 
que les cuisses, fort robustes, étaient garnies jusqu'au 
penou de plumes noires, que les pieds, de couleur 
jaunâtre, avaient trois doigts dirigés en avant et un 
doigt en arrière; il ajoute que ces oiseaux ont dans 
le gésier des pierres qui ont parfois un pouce de ïûrt- 
geur et dont il a pu voir en Hollande plusieurs échan- 
tillons. L'année même où parut la première édition 
du voyage de Van Neck, deux flottes hollandaises, 
commandées l'une par Wolphart llarmansen ou Har- 
mansz, l'autre par Jacob \;m Heemskerk, partirent 
ensemble pour les Indes Orientales, mais ne tardèrent 
pas à se séparer. Les vaisseaux de llarmansen touchè- 
rent à Maurice, mais dans la relation de leur voyage il 
n'est nullement question du Dronte. Au contraire 
Keyer Cornelisz, rjui fit paraître en 1646 un récit 
du voyage de Heemskerk, cite formellement les Wal- 
lichvôgel parmi les oiseaux que Heemskerk et ses 
compagnons purent observer à Maurice, lorsqu'ils s'y 
arrêtèrent quelques semaines en revenant en Hol- 
lande, en 1002. Une mention encore plus expli- 
cite du Dodo se trouve dans les notes recueillies 
par un capitaine de la même expédition, "Willem 
van West Zanen, qui fit à l'île Maurice un séjour 
beaucoup [dus prolongé. « Chaque jour, dit ce 
voyageur, les marins descendaient à terre pour chas- 
ser des oiseaux et d'autre gibier... Ils ne rencon- 
traient pas d'autres quadrupèdes que des chats, 
mais plus tard nos compatriotes introduisirent dans 
cette ile des chèvres et des porcs. Les hérons étaient 
plus farouches que les autres oiseaux et plus diffi- 
ciles à atteindre parce qu'ils cherchaient un refuge 
au milieu des branches serrées des arbres du voisi- 
nage. Les matelots prenaient aussi de ces oiseaux que 
l'on appelle Dod-arrsen ou Dronten, et qui, lorsque 
Jacob van Neck était ici, portaient le nom Wallick- 
Vôgel, parce que, même après avoir subi une longue 
cuisson, leur chair, à l'exception de la poitrine 
et du croupion qui étaient fort bous à manger, 
lestait très-dure et très-coriace, et aussi parce que les 
hommes de l'équipage, se procurant en abondance 
des Cburterelles, s'étaient dégoûtés de la viande de 
Dodo... Ces oiseaux ont une grosse tète, ornée d'une 
sorte de chaperon, ils n'ont ni ailes ni queue et 



portent seulement de petits ailerons sur les côtés 
du corps et quatre ou cinq plumes plus élevées que 
les autres, au-de>sus du croupion. Ils ont un bec et 
des pieds, et leur estomac renferme ordinairement une 
pierre de la grosseur du poing... Le 'J5 juillet, Wil- 
lem et ses matelots rapportèrent quelques Dodos qui 
étaient fort gros ; trois ou quatre de ces oiseaux suffi- 
rent amplement au refias de l'équipage; il y eut même 
des restes. » La planche grossière qui accompagne 
cette relation et qui est destinée à représenter une 
chasse aux Dodos n'offre pour nous aucun intérêt, 
car Parlote, n'ayant pas de Dodos sous les yeux, a 
pris des Pingouins pour modèles; mais il importe de 
remarquer que dans ce récit nous trouvons au lieu 
du nom de Wallick- Vôgel (oiseaux de nausée) ceux 
de Dodaarsen et de Dronlen employés comme syno- 
nymes. Ces noms se remontrent également dans le 
voyage de Matelief qui a été écrit en 1UQ6 et dans 
celui de Van derllageu, daté de 1607; mais comme 
ces deux ouvrages n'ontpiiu qu'en 1 640, c'est-à-dire 
presque à la même époque que la relation de Willem 
van West Zunen, il est assez difficile de dire à quelle 
date précise ces nouvelles appellations sont entrées 
dans l'usage, H est vrai qu'en 1015, dans le voyage 
de Yerhul'fen, les oiseaux dont nous nous occupons 
sont déjà désignés sous le nom de Tolerslen, qui est 
sans doute une forme corrompue de Dodars. Ce der- 
nier mot parait lui-même dérivé du hollandais Do- 
door (fainéant) et no vient probablement pas, comme 
le cr»yait sir Thomas Herbert, du portugais Doudo 
(idiot), car les navigateurs portugais n'ont jamais 
fait mention du Dronte, et après avoir découvert l'île 
Maurice sont restés fort longtemps sans revenir dans 
les mêmes parages. 

En 1005, Chisius vit dans la maison de Pauwius, 
professeur à Leydc, une patte de Dodo dont il nous 
a laissé la description; le tarse avait, dit-il, un peu 
plus de quatre pouces de long et près de quatre pou- 
ces de circonférence; il était couvert d'écaillés jau- 
nâtres, serrées et larges en avant, plus petites et de 
couleur plus foncée sur la région postérieure; le 
doigt médian mesurait jusqu'à l'ongle un peu [dus 
de deux pouces, les deux doigts littéraux étaient plus 
courts et le doigt postérieur n'avait qu'un pouce et 
demi; les ongles étaient épais, de couleur noire, et 
celui du doigt postérieur atteignait plus d'un pouce. 
Malheureusement on n'a pas retrouvé la moindre 
trace de ce spécimen; M. deBlainville l'a vainement 
cherché dans les musées de Leyde et d'Amsterdam, 
et il ne figure même pas dans les anciens catalogues 
des objets curieux conservés dans ces deux villes. 

Un an plus tard, Cornélius Matelief, cet amiral 
hollandais auquel nous avons déjà fait allusion, arriva 
dans l'île Maurice et y trouva une grande abondance 
d'oiseaux de toute espèce et entre autres des Drontes 
ou Dodarses, dont il donne une description presque 
identique à celle de van West Zanen 1 . lin 1607 deux 
autres navires visitèrent la même contrée, et « pen- 

1 Recueil des voiages de la Comp. des Indes or., I. Ht, 
p. 21*. • • 



12 



LA NAITRE. 



dant tout le temps qu'on fut là on vécut de tortues, 
dedodarses, de pigeons, de tourterelles, de perroquets 
gris et d'autre chasses qu'on alloit prendre avec les 
mains dans les bois... La chair des tortues terres- 
tres étoit d'un fort bon goût, on en sala et l'on en fît 
fumer, dont on se trouva fort bien, de même que des 
dodarses qu'on sala 1 . » Les Dodos servirent égale- 
ment à. nourrir l'équipage de P.-W. Verltuffen, qui 
toucha à l'île Maurice en 16 H, et d'après le témoi- 
gnage de ce voyageur, firent plusieurs fois, avec leur 
bec robuste, de graves blessures aux matelots qui 
cherchaient à s'en emparer 2 . Le journal de Pieler 
van dvii Brocke 3 ne parle pas du Dronte, mais il ren- 
ferme une figure de cet oiseau qui a dû être exécutée 
d'après nature, sans doute pendant le séjour que ce 
navigateur fit à l'île Maurice, du 19 aviil au 25 mai 
1017. 




Le Uronlc, d'après sir l'crliert. (t'ac-simile.) 

Comme on le voit, lis Hollandais vouaient pour 
ainsi dire chaque année dans ces parages ; néanmoins 
ils n'y avaient point établi de colonie, car en 1(>'27, 
sir Thomas Herbert trouva l'île encore sans habitants. 
Cet auteur a publié plusieurs relations de ses voyages, 
avec de légères variantes, et il nous a donné du Dodo, 
outre un dessin naïf que nous reproduirons ici, une 




La Poule rouge, d'après su Herbert. (Fac-similé ) 

description assez longue mais qui n'ajoute pas grand 
chose aux renseignements fournis par van Neck et 
les premiers voyageurs hollandais. Il figure égale- 

1 lbid.,\>. 195 et 199, et Prévost, Recueil des voiages. — 
Houeo, 1725, t. V, p. 24(5. 

8 Voy. aussi De Dry, Ind. orient., t. IX, suppl , p. 22. 

8 XXV jaarige Rcyse -Beschryving naer Africa en Osl 
Indien. — Lewardcn, 1711. 



ment un oiseau au bec allongé qui paraît être la 
poule rouge au bec de bécasse qui a été vue par Fran- 
çois Cauche et sur laquelle nous aurons à revenir 
dans un prochain article. Mais puisque nous parlons 
de François Cauche nous ne devons pas oublier de 
rappeler que ce voyageur dans ses Relations véritables 
et curieuses de l'île de Madagascar, fait évidemment 
allusion au Dodo lorsqu'il dit : 

k J'ai veu dans l'isle Maurice des oiseaux pins gros 
qu'un cygne 1 , sans plumes par le corps, qui est cou- 
vert d'un duvet noir, il aie cul tout rond, le croupion 
orné de plumes crespucs, autant en nombre que 
chaque oiseau a d'années, au lieu d'aisles ils ont pa- 
reilles plumes que ces dernières, noires et recourbées, 
ils sont sans langues, le bec gros, se courbant un 
peu par dessous, hauts de jambes, qui sont escaillées, 
n'ayant que trois ergots à chaque pied. Il a un crv 
comme l'oison, il n'est pas du tout si savoureux à 
manger que les fouques et feignes*, desquelles nous 
vous venons de parler. Ils ne font qu'un œuf, blanc, 
gros comme un pain d'un sol, contre lequel ils met- 
tent une pierre blanche de la grosseur d'un œuf de 
poule. Ils pondent sur de l'herbe qu'ils amassent, et 
font leurs nids dans les forests; si ou tue le petit, ou 
trouve une pierre grise dans son gésier. Nous les 
appelions oiseaux de Nazaret. La graisse est excellente 
pour adoucir les muscles et les nerfs s . » Comme le fait 
remarquer avec raison M. Slriekland, dans son excel- 
lent mémoire sur les anciens oiseaux des îles Masca- 
roignes, François Cauche, ainsi que plusieurs de ses 
prédécesseurs, a introduit dans le portait du Dronte 
certains traits qui appartiennent en réalité au Cnsoar ; 
il donne par exemple à son oiseau de Nazareth des 
pattes allongées terminées par trois ergots seulement, 
c'est-à-dire par trois doigts, et il suppose qu'il est 
privé de langue, caractère que la superstition popu- 
laire assignait alors au Casoar; mais le passage que 
nous venons de citer n'en est pas moins précieux, 
car il nous donne d'une manière très-approchée les 
dimensions des œufs du Dodo. En effet dans un autre 
endroit de son livre, François Cauche compare égale- 
ment, pour la grosseur, à un pain d'un sol, les œufs 
du Pélican onocrotalc. 

Un autre témoignage, bien plus important encore 
que celui de Cauche, se trouve relaté dans l'ouvrage 
de M. Strickland. Dans un manuscrit conservé au 
Britsh Muséum, sir Hamon Lestrange, en parlant de 
l'Autruche, raconte le fait suivant : 

« En 1638, me promenant avec quelques amis 

dans les rues de Londres, je vis sur la toile * la 

peinture d'un oiseau de forme étrange. Poussé par 
la curiosité j'entrai dans la chambre avec deux ou 
trois de mes compagnons, et nous vîmes un oiseau 
un peu plus fort qu'un gros Dindon, avec les pattes 

1 On lit en noie : a La figure de cet oiseau est dans la 
Deuxième navigation des Hollandois aux Indes orientales, 
en la 2!) c diéede l'an 1593. Ils l'appellent de nausée. * 

* Flamants et canards. 

5 Relations véritables et curieuses, p. 130. 

* Il y a ici une lacune dans le manuscrit. 



14 



LA NATURE. 



et ics doigts conformes tic la mémo façon» mais plus 
vigoureux, plus robuste, et plus droit; la partie an- 
térieure de son corps ressemblait, par la coloration, 
à la poitrine d'un jeune faisan, et le dos était d'une 
teinte plus foncée. Le gardien appelait cet oiseau 
un Dodo, et, en notre présence il lui donna à manger 
plusieurs cailloux, aussi gros que des noix de mus- 
cade, dont il y avait un grand tas dans un coin delà 
cheminée; l'oiseau, nous dit-il, avalait ces pierres 
pour aider à sa digestion, mais il est probable qu'il 
les rejetait ensuite, quoique je ne me rappelle pas si 
nous avons suffisamment interrogé le gardien à cet 
égard. » La présent e d'un oiseau aussi bizarre devait 
évidemment attirer l'attention, au*si M. Stricklnnd 
espérait retrouver dans les auteurs contemporains 
quelque passage confirmant le témoignage de sir Ila- 
mon Lestrange, qui semble d'ailleurs fort explicite; 
mais les ouvrages de cette époque traitent plutôt de 
questions politiques que de sujets d'histoire natu- 
relle, et M. Slrickland, malgré tous ses efforts, n'a 
pu y découvrir une seule ligne relative au Dodo. 

E. Oustali:t. 
— La suite prochainement. — 



CHRONIQUE 

Le -vent et les orties. — M. G. Nandina eu l'orcaeion 
de faire une très-curieuse observation que nous nous empres- 
sons de communiquer à nos lecteurs. Il existe près fie la 
petite ville de llioure une vigoureuse végétation d'orties 
griècbes (Urtica urens), qui occasionnent de vives brûlu- 
res aux mains imprudentes qui les touchent. Le 12 février 
dernier, un violent vent sud souffla dans le pays pendant 
vingt-quatre heures, et abattit par milliers des oranges qui 
pendaient aux arbres du voisinage. Un grand nombre de 
ces fruits étaient lombes pèle-mclc dans le champ d'orties, 
où l'on se mit en devoir de les ramasser. Quelle ne l'ut la 
surprise des travailleurs quand ils s'aperçurent que les or- 
ties qui, la veille encore, produisaient d'intolérables piqûres, 
pouvaient être aussi impunément touchées et maniées que 
de simples laitues. Elles ne laissaient pas la moindre cuis- 
son, même sur le dos de la main, oîi la peau est plus fine 
et plus sensible qu'à l'autre; face. Cependant filles avaient 
conservé tous leurs aiguillons et leur aspect était le même 
que les jours précédents. Les aiguillons examinés à une 
forte loupe ne présentaient, non plus, aucun changement 
appréciable. Comrmnt lèvent aura-t-il pu déterminer dans 
les propriétés des orties une métamorphose si extraordi- 
naire? M. Kaudin hasarde une explication. Le venin de 
l'ortie grièche et peut-être des autres espèces serait doué, 
d'après ce savant botaniste, d'une certaine volatilité. Par 
un air calme ou peu agité sa transsudation à travers l'épi— 
derme et les cellules des poils serait lente et compensée 
au fur et à mesure par une nouvelle production de venin. 
Par un grand vent au contraire, l'exhalation du venin se- 
rait très-activêe et elle pourrait aller jusqu'à épuisement 
total de la quantité emmagasinée dans la plante. Ce qui 
semble donner du poids à cette explication, c'est que les 
orties dont il a été précédemment question commentaient 
ï recouvrer leurs propriétés urticanles huit jouis après le 
'.oup de vent qui les avait rendues inoffensives. 11 nous 



semble, ajouterons-nous, quo l'on pourrait étudier expéri- 
mentalement un fait aussi curieux, en soumettant une or- 
tie à un courant d'air artificiel. 

Moyen de se préserver de la rage. — L'est un 

vétérinaire émérite de Paris, M. Bourrcl, qui l'a trouvé à la 
suite d'observations nombreuses et d'expériences que nous 
qualifierons d'audacieuses. M. Bourrcl s'est inspiré de ce 
fait que la morsure des herbivores enragés est bien moins 
dangereuse au point de vue de l'inoculation que celle, des 
carnivores. Pourquoi? Parce que les dents à couronnes 
plates des herbivores écrasent et meurtrissent les tissus, 
sans y pénétrer, tandis que les dents pointues des carni- 
vores y produisent de véritables piqûres qui font jaillir le 
sang. M. Bnurrel a pris trois chiens atteints de rage, et il a 
pratiqué, sur ces sujets dangereux, l'opération de l'émousse- 
ment des dents. Cela fait, six (.biens d'expérience ont été livrés 
aux trois enragés qui les ont mordus avec fureur, mais sans 
que la peau soit entamée. M. Bourrcl, non content de cette 
première observation, a osé livrer sa main revêtue d'un 
gant à l'un des chiens enragés dont il vient d'être ques- 
tion, Lorsque la bête lâcha prise le gant était intact, la 
morsure n'avait produit qu'une forte pression. Il suffirait 
doned'émousser les dents des chiens pour être à l'abri de^ 
terribles dangers de la rase. Mais n'est-ce pas une opéra- 
tion barbare que celle qui consiste à entamer par le ciseau 
et par la lime les belles mâchoires des chiens de prix? 

Un mariage a l'électricité aux Ktats-IJnis. — 

Le 16 avril dernier le, révérend W. C. Pralt qui cumule 
les deux fonctions de ministre protestant et d'employé d'une 
compagnie télégraphique, a eu l'idée extraordinaire d'em- 
ployer le télégraphe électrique pour célébrer un mariage. Le 
ministre se tenait à la station de Bonaparte, petite ville d'Iowa. 
Les deux conjoints, M. John Sullivan et mademoiselle Francis 
Goodwan, s'étaient rendus à la station de Keokuk, apparte- 
nant à la même compagnie. Au moment indiqué par le mi- 
nistre les deux conjoints joignirent les mains et prononcè- 
rent le oui sacramentel. Le ministre célébrant en fut averti 
par télégramme et transmit parla même voie la bénédiction 
finale. Les deux époux reçurent immédiatement des félici- 
tations expédiées télé^raphiquement de toutes les stations 
de la ligne. Il est douteux que la cour des Divorces, si 
elle était appelée à se prononcer sur le cas nouveau, con- 
si léràt l'union comme valable. En France, une pareille 
comédie électrique ne pourrait avoir lieu, mais nous 
avons cru devoir la citer pour montrer, par cet excès 
même, jusqu'à quel point l'électricité pénètre dans tous 
les détails de la vie américaine. 

Danger de 1 emploi de la grenaille de plomb 

pour rincer les bouteilles. — Dans une note présen- 
tée à l'Académie des sciences, j'ai démontré que la gre- 
naille de plomb employée pour rincer les bouteilles laisse 
dans celles-ci, adhérant à la surface interne, du carbonate 
de plomb que les lavages n'enlèvent pas, et qui se dissout 
dans les liquides alimentaires ou médicamenteux que l'on 
y introduit; delà des boissons plombifèrcs plus ou moins 
nuisibles. On rencontre assez fréquemment, dans les bou- 
teilles de vin, des grains de plomb oubliés, qu'on ne dé- 
couvre souvent que lorsqu'on arrive à la fin de la bouteille; 
les personnes qui en ont bu en sont quelquefois légère- 
ment indisposées. La quantité de plomb introduite acci- 
dentellement dans le vin peut être notablement augmentée 
si avant de descendre à la cave les bouteilles rincées avec 
du plomb, on ne prend pas la précaution de n'y laisser au- 
cune grenaille — J'ai cherché le moyen de remplacer la 
grenaille de plomb. J'ai fait couper des lils rie fer en petits 



LA NATURE. 



15 



Louis de 4 à 5 millimètres eii prenant des fils de différents 
numéros... J'ai employé pour les bouteilles une grenaille 
fournie par les numéros 20 et 22. La grenaille de fer est, 
je ne dirai pas égale, mais supérieure à la grenaille de 
plomb, comme moyen de rinçage. La grenaille de fer est 
d'un emploi facile et produit un nettoyage rapide et par- 
fait. Elle est attaquée par l'oxygène de l'air pendant le rin- 
cage ; mais le composé ferrugineux ne s'attache pas aux 
parois des bouteilles, et il est facilement entraîné par les 
eaux de lavage. Un pou de fer oxydé ne présente d'ailleurs 
aucun inconvénient pour la santé. Fordos. 



Tissandier. — Brochure in-8% se trouve au Cercle do la 
librairie, 1 rue Bonaparte, à Paris. 



ACADÉMIE DES SCIENCES 



tes criquet» dévastateurs. — Les journaux algé- 
riens annoncent qu'un vol de criquets, vulgairement ap- 
pelés sauterelles, est tombé dans un des déblais du chemin 
ilefcrd'Oran.et que la locomotive en a fait un grand ravage. 
lu train aurait été mis en retard de plusieurs heures. Ce 
singulier incident n'a rien de surprenant, car l'on sait qui; 
l'on se sert d'un fossé pour arrêter les criquets et qu'une 
t'ois tombés dans le fond de la tranchée ils sont perdus 
si on les recouvre rapidement de terre. 11 faut aussi y 
ajouter de la chaux vive pour empêcher la putréfaction de 
se dégager de leurs cadavres. Le général Chanzy a publié 
à ce propos des instructions singulièrement opportunes 
pour engager les colons à détruire les œufs de sauterelles 
et à employer, pour arrêter leurs phalanges, un système 
inventé par un colon cypriote. Il consiste à présenter dans 
la direction qu'ils suivent un couloir formé par deux 
murs de toile, hauts de 70 centimètres et longs de 100 
mètres. Ces insectes sont si mauvais voiliers qu'il est im- 
possible pour eux de franchir un obstacle qui parait devoir 
être aussi insignifiant. Nous renvoyons du reste le lecteur à 
l'excellente étude que M. Maurice Girard a publiée dans la 
Nature*. L'apparition des criquets est toujours accompa- 
gnée de vents chauds sans lesquels ils ne pourraient par- 
courir de grands espaces. Elle est généralement plus tardive 
que cette année. Il semble donc que nous devions nous 
attendre à de précoces chaleurs, car les vents du désert ne 
peuvent régner longtemps en Algérie sans franchir la Mé- 
diterranée et passer en Fiance. 

I-a mortalité a Londres. — La tendance de la 
mortalité moyenne est tou,ours de décroître à Londres. 
Dans la première semaine de mai elle est tombée à 19 sur 
52,000 par année, et dans les quartiers riches jusqu'à 17. 
Si ce taux se maintenait, la durée de la vie moyenne se- 
rait de 2,747 semaines, et dans les quartiers riches elle 
s'élèverait jusqu'à 3,058 semaines, ce qui ne fait pas loin 
de 60 ans. Dans les quartiers pauvres la mortalité s'élève 
jusqu'à 21. On constate, d'une ville à l'autre, des différen- 
ces encore plus grandes ; ainsi à Madras, pendant la même 
période, la mortalité était de 44 par 82,0110. 

BIBLIOGRAPHIE 

Denis Papin, sa vie et son œuvre, par le baron Ernouf. 
— 1 vol. in-18. Paris, Hachette et C, 1874. 

Traité de chimie générale, par À. Càholrs. Chimie orga- 
nique. — 3 8 édition, tome premier. Paris, Gauthiers- 
Villars, 1874. 

L'héliogravure, son histoire et ses procédés, ses applica- 
tions à l'imprimerie et à la librairie. Conférence faite 
au cercle de la librairie le 24 avril 1874, par Gastoh 

• oy. 'fable de la première année : les Criqurts dévasta- 
teurs. 



Séance du 1" juin 1874. — Présidence de M. Hkutiiand. 

Le lingot de platine. — Ce qui frappe tout d'abord en 
entrant dans la salle, c 1 estla vue du magnifique lingot de 
250 kilogrammes, dont la production a été annoncée déjà 
dans l'avant-dernîer numéro de la Nature. M. le général 
Morin le présente à l'Académie avec beaucoup dt détails, 
sur lesquels nous n'avons pas à revenir, après la publica- 
tion qui vient d'être rappelée. Disons seulement que le 
lingot a 1",140 de longueur, m ,178 de largeur et ra ,080 
d'épaisseur; parle laminage il doit acquérir une longueur 
77 fois égale à celle qu'il présente aujourd'hui. 

M. Henri Sainte-Claire Deville qui, comme nos lecteurs 
le savent, a été chargé avec M. Debray de toutes les mani- 
pulations préliminaires, a rencontré beaucoup de difii- 
cultés pour préparer les 25 kilogrammes d'iridium néces- 
saires à l'opération. Cette préparation a donné lieu à 
l'isolement de plus de 8 kilogrammes d'osmium, que l'au- 
teur présente aujourd'hui sous la forme d'une poudre noi- 
râtre. L'osmium, qui est le plus dense des métaux et dont 
M. Fremy a fait l'objet de belles études devenues classiques, 
est susceptible par simple oxydation de se convertir dans 
une des substances les plus toxiques que Ton connaisse. 
Cette substance, l'acide osmique, a fait sentir ses effets 
sur les rares chimistes qui se sont occupés d'elle, et, chose 
curieuse, elle semble agir différemment sur les différents 
individus. Ainsi, M. Débraya élé surtout attaqué aux yeux 
et un peu à la gorge, tandis que le directeur des ateliers 
de chimie, M. Clément, a contracté une maladie de peau 
toute spéciale, à laquelle, dit M. Deville, il a fini par s'ac- 
coutumer. Quant à M. Deville, il a été atteint d'accès 
d'asthme qui furent extrêmement pénibles. Dans la pen- 
sée de l'auteur, la physiologie retirerait certainement de 
précieux enseignements de l'étude de ce nouveau poison. 
« Avec la quantité d'osmium que voici, dit-il à peu près, 
je puis faire 10 kilogrammes d'acide osmique; et certes 
il y aurait là de quoi empoi-onner toute la terre. » — « El 
même l'Académie, » ajoute M. Le Verrier. [Sensation 
prolongée dans l'auditoire.) 

Les matières grasses de la fonte. — On se rappelle la 
communication faite lundi dernier par M. Boussingaull au 
sujet du fer et de l'acier. Après comme avant ce travail, 
il reste à savoir l'état du carbone dans ses combinaisons 
métalliques. Toutefois M. Cloez, dans un mémoire que 
M. Chevreul présente aujourd hui avec les plus grands 
éloges, a commencé à résoudre ce problème si important. 
Une très-ancienne expérience de Proust a montré que 
des matières grasses peuvent être extraites de la fonte, 
lorsqu'on dissout celle-ci dans certains acides. M. Cloez 
a séparé ces matières à l'état de pureté, et leur analyse lui 
a révélé ce fait intéressant quelles consistent en carbures 
d'hvdrogène de la série C^U*", et en offrent tous les 
termes, au moins depuis C 6 1I 6 ' (propylène) jusqu'à C ,6 il 18 . 
C'est, comme on voit, une véritable synthèse organique 
réalisée à l'aide de substances purement minérales et 
susceptibles par conséquent d'applications extrêmement 
importantes à la fois pour la pratique et pour la théorie. 
Les êtres des temps primaires. — M. le professeur Al- 
bert Gaudry publie le résumé du cours de paléontologie 
qu'il a donné l'an passé au Muséum, Ce cours est relatif à 
la paléontologie de, l'époque primaire. « Ala fin des temps 



1G 



LA NATURE. 



primaires, dit M. Gaudry, la nature organique avait fait 
bien des progrès, et cependant elle était loin d'avoir atteint 
son apogée. : les forêts avaient de riches feuillages, mais il 
n'y avait pas de végétaux et fleurs ; par conséquent les 
campagnes n'étaient point hnllantcsde couleurs et parfu- 
inées comme sont les campagnes d'aujourd'hui; les reptiles 
étaient Lien moins puissants et moins variés qu'à l'époque 
secondaire. On n'entendait point les chants des oiseaux, 
les cris des mammifères ; ces animaux étant ceux qui pa- 
raissent aimer davantage leurs petits, on peut dire que 
l'instinct de l'amour maternel n'avait pas encore ses ma- 
nifestations, qui sont un des grands charmes de la nature 
actuelle. » 

En terminant, M. Gaudry se pose cette question ardue-: 
Quelle lumière l'histoire des êtres primaires jelte-t-elle sur 
les procédés que le Créateur a employés pour développer et 
renouveler la vie dans le monde ? Et il fait la réponse sui- 
vante, remarquable à la fois par sa hardiesse et par sa sa- 
gesse : « Si nous voulons juger les choses avec l'impartia- 
lité qui convient à des hommes désireux d'atteindre le plus 



près possible de la vérité, il faut, je crois, faire deux parts 
dans les remarques du cours de l'année dernière. D'un 
côté nous avons observé un grand nombre de faits qui sem- 
blent favorables à la doctrine de l'évolution : à l'époque 
silurienne la nature a été plus riche qu'à l'époque cam- 
brienne ; l'époque devonienne, avec ses poissons, marque 
un progrès sur l'époque silurienne ; l'époque carbonifère 
avec ses reptiles indique un progrès nouveau, et à son tour 
elle sera surpassée par l'époque du trias. En outre, quand 
on sort des éludes générales pour aborder les détails des 
genres et des espèces, on rencontre de nombreux indices 
de filiation. D'un autre côté il faut reconnaître qu'un cer- 
tain nombre de plantes, de mollusques, d'articulés, de 
poissons, de reptiles semblent, à leur début, plus élevés 
qu'on ne devrait s'y attendre s'ils sont résultés d'une évo- 
lution. Il reste à savoir si ces apparences ne proviennent 
pas de l'imperfection de nos connaissances. Nous en avons 
encore beaucoup à apprendre avant d'avoir la puissance de 
bien saisir les harmonies du plan qui a présidé au dévelop- 
pement de la vie. » Stanislas Meunii:ii. 




Cynips et galles des feuilles du chêne. 



CYNIPS ET GALLES 

DES FEUILLES DU CHÊNE. 

La plupart des espèces végétales ont leurs parasites 
et leurs ennemis; si la vigne est dévorée par le phyl- 
loxéra, la pomme de terre par une mouche spéciale, 
les feuilles de chêne sont sans cesse attaquées par les 
cynips. Il n'est pas inutile de faire connaître ces 
petits malfaiteurs qui, par leur nombre, deviennent 
de redoutables fléaux, contre lesquels, hélas ! la puis- 
sance de l'homme, de la science et de l'industrie 
tout entière s'acharne en vain ! Les cynips sont de 
petits héminoptères qui exercent de grands ravages 
dans nos climats, ils piquent les végétaux et autour 
de l'œuf croît une excroissance ou galle, qui se déve- 
loppe sous l'influence d'un afflux de sève. Au, centre 
de cette galle, une certaine quantité de fluide se pro- 
duit, et sert à subvenir à l'existence des larves : la 



fécule se métamorphose bientôt en matière grasse et 
alimente la nymphe. Quand l'adulte est formé, il 
perce d'un trou circulaire la demeure où il est né, et 
prend sa place au soleil. 

Aucun arbre plus que le chêne ne se couvre de 
galles : nous représentons la forme et l'aspect de 
celles-ci à côté de deux cynips que l'os aperçoit sur 
une feuille endommagée parles parasites. Les cynips 
ont une taille variable, ceux du chêne ont la dimen- 
sion d'une petite mouche, mais contrairement à la 
mouche commune qui, comme tout le monde le sait, 
n'a que deux ailes, ils en ont quatre. Dans certaines 
régions comme la Syrie, les cynips produisent sur les 
chênes une galle spéciale, connue sous le nom de 
noix de galles; celles-ci, fort riches en tannin, sont 
employées en teinture et dans la fabrication de l'encre. 

Le Propriétaire-Gérant : G. Tissandier. 



— Coude ii. - Typ. et stér. de Cuiiô. 



K* 54. — 15 JUIN 18 74. 



LA NATURE. 



17 



LE CANAL DU GANGE 

POST-CANAL DE 1K VAf,LF.E I>U SOI.AJÎI, 

La famine oui désole l'Inde donne une triste ac- 
tualité aux questions qui se rapportent à ce pays, 
encore mal connu des Français et qui présente à di- 
vers égards de nombreux sujets d'étude : les travaux 
publics qui ont été exécutés par les Anglais sont con- 
sidérables; routes, canaux, chemins de fer, relevés 
geodésiques, tout a été entrepris par eux sur une 
grande échelle, et il semble, bien que cela soit nié par 



quelques personnes, qu'ils ont atteint, au moins en 
partie, le but qu'ils se proposaient en exécutant ces 
travaux. Un Français, M. Lamairesse, ingénieur en 
chef des ponts et chaussées, qui a passé plusieurs 
années dans l'Inde, a publié, dans les Annales des 
ponts et chaussées, une série d'intéressants mémoires 
sur les travaux d'irrigation terminés ou en cours 
d'exécution dans l'Inde. Parmi les ouvrages impor- 
tants qui ont été construits, nous avons remarqué 
spécialement le pont-canal du Solani, dont M. Lamai- 
resse possédait précisément un croquis représentant 
la vue générale ; il nous a semblé que quelques indi- 




Le çrnrd pint-canal du Solani dans les Indes anglaises. 



cations sur ce pont, que nous croyons sans pareil, 
pourraient intéresser nos lecteurs. 

L'irrigation des terres est, dans l'Inde, une condi- 
tion indispensable de la culture; aussi plusieurs sys- 
tèmes de canaux destinés à l'arrosage ont-ils été éta- 
blis. L'un des plus considérables est le canal du 
Gange : ce canal commence à Hurdwar, point où le 
débit du tleuve dépasse 200 mètres cubes à l'étiage; 
à l'aide d'un barrage établi en travers du fleuve, on 
peut s'assurer, pour le canal, d'un débit de 150 mè- 
tres cubes au moins; ce canal se développe jusqu'à 
Nanoon, sur une longueur d'environ 280 kilomètres; 
il se divise alors en deux branches : la première abou- 
tit à Cawnpoor, après un trajet à peu près égal, et 
les eaux qui n'ont pas été employées en irrigation 

î* «Dniir, — i" semestre 



retournent au Gange; la deuxième branche, aussi de 
même longueur, se termine à Eltawah, et les eaux 
tombent à la Jumna. 

Ce canal complexe sert également à la navigation, 
et cette condition a augmenté les difficultés qui étaient 
inhérentes au projet même : il fallait, en effet, traver- 
ser les vallées qui aboutissent soità la vallée du Gange, 
soit à celle de la Jumna; les torrents qui coulent 
dans ces vallées durent être modifiés dans leur cours, 
quelques-uns furent abaissés par la création de chutes 
artificielles et passent par-dessous le canal, qui coule 
au niveau du sol ; dans d'autres cas, on eut recours à 
une solution plus originale, et l'on établit un passage 
à niveau du torrent à travers le canal; les difficul- 
tés étaient nombreuses et les movens devaient varier 



18 



LA NATURE. 



à chaque nouvel ouvrage. La traversée de la vallée du 
Soluni, par exemple, ne pouvait être effectuée ni par 
l'un, ni par l'autre des moyens que nous venons 
d'indiquer : sa largeur atteint 4,500 mètres environ, 
et le niveau de l'eau, dans le canal, est à 15 mètres 
au-dessus du fond de la vallée. On prit le parti d'é- 
tablir de chaque côté de celte vallée de vastes rem- 
blais, au sommet desquels coulerait le canal, ces 
deux remblais étant réunis par un pont-canal, placé 
au point où coule le torrent et où la profondeur de 
la vallée est la plus grande. Ces remblais, dont on 
voit les extrémités sur le dessin, ont respectivement 
des longueurs de 5,500 mètres et de 800 mètres en- 
viron ; de solides maçonneries voûtées intérieurement 
forment les parois latérales du canal dans ce remblai ; 
de la terre, prise dans destrancliées voisines, forme 
le fond du canal, qui est ainsi amené au niveau voulu, 
et des masses considérables déterre, placées extérieu- 
rement et limitées à un talus peu incliné, conlre-bu- 
tent ces maçonneries. Le lit du canal a une largeur 
de 15 mètres au plafond; de chaque côté, une route 
de 9 mètres de largeur règne dans toute l'étendue du 
remblai. 

Le pont-canal a une longeur de 340 mètres, il est 
composé de 15 arches de 15"',25 de portée, en arcs 
de cercle; il se termine par des murs en aile, à pare- 
ments rustiques, présentant eu plan la forme d'un 
quart de cercle et supportant une ligne de ghats ou 
marches de grande dimension. Des lions gigantes- 
ques, reposant sur des piédestaux à l'entrée du pont, 
contribuent à donner à l'œuvre un aspect architec- 
tural plein de simplicité et de grandeur. La largeur 
du pont est considérable; elle dépasse 50 mètres : 
elle comprend de chaque côté une banquette de 5 mè- 
tres, garnie d'une balustrade en fer, et au centre 
le lit du canal. Ce lit présente une disposition très- 
particulière : il est divisé dans toute sa longueur par 
un mur placé suivant l'axe du pont, de telle sorte que, 
en cas de réparation, on pourrait vider la moitié du 
canal et assurer le service de la navigation et de l'irri- 
gation par l'autre moitié. 

ISous ne pouvons entrer dans les détails de cons- 
truction de cet ouvrage, nous dirons seulement que 
les piles furent fondées sur des blocs de maçonnerie 
de grande dimension : l'une des culées ayant été éta- 
blie, on construisit les piles et les arcs en 8 séries 
successives, dont chacune comprenait trois arches, 
mais sur la moitié de la largeur du pont seulement; 
les arches qui confinaient à celles que l'on construi- 
sait étaient murées et remplies de sable, elles ser- 
vaient ainsi de culées provisoires. Cette disposition, 
qui avait l'avantage de n'exiger de cintres que pour 
trois arches, avait été prise spécialement dans le but 
de laisser toujours un passage libre, correspondant à 
remplacement de neuf arches, pour l'écoulement 
des crues. 

L'épaisseur de la maçonnerie à la clef est de l m ,52; 
au-dessus des piles, il existe une série de petites voû- 
'.cs, de petites arcades diminuant notablement le cube 
\ le L« maçonnerie. 



Le pont-canal de Solani débite moyennement ••£?* 
mètres cubes à laseconde : d'après les calculs de sir 
Proby Cautlcy, le débit maximum pourrait atteindre 
230 mètres cubes. 

Cet ouvrage important fait honneur à l'ingénieur 
qui l'a construit, sir Proby Cantley : c'est à lui, d'ail- 
leurs, que l'on doit le projet tout entier du canal 
du Gange ; d'autres parties de ce travail mérite- 
raient également une mention spéciale et pour- 
raient être avantageusement étudiées au point de vue 
technique; mais nous ne croyons pas qu'elles au- 
raient présenté, comme le pont de Solani, un côté 
architectural et pittoresque en même temps, et c'est 
là surtout ce qui nous a décidé à nous appesantir sur 
cet ouvrage. 



LA COMMISSION DE METEOROLOGIE 

DE LYON. 

La commission météorologique de Lyon est chargée 
de la continuation du double service de la commis- 
sion h ydrom étriqué et de la commission des orages, 
autrefois réunies sous la présidence de M. Fournet, 
dont la mort avait occasionné une interruption mo- 
mentanée dans les travaux poursuivis depuis plus de 
trente ans. On sait avec quelle ardeur cet observa- 
teur dévoué se livrait à l'étude des lois qui régissent 
les phénomènes météorologiques, s'eiïorçant d'im- 
primer à ce genre d'observations une direction vrai- 
ment scientifique. Convaincu de l'importance des 
services que la météorologie peut rendre à l'agricul- 
ture, il faisait enregistrer, chaque année, dans les 
annales de la Société d'agriculture de Lyon, les ob- 
servations de la commission bydromélrique et de la 
commission des orages. Dans les derniers mois de sa 
vie, épuisé par de cruelles souffrances, il ne manquait 
pas un jour d'enregistrer les indications fournies par 
les instruments, s'intéressant toujours aussi vivement 
aux travaux des Sociétés savantes qui ont rendu un 
juste hommage à sa mémoire, à son zèle éclairé, à 
son activité infatigable. 

L'idée de la création d'une commission bydromé- 
lrique à Lyon fut suggérée par les désastres de la 
terrible inondation de 1840, pendant laquelle la 
Saône détruisit une partie du faubourg de Vaise. 
« Ces désastres, comme le dit très-bien la notice 1 
que nous résumons, n'étaient pas arrivés à l'impro- 
viste. La Saône n'était alors que l'interprète de l'état 
de l'atmosphère, et celle-ci, par ses bouleversements, 
pouvait fournir des signes précurseurs. On vit, en 
effet, la pluie tomber pendant vingt-huit journées 
entières dans l'intervalle de cinquante-trois jours 
(13 septembre — 5 novembre), tandis que la tem- 
pérature, exceptionnellement douce, f; lisait fondre les 
neiges et apportait au Rhône un énorme contingent.» 

1 Notice sur la Commission hydrométrique et l'Observa- 
toire de la ville de Lyon, par M. A. Lafou, président de la 
Commission. 



LA NATURE. 



10 



C'est a la suite de cette inondation que MM. Lortet 
et Fournct demandèrent au maire de Lyon la forma- 
tion d'une commission permanente, chargée d'étu- 
dier les rapports existant entre les hauteurs des riviè- 
res et l'état du ciel, rapports qui peuvent conduire à 
prévoir les crues les plus menaçantes. La proposition 
fut immédiatement acceptée, et M. Lortet fut chargé 
de la direction des travaux de la commission jus- 
qu'en 1848. Forcé alors de se retirer, à cause de sa 
santé, il fut remplacé par son savant ami M. Fournet, 
resté directeur jusqu'en 1869, époque de sa mort. 

Peu après, l'offre faite par la Société d'agriculture, 
histoire naturelle et arts utiles de Lyon, de se char- 
ger du double service des observations hydromefri- 
ques et météorologiques dans le bassin du Rhône, 
fut acceptée par le préfet du département. Conformé- 
ment aux termes de l'arrêté préfectoral, la Société 
procéda aussitôt à la formation d'une nouvelle corn- 
mission permanente, désignée sous le nom de Com- 
mission de météorologie. Celte décision était motivée 
par plusieurs considérations, et surtout par la né- 
cessité de faire converger vers un centre unique tou- 
tes les observations se rapportant au bassin du Rhône. 
Les instruments de météorologie furent placés dans 
un des pavillons de l'Observatoire, et confiés aux 
soins du directeur. 

Il fut décidé que les études ne s'étendraient pas 
au delà du bassin du Rhône, « Le champ est déjà 
assez vaste, disait le président de la commission, et, 
vouloir l'étendre davantage, ce serait affaiblir les 
éludes et compromettre les résultats. Car, pour arri- 
ver à formuler des lois, il faut, il est vrai, de nom- 
breuses observations ; mais, avant tout, ces obser- 
vations doivent être d'une grande exactitude. Il est 
donc nécessaire de vérifier de temps en temps les di- 
vers instruments échelonnés dans le bassin et de ra- 
nimer le zèle des observateurs, en les visitant et en 
leur donnant des récompenses. » 

Le but que la commission s'est ainsi proposé nous 
paraît pleinement atteint, si nous en jugeons par les 
documents publiés dans les trois volumes renfermant 
les observations faites en 1869, 70 et 71, dont le der- 
nier viiiut de paraître. Ces volumes contiennent: 

Les observations météorologiques faites chaque 
jour, à l'Observatoire de Lyon, sous la direction 
de M. Lafon, professeur à la Faculté des sciences et 
directeur de l'Observatoire; 

Les orages de l'année, le relevé des grêles et de 
leurs dégâts dans le département du Rhône ; 

Des tableaux indiquant, pour chaque jour de 
l'année, dans le bassin du Rhône et de la Saône, les 
pluies et les neiges, la hauteur des rivières et la di- 
rection des vents, le relevé des hauteurs d'eau du 
Rhône au pont Morand, et de la Saône au pont de la 
Feuillée, avec la température de l'eau de ces rivières 
et de l'air ambiant à midi ; 

Les observations ozonométriques ; 

Le résumé trimestriel de la situation sanitaire de 
la ville de Lyon ; 

Enfin, de très-intéressantes notices de M. A. Go- 



bin, ingénieur des ponts et chaussées, sur les varia- 
tions barométriques et la prévision locale du temps, 
sur le jaugeage du Rhône, sur un remarquable 
exemple de division de la foudre; et de il. Tabou- 
riu, professeur à l'École vétérinaire de Lyon, sur 
l'hygrométrie atmosphérique. 

Ce rapide aperçu indique l'ensemble des travaux 
poursuivis par la commission météorologique de 
Lyon, dont les membres se recommandent tous par 
leurs connaissances spéciales. L'importance de ces 
travaux est de toute évidence et nous ne saunons té- 
moigner trop de reconnaissance aux savants dévoués 
qui donnent ainsi l'exemple de ce qu'on pourrait 
faire, sur beaucoup d'autres points de notre pays, 
pour le progrès de la météorologie et l'extension, si 
désirable, de ses applications pratiques. 

Eue Marcollé, 

NOUYELLE PILE THERMO-ÉLECTRIQUE 

DE M. C. CLA.M.OND. 

Cet appareil, qu'un habile électricien, M. Clamond, 
vient de construire, et dont les gravures ci-contre re- 
présentent les dispositions, transforme directement 
la chaleur en électricité. — Il suffit d'allumer un 
simple bec de gaz, placé dans l'axe du système, qui ne 
dépasse pas les dimensions d'unpctitfourneau de labo- 
ratoire, et l'on obtient aussitôt un courant électrique, 
énergique et constant. La dépense du gaz est relative- 
ment très-faible; l'entretien de l'appareil est nul ; il 
n'y a plus ici ni les émanations désagréables des 
piles à liquide, ni les manipulations qu'elles néces- 
sitent : on comprendra quels avantages la nouvelle 
pile termo-éleetrique oflrp. aux chimistes pour leurs 
essais, et surtout aux industriels qui font constam- 
ment usage de l'électricité dans les opérations gal- 
vanoplastiques. 

M. Jamin a présenté à l'Académie le remarquable 
appareil, accompagné d'une notice de l'inventeur, 
qui résume très-clairement ses intéressants travaux. 
Nous laisserons M. Clamond décrire lui-même son 
système. 

« Avant d'entrer dans les détails techniques con- 
cernant mon appareil, je crois, dit le savant êlectri* 
cien, devoir jeter un regard rétrospectif sur la ques- 
tion. Les courants thermo-électriques, découverts 
par Seebeck, ont été l'objet d'études très-approfou- 
dies de la part des savants distingués, entre autres de 
MM. Marcus et Ed. Becquerel. Ce dernier a longue- 
ment et minutieusement étudié les lois du dévelop- 
pement des courants thermo-élecriques dans des sub- 
stances différentes et à diverses températures, et l'on 
peut dire que, si ses travaux n'ont pas produit une 
pile thermo-électrique pratique, Ils n'en ont pas 
moins droit à la reconnaissance de tous ceux qui se 
sont occupés d'applications thermo-électriques. 

« Le premier essai d'appareil pratique fut fait 
par M. Former, qui produisit deux de ses modèles à 



SO 



LA NATURE. 



l'Exposition universelle de 1807. Ces appareils, réel- 
lement remarquables, avaient le défaut de perdre ra- 
pidement leur force. Les barreaux, excessivement fra- 
giles, se brisaient en se refroidissant. Le 31 mai 1869, 
M. Becquerel présentait à l'Institut une pile thermo- 
électrique que j'avais construite, en collobaration de 
M. Mure, avec des couples de galène et des lames de 
fer. Il constatait en même temps que l'affaiblisse- 
ment du courant provenait, non de la diminution de 
la force électro-motrice, mnis de l 'augmentation de 
la résistance de l'appareil. Je dois dire, pour rendre 
justice à mon collaborateur d'alors, M. Mure, que, si 
nos efforts communs ne parvinrent pas à rendre les 
piles ù galène durables, ils contribuèrent à donner 
aux barreaux et à l'ensemble de la pile une disposi- 
tion que j'ai con- 
servée, n'en ayant 
pas trouvé de meil- 
leure. 

« Les recherches 
que j'ai faites par 
la suite m'ont 
prouvé que l'aug- 
mentation de la ré- 
sistance intérieure 
était due à deux 
causes : 

« 1° Oxydation 
des contacts des 
lames polaires avec 
le barreau cristal- 
lisé sous l'influence 
de la chaleur; 

« 2 U Fendillation 
du barreau et sépa- 
ration de ces diffé- 
rentes parties sui- 
vant des plans perpendiculaires à sa longueur. 

« J'ai évité le premier inconvénient par une dispo- 
sition particulière de l'attache de la lame polaire. A 
cet effet, la lame métallique, découpée au balancier, 
est repliée sur elle-même de manière à présenter une 
ou plusieurs charnières. Ces charnières, prises dans la 
coulée, se trouvent d'abord enveloppées par le métal, 
qui s'introduit ensuite dans leur intérieur et forme 
ainsi des noyaux métalliques. Ces derniers, se dila- 
tant plus que les charnières, pressent constamment 
contre elles, de sorte que l'action de la chaleur ne 
tend qu'à raffermir les contacts. 

« Quant au second inconvénient, il était bien plus 
difficile à constater et à éviter. Lorsqu'on coule un 
corps thermo-électrique, soit un métal, soit un sul- 
fure métallique, dans un moule froid de forme cu- 
bique, il se forme trois plans de séparation, paral- 
lèles aux faces du cube, de sorte que l'on obtient 
[iar le fait huit cubes séparés. Ces séparations ne sont 
pas visibles de prime abord ; mais, après avoir chauffé 
plusieurs fois de suite la masse, on constate, en la 
brisant, l'existence de ces trois plans par des cou- 
ches noires provenant de l'oxydation de ces surfaces 




ïig. 1. — Pile llieinio-électrique ('.binon J, vue en perspective. 



intérieures. Ce fait peut s'expliquer cri ce sens, que 
les corps thermo-électriques, étant dépourvus d'élas- 
ticité et tous plus ou moins cassants, se séparent en 
parties distinctes qui cristallisent sur les parois du 
moule. Les corps thermo-électriques, coulés dans des 
moules froids, sont excessivement fragiles. On a cru, 
en faisant recuire ces barreaux, améliorer leur con- 
dition physique. Le recuit donne au barreau un 
aspect plus solide, mais ne fait que développer les 
fentes qui se sont formées par la coulée. J'ai monté 
despiles avec des barreaux recuits et d'autres non re- 
cuits, soit en galène, soit en alliages métalliques, et 
j'ai toujours remarqué que les barreaux recuits fai- 
blissaient plus rapidement encore que les autres. 
Les conditions à remplir, pour obtenir des barreaux 

homogènes, sont les 
suivantes : annihi- 
ler l'influence des 
parois du moule et 
empêcher le plus 
possible la cristal- 
lisation. 

« J'ai employé à 
cet effet un procédé 
analogue à celui 
qui est usité pour 
donner aux bougies 
stéariques de la so- 
lidité en empêchant 
la cristallisation. Le 
moule étant chauffé 
à une température 
très-voisine du 
point de fusion do 
la substance ther- 
mo-électrique, 
celle-ci est cordée 
elle-même très-près de son point de solidification. 
«J'ai adopté, pour la confection de mes couples, 
l'alliage de zinc et d'antimoine, employé par Marcus, 
et des lames de fer pour armatures. J'ai adopté l'al- 
liage antimoine et zinc, parce qu'il est bon conduc- 
teur de l'électricité, et parce que la température de 
son point de fusion rend plus pratique et plus facile 
à réaliser mon mode de coulage. 

« J'emploie le fer prélerablement au cuivre et à 
l'argentan, parce que ces derniers métaux sont atta- 
qués, dissous par l'alliage, et que les armatures qu'ils 
constituent sont mises rapidement hors de service ; 
le 1er, au contraire, résiste très-bien. 

« Ainsi construits, les barreaux thermo-électriques 
ont dû constituer des piles qui ne sont plus sujettes 
à détérioration. J'ai dû à l'obligeance de M. Jaminla 
faculté de faire fonctionner ces appareils dans son la- 
boratoire delà Sorbonne, et d'y continuer mes études 
et mes travaux. C'est ainsi qu'un de mes appareils y 
a fonctionné six mois sans éprouver de variations. 
« Voici, du reste, la disposition de l'appareil : 
« Les barreaux sont assemblés en couronnes et 
accouplés en tension. Ces couronnes, composées de 



LA NATURE. 



21 



dix barreaux chacune, sont superposées et séparées 
entre elles par des rondelles en amiante. 

« Le tout forme un cylindre dont l'intérieur est 
luté avec de l'amiante et chauffé au moyen d'un tuyau 
enterre réfractaire, percé de trous. Le gaz, mélangé 
à l'air, sort de l'intérieur de ce tuyau et vient brûler 
dans l'espace annu- 
laire compris entre le j-, 
tube et les barreaux. 
Les ex trémitésd es cou- 
ronnes viennent abou- 
tir à des pinces en 
cuivre fixées sur deux 
planchettes. Les cou- 
ronnes peuvent être 
accouplées en tension 
ou en surlace : la sur- 
face que peut recouvrir 
chaque couronne est 
de 7 décimètres car- 
rés, ce qui fait 35 dé- 
cimètres carrés pour 
toute la pile. On ob- 
tient alors un dépôt 
moyen de 20 grammes 
à l'heure de cuivre de 
bonne qualité. 




{fflMZ'Wvï. , , - ' ..... »aa 



',. *2. — l'île thenno électrique Clamond. — - Coupe suivant 
l'axe vertical. 



« La dépense du gaz 
est réglée au moyen 



T. Tubulure servant à l'arrivée du gaz. — A. Tuyau en terre réfractaire, 
perce de trous à travers lesquels s'échappe le gaz mélangé d'air pour 
brûler dans l'espace annulaire extérieur. — D. Prise d'air servant à la 
combustion. — B, B. Barreaux thermo-électriques. — r, r. Uondelles 
en amiante servant a isoler les éléments du générateur. 

d'un régulateur (rbéo- 

mètre) de M. Giroud, qui la rend invariable et met 

à l'abri des variations de pression. 

« Ainsi disposée et construite, la pile marche des 
mois entiers sans entretien ni surveillance, fournis- 
sant un courant absolument con- 
stant 1 . » 

Ayec un appareil semblable à 
celui que nous représentons, !a dé- 
pense de gaz ne dépasse pas fr. 05 
à l'heure; le dépôt de 1 kilogramme 
de cuivre, dans une opération gal- 
vanoplastiqne, ne nécessite qu'une 
dépense de 2 n. 50 c. La nou- 
velle pile IhernV ,- électrique est 
usitée à l'imprimerie de la Banque 
de France ; nous l'avons vue fonc- 
tionner dans les beaux ateliers 
galvanoplastiques que MM. Goupil 
et C ie ont organisés à Àsnicres pour 
leurs opérations d'héliogravure; 
elle y donne d'excellents résultats , dont se félicite 
chaque jour le directeur de cet établissement. 

Après avoir décrit le remarquable appareil de 
M. Clamond, il est peut-être intéressant de donner 
quelques détails sur l'origine de ces courants thermo- 
électriques, que l'on est arrivé à utiliser aujourd'hui 
d'une façon tout à fait pratique. Comme on vient de 
le voir plus haut, M. Secbeck, de Berlin, reconnut 

1 Comptes rendus de l'Académie des sciences. Séance du 
20 avril 1874. 




Fig. 3. — Vue en plan des barreau* 
assemblés et de leurs armatures. 

B, IB. Barreaux thermo-électriques. 
L, L. Lames formant armatures. 



en 1821 que la chaleur est susceptible de donner 
naissance à des courants dans des circuits métal- 
liques. Il souda un barreau de bismuth à une lame 
de cuivre, en composant ainsi un circuit fermé, En 
soumettant à l'action de la chaleur l'une des deux 
soudures, il reconnut que le circuit était parcouru 

par un courant élec- 
-. trique, assez intense 

pour dévier sensible- 
ment une aiguille ai- 
mantée. Œrsted pro- 
posa de désigner celle 
nouvelle espèce de 
courant sous le nom 
de courant thermo- 
électrique. On s'aper- 
çut bientôt que tous 
les métaux peuvent, à 
différents degrés, pro- 
duire des courants 
électriques sous l'ac- 
tion de lu chaleur. 

Peu de temps après 
la découverte de Sec- 
beck, Fourier et 
Œrsted s'efforcèrent 
d'obtenir une forte 
tension parla réunion 
de plusieurs barreaux 
de métaux différents. 
Us formèrent un circuit polygonal à l'aide de trois 
barreaux de bismuth, alternant avec trois barreaux 
d'antimoine , et placèrent une aiguille aimantée sur 
une pointe soutenue parmi des barreaux placé dans 
le méridien magnétique. En chauf- 
fant les soudures, de deux en deux, 
ils reconnurent que la déviation 
de l'aiguille aimantée était d'au- 
tant plus grande que le nombre 
des soudures chauffées était plus 
considérable. M. Douillet ne tarda 
pas à imaginer de nouvelles dispo- 
sitions, et plusieurs physiciens, 
d'autre part, apportèrent un grand 
nombre de faits à cette branche 
naissante de la physique. Mais les 
détails de ces travaux sont exposés 
dans les traités, et nous n'avons pas 
à y insister ici ; nous nous conten- 
terons de répéter encore une fois 
que ces piles thermo-électriques ne constituaient 
que des instruments de démonstration, qui ne pou- 
vaient être utilisés dans l'industrie, et que le mérite 
réel de la nouvelle invention de M. Clamond est 
d'avoir trouvé une application pratique à une par- 
tie de la physique qui attendait depuis longtemps 
des usages industriels. On voit une fois de plus par 
cet exemple que les travaux théoriques, dont on est 
quelquefois porté à ne pas bien saisir l'importance, 
sont presque toujours la source de quelque inven- 



22 



LA NATURE. 



tion vraiment utile. Sauf de rares exceptions, les 
merveilles de Ja science appliquée sont la consé- 
quence d'études spéculatives qui peuvent paraître 
infertiles à des esprits superficiels, mais qui ne tar- 
dent pas à attester leur fécondité par les découvertes 
qui s'en dégagent. 



LES LOGEMENTS ET LES HOPITAUX 

MILITAIRES. 

M. le baron Larrey a lu récemment à l'Académie 
des sciences une communication du plus haut in- 
térêt sur un nouveau système d'installation militaire 
dû à M. Tollet. « Ce système, dit l'honorable acadé- 
micien, a été imaginé en vue de la nouvelle loi sur 
l'armée qui exigera la construction de nouveaux ca- 
sernements pour 150,000 ou 200.000 hommes. 
11 y a donc là une question d'importance majeure 
pour l'hygiène des troupes dans le but de leur offrir 
le maximum des conditions de sulubritc, en n'exi- 
geant que le minimum des dépenses pour l'État. » 

Il est démontré aujourd'hui que le séjour des régi- 
ments dans les casernes des grandes vllies offre les 
plus graves inconvénients au point de vue de l'hy- 
giène. La statistique médicale le démontre, en met- 
tant en évidence un accroissement de mortalité des 
jeunes soldats dans les casernes. 

« On peut attribuer, en partie, dit M. Larrey, ces 
funestes effets à l'agglomération des hommes dans 
des casernements de haute construction, avec plu- 
sieurs étages superposés, dont les murs épais, les 
charpentes massives elles angles rentrants ou encoi- 
gnures, forment des amas de matières poreuses, don- 
nant accès à la pénétration de la poussière, au déve- 
loppement des miasmes, au dépôt de la vermine et 
au reluge des rongeurs. Ni les soins de la ventilation 
la mieux faite, ni les perfectionnements de ses plus 
ingénieux appareils ne parviennent, dans de telles 
conditions, à remplacer l'air vicié de l'intérieur 
par l'air pur du dehors. Ajoutons que les lavages à 
grande eau, usités trop souvent, sont à la fois nuisi- 
bles, dans de telles constructions, à la santé des hom- 
mes et à la conservation des bâtiments... 

« C'est à distance des centres de population que 
devraient être placés les grands logements militaires, 
sauf, bien entendu, ceux qui sont nécessaires à la 
sécurité des villes ouvertes. C'est à l'air pur de leur 
enceinte, et comme à la campagne, qu'il convien- 
drait d'établir ces casernements. Le problème à ré- 
soudre étant de représenter des édifices plus salu- 
bres, plus économiques et aussi durables que les 
casernes ordinaires, M. l'ingénieur Tollet a reconnu 
que les conditions exigibles à cet effet multiple se 
montrent réunies dans la forme de la construction et 
dans le choix des matériaux incombustibles et so- 
lides, quoique légers, offrant des surfaces dures et 
lisses, non susceptibles de se salpêtrer, de se fendre 
et de pourrir, comme on le voit ailleurs. 



« Ce système permet aussi de renouveler ou de 
déplacer, à peu de frais, le bâtiment composé d'ar- 
ceaux en fer et assujetti, à l'aide d'un ciment, par 
un remplissage en briques. Ces matériaux sont peu 
altérables, en raison de leur surface dure et lisse, 
ou sans aspérités, sans épaisseur de murs, sans mas- 
sif de maçonnerie et sans agent de destruction. De 
là des garanties de solidité durable et d'ineombusti- 
bilité relative, avec des avantages d'économie cer- 
taine pour la dépense première et pour les frais 
d'entretien. Les soins de propreté sont faciles dans 
toutes les parties de la construction, qui se prête 
aisément au lavage à grande eau, sans l'inconvé- 
nient de l'humidité du sol, comme dans les autres 
bâtiments militaires. La salubrité individuelle est 
toujours assurée pour chaque homme par un cubage 
d'air supérieur au minimum fixé par le règlement. 
C'est en comparant les différentes voûtes intérieures 
([lie l'inventeur en est venu à choisir la forme en 
ogive. La construction de ces bâtiments est caracté- 
risée par une ossature de nervures ogivales en fer 
double T, placées sur des plans verticaux, scellées 
dans une fondation de béton ou de moellon et reliées 
entre elles par un faîtage horizontal en 1er de même 
profil. L'espacement et la force des fers 6onl pro- 
portionnés à la portée de la construction. Le rem- 
plissage entre les nervures est en briques pleines ou 
tubulaires, d'une épaisseur variable, suivant le be- 
soin. Il pourra être fait en béton ou en pierre dans 
certaines localités. Le sol, élevé sur un soubasse- 
ment, est formé d'un dallage ou asphalte sur un 
massif de béton, posé lui-même sur un remblai en 
scories de forges ou sur un sable caillouteux. Les 
parois intérieures, tout à fait lisses, ne présentent 
aucun angle, aucune aspérité, de telle sorte qu'elles 
peuvent être renouvelées à peu de frais, avec la 
conservation intacte de l'ossature en fer. C'est sur- 
tout aux hôpitaux de l'armée que le système de 
M. Tollet semble convenir plus spécialement, et je 
pourrais en exposer les avantages, si j'avais à résu- 
mer ici les observations d'une longue expérience sur 
les inconvénients des hôpitaux à plusieurs étages. 

« Disons d'abord que les hôpitaux baraqués, bien 
construits et bien clos, sans étages supérieurs, of- 
frent, eu général, les conditions les plus réelles de 
salubrité, comme l'ont reconnu les médecins mili- 
taires qui se sont surtout occupés de l'hygiène des 

troupes Mais ces hôpitaux mêmes, si avantageux 

qu'ils puissent être, sont encore exposés au plus re- 
doutable des dangers, l'incendie. Or le système de 
M. Tollet tend à le prévenir, par le mode de con- 
struction des bâtiments, préservés du feu, ainsi que 
de l'infection et de la destruclibilité, inévitables dans 
les autres établissements hospitaliers. » 

M. le baron Larrey, après cet exposé que nous 
regrettons de ne pouvoir reproduire entièrement, 
apprend à l'Académie que les premiers essais du 
système de M. l'ingénieur Tollet ont déjà donné les 
résultats les plus satisfaisants, qui ont valu à l'in- 
venteur les approbations du Comité du génie et des 



LA NATURE. 



23 



fortifications. Nous ajouterons que l'autorité et la 
compétence dû M. Larrey sont encore un garant de 
l'utilité que le nouveau mode de construction mili- 
taire devra présenter pour le casernement des 
troupes. 



GARMTURE MÉTALLIQUE 

DES TIGES DK PISTONS DAKS LES MACHINES A VAPFXP., 

Notre gravure représente un système de garniture 
de tige die piston dont la disposition s'explique facile- 
ment d'elle-même. Ce système remplace, avec avan- 
tage, l'étoupe- qui est habituellement employée et 
qui offre l'inconvénient de nécessiter un renouvelle- 
ment très-fréquent. 




Nouveau système de garniture métallique de tige de piston 
dans les machines. 



La nouvelle invention a été appliquée en France 
à près d'un millier de machines à vapeur, et chaque 
jour ce système est employé pour les machines loco- 
mobilcs.de toutes sortes. Dans les marteaux de forge 
dont les tiges de piston usent très-vite leur rembour- 
rage, on s'en est surtout servi avec de grands avan- 
tages. Le rembourrage métallique À a la forme d'un 
double cône ; au moyen du ressort contourné B, qui 
se trouve au fond de la boîte, il est toujours en con- 
tact avec la tige du piston. 

Dans les machines à vapeur, ce rembourrage mé- 
tallique peut durer un an sans être détérioré et la 
dépense de l'entretien est insignifiante. Après ce laps 
de temps le métal peut être refondu. Quant au frot- 
tement il est bien moindre qu'avec n'importe quel 
autre système. Quant on s'en est servi pendant quel- 
ques jours, la verge du piston et le rembourrage 
deviennent plus lisses et plus polis. 

Ce nouvel appareil, très-simple et très-ingénieux, 
3st dû à un Anglais, M. Watteen de Middlesbrough. 



DE L'OUIE 

FONCTIONNEMENT ET MÉCANISME DE CET ORGANE 
D'APRÈS IIEIiMHOLTZ 1 . 

Dans la nouvelle édition de la Théorie plujsiolo- 
(jltfue de la musique, llelmliollz a complété et rec- 
tifié sur quelques points l'hypothèse si remarquable 
qui a jeté une si vive lumière sur le fonctionnement 
des organes de l'ouïe. 

Tous les phénomènes que nous connaissons sont le 
produit de mouvements vibratoires; aussi tous nos 
sens ont-ils pour mission de recueillir des vibrations, 
et d'en analyser toutes les circonstances. La façon 
dont le problème a été résolu pour l'oreille est extrê- 
mement intéressante. 

Nous allons essayer ici d'en donner une idée. 
La figure ci -contre représente uu schéma des 
trois parties essentielles dont se compose l'oreille. 

Supposez uu cornet dont le pavillon est formé par 
l'oreille externe, et le tube pur le conduit auditii'D ; 
un tambour ou caisse B, dont les membranes termi- 
nales communiquent l'une, le tympan ce, avec le 
conduit auditif, l'autre avec un appareil contourné 
en limaçon A, plein d'un liquide très-dense, et 
qu'on appelle i oreille interne. L'air extérieur, 
ébranlé par un mouvement périodique, entre en 
vibrations qui sont transmises à l'air renfermé dans 
le conduit auditif. A son tour il les communique à 
la membrane ce, qui ferme la caisse du tympan. Le 
conduit F] ou trompe d'Eustacke fait communiquer 
h caisse avec l'arrière-bouche ; il a pour mission de 
maintenir la pression de l'air de la caisse égale à la 
pression atmosphérique. 

La membrane du tympan vibre et entraîne dans 
son mouvement un système d'osselets très-ingé- 
nieusement combiné, le marteau, l'enclume et 
l'étrier. Ce dernier, tout à fait semblable à l'objet 
dont il porte le nom, enfonce et soulève alterna- 
tivement une membrane o (la fenêtre ovale) direc- 
tement en contact avec le liquide de l'oreille in- 
terne. Jusqu'ici on voit très-clairement comment les 
choses se passent; le liquide de l'oreille interne exé- 
cute des vibrations dont la durée est la même que celle 
des vibrations de l'air extérieur, et dont l'amplitude 
est proportionnelle. Mais ici commence le mystère. En 
premier lieu n'est-il pas surprenant que les vibrations 
d'une masse d'air aussi petite que celle renfermée 
dans le conduit auditif externe, transmises à une 
surface encore plus petite du liquide de l'oreille in- 
terne, puissent suffire à nous donner la perception 
de phénomènes extérieurs aussi compliqués. Si j'en- 
tends une musique militaire, par exemple, je perçois 
et je distingue non-seulement les sons émis par cha- 
cun des instruments, mais les bruits de la rue, le 
roulement des voitures, le bruit des passants qui 
marchent, crient ou parlent, etc., etc. L'oeil em- 

1 Théorie physiologique de la mus iq m e. — Paris, G. Musson. 



M 



LA NATURE. 



brasse aussi un ensemble de phénomènes très-com- 
plexes, mais il suffit de quelque attention pour recon- 
naître que cette perception est successive et non 
simultanée; le regard se transporte rapidement d'un 
point à un autre. Dans l'oreille, au contraire, rien de 
semblable. Pour se rendre compte du procédé très- 
vraisemblablement mis en usage par le sens de l'ouïe, 
il faut se reporter aux propriétés bien connues des 
mouvements oscillatoires et pendulaires. Tout le 
momie sait, pur exemple, qu'il suffit d'un très-petit 
effort, répété à intervalles égaux, pour mettre en mou- 
vement une escarpolette chargée de plusieurs per- 
sonnes ; pour ébranler à toute volée une cloche pesant 
plusieurs milliers de kilogrammes. C'est que l'escar- 
polette, la cloche, forment de véritables pendules qui, 
écartés do leur position d'équilibre, exécutent des 
oscillations isochrones. Sans les pertes de force dues 
au frottement sur les appuis, ces oscillations se pro- 
longeraient indéfiniment. L'impulsion, donnée à un 




l'oreille interne se trouve un grand nombre de fibres 
nerveuses dont les ébranlements correspondent à 
une impression déterminée pour chacune d'elles. Si 
le liquide vient à vibrer suivant une certaine période, 
toutes ces fibres, dont la durée d'oscillation correspond 
à cette période, entreront en mouvement, les autres 
resteront immobiles. On ressentira donc une combi- 
naison d'impressions déterminées pour une vibration 
donnée, différente pour toute autre. C'est de cette 
manière quTIclmholtz explique très-simplement la 

I perception des sons simultanés , des harmoniques, 
ia production des battements, des sous-résultanls, 

j enfin tout l'ensemble des phénomènes que nous con- 
naissons par le moyen de l'ouïe. 

Quand une hypothèse aussi simple rend compte 
d'une façon aussi complète d'un ou plusieurs faits 
physiques, elle offre déjà, par cela seul, une forte pro- 
babilité, mais cette probabilité devient beaucoup plus 
grande encore dans le cas actuel, parce que l'oreille 
interne renferme en assez grand nombre des orga- 
nes qui semblent disposés de manière à jouer le rôle 

A C E 



Sclu-ma des trois parties de l'oreille. 

moment particulier de leur course, peut compenser 
et au-delà cette perte, de façon à accroître l'ampli- 
tude, mais il faut que cette impulsion se répète à 
intervalles égaux, et agisse dans le même sens que la 
pesanteur, qui est ici la force motrice. Autrement, 
contrariant l'action du poids, elle arrêterait la mar- 
che du pendule, loin de l'accélérer. C'est une expé- 
rience que chacun peut répéter, notamment avec 
des pincettes. Il faut donc que l'intervalle de temps 
qui sépare deux impulsions consécutives soit égale à 
la durée d'oscillation propre du pendule, ou à un 
multiple entier de celle durée. Eh bien, supposons 
une série de pendules de différentes longueurs, ran- 
gés à la suite les uns des autres dans un même plan 
vertical. 

Imaginons qu'avec une tige rigide horizontale 
on frappe en même temps tous ces pendules 
dans un rhythme, une cadence déterminés. Tous 
ces pendules (iig. 2) AB, CD, EF, dont la durée 
d'oscillation sera égale à l'intervalle de temps qui 
sépare deux coups successifs ou à l'un de ses 
sous-multiples, se mettront en mouvement et y 
resteront. Les autres, dont l'oscillation sera à 
chaque instant contrariée, demeureront à peu près 
en repos. 11 en serait de même pour des cordes 
sonores qui ont aussi chacune une durée pro- 
pre d'oscillation. Supposez maintenant que dans 



Fig. 2. 

de ces libres vibrantes. Dans la première édition de 
son livre, Ilehnholtz avait cru pouvoir assigner ce 
rôle à des prolongements nerveux appelés Organes 
de Corli, en forme d'arcs. Dans les éditions subsé- 
quentes il a été obligé de renoncer à celte manière 
de voir, parce que Masse a prouvé que les libres de 
Corli manquent chez les oiseaux et les amphibies. 
Parmi les membranes que présente l'intérieur d'un 
limaçon, se trouve la membrana basilaris qui se dé- 
chire très-difficilement dans le sens de la longueur 
de ses fibres, tandis qu'elle cède très-facilement 
dans le sens perpendiculaire à cette longueur, 
Ilelmholtz a eu l'idée, très-plausible, de considérer 
les fibres de cette- membrane comme une série de 
cordes indépendantes juxtaposées. D'après les mesu- 
res exécutées par Hensen, la largeur de la mem- 
brana basilaris croît de l'une et l'autre extrémité 
dans le rapport de un à douze. Les variations de 
longueur des fibres tendent à confirmer l'hypo- 
thèse en question. 

De considérations théoriques et mathématiques 
trop longues à exposer ici, le traducteur, M. G.Gué- 
roult, a cru pouvoir induire que les libres de Corti 
joueraient le rôle d'étouffoirs, mais il présente lui- 
même cette supposition comme très-hasardée jus- 
qu'au jour où des expériences viendraient en confir- 
mer l'exactitude. C'est aux micrographes à reprendre 
la question et à la résoudre par Y examen comparé 
de l'appareil de l'audition, chez les divers animaux. 
Il est évident que les organes qui se représenteront 



LA MATURE. 



25 



partout seront les organes nécessaires au mécanisme 
de l'audition, tandis que les autres auront des utili- 
tés spéciales. 

Comme, très- vraisemblablement, il existe une rela- 
tion entre les facultés auditives et le diapason de la 
voix de chaque animal, la comparaison pièce à pièce 
des oreilles internes chez les animaux à voix grave et 
à voix aiguë, ne peut manquer d'être féconde en ré- 
sultats intéressants et nouveaux. 



U PRISE DU KRATON 

DANS LE HOYA.UME d'aGIIEEN 



Les Hollandais ont fini par venir à bout de la guerre 
contre le royaume d'Achecnou d'Àtchin, à Sumatra, 



où ils ont rencontré une résistance très- sérieuse. 
L'issue finale n'était pas douteuse, car la dernière 
victoire appartient toujours à la civilisation dans ses 
luttes contre la barbarie. Cette expédition ouvre a;} 
commerce universel et à la science un pays qui ne 
tardera pas à être exploré et exploité. 

Nous croyons intéressant de donner, sur la forte- 
resse dont la prise a terminé la guerre, quelques dé- 
tails de nature à fuirejuger l'état moral et intellectuel 
de ces singulières populations d'Acheen. 

Les Atchinois se prétendaient musulmans, c'est en 
cette qualité qu'ils se sont adressés au sultan de 
Stamboul, comme leur protecteur naturel. Mais la 
Porte ottomane n'a point osé risquer une guerre avec 
la Hollande, et les offres d'un protectorat ont été, 
comme on le sait, déclinées. 

L'islamisme des populations atcliinoises, comme 



y '-- 






: 





Superstitions dans le pays d'Acheen. — Cloche inagiqnc dans le bois du Kiaton. 



celui des musulmans de l'intérieur de l'Afrique, est 
fortement mélangé de superstitions locales, dont 
quelques-unes viennent du bouddhisme, et dont les 
autres sans doute, sont d'origine fétichiste. 

Dans l'intérieur du Kraton se trouve une espèce 
de bosquet planté d'arbres ; il est semblable au 
lucus on bois sacré des païens. Un de ces arbres porte 
une grande cloche attachée avec une chaîne de fer et 
destinée à éloigner les mauvais esprits. Nous avons 
reproduit, d'après des documents authentiques, cet 
objet bizarre. 

Au milieu d'une terrasse construite en forme d'au- 
tel s'élève un arbre gigantesque, dont la naissance 
doit remonter à une époque très-reculée. Il est pro- 
bablement antérieur au Kraton lui-même quoique 

1 Voy. la Table des matières de la 1" année : le Royaume 
i'Alchin, 



les murailles, hautes de 8 mètres et épaisses de 
5, aient déjà vu s'écouler un grand nombre de siè- 
cles depuis qu'elles ont été bâties. 

Ce géant végétal est aujourd'hui couronné par un 
drapeau néerlandais, qu'un matelot est parvenu à y 
arborer. 

Il possède au moins 12 mètres de diamètre à la 
base et une cinquantaine de mètres avant la naissance 
des premières branches qui doivent recouvrir près 
d'un quart d'hectare. L'effet de ce végétai est singu- 
lièrement imposant. 11 est merveilleusement encadré 
par la terrasse carrée qui l'entoure, et par l'escalier 
qui conduit au pied du tronc. 

La forteresse possède une disposition singulière 
dont nous devons dire quelques mots. Elle a été 
construite très-habilement au milieu d'un marais qui 
la rend d'une approche difficile. Dans l'intérieur du 



26 



LA NATURE. 



grand mur se trouve une seconde forteresse égale- 
ment de forme carrée, mais pour une raison incon- 
nue on n'a construit que trois côtés de ce second carré. 
La seconde fortification est d'environ un hectare et 
demi. Au centre se trouve le magasin à poudre, espèce 
de monument, de forme carrée, et susceptible d'être 
défendu avec succès. À côté l'on voit la maison du 
sultan, le harem de ce prince, et les tombeaux de ses 
ancêtres. Ces tombeaux, placés sous un monument 
ouvert, sont sculptés avec le plus grand soin. La 
tomhe du père du sultan régnant était décorée avec 
des draperies noires et cramoisies. 

Ces déi ails témoignent d'une civilisation entachée 
de superstitions locales. Mais l'usage que les Atchi- 
nois ont fait de leur artillerie montre combien, au 
point de vue militaire, ils étaient arriérés. 

La plupart des canons qui rendaient l'aspect de la 
forteresse formidable n'étaient destinés qu'à servir 
d'épouvantail, car ils étaient enchâssés dans la ma- 
çonnerie. On leur avait donné un angle invariable de 
55°. Les Hollandais n'ayant point envie d'établir une 
garnison dans une place forte si étrangement éloignée 
des principes de la fortification moderne, emploient 
des mines pour faire sauter les murailles et détruire 
tout ce nui peut rappeler la puissance des sultans. 



ROLE GEOLOGIQUE 

DES POUSSIÈRES ATMOSPHÉRIQUES 

On a beaucoup parlé, dans ces derniers temps, des 
poussières atmosphériques : nous croyons intéressant 
de rappeler à ce sujet les observations de M. Virlct 
d'Aoust, qui a constaté au Mexique la production par 
voie de sédimentation atmosphérique de couches 
assez épaisses pour qu'on les assimile sans hésitation 
à de véritables assises géologiques. 

Les couches en question, dont les caractères avaient 
longtemps étonné les observateurs, constituent un 
terrain argileux généralement jaunâtre, qui non- 
seulement enveloppe complètement quelques mon- 
tagnes isolées, mais encore l'orme les flancs et la base 
dos chaînes de montagnes les plus élevées du pays, 
telles que celle duPopocalepelt et de l'Orizaba. (l'est 
comme une sorte de revêtement qui s'élève jusqu'à 
5,800 mètres et atteint dans les parties basses une 
épaisseur de 60, 80 et même 100 mètres. 

En examinant ce dépôt, on trouve qu'au milieu 
d'une gangue homogène, il renferme tous les blocs 
et fragments détachés et roulés des montagnes qu'il 
recouvre, en sorte que, sur certains points, il semble 
constituer le ciment d'un conglomérat formé de dé- 
bris des roches sous-jacentes. C'est d'ailleurs un ter- 
rain assez meuble, et, quand viennent les pluies tor- 
rentielles de chaque année, elles le ravinent tres- 
aisément et y produisent en fort peu de temps des 
barratteas, sorte de coupures extrêmement profon- 
des où les grands arbres de la surface, à mesure qu'ils 



sont entraînés parles cboulcmcnts, vont s'engloutir 
avec les terres qui les accompagnent et que le torrent 
reporte bientôt vers la plaine sous forme d'alluvions 
fluviales. 

Tout d'abord, M. Virlet d'Aoust avait pensé, comme 
il le dit lui-même, que ce terrain était, comme celui 
de la plaine, formé par les alluvions pluviales résul- 
tant de la désagrégation séculaire des roches consti- 
tuant les montagnes qu'il recouvre. Mais bientôt, ce 
géologue s'aperçut que ce mode de formation ne 
pourrait rendre compte de l'espèce de calotte qui en- 
veloppe entièrement les sommets isolés de la plaine 
Quant à supposer qu'il aurait pu être soulevé en 
même temps que les chaînes elles-mêmes, cela n'est 
pas davantage admissible, puisqu'on y trouve des dé- 
bris de poteries et de bois carbonisés qui annoncent 
une origine postérieure, en partie du moins, à l'exis- 
tence de l'homme. 

Il paraissait donc bien difficile d'expliquer le mode 
de formation de ces couches singulières, et M. Virlct 
commençait à désespérer, lorsqu'il lui fut donné 
d'assister à un phénomène bien différent en appa- 
rence et lié cependant d'une manière intime à la 
question qui nous occupe. Il s'agit de trombes de 
poussière (rcmolerios de polvo) qui se produisent 
très-fréquemment à la fois sur un très -grand nombre 
de points de la plaine mexicaine. Ces trombes enlè- 
vent la poussière et la transportent en spirales très- 
déliées jusqu'à 500 et 600 mètres au moins de hau- 
teur moyenne. Bientôt ces trombes se résolvent d'un 
côté pendant qu'il en survient de nouvelles sur d'au- 
tres points et au résumé une quantité considérable de 
poussière reste en suspension dans les hautes régions 
; de l'atmosphère. L'air en est souvent obscurci et le 
' ciel en reçoit une teinte jaunâtre. 

Une fois cette poussière ainsi élevée, elle devient la 
proie des courants atmosphériques. Dans un pays 
où, comme au Mexique, il existe des crêtes monta- 
gneuses, ces courants reproduisent par leur jeu alter- 
natif celui des brises de terre et de mer qu'on observe 
sur les côtes. 

Pendant la moitié du jour la brise souffle de lu 
plaine vers la montagne, et elle est de sens inverse le 
reste du temps. De plus la crête montagneuse et boi- 
sée constitue, pour la brise de plaine, une barrière 
qui ralentit sa vitesse et détermine la chute des 
troubles qu'elle charrie; tout comme un barrage 
donne lieu dans une rivière au dépôt des limons en- 
traînés. Une fois tombée la poussière ne s'élève plus, 
les trombes n'ayant lieu que dans la plaine. 

Il y a donc là, comme on voit, un mécanisme très- 
remarquable ramenant sans cesse de la plaine à la 
montagne une partie des matériaux que les eaux 
courantes charrient au contraire de la montagne à la 
plaine. C'est un de ces cercles fermés, qui sont si nom- 
breux dans le domaine de la nature et qui ne manquent 
pas d'exciter l'intérêt de l'observateur philosophe. 

D'ailleurs, il faut remarquer que si, au Mexique, le 
phénomène des trombes de poussières contribue à 
rendre très-rapide la formation des terrains qu'on 



LA NATURE. 



27 



peut appeler aériens; sur d'autres points, l'action de 
certains vents régnants ne doit pas moins concourir 
à la production de dépôts analogues; et il est proba- 
ble que beaucoup de ces dépôts considérés jusqu'ici 
comme le résultat des seules alluvions pluviales, 
étudiés et examinés avec soin, seront rangés parmi 
les formations aériennes, ou tout au moins devront 
être considérés comme ayant une origine mixte, c'est- 
à-dire comme dérivant d'une sorte de collaboration 
des eaux courantes et des courants aériens. 

Il convient de rappeler à ce sujet que, dès 1845, 
M- Raulin, en examinant la terre végétale jaunâtre qui 
recouvre les plus hauts plateaux de marbre blanc de 
l'île de Crète, avait été amené à y voir le résultat d'un 
apport de poussières empruntées par les vents à des 
points situés aux altitudes intérieures. 

Cette conclusion, rapprochée des études nouvelles 
sur les poussières atmosphériques, prend une valeur 
particulière, et l'on peut espérer que des considé- 
rations de cette nature jetteront une lumière impré- 
vue sur quelques-uns des chapitres encore obscurs 
de la géologie. Stanislas Meunier. 



LES NOUVEAUX SYSTEMES 

DE TÉLÉGRAPHIE ÉLECTRIQUE 

LE TÉLÉGRAPHE FRANÇAIS. LE SYSTÈME MORSE. 

l'appareil CASELLI. 

Les progrès de la télégraphie semblent vouloir 
lutter de vitesse avec le tluide merveilleux qu'elle 
met en œuvre. Nous avons formé le projet d'explorer 
ce vaste champ ; c'est une matière à surprises, digne 
d'exciter la curiosité. Nous commencerons par les 
appareils télégraphiques. Il faut qu'on nous accorde 
les préliminaires : 

1" L'électricité produite dans la pile voltaïque se 
propage avec une rapidité inouïe dans les conduc- 
teurs métalliques; 

2° Une aiguille aimantée librement suspendue, 
subit l'influence d'un courant électrique qui passe 
au-dessus d'elle ; 

3° Un fer à cheval, entouré d'une hélice isolée, 
traversée par le courant, s'aimante au passage de 
celui-ci, et attire une armature placée en regard ; 
ce système a reçu le nom d .électro-aimant. 

INous ne nous arrêterons pas aux premiers essais. 
Saluons au passage le télégraphe français, qui a 
servi de transition entre la transmission aérienne de 
Chappc et les systèmes modernes. Il s'agissait de 
tirer parti d'un personnel initié à la lecture des 
signaux anciens, formés comme on le sait, avec les 
diverses positions azimutales d'un bras mobile aux 
extrémités d'une longue tige. On ne pouvait faire 
mieux dans l'espèce que d'utiliser la déviation de 
l'aiguille aimantée placée au voisinage d'un courant 
électrique, afin de reproduire ainsi les combinaisons 
de l'alphabet Chappe. 

Plus tard, l'horlogerie s'est mise de la partie, elle 



a produit le télégraphe^ oadran, encore usité dans 
les installations secondaires. En deux mots, c'est une 
pendule dont le balancier est remplacé par l'arma- 
ture d'un électro-aimant ; qu'une série d'impulsions 
soit donnée à l'armature par des émissions succes- 
sives du flux électrique, l'aiguille de la pendule ré- 
pétera sur le cadran les phases d'arrêt et de mise en 
train opérées au départ. On conçoit aisément qu'une 
correspondance initiale établie entre la graduation du 
cadran de départ et de celui d'arrivée, permette au 
correspondant de lire, l'une après l'autre, toutes les 
lettres touchées par l'agent qui manipule à l'autre 
extrémité. 

Mais bientôt s'est produite une objection capitale. 
A une exploitation qui allait se mettre à la disposi- 
tion du public, il manquait un contrôle. Verba 
volant, dit l'adage ; on a songé bientôt à écrire ces 
signaux fugitifs. De celte préoccupation sont venus 
tous les appareils imprimeurs, les vrais appareils 
industriels. 

Le premier de tous, le roi, est encore le télégraphe 
Morse. Pour la simplicité il n'a pas dérivai : figurez- 
vous un alphabet composé avec deux sortes de si 
gnaux, des points et des traits, on si vous voulez, 
une musique dans laquelle on combine de toutes fa- 
çons la même note, tantôt longue, tantôt brève, vous 
aurez une idée de la production des signaux dans ce 
système. Ce qui le distingue, en effet, c'est moins la 
propriété fondamentale de l'impression, que le pro- 
cédé de langage. Imaginez-vous quelquechose de plus 
simple que l'expérience suivante : 

Vous êtes sur un chemin de fer, accidentellement 
airêté au delà d'une station ; un fil télégraphique 
dans lequel circule un courant permanent d'électri- 
cité est à votre portée, vous brisez ce fil, et en rap- 
prochant suivant une cadence déterminée les deux 
bouts de la cassure, vous entrez en conversation avec 
la station. Une manœuvre analogue du correspon- 
dant vous enverra par le même conducteur sa ré- 
ponse ; si vous avez pris la précaution de placer les 
deux bouts du fil sur votre langue, par la durée rela- 
tive des diverses sensations vous entendrez tout ce 
qu'il vous dira. 

Précisons pour indiquer comment est constitué le 
télégraphe Morse afin de produire l'impression. L'ar- 
mature de i'électro- aimant répète les phases de l'é- 
mission du courant au départ; si l'émission est 
courte, le contact de l'armature dure peu, au con- 
traire si l'émission est prolongée, le contact persiste 
autant qu'elle. Il n'en faut pas davantage pour écrire 
la dépêche. Une bande de papier entraînée dans un 
laminoir, passe sans la toucher, au-dessous d'une mo- 
lette garnie d'encre. Chaque mouvement de l'arma- 
ture a pour effet d'appuyer le papier contre la mo- 
lette, de là naissent des points ou des traits suivant 
la durée des contacts. En résumé, la transmission 
Morse se figure ainsi: 

TRANSMISSION MOUE 



28 



LA NATURE. 



Co type d'appareils se trouve aujourd'hui dans tous 
les pays, on peut 
même ajouter 
que là où l'in- 
struction pri- 
maire est en fa- 
veur, il fait par- 
tie du matériel 
scolaire. 

Nous passons à 
une autre variété 
inoins connue 
que nous décri- 
rons avec quel- 
que détail. Ce 
télégraphe est 

apte à reproduire Fig. 1.— Appareil Gaselli. — Détail de la feuille d'clain et de la feuille de papier c 

des dessins , et ^ stations corres- 

par suite le fac-similé de l'écriture, sous ?ette forme j pondantes aient des mouvements synchrones. Chaque 
il est dit autographi- 
(pie. Nous explique- 




une série d'arcs parallèles; le mouvement altcrnatil 

leur est transmis 
par le pendule F 
(fig. 2), au moyen 
du bras QQ' ; en 
même temps une 
vis leur donne un 
mouvement lent 
de translation 
suivant l'axe des 
surfaces cylindri- 
ques. 

Pour que le 
système fonc- 
tionne, ilfautqne 
les deux pen- 
dules F aux deux 
stations 



mimique. 



rons l'appareil Ca- 
selli qui est le pre- 
mier en date. 

Au déport, un sty- 
let de fer parcourt la 
surface d'une feuille 
d'étaiti sur laquelle 
la dépêche a été écrite 
avec une encre iso- 
lante. A l'arrivée, 
une autre pointe 
parcourt un papier 
qui a été imprégné 
d'une solution de 
cyanure jaune de 
potassium. Sous l'ac- 
tion du courant, la 
pointe forme sur le 
papier un cyanure 
double de fer et de 
potassium, qui est le 
bleu de Prusse. Une 
série de traces bleues 
reproduit dans son 
ensemble la dépêche 
originale. 

Aux deux stations 
la feuille d'étaiu et 
la feuille de papier 
chimique sont pla- 
cées sur une surface 
cylindrique. Ou voit 
sur la fig. 1 celte 
double disposition , 
chaque poste étant 
monté à la fois pour 




Fig. 2. — Vue d'ensenible de l'appareil Caselli. 



expédier et pour re 

cevoir. Les pointes i^m. wt upciee pur 

parcourent les surfaces cylindriques en décrivant | le pendule régulateur I3B' à la fin de chacune de ses 



pendule F a une 
masse assez considé- 
rable ; pour obtenir 
un bon réglage, on 
a recours à un petit 
pendule BB' repré- 
senté dans la fig. 7). 
Cet appareil reçoit 
le mouvement d'un 
mécanisme d'horlo- 
gerie à poids A, et 
vient frapper dans 
son oscillation une 
lame à ressort qu'on 
peut tendre à l'aide 
d'une vis D. 

Le pendule F se 
termine par une 
masse de fer qui os- 
cille entre les deux 
électro-aimants EF/. 
Ces électro-aimants 
sont animés par une 
pile locale dont le 
circuit est fermé par 
le pendule moteur 
lui-même un instant 
avant la lin de cha- 
que oscillation sim- 
ple. La masse de fer 
achève ainsi chacune 
de ses oscillations 
sous l'influence d'un 
électro-aimant qui la 
retient dans cette 
position extrême jus- 
qu'au moment où le 
circuit est rompu. 
Cette rupture du cir- 
cuit est opérée par 



LA NATURE. 



20 



doublas oscillations. Ainsi le moteur ne quitte jamais 
sa position extrême qu'au moment où le régulateur 
termine sa double oscillation. 

La 11 g. 5 montre la disposition des communica- 
tions électriques de l'appareil, nous n'entrerons pas 
dans le détail du tracé qui intéresse seulement les 
praticiens. Il nous reste à dire comment s'obtient le 
synchronisme. 11 s'agit de rendre parfaitement con- 
cordantes les oscillai ions des pendules régulateurs 
aux deux stations. A cet effet, le poste de départ 
se sert d'une feuille d'étain sur laquelle une ligne 
droite a été tracée à 
l'encre suivant une dus 
génératrices du pla- 
teau cylindrique. Cette 
ligne se reproduit à la 
station d'arrivée : si la 
ligne reproduite est 
parfaitement parallèle 
à l'axe du cylindre, on 
eu conclut que les 
mouvements sont ri- 
goureusement syuchro- 
niques. Si elle est obli- 
que, on agit sur la vis D 
du régulateur jusqu'à 
ce que la concordance 
soit établie. 

La marche de l'ap- 
pareil Casclli est très- 
simple en pratique ; il 
a été mis autrefois à la 
disposition du public 
sur la ligne de Paris à 
Lyon. Si son usage n'a 
pas reçu plus d'exten- 
sion, c'est qu'il dépasse 
en quelque sorte les 
besoins courants , le 
public paraît n'attacher 
qu'un intérêt médiocre 
à la reproduction au- 
tographique de l'écri- 
ture. Quant à l'envoi 
télégraphique de des- 
sins ou de ligures quel- 
conques , il ne peut être considéré que comme un 
cas tout à fait exceptionnel. 

L'appareil Caselli se prête à beaucoup de combi- 
naisons; nous citerons seulement, à titre d'expé- 
rience curieuse, lu reproduction télégraphique d'un 
dessin à plusieurs couleurs. La pointe de 1er animée 
par le courant donne avec le cyanure de potassium 
une teinte bleue. Quand on la remplace par une pointe 
de cuivre, on a une teinte rouge. On obtient avec 
d'autres métaux et d'autres dissolutions, des couleurs 
différentes. Si donc, à la station de départ on décoin- 
pose le dessin en plusieurs feuilles dont chacune 
porte les parties qui correspondent à une couleur 
déterminée, et si, à l'arrivée, on reçoit les transmis- 



sions successives sur un même papier, en ayant soin 
d'employer pour chacune d'elles la pointe et la dis- 
solution convenables, on reproduit le dessin à plu- 
sieurs couleurs. Cii. Bo^temps. 
— La suite prochainement. — 

CHRONIQUE 

Les criquets dévastateurs en Algérie. — Non* 

avons annoncé {p. 15) l'invasion des criquets dans notre 
;— «», colonie. Le Moniteur de 

V Algérie rions donne à ce 
sujet de curieux détails 
sur les efforts (jui ont été 
faits par la population pour 
combattre cette landwehr 
aérienne. 

« Malgré la quantité in- 
nombrable de ses enne- 
mis, l'homme n'a pas re- 
fusé la lutte, et jusqu'à 
deux heures de l'après- 
midi , la victoire est res- 
iée indécise. Pour les 
sauterelles, vivement sol- 
licitées par la verdure, la 
question était de s'abattre 
sur la pâture convoitée. 
L'homme, au contraire, 
avait comme objectif de 
les maintenir dans les ré- 
gions élevées où le venl 
pouvait les saisir et les 
entraîner vers d'autres 
contrées. Pour atteindre 
ce but , tous les moyens 
étaient mis en usage; feux 
d'herbes à demi sèches 
et charivaris indescrip- 
tibles, dans lesquels la 
voix, les cloches, les cas- 
serolles, les chaudrons, 
les bidons lançaient tour 
à tour ou simultanément 
leurs notes aiguës ou gra- 
ves. Hommes , femmes , 
enfants , personne ne 
manque dans les rangs; 
tous les autres travaux sont 
abandonnés. Comme nous l'avons dit plus haut, jusqu'à 
deux heures, on a pu croire que la victoire était à l'homme; 
la plupart des acridiens, effrayes par le tumulte, dérangés 
par le bruit, chassés par la fumée, se maintenaient à une 
hauteur convenable et si, parfois, des groupes s'abattaient, 
on parvenait assez facilement, en les pourchassant, à leur 
faire quitter le sol, avant qu'ils aient eu le temps d'en- 
dommager les plantes. Mourant de faim, mais poursuivies 
de tous côtés, ahuries, fatiguées, les phalanges ailées se 
décidèrent tout à coup à s'abattre en masse, coûte que 
coûte, et, au coucher du soleil, les champs et les arbres, 
de verts étaient devenus jaunes, disparaissant entièrement 
sous le corps des dévorants attachés à leurs flancs. La pre- 
mière journée était perdue pour l'homme ; l'ennemi dans 
la place, il devait se préparer à essayer de l'en chasser le 
lendemain au point du jow. Dans le silence de la nuit, ou 




Fi». 3. — Coupe de l'appareil Caselli. 



50 



LA NATURE. 



entendait, hier, un bruit énorme et continu, causé sans 
doute par des milliards de mâchoires se livrant au travail de 
la mastication. Aujourd'hui, au lever du soleil, toutes les 
sommités des arbres étaient dévorées, des pieds de pommes 
de terre fauchés à leur base comme si une faux mal aigui- 
sée y eûî passé . La bataille a immédiatement recommencé ; 
mais les sauterelles paraissent peu disposées à quitter 
leurs positions. On sent que le moment de la ponte appro- 
che, et beaucoup choisissent de préférence pour se reposer 
les terres nues où il leur sera possible de déposer leurs 
œufs. Dans quelques jours il faudra de nouveau engager la 
lutte avec les ennemis qui vont éclore. Le courage ne man- 
quera pas plus à nos colons dans cette dernière épreuve que 
dans la première. » 

Ascension aérostatique an-dessus de la mer 

Noire. —Le 19 avril 1874, à 3 h. 40m. du soir, le ballon 
le Jules-Favre a quitté Odessa en marchant vers le N.-E. 
Il était sous le commandement de M. Bunelle , qui 
avait à son bord M. Thomas, ingénieur français, établi à 
Odessa, et M. Wolkoif. A mesure que l'aérostat s'élevait, la 
couche d'air dans laquelle il entrait prenait une direction 
plus accentuée vers le sud, de sorte que les passagers ne 
tardèrent point à se trouver en pleine mer. Mais il ne leur 
était pas difficile de s'apercevoir à l'allure des bâtiments, 
qui couraient grand largue pour entrer à Odessa, que le 
vent inférieur continuait à pousser vers la terre. Aussi 
sans se laisser entraîner parce contre-temps, se laissèrent- 
ils conduire à 2i> kilomètres du rivage avant de songer à 
se rapprocher. L'aérostat planait alors à 2,500 mètres. Le 
tourant inférieur commença à saisir de nouveau l'aérostat 
quand il ne fut plus qu'à une altitude de 2,000 mètres, et à 
4 h. 45 m. seulement le ballon regagnait la terre après 
avoir parcouru 71 kilomètres en mer- A 6 h. 35 m. les 
aéronautes sortaient de la nacelle après avoir encore par- 
couru 82 kilomètres. Le vent, qui avait fraîchi, faisait alors 
50 kilomètres à l'heure. 

Avant de s'arrêter le ballon eut à franchir trois fils télé- 
graphiques qui lui barraient la route. Mais un sac de lcsl 
suffit pour surmonter l'obstacle. Le bout du guide-rope, en 
touchant les fils de fer, leur fit rendre un son musical très- 
intense; c'était un gigantesque coup d'archet que le Jules- 
Favre venait do donner à une corde de 100 mètres de 
longueur. 

Celte belle ascension montre une fois de plus les im 
inenses ressources que les aéronautes peuvent trouver par- 
fois dans les courants aériens superposés, pour obtenir en 
quelque sorto un véritable moyen de 8e diriger. 

Xouvelles caverne§ à ossements. — En An- 
gleterre des cavernes à ossements ont été récemment dé- 
couvertes sur les bords de la rivière de Wye, dans le 
comté de Worcester. On n'en donne pas le nombre exact, 
mais on suppose qu'elles ne sont pas moins de 12 à 20. 
Dans la dernière séance de la Société des sciences de ce 
comté, le président a lu un rapport sur la visite qu'il a 
faite dans ces cavernes en compagnie du docteur Carpen- 
tcr. Trois des cavernes ont été seules visitées. Dans l'une 
d'elles on a trouvé deux crânes humains, avec des mon- 
naies et des ornements de la période romano -britannique. 
Après avoir écarfé la terre qui les recouvre, on a rencon- 
tré une couche solide de pierre, si épaisse et si dure, qu'il 
a fallu la faire sauter avec de la poudre. A la suite, on a 
trouvé des ossements provenant tous d'un seul et même 
animal, i'ours des cavernes. Puis ensuite une nouvelle 
couche de pierre qu'il a fallu faire sauter; après quoi ont 
apparu des os fossiles d'espèces d'animaux disparus, les 



restes merveilleusement conservés d'un mammouth, 1rs 
os d'un rhinocéros complet, les débris de lions des ca- 
vernes, d'ours des cavernes, ainsi qu'un grand nombre 
de restes d'hyènes. La Société songe à acquérir l'une du 
ces grottes du propriétaire actuel. 



BIBLIOGRAPHIE 

Le Livre de la Nature, par Frédéric Scikelder, traduit de 
l'allemand par Adolphe Schëi.er. — 2 volumes in-8°. Paris, 
C. Ileinwald et G*, 1872-1874. 

Cet ouvrage est depuis longtemps célèbre en Allemagne, 
où il a rendu à l'instruction populaire des services impor- 
tants; nous sommes heureux de signalera nos lecteurs 
l'édition française que publie la librairie Ileinwald. L'œu- 
vre de Schneider a ce mérite incomparable d'être facile- 
ment accessible à tout le monde, et de présenter un ta- 
bleau fidèle quoique succinct, des sciences physiques et 
naturelles qui comprennent l'ensemble de l'univers. Le 
Livre de la Nature est de ces ouvrages de vulgarisation 
qui doit trouver sa place dans toutes les écoles et dans 
toutes les bibliothèques de l'enseignement. 

Spectres lumineux. — Spectres prismatiques et en lon- 
gueurs d'ondes, destinés aux recherches de chimie mi- 
nérale, par M. Lecoq de Boisbaudhan. 1 vol. in- 8", texte, 
accompagné d'un atlas de planches. — Paris, Gautbier- 
Villars. 1874. 

Nous félicitons l'auteur de ce bel ouvrage d'avoir entre- 
pris la tâche de faciliter aux chimistes l'usage du spec- 
troscope. Cet instrument joue un grand rôle dans la prati- 
que, du laboratoire, et ses applications à l'analyse sont 
appelées à se multiplier de jour en jour. Mais il était jus- 
qu'ici difficile de s'initier au maniement du spectroscope, 
et M. Lecocq de Boisbaudran rend un grand service aux 
savants en mettant entre leurs mains un véritable traité 
pratique, où ils trouveront des indications précieuses sur le 
choix des instruments, sur les manipulations qu'ils néces- 
sitent, en même temps que des figures représentant fidèle- 
ment toutes les physionomies des spectres, et formant 
ainsi un guide pour les essais. 

CORRESPONDANCE 

APPAREIL DEiTIHÉ A PRÉSERVER LES VIGNES DE Là GELÉE 

L'époque des gelées est passée; mais il ne nous semble 
pas moins intéressant de donner quelques détails sur des 
expériences qui ont été exécutées, celte année, avec un 
succès complet. M. Le Breton a bien voulu nous donner le 
détail de l'appareil très-simple qui a protégé ses vign<;s et 
qui, d'après lui, peut être facilement construit par les vi- 
gnerons. Cet appareil consiste en un véritable parasol, 
formé par une poignée de paille, attachée convenablement 
à l'extrémité d'un échulas. La paille, fixée à la partie su- 
périeure du bâton, se redresse d'elle-même sous l'influence 
atmosphérique et forme un abri très-suffisant pour empê- 
cher le rayonnement nocturne. Quand les gelées ne sont 
plus à craindre, un anneau métallique sert à rabattre la 
paille contre l'échalas, à la façon des ombrelles. Ce sys- 
tème est évidemment facile a établir à peu de frais. 



LA NATURE. 



31 



ACADEMIE DES SCIENCES 

Séance du 8 juin 1874. — Présidence de M. Bertrand. 

M. Roulin.— L'Académie vient de faire une perte très- 
considérable dans h personne de M. Roulin, académicien 
libre, qui a succombé vendredi dernier, après une très- 
courte maladie. Fidèle jusqu'au bout à ses habitudes de 
sitriplicilé cl de modestie peut-être excessives, le défunt a 
demandé qu'aucune députation n'assistât à ses obsèques, 
et qu'aucun discours n'y fût prononcé. L'érudition de 
M. Roulin était à toute épreuve; personne ne connaissait 
aussi bien que lui les richesses de lu bibliothèque de 
l'Institut et il suffisait de causer un instant a\ec lui 
pour savoir le fort et le faible d'une question quelcon- 
que. Il débuta en 1822 par un grand voyage dans le% An- 
des, fait de concert avec M. Roussingaultet M. Rivero. Na- 
turaliste éraineut, il rapporta de précieuses notes, qu'il se 
pressa si peu de, publier qu'aujourd'hui un seul volume en 
a été offert nu public, sous le titre d'Histoire naturelle et 
souvenirs de voyage, volume dont le succès a été très- 
distingué. Un autre ouvrage est tout prêt et paraîtra sans 
doute avant longtemps. M. Roulin a contribué beaucoup à 
la création des Comptes rendus de l'Académie des scien- 
ces. Un peu après 1850 il publia régulièrement, dans le 
Temps, un résumé de chaque séance académique et T inté- 
rêt de ses articles fit généralement exprimer le désir que 
l'Académie se chargeât elle-même d'une semblable publi- 
cation. C'est en 1855 que le premier numéro des Comptes 
rendus parut. Arago et Flourens, alors secrétaires perpé- 
tuels, les dirigèrent, mais M. Roulin leur fut attaché et 
c'est sous sa surveillance qu'ils parurent jusque dans ces 
derniers temps ; tous les numéros furent corrigés de sa 
main. Comme M. Decaisne l'a rappelé, on doit à M. Roulin 
d'importantes recherches sur le maïs ; il étudia aussi la 
maladie que cette plante détermine chez les animaux qui 
s'en nourrissent et dont le symptôme le plus frappant con- 
siste daus la chute des ongles. 

Élections de correspondant. — Vingt-cinq suffrages 
appellent M. le docteur Tholozan à une place de correspon- 
dant, dans la section de médecine et de chirurgie; 13 voix 
se répartissent sur d'autres candidats. 

La mort de Gustave Rose avait laissé vacante une place 
de correspondant dans la section de minéralogie. Les vo- 
tants étant au nombre de 39, M. Suider réunit l'unanimité 
des suffrages. 

Le phylloxéra condamné au suicide. — On pourra sou- 
rireen voyant ce titre ; mais je préviens qu'il s'agit ici d'une 
condamnation tout à fait sérieuse. — Comment d'ailleurs 
en douterait-on puisque le juge qui prononce le verdict n'est 
autre que M. Dumas. L'idée que l'illustre secrétaire perpé- 
tuel développe aujourd'hui est une de celles qui séduisent 
à première vue par leur simplicité et leur élégance ; reste 
à savoir si la pratique la sanctionnera, mais l'attente, sur 
ce point, ne saurait être bien longue. 

Voici de quoi il s'agit : 

Parmi les innombrables recettes proposées pour venir à 
bout du phylloxéra, on remarque surtout le sulfure de car- 
bone, qui joint à une grande vertu toxique la propriété de 
donner une vapeur très-lourde apte, par conséquent, à pé- 
nétrer rapidement dans les fissures du sol. Aussi, d'après 
les indications de M. PaulThénard, a-t-on fait une grande 
consommation de sulfure de carbone, versé au pied des 



vignes, à raison de 150 grammes en moyenne par ceps. 
Que les phylloxéras aient été tués sur les racines ainsi 
traitées, voilà qui ne saurait faire de doute ; mais, dans 
beaucoup de cas, au moins, la plantesoumise à la médica- 
tion partagerait le sort de son parasite. 

Or, il ressort des expériences de M. Dumas que ce ré- 
sultat néfaste est dû à la trop grande quantité de sulfure 
de carbone qui, à dose moins forte, n'est point nuisible à 
la vigne. Seulement si la dose est moins forte, la mort du 
phylloxéra n'est plus instantanée et la forte tension du 
liquide le faisant évaporer promptement et disparaître, 
l'insecte revient bientôt à la vie et recommence f-es rava- 
ges. Comme on ne peut revenir sans cesse pour donner 
au même ceps de petites quantités du poison, le problème 
consiste à trouver un corps qui ne dégage celui-ci que 
peu à peu. C'est ici que je réclame toute votre attention. 

Lesulfo-carbonate de potasse est un magnifique sel très- 
déliquescent et dont la solution peut sans inconvénient 
être épandue sur les champs; il n'est point vénéneux et 
ne répand même aucune odeur ; on peut donc le transpor- 
ter partout et le confier à toutes les mains. Mais, sous l'in- 
fluence des acides, il se décompose et dégage au fur et à 
mesure de son altération de l'hydrogène sulfuré et du sul- 
fure de carbone, c'est-à-dire les deux corps les plus anli- 
phylloxériques que l'on connaisse. En même temps l'acide 
employé détermine la formation d'un sel de potasse dont 
la vigne fait ses choux gras, suivant une expression aussi 
énergique que peu distinguée. 

Voilà qui va tout seul. Mais quel acide prendra-t-on 
pour réaliser cette heureuse décomposition? ■ — (Écoulez 
bien) : l'acide carbonique. — Et qui le fournira cet acide 
carbonique? — Que toutes les respirations se suspen- 
dent ! C'est celle (la respiration) du phylloxéra! — 

Oui, messieurs, le phylloxéra, obligé, pour vivre, d'expirer 
de l'acide carbonique, décomposera par ce fait lesulfo-car- 
bonate dépotasse dont le sol sera imprégné : il procurera 
ainsi à la vigne du carbonate de potasse dont la faculté 
fertilisante est bien connue ; et du même coup il s'admi- 
nistrera à lui-même, à petite dose, le sulfure de carbone 
dont il mourra... à moins que, nouveau Mithridalc, il nu 
s'accoutume à ce régime et n'y puise des forces nou- 
velles. 

Cette dernière perspective, d'ailleurs peu probable, étant 
mise de côté, vous voyez que le procédé de M. Dumas 
réunit tous les avantages, y compris celui de justifier le 
titre de ce paragraphe et d'ouvrir à la fabrication jusqu'ici 
languissante des sulfo-carbouales des horizons absolument 
nouveaux. 

Patriotisme corse... et corsé. — On peut juger de 
l'impression désagréable des vignerons de la Corse en ap- 
prenant qu'un cépage de l'île vient d'être envahi par le 
phylloxéra. Le préfet voulant couper court au mal, appelle 
le propriétaire du susdit cépage et lui offre de larges in- 
demnités eu échange de la destruction immédiate des pieds 
infectés. L'aimable administré repousse toutes les avances 
et, modifiant quelque peu la réponse d'Ilippocrate à l'am- 
bassadeur d'Artaxcrcès, il déclare que, puisqu'il est envahi, 
il lui semble tout naturel que la Corse entière partage son 
sort. On recourt à dos jurisconsultes et l'on découvre qu'il 
n'existe aucun mojen de contraindre ce généreux citoyen; 
la seule ressource de l'autorité est de proposer dans peu 
do jours un projet de loi à l'Assemblée nationale • et il y 
a des gens qui disent que la France ne jouit pas de la 
liberté la plus effrénée ! Ils conviendront qu'en Corse le 
phylloxéra a celle de se propager. — C'est M. Bouley qui 



3-2 



LA NATURE. 



a raconté celte anecdote, après laquelle l'Académie s'est 
formée en comité secret... Chut!... 

Stanislas Meoier. 



L'ÉCHASSE 

Si jamais animal a été bien nommé, c'est l'oiseau 
que nous allons décrire rapidement et que l'on voit 
à cette époque de l'année visiter les plages de nos 
mers et les bords de nos grands étangs ou de nos 
marécages. Essentiellement échassier, cet oiseau ne 
vit que de vermisseaux et larves aquatiques qu'd 



bêche avec son bec dans les vases; niais comme ce 
bec n'est qu'une fois et demie plus long que sa tète, 
il Jui faut entrer dans l'eau, ce qu'il fait aisément 
au moyen de ses grandes jambes. Combien de fois 
n'avons-nous pas admiré l'ensemble avec lequel une 
petite famille de ces oiseaux — car ils ne marchent 
jamais en troupe — entrent de front dans la mer, 
sans s'inquiéter de la vague qui venait mourir tout 
doucement autour de lsurs longues échasses. 

L'usage exact des longs becs mous de tous ces oi- 
seaux voisins de la bécasse n'est pas encore déter- 
miné d'une manière bien spéciale, mais il est impos- 
sible qu'il ne réside pas vers l'extrémité unsenspar- 







L'Echasse à manteau noir 



ticulier de tact ou d'odorat. Sans cela, il est difficile 
de comprendre comment l'animal récolterait sa nour- 
riture. Que les Lamellirostres , comme le Harle, le 
Canard, puisant l'eau dans la cuiller de leur bec plat 
et laissant passer le liquide entre les lamelles, récol- 
tent au hasard ce qui s'y trouve de solide, la chance 
est encore pour eux tant est grande la masse d'ani- 
malcules qui habitent les parties marécageuses, 
mais, qu'avec son bec en épingle, l'Échasse attende 
de saisir une proie au hasard, cela n'est pas admis- 
sible. 

Les mouvements de l'Échasse sont bizarres, un 
peu anguleux et saccadés ; elle ne marche qu'à 
petits pas ; tantôt elle s'avance avec gravité, tantôt 
elle tourne brusquement sur elle-même ; on la voit 
d'ailleurs de très-loin avec son ventre blanc et son 
manteau noir. De plus près, elle a l'œil rouge, les 
pieds aussi. Quand elle s'envole, elle prend une po- 
sition disgracieuse, laissant pendre ses jambes dont 
elle ne soit que f;iirc et ouvrant de grandes ailes 



démesurées qui, cependant, ne lui donne pas un 
vol très-rapide. 

Peu nombreuse en espèces, puisqu'on n'en con- 
naît que sept sur notre globe, cette petite famille est 
parfaitement caractérisée. En France, l'Échasse niche 
dans le Midi, près du Rhône, à peu près tous les ans, 
et souvent dans les autres parties du territoire. Elle 
fait son nid sur les ilôts dans les marais salants, dans 
les étangs, et y pond 5 ou 4 œufs, brun verdàtre, ta- 
chés de gris et de noir, rappelant un peu les œufs 
du Vanneau. En somme, peu nombreuse partout, 
cette espèce est de mœurs douces et tout à fait in- 
offensives. 

L'Échasse à manteau noir, dont nous donnons la 
ligure, se trouve en Asie, en Afrique, en Amérique, 
aussi bien qu'en Europe. II. de la. Iîlanchère. 

Le Propriétaire-Gérant : G. Tissandier. 
I'.oqbkil. — ïyp. et stér. (le Ciietk 



N* 5 5. — 20 JUIN 18 74. 



LA NATURE. 



33 



CHUMAH ET SI SA 

Les deux gravures que nous plaçons sous les yeux 
de nos lecteurs nous semblent offrir un double inté- 
rêt; elles reproduisent fidèlement, d'après des pho- 
tographies, les types de certaines peuplades de l'A- 
frique, qui ne sont pas toujours grossières comme on 
le croit généralement ; elles nous donnent en outre 
l'image des deux serviteurs les plus dévoués de Li- 
vingstone, de deux amis de l'illustre explorateur. Ces 
deux nègres, à la figure énergique et expressive, 
viennent d'arriver à Londres, où ils sont l'objet de la 
curiosité générale. Chumah, encore tout enfant, fut 
arraché par Livingstone d'entre les mains de mar- 



chands d'esclaves qui le menaient à la côte ; il s'at- 
tacha désormais au grand voyageur anglais, et lui 
voua une reconnaissance éternelle. Pendant dix an- 
nées consécutives il suivit tous les pas de Livingstone 
dont il partagea les fatigues et les infortunes, il tra- 
versa des milliers de kilomètres, à travers des déserts, 
des marécages et des régions brûlantes, pour arriver 
seul à Unyanyenibe, où il annonça la mort de son 
maître, où il dit que ses compagnons étaient res- 
tés sur les bords du lac Bomba, pour garder le corps 
de l'explorateur. Susa était aussi un des favoris de 
Livingstone, dont il recueillit le dernier soupir. Ces 
deux hommes ont fini par apprendre l'anglais, au 
contact de leur maître, ils ont même aujourd'hui 
une certaine éducation; ce sont eux qui reçurent les 





Chumah et Susa, les deux serviteurs de Livingstone, récemment arrivas à l.i-njr.s. (D'après des photographies. ) 



premiers M. Stanley à son arrivée à Ujiji. Celui-ci 
raconte dans ses impressions de voyage combien son 
étonnement fut profond quand il aperçut, au milieu 
des indigènes attirés par sa présence, un grand nègre, 
qui s'écria: « Good morning, sir! » C'était Susa « à 
la figure du plus beau noir, dit M. Stanley; homme 
robuste et d'aspect joyeux, portant une longue robe 
blanche, et coiffé d'un turbau de calicot, un morceau 
de mérikani, autour de sa tète laineuse. » 

« Qui diable êtes-vous? demanda M. Stanley. — 
Je m'appelle Susa, le domestique du docteur Living- 
stone, dit-il avec un sourire qui découvrit une double 
rangée de dents éclatantes. — Le docteur est ici? — 
Oui, monsieur. — Dans le village? — Oui, monsieur. 

— En êtes-vous bien sûr? — Très-sûr, je le quitte à 
l'instant même. — Good morning, sir, dit une autre 
voix. — Encore un ! m'écriai-je ! — Oui, monsieur. 

— Voire nom? — Chumah. — Le docteur va bien? 

î° JDDCC 2 KUItllft. 



— Non, monsieur. — Où a-t-il été pendant si long- 
temps? — Dans le Manyéua. — Susa, allez prévenir 
le docteur. — Oui, monsieur. s Et il partit comme 
la flèche. 

« Nous étions encore à deux cents pas du village, 
ajoute M. Stanley, la multitude nous empêchait d'a- 
vancer. Des Arabes et des Vouangouana écartaient 
les indigènes jiour venir me saluer.... Su?a revint 
bientôt, toujours courant, me priant de lui dire com- 
ment on m'appelait. Le docteur ne voulant pas lu 
croire, lui avait demandé mon nom, et il n'avait su 
que répondre... » 

Chumah et Susa sont actuellement interrogés par 
des membres de la Société géographique de Londres 
et ils ont déjà fourni de très -précieux renseignements 
sur l'histoire des explorations entreprises par Living- 
stone. Ces deux serviteurs du voyageur anglais tout 
preuved'une grande intelligence, et ilscontribueron' \ 



34 



LA NATURE. 



éclairer quelques points encore indécis des expéditions 
récentes de l'Afrique centrale. La vue de Londres lésa 
remplis d'étonnement ; ils ne se doutaient pas qu'il 
put exister, sur la terre, une telle agglomération 
humaine se mouvant sur un si petit espace. La mort 
de Livingstone leur a causé un chagrin profond, dont 
ils aiment à dire qu'ils ne se consoleront jamais. 

Gaston Tissahdier. 



L'ÉCLIPSÉ DE SOLEIL EN AFRIQUE 

10 AVRIL 187 4 

La grande phase de cette belle éclipse totale a été 
visible le long d'une ligne traversant l'Afrique cen- 
trale, à environ 500 kilomètres au-dessus du Cap, et 
s'étendant depuis Port Nolloth, sur lu cote occiden- 
tale, jusqu'à O'okiep, sur la côte orientale. Ces deux 
points extrêmes sont situés à une distance de d'20 
kilomètres seulement. 

L'ubservatiun a eu lieu à Klipfuntein, point situé 
sur une montagne de 650 mètres, à peu près à égale 
distance de ces deux stations extrêmes, (i'est en cet 
endroit que M. Stone, instruit par l' expérience de la 
dernière éclipse indienne, établit son observatoire. 
Bien lui en prit, car tous les autres points de la côte 
restèrent plongés dans l'ombre, des nuages s'élevant 
à une altitude moindre. 

V Argus du Cap, du 25 avril, renferme sur les 
phénomènes spectroscopiques et sur l'aspect physique 
une lettre des plus intéressantes. 

Les flammes colorées en rose s'étendaient dans ' 
presque toutes les directions autour delà lune, mais ' 
à différentes hauteurs. Quant à la couronne, elle j 
parut beaucoup moins compliquée que dans les 
éclipses ordinaires, ce qui semble, en effet, tenir à 
l'extrême pureté de l'air. Une ascension à grande 
hauteur permettrait infailliblement de confirmer l'o- 
pinion de M. Stone et de séparer du phénomène coro- 
nal tout ce qui n'appartient point au soleil. 

Pendant que l'éclipsé augmentait, M. Stone exa- 
minait avec le plus grand soin les parties du disque 
solaire que le limbe allait recouvrir. Il lui fut im- 
possible de discerner l'apparition d'une ligne noire 
d'absorption, due à la présence d'une atmosphère 
lunaire. Aussitôt que le dernier point du disque 
eut disparu» il vit le champ couvert de lignes bril- 
lantes, produites par le renversement des lignes de 
Fraunhofer. Mais, à peine avait-il commencé à comp- 
ter les raies lumineuses, qu'il vit apparaître les lignes 
caractéristiques de l'hydrogène, en même temps que 
les raies lumineuses disparaissaient. La vision était 
troublée par l'interpositiori de protubérances rosacées, 
dont le spectre caractéristique a été déterminé. 

Les raies lumineuses provenant de l'inversion du 
spectre ordinaire ont reparu aussitôt que M. Stone 
se mit à viser la portion de la couronne située à l'ex- 
térieur des protubérances. 
Cependant la lumière des raies brillantes prove- 



nant d'un spectre dépourvu d'intensité était peu 
intense. On discernait très-bien des raies bril- 
lantes, placées dans la partie verte, et qui, suivant 
M. Stone, n'appartiennent point à l'inversion des 
raies de Fraunhofer. L'habile astronome eut le temps 
de rapporter cette raie verte aux lignes connues de 
Fraunhofer 1 . Ce n'est pas sans un peu de honte 
pour l'Angleterre que nous devons ajouter que le 
voyage de M. Stone a eu lieu à ses frais. Le gouver- 
nement colonial ne lui a encore volé aucune subven- 
tion. Toutes les observations astronomiques, météo- 
rologiques et magnétiques ont eu lieu à ses frais ! 
Rapprochons cette conduite sordide du zèle avec 
lequel l'Académie des scietices trouva le moyen d'en- 
voyer M. Jansson en Afrique, pendant les horreurs du 
siège deParis,ct nous sentirons, sinon un sentiment 
de fierté, du moins de légitime consolation. 

L'indifférence des civilisés est plus blâmable peut- 
être que la terreur des pauvres indigènes, qui inter- 
rompirent brusquement leurs travaux, en criant les 
uns aux autres : Le soleil est mourant, le soleil est 
mort! 

Dans le Natal, les Zulus, qui sont payés à la jour- 
née, demandèrent double gage, prétendant non sans 
raison qu'il y avait eu deux journées distinctes, sé- 
parées par une courte nuit. 

La ligne de l'éclipsé traversait les placcrs de dia- 
mants. Un propriétaire, aussi habile que Christophe 
Colomb lors de son éclipse de lune, avertit ses ou- 
vriers qu'il arriverait malheur au soleil, si on ne lui 
fournissait pas une pierre assez grosse. Les pauvres 
diables apportèrent au maître du placer un diamant 
de 45 carats pour la rançon de l'astre. Mais en l'em- 
pochant le rusé compère dit que le diamant n'était 
pas de grosseur suffisante, que le malade n'aurait 
pas cependant à en mourir, et qu'on n'avait pas be- 
soin d'être inquiet sur son compte. 

Le lendemain de l'éclipsé totale du 16 avril, un 
violent orage, venant du sud-ouest, a éclaté à Pctcr- 
Marilzburg, dans la colonie de Natal. Un nuage noir 
qui a grandi très-rapidement, portait dans ses flancs 
des masses de glaces qui se sont précipitées avec 
une indomptable furie sur le sol. On a ramené des 
grêlons de 200 grammes, et de véritables stalactites 
formées par de Peau concret ionnée sous une forme 
bizarre. On estime à plus d'un demi-million de francs 
les dégâts produits par cette grêle d'une espèce si 



singulière. 



>0< 



LES RECENTS MODELES 

D'ARMES A FEU DE L'INFANTERIE 

On sait que, de nos jours surtout, les recherchos 
sur les perfectionnements à introduire dans la cou- 

1 II vit aussi deux raies faibles qui lui paru iv tu nouvelle!-, 
mais d'une intensité moindre. Il eut le temps cependant d'ex- 
plorer tout le spectre depuis la partie rouge jusqu'à la partie 
violette» 



LA NATURE. 



35 



struction désarmes à feu sont actives et incessantes. 
Mais les modifications qui en sont la suite ne peu- 
vent avoir lieu que progressivement. Il en résulte que 
le nombre des modèles encore en usage chez les di- 
verses puissances est assez grand pour que nous ne 
puissions pas nous arrêter un seul instant à l'idée de 
les décrire tous. Nous voulons seulement présenter 
aux lecteurs les modèles les plus importants et les 
plus nouveaux de chaque nation. 

D'après cela, on doit également présumer que le 
lableau de l'armement des puissances européennes 
ne sera vrai que pendant une période assez courte. 
Cependant il est à croire que d'ici à quelques an- 
nées, les changements ne seront pas considérables à 
ce point d'amener la suppression des types reconnus 
aujourd'hui comme les meilleurs. Kous pensons que 
ces changements ne devront consister qu'en emprunts 
réciproques, ou qu'en l'adoption dans les meilleurs 
types, de proportions pi us parfaites des diverses par- 
ties, jusqu'à ce qu'une découverte caractéristique 
vienne à nouveau faire époque dans l'art de l'arque- 
buse rie. 

La dernière de ces découvertes, ou perfectionne- 
ments, consiste dans la substitution du chargement 
des armes à feu par la culasse, au chargement par la 
bouche, d'usage à peu près universel jusqu'à nos 
jours. Il est à noter cependant que le premier mode 
de chargement fut en usage dès les premiers temps 
de l'invention de la poudre à canon. D'où vient 
qu'il fut abandonné? Des fuites de gaz dues aune 
obturation incomplète, l'insécurité plus grande que 
dans le chargement par la bouche, l'impossibilité 
de remédier à ces défauts avec les procédés mécani- 
ques imparfaits de l'époque , telles furent sans 
doute les causes majeures du rejet et de l'oubli si 
long dans lequel il est resté. 

9n sait que, de nos jours, le fusil prussien est resté 
pendaut un certain nombre d'années le seul modèle, 
en Europe, de fusil se chargeant par la culasse, en 
usage dans les armées entretenues. Il fallut le suc- 
cès foudroyant de Sadowa, dont l'opinion publique, 
bien exclusive, il est vrai, accorda tout le mérite au 
seul fusil Dreyse, pour attirer l'attention de tous les 
gouvernements sur le nouveau mode de chargement et 
les décider à son adoption. Aujourd'hui les avantages 
n'en sont plus contestés nulle part. Cet engouement 
subit, faisant suite à une apathie si persistante, n'a 
d'ailleurs rien qui doive nous surprendre. A l'appui 
de cette assertion, nous pouvons rappeler le rejet en 
France, par l'autorité la plus compétente, des amor- 
ces fulminantes, bien longtemps après que leur em- 
ploi dans les usages civils en eut démontré les avan- 
tages immenses. 

Avant de donner la description et la nomenclature 
des armes en usage aujourd'hui, nous croyons utile 
d'indiquer, sommairement, par quelles phases est 
passé l'art de l'arquebuserie, depuis les grandes guer- 
res du commencement du siècle, pour arriver à son 
état actuel. 

Au début de la période dont nous nous occupons, 



nous trouvons le fusil à silex tirant de* balles 
rondes dans un canon lisse. Chacun connaît ces ar- 
mes. Leurs défauts les plus saillants consistaient 
dans la lenteur du chargement, dans le grand nom- 
bre de ratés et dans le manque absolu de justesse. 

D'après un dit-on populaire, mais que ne paraît 
pas trop invraisemblable, la quantité de plomb em- 
ployée dans les guerres du temps représenterait 
moyennement en poids celui des hommes mis hors 
de combat. C'est-à-dire qu'il fallait tirer 2000 balles 
environ pour atteindre un homme. A ce compte, 
deux troupes opposées de 100 hommes chacune au- 
raient échangé 20 coups de fusil par tète, sans at- 
teindre plus d'un seul homme de chaque côté. 

Ce fusil à canon lisse constituait l'armemeut uni- 
versel de l'infanterie. On avait bien, il est vrai, 
même avant cette époque, fait l'essai d'armes rayées 
à chargement forcé et qui présentaient une bien plus 
grande justesse que les premières. Mais la lenteur et 
les embarras du chargement (ces armes devaient se 
charger à l'aide du maillet) durent en rendre l'adop- 
tion impossible parmi les troupes de ligne. Tout au 
plus l'usage s'en concevait-il eu terrains accidentés 
dans les guerres de partisans. Une innovation remar- 
quable, qui se produisit vers 4840, fut la substitution 
de la capsule fulminante à l'ancienne amorce. Ce 
changement eut surtout pour effet de diminuer le 
nombre considérable des ratés, dus auparavant à 
l'éventement de la poudre de l'amorce et à l'usure 
de la pierre. 

C'est à peu près de cette époque (1837) qu'on peut 
daler l'apparition des armes rayées portatives, à l'u- 
sage des corps de troupes. L'adoption de ces armes 
fut due surtout à la découverte de dispositions nou- 
velles capables de rendre simple et facile le forcement 
de la balle dans les rayures du canon. 

Parmi ces dispositions, nous en citerons quelques- 
unes, en suivant leur ordre d'ancienneté. 

On pensa d'abord à former au fond de l'âme une 
chambre destinée à recevoir la poudre et d'un dia- 
mètre moindre que celui du canon dans le reste de 
sa longueur. 

La halle, s'arrêtant sur les ressauts formés par 
cette chambre, il devint suffisant, pour en obtenir la 
compression ainsi que le refoulement du plomb dans 
les rayures de l'àme, de la frapper de deux ou trois 
coups de baguette. L'addition d'un sabot en bois re- 
cevant la halle dans si concavité antérieure et repo- 
sant par sa base sur le ressaut de la chambre, vint 
encore simplifier l'action du forcement. 

A cette chambre simplement cylindrique on sub- 
stitua bientôt après une chambre annulaire, formée 
par l'ajustement au fond de l'âme d'une tige cylin- 
drique d'un diamètre moindre que celui du canon. 
La balle cylindro-ogivale venait reposer par sa base 
plane sur cette tige, et la tête de la baguette portaut 
une partie évidée s'adaptant au profil antérieur de cette 
base, pouvait la comprimer, en la refoulant- dans les 
rayures, sans lui imprimer des déformations propres 
à augmenter la résistance de l'air. La nouvelle arme, 



se 



LA NATURE. 



qui prit le nom de carabine à tige, se signala par un 
accroissement notable de justesse et de portée. 

Ou imagina ensuite de l'aire produire aux gaz de 
la poudre eux-mêmes le forcement de la balle dans 
les rayures de l'arme. Cette balle porta à l'arrière un 
évidement tronconique à l'entrée duquel fut logé 
un culot de fer en forme de dé et d'un diamètre sen- 
siblement plus fort que celui de la partie antérieure 
de cet évidement. Il est facile de comprendre com- 
ment les gaz, eu chassant le tulot, pouvaient pro- 
duire le refoulement du métal dans les rayures. 

Enfin , on pensa que le culot n'était pas indis- 
pensable, et que les gaz agissant sur les parois de 
î'évidement suffiraient pour produire le forcement. 
L'expérience justifia cette hypothèse. C'est sur ces 
derniers principes que les armes carabinées furent 
généralement établies, jusqu'au jour de l'adoption 
du mode de chargement par la culasse. 

Rayures. — Les rayures de l'aine des carabines 
furent pendant longtemps considérées comme n'ayant 
d'autre but que de rendre le forcement plus facile et 






Fig. 1. — Divers proiils de rayures de canons. 

furent habituellement tracées parallèlement à l'axe 
et de profil triangulaire aussi serré que possible. 
Dans les carabines modernes, les rayures furent sou- 
mises à un tracé raisonné et justifié par des expé- 
riences répétées- Ce tracé fut celui d'hélices d'un pas 
assez allongé pour permettre au projectile de suivre 
leur direction, mais cependant suffisamment court 
en même temps pour lui imprimer un mouvement 
de rotation autour de son axe de translation. Ce 
mouvement de rotation était reconnu comme le 
moyen le plus puissant de répartir uniformément 
autour du projectile, et, par conséquent, de neutra- 
liser les effets perturbateurs dus à la résistance de 
l'air ou au défaut de symétrie du projectile. 

On est très-peu d'accord sur le meilleur profil à 
donner aux rayures. Nous donnons le dessin de quel- 
ques-uns de ces profils appartenant à des armes des 
meilleurs modèles (fig. 1). 

Balles. — Le projectile ne devait pas non plus, 
pendant les perfectionnements de l'arme, conserver 




îig. 2. — - Dalles pleines se forçant par compression, 

sa forme originelle. On dut en chercher de nouvelles 
propres à diminuer la résistance de l'air et par con- 
séquent à augmenter sa justesse et sa portée. L'ins- 



pection des figures ci-dessous (2, 3 et 4) permettra de 
se rendre compte de la série des modifications suc- 
cessives subies par la balle avant d'arriver au modèle 
adopté pour les armes se chargeant par la culasse. 




Fig. 5. — Balles évidées se forçant par l't,_\pat.isiou du gaz. 

Le calibre lui-même devait varier» 

Avec les balles rondes, tirées dans une arme à ca- 
non lisse, un fort calibre ét;iit considéré comme très- 
avantageux. On gagnait d'abord de la portée et de 
l.i justesse, la résistance de l'air étant plus faible 
sur un projectile lourd que sur un projectile léger 
de même forme. Un second avantage présenté en fa- 
veur du plus fort calibre, était celui de pouvoir uti- 
liser à la guerre les munitions de l'ennemi tombées 
entre nos mains, tandis que l'inverse ne pouvait 
avoir lieu. 

L'adoption des armes rayées eut pour effet de ré- 
duire à peu de chose l'importance de ces avantages. 
On reconnut d'ailleurs que sous un même poids, 
l'allongement du projectile, dans une certaine me- 
sure, lui faisait gagner en vitesse et en portée. On 
dut admettre également que la portée efficace d'une 
arme avait une limite dépendante de la portée de la 
vue, et que par conséquent les difficultés du ravi- 
taillement en munitions à la guerre imposaient la 
nécessité de réduire le poids des projectiles. Ces der- 
nières considérations gagnèrent en importance avec 




Fig. i. — Billes pleines a profil allongé. 

l'adoption des armes se chargeant par la culasse. Ces 
armes présentent en effet dans le tir un tel excédant 
de rapidité sur les anciennes, qu'une plus grande 
consommation, sinon même le gaspillage des muni- 
tions, en est inévitable. Aussi voyons-nous que 
toutes les puissances descendent à un calibre très- 
faible relativement à l'ancien, \{ millimètres environ 
au lieu de 17, et que le poids du projectile lui- 
même, malgré son allongement, diminue aussi. De 
30 à 55 grammes, il descend aux environs de 25 
grammes. 

Charge de poudre. — Avec l'adoption des armes 
rayées, la charge de poudre et par suite la vitesse 
initiale du projectile ne pouvaient dépasser certaines 
limites. Avec une vitesse trop grande, en effet, les 
rayures eussent fait emporte-pièce sur les portions 
du métal engagé, et cessé par conséquent d'exercer 
sur la balle elle-même faction directrice qu'on avait 



LA NATURE. 



57 



en vue. Aussi la charge de poudre, qui était géné- 
ralement de 8 grammes avec la balle ronde tirée 
dans un fusil à canon lisse, descend-elle aujour- 
d'hui au-dessous de 5 grammes. 

Eugène Goiuemin. 

— La suite prochainement. — 

LES ÉCAILLES DE POISSONS 

Ces plaques cornées, de formes, de grandeurs, de 
couleurs si différentes que l'on appelle les écailles, 



revêtent, tantôt une partie tantôt la totalité du corps 
chez les poissons; parfois aussi elles manquent abso- 
lument ou se réunissent en une seule enveloppe 
articulée ou continue. 

Non-seulement nous n'avons pas encore découvert 
les raisons de mille modifications extérieures de ces 
organes qui semblent si essentiels, mais la structure 
elle-même de ces appendices ne nous est connue que 
comme résultat final ; nous ignorons absolument leur 
mode de formation et leur mode de naissance. Nous 
les trouvons enfermés dans des sortes de capsules 
qui semblent constituées par des replis de la peau 




Quelques écailles de poissons indigènes grossies (d'après les dessins do 31. IL de la Blanchcre). 

1. Drochet (Esox luciua L.). 41 «î. — 2. Sardino (Clupea sardinia Y.). 14 d. — 3. Sole (Pleuronectes solea L.). 17 d. — 4. Éperlan 
(Osinerux eperlanus V.). 14 d. — 5. Ablette (Alburinus lucidus Heck.). 14 d. — 6. Goujon {Gobi* fîuviatilis Ag.), 10 d. 



Nous les voyons enveloppés d'une ou plusieurs 
membranes extrêmement minces qui les couvrent en 
tout ou en partie, qui leur donnent une partie de leur 
couleur par les pigments dont ils sont revêtus. 

Si nous ignorons comment naissent les écailles, 
au moins savons-nous comment elles croissent ? Nul- 
lement. Agassiz a pensé que l'accroissement de ces 
singuliers organes avait lieu par l'addition successive 
dé nouvelles lames se déposante l'extérieur. Lesstries 
admirables qui marquent la surface des écailles sem- 
bleraient, tout naturellement, devoir être les traces de 
ces accroissements successifs, tout comme les bour- 
relets festonnés de l'écaillé indiquent, chez l'huître, 
l'accroissement successif de l'animal . Malheureuse- 



ment, si ces marques sont d'une incontestable vérité 
chez l'huître, qui les acquiert successivement sous 
nos yeux, elles sont absolument erronées dans l'é- 
caillé, puisque chez les petits ou jeunes individus 
d'une même espèce, les stries des écailles ne sont 
pas moins considérables, comme nombre, que chez 
les vieux individus ; elles sont seulement un peu 
plus écartées, en ce sens que l'écaillé semble, dans 
son accroissement évident, s'être plutôt étirée sur 
elle-même qu'augmentée par sa circonférence. 

D'un autre côté, on est forcé de chercher un mode 
différent d'accroissement ou même de création de ces 
organes extraordinaires, parce que la forme même 
de leurs diverses parties ne s'accorde point avec un 



3S 



LA NATURE. 



mode d'adjonction uniforme. A nos yeux, les stries 
ne sont point une marque d'accroissement, elles 
constituent une série de plis, d'ondulations calculées 
pour donner à une lame aussi mincequc l'écaillé une 
rigidité qu'elle n'aurait pu avoir sans cela. Tout, 
jusqu'à la forme générale, bombée et ombiliquée, 
tantôt au centre défigure et tantôt vers les bords, 
semble calculé dans ce but. Aussi, lorsque cet om- 
bilic manque, et nous en donnons un exemple frap- 
pant dans la figure 2, qui représente l'écaillé delà sar- 
dine, nous sommes en face d'une des écailles les plus 
molles et les moins solides que l'on connaisse. 

Nous ne \oulons pas toutefois affirmer que les 
écailles ombiliquées sont plus solidement implantées 
dans la peau que les autres, une telle proposition 
serait beaucoup trop absolue. Parmi les écailles bien 
ombiliquées nous en connaissons de solid.s et de fu- 
gaces. Cependant, un l'ait nous semble résulter de 
comparaisons successives et pourra, jusqu'à nouvel 
ordre, être érigé en loi. Le voici : F écaille est d'au- 
tant plus adhérente que le point symétrique, ou om- 
bilic, est plus voisin de l'un de ses bords. 

Sans aller plus loin, rappelons l'adhérence des 
écailles de la tanche, celles de la sole indiquée sous le 
n°5, celles de la perche, celles des labres, cellcsdes 
anguilles, etc.; signalons la facilité d'enlèvement des 
écailles de l'ablette (a 5), dont l'ombilic est presque 
central» de nos poissons blancs ou cyprins, mais, 
dont le n° 6 est un des exemples les plus tenaces, 
celle de la sardine (n° 2) qui n'a plus d'ombilic et 
presque pas de plis festonnés. 

S'il nous était permis d'émettre notre avis, nous 
dirions que la formation des écailles nous apparaît 
d'après nos observations, comme tout à fait analogue 
à celles des têts chez les mollusques, quoique la ma- 
tière en soit différente. Chez les mollusques, c'est le 
manteau qui sécrète par toute sa surface, ou par une 
portion limitée de celle-ci, une matière complexe qui 
prend la forme même de ce manteau et de ses plis. 
Chez le poisson, c'est la capsule dermienne qui, par 
la pellicule interne qui la revêt, sécrète une couche 
cornée qui se moule sur sa forme générale et s'em- 
preint de chacune de ses circonvolutions. Ce n'est 
donc point cette membrane mince et lépidroïquc qui 
se moule sur l'écaillé, mais bien l'écaillé qui, suée 
par la membrane lépidroïque, — qu'on nous par- 
donne ce néologisme nécessaire, — en conseive l'em- 
preinte et la forme générale. 

Le tissu des écailles est traversé par des canaux 
dans lesquels l'air pénètre, et leur perméabilité au 
liquide dans lequel vit l'animal qui les porte est très- 
grande. Tout cela conduit à croire que le rôle des 
écailles n'est point étranger à une certaine respira- 
tion cutanée chez le poisson. A cet égard, rien n'est 
encore assez connu. 

Sous le n° { nous avons représenté, à cause de sa 
forme toute particulière, une écaille du brochet, 
lequel appartient à une petite famille toute voisine 
des cyprinoïdes et semble destiné, en habitant les 
mêmes eaux, à contenir leur exubérauce. Le brochet 



porte une écaille trilobée, très-élégante, et assez 
éloignée des précédentes pour caractériser parfaite- 
ment les animaux du genre Esoce, tout en les éloi- 
gnant, hélas ! de la plupart des espèces qu'on lui a 
réunies dans la même famille. ."Vous avons placé au 
n" 2 l'écaillé de la sardine, encore une de ces man- 
nes que la mer nous distribue avec une si prodigieuse 
fécondité 1 

Parmi les Salmonidés, nous avons pris le petit 
éperlan pour nous donner une écaille. Tous les pé- 
cheurs connaissent l'aspect des salmonidés les plus 
communs: les étoiles noires, jaunes ou rouge san- 
glant qui marquettent la robe de la truite et du sau- 
mon. Mais, s'il est aisé de se rendre compte que les 
truites doivent leurs colorations différentes au pig- 
ment qui enveloppe leurs écailles, il est beaucoup 
moins facile d'expliquer par quel singulier mécanisme 
ces poissons ont le pouvoir d'accorder la couleur de 
leur pigment avec celle des lieux qu'ils habitent. 
Pourquoi la truite noire vit-elle sous les arbres épais 
et parmi les roches sombres? Pourquoi la truite étoi- 
lée habile-t-elle lesruis.'-eaux- rapides et criblai lins des 
montagnes? Pourquoi la truite argentée vit-elle seu- 
lement sous les nappes étinceluntes du lac de Con- 
stance ! 

Laissons encore ce curieux sujet que nous ne pou- 
vons qu'effleurer, empêché par ses milles consé- 
quences inattendues. C'est dans la famille des Sal- 
monidés, qui toute est caractérisée par une nageoire 
adipeuse, sorte d'excroissance placée sur la région 
caudale, et dont on ignore absolument l'emploi et 
l'utilité, que se trouve, au point de vue des écailles, 
le poissou le plus curieux, celui qui possède propor- 
tionnellement les plus grandes écailles connues, le 
biycin, poisson africain du Nil et du Sénégal. 

Si nous avons fait dessiner, sous le n° 3, une 
écaille de la sole, poisson qui appartient également 
aux malacoptérygiens, mais à une subdivision parti- 
culière, c'est parce que nous voulions donner un 
exemple d'une autre forme d'écaillé dite eténoïde 
ou ccaide terminée en peigne. Cela prouve que, 
même dans une subdivision à part, une écaille si 
dissemblable des autres ne peut demeurer englobée 
dans le même ordre. 

Nombre de poissons portent des écailles à peigne 
ou à épines. Passons la main sur le liane d'une sole 
nous serons surpris de le trouver rude, âpre, comme 
une râpe. Ce sont les pointes microscopiques qui ter- 
minent chaque écaille qui nous procurent ce toucher 
spécial. La perche d'eau douce est douée d'un revê- 
tement semblable, ainsi que beaucoup de poissons de 
mer. 

LA MORTALITÉ DES ENFANTS 

DU PRESlIEft AGE. 

<c beaucoup d'appelés, peu d'élus » telle est une 
des lois les plus cruelles, mais les plus générales de 



LA NATURE. 



3«J 



la nature. C'est surtout dans le inonde des organis- 
mes inférieurs qu'on rencontre l'application de cet 
impitoyable principe: ainsi chaque champignon 
émet des millions de spores dont chacun pourrait re- 
produire l'être dont il émane, et dont peut-être au- 
cun ne germera ; de même les poissons pondent des 
milliers d'œufs dont bieu peu viendront à bien. 

L'homme, si supérieur qu'il soit à ces créatures 
élémentaires, n'échappe pas complètement à celte loi 
terrible, et en France même, 21 enfants pour 100 
meurent dans la première année de leur vie. — La 
civilisation moderne ne peut-elle pas arracher à la 
mort quelques-unes de ces nombreuses victimes, c'est 
ce qu'on paraît, depuis peu, avoir compris. Déjà, en 
18G8, les efforts de l'Académie de médecine et de lu 
Société protectrice de l'enfance avaient fini par émou- 
voir à ce sujet, non-seulement l'opinion publique, 
mais aussi l'administration du pays. — Les tristes 
révélation du census de 1872 (qui dénote une dépo- 
pulation notable de notre pays), ont remis rapide- 
ment la question à l'ordre du jour. L'Académie de 
médecine a proposé un prix sur le sujet et un de ses 
membres qui siège aussi à Versailles, M. Théophile 
Roussel, a présente à l'Assemblée nationale un projet 
de loi pour proléger la vie des enfants, projet de loi 
qu'étudie en ce moment même une commission 
zélée, et qui, espérons-le, viendra bientôt en dis- 
cussion. 

Non-seulement la mortalité des enfants du pre- 
mier âge est considérable, mais elle va sans cesse en 
augmentant, et cela dans toutes les parties de la 
France. Ainsi elle était de 18 pour 100 en 184-0-49. 
— Dans les dix ans qui suivirent, elle s'éleva à 19,6 
pour 100, et elle est depuis ce temps de 20,5. 
' Cette mortalité varie beaucoup avec les saisons. Le 
docteur Bertillon a prouvé que, contrairement à toutes 
les idées reçues jusqu'à présent, c'est en été, dans 
le s mois de juillet, août et septembre, que la morta- 
lité des enfants au berceau est le plus considérable. 
Les mois d'avril, mai, novembre et décembre leur 
sont au contraire favorables. 

Notons en passant que, d'après le même auteur, 
la vie des petits garçons est constamment beaucoup 
plus fragile que celle des petites lilles. Ainsi la mor- 
talité des filles étant 100, celle des garçons est 117, 
et cette différence remarquable se retrouve à toutes 
les époques et dans tous les pays d'Europe. 

Un simple regard jeté sur notre carte nous mon- 
tre comment la mortalité des enfants du premier âge 
se répartit entre les divers départements français 
et nous indique du même coup une des grandes eau- 
ces de son intensité. Ou voit, en effet, que les dépar- 
tements les plus frappés sont ceux qui entourent 
Paris, c'est-à-dire ceux où les enfants de la grande 
ville sont mis en nourrice. C'est dans cette région que 
le tiers ou plus du tiers des enfants (Eure-et-Loir, 
57 pour 100) meurt avant l'âge d'un an. Si la mor- 
talité enfantine de ces départements était ramenée 
à la mortalité moyenne de la France (un pareil vœu 
n'a rien d'ulopique), ce serait 14,000 enfants qu'on 



arracherait chaque année au cimetière pour les 
rendre à leurs familles et à leur patrie. 

Les médecins de ces départements, mêlés souvent 
aux plus douloureux et parfois aux plus criminels 
détails de l'industrie nourricière, connaissent mieux 
que personne les causes qui la rendent si funeste. 

C'est généralement aux bureaux de nourrices que 
les familles s'adressent pour placer leurs enfants. Les 
nourrices de ces bureaux sont souvent recrutées 
par des femmes dont la seule profession est d'exer- 
cer ce métier de racolage. Ces femmes, appelées des 
meneuses, ne sont naturcllemement pas difficiles 
dans le choix des nourrices qu'elles amènent à la 
ville; pour elles, sauver les apparences estla grande 
affaire. Une femme a-t-elle un enfant chétif et peu 
propre à faire valoir sa mère, ou lui en loue un moyen- 
nant une trentaine de francs. Et c'est ainsi que cer- 
tains enfants de brillant extérieur, font l'étalage de' 
quatre ou cinq femmes successives. Ces enfants d'em-. 
prunt sont souvent fort mal traités pendant ces voya- 
ges fréquents qu'ils font à Paris. Lorsqu'ils crient, 
leurs fausses mères, craignant de leur voir prendre 
un visage ridé et malheureux, leur donnent du lau- 
danum, qui les endort, quelquefois du sommeil de la 
mort. 

Aussi, le projet de loi présenté par M. Théophile 
Roussel oblige-t-il les nourrices à se munir d'un 
certificat de moralité délivré par le maire de leur 
commune, et astreint-il les bureaux de nourrices à 
une surveillance plus rigoureuse que celle dont ils 
sont actuellement l'objet. 

Avant les chemins de fer, les nourrices pourvues 
de nourrissons regagnaient leur pays dans de grandes 
voilures fournies par les meneuses, et tellement 
malpropres et malsaines qu'on les appelait dans cer- 
taines campagnes, des Purgatoires; signifiant, par 
cette affreuse plaisanterie, que les enfants n'en sor- 
taient que pour aller dans le ciel, c'est-à-dire pour 
mourir. 

Mais une fois arrivés au domicile de leur nourrice, 
les enfants ont encore à passer par bien des traverses 
et des dangers. On se tromperait gravement, si Ton 
croyait ces dangers compensés par l'influence heu- 
reuse de l'air delà campagne. C'est une illusion que 
nous enlève la statistique. A vrai dire, cette influence 
bienfaisante delà campagne sur les jeunes enfants se 
tait manifestement sentir dans des pays tels que la 
Suède, la Norvège et le Danemark, dont les habi- 
tants, même les plus pauvres, jouissent d'une certaine 
instruction. 

Dans ces pays, où le plus misérable pêcheur rou- 
girait de ne pas savoir lire, la mortalité enfantine est 
plus faible à la campagne qu'à la ville. Qu'on con- 
sulte les documents statistiques de notre pays, on 
verra justement l'opposé; mais qu'on questionne en- 
suite un médecin de campagne sur l'hygiène des en- 
fants chez nos paysans, et l'on ne s'en étonnera plus. 

Si nos campagnards ne savent pas élever leurs 
propres enfants, comment veut-on qu'ils soignenÇ, 
plus intelligemment ceux des autres? 



40 



LA NATURE. 



Souvent, ce n'est pas par ignorance que les nour- 
rices deviennent funestes aux enfants qui leur sont 
confiés, mais par une avarice que la loi ne saurait 
trop punir. Lorsqu'une femme s'est chargée de sept 
ou huit nourrissons à la fois, il lui est bien impos- 
sible de les soigner convenablement. Le plus sou- 
vent, ces prétendues nourrices sont des misérables 
qui, servant les intentions criminelles de parents dé- 
naturés, cherchent à faire périr leurs élèves peu à peu 
et à force d'incurie. 



Nous n'insisterons pas sur les assassinats de ces 
mégères abominables. — Ce sont le plus souvent de 
vieilles femmes connues sous le nom, affreusement 
poétique, de « faiseuses d'anges, » qui récoltant 
jusqu'à dix et douze enfants à la fois, les nourrissent, 
si cela peut s'appeler nourrir, au petit pot, c'est-à- 
dire au seul biberon. — L'une des tombes du cime- 
tière de Besançon porte cette horrible épitaphe : « G y 
gît qui fut nourrice de quatre-vingt-seize enfants. » 
Naturellement les enfants soumis à la triste tutelle 



Creuse. ir.l 

Hautes-Pyrénées. . . . 140,2 

ArièRe 1*8,1 

Manche. 118 

Deux-Sèvres 148 

Indre 189,! 

Basses-Pyrénées 154,5 

Vienne 155 

pillOîie x 

"Vendée 161,1 

Haute-Garonne 161,7 



£.' JOJi-iliK i Iïi^: jj.ctiiL: ^Ë, >t:!;ri^ 



45. Corroie 106 

46. I Ile-et-Vilaine 197 

47. Hératil' 1»8,2 

48. Nord 199.8 

49. Cantal Î0<> 8 

50. Vosges Î00.5 

51. Alpes-Maritimes SOI 

5î. Meurthe. *<*.* 

ss. Orne 2(>6 

6». Ain *0« 



II, Loire-Inféricurc le".. 3 

1s. Pyrénées -Orienta 1rs. . . 165 

14. Allier 166 

15. Hante-Vienne 166 

16. Maine -i't-Laii-e 166,5 

17. Indrft-et Loire 167,4 

13 Charente 1RS ,2 

19 Morbihan 169.5 

20. Gers 169,5 

21. Aude" 1"1 

22. Gironde 171,3 

25. Mayenne 172 



58. N èvre 807.H 

Sij. Snûuc-el-LoirC 208,5 

.17. Var 208,5 

H8. I.oirc 409 

09, Meuse 209.5 

CO. Haute-Loire 213 

RI. Tafn-et-tiaronné 318,5 

62. Haule-Mnrne 217,5 

Bj. Ri)uches-du-llljôiie.. . . 218,5 

61. Sarlhe Sï5,5 



8(. Marne 277 

82. ArdèdlC Sf3 

85. Oise S8i 

84. Yonne 28) 

85 Seine-et-.Mamc J>» 

86. Bure 508 

87. Seine-Inférieure 515 

88. Eure-et-Loir. ...... 569 



•21.. Pas-de-Calais 17s 

25. Laudes I7>.S 

2fi. Ardeiuies 173.7 

27. Cher 175,8 

2S. Doubs. 17.1,5 

89. Tarn 178.2 

so. Dnrdognc 179, 5 

51. Jura 180 

52. Muselle. 180.3 

35. Corse ISO.t 

5V. Finistère 180,5 



63. Savoie 230 

66. Isère 230 

67. Drômn. 332 

«S. Haut-Rhin 340 

69. Côle-d'Or «s 

70. Somme 248 

71 V.iuchise 253 

72, Das-lUi n Î54,î 

73. Aisne. 255 



Ij.i...- , J 



35. Hante-Saftne. . . . 

56. Calvados 

37. Lot 



38. Lozère 

39. Haute-Savoir. . . . 

40. Avnyroii 

41. Puy-de-Dôme. . . . 

42. Côles-i!u-P>ord. , . 
»,5. Lot-et-Garonne. . . 
Vf. Cluireiit.e-Innjiicu!V 



i«o,s 

184 

1X5.5 

189,5 

tïi0.2 

191,5 

193.2 

193 

lWl 

ia.i,i 



71. Gard 238 

75. Loir-et-Cher 2;>9 

"6. Hantes-Alpes 2;l 

77. Aulip 2«S 

78. Seine-et-Oisr. ..... se» 

"9. Basses-Alpes IG8,« 

80. Loiret. j7i 



Seine x 

Rhône x 



Départements par ordre croissant rie mortalité. (Los chiffres ci-dessus donnent le décès annuel pour une population de 1000 enfants 

dont l'âge est compris entre et 1 an.) 



de ces prétendues nourrices, meurent presque tous. 
c Que de fois, dit M. le docteur Brochard, entendant 
un cri plaintif s'échapper d'une chaumière, j'ai de- 
mandé s'iïy avait là un enfant malade : Ce n'estrien, 
me répondait une nourrice, c'est mon petit Paris 
qui crie... la mort le tourmente! » Ne doit-on pas, 
en présence de ces crimes avérés, s'associer au vœu 
formé par l'Académie de médecine, quand elle de- 
mandait que les tribunaux poursuivissent comme 
homicides volontaires les femmes qui, prêtant leurs 
mains « à des intentions criminelles, font périr len- 



tement les petits enfants qui leur sont abandonnés. » 
Ce ne sont pas les seuls crimes dont les nourrices 
se rendent coupables, soit par incurie, soit par inté- 
rêt» Les histoires de substitution d'enfant dont la 
littérature moderne est remplie, ne sont pas toujours 
des contes inventés à plaisir. Ces sortes de crimes se 
produisent encore quelquefois, et sont d'autant plus 
dangereux pour les familles, qu'ils sont difficilement 
découverts. 

Les faits que nous venons d'énumérer démontrent 
jusqu'à l'évidence combien il est funeste aux jeunes 



LA NATURE. 



41 



enfants d'être élevés loin de !a maison paternelle. Si 
donc des raisons majeures empêchent la mère d'un 
enfant de le nourrir elle-même, c'est une nourrice à 
domicile qui devra la remplacer, ou bien, au défaut 
de celle-ci, une femme demeurant assez près des pa- 



rents de l'enfant pour qu'ils puissent la surveiller 
constamment. Voilà les devoirs que la science démo- 
graphique impose aux familles. 

Elle en impose de semblables au législateur, tu- 
teur naturel des faibles et des malheureux. Aussi 




tarte de la mortalité des enfants de à 1 an pendant la péiiode 1837-1806, d'après la Démographie figurée du 1)' Dertilloii. 



voyons-nous que, dès le règne de Louis Xlll, des or- 
donnances furent rendues pour surveiller les nour- 
rices, et pour protéger les enfants contre leur incurie 
ou leur ignorance. 

Une des dernières Déclarations du roi que signa 
Louis XIV contenait sur la même matière plusieurs 



mesures très-sages : « Défense aux nourrices d'élevei* 
deux nourrissons à la fois, etc. Obligation pour elles 
d'emporter avec l'enfant son acte de naissance et de le 
remettre au curé de la paroisse. » La sanction pénale 
de ces dispositions se ressent du temps où elles furent 
prises; la déclaration se termine ainsi: « le tout 



42 



LA NATURE. 



sous peine do fouet pour la nourrice et d'amende pour 
le mari. » 

Plusieurs déclarations sur le même objet puni- 
rent sous le règne suivant et sous celui de Louis XVI. 
On y ordonnait une surveillance active dos meneuses 
et des nourrices ; un édk de 1709 créait des inspec- 
teurs chargés de veiller à l'exécution des ordon- 
nances. 

Mais ces édits, que le temps a fait tomber en dé- 
suétude, n'ont plus aujourd'hui rju'une importance 
historique. Le projet de loi de M. Roussel les renou- 
velle en les améliorant et en les complétant. 

Il demande aussi qu'on organise d'une façon com- 
plète et vraiment sérieuse la statistique du premier 
âge. C'est la statistique qui nous a signalé le mal; 
espérons que bientôt elle, nous annoncera sa dispa- 
rition. J. Be[itji,i.on. 



DESTRUCTION 

DES FERMENTS PARAS1TIQUES 

chez i/hombie et les animaux par l'emploi 
de la chaleur 1 . 

L'homme, pas plus que les autres êtres de la créa- 
tion, n'a été destiné à subir les diverses maladies qui 
affectent sa vie. Toutes, ou presque toutes, sont dues 
à l'influence de la civilisation, du milieu dans lequel 
il vit, en un mot de la perturbation jetée par la vie 
sociale dans lus lois naturelles. Évidemment, même 
en admettant ces causes, il est bieu des affections 
contre lesquelles nous serons encore longtemps im- 
puissants; mais il en est d'autres contre lesquelles 
il est possible, à l'aide de nos connaissances actuelles 
d'agir énergiquement, autant parles moyens préven- 
tifs à employer, que par ceux curatifs à appliquer. 
Je veux parler des maladies épidémiques, telles que 
le choléra, la lièvre jaune, les fièvres paludéennes, 
etc., etc., ou de celles transmises par virus, telles 
que le charbon, la syphilis, la rage, etc., etc. 

Les moyens préventifs qui concernent plus parti- 
culièrement la première catégorie, consistent jus- 
qu'à présent, dans l'emploi d'antiseptiques divers. 
Chaque époque a vu préconiser quelques-uns de ces 
agentsviés fumigations, le vinaigre, l'ammoniaque 
etses sels, le chlore et le chlorure de chaux, l'acide 
sulfureux, se sont successivement produits comme 
étant efficaces. Tout dernièrement l'acide phonique et 
ses dérivés ont été préconisés et paraissent jouir eu 
en effet de propriétés précieuses. Mais est-ce à dire 
qu'il faille compter d'une manière absolue sur ces 
désinfectants? Non, car ne connaissant pas encore 
la nature, même approchée, des miasmes à combat- 

* L'auteur de 'cette Notice curieuse émet, comme on va le 
voir, des idées qui, pour être originales et hardies, ne sont peut- 
être pas toutes à l'abri des objections; nous lui en laissons la 
responsabilité. Nous sommes heureux cependant de publier un 
projet qui a récemment appelé l'attention de l'Académie, et qui 
peut être l'origine d'applications "vraiment utiles. G. T. 



Ire, nous ne pouvons affirmer que les moyens pré- 
sentés ont sur eux l'énergie que nous leur supposons. 
Ce sont peut-être des palliatifs utiles, mais à coup 
sur ce ne sont pas des remèdes absolus. Donc, tout 
eu ne repoussant pas le concours de ces agents, il 
faut, puisque nous n'avons encore rien do certain 
sous la main, chercher à agrandir 1105 moyens d'action. 
Or, parmi ceux que nous pourrions utiliser, il en est 
un qui se présente en première ligne. Ce moyen, 
c'est la chaleur, dont l'influence est aujourd'hui re- 
connue comme étant la plus sûre et la plus positive 
pour paralyser les germes microscopiques, par con- 
séquent ceux dont nous parlons ici. 

Partant de ce fait, je propose, en ce qui concerne 
les moyens préventifs, de remplacer dans toutes les 
quarantaines, les désinfectants ordinaires, par l'em- 
ploi de la chaleur, chaque fois bien entendu qu'il 
sera possible d'utiliser cet agent. Il est facile, eu 
effet, de disposer des étuves, dans lesquelles les 
lettres, les matières organiques, les vêtements se- 
raient soumis à l'action de la chaleur. Ces derniers 
surtout, si susceptibles d'accrocher p.ir leur texture 

fibreuse les germes organiques et de les emmagasi- 
ner dans leur mille replis, tout en étant par leur des- 
tination de trop bons agents de dissémination, se- 
raient soumis à une température de 100 à 110°, 
laquelle n'altérerait en rien leur qualité et agirait cer- 
tainement, absolument sur les ferments véhiculés par 
eux. Pousserions donc ainsi garantis, non contre toutes 
les épidémies, mais au moins contre celles que pour- 
raient introduire les objets sur lesquels la quaran- 
taine doit s'exercer, quarantaine qui serait alors vrai- 
ment de préservation efficace, tandis que jusqu'ici 
l'efficacité dû ce modo a pu maintes foi s être révoquée 
eu doute. 

Quand on réfléchit du resle aux faits pour lesquels 
l'expérience est acquise, on est en droit d'être sur- 
pris, que, dans des circonstances qui intéressent lu 
santé, nous ne sachions pas plus généraliser. Appert 
nous a appris à conserver nos aliments par la chaleur. 
M. Pasteur nous a donné la clef de cette conservation ; 
et nous sommes encore à appliquer ce moyen aux 
choses de la vie, c'est-à-dire partout où nous avons 
cru devoir établir une barrière aux fléaux. 

Si des mesures concernant les provenances exté- 
rieures, nous passons à l'intérieur, nous trouverons 
là, en bien des cas, à appliquer ce système. Eu pre- 
mière ligne, et j'insiste sur ce point, une ordonnance 
de police, ou un règlement de salubrité publique, 
devrait forcer à faire passer par la chaleur, c'est-à- 
dire par un étuvage à 110°, tous les vêtements, ob- 
jets de literie, ayant servi à des malades atteints d'af- 
fections épidémiques, et ce, avant tout nettoyage 
ultérieur. 11 ne serait pas nécessaire que le patient 
ait succombé pour que ces précautions soient prises. 
Le malade qui a guéri, laisse derrière lui, dans tout 
ce qui l'a entouré, une traînée pernicieuse, et c'est 
contre cette traînée qu'il faut agir. Le médecin pres- 
crirait du reste l'application quand il jugerait le cas 
opportun. Certes il y a là des soins multipliés à pren- 



LA NATURE. 



43 



dre, mais il y va de la vie, et si dans les familles on 
comprenait leur importance, nul doute que le plus 
grand nombre ne se prêterait de bonne grâce à leur 
emploi, sans qu'il soit besoin de prescriptions légales. 
Si par exemple on savait que \cf, déjections des cho- 
lériques sont le plus sur véhicule de la maladie, et 
qu'on peut en paralyser l'action en versant ces déjec- 
tions aussitôt leur émission dans l'eau bouillante 1 , 
chacun ne s'empresserait-il nus de se préserver, par 
l'emploi d'un moyen aussi simple, que partout on a 
sous la main? Mais, en se préservant on préserverait 
le voisin et ainsi de suite, dans bien des circonstances 
où la crainte du mal serait le plus sûr excitant aux 
précautions préventives. 

Malheureusement il n'en est point ainsi, et dans 
bien des circonstances nous agissons dans des condi- 
tions précisément favorables à la dissémination des 
agents morbifiques. Je citerai un exemple qui, échap- 
pant un peu à mon sujet, n'en démontre pas moins 
l'incurie avec laquelle nous procédons en cette impor- 
tante matière. 

Nous creusons des égouts pour assainir la ville, et 
c'est chose parfaite; mais ce qui est chose imparfaite, 
c'est que le sable en étant extrait on le fasse sécher 
sur la voie publique, on l'y passe à la claie, pour 
l'employer ensuite à tous usages. Que faisons- nous 
en agissant ainsi ? Nous avons envoyé le sable amas- 
ser, chercher au fond de l'égoût les principes dont 
nous voulions avec raison nous débarrasser, puis, 
quand ce sable saturé, si je puis dire, de ces principes 
insalubres, a été extrait, nous l'avons séché de ma- 
nière à rendre pulvérulentes les matières organiques 
qu'il entraînait; nous avons jeté le tout sur la claie, 
de manière à ce que le vent entraîne plus aisément 
les germes qui gisaient au fond de l'égoût: nous les 
avons ainsi rendus à la circulation, au détriment de 
notre santé. Est-ce rationnel? Et cependant cela se 
produit chaque année. 

Revenons à la chaleur, je ne passerai pas en revue 
tous les eus dans lesquels l'application de la chaleur 
pourrait être employée, comme mesure préveutive. 
Je dirai seulement que, dans Lien des circonstances, 
nous oublions que la cause de nos maux, ce sont les 
infiniment petits, et que leur présence, leur action, 
peut toujours être combattue par la chaleur; qu'en 
conséquence, chaque fois qu'il sera possible d'utiliser 
cet agent, on aura la certitude d'avoir employé un 
moyen préventif, actif et certain. 

J'arrive au second ordre de faits que 'je me suis 
proposé de traiter, l'emploi de la chaleur comme 
mo\ en curatif des maladies épidéniiques ou à virus 
trausmissible. Ainsi que je l'expliquais en commen- 
çant, ks premières sont de celles qu'il faut surtout 
considérer comme étant la conséquence de la civili- 
sation. Tantôt c'est l'industrie, encore imprévoyante, 
qui présente aux germes atmosphériques des circon- 
stances favorables d'implanlation, tantôt c'est l'in- 

1 Une solution do Bel marin bouillante serait encore préfé- 
rable. 11 faudrait en employer quatre à cinq fois le volume de 
matière à paralyser. 



curie qui, soit chez les peuples barbares, soit chez 
nous, facilite la formation de ces foyers. Quelle que 
soit leur source, ces germes se multiplient, sont véhi- 
culés dans nos populations, et trouvant là des orga- 
nismes prédisposés, soit par le labeur, soit par le 
plaisir, soit par la constitution héréditaire, ils s'im- 
plantent et causent les ravages que nous déplorons. 
Évidemment, dans l'état primitif, alors que l'homme 
ne s'était pas prêté aux mille exigences de la vie de 
société, ces germes n'avaient pas d'influence sur lui ; 
aussi la vie s' écoulait-elle longue et absente de 
maladies. Mais aujourd'hui que nous avons déna- 
turé le milieu dans lequel nous vivons, comme notre 
propre constitution, nous sommes devenus accessi- 
bles à ces pernicieux agents, et c'est à bon droit que 
la science moderne a multiplié ses études, pour en 
combattre l'influence. Toutefois, nous sommes encore 
de ce côté dans l'incertitude, et si nous avons pu dire, 
il y a un iustant, que nous sommes peu avancés 
dans l'emploi des moyens préventifs, pour combattre 
la transmission des germes aériens morbifiques, il 
est aussi juste d'avouer que notre impuissance aug- 
mente quand le mal est venu et qu'il s'agit de guérir. 
En effet, est-ce le choléra qui arrive, il y a presque 
autant de moyens que de praticiens. Est-ce lu fièvre 
typhoïde? Là encore l'incertitude règne, et si les 
symptômes du mal ont pu être mieux étudiés, mieux 
définis, les résultats fatals présentent encore un fac- 
teur trop considérable. 

Voulons-nous généraliser et envisager la fièvre 
jaune, la rage, le charbon, la piqûre d'animaux, etc.? 
partout là nous restons impuissants, et de données 
certaines, positives, absolues, il n'y en a pas encore. 
Eh bien, il y a, dans l'emploi de la chaleur, une 
voie, mécanique si je puis dite, qui n'est pas encore 
étudiée ou du moins qui ne l'est pas dans les condi- 
tions générales qu'elle comporte. Kt cependant, par 
les résultats précis qu'elle indique, elle mérite la 
plus sérieuse attention. Procédons du connu à l'in- 

• connu. M. Pasteur nous a appris que» de 50 à 55°, on 
paralysait la maladie des vins. Il peut paraître ridi- 

! cule d'assimiler nos êtres au traitement qu'on fait 
subir au vin, et cependant si 50 degrés suffisent pour, 
si ce n'est tuer en celui-ci, au moins paralyser les 
parasites qui s'y produisent ; pourquoi dans le sang, 
dans le mucus, dans les liquides qui constituent l'or- 
ganisme, n* oh tiendrions-nous pas des résultats ana- 
logues ? Je vais plus loin, je dis que nous serons en 
droit d'espérer des. résultats meilleurs. En effet le 
vin est un liquide mort, passif; mais l'être vivant 
est uue force, qui, ajoutant son activité, c'est-à-dire 
celle de la vie à l'action paralysante de la chaleur, 
doit conduire à un résultat encore plus positif. Dans 
cet ordre d'idées, la chaleur dans quelques cas tuerait 
le parasite, dans d'autres.elle paralyserait son activité. 
La vie organique, en cettedernicrû hypothèse, le trou- 
vant ainsi plus assimilable, le détruirait par absorp- 
tion ou le rejeterait par l'un des nombreux exutoires 
que fournissent les sécrétions. 
Gerte, il est bien évident qu'on ne pourrait impu- 



u 



LA NATURE. 



ncment soumettre l'homme à toutes températures, 
mais il serait possible, à l'aide d'expériences sagement 
conduites, de déterminer celles qu'il pourrait endu- 
rer sans danger. La chaleur est difficile à supporter, 
quand on procède tout à coup, la suffocation en ce 
cas arrive vite ; mais il serait aisé de disposer des 
baignoires dans lesquelles la température montant in- 
sensiblement, permettrait d'arriver d'autant plus cer- 
lainement au maximum possible, que la vaporisation 
produite par la transpiration cutanée ne viendrait 
pas affaiblir le résultat cherché. 

Dans le cas de choléra surtout, l'action de la cha- 
leur ne serait pas nuisible, puisque c'est précisément 
la période algide qui est la plus redoutable. J'ajou- 
terai qu'eu continuant avec ce traitement l'emploi 
ménagé de l'oxygène, il est probable que justement 
on combattrait victorieusement ce refroidissement, 
puisqu'il n'est en somme, quelles qu'en soient les 
conséquences, que la manifestation d'une combustion 
incomplète. 

Ce n'est pas seulement à l'homme que doit se li- 
miter l'emploi de la chaleur, comme moyen curât if 
des affections épidémiques ou à virus, mais nos ani- 
maux eux aussi, enlevés aux lois naturelles par la 
domestication, pourraient trouver là, dans la plupart 
des cas, un palliatif utile. Je n'aipasàra 'étendre sur ce 
point, qui me ferait entrer dans la répétition de tout 
ce que j'ai énoncé, je préfère me résumer et dire que 
mon but a été d'appeler l'attention sur ces points : 

1° Qu'en ce qui concerne la préservation préventive 
contre les maladies épidémiques, la chaleur est le 
moyen le pluscertain d'atteindre ce but. 

2° En ce qui concerne la guérison des maladies 
épidémiques, ou transmissibles par virus, considérant 
que, la cause de ces maladies étant des germes para- 
sitaires, la chaleur est le moyen le plus sûr de para- 
lyser ces germes, et par conséquent de détruire leur 
action ; 

Qu'en présence de ce résultat incontestable, mais - 
dont l'application ne peut encore se baser sur des 
données précises, il y aurait intérêt à organiser des 
expériences officielles pour déterminer: 

A. Les températures que l'homme et les animaux 
domestiques peuvent supporter, soit que ces tempé- 
ratures agissent seules, soit qu'elles soient combinées 
avec un traitement convenablement excitant. 

B. Les maladies dont les germes, virus, etc., etc., 
s'anéantiraient ou seraient absorbés sous l'empire de 
cette médication. 

En ce faisant, la pratique pourrait conquérir un 
moyen simple de guérir, et l'humanité entière profi- 
terait de cet ordre de recherches. Ch. Tellier. 



LE PASSAGE DE TENUS EN 1874 1 

Les Hollandais se sont décidés à envoyer une expé- 
dition à Bourbon ou à l'île de la Réunion, avec un 

1 Sous donnerons désormais, fous ce titre, les détails que 



héliomètre confié au docteur Oudeman et un photo- 
héliographe que fera manœuvrer le docteur Kaiser. 

Les Italiens auront trois expéditions qui s'occupe- 
ront particulièrement de spectroscopie, mais les dé- 
tails de leur répartition ne sont point encore connus. 

On estime que le nombre total des stations du pas- 
sage de Vénus sera dû 75, qui donneront lieu à une 
dépense totalede 5 à 4 millions de francs pour le phé- 
nomène qui, suivant M. Christie, premier astronome 
de l'Observatoire de Greenwich, commencera pour 
le point où le passage sera le plus avancé à l,4<ii ra , 
temps de Greenwich (8 décembre). 

Les Anglais et les Américains ont imité )a France 
et nommé une commission générale pour le passage 
de Vénus. 

Le secrétaire de la commission américaine est le 
professeur Newcomb, un des astronomes qui se sont. 
le plus distingués dans leur zèle pour discuter les an- 
ciennes observations de 1761 et 1769 afin d'en tirer 
la connaissance de la parallaxe de Vénus. 

Le capitaine Tupman, de l'artillerie royale de ma- 
rine, est le chef de toutes les expéditions anglaises. 
Mais il est soumis au contrôle de sir Georges Airy, 
l'astronome royal. 

Les stations anglaises sont de plus partagées en cinq 
districts: 

1° Egypte; chef, le capitaine Browne, de l'artillerie ; 

2° lies Sandwich, comprenant une subdivision spé- 
ciale pour l'archipel ; chef, le capitaine Tupman, de 
l'artillerie de marine; 

5° Ile Rodrigue ; chef, le lieutenant Néato, de la 
manne; 

4° Nouvelle-Zélande; chef, major Palmer, du 
génie ; 

5° Ile Kerguelen; chef, le révérend Perry. Ce dis- 
trict comprend une division spéciale pour l'île dont il 
porte le nom. 

C'est le corps du génie qui fournit 15 hommes, 
sous-officiers ou soldats, dont trois sont détachés à 
chacun des cinq districts d'observation. 

LA GRANDE SCIERIE MÉGANIQUE 

d'east river. 

Le nouveau système que représente notre gravure 
est employé dans les ateliers de PEast River de 
M. Van Pelt aux Etats-Unis; il est destiné à débiter 
le bois des arbres immenses qui couvrent entiè- 
rement le sol de ces régions. — Cette scie gigan- 
tesque, dont nous empruntons la description au 
Scientific american, est la plus grande que l'on ait 
construite jusqu'ici; elle n'a pas moins de 50 mètres 
de longueur, et tourne autour de roues comme l'in- 
dique notre gravure. La machine qui met en mou- 
vement ce mécanisme est d'une dimension considé- 

nous pourrons nous procurer sur ce grand événement scipn- 
titique, dont, se préoccupent à un si haut degré toutes les na- 
tions civilisées. 



LA NATURE. 



45 



rable, et les usines de l'East River sont certaine- 



ment les plus remarquables de celles qui ont été La scie gigantesque a été construite en France 



construites jusqu'ici pour débiter les troncs d'arbre. 




par une maison de Paris; et, sur les plans et dessins . MM. Richard, Kelley ont fourni la transmission et 
de M. Van Pclt, constructeur de Philadelphie; ! le mécanisme. Des poulies de 2 mètres de diamètre 



46 



LA NATURE. 



sont moulues sur une colonne, afin de supporter la 
lame d'acier, dont elles déterminent le mouvement. 
Les supports de l'arbre de transmission ont m ,12 
de diamètre, ,n ,56 de longueur; ils se composent 
d'un alliage de six parties de cuivre sur une partie 
d'étain. La tension est de une à quatre tonnes; 
elle exige nécessairement une grande solidité dans 
l'ajustage afin d'empêcher que la courroie ne soit 
lancée hors de position. 

Le tronc qu'il s'agit de débiter est placé dans la 
direction du mouvement de l'affût et de la scie sans 
qu'il soit nécessaire de l'assujettir à ses extrémités, 
et la dosse est prise et enlevée régulièrement. 

La scie que nous décrivons succinctement coupe 
le pin à la vitesse de 20 mètres à la minute, et le 
chêne à celle de 40 mètres. 

Ce grand outillage offre dans la pratique un avan- 
tage réel sur les systèmes de scie circulaire habituel- 
lement usités. La scie, en effet, peut suivre la courhe 
de la poutre, comme cela est surtout nécessaire pour 
les constructions nautiques; en outre elle coupe sur 
le fil du bois. Les planches qui sout obtenues par ce 
procédé valent dix pour cent de plus que celles qui 
sont coupées par une scie circulaire. 



>♦< 



CHRONIQUE 

Guerre nn Phylloxéra. — Notre collaborateur, 
M. Maurice Girard, vir.nt d'être nommé délégué de l'Aca- 
démie des sciences, ayant la mission spéciale d'étudier le 
Phylloxéra vastatrix dans le sud-ouest de la France, no- 
tamment dans les Charentes, avec résidence principale à 
Cognac, 11 est chargé, par les instructions qu'il a reçues 
de la commission académique, de faire dans ces régions 
un travail analogue à celui de M. Duclaux pour le sud-est; 
reconnaître les points envahis avec l'époque d'apparition 
du funeste Aphidien, rendre compte des moyens proposés 
dans les diverses localités pour la destruction de l'insecte, 
et des essais tentés en ce sens, afin de réserver pour l'ave- 
nir toutes les méthodes qui ont quelque chance de succès, 
et d'écarter les nombreuses recettes inefficace?, de manière 
à ce qu'on soit fixé d'une façon définitive sur leur inutilité. 
On évitera ainsi des perles de temps dans le combat 
acharne que nous devons livrer au fléau. M. Maurice 
Girard enverra des lettres sur ces sujets pour la Chronique 
de notre journal. 

Ijc forgeage du lingot de platine pour la con- 
fection du métré international. — M. Tresca a 
présenté à l'Académie des sciences une note très-curieuse 
où il signale, au sujet de celte opération, un fait de ther- 
modynamique vraiment digne d'intérêt. Pendant le mar- 
telage du lingot de platine iridié destiné à la fabrication 
des mètres internationaux, l'honorable sous-directeur du 
Conservatoire des arts et métiers, a remarqué que, sous le 
choc, des bandes brillantes, des traînées lumineuses appa- 
raissaient quand le métal, dans sa période do refroidisse- 
ment, était encore au rouge sombre. Mous n'insisterons 
pas sur les considérations théoriques de ce phénomène, et 
nous nous contenterons de faire remarquer qu'il peut être 
regardé comme un bel exemple de la transformation du 
travail mécanique en chaleur et en lumière. M. Tresca fait 



observer, avec raison, que la dureté exceptionnelle du 
platine iridié refroidi jusqu'au ronge sombre, exige, pour 
être déformé par le forgeage, un travail considérable au 
moins équivalent à celui du forgeage de l'acier. Le lingot 
de platine est actuellement amené à la forme d'une barre 
à section carrée de 4™ 50 de longueur ; dans les nouvelles 
opérations de forgeage qui vont avoir lieu, il est probable 
que le phénomène précédent se reproduira ; M. Tresca se 
propose de l'étudier spécialement pendant les expériences 
qu'il va exécuter avec son fils, M. Gustave Tresca, dont 
l'intelligente activité a déjà contribué au succès des opéra- 
lions auxquelles le lingot de platine a été soumis jusqu'à 
ce jour. 

Les Monitors du lthin. — Les Allemands ont con- 
struit de nombreux monitors sur le Rliin. Ces navires, 
d'après la lievue maritime, seront stationnés dans le por' 
de Goblentz; leur équipage se composera de 60 matelots, 
commandés par 6 officiers ; en cas de guerre, chacun de 
ces monitors recevra en outre, bO hommes d'infanterie. 
La Gazette de V Allemagne du Nord nous apprend que ces 
bâtiments sont munis chacun de deux pièces de marine 
de 12 centimètres, disposées dans une tour tournante 
cuirassée d'une épaisseur de 7 centimètres. On se [impose 
aussi d'entretenir une flottille sur la Moselle, entre ïhion- 
ville et Metz. 

Société française de navigation aérienne. — 

Celte société vient de nommer son bureau pour l'année 
1874. M. Hervé Mangon, de l'Institut, a éié élu président, 
en remplacement de M. Janssen, président sortant. MM. P. 
lîert, Croré Spinelli, le docteur Jlnrey et Motard, ont été 
nommés vice-présidents, M. llureau de Villeneuve, secré- 
taire général. Nous sommes heureux de voir la Société de 
navigation aérienne s'engager dans une voie de prospérité, 
et entrer dans le domaine de la pratique aérostatique. Le 
beau voyage aérien de MM.Crocé-Spinclli cl Sivcl a été exé- 
cuté sous ses auspices; puisse-t-il inaugurer une campa- 
gne aérienne féconde en résultats ! 



><>< 



ACADÉMIE DES SCIENCES 

Séance du Yo juin 1871. — Présidence de M. Bbiitiundi 

Incrustations calcaire*. — Il résulte d'intéressantes 
observations résumées par MM. Favre et Roche, que si de 
l'eau chargée de carbonate de chaux est abandonnée dans 
un Yase de plomb, le dépôt du calcaire commence a» con- 
tact de la moindre surface métallique électro-négative par 
rapport au plomb. Ainsi, dans les tuyaux de conduite, c'est 
à la soudure des bouts successifs, soudure où entre de 
l'étain, que le dépôt se manifeste d'abord ; s'il y a un ro- 
binet de cuivre c'est à son contact aussi que l'incrustation 
prend naissance. On peut même donner à l'expérience une 
forme pins frappante, en abandonnant simplement dans 
le réservoir de plomb qui contient l'eau, une petite pièce 
de monnaie d'argent. Celle-ci ne tarde pas à être complè- 
tement encombrée de carbonate de chaux. Comme on voit, 
ces divers faits présentent à la fois un grand intérêt pour 
le chimiste, pour le physicien et pour le constructeur. 

L'ammoniaque et la végétation. — Si, comme vient 
de le faire M. Schlœsing, on fait végéter une plante sous un 
récipient dont l'air renferme une certaine proportion de 



LA NATURE. 



47 



gaz ammoniac, oti constate bientôt la disparition totale de 1 
celui-ci. Il en résulta deux faits également importants, | 
d'abord que l'ammoniaque de l'air est assimilée par les vé- 
gétaux, et en second lieu que les végétaux peuvent contri- 
buer à l'assainissement de l'atmosphère en en extrayant 
l'ammoniaque qui s'y trouve. 

Passage de Vénus. — Le président signale la présence de 
M. Bouquet de laGrcge, chargé par l'Académie d'aller ob- 
server, à l'île Campbell, le passage de Vénus. 

La petite caravane que commande ce savant, arrivera à 
son but vers le 1 5 septembre et aura par conséquent deux 
mois et demi pour faire ses préparatifs. L'île Campbell est 
absolument déserte; il faudra donc que les hardis asti o- 
nomes trouvent tous leurs secours en eux-mêmes. Ils au- 
ront à mettre en pratique les métlodes imaginées par 
Ilalle.y, plus de quatre-vingts ans avant qu'on eût l'occasion 
de s'en servir ; circonstance qui n'empêcha pas leur iin- 
inorlcl auteur de les appliquer au calcul de toutes les par- 
ti, ularilés du phénomène. 

Formation des taches solaires, — Contrairement à 
l'opinion de M. Faye, le, p. Sccchî pense que les taches 
résultent de l'accumulation, en certains points de la chro- 
mosphère, des produits de condensation des protubérances 
qui, s'étant refroidis en s'élevant, retombent à la surface 
de l'astre. Il cite à l'appui de sa thèse des observations 
Iri's-conlinuL'S, mais qui, d'après M. Faye, ne se prêtent 
cependant pas à l'interprétation qu'en veut faire l'astronome 
romain. 

Les taches solaires et les passages de Jupiter. — Des 
observations superlicieiles ont fait dire que le passage de 
Jupiter au périhélie coïncide avec les maxinia des taciics 
solaires. M. Faye s'élève contre celte assertion : la période 
de Jupiter est de 11 ans et 8/10, tandis que la période 
des taches est de 11 ans et 1/10. Il en résulte que si, à 
l" 1 exemple de M. Carrlngton, on représente les deux phéno- 
mènes |iar des courbes que l'on compare entre rlles, on 
observe au début un parallélisme sensible qui se perd néan- 
moins peu à peu et finit par céder la place à la discordance 
la plus absolue. Il suffit d'une centaine d'années d'obser- 
vations pour que ce dernier résultat se produise. 

Valeur de la radiation solaire. — On sait que Pouillet 
a évalué à 13,6 00 calories la quantité de chaleur que le 
soleil rayonne par seconde et par mètre carré. M. Dupon- 
chel prétend que celte évaluation est 11 fois trop faible. 
C'est là une assertion contre laquelle M. Faye proteste en- 
core. Il rappelle que le nombre donné par M. Pouillet a 
reçu diverses confirmations qui le rendent très-probable. 
Ainsi, John llerschel, voulant donner une idée de la ra- 
diation solaire, dit que, si on suppose un cylindre indéfini 
de glace de 45 milles de 'diamètre et lancé sur le soleil 
avec la vitesse de la lumière, il fondra instantanément: 
l'éclat du soleil sera anéanti, mais sa température ne bais- 
sera pas d'un seul degré. Or si l'on ramène ce résultat à 
la forme adoptée par M. Pouillet, on trouve qu'il corres- 
pond pour la radiation d'un mètre carré de surface solaire 
en une seconde à 15,000 calories; c'est-à-dire à une quan- 
tité de chaleur Coût à fait comparable à celle trouvée par 
le physicien français. 

Election d'associé étranger. — Trente-trois suffrages 
appellent M. Alphonse de Candolle à la succession d'Agas- 
siz comme associé étranger de l'Académie. M. Bocr obtient 
13 voix et il y a un billet blanc. 



Menus propos sur les sciences. — Le charmant volume 
publié sous ce litre par J[. Félix llémcnt, arrive aujour- 
d'hui à sa troisième édition. C'est une série de causeries 
élégamment écrites sur les points principaux de la science, 
et dans chacune desquelles, sous un dehors familier, se 
cache ou plutôt se trouve l'enseignement, profitable pour le 
cœur, de quelque grande vérité morale. 

Stanislas Meunier. 

UNE COMÈTE VISIBLE A L'ŒIL NU 

Le 17 avril dernier, M. Coggia, le jeune et labo- 
rieux îïslronome de l'observatoire de Marseille, décou- 
vrait nwi petite comète téleseopiqiie perdue dans les 
régions polaires de noire ciel boréal. C'était une fai- 
ble nébulosité, comme toutes les comètes télescopi- 
ques, à peine visible sur le fond noir du ciel. Mais 
cet astre nébuleux est moins modeste qu'il ne le 
semblait d'abord. 

Des observations ayant été faites pendant les mois 
d'avril et de mai permirent de calculer les éléments 
approximatifs de l'orbite de cette vapeur errante. Il 
en résulte que cette comète s'approche de la Terre, 
et qu'elle va devenir visible à l'œil nu. Déjà une 
chevelure s'est formée autour de son noyeau, et une 
queue diffuse se déploie, à mesure que l'astre vaga- 
bond se rapproche des régions échauffées parle Soleil. 
Son mouvement est direct, c'est-à-dire qu'il s'accom- 
plit dans le sens général de la translation des planètes 
autour du Soleil, de l'ouest à l'est. Mais il est forte- 
ment incliné sur le plan de l'orbite terrestre (68°). 
La ligne d'intersection du plan de l'orbite de la co- 
mète avec celui de l'orbite terrestre est tracée par 11 9 U 
de longitude, et la longitude de son périhélie est à 271°. 
Tout amateur d'astronomie peut se représenter ainsi 
la situation de l'orbite du no.rcl astre dans l'espace, 
Le passage au périhélie aura lieu le 11 juillet pro- 
chain. La comète se trouvera alors à une distance mi- 
nimum du Soleil égale à 0,68535 relativement à 
celle de la Terre, c'est-à-dire à 25 millions de lieues 
du Soleil. 

Comme la comète découverte l'année dernière par 
M. P. Henry , celle-ci augmente rapidement d'é- 
clat à mesure qu'elle descend vers la Terre, et elle 
augmente plus rapidement encore que la précédente. 
Ainsi, si l'on représente par 1 l'éclat qu'elle offrait 
lejourdesa découverte, on calcule l'accroissement 
suivant pour tout le temps de son apparition : 



17 avril , . . 1 

24 mai. ... 3 

10 juin. ... 7 

24 juin, ... 20 

3 juillet. . . 40 

8 juillet. . . 60 



15 juillet. . 100 

19 juillet. . 15J 

20 juillet. . 120 
3 août. . . 50 
6 août. . . 30 



Comparativement aux grandeurs des étoiles, non? 
pouvons attribuer aux phases de la comète les chif- 
fres suivants: 



17 avril . 



9* 



28 mai. . . , 7« 



48 



LA NATURE. 



10 juin. . 

21 juin. . 

5 juillet. 



15 juillet. 
4 août . 



Ces chiffres montrent que la comèLe est actuelle- 
ment assez brillante pour être visible à l'œil nu. En 
s'aidant d'une jumelle on la trouvera facilement. 
Pour ceux qui ont à leur disposition des cartes astro- 
nomiques, je dirai que sa position est, au 25 juin, 
p;T 7 b. 26 m. d'ascension droite, et G7 U 17' de dé- 
clinaison; au 3 juillet, par 7 h. 36 m., et63°l'; au 
H juillet, par 7 h. 40 m. et 58° 36'. 11 est facile de 
calculer sa position pour les dates intermédiaires. Les 
personnes qui n'ont pas de carte pourront trouver la 
comète en sachant qu'elle est placée au nord-ouest, 
à gauche de l'étoile polaire et plus bas. En menant 
une ligne de l'étoile a de la Grande-Ourse à Capella, 
cette ligne traverse la constellation du Lynx, et longe 
celle de la Ciial'e. A peu près au tiers du chemin 
de Capella à a de la 
Grande-Ourse, ou re- 
marque deux étoiles de 
4*" grandeur appartenant 
à la Girafe. C'est vers ces 
étoiles, et à leur ouest, 
qu'il faut chercher la co- 
mète, après 10 heures 
du soir, car plus tôt le 
ciel est encore trop 
éclairé de ce côté par le 
crépuscule. 

Parmi les observations 
lélescopiqucs que j'ai 
faites sur cette comète, je 
rapporterai ici celle du 
1 1 juin dernier, qui m'a 
permis de faire un dessin 
suffisant pour apprécier 
la forme et l'étendue de 
la nébulosité comélaire. 
Elle se trouvait par 7 h. 

2 m. d'ascension droite et 08* bb' de déclinaison, à 
l'est de l'une des deux étoiles de 4 U grandeur que 
je signalais tout à l'heure, entre la plus boréale 
de ces deux étoiles et une autre de 6 e grandeur 
située plus à l'est. Dans un chercheur grossissant 
huit fois seulement, on distinguait ces trois étoiles 




Cornue do 31. Coggia, le 11 juin 1S71. 



et la comète avec sa queue. La comète était moins 

intense que les deux étoiles de 4 e grandeur, et supé*- dernier, et subsistera jusqu'en octobre, lors mèrne 



Placé entre deux étoiles très-voisines, l'une de 8* 
grandeur, l'autre de 9 e , le noyau de la comète était à 
la fois plus visible que la première, mais moins bril- 
lant; il était plus large et plus pâle. La chevelure 
s'étendait jusqu'à l'étoile de 9 e grandeur. La lumière 
était d'un blanc pâle verdàlre, qui contrastait singu- 
lièrement avec le ton chaud et plus jaune des étoiles 
voisines. 

On a déjà essayé d'analyser au speclroscope la lu- 
mière de cette comète. Sans avoir obtenu encore de 
résultats définitifs, le P. Secchi a cru remarquer que 
les raies principales de son spectre appartiennent an 
carbone, soit au carbone simple, soit à l'un des oxy- 
des de carbone. On sait que ce fait si extraordinaire a 
été remarqué dans l'analyse spectrale de la plupart 
des comètes qui sont passées en vue de la Terre pen- 
dant ces dernières années. 

Ce sont là les premières observations faites sur la 

nouvelle comète; mais, 
comme nous l'avons dit, 
elle s'approche de la 
Terre, va devenir visible 
à l'œil nu, sans attein- 
dre, il est vrai, les di- 
mensions de la comète 
Donali, de 1858, ni 
celles de la grande co- 
mète de 1862, mais en 
se développant toutefois 
sons nue envergure suf- 
fisante pour frapper la 
curiosité des esprits at- 
tentifs, et peut-être assez 
même pour devenir po- 
pulaire. 

La réputation des co- 
mètes les ayant associées 
aux années de séche- 
resse et de hautes tempé- 
ratures, nous pourrions 
peut-être ajouter ici que MM. Belgrand et Lenioine 
ont annoncé à l'Académie des sciences, que cet 
été sera marqué par une véritable disette dans le 
régime des cours d'eau, des puits, sources, etc. Mais 
il ne faudrait pas en accuser la nouvelle comète, qui 
en est absolument innocente. La sécheresse sera due 
au manque de pluies pendant l'hiver, le printemps 



rieure à celle de 6 e . Au télescope, l'oculaire n° 1, 
grossissant i 20 fois, montrait la comète sous la forme 
d'une nébulosité diffuse, munie d'un noyau brillant, 
et d'une queue vaporeuse. La lumière générale res- 
remblait à celle d'un rayon de soleil qui pénètre dans 
une pièce obscure et éclaire les poussières dans l'air ; 
elle diminuait d'intensité à mesurequ'elle s'éloignait 
du noyau; mais s'étendait assez loin pour annoncer 
la présence de la comète lors même que la tête de 
celle-ci n'était pas dans le champ du télescope. 

Ce qu'il y avait de plus remarquable, c'était préci- 
sémenteette tète et cette chevelure, fort lumineuses. 



que la pluie reviendrait maintenant. Ajoutons, toute- 
fois, que depuis que les taches solaires, le magné- 
tisme terrestre, les mouvements planétaires, les au- 
rores boréales, les cyclones, etc., paraissent rattachés 
mutuellement par des liens mytérieux, il serait peut- 
être moins philosophique qu'on ne pense de nier 
tout rapport entre les apparitions de comètes et le 
régime météorologique de la Terre. 

Camille Flammarion. 

Le Propriétaire-Gérant : G. Tissandier. 

LwitJili,,— Ijln Si »l«i U«) CUITS 



K« E»C. — 27 JUIN 1874. 



LA NATURE. 



40 



LES DEUX 

JEUNES ORANGS-OUTANGS DE BORNÉO 

AU JARDIN D "ACCLIMATATION. 

On a très-rarement vu des orangs-outangs, dans 
«os jardms zoologiques; ces animaux ne supportent 



guère, ni les fatigues d'un long voyage, ni les inquié- 
tudes de la captivité, ni le changement de climat. 
On ne peut les prendre que lorsqu'ils sont jeunes ; à 
l'état adulte, ils se défendent avec une extraordinaire 
énergie contre leurs ennemis, et s'ils doivent être 
vaincus, ils" meurent bientôt de désespoir. L'intelli- 
gence des orangs-outangs en fait cependant des êtres 
d'un grand intérêt : le naturaliste et le philosophe 




les deu» jeunes orangs-outangs de Bornéo, au Jardin d'acclimatation. (D'après nature.) 



peuvent puiser bien des enseignements à leur obser- 
vation. Les petits orangs-outangs, que tout le monde 
voudra voir à Paris, sont arrivés récemment au Jardin 
d'acclimatation, où, grâce à l'obligeance de M. A. 
Geoffroy Saint -Hilaire, il nous a été permis de les 
examiner de près. Ils ont l'allure indolente, le mou- 
vement peu rapide, et sont très-doux. C'était vrai- 
ment un spectacle étrange de Yoir la petite femelle 
s'approcher de mon frère, qui dessinait le portrait 

î" ica'e. — 2'scraeslre. 



du mâle, s'accouder sur ses genoux, pour regardât' 
d'un air étonné, attentif et intelligent, les mouve- 
ments du crayon sur le papier. Ces petits êtres sont 
familiers, ils tendent volontiers la main aux specta- 
teurs qui les regardent ; leur gardien nous a appris 
que, quoique très-jeunes, ils mangent déjà leur soupe 
avec une cuiller, et boivent dans des verres, beau- 
coup plus habilement que ne le feraient des enfants 
du même âge. Ce gardien qui ne les quitte jamais, 

4 



LA NATURE. 



qui couche à eût»' d'eux, est un marin; il <i acheté 
ces orangs-outangs, originaires de Iîornéo, dans l'île 
Sumatra, à des marchands malais. Le mâle a environ 
dix mois, la femelle a quinze mois; tous deux sont 
à vendre, mais à un prix si élevé (8000 francs), que 
jusqu'ici il ne s'est pas présente d'acquéreur. 

A leur passage à Marseille, où ils ont séjourné 
quelques jours, les deux orangs-outangs, ont été étu- 
diés avec soin par un jeune naturaliste, M. Albert 
Vayssière, qui a bien voulu nous communiquer une 
note fort intéressante à leur sujet. Nous cédons la 
parole à notre correspondant. 

« Je vais d'abord, dit M. Vayssière, donner nue 
description rapide de la femelle : ta die, en compre- 
nant les membres postérieurs moins les mains, 
00 centimètres, qui peuvent ainsi se répartir : 
tête 10 centimètres, tronc 29 centimètres, cuisses 
10 centimètres et jambe 11 à 12 centimètres. Kilo a 
donc un peu plus de la moitié de la (aille d'une 
femelle adulte, car Drehni lui donne 5 pieds et 
demi (l m , 16) et au mâle adulte 4 pieds (i ra ,53). 
M. Gcrvais, dans son Histoire dés mammifères, cite 
aussi des orangs de cette taille. 

« La peau de la tète est gris de fer, si ce n'est la face 
dont le teint est plus clair, et même en certains en- 
droits (oreilles et lèvre supérieure) d'une couleur 
blanche analogue à la peau de l'homme; elle est 
très -finement plissée. Sur le crâne on aperçoit çà et 
là quelques poils presque noirs ; la face en est dé- 
pourvue, la lèvre supérieure présente seule des poils 
blonds dirigés de haut en bas. 

« Frontbombéiiepréscntant aucune saillie ou crête. 
Nez gris foncé, aplati et ayant une rainure longitu- 
dinale sur le milieu ; les ouvertures des narines sont 
inférieures. Les yeux sont grands, vifs et d'une cou- 
leur marron. Cette femelle présente, comme denti- 

tion, la formule suivante: 7,77707 c'est comme l'on 

A 1 ii > 

voit sa dentition de lait, dentition qu'elle conservera 
encore plusieurs années ; les incisives et les canines 
sont très-grosses proportionnellement aux molaires. 

« La lèvre inférieure avance beaucoup ; le menton 
est très-petit et fuyant. 

« Les bras sont longs et mesurent 44 centimètres; 
bras 15 centimètres, avant-bras 1 S centimètres, main 
14 centimètres; ils sont grêles mais musculeux. La 
main est longue, l'extrémité du pouce arrive à peine 
à l'articulation métacarpo-phalangicnnc de l'index, ce 
qui provient de la longueur de la paume de la main 
qui est égale au double de sa largeur. Les doigts sont 
effilés et pourvus d'ongles arrondis à leur extré- 
mité. • 

« Les poils, d'une belle couleur roussâlrc, sont 
assez abondants sur la partie externe du bras et de 
l'avant-bras, rares sur le dos de la main; les doigts 
ainsi que la paume en sont dépourvus. Le dessus de 
la main est gris-marron tandis que le dessus est blanc. 

« Les mamelles, qui sont pectorales, au nombre de 
deux comme chez l'homme, ne sont pas développées 
vu le jeune âge de l'animal; le ventre est bombé. 



Des poils roux comme ceux des liras recouvrent le 
reste du corps, mais ils sont plus longs et plus abon 
dants sur le dos, cependant sans l'être beaucoup. 

« Le maie, qui est plus jeune de cinq à six mois, 
comme il a été dit plus haut, a 10 centimètres de 
moins. Il a le corps moins couvert de poils que la 
femelle, mais le duvet en est plus laineux. La den- 

tition ne présente pour formule que ^7 -p, les mo- 
laires n'ont pas encore paru et les canines ne sont 
pas complètement développées. 

« La femelle est plus vive et plus familière que le 
mâle. Ainsi elle joue volontiers avec toutes les per- 
sonnes qui la visitent; le mâle ne veut s'approcher 
que de son maître, il n'est point pour cela sauvage 
ni méchant, mais on peut attribuer cette mélancolie à 
la souffrance qu'il doit ressentir par suite de la sortie 
des dents; aussi rcstc-t-il tranquille, s'envcloppant 
complètement, hormis la tête, dans une couverture, 
tandis que la femelle, qui est moins frileuse, ne fait 
que remuer à ses côtés. (Voy. la gravure.) 

« Cette dernière, ennuyée de rester toujours dans sa 
prison, était parvenue à découvrir la pointe mobile qui 
servait à fermer la cage; aussi à partir de ce moment 
le matelot était-il constamment obligé de la surveiller. 
Un jour il prit le parti de relier le barreau mobile qui 
remplissait les fonctions déporte, aux autres barreaux, 
au moyeu d'une petite corde; mais à peine eut-il fini, 
que la femelle se mita défaire complètement la corde, 
s'aidant de ses mains antérieures, de sa lèvre infé- 
rieure et parfois de ses dents. Aussi depuis ce jour le 
matelot s'amuse souvent à relier les barreaux entre 
eux avec une corde, qu'elle défait immédiatement, 
mais toujours avec une certaine nonchalance, car 
cette lenteur paraît être inhérente au caractère des 
orangs-outangs. 

« (les animaux ont assez bien supporte le voyage; à 
Sumatra il étaient nourris avec du riz cuit dans une 
sauce très-forte, mais pendant la traversée le matelot 
les nourrissait avec du riz simplement bouilli et de 
la mie de pain. Il leur faisait boirede temps en temps 
un peu d'eau et de vin. Ils aiment le lait, mais on a 
dû leur en servir le moins souvent possible car cela 
leur donnait une forte diarrhée. 

« La femelle mange assez volontiers les bananes, 
mais le mâle n'en fait pas un grand cas. 

«Cesorangs n'aiment pas à être placés sur le sol sans 
avoir à leur portée un objet où ils puissent s'accro- 
cher, surtout le mâle qui se met tout de suite à crier 
sans oser remuer ; la femelle, au contraire, se dirige 
vers un objet quelconque et s'y accroche. Tour mar- 
cher elle se sert dé ses quatre membres, mettant à 
plat ses mains antérieures, mais fermant celles de 
derrière et les tournant en-dedans. 

Les deux jeunes orangs ne s'amusaient jamais 
avec d'autres singes, qui étaient abord, ni avec d'au- 
tres animaux. Il est curieux de voir ces animaux, qui 
sont d'un caractère assez enjoué avec les hommes et 
les enfants, demeurer sérieux avec tous les êtres moins 
intelligents. 



LA XA.TURE. 



51 



« Brchia et M. Gervais font à leur sujet la même 
remarque. » 

Grâce aux soins que leur prodigue leur maître, les 
jeunes orangs-outangs tle Bornéo sont actuellement en 
bonne santé; ils vont, viennent, et se livrent même 
avec passion à l'exercice du trapèze et de la gymnasti- 
que; mais il est peu probable qu'ils puissent vivre 
longtemps- Il est à craindre que le s froids de nos hivers 
ne soient mortels pour ces petits êtres, habitués au 
soleil des pays chauds. Il serait bien à désirer cepen- 
dant qu'ils vécussent, car on verrait se reproduire 
probablement les merveilles de leur intelligence, à 
l'âge adulte. Les orangs-outangs ne le cèdent en rien, 
sous ce rapport, aux chimpanzés ; ils peuvent se 
rendre utiles à leur maître, servir à table et faire 
des commissions. Le chimpanzé de M. de Bubon a 
été célèbre jadis ; il pouvait être considéré* comme 
un excellent domestique, et comme nous l'apprend le 
grand naturaliste lui-même, il savait donner le bras 
aux visiteurs. Le savant anglais Jeffrios rapporte 
qu'un orang-outang apprivoisé lavait le plancher de 
sa cage avec un linge humecté d'eau. Urelim cite un 
animal de cette espèce qui, abord d'un navire, allu- 
mait le feu, surveillait la cuisson du pain, et donnait 
bien d'autres preuves, non moins frappantes, d'une 
remarquable intelligence. 

Qu'on ni'aillû soutenir, après un tel récit, 
Que les Jujtes n'ont point d'esprit! 

Gaston Tissakdif.r. 



PILES SECONDAIRES DE M. PLAINTE 

Les courants secondaires ou de polarisation ont été 
l'objet d'études nombreuses depuis l'époque où ils 
ont été découverts, c'est-à-dire depuis le commence- 
ment du siècle; mais c'est seulement depuis peu 
d'années qu'on a compris qu'ils étaient susceptibles 
d'applications pratiques. 

Depuis quinze ans environ, M. Gaston Planté s'est 
occupé de celte question, et il est arrivé, par des ef- 
forts continuels et des progrès successifs, à des ré- 
sultats du plus haut intérêt, dont nous allons cher- 
cher à donner une idée. 

Le lecteur sait qu'un voltamètre est un instrument 
dans lequel on décompose l'eau par le courant d'une 
pile ordinaire; c'est là une expérience fondamentale 
de la physique qui est représentée par la ligure 1. À 
l'instant précis où on vient de le soumettre à celle 
action, le' voltamètre peut être considéré comme un 
couple ou élément secondaire ; si on met en commu- 
nication les deux électrodes avec le fil d'un galvano- 
mètre, on voit l'aiguille dévier pendant quelques se- 
condes et accuser un courant qui va continuellement 
.en s'affiiblissant et qui devient insensible après un 
temps assez court. Ce courant est ce qu'on appelle 
un courant secondaire ; il u été fourni par la pile au 
voltamètre et il est rendu par le voltamètre. 

M. Planté a montré dès 1859 que le plomb est le 
métal le plus favorable pour constituer les piles se- 



condaires, et il a accumulé depuis cette époque des 
preuves de cette supériorité. La figure 2 montre l'é- 
lément tel qu'on le construit aujourd'hui : dans une 
éprouvette de verre, de gutta-percha ou de caoutchouc 
durci, sont placées deux lunes de plomb enroulées 
en spirale l'une parallèlement à l'autre et maintenues 
à distance par deux cordes de caoutchouc enroulées 
ea même temps ; ces deux lames sont baignées dans 
une solution d'acide sulfurique au dixième. L'éprou- 
vette est fermée par un bouchon cacheté dans lequel 
on a ménagé un petit trou, qui sert à mettre le liquide 
et à l'enlever, et qui donne passage aux gaz qui peu- 
vent se dégager pendant, la charge de la pile. L'appa- 
reil est couronné par un couvercle de caoutchouc 
durci sur lequel sont placées deux attaches qui com- 
muniquent aux deux électrodes; on y voit aussi des 
pinces pour tenir des fils métalliques qu'on peut 
rougir et fondre avec le courant secondaire. 

Pour charger cet élément secondaire, il faut deux 
couples de Bunsen ou, à leur défaut, trois couples 
de DanielL Pendant que la charge se fait, l'une des 
électrodes s'oxyde, une couche brune de peroxyde de 
plomb s'y voit bientôt et l'aspect métallique disparaît 
complètement; l'autre électrode change également 
d'aspect, sa surface se couvre d'une couche pulvéru- 
lente grise. 

Quand la charge est arrivée à son maximum, c'est- 
à-dire quand l'oxvgène commence à se dégager de 
l'électrode brune, il est opportun de séparer le cou- 
ple secondaire de la pile active, car le passage du 
courant polariseur n'a plus lieu qu'en pure perte. 

Le couple secondaire, une fois ainsi chargé et aban- 
donné à lui-même, peut conserver une partie de sa 
charge pendant plusieurs jours; el, au bout d'une 
semaine, il est encore loin d'être épuisé. 

L'élément secondaire, au maximum de charge, a 
une force électro-motrice égale à une fois et demie 
celle d'un Bunsen ; il peut rougir un fil de platine 
plus ou moins gros suivant sa dimension ou, pour 
mieux dire , suivant retendue des électrodes ; on 
comprend, en effet, que la quantité d'électricité que 
peut fournir l'appareil est proportionnelle à l'étendue 
de la surface de plomb soumise à l'action du courant 
polariseur et recouverte d'un dépôt électro-chimi- 
que actif. 

Il faut noter que la forme particulière (en spirale) 
des électrodes donne au couple une grande surface 
et une petite résistance sous un petit volume; de 
sorte qu'un élément secondaire de Planté équivaut à 
un élément actif ou ordinaire d'une dimension tout 
à fait inaccoutumée; le petit modèle a une surface 
active de 8 décimètres carrés, le grand modèle une 
surface de 40 décimètres carrés. 

Le courant fourni par l'élément secondaire peut 
produire des décompositions chimiques, agir sur un 
électro-aii nant, etc. ; mais, si on mesure son inten- 
sité d'une façon ou d'une autre, par exemple avec un 
galvanomètre, on la voit décroître à partir du maxi- 
mum dont nous avons parlé plus haut. Celte décrois- 
sance est assez lente si le circuit a une grande résis- 



52 



LA NATURE. 




Fis 



tance et si, par conséquent, l'électricité s'écoule en 
petite quantité; elle est, au contraire, très-rapide si 
le circuit n'a qu'une faible résistance, parce que 
alors l'électricité s'écoule en grande quantité. 

La période de décharge donne lieu à une observa- 
tion intéressante ; 
la pila se décharge 
complètement en 
apparence, mais, si 
on la laisse reposer 
quelques minutes 
en circuit ouvert, 
on constate qu'elle 
a retrouvé une cer- 
taine énergie eL 
qu'elle peut fournir 
encore une certaine 
quantité d'électri- 
cité. La pile ainsi 
déchargée de ce pre- 
mier résidu et abandonnée y elle-même encore 
quelque temps, fournira un second résidu, moindre 

il est vrai que le premier. Et celui-là ne sera pas 
le dernier : on pourra 
en obtenir encore plu- 
sieurs autres. RI. Planté 
a fort bien expliqué 
cette particularité : 
l'élément secondaire 
quand il devient actif 
se décharge , et en 
même temps il se po- 
larise, connue font les 
piles à un seul liquide; 
cette polarisation ac- 
quiert en un certain 
temps une force pres- 
que égale à celle de 
l'élément secondaire 
déjà affaibli, et l'action 
cesse ou se réduit à 
très-peu de chose ; si 
on laisse alors reposer 
la pile, elle se dépo- 
larise d'elle-même, 
connue il arrive à tou- 
tes les piles à un seul 
liquide polarisées par 
leur action même ; la 
pile, une fois dépolari- 
sie, se trouve de nou- 
veau prête à fournir 
un courant; mais dans 
cette nouvelle décharge elle se polarise de nouveau 
et ainsi de suite. 

Considérons enfin l'élément secondaire déebargé 
complètement ou presque complètement, ou peut le 
recharger avec deux éléments Bunsen comme la pre- 
mière fois; mais il est digne de remarque qu'une 
charge nouvelle est donnée d'autant plus rapidement 



que l'on y procède plus promptement après fa dé- 
charge. 

D'ailleurs un élément secondaire est d'autant meil- 
leur qu'il a été chargé et déchargé un plus grand 
nombre de fois; au commencement quanti il est 

presque neuf il y a 
avantage à polariser 
les électrodes tantôt 
dans un sens , tan- 
tôt dans l'autre et à 
renverser plusieurs 
fois le sens de la 
charge ;mais quand 
l'élément est formé, 
il faut au contraire 
avoir grand soin de 
le charger toujours 
dans le même sens. 

1. — Voltamètre et pile Dauidl. Si On néglige Cette 

précaution on aug- 
mentera beaucoup le temps de la charge, car il faut 
réduire l'oxyde de plomb qui peut rester encore sur 
l'une des électrodes et oxyder à nouveau la lame pré- 
cédemment négative. 
Mais après cette opéra- 
tion, l'élément secon- 
daire a repris toute sa 
qualité ; on pourrait 
même dire qu'il en a 
plutôt encore gagné. 

La figure 5 montre 
une forme particulière 
que M. Planté a don- 
née à l'élément secon- 
daire et qu'il a dési- 
gnée sous le nom de 
Briquet de Saturne. 
On voit à la partie su- 
périeure de la boîte 
deux petites pinces en- 
tre lesquelles est tendu 
un fil de platine; cha- 
que fois qu'en appuyant 
avec le doigt ou amène 
au contact les deux 
ressorts placés sur la 
base, la pile envoie un 
courant au travers du 
fil de platine et le rou- 
git, d'où résulte l'in- 
flammation presque in- 
tig. 2. — i)cus cléments tfunseu chargeant un clément secondaire slantaneede la bougie. 




Avec un briquet de Sa- 
turne bien chargé on peut allumer cent fois la 
bougie et c'est seulement après ce grand nombre 
d'inflammations qu'on a besoin de le recharger avec 
trois éléments Daniell. C'est là un nouveau moyeu 
d'obtenir du feu et c'est un moyen très-économique, 
car le couple secondaire lui-même ne dépense rien et 
la pile de charge ne consomme que quelques grammes 



LA HA TU HE. 



(ic sulfate de cuivre pour un travail trcs-prolongé du 
briquet. 

Ce môme appareil peut servir à mettre le feu aux 
mines pour l'usage civil ou militaire; l'expérience 
montre qu'avec des amorces à fil de platine assez lin 
( 2 -V'e millimètre) on peut produire une inflammation 
à travers un fil de cuivre de 900 mètres du longueur 
et de 3 millimètres de diamètre. 

Avec un appareil du même genre 
les médecins peuvent cautériser 
une plaie, et cette application a 
déjà été réalisée souvent ; un élé- 
ment secondaire est en effet beau- 
coup plus facile à transporter dans 
un hôpital et surtout chez un ma- 
lade que les éléments actifs qu'il 
peut remplacer. 

Enfin les éléments secondaires 
peuvent être associés en tension 
ou en quantité, et constituer des 
piles capables de produire tous les effets des piles 
ordinaires les plus puissantes. La figure 4 représente 
la pile secondaire telle que l'a disposée M. Planté et 




Fig. o. — Briquet de Saturne. 



telle qu'elle rendra certainement de grands ser- 
vices dans quantité d'applications. 

Suivant les cas il faudra varier le nombre et la di- 
mension des couples afin d'obtenir la tension et la 
quantité voulues. Ici, nous avons vingt éléments, 
rangés en deux lignes ; à la partie supérieure est 
un commutateur très-heureusemont combiné, qui, 
dans une position, met les vingt 
éléments en quantité; dans une 
autre position, à angle droit de la 
première, les met en tension. Dans 
le premier cas , toutes les élec- 
trodes extérieures sont réunies à 
une seconde lame métallique et 
toutes les électrodes inférieures à 
une seconde lame métallique, de 
telle sorte que l'ensemble de l'ap- 
pareil se présente comme un élé- 
ment unique à grande surface ; 
c'est dans celte condition qu'on 
fait la charge; deux éléments Bunsen y suffisent et 
la produisent complètement en un temps plus ou 
moins long, suivant leur dimension et suivant l'étcn- 





: f^m^M^fMm 



"* - ' '" ' - ' ■- — WB 'i'i MÛ 




Fig- 4. — nie secondaire de 20 éléments pouvant se charger en quantité avec deux couples Bunsen, et se décharger eu tension 

en fournissant de la lumière. 



duc des surfaces de plomb à polariser. Dans le se- 
cond cas, l'électrode extérieure de chaque élément" 
est mise en communication avec celle intérieure de 
l'élément suivant et l'appareil devient une pile véri- 
table de vingt éléments ; c'est dans celte disposition 
qu'on décharge la pile ; elle équivaut au début de 
son action à 50 éléments Bunsen de très-grande sur- 
face. 

A mesure que la décharge se fait, la tension diminue 
comme nous l'avons expliqué à propos de l'élément 
secondaire unique. Si on a mis une minute à charger 



la pile secondaire en quantité avec deux éléments 
Bunsen, on ne peut pas attendre que la décharge 
en tension fournisse les effets de 50 éléments Bun- 
sen de même taille pendant plus de quatre secondes, 
car l'appareil ne crée pas d'électricité et ne peut que 
transformer celle qu'on lui a donnée. M. Planté a fait 
à ce sujet des expériences précises, et il a reconnu que 
dans cette transformation il se perd environ un 
dixième, ou en d'autres ternies que le rendement de 
cette machine est des ~ de la dépense. 

Ou voit clairement que la pile secondaire ne peut 



M 



LA NAÏUltË. 



donner que des effets de courle durée, niais dans un 
Irès-grand nombre de cas on n'a pas besoin d'autre 
chose. 

Si on veut par exemple enflammer simultanément 
un grand nombre de mines, au moyen d'amorces en 
lil fin, on pourra y arriver en plaçant toutes ces 
amorces eu dérivation, chacune par rapport aux au- 
tres et en faisant passer dans toutes ces amorces à la 
fois le courant d'une pile secondaire. Cette manière 
de procéder c«t assez économique; il est certain, en 
effet, qu'il est bien moins laborieux et moins dispen- 
dieux de monter deux éléments Bunsen et de char- 
ger la pile secondaire que de charger les 20 ou oO 
éléments Bunsen dont elle tiendra la place; étant 
donné surtout que le service à demander à cette 
pile n'est que de quelques secondes et que l'opéra- 
tion n'est à faire que quatre ou cinq fois dans une 
journée. D'ailleurs la pile secondaire est facile à 
transporter sur les différents chantiers d'un travail 
étendu, comme est le percement d'un grand tunnel 
ou le fonçage des puits d'une exploitation minière. 

Dans les petits laboratoires, la dépense à l'aire pour 
monter une grande pile Bunsen arrête pour l'aire 
certaines expériences, soit pour la démonstration aux 
élèves, soit pour les recherches et les études du maî- 
tre. La plupart de ces expériences deviennent possi- 
bles par l'emploi de la pile Planté. Si enfin on com- 
bine cet appareil avec la machine Gramme, au lieu 
de l'exeiter avec une pile ordinaire, on supprime tout 
maniement d'acides et toutes dépenses autres que 
l'achat d'appareils qui sont destinés à durer indéfini- 
ment. 

Nous avons la plus grande confiance dans l'avenir 
de cet emploi combiné de la pile secondaire et de la 
machine Gramme, et nous voulons montrer en ter- 
minant comment il fournit une solution du problème 
si important de l'éclairage des navires en vue d'évi- 
ter les collisions en mer. 

Il n'est pas nécessaire, eu effet, d'allumer au som- 
met du grand mât une lumière électrique perma- 
nente ; il suffit d'un éclairage intermittent ; il suffit 
qu'un navire soit annoncé à tout l'horizon chaque 
minute pendant deux secondes pour qu'il soit garanti 
contre tout abordage. Or, une lumière intermittente 
de ce genre peut être fournie pur une pile secondaire 
qui alternativement se chargera pendant 58 secon- 
des sous l'influence d'une machine Gramme et se 
déchargera pendant deux secondes. Sur les navires à 
vapeur, qu'il est surtout important d'éclairer, la 
machine à vapeur fera tourner la machine Gramme ; 
et la lumière électrique sera, enfin de compte em- 
pruntée au charbon de la fournaise. Sur les grands 
navires à voiles, on peut trouver utile d'avoir aussi 
un éclairage électrique, au moins dans les nuits de 
brouillard; il suffira, pourl'obtenir, d'ajouter à l'en- 
semble dont nous avons parlé un appareil de M. Sa- 
licis, au moyen duquel un matelot agissant alterna- 
tivement sur les deuxpédales fera tourner la machine 
Gramme et fournira le courant excitateur de la pile 
secondaire. 



Dans les deux cas, la manœuvre du commutateur 
de lu pile pourra se faire automatiquement après un 
certain nombre de révolutions delà machine Gramme 
reconnu suffisant pour la charge de la pile et une 
seconde fois après un nombre de révolutions corres- 
pondant à la durée de décharge utile. De telle sorte 
que les éclats et les extinctions se produiront d'eux 
mêmes, sans aucune intervention, ni surveillance. 

On remarquera que ce système d'éclairage inter- 
mittent permettra certaines combinaisons utiles ; la 
compagnie transatlantique adoptera une durée d'é- 
clats, deux secondes par minute par exemple ; la 
compagnie G un ard adoptera un autre rhythme, \uk 
seconde tous les quarts de minute; la compagnie 
péninsulaire et orientale, une autre combinaison en- 
core, etc., etc.... Il en résultera que ceux qui passe- 
ront dans l'horizon de ees navires sauront à quelle 
compagnie ils appartiennent, et pourront, en cas de 
nécessité, fournir d'utiles renseignements. Avec un 
système de ce genre, on saura mieux la nuit que le 
jour quels bâtiments on a rencontrés. V,\\ navire en 
détresse se signalera par un type particulier de lu pé- 
riodicité des éclats adopté par toutes les marines et 
intelligible pour tous; ce sera un appel plus distinct 
que les coups de canon et les coups de sifflet qui s;' 
perdent trop souvent dans la tempête. Enfin dnnsune 
escadre naviguant de conserve, ces éclats serviront à 
transmettre les ordres du commandant en. chef aux 
commandants des divers navires; les alphabets au- 
jourd'hui en usage seront aisément transformés et 
adaptés à ce nouvel instrument de langage. 

Nous ajouterons encore que la combinaison propo- 
sée est applicable à la transmission de signaux entre 
différents points d'une place assiégée, ou d'un grau,! 
camp retranché comme ceux qu'on projette d'établir 
pour la défense du territoire français, et qu'elle peut 
permettre à des assiégés de communiquer avec des 
points très-éloignés non occupés par l'ennemi. 

A. Niacdet-Ijiu'gukt. 

RESTAURATION 

DES OUTILS ET DES ARMES 

de l'Âge de la pierre. 

Nos lecteurs savent déjà que M. Rehoux, voué de- 
puis de longues années à l'étude de l'homme pré- 
historique, divise l'âge de la pierre en trois périodes 
successives. 

La première, époque d'enfance, est celle de la 
pierre éclatée. Elle fournit des instruments nom- 
breux, en silex pyromaquo, et la pointe de javelot re- 
présentée ci-contre lui appartient. Ce qui la caractérise 
c'est le mode opératoire par lequel les instruments 
sont obtenus. Elle suppose l'existence simultanée de 
trois pierres, savoir : \epercutenr qui remplit l'office 
de marteau, le nucleus ou matrice sur lequel ou 
frappe et Y éclat que chaque coup détache. C'est la 



LA NATURE. 



55 



période la plus primitive et cependant certains peu- 
ples la Iravur sent encore. Au premier abord ce qui 
surprend c'est l'énorme quantité d'éclats de silex, de 
cette époque, que l'on trouve accumulés en certains 
points ; mais la chose s'explique précisément par 
l'observation des sauvages qui en sont encore à cette 
première étape de l'humanité. Ceux-ci ont-ils un 
animal à dépecer, une gazelle par exemple, voici 
comment ils s'y prennent. Ils s'asseyent à terre, le 
gibier entre les jambes. A leur gauche est un nuclcus, 
à leur droite un percuteur. Un coup du seeond sur 
le premier leur donne un couteau qu'ils emploient à 
faire une incision dans la peau du fauve. Mais le silex 
ne coupe bien que tant qu'il est tout frais ; après 
quelques coups soi» fil s'émousse. Le sauvage le jette 



alors à sa droite et le percuteur lui fournit un se- 
cond couteau. Kt ainsi de suite, le débit d'un animal 
un peu fort donnant naissance à tout un tas de cou- 
teaux émoussés. À chaque instant on retrouve de 
pareils tas dans les cavernes et l'ouest porté à y voir 
les restes d'un atelier de coutelier, quand ce sont 
ceux en réalité d'un étal de boucher. 

La deuxième épopie de M- Hebouxest celle de la 
pierre taillée. Les outils et les armes qui lui appar- 
tiennent ressemblent souvent à ceux delà période pré- 
cédente qui en sont comme des ébauches, mais c'est par 
un procédé tout autre qu'ils sont obtenus. Ici plus de 
nuclcus d'où les éclats sont détachés. On choisit une 
[lierre ayant plus ou moins la l'orme de l'objet qu'on 
veut tailler; puis, à petits coups de percuteur, on 




Coup» fVunc cafrièj-e de sabl» 
ù Lcvallois. 



Pointe de javelot eu pierre cclalûc. 



l'amène progressivement à l'état voulu. Le travail est 
donc beaucoup plus grand, mais les produits sont 
beaucoup plus parfaits et beaucoup plus variés. 

lùifin la troisième époque, celle de la pierre polie, 
n'est qu'un perfectionnement de la seconde corres- 
pondant à la grande invention du polissage. 

Si ces trois époques sont nettement caractérisées, 
comme on voit, il faut néanmoins remarquer que 
l'avènement de chacune d'elles n'a pas abrogé les 
pratiques des précédentes. 

Pendant l'âge de la pierre taillée et môme pendant 
celui de la pierre polie, on a continué à se servir de 
la pierre éclatée, qui seule fournissait des couteaux 
suffisamment tranchants. Bien plus, cette pierre 
éclatée est d'usage, non-seulement chez les sauvages 
dont nous parlions tout à l'heure, mais même parmi 
certains peuples relativement civilisés qui, comme 
les habitants du Mexique, font remplir à des éclats 
"d'obsidienne l'office de nos rasoirs. De même la pierre 



si m jdement taillée a coutume d'être emplovée con- 
curremment avec la pierre polie réservée aux objets 
de luxe. 

L'ordre de succession de ces époques ne saurait 
être douteux. Il résulte du gisement superposé 
dans les couches du diluviuui des silex qui leur ap- 
partiennent respectivement, et de l'association de ces 
silex avec des restes d'animaux d'âges différents. 
C'est ce que montre parfaitement la coupe ci-des- 
sus relevée par M. Ueboux, dans une carrière de 
sable de Lcvallois. Dans les parties basses, c'est-à-dire 
dans les couches les plus anciennes, se rencontrent 
des silex éclatés en mélange avec le mammouth ( Ele- 
phas primigenius) ; plus haut, les pierres taillées se 
mollirent de compagnie avec les os d'animaux de 
l'âge du renne (Cervus tarandus) ; au-dessus Mifiu 
des bâches polies marquent l'horizon de l'aurochs ou 
bos urus. 

Frappé de l'immense variété des outils de pierre 



LA NATURE. 



qu'il îencontrait à chaque pas, M. Reboux s'est de- 
mandé comment ces outils avaient pu être utilisés, 
car il est évident que les silex tenus simplement à la 
main sont très-peu commodes et d'un usage très- 
fatigant. Dans cette recherche, d'un genre tout «nou- 
veau , il a commencé par assigner aux diverses 
pierres les destinations auxquelles leurs formes sem- 
blent les rendre plus particulièrement propres. 

Ceci posé et pour bien comprendre les difficultés 
que l'auteur eut à surmonter pour restaurer les em- 
manchures dont nous offrons aujourd'hui la repré- 
sentation, il faut faire attention que les us et cou- 



tumes de la plupart des sauvages contemporains 
n'étaient que d'un très-faible secours. L'homme qua- 
ternaire de la France n'avait pas à sa disposition, 
pour fixer la pierre dans sou manche, ces résines et 
ces fibres végétales dont les Australiens, par exemple, 
font un si fréquent emploi. Vivant au milieu du rude 
climat de l'époque glaciaire et réduit aux ressources 
dont disposaient les Esquimaux, avant l'arrivée des 
premiers missionnaires suédois, il devait avoir re- 
cours aux matières animales. Ceci quelquefois pour 
les manches eux-mêmes» qui durent être faits avec 
des os, faute de brandies d'arbres. Mais c'était l'ex- 





^■4 



■-.-.^.l:.:. ^.-...^ *--.::.. 



.--i.tt ...,-■. /:-;■_. y-,-. -,../'.■■ 



'■-*; 



Scie et couteaux en silex de l'âge de piene, montés sur manches en Iiois et en os par 31. Reboux. 



ceplion, !a France au contraire étant en général 
couverte de vastes forêts au moment qui nous oc- 
cupe. 

M. Reboux, armé de plusieurs silex, s'est rendu 
dans un des abattoirs de Paris. Avec un couteau il a 
écorché-une partie d'un bœuf, puis, à l'aide d'un 
grattoir, il en a enlevé le poil. La surface interne a 
été débarrassée, moyennant l'emploi d'un racloir, de 
tous les lambeaux de graisse et de chair qui y adhé- 
raient. Une fois la peau sécbée le couteau a servi à y 
débiter de minces .lanières qui, enduites de moelle 
crue, se sont ramollies et ont ainsi acquis la plus par- 
faite souplesse. 

C'est au point, pour le dire en passant, qu'avec 
les aiguilles de l'âge du renne, ces lanières se sont 



comportées comme du fïl à coudre et qu'eltes au- 
raient pu parfaitement servir à fabriquer des vête- 
ments de peau. 

Armé d'un silex tranchant, M. Reboux a abattu 
un jeune arbuste et en a fabriqué un manche dont une 
extrémité a été fendue. Dans la fente, utie hache fut 
introduite et fixée à l'aide des lanières de cuir, ou 
encore au moyen d'intestins frais de bœuf et de mou- 
ton. En se desséchant, ces matières animales se con- 
tractent et donnent à l'emmanchure une solidité à 
toute épreuve. 

Une fois pourvu de cette hache, le reste alla tout 
seul. L'abattis des arbustes ne fut plus qu'un jeu, et 
par conséquent la fabrication des manches. L'un des 
plus utiles fut celui qui permit l'emploi commode 



LA NATURE. 



de la scie ou des couteaux. Avec ces outils bien em- 
manchés M. Reboux a, devant nous, enlevé de larges 
copeaux sur une grosse branche bientôt pourvue 
d'une extrémité pointue. Les intruments de chasse, 
comme javelots et flèches furent emmanchés de 
même sans difficulté, et même dos outils aratoires 
comme la petite herminette figurée ci-dessous, et dont 
la signification a été de la sorte déterminée. 

Parmi les armes de chasse restituées par M. Reboux 
signalons le lazzo composé de deux pierres percées 
réunies par une longue lanière de cuir dont nous re- 
présentons la figure. 



Nous pourrions prolonger beaucoup rénumération 
de ces restaurations d'armes, d'outils, dont M. Re- 
boux a formé chez lui les plus instructives panoplies. 
« Qui a jamais vu l'entaille d'une hache de pierre sur 
une brandie d'arbie? » demandait, il y a dix ans, 
un érudit qui voulait que les habitations lacustres 
aient été construites par des castors. C'est une 
question que l'on ne se permettrait plus. Kt c'est 
ainsi que la science arrivera à nous dévoiler les dé- 
tails les plus intimes de la vie de nos premiers an- 
cêtres. 

Stanislas Meumer. 




ncrminctle, marteau et luzzo en silex, de l'âge de pierre, montés par M. Reboux. 



LE NOUYEL OBSERVATOIRE D'OXFORD 

L'Angleterre possède un grand nombre d'observa- 
toires dont la création est due à l'initiative des 
universités, des corporations et à la générosité de 
riches particuliers. Aussi, la science astronomique 
est par suite cultivée avec le zèle le plus louable 
chez nos voisins d'outre-Manche, et les établisse- 
ments privés fondés par'Warren de la Rue, Lassell, 
lord Rosse ont amené de magnifiques découvertes et 
produit des œuvres importantes. 

Dans les grands observatoires publics s'exécutent 
les travaux d'astronomie de précision, comprenant 
non-seulement les observations des astres, mais en- 
core les calculs nécessaires à leur discussion et à 



leur comparaison avec les théories, la construction 
des catalogues..., vaste ensemble auquel on rattache 
en quelques endroits des recherches de physique 
terrestre et d'astronomie sidérale. 

Aux observatoires privés appartiennent jusqu'ici 
les recherches de physique céleste : examen de la 
constitution des astre?, découverte des mondes in- 
connus, travaux d'analyse spectrale, application de 
la photographie à l'astronomie. 

En présence du développement rapide de cette 
partie de la science qui constitue l'astronomie phy- 
sique, il devenait nécessaire qu'un observatoire 
public y fût entièrement consacré. Cette création, 
réclamée depuis quelques années, vient de se réa- 
liser en Angleterre, et l'honneur en revient à M. C. 



ns 



LA NATURE. 



Priteliard, professeur d'astronomie à l'université 
d'Oxford. 

Aussitôt après avoir pris possession de la chaire 
d'astronomie, fondée à Oxford par sir Henry S;ivile, 
M. Pritehard, Savilian Professor, demanda et obtint 
de l'université, au mois de mars 1875, le vote d'une 
somme suffisante pour l'achat d'une grande lunette 
de 0"\51 d'ouverture et du terrain nécessaire à 
l'installation de cet instrument, dont la construction 
a été confiée à M. Gmbh, [le Dublin- 
Peu de temps après, M. Wamn de la Hue, enten- 
dant parler des généreuses dispositions d'Oxford en- 
vers la science dont il s'est occupé avec tant de succès, 
offrit de faire présent à l'Université de son célèbre 
télescope réflecteur et de la plus grande partie d s 
autres instruments de son observatoire de Cranford, 
sous la seule condition qu'ils seraient utilement em- 
ployés. M. Warren de la Rue ne pouvait malheureu- 
sement plus continuer ses remarquables travaux, en 
raison du mauvais état de sa vue. 

La fondation d'un observatoire complet pour l'as- 
tnnioruie physique fut alors résolue défiiiilivem.îiil 
aprèsmùrcs délibérations par l'université, qui accepta 
le magnifique don de M. Warren de la Rue et vola 
en novembre dernier la somme nécessaire pour la 
construction des bâtiments. 

La situation de l'observatoire savilien est remar- 
quablement belle ; de l'endroit du parc où il est 
placé, la vue s'étend librement dans toutes les direc- 
tions. Le nouvel établissement, qui est à proximité des 
cabinets de travail et des laboratoires, su composera 
de deux tours carrées réunies par un corps de bâti- 
ment allongé de l'est à l'ouest. 

L'une des tours, celle de l'ouest, qu'on désignera 
sous le nom de Savilian Tower, aura trois étages : 
1° Une chambre située à un mètre au-dessous du sol 
environnant; 2° une salle pour les calculateurs, et 
<j® la pièce avec dôme tournant destinée à recevoir le 
grand équatorial en construction. 

Le corps de logis contiendra les instruments déjà 
en usage pour l'instruction des élèves du cours d'as- 
tronomie et aura deux étages : une vaste pièce s'é- 
teudantsur toute la longueur, et au-dessus trois salles 
contiguës, de niveau avec la chambre des calcula- 
teurs. 11 y aura une lunette méridienne de m , 10 
d'ouverture et de l m ,5'2 de distance locale avec sa 
pendule, et un altazimut avec cercles de Q m ,45 de 
diamètre fixé dans le méridien. Un des télescopes de 
M. Warren de la Hue de m ,5^ de diamètre y trou- 
vera aussi sa place et sera monte comme un altazimut. 

La tour de l'est s'appellera De la Rue Tower. Au 
sous-sol on installera la machine de M. Warren de la 
Hue pour polir les grands miroirs et l'appareil de 
Foucault pour vérifier les qualités des miroirs et des 
objectifs. Au premier étage, il y aura une chambre 
noue pour la photographie et un cabinet pour le 
professeur; au-dessus, un dôme pour le grand réflec- 
teur de M. de la Rue. 

Le nouvel observatoire, qui sera en activité avant 
la lin de cette année, dépendra directement de l'uni- 



versité d'Oxford et sera soumis à l'inspection annuelle 
d'une commission choisie parmi les professeurs. 

Il existe à Oxford, depuis près d'un siècle, un ob- 
servatoire dont les constructions furent payées an 
moyen d'un legs du docteur Radolilfe, et qui n'a ja- 
mais eu avec l'université que des rapports indirects. 
Cet établissement deviendra de plus en plus indépen- 
dant en raison de la création de l'observatoire uni- 
versitaire. L'observatoire de Radeliffe, qui a déjà 
produit des travaux de grande valeur, continuera à 
se renfermer dans les limites de l'astronomie mathé- 
matique, tandis que l'observatoire savilien s'occupera 
seulement des branches récentes de l'astronomie 
physique. La science n'aura certainement qu'àgagner 
à ce voisinage des deux établissements. 

Tandis qu'à l'étranger l'astronomie est représen- 
tée par un grand nombre d'observatoires, la France 
ne possède que ceux de Paris, de Marseille et de 
Toulouse. Nous sommes à ce point de vue dans un 
état d'infériorité regrettable dont il faudrait sortir. 
Il est temps que notre pays comprenne que cette 
science qui touche à de si grandes questions doil être 
cultivée et encouragée. La pénurie des ressources at- 
tribuées jusqu'ici à l'astronomie française n'a pas 
permis de garder la suprématie qui nous appartenait 
autrefois. Les villes de Lyon, Bordeaux et llesançon 
demandent à être aidées dans la création de nouveaux 
observatoires, et il y a lieu de s'en occuper d'une fa- 
çon sérieuse. Nous souhaitons que l'exemple de ce 
qui se fait ailleurs soit suivi chez nous et devienne 
am<i profitable à la science. A. Fraissixet. 

■— ♦«— 

LE 

CHALLENGER DANS L'OCÉAN AUSTRAL 

Ainsi que nous l'avons dit 1 , le Challenger est de 
retour à Sidney, après avoir exploré l'île Kergueleii 
et reconnu qu'une expédition astronomique pour le 
passage de Vénus a des chances de succès. Mais en 
même temps, les péripéties de sa traversée de l'ort- 
lloval à Sidney montrent que la navigation de ces 
parages peut être excessivement dangereuse pendant 
le courant du mois de février, qui répond à notre 
mois d'août, puisque l'été austral commence à la fin 
du mois de décembre. 

Les voyages dans ces latitudes sont si rares, que 
nous parlerons exclusivement aujourd'hui des inci- 
dents purement maritimes de cette intéressante croi- 
sière 

Le Challenger, fidèle à son programme, avait 
voulu explorer le fond de l'Océan, à partir du cercle 
antarctique dont l'île de Kerguelen est encore assez 
éloignée, puisqu'elle ne se trouve que par h0° de la- 
titude australe. En quittant Port-Royal il mit donc le 
cap vers le sud, s'approchant par conséquent du 

â Vuy. Table du premier semestre 1874. 



LA NATURE. 



59 



grand continent austral dont on no connaît encore 
que quelques points isolés entrevus de loin par les 
navigateurs. 

Les glaces flottantes furent surtout abondantes 
vers le 6i ,! parallèle et il fallut descendre jusqu'au 
55 1 ' pour leur échapper. 

Pendant quatorze jours consécutifs, le Challenger 
erra au milieu de blocs immenses qui pouvaient l'é- 
craser si Ton n'avait habilement gouverné pour leur 
échapper. Cette navigation aventureuse et accidentée 
eut lieu depuis le 80 e jusqu'au 110 e méridien. Ce 
sont des régions qui correspondent géogiaphiquemeiit 
aux antipodes delà Sibérie occidentale, circonstance 
digne d'être mentionnée pour montrer combien lu 
chinât austral, à latitude égale, est plus rigoureux 
que le climat boréal. 

Ces faits intéressants viennent confirmer les théo- 
ries du docteur Carpenter et de M. Wvwille Thomson. 
Rien, en effet, ne fait obstacle à l'invasion des eaux 
froides qui, même en été, descendent près de l'équa- 
leur. Ces glaces immenses provenaient évidemment 
de la banquise qui s'appuie sur la terre d'Enderleya 
l'ouest, la terre de Sahina au centre et la terre Adé- 
laïde à l'est, probablement sans solution de conti- 
nuité d'aucune espèce. 

Pendant cette navigation singulière du Challenger 
au milieu des glaces, la couleur du ciel offrait un 
aspect remarquable d'un beau bleu du côté du sud, 
quoique de ce côté l'horizon fût couvert de blocs im- 
menses dérivant rapidement vers le nord. 

Le 24 février, le Challenger courut un grand dan- 
ger de faire naufrage contre une* énorme banquise 
dont il ne put s'éloigner qu'en employant à la fois 
ses voiles et toute la force de sa vapeur. Le vent était 
s', effrayant que le navire ne pouvait naviguer vent 
debout, et qu'il était réduit à se maintenir en courant 
des bordées tantôt par bâbord, tantôt par tribord. Eu 
même temps il tombait une neige si abondante, que 
la vigie ne pouvait voir à 100 brasses à Pavant du 
navire. Lu neige était accompagnée de glaçons en 
plaques, probablement arrachés par la force île la 
tempête au sommet de la banquise ou formés par la 
concrétion d'innombrables cristaux de neige. C'est 
seulement le 17 mars que le Challenger arriva à Sid- 
nuy, et les rapports détaillés de sa mission sont ac- 
tuellement parvenus en Angleterre. 

Le docteur Carpenter, qui a fait dernièrement une 
conférence à Royal institution, sur la première partie 
de la croisière, ne va sans doute pas tarder à complé- 
ter son œuvre. 



LES ÀKCIENS 

OISEAUX DES ILES MASCARBIGNES 

LE DRONTE DE L'iLE MAURICE. 

(Suite. — Voy. p. 10.) 

Tradescant, dan? son catalogue des raretés qui 
composaient en IGuO sa collection, à South Lambclh, 



près Londres, mentionne « un Dodo de l'île Maurice, 
oiseau trop gros pour pouvoir voler. » Ce Drontc, ou 
plutôt cette peau de Drontc, que Wiilughby et plu- 
sieurs auteurs eurent l'occasion de voir en 1 684 et eu 
1 700, dans la même collection, était peut-êlre, comme 
le suggère M. Strickland, la dépouille de l'oiseau que 
sir Ilumon Lestrange avait pu contempler vivant en 
1038. On pourrait même admettre que cet animal 
avait été rapporté de l'île Maurice par sir Thomas 
Herbert, qui était en relations avec Tradescant et qui 
lui avait donné, parait-il, plusieurs curiosités recueil- 
lies dans le cours de ses voyages. Nous dirons tout 
à l'heure ce que devint cet intéressant spécimen qui 
fil ensuite partie de la collection donnée par Ashmolo 
à l'université d'Oxford. 

Le mus'e Aslmioiéeu possède encore deux éditions 
d'un opuscule fort curieux, intitulé Catalogue de 
beaucoup de raretés naturelles gui ont été, rassem- 
blées avec beaucoup de peine et de dépense, par 
Uobert Hubert, alias Forces, genll. et humble ser- 
viteur de Sa Majesté, et qui sont visibles tous les 
jours à l'endroit jadis nomme la Maison de Musi- 
que, près de l'extrémité ouest de l'église Saint-Paul. 
A la page 11, de l'édition de 1065, on trouve cette 
mention : « Une patte de Dodo, grand oiseau qui ne 
peut voler, et qui vient de Maurice. » 

Oléarius, dans le catalogue du musée Gottorf publié 
en 1606, cite parmi d'autres curiosités une tète de 
Dodo, et en donne une figure, copiée sans doute 
d'après Clusius. Enfin M. Strickland nous apprend 
qu'il est également question du Dronte dans un ma- 
nuscrit du British Muséum, sorte de journal de Lord 
écrit par benjamin Harry, qui passa l'hiver à Maurice 
eu 1 078. Mais à cette époque les Dodos devaient être 
déjà fort rares, car les Hollandais, qui s'étaient établis 
définitivement dans l'île en 16-41-, paraissent avoir 
fait une très-grande consommation de ces oiseaux 
qui, étant bas sur pattes et privés d'ailes, ne pouvaient 
échapper aux chasseurs, et dont la chair, quoique 
fort dure, était néanmoins susceptible de servir à 
l'alimentation. Les chiens, les chats et les porcs que 
les colons amenèrent avec eux contribuèrent puissam- 
ment à la destruction de l'espèce en dévorant beau- 
coup de jeunes oiseaux. Il est à peu près certain que 
le Dronte avait complètement disparu en 1(593, puis- 
que Léguât qui fit un séjour de plusieurs mois à 
Maurice et qui se montre en toutes circonstances 
observateur fort soigneux, ne fait aucune mention de 
cet oiseau, et nous dit seulement : « L'île était autre- 
fois toute remplie d'oyes et de cinards sauvages, de 
poules d'eau, de gelinottes, de tortues de mer et de 
terre mais tout cela est devenu fort rare. » Nous voyons 
par ce passage que les Hollandais, avec l'imprévoyance 
naturelle à tous les colons, détruisaient toute espèce 
de gibier. 

En 1712, les Hollandais évacuèrent l'île Maurice, 
qui fut immédiatement occupée parles Français; cette 
circonstance, en amenant un changement dans une 
partie de la population, eut pour résultat d'effacer 
complètement le souvenir du Dronte; aussi ni M. Mo- 



GO 



LA iNATl'ïlE. 



rcl, ni le baron Grant qui restèrent assez longtemps 
lans ces contrées, au commencement et au milieu 
du dix-huitième siècle, ni M. Bory de- Saint- Vincent, ni 
II. J. W. Thompson qui explorèrent Maui'ice eu 1810 
ït en i 816, ne purent, malgré leurs efforts, recueil- 
lir le moindre renseignement sur cet oiseau. 

Cependant, déjà à l'époque où JIM. Strickland et 
Mel ville écrivaient leur beau mémoire, il n'était plus 
possible de douter de 3a sincérité des anciens voya- 
geurs, car on possédait, outre quelques pièces ana- 
tomiipi.es dont nous parlerons plus loin, d'anciens ta- 



bleaux et des gravures représentant le Dodo, et proba- 
blement exécutées d'après nature, dans le courant 
du dix-septième siècle. La plus connue de toutes ces 
peintures, celle dont nous reproduisonsaujourd'bui la 
ligure principale, était jadis la propriété de George 
Edwards (lig. 1). Dans son ouvrage sur les oiseaux, 
ce naturaliste qui était en même temps un artiste, 
nous apprend qu'elle avait été exécutée eu Hollande 
d'après des oiseaux rapportés de Saint-Maurice, dans 
les Indes orientales, peu de tamps après la décou- 
verte de la route des Indes par le cap de Bonne 




Fig. 1. — Le Rronic, d'après une peinture du Dritish Muséum. 



Espérance, et qu'elle avait été pendant longtemps la 
propriété de sir II. Sloanc. Dans ce tableau, qui fut 
donné plus tard par George Edward au Dritish Mu- 
séum, où il se trouve encore, la ligure du Dronte est 
entourée dû perroquets d'Amérique, de canards et 
d'autres oiseaux, tous d'une exécution fort soignée. 
Il n'y a ni date ni signature, mais le style est celui 
des Savery, peintres éminents du commencement du 
dix-septième siècle. 

Il y a plusieurs années déjà, le profe-seur Owen a 
appelé l'attention des naturalistes sur une autre pein- 
ture, qui porte la signature de lloland Savery, et qui 
t'ait partie de la collection royale à la Haye. Ce tableau 



représente Orphée essayant le pouvoir tic la inusiqjc 
sur les différents êtres de la création. Tous les ani- 
maux sont rendus avec une extrême exactitude, et 
parmi eux on reconnaît parfaitement le Dodo aux 
formes massives. M. Strickland a pu étudier cette 
peinture à la Haye, en 1845, et peu de temps après, 
il a eu le bonheur de découvrir dans les galeries roya- 
les, à Berlin, parmi plusieurs belles toiles" de Savery, 
un tableau de ce maître représentant lns animaux du 
Paradis et, dans le nombre, un Dodo, à peu près de 
la même grandeur et dans la même position que celui 
qui se trouve au Musée de la Haye. Ce tableau porto 
dans un coin la date, 1026 ; comme lloland Savery 



LA N AT Utt fi. 



01 



Était néon 1570, il avait vingt-trois ans lorsque l'ex- 
pédition de Van Neck revinten Hollande ramenant un 
Dodo vivant ; on est donc parfaitement en droit d'ad- 
mettre que l'artiste a pris cet oiseau pour modèle. 

M. Strickland donne également dans son ouvrage 
le fac-similé d'une autre peinture de Uoland Savery, 
qui lui a été signalée par le docteur Tsclmdi, et qui 
i-c trouve au belvédère du Vienne; elle est datée de 
4G28, et par conséquent de deux, ans postérieure à 
celle du musée de Berlin. On y voit, entre deux au- 
tres oiseaux, un Dodo, penché au bord d'une flaque 
d'eau et guettant une espèce d'anguille. Une qua- 
trième peinture, due au pinceau du même artiste, 
:i été reproduite par M. Broderip, qui en est devenu 
le propriétaire, et qui a publié sur le Dodo des ar- 
ticles remarquables dans la Penny Cyclui'ediaQi dans 
les Transactions de la 



Société zoologique de 
Londres. Comme nos 
lecteurs pourront en 
juger par notre figure 2 
qui reproduit fidèle- 
ment le tableau de 
.M. Broderip, la physio- 
nomie du Dronte est 
pleine de mouvement : 
l'oiseau , vu par der- 
rière, avec la tète tour- 
née du côté du specta- 
teur , est debout sur 
une patte et nettoie 
l'autre avec son bec. Le: 
corps est revêiu d'un 
duvet brun, les flancs 
et le croupion sont or- 
nés de plumes frisées 
de couleur jaunâtre, la 
tète est hérissée de 
[dûmes grêles, sembla- 
bles à des poils, et le 
bec, extrêmement robuste, se termine par un cro- 
cbet, nuancé de jaune. 

Une antre, ligure de Dronte, peinte non plus par 
Savery l'ancien, mais par son neveu Jean Savery 
(1651), fait partie du musée Àshomoléeii, à Oxford. 
Ce tableau, dans lequel l'oiseau est représenté au 
double de la grandeur naturelle, a peut-être servi 
d'enseigne, mais la différence de dates ne permet pas 
d'admettre que c'est la toile qui excita la curiosité 
île sirllamon Lestrange en 1658. 

Eu 1853, le professeur Ovvcn et M. Broderip ont 
appelé l'attention des zoologistes sur un portrait de 
Dodo, qui appartient au diic de Northumberlaud, et 
qui est signé des monogrammes de Jean Goeiniare et 
de Jean David de Heem, artistes flamands qui vivaient 
au commencement du dix-septième siècle; tout récem- 
ment, en 1 8GS, M. G. vonFrauenfeld a découvert dans 
la bibliothèque privée de l'empereur d'Autriche deux 
peintures qui représentent l'une le Dronte, l'autre la 
Poule ronge à bec de bécasse et qui sont probablement 





— Le Dronte, d'api'is 



l'œuvre tic Hoefuagel, artiste hollandais de la fin du 
div-septième siècle ; la même année, 5!. Alfred Newton 
a décrit une aquarelle de Pierre Witlhoos, qu'il avait 
déjà signalée en 18GG, et qui paraît avoir été faite 
d'après nature, vers 1G80; enfin plusieurs savants 
tels que M. Broderip, M. H. -G. Millies, M. Jaeckel, 
ont cité d'anciennes gravures, sur lesquelles les traits 
du Dronte sont parfaitement recoimaissablcs. La plu- 
part des peintures et des gravures sur bois que nous 
venons de mentionner offrent les unes avec les autres 
une extrême ressemblance et concordent parfaitement 
avec les renseignements qui nous ont été transmis 
par les voyageurs; seule la peinture citée par II. de 
l'Vauenfeld et celle qui a été reproduite en fac-similé 
par M. Alfred Newton, présentent des différences qui 
méritent d'être notées. Dans la première, en effet, le 

Dronte est d'un brun 



fuligineux uniforme , 
avec les ailes relative- 
ment développées, et 
dans la deuxième l'oi- 
seau , au lieu d'être 
d'une teinte foncée, est 
d'un blanc jaunâtre; 
les yeux sont entourés 
d'un cercle rouge, et 
le bec, d'un rouge vif 
à l'intérieur ne pré- 
sente pas à l'extrémité 
ce crochet si bien mar- 
qué dans les autres 
figures. M. Newton sup- 
pose que cette aqua- 
relle a pu être faite 
d'après un oiseau vivan t 
en captivité, et dont le 
bec avait été éinoussé 
à la pointe pour qu'il 
ne pût blesser ses gar- 
diens ; il est également 
cet oiseau blanc est une 
leuxième espèce de Dronte, et peut-être même le 
Solitaire indiqué par le sieur D. IL (Du Bois) à l'île 
Bourbon. Mais cette hypothèse nous semble un peu 
hasardée, car Du Bois dit formellement que les Soli- 
taires de Bourbon ont les rémiges noires à l'extrémité, 
le col long et le becq fait comme œluy des bécasses, 
mais plus gros. E. Oiîstalet. 

— La suite prochainement. — 



CHRONIQUE 

Constructions sur pilotis clans l'Elstrr, près 

de Leipzig. — Un savant géologue, M. le comte de 
Wunnbrandt, a récemment fourni à la science préhisto- 
rique des faits nouveaux d'une haute importance en dé- 
couvrant des palaftttes dans les lacs de la haute Autriche. 
Une telle trouvaille est une rareté dans cette portion do 



une peinture de Ft. Savery. 

porté à admettre q 



ne 



02 



LA NATURE. 



l'Allemagne. Mais de nouvelles investigations viennent 
d'être encore couronnées de succès dans le rovaume de 
Saxe. C'est maintenant M. Jentzch, d'après ce que nous 
apprend la Revue d'anthropologie, qui signale des con- 
structions sur pilotis, non plus dans un lac, mais dans le 
lit d'une rivière, ce qui donne à sa découverte un intérêt 
tout particulier. C'est dans l'Elster, tout près de Leipzig, 
qu'un abaissement considérable du niveau des eaux lui a 
permis de constater des restes nombreux de celte nature, 
Les pilotis sont enfoncés dans une argile contenant des 
restes de plantes telles que le saule, le chêne, l'érable, etc. 
On a trouvé parmi les pilotis, rangés circulairemeiit, 
quelques fragments de poterie et de charbon de bois, des 
ossements appartenant au bœuf, au cerf et à un mammi- 
fère encore indéterminé, ainsi que des coquilles d'unis et 
d'anodonte. 

Ls* rupture «les réservoirs de 1YilI!aiusJ>ur£; 
nux. Éiats-I'uis. — A William sburg, comté de flamp- 
sf lire, existait un réservoir de 125 acres de surface dans 
lequel se déversaient les eaux de la rivière Mill. La pro- 
fondeur moyenne du réservoir, dit le Courrier des États- 
Unis, était de 50 pieds, et l'objet de cet énorme appro- 
visionnement d'eau était d'alimenter, aux époques de 
sécheresse, les moulins, filatures et usines des villages 
voisins. Ce réservoir, dont la construction remontait à 
neuf ans, n'avait pas, s'il faut en croire la rumeur publique, 
été établi dans des conditions satisfaisantes de solidité, et 
depuis trois ans environ la rupture des djgues était com- 
munément considérée comme devant fatalement se pro- 
duire un jour ou l'autre. Mais nul n'avait prévu une cata- 
strophe aussi épouvantable que celle que nous avens à 
enregistrer. Samedi, 16 mai, vers sept heures du matin, le 
surveillant chargé de la garde delà digue a remarqué une 
légère fissure, à laquelle il n'a pas d'abord attaché d'im- 
portance; mais bientôt la brèche s'est élargie, et le sur- 
veillant a prison courant le chemin des villages situés en 
aval du réservoir pour prévenir Us populations du danger 
qui les menaçait. 11 n'était pas arrivé à. mi-chemin de Wil- 
liamsburg, le plus pioche de ces villages, quand le tuti/ult?. 
terrifiant des eaux déchaînées derrière lui lui apprit que 
le réservoir était crevé. Espérer devancer cette avalanche 
eût été folie. Le surveillant n'eut plus qu'un objet: sauver 
sa propre existence, et il y parvint à grand 'peine en ga- 
gnant de toute sa vitesse le sommet d'un plateau élevé. 
L'immense volume d'eau dégorgé par le réservoir crevé 
se précipitait avec la vitesse d'une locomotive et le bruit 
d'un train passant sur un pont recouvert. En un instant, 
les villages de Williamsburg, Skinncrvillc, Haydeirville et 
Leeds furent inondés. Vingt minutes après, les eaux se 
retiraient presque aussi rapidement qu'elles étaient venues, 
ne laissant que des ruines là où existaient un moment 
auparavant les quatre villages plus haut nommés. Le nom- 
bre des personnes noyées est évalué approximativement à 
deux cents. Les pertes matérielles sont évaluées à un mil- 
lion de dollars. Quatre cents familles se trouvent sans 
abri. 

Conservation des pommes. — D'après des expé- 
riences multiples le plâtre fin se prête avantageusement à 
la conservation des pommes. Voici le procédé à suivre, tel 
que le décrit la Revue industrielle: On commence par re- 
couvrir le fond de la caisse destinée à renfermer les pom- 
mes, et que l'on isole du sol de la cave par des madriers, 
d'une couche de plâtre fin d'environ 5 centimètres; on 
essuie les pommes une à une avec un linge, en ayant soin 
de les choisir sans défauts, et on les range au fur et à me- 



sure sur le plâtre, mais de façon à ce qu'elles ne se tou- 
chent point et que les queues soient tournées vers le haut. 
La première couche étant faite, on verse dessus du plâtre 
en quantité suffi anle pour remplir tous les interstices et 
former encore une couverture uniforme sur laquelle on 
pose une nouvelle série de fruits; on continue ainsi jus- 
qu'à ce que la caisse soit remplie. On ferme ensuite celle- 
ci avec de la paille et un couvercle. 

Le plâtre n'exerce ici qu'une action mécanique; il em- 
pêche les pommes de se toucher et les met à l'abri dis 
variations d'humidité et de température de l'atmosphère 
extérieure ; nt de celte façon elles se conservent parfaite- 
ment intactes jusqu'au printemps. 

Une cave sèche ou une chambre exposée au sud sont. les 
endroits les plus favorables pour y placer les caisses. 

Industrie ttu papier ma élu; en Angleterre. — 

L'industrie du papier mâché prend chaque jour de plus 
grands développementsen Angleterre. La matière première 
employée par nos voisins, lisons-nous dans la lievue indus- 
trielle, est un panier gris-bleu, sans colle, et d'une pâte 
très-fine. Les feuilles sont collées les unes sur les autres, 
avec une grande abondance de dextrine et d'amidon, puis 
pressées à la machine hydraulique dans une étuvo sèche. 
Use forme ainsi une planche solide et dure comme du 
bois de buis ou d'ébène, que l'on peut obtenir moulée 
sous diTer^es formes, et qui se laisse travailler mieux que 
du bois ordinaire, dont le papier mâché n'a pas les pores, 
la sève, les fibres, les nœuds. On le tourne pour faire des 
boules, des grains de chapelet, des encriers, des écrins. 
C'est ainsi que l'on obtient des bijoux, bracelets, épingles, 
colliers, fermoirs, où l'on peut incruster des pierres faus- 
ses qui y prennent un éclat particulier. Les plateaux, cof- 
frets, guéridons, écrans, dorés ou nacrés, connus sous le 
nom d'ouvrages du Japon, sont du papier mâché: la nacre 
y est incrustée à la presse hydraulique. 



><>< 



BIBLIOGRAPHIE 

Histoire de la r.rialion des êtres organisas, d'après les 
lois naturelles, par Erhest Haeckkl, traduit de l'alle- 
mand par le docteur Ch. Letouk^kau, et précédée d'uni' 
introduction biographique par Cuaju.es Martins. — 1 vol. 
in-8" illustré. — G. Reinwald et G", Paris, 1874. 

Cet ouvrage, dont la librairie Reinwald vient de publier 
une traduction française, se compose de vingt-quatre con- 
férences, faites à Iéna, par le docteur llacckel, professeur 
de l'université. Elles s'adressaient à un public éclairé, et 
avaient pour but d'initier les auditeurs à la doctrine de l'é- 
volution, formulée d'abord par Lamark, défendue par 
Goethe, et remise si puissamment en vigueur par Darwin. 
Le docteur llaeckel est un des plus fervents disciples du 
naturaliste anglais, qu'il ne craint pas de placer au plus 
haut rang des philosophes. Il donne d'abord l'histoire de 
la théorie de l'évolution, et expose les idées de Linné, de 
Cuvier et d'Agassiz, dont il s'efforce de faire la réfutation 
par les théories darwiniennes. Si le livre du docteur 
Hacckel est rempli d'observations saisissantes et parfois 
d'arguments judicieux, il est impossible de ne pas protes- 
ter contre des exagérations systématiques de théories pour 
lesquelles les bases solides des faits manquent encore, 
llaeckel se plonge à corps perdu dans le darwinisme, et il 
nous paraît certain que ses plus chauds partisans refuseront 



LA NATURE. 



03 



parfois de le suivre dans ses conclusions. L'auteur de V His- 
toire de la Création fait une trop grande part à l'intuition 
aux dépens de la logique, qui exige que les déductions ihéo- 
riques se dégagent seulement défaits incontestables, et non 
pas d'hypothèses vagues. Aussi les reproches dédaigneux 
qu'il adresse à la science française paraissent-ils injustes 
et passionnes. Une fois cette part faite à la critique, on doit 
reconnaître que l'ouvrage d-'Haeckel n'est pas une œuvre 
ordinaire; si elle est souvent exagérée, violente même, 
elle n'en est pas moins savante, originale, et nombre de 
pages y sont tracées d'une façon magistrale. 

Causeries scientifiques. Treizième année, lS73,par!l. de 
Parville. J. Hotbscliild. Paris, 1874. 

Les causeries scicnlifiqtrs de M. de Parvîlle sont trop 
bien accueillies par le public pour que nous ayons à en 
faire réloge. Le nouveau volume qui vient de paraître cl 
qui donne l'histoire du progrès scientifique de 1873, aura 
certainement le même succès que ses devanciers. 



><>« 



ACADEMIE DES SCIENCES 
Séance fin 11 juin 1874. — Présidence de M. ReivriuflD, 

Sulfure de carbone et phylloxéra. — A l'occasion dos 
récents travaux dont le sulfure de carbone a été l'objet 
comme agent de destruction du phylloxéra, M. Dumas rap- 
pelle que c'est à Doyère qu'on doit la première application 
agricole de ce liquide. Il s'agissait alors de débarrasser les 
graines en silos des charançons qui les infestaient. Le se- 
crétaire perpétuel termine en émettant l'opinion que ces 
anciens travaux ont sans doute été l'origine de ceux de 
M . Paul Tlienard relatifs au phylloxéra, mais il regrette que, 
tandis que les premiers opérateurs avaient soin de mettre 
le sulfure dans le haut des régions à préserver, afin de 
bénéficier du poids de sa vapeur, on ait cru récemment 
devoir le verser dans des trous profonds, ce qui suffit pour 
lui retirer toute efficacité. 

Ces observations déterminent M. Thenard à faire remar- 
quer qu'à l'origine le sulfure de carbone était placé dans 
des trous de 5ii centimètres au plus de profondeur; il 
ajoute que, du reste, à son sens, il ne doit plus être ques- 
tion de cette substance, dont les défauts l'emportent de 
beaucoup sur les qualités, et qu'on doit surtout le laisser 
de côté depuis que M. Dumas a préconisé les sulfo-carbo- 
nutes, dont l'usage est à la fois si commode et si sûr. 

Carte orographique de l'Algérie. — On sait que M. le 
capitaine Mouchez est chargé du commandement de l'ex- 
pédition qui, à Pile Saint-Paul, doit observer le prochain 
passage de Vénus. Au moment de partir, cet officier dis- 
tingué communique à l'Académie les 8* et 9* feuilles de sa 
grande orograph:que et hydrographique de la côte de l'Al- 
gérie, depuis Cherchel jusqu'à Oran, c'est-à-dire sur une 
longueur de 48 lieues. L'échelle adoptée est le ^j^. Le 
développement delà ligne de sondage parcourue dans des 
canots menés à l'aviron, est 19,000 kilomètres. Le navire 
a fait, lui-même, 3,500 kilomètres. Le nombre des son- 
dages effectués est 119,500. Les 23,000 kilomètres de 
lignes de sondage comprennent 29,360 stations détermi- 
nées au cercle à réflexion. Cet immense travail a été exé- 
cuté en cinq campagnes d'été, de deux mois environ cha- 
cune, et la difficulté, déjà si grande, a été souvent aug- 
mentée par l'hostilité des populations qui, à plusieurs re- 



prises, tinrent nos compatriotes couchés en joue pendant 
qu'ils exécutaient leurs mesures. 

Le sel du lac Thnsah. — D.ivanlie bureau se remarque 
un beau bloc de sel, d'un mètre cube environ. M. de 
Lesseps annonce qu'il provient du lac de Timsah où la for- 
mation incessante de bancs de sel avait inspiré des craintes 
quant à la commodité de la navigation. Celte production 
journalière offre aussi un grand intérêt au point de vue de 
la géologie. 

Photographie solaire. — La photographie jo..e en as- 
tronomie un rôle chaque jour plus gr;md. Il y a déjà plu- 
sieurs années que il. Paye présente à 1 Académie des pho- 
tographies solaires, obtenues par M. Porro, au moyen d'une 
lunette de 15 mètres de foyer. Depuis celte époque déjà 
ancienne, la France parut se désintéresser de la question. 
Au contraire elle lit de grands progrès h l'étranger. M. War- 
l'dii de la Une obtint dos photographies de la lune qui lui 
valurent le prix Lalande en 1860 et qui sont réellement 
merveilleuses. M. Rultcrlbrthfit mieux encore et produisit 
des épreuves de 50 centimètres de diamètre où l'on peut 
reconnaître à la loupe des détails que ne montrent pas de 
bonnes lunettes. Mais rien ut; revient à la France eu luul 
ceci et ce ne sera pas un des moindres services rendus par 
le passage de Vénus que d'avoir ramené chez nous l'atten- 
tion de ce côté. 

Désirant obtenir des photographies comparables à celles 
que les astronomes étrangers sont en mesure d'exécuter, 
M. Jansscn, associé à il. Bracmuski, a construit un appa- 
reil qui donne des épreuves de 11 à 12 centimètres de 
diamètre. Dans certains cas même, eu ne prenant qu'une 
portion du disque solaire, on arrive au diamètre de 20 cen- 
timètres, ce qui permet d'obtenir ce que M. Janssen 
nomme la chair du soleil, c'est-à-dire ce moulonago spécial 
qui a tant frappé tous les observateurs, et que jusqu'ici la 
plaque sensible s'était refusée à conserver. 

Stanislas Meunier. 



><>< 



CURIOSITÉS DE LA MÉTÉOROLOGIE 

CHUTE DE cr.oix DANS l'atmosphère 
PENDANT UNE ÉRUPTION DtJ VESUVE EN 16 O. 

Un grand nombre de chroniqueurs du moyen âge 
racontent des phénomènes semblables à celui qui 
fait l'objet de cette notice, mais pour la plupart ils 
appartiennent au domaine de la fable. 

Nous sommes cependant obligés d'admettre l'au- 
thenticité des phénomènes étranges qui auraient 
accompagné l'éruption du Vésuve de 16 00. Les croix 
qui sont tombées alors des régions supérieures du 
firmament ont été en effet observées scientifiquement 
par le P. Kircber, un très-habile physicien. ' 

L'éruption de 4(300 ne paraît avoir donné lieu ni 
à des tremblements de terre très-violents, ni à l'é- 
mission de puissantes coulées de lave. Mais le volcan 
se déchargea principalement, comme il fait quelque- 
fois après un silence prolongé, pur la projection de 
cendres abondantes, lancées en niasses assez consi- 
dérables pour engloutir des villes entières. C'est, 
comme on le sait, ce qui est arrivé à Pompéi» en 70, 



G<* 



LA NATURE, 



alors que le Vésuve, que l'on croyait, mnrt, se ré- 
veilla. Ces cendres étaient accompagnées île moffeltes 
si intenses, que Pline l'Ancien en fut suffoqué, quoi- 
qu'il se trouvât encore à une grande distance du 
cratère ; il n'avait point quitté cependant les bords 
de la mer, où il venait à peine de débarquer. 

Les cendres de l'année 1GG0 eurent cela de parti- 
culier qu'elles arrivèrent jusqu'à la ville de Naples, 
où elles avaient été chassées par des vents violents. 
Celles qui tombèrent sur le sol se couvrirent rapide- 
ment d'effloresceiiees tenant à des émanations de 
même nature que celles qui avaient été si funestes 
au naturaliste romain. Tous les gaz qu'elles conte- 
naient s'exhalèrent; eu effet, l'air ambiant était sec, 
car on se trouvait alors dans les premiers jours du 
mois de juillet. 

11 n'est donc pas surprenant que ces vapeurs, qui 
se déposaient en partie à la surface de la cendre, 
aient laissé tomber des cristaux sur tous les objets 




Toi-malion de croix dans l'air, d'après lu P. Kirdicr. 

nu milieu desquels les cendres avaient été projetées. 
Le P. Kircber donne une série de figures desti- 
nées à prouver que les croix n'ont rien de constant 
dans leurs dimensions, ni même dans leur forme. Plu- 
sieurs de ces croix ont plus de deux brandies, 
quelques-unes en ont en réalité jusqu'à cinq ou six. 
Ces remarques nous montrent que ces figures 
étaient produites pur une agglomération irrégulière 
de cristaux provenant du dépôt rapide d'un sel cris- 
tallisant en petits prismes, et dans lequel il est 
permis de reconnaître le chlorhydrate d'ammoniaque. 
Les dessins du P. Kircber, quelque grossiers qu'ils 
soient, paraissent déceler la forme particulière de 
ce sel dont la production est si naturelle dans des 
circonstances pareilles à celles que nous décrivons. 
En effet, les cendres peuvent être saturées par- 
les torrents d'acide chlorhydrique que produit l'é- 
ruption, et cet acide doit rencontrer dans l'air les 
composés ammoniacaux nécessaires à la formation 
des aiguilles cristallisées dont l'apparition avait si 
naturellement plongé dans la plus vive surprise les 



populations au milieu desquelles elles se produi- 
saient. 

Une des circonstances qui avaient le plus contribué 
à répandre à Naplcs une sorte de terreur, c'est que les 
croix semblaient s'attacher de préférence aux vête- 
ments des hommes et des femmes, comme on le voit 
par la figure naïve que nous avons empruntée à 
l'ouvrage de Lycosthènes sur ces Prodiges. Mais le 
P. Kircher n'a point de peine à répondre à cette ob- 
jection. En effet, les croix étaient de couleur grise, ce 
qui fait qu'on les voyait difficilement quand elles 
tombaient sur les murailles. Elles étaient d'autant 
plus nombreuses que les objets se prêtaient mieux à 
les mettre en relief; ainsi on les voyait surtout sur 
le visage où elles paraissaient littéralement innom- 
brables. 




4P & nr «$> 



a , * 







Cl'Ulo de croix, d'après Ljcoathèins. 

Nous ne savons s'il serait possible de reproduire 
directement dans un laboratoire la formation de pe- 
tits cristaux analogues à ceux que nous décrit le 
P. Kircher. Mais cette épreuve ne doit pas être con- 
sidérée comme nécessaire. En effet, personne ne se 
refuse à croire que les flocons do neige sont produits 
par la congélation de l'eau, quoiqu'on ne puisse pro- 
duire dans les laboratoires les formes si bizarres qui 
excitent toujours la surprise des physiciens. 

Le P. Kircher a également fait remarquer que 
les croix ne duraient point toutes le même temps, 
que quelques-unes semblaient se dissoudre dans l'air 
humide; ce qui est facile à comprendre, puisque leur 
dépôt avait été aidé par la grande sécheresse de l'air, 
l'éruption ayant eu lieu pendant la canicule ; quel- 
ques-unes laissaient sur les vêtements des taches 
permanentes comme si elles avaient été imprégnées 
d'un liquide acide. W. de Fonyiei.le. 



Le Propriétaire-Gérant : G. Tissasdieii. 



CoiitEiL.— Tjp. et 6t(5r. de G «ut* 



jf. 57—4 JUILLET 1 87 i. 



LA NATURE. 



Go 



LES AKKAS 

RACE DE PYGMÉI.S IUÎCESI3I Ei\T DÉCOUVERTS 
DANS i/ AFRIQUE CEKTBALE. 

La Nature a déjà annoncé l'arrivée en Egypte de 
deuxreprésentan'.s d'une race d'hommes jusqu'à pré- 
sent inconnue, habitant l'Afrique centrale, t'es deux 
individus viennent d'arriver on Italie où ils excitent 
une curiosité univer- 
selle, dont ils tout 
d'ailleurs parfai- 
tement dignes. 

Le premier voya- 
geur qui ait parlé de 
cette singulière race 
d'hommes est le doc- 
teur Schweinfnrth. 
Cet auteur, voyageant 
il y a deux ans, en 
Afrique centrale dans 
le pays des Mombou- 
tous (région située au 
sud du pays des Niam- 
Niams, c'est-à-dire 
sous le 4 e degré de 
latitude nord) , re- 
marqua, au milieu 
d'une fêle que lui 
donnait le roi, plu- 
sieurs esclaves de 
très-petite taille, et 
dune conformation 
qui lui parut excep- 
tionnelle. On lui ap- 
prit que ces esclaves 
étaient des Akkas 1 , 
race d'hommes très- 
petits qui habitent au 
sud du pays des Mom- 
bou tous, sur les rives 
du fleuve Garbou 
(5° latitude nord). Le 
roi voulut bien don- 
ner à M. Schwemfurth 

U11 de ces êtres bi- Jeune Akko, de face tt ."e pi 

zarres; malheureuse- 
ment cet esclave mourut pendant lo voyage de re- 
tour, en traversant lu Nubie. On a noté avec soin 
l'endroit où on l'enterrait afin de pouvoir retrouver 
et rapporter son squelette. 

En 1873, un courageux voyageur italien, M. Miani, 
pénétra dans le même pays des Momboutous, et lui 
aussi fut frappé par la vue des esclaves akkas. Il en 
acheta deux pour les rapporter en Europe, mais cette 
fois ce ne furent pas les esclaves, ce fut leur maître 
qui mourut des fatigues d'un aussi périlleux voyage. 

1 Quelques auteurs ont [.ris pour règle de ne point mettre 
d'ï au pluriel de ces noms de peuples sauvages, et écrivent : 
les Akka, les Momboulou, etc. 

»• iQDêe — !• semestre. 







j'eune Akko, de face <t 



Ses bagages, ses papiers, ses collections et ses deux 
précieux esclaves parvinrent néanmoins en Egypte, 
mais ils n'arrivèrent à bon port qu'après mille tra- 
verses. On sait tout ce que peut oser Ja rapacité des 
hommes, mais on croira difficilement que d'avides 
créanciers aient mis sous séquestre nos deux négril- 
lons. 

Dès leur arrivée, au Caire, les deux pygmées fu- 
rent présentés à l'Institut égyptien, savante et la- 

borieus e société, créée 
par le gouvernement 
du vice-roi. Ils furent 
soigneusement exa- 
minés par son prési- 
dent, S. Exe. Colucci- 
Pacha, à qui ses con- 
naissances médicales 
donnent de l'autorité 
en cette matière, et 
par le professeur Ri- 
chard Owen, dont le 
nom est connu de nos 
lecteurs. 

Les relations que 
ces deux savants ont 
données de leur exa- 
men seront publiées 
dans les Bulletins de 
l'Institut égyptien , 
publication officielle 
écrite en français. En 
attendant, elles l'ont 
été dans la Revue 
d'anthropologie de 
11. Broca, où nous les 
trouvons. 

La race des Pyg- 
mées était connue des 
anciens historiens. 
Hérodote, Arislole , 
Strabon, et plus tard 
les historiens arabes, 
Ont mentionné leur 
existence, mais cha- 
cun sait comment on 
a longtemps traité les 
récits du bonhomme 
Hérodote. Depuis quelque temps on a été obligé de 
reconnaître souvent sa véracité; la découverte de 
MM. Schweinfurth et Miani rend encore cette fois 
justice au père de l'histoire. 

Les exemplaires de la race pygmée.queM. Miani a 
rapportés sont tous deux jeunes; on ne peut natu- 
rellement juger de leur âge que par l'état de leurs 
dents, à peu près comme font les maquignons pour 
les chevaux; on trouve, par cette méthode, qu'ils 
ont l'un douze à quatorze ans, l'autre neuf à dix ans. 
L'aîné a l m ,il de haut, et le plus jeune 1 mètre. 
Cela suppose, pour l'âge adulte, une taille de i m ,30 
à l m ,50, c'est-à-dire qu'un homme qui, chez eux 

5 



oiîï. (D'après une photographie.) 



G6 



LA NATURE. 



passe pour un colosse, serait trouvé clicz nous excep- 
iioimcllement pd.it. 

Les dessins que nous en donnons ont été copiés 
avec une exactitude scrupuleuse sur deux photogra- 
phies récemment envoyées du Caire à la Société d'an- 
thropologie de Paris. Elles représentent leplus grand 
de ces deux nains vu successivement de l'ace et de 
profil. 

Le teint des Akkas n'est pas noir comme celui des 
nègres, mais couleur chocolat comme la peau des 
Abyssiniens. Leurs yeux qui sont grands et vifs, leur 
Iront qui est élevé et très-découvert leur donnent une 
expression intelligente qui, jusque dans ces derniers 
temps, était regardée comme tout à fait Irompcuse. 
Leur nez est enfoncé, un peu épaté; et comme les 
narines sont très-larges et très-écartées l'une de 
l'autre, il semble se terminer par un extrémité tri- 
lobée. Leurs mâchoires sont saillantes et s'élargis- 
sent en avant; leur menton est très-puissant. 

D'après AI. Schweinfurth, ils n'ont pour ainsi dire 
pas de lèvres, et leur bouche, quand elle est fermée, 
ressemble à une simple fissure comme celle des nè- 
gres. La photographie ne reproduit guère cette dis- 
position de la bouche, mais il convient peut-être de 
croire un voyageur qui a vu un nombre d Akkas con- 
sidérable, et qui doit par conséquent bien les con- 
naître. Leurs cheveux sont crépus; l'un des deux 
Akkas les a noirs, l'autre châtain doré. Disons enfin 
que leurs oreilles sont très-larges, qu'elles sont per- 
cées et semblent avoir porté des boucles d'oreille 
très-lourdes. Telle est leur physionomie qui paraît, 
comme on le voit, assez peu attrayante. Leur crâne 
est étroit et allonge (dolicoccphale, pour parler le 
langage des anthropologist.es), comme celui de tous 
les peuples d'Afrique. En somme, leur tète ressem- 
ble assez à celle des Abyssiniens. Leurs membres in- 
férieurs les distinguent plus des autres hommes. Ils 
tiennent ordinairement les jambes très-écartées, 
comme on le voit très-bien sur notre gravure. On y 
peut voir aussi qu'ils ont le mollet assez peu marqué; 
cette remarque a son importance, caria proéminence 
plus ou moins grande du mollet constitue une des 
différences anatomiques qui séparent l'Européen des 
races inférieures, et culles-ci des singes. Le pied est 
petit, mais large et aplati ; le gros orteil se détache 
presque du pied et prend un développement assez fort. 

Ce qui a dû frapper tout d'abord le lecteur à 
l'aspect de nos deux figures, c'est la conformation 
très-singulière du tronc. C'est elle, en eltet, qui ca- 
ractérise les pygrnées africains, et qui donne h leur 
étude un haut degré d'intérêt. D'abord, ce ventre 
énorme, bombé, très-proéminent, qui tombe comme 
une sorte de sac; mais surtout l'épine dorsale plus 
remarquable encore quetoutle reste du corps. « Elle 
est courbée en forme de C, disent les auteurs, comme 
pour suivre le ventre et comme entraînée par son 
poids. » Cette forme en C, de la eolo aie vertébrale, 
est très-visible sur notre gravure, mais elle a été un 
peu effacée, parce qu'on a recommandé au petit 
nègre de se bien tenir, de se redresser pendant qu'on 



le photographiait. Toutefois le lecteur sera cer- 
tainement frappé : 1° de l'absence totale de cam- 
brure de la colonne vertébrale ; 2° de sa forme 
généralement convexe. 

Cet! e dernière particularité est d'une très-grande 
gravité, car elle rapproche jusqu'à un certain point 
les Akkas des grands singes, dont ils s'éloignent d'ail- 
leurs sous tant d'autres rapports. 

« Il ne faut pas se dissimuler, dit en effet M.Broca, 
qu'une race dont la colonne vertébrale serait norma- 
lement recourbée en avant, de manière à refouler le 
ventre en bas et en avant, s'éloignerait par là du 
type des bipèdes parfaits pour se rapprocher de celui 
clos singes anthropoïdes. 

« Pour faire apprécier l'importance de ce carac- 
tère, rappelons que la station verticale est rendue 
facile chez l'homme tel que nous le connaissons par 
la triple courbure de la colonne vertébrale. La région 
cervicale de cette colonne présente une première 
courbure dont la convexité est tournée en avant; la 
région dorsale ou thoracique est courbée en sens in- 
verse, c'est-à-dire concave antérieurement ; enfin, 
une troisième courbure qui correspond à la région 
lombaire est convexe en avant comme la première. 
Sans cette troisième courbure, la ligne de gravité du 
tronc passerait bien en avant de la ligne transversale 
bieotyloïdienne , par laquelle le tronc prend son 
point d'appui sur les fémurs, le corps tendrait donc 
à retomber en avant, et pour le redresser les mus- 
cles postérieurs seraient obligés de faire un travail 
considérable et très-fatigant; mais, grâce à la cour- 
bure lombaire, le centre de gravité se trouve reporté 
plus on arrière ; il tombe à peine en avant du la ligne 
bieotyloïdienne. Il suffit donc d'une très-faible action 
musculaire pour le ramener au-dessus de cette ligue 
et pour assurer l'équilibre vertical. L'attitude verti- 
cale est ainsi rendue facile et naturelle. 

« La colonne vertébrale des grands singes pré- 
sente au contraire la forme d'un C dont l'extré- 
mité supérieure correspond à la base du cou, et 
dont l'extrémité inférieure aboutit au sacrum. 11 
résulte de cotte disposition que le centre de gra- 
vité du tronc et des parties supérieures est situé 
bien en avant de la ligne de sustentation du bas- 
sin, et que l'équilibre vertical ne peut être maintenu 
que par une grande dépense de force musculaire. 
Aussi voyons-nous que les singes anthropoïdes sont 
rapidement fatigués par la marche bipède; cette 
marche ne leur est pas naturelle, et on sait qu'ils 
prennent habituellement un appui sur le sol avec la 
l'ace dorsale de leurs mains ou plutôt de leurs doigts. 
Leur colonne vertébrale n'étant pas verticale, niais 
oblique, le poids des viscères abdominaux n'est pas 
entièrement supporté, comme chez l'homme, par les 
os du bassin; une partie de ce poids retombe sur la 
paroi abdominale antérieure, et le ventre fait ainsi 
une forte saillie. 

« ...L'existence d'une race humaine qui serait 
privée du caractère le plus décisif de l'altitude bipède 
serait un fait d'une telle gravité que j'éprouve, je l'a 



LA NATURE. 



67 



voue, quelque hésitation à l'admettre. Voilà pourquoi 
ie me demande, jusqu'à plus ample informé, si les 
Akkas du roi Mounsasont parfaitement normaux... Il 
ne serait pas imrossiUc que celte disposition de la 
colonne vertébrale fut produite ou du moins exagé- 
rée par l'influence d'une affection analogue au ra- 
chitisme. On concevrait, fort bien que le roi Mouusa 
choisît, pour en faire parade, les plus petits repré- 
sentants de la race pygmée qui réside au sud de son 
pays,... etc. » 

La conjecture que hasarde M. Broea nous semble 
pourtant ébranlée par un renseignement que fournil 
S. Exe. Colucci-Paclia : « A la visite qui a été faite 
aux jeunes Pygmées assistait un sergent qui avait 
accompagné Miani, et qui, connaissant la langue de 
la peuplade, a servi d'interprète. On a pu ainsi savoir 
de nos Pygmées qu'ils ne sont pas une exception dans 
leur pays, que toute la peuplade reste dans ces di- 
mensions exiguës et que 1 âge n'amène guère de chan- 
gement de taille. » Il est vrai que les renseignements 
fournis par ces enfants pouvaient bien être fautifs. 

On a imaginé que la colonne vertébrale des Akkas 
se terminait par une sorte d'appendice caudal. Est-il 
nécessaire de dire que c'est îà une fable inventée à 
plaisir? 

Il nous reste à expliquer l'énorme proéminence de 
leur abdomen. Teut- être tient-il à une alimentation 
trop exclusivement végétale, qui nécessite, comme 
ou sait, un grand développement intestinal. Mais 
rien ne dit que ces sauvages soient plus frugivores 
que d'autres, et il est plus probable que la grosseur 
de leur ventre est due en partie à celle du foie, tou- 
jours considérable dans les pays chauds, et d'autre 
part à l'habitude où sont beaucoup de sauvages de se 
gorgerde viandes les jours de chasse heureuse, quitte 
à jeûner ensuite pendant une semaine, ou plus encore. 

La langue des Pygmées est encore inconnue. On la 
dit sonore et assez harmonieuse. D'après M. Schwein- 
furth, elle ne se rattache à aucun autre idiome et 
n'est d'ailleurs composée que de très-peu de mots. 

A leur arrivée en Italie, on les a présentés au roi 
qu'ils désignent, dit -on, en mettant leurs poings de 
chaque côté de leur bouche, afin de marquer ainsi 
les prodigieuses moustaches qui singularisent le vi- 
sage de Victor-Emmanuel. On leur a appris à nommer 
le roi plus poliment : il sultano italiano. 

Ils ont assisté, dans la loge de la princesse Mar- 
guerite, au feu d'artifice qui fut tiré à la fête du 
Stato. D'abord effrayés par le bruit, ils ont fini par 
g* amuser de ce spectacle et par témoigner leur joie 
pur un cri particulier : Uoliou ! hohou ! 

Ils ont pris plus de plaisir encore au théâtre italien. 
Les ballets les ont particulièrement divertis, et le 
londemaiu ils s'efforçaient d'imiter les pirouettes 
des danseuses. — Us comprennent noire musique et 
paraissent l'aimer beaucoup, disposition qui leur est 
d'ailleurs commune avec tous les nègres. L'un d'eux 
chante même assez justement un des airs de la Fille 
de madame Anyot. C'est par là que ces enfants ont 
commencé à connaître notre civilisation. 



On leur a appris à manger à la fourchette et ils 
s'en servent à présent très-proprement. On dit qu'ils 
aiment beaucoup le vin et les glaces. 

Le 8 juin, on les a expédiés par le chemin de fer 
à Milan, d'où ils iront sur le lac de Côme, où le 
comte Meuiscalchi, homme généreux et magnifique, 
veut les recevoir. — Malgré toute sa générosité, ce 
riche amphitryon ne leur rendra pas le soleil de l'é- 
quateur. Quoiqu'on eût soin de les vêtir très-chau- 
dement, ces enfants grelottaient, dit-on, au Caire; 
on peut présumer qu'ils ne vivront pas longtemps 
dans le nord de l'Italie. 

M. Schweinfiirth avait accusé les Akkas d'être très- 
bornés. Celui qu'il a tenté de ramener en Europe 
n'avait jamais pu retenir un mot du langage qu'on 
parlait autour de lui. Les enfants qu'a rapportés 
le malheureux Mi;mi paraissent au contraire assez in- 
telligents. Ils parlent un peu l'arabe, et depuis quinze 
jours qu'ils sont à Rome, ils savent dire quelques 
mots d'italien. Il est vrai que ce sont des enfants, 
et l'on sait que, chez les sauvages, les enfants sont 
toujours plus intelligents que les adultes. 

Ils aiment beaucoup à jouer avec les enfants de 
leur âge : on a remarqué chez eux un caractère très- 
variable : la fureur, la gaieté, la mélancolie, la dou- 
ceur se succèdent rapidement dans leur esprit. A 
cette mobilité de l'âme, répond une grande vivacité 
dans les mouvements du corps. 

Ce dernier trait paraît d'ailleurs un caractère de 
race. Dans leur pays même, les Akkas passent pour 
très-agiles et très-remuants, comme le sont en géné- 
ral les individus de petite taille. Ces Pygmées sont 
fort habiles à chasser non pas les grues, comme ceux 
d'Homère, mais l'éléphant, qu'ils attaquent avec l'arc 
et la lance. 

Si l'ou essaye de résumer ce qui précède, on se 
représentera la nation des Pygmées corn me composée 
de petits hommes couleur chocolat, hauts de l m ,50 
à i m ,5û; doués d'un visage expressif, quoique hi- 
deux ; front élevé et grands yeux noirs, mais nez 
enfoncé et épaté, légèrement trilobé avec de grandes 
et larges narines; une fissure au lieu de bouche, et 
une puissante mâchoire inférieure qui avance ens'é- 
largissant. Celle vilaine figure est portée par un 
corps étrange, des jambes écartées, un gros ventre 
proéminent, et tombant comme un sac ; enfin, un dos 
voûté, sans cambrure notable. Et si mal bâtis qu'ils 
paraissent, ces petits sauvages, qui méritent à peine 
le nom d'hommes, savent très-agilement se servir de 
leurs corps minuscules et disgracieux. 

Jacques Bertim.on. 



IJN NOUVEAU 



CRUSTAGË DU FOND DE LA MER 

' NEPHROPS STBWARTII, W. HASON. 

M. Alph. Milne Edwards vient de publier à ce su- 
jet une note très-intéressante, dans les Annules des 



GS 



LA NATURE. 



sciences naturelles, où il donne en outre quelques 
renseignements précieux sur YAstacus zaleucus dont 
nous ayons parlé dans les Pêches du Challenger 1 . 
Nous sommes heureux de reproduire les observa- 
lions de M. Milne Edwards. 

« M. Wood Ma son, dit l'illustre naturaliste fran- 
çais, vient de publier dans le Journal de la Socie'té 
asiatique du Bengale, les résultats fournis par une 
exploration du fond de la mer aux environs des îles 
Andaman, et parmi les animaux qu'il y a découverts 
à de grandes profondeurs se trouve un crustacé 
très-remarquable , auquel il a donné le nom de 
Nephrops Stewartii. Ce Macroure vit enfoui dans le 
dépôt boueux constitué par les débris des bancs ma- 
dréporiques, et il ressemble beaucoup au Replirops 



Norwegicus des mers d'Europe, mais s'en distingue 
par deux caractères importants : l'état rudimenlaire 
des yeux, et l'absence de l'appendice squamifornie 
mobile dont la base des antennes externes est garnie 
chez tous les Astaciens connus jusqu'alors. 

« L'atrophie plus ou moins complète des yeux 
chez les crustacés qui vivent dans l'obscurité, soit au 
fond d'une caverne, soit à de ennuies profondeurs 
de lu mer, a déjà été observée plusieurs fois, no- 
tamment chez YAstacus pcllucidus ou Cambarus 
I pellucidus de Mammoth-cave dans le Kcntucky, 
i le Calocaris Macandreœ de T. Bell, trouvé dans 
les mers d'Irlande , par 180 brasses de profon- 
deur, et chez le Calliaxis adrialica de IMler, qui 
ne parait pas différer génériquement du précédent. 




Un nouveau crustacé du fond de la mer. — Ncphrops Slvwarlii, W. Mu-oii. 



J'ajouterai que la même anomalie vient d'être signa- 
lée par M. Wyville Thomson chez un crustacé trouvé 
dans la mer des Antilles, à une profondeur de 2,000 
mètres et désigné par ce voyageur sous le nom d'As- 
tacus zaleucus. Ce dernier Macroure, dont la figure 
a été publiée récemment dans le journal la Nature*, 
nous paraît appartenir, comme les Calocaris, à la 
familles des Callianassides, dont nous avons fait con- 
naître un grand nombre de représentants propres 
aux terrains tertiaires et secondaires, et il nous sem- 
ble devoir y constituer un genre nouveau. Il est 
remarquable par l'allongement excessif des pinces et 
la disposition pectiniforme des épines dont les bords 
préhensibles de ces organes sont armés. Ce mode de 
conformation rappelle celui des mêmes organes chez 
divers crustacés fossiles très-anciens, par exemple le 
Macroure du terrain crétacé de la Westplmlie, rap- 
porté par M. Solliciter à Ylloploparia tongimana, et 

' Voy. Table des matières de la première année. 
* Voy. première année p. 220» 



celui de la craie de Lezennes, figuré par M. Hallez. 
Malheureusement lepattesthoraciquesdela première 
paire manquent dans l'exemplaire unique du Ne- 
phrops Stewartii trouvé par M. Wood Mason, et par 
conséquent, on n'en peut rien dire; mais il serait 
très-intéressant de savoir si ces organes sont confor- 
més de la même manière que chez les Piephrops, 
allongés comme chez le Gallianassien de II. Wyville 
Thomson, ou réduits à l'état monodaelyle comme 
chez les Glyphcea de la période jurassique.... » 



VU RAPPORT 



DE LA COMMISSION DES LUNATIQUES 

DE LONDRES. 
l'ermite DE STEVENAGE. 

Il existe en Angleterre une commission spéciale, 
chargée d'étudier, non pas les fous, mais les luna- 



LA N A TU Pi Ei 



eo 



tiques, d'examiner les singulières bizarreries qu'offre 
parfois notre intelligence. M. Joint Forster vient de 
donner des détails intéressants, sur un monomane, 
nommé James Lucas, qui est mort âgé de soixante ans, 
et quiahabité pendant vingt-cinq ans, à l'état de ré- 
clusion, la maison que représente notre gravure. 
James Lucas était de bonne famille et avait reçu une 
excellente éducation, mais dès son enfance il s'était 
toujours montré excentrique. Il s'enfermait et refu- 
sait toute nourriture à moins qu'elle ne fût placée en- 
debors de sa porte, de façon qu'il puisse la manger 
tout seul. Quand il suivait une chasse à courre, ce 
qui l'amusait beaucoup, il montait à cheval pieds 
nus dans les élriers, ses bottes pendues de chaque 
côté du cou du cheval. 11 éprouva un vif chagrin 



lorsque sa mère mourut en octobre 1849 : il ne vou- 
lut laisser enlever le corps que quelques mois après, 
et commença alors cette vie d'ermite qui ne finit qu'à 
sa mort. Il paraissait toujours craindre que quelqu'un 
ne forçat sa maison pour lui faire du mal, et il tenait 
sans cesse la porte et les fenêtres barricadées avec 
soin. 

Pendant plusieurs années on ne le vit jamais sortir, 
et il avait entièrement perdu l'usage des vêtements, 
de l'eau et du savon. Il pouvait avoir des relations 
avec la meilleure société du pays, et cependant il vi- 
vait dans la l'auge et la malpropreté, enveloppé d'une 
couverture commune, et dormant sur les cendres 
dans n'importe quel coin. Toutefois il n'était pas 
fou; M. Joli" Forster, qui l'examina, déclare que 




La maison de l'ermite anglais James Lucas. 



c'était un homme d'une grande intelligence ; et s'il 
y avait une cause dans sa réclusion volontaire, le 
secret en est mort avec lui. Pendant un certain 
temps il recevait tous ceux qui venaient le voir, mais 
les visites devinrent si nombreuses, par la suite, 
qu'il résolut de ne plus recevoir que des mendiants. 
Des milliersde pauvres le visitaient annuellement, et 
toutes les fois qu'ils se présentaient, soit de jour soit 
de nuit, il leur donnait audience et assistance. Il se 
montrait très-libéral envers ses visiteurs ; il leur 
offrait des vins et des liqueurs. Il donnait générale- 
ment 10 centimes à un protestant, et jamais moins de 
50 centimes à un catholique romain ; pour lui-même 
il se contentait do pain, d'œufs et de lait. Dans les 
derniers temps il avait deux personnes à son service, 
pour surveiller sa propriété, tant le3 visiteurs étaient 
curieux de le voir. Le 10 avril dernier, le facteur 
n'ayant pu se faire ouvrir, malgré des coups réitérés 



à sa porto, on dut pénétrer dans la maison avec 
l'aide de la police et on trouva l'ermite atteint 
d'une attaque d'apoplexie. Il fut transporté dans une 
ferme voisine et mourut le lendemain matin sans 
avoir repris connaissance. Il avait environ 5 pieds 
6 pouces (anglais). Sa figure était remarquablement 
belle, et son corps n'offrait aucune trace d'amaigris- 
sement. La maison qu'il habitait offrait des traces 
extraordinaires de ruine et de décrépitude. Dans son 
numéro de Noël, de AU the yeard round, pour 1861, 
Charles Dickens raconte la visite qu'il lit à l'ermite, 
sous le titre de Tom Tidlefs Ground. 

Au moyen âge, les ermites n'étaient pas rares; il 
en est même qui exerçaient une grande influence, 
et dont la solitude n'était qu'apparente : mais un 
ermite en pleine Angleterre, \ivant dans le pays des 
chemins et des télégraphes, cela ne mér.ite-t-il pas de 
fixer l'attention? " D* Z 



70 



LA NATURE. 



EXPOSITION INTERNATIONALE 

DE LONDRES. 

L'Exposition universelle internationale est décidé- 
ment un échec, quoique l'on y voie beaucoup de très- 
belles choses, à commencer par la section française, 
qui a été établie avec un grand soin et un grand luxe. 
La ville de Paris en a fait elle seule presque tous les 
frais. En effet, on y trouve un modèle en petit de 
tous nos principaux monuments, des outils et usten- 
siles en usage dans le curage des égouts, dans le 
pavage et nettoyage des rues, etc., etc. Le système 
des écoles en vigueur dans la ville de Paris n'a pas été 
oublié non [dus. On y trouve un modèle du magasin 
scolaire, puis des albums très-richement reliés re- 
présentant des écoles de garçons et de tilles, ainsi que 
les gymnases, etc., etc. M. du Sommerard a eu l'ex- 
cellente idée de recueillir toutes les publications 
ducs à M. Haussmaiin, ou encouragées par le Conseil 
municipal du temps de l'Empire. Aujourd'hui, pour 
comprendre ce qu'est le Paris moderne, le meilleur 
procédé est d'aller à Londres. 

La Cour orientale possède des selles merveilleuses 
non-seulement pour chevaux indiens, mais aussi pour 
chevaux européens ; ce qui dépasse tous ces pro- 
duits c'est un petit cabinet où se trouvent des exem- 
plaires de cent cinquante journaux écrits en anglais 
et imprimés dans les différentes parties de l'Inde. 
Comme un philosophe l'a déjà fait remarquer, il v a 
quelque temps, l'idiome britannique est en passe de 
remplacer le sanscrit et de devenir la langue sacrée 
de l'indoustan : en effet, aujourd'hui la langue sacrée 
est la langue scientifique. 

i^a cour de Queensland, qui était une des mer- 
veilles de l'exposition de 1872, a pris une nouvelle 
spécialité. Il n'y est plus question, en 1874, des ri- 
chesses naturelles d'une contrée grande douze fois 
comme l'Angleterre proprement dite, mais on y a 
réuni de merveilleux échantillons de toutes les mines. 
On y distribue des tableaux indiquant toutes les faci- 
lités que le gouvernement local donne à l'émigiv.nt. 
Il y a un modèle d'un vaisseau où chaque famille pos- 
sède sa cabine particulière. Il ne manque plus que 
d'y établir des cottages. 

Le Japon, que l'on pouvait croire épuisé par ses 
succès antérieurs, brille d'un éclat incomparable, 
lîicn n'égale la teinte idéale de certaines porcelaines, 
et les nuances ravissantes d'un ciel poudré d'argent 
qui figure sur des éventails. Ces insulaires sont, sans 
contredit, les artistes de l'Orient. Les Chinois que l'on 
croyait sans rivaux, ont trouvé leurs maîtres dans 
tous les arts où ils se distinguent. 

La galerie des beaux-arts est médiocrement garnie ; 
cependant presque tous les tableaux que l'on envoie 
à Londres y trouvent acquéreur ; à ce point de vue 
l'exposition internationale a toujours été un succès. 

On a pratiqué, dans les dessous du Palais, des 
ca\cs où l'on se livre à la dégustation des vins. 11 est 



malheureux que le public soit si peu nombreux, car 
bien des crûs encore inconnus à Londres auraient pu 
de la sorte se révéler aux consommateurs. 

Mais la commission royale n'a rien fait pour se 
rendre populaire, aussi le nombre des entrées est-il 
misérable, inférieur à celui du Palais de Cristal. 

Il n'y a ni lectures publiques, ni grandes fêtes, ni 
expériences, rien que des concerts dans Albert-Hall, 
dont le public est saturé. 

Ce qui excite le plus la curiosité des visiteurs, 
c'est le spectacle d'un ascenseur monstre qui peut 
enlever à la fois jusqu'à 12 ou lo personnes. On a eu, 
il est vrai, l'heureuse idée de découvrir le pied de la 
colonne, de sorte qu'on voit très-bien la manœuvre 
des soupapes, partie dont le vulgaire ignore tout à 
fuit l'existence. On s'attroupe beaucoup aussi devant 
unç cloche à plongeur, en verre, qui travaille dans 
un aquarium muni de fenêtres. 

La section des inventions n'existe que sur le pa- 
pier. Je n'ai pu noter un t>eul instrument scientifique 
si ce n'est un baromètre anéroïde enregistreur, d'une 
construction assez simple. 

Aussi la dernière année de la série quinquennale 
est-elle supprimée et les expositions annuelles sont- 
elles à jamais condamnées. Mais le monument im- 
mense dans lequel elles se tiennent ne restera point 
inutile. La commission royale de l'Instruction lui a 
trouvé un emploi bien plus satisfaisant. 

On va y établir un musée conservatoire des arts 
et métiers, à l'instar de celui de Paris. Il est bon de 
noter que le Conservatoire de la rue Saint-Martin fut 
créé par la Convention nationale, du même que les 
expositions industrielles que l'Angleterre n'a accep- 
tées que pour les rendre universelles. Il est à présu- 
mer que le conservatoire de Londres, modelé sur 
celui de Paris, sera digne de son aîné. 

W. DE FONVIELLE. 

L'EXPRESSION DES ÉMOTIONS 

CHEZ i/llOMME ET LES ASIMAL'X. 
Par Chaules Uaiiwiw 1 . 

Le nouvel ouvrage que l'illustre naturaliste an- 
glais a récemment publié, et dont la librairie Rein- 
wuld offre au public français une excellente traduc- 
tion, a pour but de produire de nouveaux arguments 
en faveur de la théorie de l'évolution. L'auteur expose 
les résultats de son étude des mouvements de l'ex- 
pression, et il déclare lui-même que malgré trente 
années d'observations assidues, il n'a pu résoudre 
tous les problèmes qui se rattachent à une telle entre- 
prise. Cet aveu tout sincère qu'il soit n'est peut-être 
pas suffisant, car parmi les solutions que M. Darwin 

1 1 vol. iu-8", traduit de l'anglais par les docteurs S. Poz/.i 
et II. Benoit. — Ouvrage contenant '21 gravures 6ur bois et 
7 planches photographiées. — C. Ilcinwald et Ç*. Paris, 18 "4., 
— 2ious devons à l'obligeance des éditeurs les gravures qui 
accompagnent notre compte rendu analytique. 



LA NATURE. 



71 



offre au lecteur, il en ûst encore que tous les esprits ne 
voudront pas considérer comme absolument com- 
plètes, mais son œuvre n'en est pas moins, marquée 
au sceau d'un grand talent; elle peut être regardée 
comme une manifesta lion nouvelle de sa profonde 
sagacité, comme une preuve de sa puissance d'inves- 
tigation. Il est incontestable que ce livre renferme 
dus affirmations audacieuses, mais dans ses parties 
puremement physiologiques, il abonde en vues ori- 
ginales, admirablement exposées, et profondément 
instructives. Quelle habileté dans les descriptions! 
Quel coup d'œil profond dans l'observation des faits ! 
Quelle délicatesse dans la déduction des conséquen- 
ces ! Quel savoir-faire apparaît sans cesse au milieu 
de ces recherches, qui sembleraient ingrates à la plu- 
part des naturalistes, et parmi les difficultés des- 
quelles M. Darwin marche sûrement, conduit par le 
logique enchaînement des faits naturels ! 

Contrairement à sir Ch. Bell, qui dans son Anato- 
mie et Philosophie de l'expression établit une 
distinction aussi profonde que possible entre l'homme 
et les animaux, cl. qui affirme que u chez, les créa- 
tures inférieures il n'y a pas d'autre expression que 
celle qu'on peut rapporter avec plus ou moins de 
certitude à leurs actes de volition ou à leurs in- 
stincts nécessaires, » M.Darwin prétend que les cau- 
ses de l'expression sont communes chez tous les êtres. 
« Dans l'espèce humaine, dit le naturaliste anglais, 
certaines expressions, comme les cheveux qui se hé- 
rissent sous l'influence d'une terreur extrême, ou 
les dents qui se découvrent dans l'emportement de 
la r,ige, ^ont presque inexplicables si l'on n'admet 
pas que l'homme a vécu autrefois dans une condition 
très-inférieure. » 

Ainsi l'expression serait une des conséquences 
de l'hérédité, dont SI. Darwin a défendu le prin- 
cipe dans ses précédents ouvrages ; et les résul- 
tats de son étude apparaîtraient comme le complé- 
ment des preuves qu'il a jusqu'ici fournies à l'appui 
de sa doctrine. 

M. Darwin, dans ce grand travail où il s'est efforcé 
de retracer le tableau de ce qu'on pourrait appeler 
{'expression comparée t pose d'abord les principes 
fondamentaux qui rendent compte d'après lui « de 
la plupart des expressions et des gestes involontaires 
de l'homme et des animaux, tels qu'ils se produi- 
sent sous l'empire des émotions et des sensations di- 
verses. » 

Le premier principe de M. Darwin est celui de 
l'association des habitudes utiles. Les mouvements 
les plus complexes, les plus difficiles peuvent à 
l'occasion être acomplis sans effort et sans que l'être 
vivant en ait conscience. Les chevaux, qui prennent 
le galop de chasse ou le galop à l'amble, les jeunes 
chiens d'arrêt, les pigeons au vol particulier, ont 
des allures qui ne leur sont point naturelles et 
dont l'habitude leur a été transmise par l'héré- 
dité. 

Un grand nombre d'actions, d'abord accomplies 
d'une manière- raisonnes, auraient été converties 



d'autre part en actions réflexes par l'habitude et par 
l'association ; M. Darwin insiste sur la facilité avec 
laquelle des actes s'associent à d'autres actes et à 
des états d'esprit divers.' Chacun lorsqu'il tombe à 
terre, garantit sa chute en étendant les bras en 
avant, mais par l'habitude de ce mouvement on ne 
! peut guère s'empêcher d'agir de ]a,mêrne façon alors 
même qu'on se laisserait tomber sur un lit moelleux. 
On remarque facilement que dans un grand nombre 
de cas, le trouble de notre esprit se communique aux 
mouvements de noire corps ; c'est ainsi qu'un homme 
du commun, lorsqu'il est perplexe, se frotte les yeux, 
ou lorsqu'il est embarrassé, tousse légèrement, 
comme s'il ressentait un léger malaise dans les yeux 
ou dans la gorge. 

L'auteur, après avoir passé en revue les actions 
réflexes, étudie les mouvements habituels associés 
chez les animaux, et il en cite plusieurs exemples. 
« Lorsque les chiens veulent se mettre à dormir sur 
un tapis ou sur une autre surface dure, ils tournent 
en rond généralement et grattent le sol avec leurs 
pattes de devant d'une manière insensée, connue 
s'ils voulaient piétiner l'herbe et creuser un trou, 
ainsi que le faisaient sans doute leurs ancêtres sau- 
vages lorsqu'ils vivaient dans de vastes plaines cou- 
vertes d'herbe, ou dans les bois. » Nous n'épuiserons 
pas la série des nombreux exemples qui se dégagent 
du principe que nous avons énoncé précédemment, 
et. que l'on peut résumer ainsi: « les mouvements 
utiles à l'accomplissement d'un désir ou au soulager 
ment d'une sensation pénible, finissent, s'ils se répè- 
tent fréquemment, par devenir si habituels qu'ils se. 
reproduisent toutes les fois qu'apparaissent ce désir 
ou cette sensation, même à un très-faible, degré, et 
alors même que leur utilité devient ou nulle ou très- 
contestable- » . . 

Le second principe de M. Darwin est celui de l'an- 
tithèse. Après avoir démontré que certains états 
d'esprit amènent certains mouvements habituels. 
Fauteur s'efforce de prouver, que lorsqu'un état 
d'esprit tout à fait inverse se produit « il se mani- 
feste une tendance énergique et involoulaire à des 
mouvements également inverses, bii'ii qu'ils n'aient 
jamais aucune utilité. » Un chien d'humeur agres- 
sive, rencontre un homme qu'il croit étranger. On 
voit ses poils se hérisser, ses oreilles se dresser en 
avant, les yeux regardent avec fixité, l'animal se 
tient très-raide. Il marche en ennemi, comme lorsr 
qu'il se prépare à l'attaque. Supposons que ce chien 
reconnaît tout à coup que cet homme est sou maître, 
et nous verrons subitement son être se transformera 
Au lieu de marcher redressé, il se baisse en impri- 
mant à son corps un mouvement fluctueux, sa queue 
qui tout à l'heure était droite et en l'air, tombe et 
s'agite, ses poils deviennent lisses, ses lèvres pen- 
dent librement, les yeux reprennent tout à coup 
leur aspect normal primitif. Pas un seul de ces 
mouvements qui expriment si bien l'affection n'est 
utile, Pour 11. Darwin ils s'expliquent uniquement 
« parce qu'ils sont en opposition complète ou en 



72 



LA NATURE. 






.■■':•¥■ 




antithèse, avec l'at- 
titude et les mouve- 
ments très-intelli- 
gibles du chien qui 
se prépare au com- 
bat , lesquels par 
conséquent expri- 
ment la colère. » 

Lechat d'humeur 
affectueuse cares- 
sant son maître 
(lig. 1) redresse le 
dos qu'il courbe lé- 
gèrement; sa queue 
est tenue raidi;, et 
verticalement : ces 
mouvements ne 
s'expliquent-ils pas, 
par leur aritilhese 
complète, avec ceux 
qui sont naturels à 
cet animal quand il 
est irrité ou qu'il se 
prépare à saisir sa 
proie? Dans ce der- 
nier cas, le chut 
prend une position 
couchée, étend son 
corps, la queue est 
repliée , les poils 
sont lisses. Un grand 
nombre d'autres 
faits observés chez 
la plupart des ani- 
maux et chez l'hom- 
me, viennent four- 
nir des arguments 
en faveur du prin- 
cipe de l'antithèse. 

Mai* il est d'autre 
part une multitude 
d'expressions qui ne 
6e rattachent en au- 
cune façon aux pré- 
cédentes ; ce sont 
celles qui se mani- 
festent indépendam- 
ment de la "volonté 
et qui souvent même 
aussi sont étrangè- 
res à l'habitude. 

La décoloration 
des cheveux sous 
l'influence d'une 
terreur profonde , 
d'un chagrin ou 
d'une douleur ex- 
cessives , le trem- 
1j lement musculaire 
qui est commun à l'homme et aux animaux, et qui 




H 



■,-•./■ : 



Fi g, !. — (".liât d'humeur affectueuse. 




Fig. 2. — Exemple d'érection das appendices cutanés. Poule protégeant 
ses poussins contre un chien. 



est dû à un refroi- 
dissement, à la fiè- 
vre , à l'empoison- 
nement du sang , 
qui peut même être 
la conséquence de 
la colère ou de la 
joie , résultent de 
l'action directe sur 
l'économie, des ex- 
citations dusystème 
nerveux, action 
tout à fait indépen- 
dante de la volonté, 
et même en grande 
partie indépen- 
dante de l'habi- 
tude , Voilà le troi- 
sième et dernier 
principe, qui forme 
avec les précédents 
le nouveau système 
de l'expression des 
émotions. 

Tour le mettre 
en relief, M. Dar- 
win passe successi- 
vement en revue 
les moyens d 'ex- 
pression chez les 
animaux et chez 
l'homme; et il se 
plait à les étudier 
d'abord isolément, 
pour les comparer, 
cherchant à y trou- 
ver des analogies 
qui les rapprochent, 
et les rattachent à 
une commune ori- 
gine. ]N'ous pren- 
drons quelques 
exemples de la fa- 
çon dont procède 
l'émiiient natura- 
liste. L'érection des 
appendices cutanés 
lui apparaît entre 
autres, comme un 
mouvement d'ex- 
pression commun à 
un grand nombre 
d'espèces animales, 
à trois des grandes 
classes de verté- 
brés. Ces appendices 
se hérissent en el'let, 
sous l'influence de 
la colère et delà ter- 
reur. Chez le chimpanzé qui hérisse ses poils, chez 



""- •' 



LA NATURE. 



tous les carnivores où le hérissement des poils est 
un caractère universel, et chez les oiseaux dont les 
plumes se redressent quand ils sont irrités; on 



l'observe très-bien chez la poule, qui protégé ses 
poussins (fig. 2), ou chez le cygne qui repousse un 
importun. Les mâles même de quelques sauriens, 




"■■ -léki 






wm \ 



Fig. 3. — Cyiopithecus nii/er au repos 




Fig. i. — l.c même, et primant sa satisfaction. 




Fig, {i. — Teneur. Expression produite sous l'action d'un courant électrique. (D'après nue photographie du D' Duohenne.) 



lorsqu'ils se battent, dilatent leur poche ou sac luryu- I sion générale chez un grand nombre d'espèces difié- 
gien, et érigent leur crête dorsale. Ces exemples, rentes. 



joints à beaucoup d'autres, démontrent bien que le 
hérissement des appendices cutanés est une exprès- 



Tout en prenant pour guide sa doctrine et ses 
théories, M. Darwin, cependant, s'en écarte souvent 



7* 



LA NATURE. 



pour n'envisager que la description des faits, et dans 
une série de chapitres du plus haut intérêt, il décrit 
les expressions spéciales, chez les animaux, chez le 
chien, chez le cheval, chez le singe. Il s'efforce tou- 
jours de prouver que ces expressions sont très-nom- 
breuses, très-diverses, et qu'elles se rattachent aux 
principes fondamentaux dont il a jeté les hases- lï 
examine la physionomie du singe avec un soin parti- 
culier, et il trouve même les I races du rire dans la 
façon dont cet animal manifeste la joie. Chez \acyno- 
pithecus, dit l'auteur (fig. 3 et 4), les coins de la 
bouche sont tirés en arrière et en haut, de manière 
que les dents se découvrent. 

Mais c'est à l'homme que le savant anglais donne 
la place la plus importante de son ouvrage; il décrit 
d'une façon complète, tous les aspects de la physio- 
nomie, sous le jeu des émotions qui peuvent s'agiter 
dans l'esprit de l'homme, depuis sa plus tendre en- 
fance, jusqu'à la vieillesse. La souffrance et les pleurs, 
les chagrins, le découragement, le désespoir, cèdent 
la place à la joie, à la gaieté, à l'amour ; la haine et la 
colère succèdent à la réflexion, à la méditation; 
après le dédain, le dégoût, nous voyons la surprise, 
la crainte, l'horreur. Toutes ces émotions diverses de 
noire esprit sont marquées sur notre visage, par des 
mouvements que M. Darwin anal \ se avec son profond 
coup d'œil, en anatomiste, en philosophe et souvent 
même en véritable artiste. Il retrouve un grand nom- 
bre de. mouvements de l'expression chez tous les 
peuples, chez les nations civilisées comme chez les 
tribus sauvages, et il les relie à une cause commune; 
il affirme, en un mot, que les expressions humaines 
sont les mêmes dans le monde entier. Pour mieux 
faire ressortir les faits, M. Darwin a eu l'heureuse 
idée d'emprunter de puissantes ressources à la pho- 
tographie instantanée, qui reproduit le portrait 
fidèle d'un enfant qui pleure, d'une jeune lille qui 
sourit, ou d'un homme en fureur. Cette expression 
fugitive est ainsi fixée en un dessin exact, qui sert 
au naturaliste à mieux apprécier le mouvement de tel 
ou tel muscle, dans l'expression de telle ou (elle émo- 
tion. M. Darwin emprunte encore de nombreux do- 
cuments au docteur Duohennc, qui a étudié avec tant 
de talent les mouvements des muscles de la face au 
moyeu de l'électricité. La figure 5 reproduit une 
des photographies de M. Duclienne ; elle représente 
un vieillard qui à n'en pas douter exprime la terreur. 
Cette expression a été donnée aux muscles de la 
face sous l'action d'un courant électrique, et sa pho- 
tographie en fixe les effets d'une façon durable. On 
conçoit de quel secours un tel procédé est à l'obser- 
vateur. 

N'oublions pas d'ajouter, en terminant notre ra- 
pide analyse, que M. Darwin sait rendre un juste 
hommage à ses devanciers, notamment à Herbert 
Spencer, l'auteur des Principes de Psychologie, et 
à notre regretté compatriote Pierre Gratiolet, qui, lui 
au>si, avait attaché son nom à l'étude de la physio- 
nomie et des mouvements de l'expression. 

Gaston Tissandier. 



LA MISSION ANGLAISE A YARKLND 

Le gouvernement britannique vient d'étendre au 
centre de l'Asie ses relations diplomatiques, en en- 
voyant à Yakoob-Khan, gouverneur des provinces de 
Yarkund el de Kashgar, un ambassadeur qui n'avait 
jamais été précédé d'aucun Européen dans ces ré- 
gions éloignées. Il y a dix ans à peine, elles faisaient 
encore partie du vaste empire chinois, dont cependant 
elles étaient séparées par un grand désert. Elles 
sont situées au milieu de montagnes inaccessibles, la 
chaîne du Thian Shan, le Bolor Dagh et le Karako- 
l'urn, dernier contre-fort de l'Himalaya. 

Suivant les anciennes traditions le commerce et la 
civilisation étaient en voie de progrès au seizième 
siècle. Aujourd'hui l'Angleterre voudrait secréerun 
nouveau débouché pour ses produits et faire la concur- 
rence aux Russes, seuls trafiquants étrangers qui pé- 
nètrent à Yarkund. La proximité des Indes est encore 
une des nécessités politiques de ce projet. 

Yarkund, capitale commerciale du Tnrkestan 
oriental, est située à 1,140 mètres au-dessus du ni- 
veau de la mer. 11 est probable que son aspect est 
encore le même qu'à l'époque où elle fut visitée par 
Marco Polo, il y a cinq siècles et demi. Bâtie entière- 
ment en terre, elle est complètement entourée d'un 
mur de même nature, percé de cinq portes, don' le 
circuit est de plus de o kilomètres. Ou eslime la 
population à 40,000 habitants. Le marché se tient 
une fois par semaine. La ville est approvisionnée 
d'eau par des aqueducs, qui l'amènent de la rivière, 
dont le nom est le même que celui de la cité. On v 
compte 120 mosquées, mais dont la plupart ne sont 
pas dignes do ce nom monumental. Le nombre des 
écoles est de ôO ; ce qui n'implique cependant pas 
une haute idée de l'instruction, car la majeure partie 
n'ont pas plus de 20 élèves. 

L'époque de fondation de la ville de Kashgar est 
incertaine ; d'après le capitaine Chapman, la cita- 
delle aurait été reconstruite sur les débris de l'an- 
cienne au quatorzième siècle de notre ère. La légende 
turque dit qu'elle peut soutenir facilement un siège 
d'une année. 

La route que les voyageurs suivirent depuis Cash- 
mere, dernière limite de la frontière des Indes, est 
souvent impraticable. Elle traverse Ladak, dans le 
Thihet ; cette ville est habitée par les Mogols, qui 
professent la religion bouddhiste des Lamas. Le 
climat est extrême dans les chaleurs comme dans les 
froids, à cause de sa grande altitude dans un pays de 
montagnes. La route se continue jusqu'à Leh, par la 
passe Sasser, à 5,000 mètres au-dessus du niveau 
de la mer. M. Forsyth, l'envoyé anglais, et sa suite, 
cheminèrent pendant pins de 20 kilomètres sur des 
glaciers, dont les plus grands arnas de glace des 
Alpes ne peuvent donner une idée. Les fréquentes 
crevasses dont ils sont parsemés constituèrent un 
des plus grands dangers du voyage." 

On voyage dans ce pays avec des yaks, ou bœufs du 



LA NATURE. 



7d 



Thibet, qui remplacent avantageusement les chevaux 
et les mulets, peu accoutumés aux rigueurs du cli- 
mat. La caravane anglaise avait ses lentes de campe- 
ment dressées chaque soir» mais souvent on deman- 
dait l'hospitalité aux hultes des Kirghiz; ce sont des 
cabanes circulaires en écorec de bouleau, couvertes 
par un dôme de même matière, au milieu duquel une 
ouverture est pratiquée pour donner passage à la 
fumée. Elles sont aussi recouvertes intérieurement 
'•le feulre, ce qui les rend assez confortables et pré- 
serve suffisamment des intempéries. Deux yaks por- 
tent facilement tout ce qui entre dans la confection 
de cet abri temporaire; on peut lu dresser en dix 
minutes. Dix personnes y trouvent place sur des 
tapis disposés tout autour. J. Girard. 



LES RECENTS MODELES 

D'ARMES A FEU DE L'INFANTERIE 

(Suite. — Voy p. 54.) 
ARMES SE CHARGEANT TAR LA CULASSE. 

Nous avons déjà dit incidemment que ce mode 
de chargement présentait, relativement à l'ancien, 
un accroissement énorme de rapidité. Cela est facile 
à comprendre, si l'on réfléchit que l'arme, pendant 
toute cette opération, peut rester eu place sur la 
main gauche du tireur et que les mouvements pour 
amorcer, puis bourrer la cartouche au fond de l'âme 
du canon, sont totalement supprimés. 

Ce mode de chargement résout aussi avantageuse- 
ment la question du forcement de la balle dans les 
rayures de l'àme, et voici comment : la balle étant in- 
troduite par l'arrière, on a pu lui réserver un loge- 
ment d'une section un peu plus large que celle du 
canon dans sa partie rayée et compter sur l'action des 
gaz de l'explosion pour faire pénétrer le plomb dans 
le fond des rayures. On pouvait compter ainsi sur 
une déformation aussi régulière que possible de la 
balle et très-favorable par conséquent à la régularité 
du tir. La pratique a justifié cette hypothèse de la 
manière la plus complète. 




Fis- i. 



Systèmes de fermeture. — Nous verrons que les 
divers systèmes de fermeture appartiennent eu géné- 
ral à l'un ou à l'autre des types représentés par les 
.figures ci-après,' desquels nous avons élagué à dessein 



tous les détails concernant la percussion et l'extrac- 
tion des cartouches. 

Nous trouvons que cette fermeture a lieu : 

1° À l'aide de verrou et par glissement longitudi- 
nal de 1% culasse mobile (fig. 1- Le levier B est fixé 
sur la culasse mobile A) ; 

2° Par rotation du bloc de fermeture suivant un 
axe parallèle à l'axe du canon; une seule arme de 
celle que nous décrivons est construite sur cette 
donnée : c'est le fusil Wocrndel, dont nous donnerons 
plus loin le dessin; 

3° Par relèvement et rotation du bloc suivant un 
axe également perpendiculaire à l'axe du canon 
ma. 2) ; 





%*?.%£*■'■ 



Fia. 1. 



4° Par abaissement et rotation du bloc suivant un 
axe également perpendiculaire à l'axe du canon (lîg. 
ô et fig. 4). 

Cartouches. — Elles sont généralement à enve- 
loppes métalliques, cuivre, laiton, clinquant, etc. La 




Fi?. 3. 

cartouclie du chassepot et celle du fusil Dreyse font 
exception à cette règle. L'enveloppe de la première 
est formée de papier et de soie, et celle de la seconde 
est en papier. L'enveloppe métallique est aujourd'hui 
reconnue préférable à ces dernières, qui diparaitrout 
probablement dans un temps tres-rapproché. 




Fig. 4. 



Aujourd'hui toutes les cartouches des nouvelles 
armes portent elles-mêmes leurs amorces, qui sont 
centrales ou périphériques selon" remplacement oc- 
cupé parle percuteur. 



76 



LA NATURE. 



Les croquis ci-contre (fig. 5 et 6) donnent les dis- 
positions de ces modèles de cartouche 1 . 

Percussion. — Dans deux seulement des modèles 
que nous décrivons, la percussiou a lieu par l'action 
d'une pointe acérée. Ces modèles sont le fusil Dreyse 
et le chassepot. Cette disposition était commandée par 
la construction de la cartouche, dépourvue d'un 
culot résistant que puisse arrêter la tranche de la 
feuillure du canon. Ces cartouches eussent pu, sans 
cet obstacle, céder en se déformant ou glisser dans 
le canon sous l'action d'un percuteur à pointe éinous- 
sée, ce qui eût rendu l'explosion difficile et incer- 
taine. 

Tous les autres systèmes de percussion consistent 
dans une ou deux tiges venant frapper, soit le centre, 
soit le périmètre de la cartouche. 

Extraction des étuis métalliques. — Le fusil 
Dreyse et le chassepot employant des cartouches à 
enveloppes combustibles, ne sont point en consé- 
quence munis d'extracteurs, que possèdent tous, au 
contraire, les fusils consommant des cartouches à 
enveloppe métallique. 




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Sud» 



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Fig. 5. 
Cartouches en papier: 
Dreyse. Chassepot. 



Hg- C. 

Cartouches à clui métal- 
lique à inflammation : 



centrale. 



latérale. 



Ces extracteurs agissent sur le culot de la car- 
touche pour en déterminer l'expulsion, soit par un 
crochet en embrassant le rebord, soit par une simple 
lame engagée dans la feuillure du canon. Le mou- 
vement qui leur est imprimé à l'instant de l'ouver- 
ture du tonnerre est tantôt un mouvement de glis- 
sement parallèle à l'axe du canon, tantôt un mou- 
vement de rotation autour d'un axe transversal. 

Nous croyons pouvoir nous dispenser de donner 
la description et le mode de fonctionnement de 
chaque appareil, et nous nous contenterons de le 
représenter aussi complètement qu'il sera possible 
au dessin d'ensemble de chaque modèle, en y joignant 
quelques mots d'explication lorsqu'ils seront indis- 
pensables 

Dispositions du mécanisme pour armer et faire 
f e u. — Ces dispositions sont extrêmement variables 

1 Depuis l'achèvement de cet article, la transformation du 
chassepot a été résolue dans le but de substituer pour la 
cartouclie, l'étui métallique à l'enveloppe en papier jusqu'alors 
ca usage. Quant au fusil Dreyse, son remplacement par le 
fusil Wauser, dont la cartouche est également à étui métalli- 
que, est en voie de s'accomplir. 



et ne sont point susceptibles d'une classification tant 
soit peu méthodique. Nous nous bornerons, ici en- 
core, à donner des dessins accompagnés de la no- 
menclature des pièces et de quelques explications 
nécessaires à l'intelligence du mécanisme de chaque 
système. 

Mérite comparatif des divers modèles d'armes. — 
Les éléments d'appréciation sont trop rares ou trop 
incertains pour qu'il ait été possible de porter un 
jugement sur le mérite comparatif des diverses ar- 
mes des derniers modèles. Les résultats que nous 
donnons sont donc forcément très-incomplets. 

Ce qui était plus facile, et que nous croyons avoir 
fait, c'était de faire saisir la réalité des progrès dus 
aux inventions qui se sont succédé depuis l'époque 
du fusil à canon lisse jusqu'au moment actuel. 

A propos des résultats constatés et propres à baser 
un jugement sur la valeur relative des divers sys- 
tèmes, il est utile de présenter quelques observations 
propres à en déterminer l'importance. 

La rapidité du tir a certainement une valeur con- 
sidérable, et l'on admet facilement la supériorité 
écrasante des nouvelles armes sur les anciennes. Mais 
un léger excédant de rapidité d'un modèle sur un 
autre ne doit pas être prisé trop haut. Qu'on réflé- 
i dusse, en effet, aux immenses avantages d'un tir pré- 
cis, lequel ne peut s'obtenir sans quelque perte de 
i temps, et cette rapidité si vantée do certaines armes 
i paraîtra d'un avantage moins prépondérant. Rappe- 
I lons-nous à ce propos qu'on a souvent reproché aux 
soldats français, dans la dernière guerre, de ne pas 
prendre le temps de viser et de gaspiller ainsi inuti- 
i lement les munitions. 

| La très-grande portée d'une arme n'a pas non plus 
une aussi grande importance qu'on pourrait le croire 
au premier abord. En voici la raison. Les trajectoires 
des grandes portées donnant des courbes d'une flèche 
considérable, il est indispensable, pour le tir aux 
grandes distances, de choisir avec exactitude le point 
de la hausse convenable pour viser le pointa attein- 
dre. 11 faut donc d'abord que cette distance soit bien 
déterminée, ce qui est l'affaire des chefs dirigeant 
la troupe, puis eu second lieu que les tireurs eux- 
mêmes soient attentifs, intelligents et bien exercés. 
Autrement, et c'est souvent ce qui a lieu, une partie 
considérable des coups atteignent en deçà ou au delà 
du but, et le tir est presque absolument ineffi- 
cace. 

L'avantage d'une trajectoire très-tendue est très- 
grand en faveur des armes qui la possèdent. Pour 
s'en rendre compte, il suffit de supposer une trajec- 
toire extrêmement tendue, telle par exemple qu'à la 
limite extrême de portée de layue, la flèche de cette 
courbe fût au maximum de U ',50. 

Dans ce cas, on pourrait, faisant abstraction des dis- 
tances, viser toujours directement le point à attein- 
dre, ce qui serait une grande simplification; mais il 
ne saurait en être ainsi, avec les limites de vitesse 
initiale imposées aux armes rayées. Toujours est-il 
que plus la trajectoire d'une arme sera courbe, plus 



LA NATURE. 



77 



le tir en demandera d'attention et présentera de 
dilficultés. 

L'inspection de la figure 7 rendra notre explica- 
tion plus claire. 



On peut voir que lu tireur qui suppose son adver- 
saire au point b, pourra, si son tir est exact, l'attein- 
dre encore à toutes les distances comprises entre les 
pojnts c et a, avec l'arme qui a la trajectoire n° 2. 




Fig. 7. — Teusion des trajectoires. 




100" Kt Ifi) tl 

Fi g. S. — Trajectoires des fusils Drcysc, Chassepot et Martini. 



4(0- 



B. . c-"3 



-JUf4B 




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Carafcinc moi' 184k, iite 4 ti<fe 
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200 



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us ;oo 303 

Fig. 9. — Éearls moyens d'armes de diverses périodes. 



f\ ■ fit . 




Pg. 10. — Justesse des fusils Chassepot et Martini. 



S'il se sert au contraire d- l'arme qui possède la 
trajectoire u° 1, plus courbe que la première, il 
n'aura, dans les mêmes circonstances, chance d'at- 
teindre son adversaire que dans la zone plus étroite 
comprise entre les points f et e. Les zones dange- 



reuses seront donc d'autant plus étendues que les 
courbes seront moins prononcées. 

La ligure 8 représente les trajectoires superposées 
de différentes armes. A son inspection, il est facile 
de voir, d'après notre explication, quelle est celle 



78 



LA NATURE. 



qui, sous ce rapport, est la plus avantageuse. Nous 
n'avons pu, on le comprendra, prendre pour les 
ordonnées verticales la môme échelle que pour les 
longueurs horizontales, La confusion des lignes 
eût, dans ce cas, été complète. 

Justesse des armes. — Pour apprécier la justos.se 
comparative des différentes armes, la méthode est 
très-simple. Elle consiste à tirer avec chaque arme 
et dans des conditions sensiblement identiques, un 
certain nombre de balles sur des panneaux gradués 
placés aux diverses distances, et à mesurer sur ces 
panneaux les écartements des points atteints au point 
visé. La moyenne de ces écarts pour chaque arme 
donnera la mesure de sa justesse aux diverses dis- 
tances. Ces écarts moyens ainsi obtenus peuvent, sans 
erreur sensible, être acceptés comme ayant cette 
signification, que la moitié des coups atteindraient à 
chaque distance le cercle décrit du point visé avec 
l'écart moyen pris pour rayon. 

La figure 9 permettra d'apprécier d'un coup d'œil 
les résultats dus aux perfectionnements apportés 
dans la construction des armes de gueTre. Ce sont 
celles de gerbes obtenues en prenant pour rayons les 
écarts moyens à diverses distances, constatés dans 
le tir. Elles s'appliquent à trois armes représentant 
le mieux les phases caractéristiques survenues dans 
l'art de l'arquebuserie depuis 1840. 

Ces armes sont : 

1° Le fusil français modèle 1842, tirant une balle 
sphérique dans un canon à âme lisse. 

2° La carabine modèle 1842 , tirant une balle 
sphérique forcée par aplatissement, dans un canon 
à rayures hélicoïdales. 

7)° La carabine modèle 1846, dite à tige, tirant 
une balle cylindro- ogivale. 

4° Enfin In fusil mndiMo 1866 (chassnpot), tirant 
un projectile allongé dans un canon à rayures sem- 
blables et à chargement par la culasse. 

La figure 10 qui a même signification que Jes 
précédentes, peimet aussi de comparer les justes- 
ses de deux armes remarquables des récents mo- 
dèles en usage aujourd'hui. 11 eût été intéressant 
de faire figurer à cette même exposition chacune des 
armes adoptées comme type normal par chaque puis- 
sance européenne. Malheureusement les documents 
publiés à ce propos sont non~seulement très-incom- 
plets, mais encore souvent contradictoires, et d'un 
contrôle à peu près impossible. Le mieux était, en 
pareil cas, de s'abstenir : c'est ce que-nous avons fait. 

Eugène Glili.eïii.v. 

— La suite prochainement. — 



><>< 



CHRONIQUE 

Les taches solaires et les protubérances. — 

Dans le numéro 1974 des Astronomische Nachrichlen, le. 
professeur Spœrer a rendu compte de ses importantes ob- 
servations sur les taches solaires et sur les protubérances. 
Il conclut que les facules occupcntles mêmes places où les 



I protubérances prennent naissance et où sont si lues les 
points de la ihromosplière flamboyante ; et, de pins, que 
les protubérances se rapportent ordinairement aux taches, 
et se voient surtout avant et au commencement de la for- 
mation d'un groupe de taches. D'après lui, il serait souvent 
possible de calculer l'apparition d'une tache par l'observa- 

! tion d'une protubérance flamboyante, et les taches seraient 
produites par des nuages de produits de condensation de 
matières ignées projetées venant à se refroidir. 

On suit que les protubérances, ou explosions solaires, 
sont des phénomènes d'une puissance formidable, qui lan- 
cent des flammes et des matières en fusion à 4(1 et 50,000 

[ lieues de hauteur dans l'atmosphère solaire, et retombent 
ensuite en pluie de feu à la surface brûlante de l'astre Ju 
jour. On sent l'intérêt qu'il y a à constater le rapport qui 
doit exister entre ces jets volcaniques elles taches solaires. 

Séance annuelle «le la Société géogrophi«|iie 
de Londres. — Lundi, 22 juin, a eu lieu à la Société 
de géographie la séance annuelle. Le président, sir Bartle 
Frère, a décerné la grande médaille d'or au docteur 
Schwcinfurth, pour ses Ira vaux sur le bassin oriental du 
Nil. Il a annoncé que la Société de géographie se propo- 
sait d'envoyer une expédition à la recherche d«: l'expédi- 
tion autrichienne dont les nouvelles manquent depuis plu- 
sieurs années, et qui paraît s'être perdue dans les régions 
glacées à Test du Spilzbcrg. Sans aucun doute l'Angleterre 
se vengera noblement de la manière peu honorable dont 
elle s'est conduite pour les expéditions au Pôle Nord, pen- 
dant toute la durée du ministère de il. Gladstone. 

La séance a été suivie par un grand banquet donné à 
Willis Rooin et auquel assistaient les ambassadeurs étran- 
gers (moins la France), ainsi que des personnages de dis- 
tinction. Parmi les étrangers invités on remarquait M. Le- 
Verrier, directeur de l'Observatoire national de Paris, et 
M. Daily, lord-cliief Justice des États-Unis, président de 
la Société de géographie. Ces messieurs ont répondu, l'un 
et l'autre, au toast des hôtes étrangers. M. Le Verrier s'est 
exprimé en français. Il a invité officiellement la Société à 
tenir une séance, à Paris, l'an prochain, à l'occasion du 
Congrès international de géographie, convoqué par la So- 
ciété française. 11 a terminé en faisant l'éloge de son il- 
lustre ami le maréchal de Mac Mahon, et en rappelant avec 
beaucoup d'à propos les mots qu'il a prononcés en entrant 
à Sébastopol : « J'y suis, j'y reste! « 



><>c 



LETTRES DE CAMBRIDGE 



UN SCAllLET DAY. 

Cambridge, 20 juin 1871. 

Nous venons d'avoir un Scarlet day, un jour écarlate. 
Cela veut dire que les docteurs en robe rouge se sont mon- 
trés aux étudiants et à l'aristocratie de Cambridge, On a 
nommé 17 docteurs honoraires; il y a sept ans que Ton n'en 
avait nommé un seul. L'occasion de ces nominations a été 
la libéralité du duc de Devonshire, chancelier de l'Univer- 
sité, qui vient de faire présent aux étudiants d'un laboratoire 
de physique, dans lequel il a dépensé 2ô0,000 francs, juste 
le prix du lingot du mètre universel ! Parmi les récipien- 
daires, au nombre de 17, quatre sont étrangers, deux sont 
Français et deux sont Américains. 

Les deux Français sont M. Barrande, le précepteur du 



LA NATURE. 



7'J 



Juc de Bordeaux, savnnt expert en études sur les fossiles, et 
M. Le Verrier, directeur de l'Observatoire national. 

Les deux héros du la journée ont été M. Le Terrier et 
M. Carnet Wolseley, le vainqueur des Ashanlis. 

S:r BartleFrcre a été également reçuavccbeaueoupd'en- 
thousiasme. Les deux Américains sont M. Wentrop, le cé- 
lèbre antiquaire et M. I.owell, le poète, qui appartient à 
l'Université de Cambridge (Jlassachusets). Parmi les autres 
récipiendaires nationaux, mentionnons M. Bentham, neveu 
du fameux Jérôme Bentham et président de !a Société 
Linné en ne; M. Salmon, le recteur de l'Académie rie Dublin, 
si connu en France par ses recherches de haute géométrie; 
sir Cockburne, le lord-chief justice, qui a fait preuve d'une 
si inépuisable éloquence dans le procès Tichborne, etc. 
Une particularité intéressante c'est que tous les dis- 
cours ont été faits en latin, sauf ceux qui ont été prononcés 
en grec! L'assistance, qui était très-nombreuse et composée 
en partie notable de dames, est restée impassible pendant 
les discours grecs. Mais les discours latins ont été saisis 
dans tous leurs détails, avec beaucoup d'intelligence. Chose 
qui n'était pointarrivée depuis plus de vingt ans, les gradués 
se sont contentés de sifller des airs, ils n'ont sifflé aucun 
des récipiendaires. Ils ne se gênent pas cependant quand 
les docteurs leur déplaisent : comme ils payent (excepté ceux 
qui sont indigents), cinq mille francs par an, on peut dire 
qu'ds payent assez cher pour acheter le droit de sifller en 
entrant au collège. \V. de Foxviku.e. 



>->< 



ACADÉMIE DES SCIENCES 

C'hncc du 29 juin 187-4. — Présidence de M. Bekthand. 

Mer algérienne. — D'après un travail transmis par 
M. VilLrceau, le sol des régions sud de l'Algérie offre des 
dépressions dont l'altitude est inférieure de 20 à 40 mè- 
tres au niveau de la Méditerranée. Ainsi, au sud du golfe 
de Gudes l'eau couvrirait, n'était le bourrelet littoral, un 
espace de 60 kilomètres. Ce qu'indique la géodésie se 
trouve d'ailleurs confirmé par le témoignage des indigènes, 
d'après qui, au commencement de l'ère chrétienne, celle 
mer, aujourd'hui desséchée, répandait autour d'elle la vie 
et la prospérité. Ramener l'eau dans ce bassin nécessite- 
rait le creusement, à travers le sable, d'un simple canal 
de 12 kilomètres. La dépense ne dépasserait pas deux 
millions et les avantages seraient inestimables. Il faut es- 
pérer que ce travail digne du percement de i'istlime de 
Suez sera un jour entrepris. 

Calcul lithique. — Il s'agit d'un calcul intestinal, et c'est 
un esturgeon des environs d'Astrakan qui l'a fourni. 
D'après une analyse de M. Dumas, la lithine y existe pour 
1 millième environ du poids total, et cette circonstance 
offre de l'intérêt en indiquant la présence de la lilhine 
dans les eaux d'une région dont l'étude chimique n'a pas 
encore été poussée bien loin. 

Speclroscopie. — M. Norman Lockyer, poursuivant ses 
recherches .sur l'analyse prismatique, reconnaît qu'à di- 
verses températures une même vapeur donne des raies, 
tellement inégales en nombre et en position, que si l'on 
chauffe assez, au spectre ordinaire succède un spectre 
tout à fait nouveau. Ces faits, extrêmement importants 
par les conséquences qu'ils ont nécessairement, avaient 
été contestés par M. Angstrôrn. 

Télégraphe brésilien. — L'Europe est, à l'heure qu'il 
est, en relation télégraphique avec le Brésil. M. le général 



Morin lit une dépêcl.e par laquelle don Pedro d'Alcantara 
annonce cette grande nouvelle et se félicite de celte vic- 
toire de la science. 

Etoiles filantes. — >'os lecteurs savent que l'Académie 
a décidé la publication des longues et patientes observa- 
tions continuées par Coulvier-Gravier, pendant de si nom- 
breuses années. M. Chnpelas, chargé de ce travail, adresse 
la lellre qu'il vient de recevoir de M. Schiapparelli et 
dans laquelle l'astronome italien exprime sa vive satisfac- 
tion d'une décision qui rendra tant de services dans 
l'étude, si obscure encore, des météores cosmiques. 

Destruction du phylloxéra. — L'événement de la 
séance est certainement la lecture, par M. Bouley, du rap- 
port rédigé au nom de la commission dite du phylloxéra. 
Lorsqu'une grande contagion sévit sur nos animaux domes- 
tiques, l'autorité peut intervenir avec le plus grand succès 
pour la faire disparaître. C'est ce qu'on a vu, par exemple, 
once qui concerne la peste bovine, autrefois si redoutable, 
aujourd'hui complètement maîtrisée. Partant de là M. Da- 
mas s'est demandé si l'autorité ne pourrait pas de même 
venir à bout de l'invasion phylloxériquc dont les progrès 
augmentent tous les jours» et qui trouve dans la noncha- 
lance et même dans le mauvais vouloir de certaines per- 
sonnes de puissants auxiliaires. Cette invasion est, en effet, 
une vraie contagion, une vraie pe9te végétale. 

On sait qu'il n'y a pas dix ans qu'elle éclata à Roque- 
maure, sur un espace si restreint que la carte l'indique par 
un simple point. Mais, dès l'année suivante, les localités 
infestées étaient nombreuses dans le Vaucluse et dans les 
Bouches du-Rhône; un an après, ces deux départements 
étaient complètement envahis et, successivement, le mal 
s'étendant sans cesse, il est arrivé qu'à présent la zone 
phvlloxérée dépasse Lyon. Dans dix ans, peut-être la Bour- 
gogne, le Champagne seront, elles aussi, ravagées. 

Ceci posé, la commission a la ferme conviction qu'on 
maîtrisera le mal par les mesures suivantes qu'édicterait 
une loi : 

Tout propriétaire de vignoble serait tenu de déclarer an 
maire de la localité la première apparition de la maladie. 
Une fois prévenu, le maire donnerait avis du fait au pré'ct 
qui nommerait immédiatement une commission d'experts. 
Ceux-ci feraient un rapport destiné au ministre de l'agri- 
culture. Si la maladie était réellement constatée on pro- 
céderait à la destruction, par le feu, des ceps contaminés ; 
mais auparavant estimation serait faite de la récolte perdue 
pour l'année, et une indemnité égale serait versée au pro- 
priétaire. 

Ceci ne suffisant pas dans tous les cas, on procéderait 
également à la destruction des vignes saines tout à fait voi- 
sines des régions malades, de façon à isoler celles-ci des 
vignobles non atteints. Au centre de l'espace arraché on 
brûlerait toutes les vignes, bois, feuilles et écbalas, puis on 
soumettrait la terre à un traitement anti-phvlloxérique. 
Défense serait faite de replanter de vignes au même lieu 
avant qu'il soit bien constaté que les pièces voisines sont 
saines. 11 vasans dire que toute exportation de ceps, feuilles, 
bois, cchalas, hors des points envahis, serait complètement 
prohibée. 

Ces dispositions paraissent fort sages et la comparaison 
avec la peste bovine donne grand espoir de succès. En 
effet l'invasion du phylloxéra a mis dix ans pour arriver de 
Roqucinaure à Lyon ; suivant l'expression de M. Dumas, 
il n'aurait pas fallu autant de mois à la peste bovine pour 
couvrir toute la France et même pour en déborder. 

En tout cas que nos législateurs prennent une décision 
énergique. 11 est grand temps. Stanislas Meunier. 



80 



LA NATURE. 



LES AMORCES DES SQUALES 

Depuis l'existence tles aquariums à eau do mer, lo 
public a pris intérêt à ces singuliers crustacés cju on 
appelle les Pagures. Ils sont, comme forme générale, 
du type des écrevisses (crustacés décapodes macrou- 
res). La partie antérieure du corps est puissamment 
cuirassée, et les trois premières paires de pattes, 
épaisses, robustes et rugueuses, indiquent des chas- 
seurs et dt:s carnassiers ; niais la région d'arrière est 
faible et molle, incapable de résister aux morsures 
des ennemis et aux aspérités dus graviers de la côte ; 
les pattes de la quatrième et de la cinquième paire 
sont faibles et courtes; l'abdomen long, ridé ot mou, 
n'a que quelques filets grêles. Aussi l'animal loge 




| de la Manche, de la mer du Nord, et s'étend jusqu'en 
! Islande. Il affectionne les coquilles des Buccins. 
On n'a pas l'habitude de le manger, comme les 
Paie mous et les Crangons (nos crevettes), mais il a 
reçu un usage indirect et qui n'est pas à dédaigner. 
Sur les côtes rocheuses de Granville (Manche) et du 
voisinage, les femmes et les enfants vont chercher à !a 
marée basse, de pleins paniers de Buccins, habités 
par ces Pagures, et vivant là entre les pierres. On 
casse les Buccins au marteau, et ou enfile chaque 
Pagure par la tète à un fort hameçon, dont on a soin 
de bien cacher la pointe dans l'abdomen charnu du 
rrustacé. Une rangée de centimes de Bcrnards Plier- 
mite, pris dans les plus gros, garnit une puissante 
ligue de fond. Tous les poissons cartilagineux du 
groupe des Squales, qui fréquentent nos côtes 
pour frayer, sont très-friands de ces Pagures. Les 
espèces, au nombre d'une dizaine, de divers types 
dentaires, se succèdent à inleivalles d'environ quinze 
jours pendant toute la belle saison. Autrefois on ne 



Bernard l'ilenuite bien adulte, sorti d'un Puccin. 

tout son arrière-train dans une coquille vide, et en- 
roule son abdomen dans les spires, s'appuyatit sur 
la columelle comme sur une rampe et se cram- 
ponnant à l'orifice avec ses petites pattes; parfois 
deux Pagures se livrent un combat acharné à l'entrée 
du domicile hospitalier où le victorieux se loge triom- 
phant. Quand l'animal grandit et se sent à l'étroit 
dans son fourreau de pierre, il déloge et se traîne au 
plus vite vers une maison plus large. On peut voir 
souvent dans les aquariums un singulier spectacle, 
celui d'un Pagure tranquillement abrité au milieu 
d'une grosse Actinie (Anémone de mer), et emmenant 
avec lui, bon gré mal gré, le polype qui n'a pas été 
consulté certainement, et devient une véritable niche 
vivante. 

Il y a, sur les côtes de France, plusieurs espèces 
de Pagures se ressemblant beaucoup ; la plus grande 
est le Bernard l'IIernute, ou Pagurus Bernardus, 
(Linn. ) qui vit en abondance sur les côtes de Bretagne, 




Bernard l'IIeriiijle ilan-, un lÀicein. (liosâin réduit ) 

prenait es Squales qu'en individus isolés au milieu 
des filets de la grande jêche; depuis plusieurs an- 
nées les Pagures permettent d'en opérer une pèche 
spéciale d'un nombre considérable de sujets. Il est 
curieux, le matin, de voir débarquer ces gros Squales 
dont la peau injectée de sang indique les violents 
efforts musculaires par lesquels le poisson vorace a 
cherché à se dégager. Ils sont aussitôt éventrés et 
expédiés non à Paris, mais dans les villages du Bo- 
cage et de la Vendée, où leur chair un peu dure est 
achetée avec empressement, et fournit un aliment 
azoté très-précieux pour ces populations pauvres, 
dont les maigres salaires ne peuvent s'accommoder 
du prix élevé de la viande de boucherie; on fait de 
bonne soupe avec ces Squales. D'après les renseigne- 
ments qui m'ont été donnés à Granville par le com- 
missaire de la marine, M. Trêves, qui s'occupe avec 
un zèle des plus méritoires de la question des pèches 
cotières, l'amorce quia permis ainsi un supplément 
considérable de produit, a d'abord été tenue secrète 
par les premiers pê. heurs qui en eurent connaissance. 
Les Pagures sont aussi employés à Boscoff pour le 
:. Maurice Giraud. 

Le Propriétaire-Gérant : G. Tissanbieu. 
Coibcil. — Imprimerie de Cuir» 



N° 53. — H JUILLET 1874. 



LA NATURE. 



81 



LA PÊCHE PRDIITIYE 

ET I.E DÉPEUPLEMENT DES EAUX. 

On a beau se complaire, en Franco, dans un en- 
gourdissement séculaire, et ne pas écouter ceux qui 
parlent du Repeuplement des eaux, on n'en arri- 
vera pas moins, par la force des choses, à compren- 
dre que le pays manque à produire, chaque année, 
uu moins pour 200 millions de chair. 

Chercher la cause de la destruction actuelle, c'est 



essayer indirectement de sauver les ressources natu- 
relles de notre pays. Nous allons donc mettre en 
évidence un des modes de pèche qui contribuent 
à détruire le poisson en France; mais avant de le 
décrire, nous devons parler de la pèche primitiy 
d'où il semble tirer son origine. 

La pèche à l'hameçon marque, à n'en pas doute 
pour nous, un immense pas dans le perfectionne- 
ment continu de l'humanité. Dès sa découverte, elle 
offrit cette condition remarquable de n'être pas 
nuisible au peuplement d<'s cours d'eau; elle ne 
l'est pas encore aujourd'hui, et nous pensons qu'elle 




Lu ixjclie ù la ina!u ilaus l'Aveyron. 



ne peut jamais le devenir; ce sera toujours, quel 
qu'ell? soit, son immense avantage sur les pèches au 

Met. 

Ne nous y trompons donc pas ! la véritable pê- 
che primitive, naturelle, instinctive, c'est la pêche 
avec la main. 

Un poisson paraît à travers l'eau transparente, 
te sauvage européen des temps préhistoriques avance 
la main pour le saisir... Entre cette action, et celle de 
remarquer que l'animal mange certaines substances, 
qu'en les lui présentant on peut l'attirer, qu'en ca- 
chant dans leur épaisseur un crochet ou une aiguille 
on peut retenir l'animal, désormais vaincu, il faut 
placer tout un monde intellectuel. Que la pêche 
à l'hameçon soit née de l'association remarquable, 
de la cohabitation si curieuse de l'homme et des 

î* année. — 2* semestre. 



poissons pour ainsi dire dans le même élément : 
rien de surprenant. L'homme des Palafites a eu 
tout le temps, à travers les barreaux de son plan- 
cher à jour, d'étudier, au-dessous de lui, les moeurs 
des poissons ses voisins. Une parcelle de matière nu- 
tritive, attachée fortuitement à un fil, a pu pendra 
dans l'eau entre les échafaudages ; un poisson saisit 
cette amorce non préméditée, l'avale et, en même 
temps, une portion du fil qui la retient; il demeure 
captif... voilà laligne inventée. De là à l'hameçon la 
dislance sera franchie en quelques jours. 

Mais l'hommo ternaire et l'homme quaternaire 
n'ont pas dû en savoir si long. Pour eux, le poisson 
a été une proie de l'eau, comme les quadrupèdes 
une proie de la terre, et les oiseaux une proie de 
l'air. In lapin fuyait, l'homme courait après lui et, 

6 



82 



LA NATURE. 



plongeant le bras dans l'excavation où il l'avait vu 
se cacher, il s'efforçait de l'atteindre. Une truite bril- 
lait dans les eaux peu profondes des torrents de la 
montagne, l'homme se précipitait à sa poursuite, 
enfonçait le bras sous la roche où il l'avait vue dis- 
paraître, et cherchait ainsi à s'en emparer. C'est pour- 
quoi il ne faut point s'e tonner si l'on rencontre parmi 
les vestiges si curieux des habitations lacustres, — 
très-modernes, il est vrai, puisque d'après mon ami 
M. dcMortillet, elles paraissent appartenir à l'épo- 
que du bronze et à l'aurore do celle du 1er — des 
hameçons très-remarquables et fort bien combinés 
dans leur simplicité; an contraire, il nous a été im- 
possible de rien rencontrer, parmi les vestiges de nos 
premiers pères de l'époque quaternaire qui, pour 
nous, soit certainement un hameçon. 

Quelque plantureuse que l'on suppose la popula- 
tion ichthyoïque de nos eaux douces alors, elle ne 
différait pas sensiblement de celle que nous y voyons 
aujourd'hui, tant pour la taille que pour les mœurs. 
Eli bien, je le demande, quels poissons ont pu pren- 
dre, «es pauvres hommes en amorçant sur des cro- 
chets capables de retenir des êtres aussi gros que nos 
plus énormes esturgeons ? Ce ne pouvait être là l'ou- 
til usuel, l'hameçon de tous les jours, celui qui 
procure le vivre indispensable; ce pouvait être un 
engin de circonstance rapportant quelquefois des 
captures merveilleuses, inattendues, occasion de 
festins pantagruéliques, semblables à ceux que les 
sauvages actuels font encore quand ils le peuvent ; 
mais nulle part la nature n'était assez prodigue de 
chair vivante pour fournir pans relâche à une con- 
sommation semblable. C'est que, durant la période 
quaternaire et plus probablement pendant la précé- 
dente, l'hameçon ne fut point le pourvoyeur de 
l'homme, ce fut la main. 

Telles étaient les réflexions qui assaillirent mon 
esprit un jour que je vis pratiquer, au fond d'une 
gorge de l'Àveyron, la pêche primitiveque nous vou- 
lons décrire dans sa simplicité. 

La rivière, tarie presque entièrement par les sé- 
cheresses prolongées, emplissait, seulement par 
places, son lit encombré de bancs de rochers schis- 
teux, couchés sur le côté, semblables aux capucins 
de cartes d'un immense jeu renversé au travers delà 
vallée. Sur les berges, do grands aulnes, aux feuilles 
arrondies, s'élevaient, trempant leurs racines dans 
les eaux, et laissant leurs branches étalées couvrir 
la moitié de la rivière. 

Au milieu de l'eau, remontant le courant, une 
douzaine de garçons se tenaient en rang, barrant l'A- 
veyron. Les jambes nues, le pantalon retroussé jus- 
qu'aux cuisses, les bras et la poitrine à l'air, la 
tète embuissonnée de cheveux noirs, l'œil émcril- 
lonné, la lèvre souriante et la chanson sur la lèvre, 
tous ces enfants de quinze à dix-sept ans péchaient à 
la main, activement occupés à fouiller le dessous de 
chaque pierre qui se présentait sous leurs pieds. 

Jusque-là rien de bien remarquable. On en voit, ou 
l'on en fait autant tous les jours [,., 



Mais, ce qui me frappa par-dessus tout, ce fut l'en- 
gin, d'une simplicité primitive et, en même temps, 
d'une ingéniosité sauvagesque, dont ils se servaient, 
suivant en cela, inconsciemment, la tradition des 
vieux Ruthèues, leurs rudes ancêtres. Et ceux-ci? de 
qui avaient-ils reçu l'enseignement? 

Qui le sait?... Probablement do proche en proche, 
au milieu de leurs montagnes, des grands pères 
quaternaires qui durent habiter ce pays, alors que 
les Causses se cachaient sous de liantes et sombres 
futaies, alors que le Scyalas, non défriché, s'éten- 
dait eu immense savane où paissaient les ruminants 
amis de la race humaine et ses nourriciers privi- 
légiés. 

jN'ous assistions à la répétition simple et naïve 
d'une de ces pèches primitives, telles qu'il y a cin- 
quante, cent ou mille siècles, les mêmes vallées, 
les mêmes roches en virent exécuter par des races 
d'hommes si loin disparues. 

Chaque enfant poussait devant lui, dans l'eau, une 
sorte de paquet de branchages cueillis aux aulnes 
voisins fit munis de leurs feuilles. Ces faisceau* de 
baguettes mises bout à bout, sans ordre et grossiè- 
rement, formaient comme un rouleau vert, que la 
bande poussait devant elle, en le tournant sur lui- 
même, à mesure qu'elle avançait. 

Ce filtre naturel pourvoyait à maintenir, en amont 
de lui, l'eau parfaitement limpide, de sorte qu'un pois- 
son qui fuyait en remontant était immédiatement si- 
gnalé par la bande, qui remarquait son refuge, sûr 
de le retrouver tout à l'heure. En aval, le piétine- 
ment de tous ces gens dans la rivière, le soulèvement 
des pierres, le battement du liquide rendaient l'eau 
toute rouge de vase soulevée; mais le cordon vert 
faisait son office ; peu à peu, il avançait... les mains 
le roulant dans le courant sur lui-même et l'eau se 
maintenant calme et claire en avant! 

La pêche se poursuivit ainsi, au milieu des éclats 
de voix et de rire, des quolibets et des refrains .dont 
cette jeunesse méridionale est si prodigue, et l'on 
arriva bientôt à un barrage naturel auquel on s'arrêta. 
La bande avait récolté une douzaine de livres de 
poissons divers : goujons, barbillons, anguilles, 
truites, etc.. 

Et c'est ainsi que sont dévastés les cours d'eau 
de ce beau pays! Et c'est ainsi que se dépeuplent, peu 
à peu et sans remède, toutes les rivières de notre 
France, sans fracas, sans engins, sans dépenses, 
par la pêche à la main, la plus meurtrière de toutes 
les pèches ! 

En effet, toutes nos rivières, grandes et petites de 
la propriété privée, peuvent être rangées dans deux 
catégories: celles qui assèchent partiellement en 
été, et celles qui n'assèchent point. Hélas ! les unes 
comme les autres sont accessibles à la pêche à la 
main ! Dans les rivières qui assèchent — et elles sont 
nombreuses, surtout dans la montagne! — nous 
venons d'assister à l'une des scènes qui se pas- 
sent tous les jours. Il est bien évident que dans le 
bief où la troupe a passé, il ne reste plus rien, rien! 



LA NATUUE. 



Et cependant, ce n'est encore là que la moins dan- 
gereuse opération à laquelle se livre avec délice le 
paysan. Lorsqu'il manque de temps et de monde, il 
a recours à la chaux. Quelques pelletées de la terri- 
ble substance sont bientôt délayées dans un seau, 
un arrosoir, puis versées au milieu du trou, le long 
du bief du barrage dont la sécheresse a fait un lieu 
propice à dévaster et, au bout d'une demi -heure, les 
malheureux poissons affolés bondissent vers les rives 
et viennent expirer près d'elles. Le tour est lait ! 

Cette ibis encore, dans le trou, il ne reste rien. Et 
l'opération se répète tout le long de la rivière. 

Voyons maintenant ce qui se passe dans nos petits 
coursd'oau, qui n'assèchent jamais; nous laisserons 
de côtelés fleuves, parce que la niasse de leurs eaux, 
l'étendue de leur ronrs, la surveillance relative de 
leurs rivages rendent ces pillages à fond un peu 
moins faciles. Dans ces eaux du domaine publie on 
emploie un engin aussi dévastateur que la main, 
c'est l'adjudicataire, ([ne connaissent la plupart des 
pê cheurs. 

Dans les petites rivières, le pêcheur à la main se 
fait plus hardi, il plonge! puis va sous les roches, 
sous les racines, caresser de la mainlu truite qui se 
croit en sûreté, la saisir lestement par les ouïes 
et remonter bientôt — véritable loutre dévasta- 
trice ! — avec celte proie qu'il renouvelle sans 
cesse. 

En effet, accoutumé au frôlement des herbes le 
loûgde son corps, le poisson, qui .se croit en sûreté, 
ne s'effare point du contact ménagé de la main du 
pécheur: à peine se dérange-t-il un peu d'un négli- 
gent coup de nageoire, eL encore, le pêcheur 
sait-il user de ce stratagème, quand il est en pré- 
sence d'une grosse pièce, et la faire se tourner elle- 
même dans la position la plus favorable à sa capture, 
taut simplement en la touchant avec adresse aux 
endroits convenables! Que l'on juge maintenant des 
dégâts incalculables, qu'un semblable mode de pêche 
cause dans le peuplement de nos eaux ouvertes! Si 
l'on pouvait dire du paysan: « Il pêche, cela est vrai, 
mais, du moins, il ne prend que les plus fortes piè- 
ces, que celles qui, parfaitement adultes, peuvent 
être regardées comme le fruit mûr de la rivière, » on 
pourrait n'y voir aucun mal, en admettant qu'il vou- 
lût bien s'arrêter à temps ! .Mais il n'eu est pas ainsi. 
Le paysan ne connaît point de mesure... le pêcheur 
encore moi us ! Il prend tout : gros, moyens, petits ! 
Il dévaste naïvement, sans remords, avec une incu- 
rie féroce, en vertu de ce principe du plus miséra- 
ble egoïsme : Autant moi qu'un autre ! 

De là, dépeuplement forcé, rapide, inévitable ! 

Dépeuplement auquel deux modes seuls seprésen- 
lent de mettre obstacle ! ou la répression absolue, 
terrible, certaine, c'est-à-dire une dépense considé- 
rable — mais, hâtons-nous de le dire, qui serait con- 
tre-balancée par d'immenses avantages ruraux, car 
lu campagne serait enfin gardée — ou l'association. 
Dans ce cas, on aurait la faculté d'amélioration, de 
culture, de garde et d'entretien de tout un cours 



d'eau, ou même de tout un versant de cours d'eau ; 
on pourrait obtenir encore le droit de soumettre, 
sous la surveillance de l'Etat, tout un bassin fluvial 
et maritime à un traitement homogène et rationnel. 

Celte dernière solution, Incomparablement la plus 
féconde et la plus productive, mais ayant besoin 
d'être inaugurée et assise par une administration 
spéciale ou même pendant une période d'années dé- 
liassant les tâtonnements, sera probablement celle 
de l'avenir quand notre population, devenue aussi 
dense que celle de la Chine, comprendra que les 
eaux, comme les terres, doivent concourir à la 
nourriture de l'homme. Alors se formeront des aqui- 
culleurs sérieux, de même que nous avons depuis 
quelques aimées des agriculteurs sérieux. Alors mar- 
cheront les choses de l'eau, non pas avec une aqui- 
culture officielle, rigoureuse, mesquine et impro- 
ductive, comme toute combinaison impersonnelle; 
mais par l'initiative individuelle, guidée et instruite 
par la science, livrée à son plus large essor, c'est-à- 
dire avec le droit de faire tout ce qui est possible 
chez soi sans attenter aux: droits du voisin, ce qui 
implique l'abolition du code de la pèche actuel et le 
retour pur et simple au code civil. 

Alors nous verrons ce dont la France est capable 
pour nourrir ses enfants. Nul ne le soupçonne aujour- 
d'hui! II. DE I.A Ih.ÀNCHÙRE. 



><>< 



PREVISION D'ABAISSEMENT DES EAUX 

DU BASSIN DE LA SEINE. 

M. E. Belgrand et G. Lemoine ont annoncé récem- 
ment que les cours d'eau et les sources du bassin de 
la Seine tomberont, d'ici au milieu du mois d'octo- 
bre prochain, à de très-bas débits. Par cette prévi- 
sion ces savants ingénieurs ne veulent pas dire qu'il 
n'y aura pas de pluies pendant l'été, mais lors même 
que Jes mois chauds seraient, très-pl mieux, les eaux 
courantes ne s'en ressentiraient presqu'à aucun de- 
gré. Les faibles crues qui pourraient en résulter sur 
les rivières s'effaceraient très-prornpleineut, et les 
sources n'en présenteraient pas moins une très- 
grande pénurie d'eau. Il résulte de leurs observa- 
tions que dans le bassin de la Seine, lorsqu'à la fin 
de mai les sources sont arrivées à de bas débits, elles 
ne se relèvent plus pendant les mois chauds ; on sait 
que leur minimum a lieu eu général vers lo mois 
d'octobre. 

MM. Belgrand et Lemoine démontrent que la hau- 
teur de la pluie tombée, pendant la dernière saison 
froide, c'est-à-dire du 1" novembre 4873 au 30 
avril 1874, a été exceptionnellement faible dans tout 
le bassin de la Seine. Après une saison froide où la 
pluie est faible, il peut arriver quelquefois qu'une 
certaine compensation s'établisse par les pluies du 
commencement do la saison chaude, lorsque le mois 
de mai est très-pluvieux ; mais rien d'analogue n'a 



84 



LA NATURE. 



eu lieu cette année. Rien n'est ilonc venu comltler le 
déficit. 

Les cours d'eau ont fin 1 Moment traduit ces carac- 
tères de sécheresse de la saison froide 1 873-1874. Il 
serait difficile, dans toute l'étendue des observations 
faites sur la Seine ou sur ses affluents, de rencontrer 
un. hiver et un prinlemp? où les eaux soient demeu- 
rées plus basses. 

La Seine a éprouvé à la fin d'octobre 1875 une 
petite crue qui a produit, à Paris, comme hauteur 
maximum, à l'échelle du pont d'Austerlitz, l m ,20, 
le 28 octobre. Depuis cette époque les eaux ne sont 
montées qu'à 1 mètre du I e * au 5 décembre 4873 et 
à l m ,10 le 4 janvier 1874. I.e 31 mai elles étaient 
àO m ,10. Or, depuis \ 854 jusqu'à 4870, la Seine avait 
chaque hiver atteint des cotes supérieures à 2 mètres 
à l'échelle du pont d'Austerlitz. 

Les sources elles-mêmes ont présenté des carac 
tères analogues à ceux de la Seine, qui, par ses hau- 
teurs, traduit l'ensemble des phénomènes météoro- 
logiques de tout le bassin. Ordinairement, les sources 
urns-ossent. progressivement pendant Jes mois froids 
et ont leur maximum vers la lin de mars. Cette 
année, au contraire, elles n'ont rien gagné pendant 
l'hiver. 

« En résumé, disent MM. Belgrand etLemoine, 
les principes sur lesquels nous nous appuyons ne 
permettent en aucune façon de prévoir le temps qu'il 
îjra pendant l'été et l'automne de 1874. Il se peut 
que cet été et cet automne soient très-secs ; il 
se peut qu'ils soient très-pluvieux; nous som- 
mes à cet égard d'une ignorance absolue. Mais 
quels que soient les caractères météorologiques de 
la saison chaude qui commence , ses caractères 
bydrologiques sont dès maintenant fixés dans leur 
ensemble. On peut dire que suivant toute probabilité, 
les cours d'eau et les sources du bassin de la Seine 
atteindront, d'ici au milieu d'octobre prochain, à 
peu près les débits les plus bas qui aient encore été 
observés. Au delà du milieu d'octobre, les eaux cou- 
rantes pourront continuer encore à descendre; mais 
on ne peut rien préciser à partir de cette époque. 

« Pour que nos prévisions ne se réalisent que 
d'une manière incomplète, il faudrait des pluies tout 
à fait exceptionnelles, comme celle de septembre 
1866 ; mais c'est là un fait qui ne s'est produit 
qu'une fois dans un siècle à ce moment de l'année. 
On sait combien sont nombreux les besoins matériels 
de l'homme que les eaux courantes intéressent; il 
peut-être très-important pour l'agriculture, pour 
l'alimentation des canaux, pour l'alimentation des 
villes, de ne pas être pris au dépourvu dans cette 
pénurie d'eau qui commence déjà, mais qui ne fera 
que s'accroître jusqu'au mois d'octobre prochain 1 . » 

On voit que les prévisions de MM. Belgrand et Lc- 
moine sont basées sur des observations sérieuses, sur 
des déductions logiques ; il est malheureusement 
bien probable qu'elles se réaliseront. Comme ou le 

1 Comptée rendus de l'Académie des sciences. Séance du 
i" juin 1874. 



sait, prévoir n'est pas contraindre; par conséquent 
il y a lieu de féliciter les savants qui nous permet- 
tent de prendre à l'avance des mesures efficaces 
contre un mal inévitable. La météorologie, depuis 
un certain nombre d'années, est entrée dans une voie 
nouvelle et féconde, et par ses progrès constants, 
elle arrivera très-certainement à prédire les pertur- 
bations atmosphériques, comme elle annonce déjà 
les oscillations du niveau des fleuves. 



L'AFFUT SCOTT 

TOUR. CANONS DE 18 TONNES. 

Le cuirassement des navires de guerre n'a pas seu- 
lement amené cette transformation profonde de la 
science navale que chacun a pu constater, sans être 
homme de mer La révolution a atteint chaque dé- 
tail de l'armement du vaisseau de guerre, en com- 
mençant naturellement par le canon, dont la méta- 
morphose a été complète dans le sens du progrès. Ici 
tout a été remis en question : forme, métal et poids 
des pièces, poudres, projectiles et affûts. 

Les recherches faites pour augmenter la puissance 
e' en même temps faciliter la manœuvre de l'artille- 
rie nouvelle sont nombreuses, et chez beaucoup 
d'inventeurs révèlent plus que du talent. À ne parler 
que des affûts, dans la confection desquels c'est le 
métal qui entre aujourd'hui pour la plus grosse part, 
quelques-uns sont des chefs-d'œuvre de mécanique, 
on pourrait presque dire d'horlogerie. Dans la quan- 
tité, ceux du capitaine Scott méritent une mention 
spéciale. L'a'fùt que représente notre croquis (pour 
canon de 18 tonnes = 18,000 kilog.) est d'ailleurs 
le spécimen le plus nouveau du genre. L'Amirauté 
anglaise le destine aux navires de la catégorie de 
Y Hécate, de VHydra, de la Gorgon, du Cyclops et 
aussi de ces formidables garde-côtes que le gouver- 
nement de l'Australie a fait construire avec ses pro- 
pres fonds et pour son unique défense : le Cerberus, 
le Magdala et Y Abyssinia. 

L'affût Scott, de 18 tonnes, est destiné à armer 
les tourelles de ces navires, qui peuvent être con- 
sidérées comme les véritables affûts des canons, car 
ce sont ces tours que l'on met en batterie et non les 
pièces qu'elles renferment; aussi le pointage est-il 
indiqué par ces tourelles, comme ceux de nos lec- 
teurs qui ont visité certains bâtiments cuirassés l'ont 
sans doute remarqué. De là un grand soin apporté 
dans le maintien du canon sur son affût; une erreur 
de l/32 e de pouce sur la droite ou sur la gauche, 
dans les tourillons, donnerait une erreur de 20 pou- 
ces (50 centimètres) dans la ligne à la distance 
de 900 mètres ; ce qui est grave lorsqu'il s'agit 
d'atteindre une surface aussi circonscrite que celle 
d'un navire, alors que de navire est distant de 4 ou 
5 kilomètres. 

Le mécanisme compliqué qui compose l'affût Scott 
n'a pas pour but unique de maintenir la pièce en 



88 



LA NATURE. 



position pendant la décharge; il atténue encore 
l'eimt du recul, et enfin facilite considérablement lu 
manœuvre de l'énorme pièce qu'il supporte, opéra- 
lion qui ne demande plus maintenant qu'un très- 
pelit nombre de servants. L. Hk.nakd. 



OBSEHVATIOH8 

SUR LES PARATONNERRES 

Nous trouvons dans le Journal of the Franklin 
Instilute un mémoire infères saut de M. David Brooks 
sur les paratonnerres. Il paraît qu'en Amérique les 
orages sont, du moins dans certaines saisons de l'an- 
née, d'une violence et d'une fréquence qui sont in- 
connues en Europe. Les incendies des fermes, dus 
magasins de fourrage, des réservoirs à huile de pé- 
trole se comptent par centaines. La répétition de ces 
accidents a donné lieu à une industrie singulière, 
celle des poseurs de paratonnerres ambulants; ces 
rlisr.iplos de. Fr.iidilin pnrc.onrenl. le pays dans leurs 

lourds chamois, transportant avec eux un approvi- 
sionnement notable de tiges et de conducteurs, et 
offrant aux fermiers, aux agriculteurs disséminés 
dans les campagnes, de les préserver de la foudre. 
Mais une expérience déplorable et souvent renouve- 
lée montre que l'action préservatrice de ces paraton- 
nerres est loin d'être absolue, et certaines statistiques 
tendraient même à prouver que les bâtiments ainsi 
protégés ont été plus souvent incendiés par le ton- 
nerre que ceux qui ne l'étaient pas. 

M. lirooks, sans affirmer ce fait, explique qu'une 
grande partie des paratonnerres établis dans les litats- 
Unis le sont de façon à attirer le danger plutôt qu'à 
l'écarter ; et il montre (pie tout leur défaut consiste 
dans le mode défectueux de communication à la 
terre. 

Il parait que les électriciens voyageurs, dont nous 
parlions plushaut, sont très-mécontents de M. Brooks, 
dont l'argumentation tend à nuire au développement 
de leur industrie. 

En Europe, le paratonnerre est généralement 
mieux compris que dans la patrie de Franklin ; 
comme cependant beaucoup de personnes ignorent 
ses vraies conditions d'établissement, il n'est peut- 
être pas inutile de les rappeler ici, et surtout de mon- 
trer, avec M. Brooks, quel est le principal écueil à 
éviter. 

Des 1800 les paratonnerres étaient en usage sut 
les navires ; mais leur efficacité était si douteuse, 
qu'on se demandait s'ils ne faisaient pas plus de mal 
que de bien. On allait les abandonner en Angleterre, 
quand Snow Harris obtint de l'Amirauté qu'on éta- 
blit une bonne communication métallique entre les 
tiges des paratonnerres au sommet des mâts et le 
doublage en cuivre des navires. Cette seule précau- 
tion sutfit ; depuis qu'on l'emploie aucun navire n'a 
été incendié par la foudre. 

Tel est, en effet, le paratonnerre dans toute sa 



simplicité et dans toute sa perfection; une tige de 
métal dirigée vers le ciel et placée aussi haut que 
possible, un conducteur métallique, une bonne com- 
munication avec les masses métalliques voisines et 
une bonne communication électrique avec la terre, 
ou porte à la terre. 

La perle à la terre peut difficile mement être meil- 
leure que par le contact de la co jue métallique tout 
entière d'un navire avec l'eau de mer salée (c'est 
à-dire beaucoup plus conductrice que l'eau douce). 

Dans les grandes villes la meilleure liaison avec la 
terre est obtenue en reliant le conducteur du para- 
tonnerre avec les tuyaux de distribution de l'eau et 
du gnzqui sont en métal cl qui par leur longueur in- 
définie donnent nue bonne perte à la terre. 

Dans les campagnes il est beaucoup plus difficile 
de réaliser une bonne perle ; il faut enterrer dans le 
sol. le plus humide possible, des fils, barres ou 
plaques de fer d'une grande surface ; mais quoi qu'on 
fasse, il y aura toujours là un point faible. 

Si un paratonnerre est ainsi établi avec une bonne 
terre, quand la foudre l'atteindra elle ira droit à la 
ton e par le conducteur ; si la perte est mauvaise, 
l'électricité atmosphérique quittera souvent le con- 
ducteur sous forme d'étincelles et sautera sur des 
objets lui présentant un plus facile passage; c'est 
alors que clos accidents surviennent : soit que l'étin- 
celle frappe sur son passage des hommes ou des 
animaux, soit qu'elle enflamme des matières com- 
bustibles. 

Ces sauts de l'électricité se produiront d'une manière 
à peu près assurée, si la perte à lu terre étant mauvaise 
il y a dans le voisinage du paratonnerre de grandes 
masses métalliques qui en soient isolées, couvertures 
de plomb ou de zinc, machines à \apeur, poutres 
métalliques, tuyaux de descente des eaux, etc., etc. 

Telle est donc la seconde précaution indispensable 
à prendre dans l'établissement U un paratonnerre; 
il faut mettre les parties métalliques du bâtiment au- 
tant que possible en communication les unes avec les 
autres et avec la tige ou, le conducteur du paraton- 
nerre. 

Toutes les autres précautions qu'on prend quelque- 
fois sont ou à peu près insignifiantes ou même ridi- 
cules. 

Les uns couronnent le paratonnerre par une pointe 
de platine assez fine, les autres par une pointe très- 
obtuse de cuivre rouge ; tout cela est indifférent et 
nous ne croyons pas qu'il y ait des preuves certaines 
qu'une simple barre de fer ne vaille pas tout autaut, 
ce qui est l'opinion formulée par M. Brooks. 

Beaucoup d'architectes placent des bagues de por- 
celaine ou de verre entre le conducteur et les attaches 
métalliques qui le maintiennent contre la muraille; 
cela est absolument ridicule; on ne peut pas dire 
que cela ait aucun inconvénient sérieux, mais il est 
certain que cela est plus nuisible qu'utile. 

Les paratonnerres construits parles hommes ne sont 
ni les seuls, ni les plus nombreux ; car tous les ar- 
bres en font fonction. 



LA NATURE. 



87 



I! y a, à cet égard, de Irès-gra iules différences en- 
tre les différents arbres, comme l'a montré M. Col- 
ladon 1 . 

Les peupliers paraissent être les plus efficaces, 
mais encore faut-il savoir les employer; car ils peu- 
vent créer le danger au lieu de le détourner. 

M. Colladoncile l'exemple d'un peuplier voisin 
d'un grenier rempli de paille, qui y amena la foudre 
et détermina l'incendie delà ferme. Il aurait fallu, 
ajoute-t-il, avoir la mare près du peuplier ou entou- | 
rer le tronc de l'arbre d'une lame métallique commu- ', 
niquaut de manière ou d'autre avec la mare ; on ! 
aurait eu dans ce cas un excellent paratonnerre. 

Ce genre de parafoudfe pourrait être utilement | 
généralisé, il esl essentiellement approprié aux mai- 
sons de campagne, aux fermes, aux usines isolées. 

La preuve que les peupliers sont les arbres que la 
foudre frappe le plus volontiers se trouve dans ce 
cas plusieurs fois observé, que le tonnerre, dans un 
groupe de peupliers, tombe toujours sur le plus 
élevé, tandis que le nuage d'où part la foudre vient 
de passer au-dessus d'arbres plus élevés mais d'es- 
pèces différentes, chênes, marotmiers, tilleuls. 

Nous ne voyons rien de plus à dire au point de vue 
delà pratique sur les arbres considérés comme para- 
tonnerres; mais nous ne voulons pas quitter ce sujet 
sans faire connaître sommairement les principaux 
faits étudiés par M. Golladon dans le mémoire cité. 

Analysons d'abord la manière dont les arbres sont 
frappés par le tonnerre. La foudre traverse l'air sous 
forme d'étincelle, mais en arrivant au sommet de 
l'arbre elle frappe à la fois toute la surface présentée 
par les feuilles ; et cet épanouissement se constate 
par l'absence presque constante de traces sensibles 
de l'action de l'étincelle sur la partie supérieure de 
l'arbre. 

La foudre suit ensuite les branches et se concentre 
dans le tronc ; c'est alors qu'elle produit dos acci- 
dents dont la trace reste et peut être examinée tout 
à loisir. Ces traces présentent de grandes différences 
entre elles, suivant l'essence de l'arbre frappé et 
suivant d'autres circonstances ; mais les caractères 
à peu près constants sont ceux-ci : une entaille ou 
plaie longitudinale et suivant la direction des fibres 
du bois, part d'un point plus ou moins élevé et des- 
cend plus ou moins près du sol, sans l'atteindre tou- 
jours. 

De la partie inférieure de cette plaie, la foudre 
saute à la terre sous forme d'étincelle et, comme de 
raison, les hommes ou les animaux qui ont cherché 
un refuge contre la pluie sous cet arbre sont fou- 
droyés . 

Reprenons ces phénomènes successifs, dans le même 

ordre. 

Rien n'est mieux constaté que l'éclair multiple 
frappant plusieurs points à la fois ; M. Golladon en 
cite de nombreux exemples: Plusieurs arbres sont 
souvent foudroyés par le même coup de tonnerre, 

1 Méiioirea de la Société de physique et d'histoire natu- 
relle de Genève,, t. XXI, 2* partie. 



Une étendue considérable de vigne peut être atteinte; 
335 ceps dans un cas ont conservé des traces et deux 
ou trois milliers de feuilles ont été tachées d'une fa- 
çon bien caractérisés. On cite des cas ou 2-i personnes 
ont été blessées par un même éclair. En 1822, près 
de Ilayingen (Wurtemberg), 248 moutons furent 
foudroyés par un éclair et 216 périrent. M. d'Abba- 
die parle d'un coup do foudre en Ethiopie qui tua 
deux mille chèvres. 

Il va sans dire que le dommage causé en chaque 
point est inoindre si l'action s'exerce simultanément 
sur un grand nombre de points ; et on comprend en- 
fin comment la foudre arrivant sur le sommet d'un 
arbre peut n'y laisser de trace en aucun point. C'est 
là, avons-nous dit, le cas le plus général , notamment 
pour les peupliers; mais cette règle comporte beau- 
coup d'exceptions ; le sommet des chênes périt fré- 
quemment à la suite de l'explosion. 

En général cependant le haut de l'arore souffre 
peu et les traces de la foudre n'apparaissent que sur le 
tronc, assez près du sommet chez les chênes, à moitié 
hauteur au plus pour les peupliers. Ces traces consis- 
tent le plus souvent en une forte égratignure de l'é- 
corce, au fond de laquelle on observe des fissures diri- 
gées vers le centre ; quelquefois cependant on observe 
des taches rondes d'un aspect particulier qui n'avaient 
pas été vues avant M. Golladon el qui méritent d'at- 
tirer l'attention des physiciens. La plaie ou égrati- 
gnure descend jusqu'au sol sur les chênes et s'arrête 
en général à quelques décimètres de terre sur les 
peupliers et les sapins. 

Enfin la foudre saute dans le sol et elle y produit 
une fulgurite d'un diamètre intérieur de quelques 
millimètres si elle rencontre du sable ou des allouil 
lements plus ou moins étendus dans la terre ordi- 
naire. 

Après cet examen des faits on sera très-porté à ad- 
mettre avec M. Colladon que très-souvent des arbres 
reçoivent une décharge très-violente sans laisser 
voir aucune lésion qui permette de soupçonner qu'il 
a été frappé par la foudre; il suffit, eu effet, pour 
que cela arrive que le tronc soit bon conducteur, 
c'est-à-dire jeune ou charge de sève. A la vérité le 
fait est difficile à constater parce qu'il est en quelque 
sorte négatif; si cependant l'attention d'un grand 
nombre d'observateurs était appelée sur ce point, on 
arriverait bientôt à connaître des cas de chute du 
tonnerre sur un arbre ou un groupe d'arbres sans 
qu'il y ait dommage causé et trace laissée sur aucun 
d'eux. A. Nuudet. 

LE PASSAGE DE VÉNUS M 1874 

On sait que la grande commission académique du 
passage de Vénus est présidée par M. Dumas, qui a 
montré le plus grand zèle dans l'organisation des in- 
nombrables détails nécessaires à des expéditions de 
cette nature. 



88 



LA NATURE. 



Les stations françaises sont au nombre de six; 
trois dans l'hémisphère boréal : Pékin, Yokohama et 
Saïgon; trois dans l'hémisphère austral : 1rs îles 
Saint-Paul et Campbell (Falklund) et Nouméa. 

Il y aura de {dus à l'île de la Réunion, une station 
supplémentaire qui sera rattachée à la station de 
l'île de France, où lord Lindsay établira lu station 
dont il fait à lui seul tous les frais avec une munifi- 
cence sans exemple dans l'histoire des scien es. 

On annonce que l'Association scientifique de 
France va envoyer, à ses frais, quelques naturalistes 
pour accompagner les astronomes dans les plus in- 



téressantes stations précédentes. Parmi les chefs de 
station nous ne nommerons aujourd'hui que M. le 
capitaine Mouchez, à Saint-Paul, Bouquet de la Grye, 
à l'île Campbell, et Janssen, à Yokohama. Les colonies 
de Cochîncliinc et de la Nouvelle-Calédonie contri- 
bueront aux frais des stations de Saigon et Nouméa. 
Nous avons parlé récemment des stations de l'ex- 
pédition anglaise ; nous donnons aujourd'hui, d'après 
le journal anglais Nature, les gravures des deux prin- 
cipaux instruments des stations anglaises; l'instru- 
ment des passages, destiné à déterminer le temps 
ou une étoile passe au méridien, afin d'eu déduire la 




Ei|u;itorial Je l'expédition anglaise pour le pa&saje de Vénus. 



longitude du lieu, et l'équatorial qui est construit 
pour suivre le soleil, lors du passage de la planète 
sur le soleil. 

On peut se faire une idée de la grandeur de ces 
deux instruments en regardant les escabeaux qui ser- 
vent aux observateurs. Tous deux se trouvent dans 
des cabanes provisoires en planches. 

L'instrument des passages est orienté avec soin et la 
position des deux supports de l'axe exige une grande 
habileté. Le toit de l'équatorial se démonte afin que 
la lunette, mue par un mouvement d'horlogerie, 
puisse suivre le soleil. Les équatoriaux français au 
contraire sont dans des cabanes à coupole mobile, 
comme dans les grands observatoires, ce qui est un 
avantage. 



Quand l'instrument des passages anglais est mis 
en observation, on enlève une trappe située dans le 
plan méridien. L'équatorial anglais est mobile au- 
tour d'une colonne verticale. 

Les équatoriaux français mieux disposés à notre 
avis ont des pieds inclinés de manière à faciliter, 
autant que possible, les observations relatives à cha- 
que station. 

Les oculaires des équatoriaux anglais ont des dis- 
positions particulières imaginées par sir Georges Airy. 
Ils sont pourvus d'un micromètre à double image, 
dont on se sert ordinairement pour déterminer la 
distance de deux étoiles. Les Anglais espèrent em- 
ployer ce procédé pour mesurer la distance de la 
planète au bord du soleil après rentrée complète 



LA NATURE. 



89 



et avant le commencement de la sortie, c'est-à dire 
lorsqu'il y aura un filet notable de lumière entre la 
planète et le Lord du soleil. Mais le bord du soleil 
est-il de nature à permettre une définition bien pré- 
cise ? 

Dans beaucoup de stations le soleil sera très-bas 
au-dessus de l'horizon lors de l'entrée ou lors de la 
sortie. Ce sont de détestables conditions pour faire 
des observations précises. Le savant directeur de 
Greenwich espère triompher de cette difficulté à l'aide 
d'une lentille hémisphérique, terminée par un plan 
sur lequel on placera l'œil. Ce plan étant variable de 
direction l'illustre astronome espère s'en servir 



comme d'un prisme pour corriger l'effet de la dis- 
persion. 

Chaque station anglaise comprend encore un instru- 
ment nommé altazimuth et semblable à un théodo- 
lite. Il possède un cercle horizontal pour mesurer 
la situation du plan vertical do l'astre et un cercle 
vertical pour mesurer sa hauteur au-dessus de l'ho- 
rizon. Les astronomes anglais, à cause de leur cli- 
mat, sont très-attachés à cet appareil qui leur per- 
met de prendre des mesures, même quand le passage 
méridien a été caché par des brouillards. Cet instru- 
ment a l'inconvénient d'exiger de longs calculs do 
réduction et deux mesures d'angles. Il est iinpossi- 



> ; >^~.. *;.,■•.«■ ; € .-,- . . -.-"/. v-.^?:; 





' Bltjiii.ii 

L'jdcUc des passages de l'cxpédilion anglaise pour le passage de Venus. 



hic de remédier au premier inconvénient des brumes, 
mais le second a été tourné très-habilement à l'aide 
d'une remarque fort simple. Ces instruments sont 
destinés à prendre des distances lunaires. Or, le 
mouvement de la lune est loin de varier de la même 
manière par rapport au zénith dans toutes les ré- 
gions terrestres. 

Entre les tropiques, le mouvement vertical est le 
plus rapide, ce sera le seul mesuré à la station de 
Rodrigue. Le cercle azimuthal y sera hors d'usage. 

Au contraire le mouvement de la lune en azimuth 
est de beaucoup plus rapide dans les régions éloignées 
de l'équateur. Les observations azimuthales seront 
donc les seules faites aux îles de Kerguelcn et môme 
à la Nouvelle-Zélande. 

iïous avons annoncé récemment le départ de 
M. Bouquet de la Grye, pour l'île Campbell ; les au- 
tres astronomes français ne vont pas tardera partir. 



Lu Angleterre tous les astronomes ont maintenant 
quitté Greenwich, excepté la mission égyptienne. Les 
officiers qui la composent sont occupés à prendre 
leur équation personnelle. 

Les longitudes de toutes les stations principales 
du chemin de fer d'Australie seront prises télégra- 
phiquement, depuis Fahnouth jusqu'à Hobait-Town; 
un certain nombre de ces stations seront utilisées 
pour le passage de Vénus, et seront en correspon- 
dance par les fils électriques. Le temps de la trans- 
mission sur la voie double a été évalué à 1 seconde 1/3. 
M. Forbes est parti pour les îles Sandwich. 

On a d'abord expérimenté les appareils en produi- 
sant artificiellement un passage factice de Vénus. Les 
observateurs se sont attachés à déterminer le moment 
où le ligament noir prend une teinte grise. Le mi- 
cromètre à deux demi-lentilles de M. Airy permet 
d'évaluer avec exactitude la longueur de la bande 



90 



LA NATURE. 



que la planète artificiel le occupe sur le bord de ce 
soleil factice. 

Tous les observateurs du passage de Venus se sont 
servis de cette lunette, et registre a été tenu de leurs 
observations, afin de noter les discordances avec la 
marche de la tache qui se déplace, avec la même vi- 
tesse qu'aura la planète sur le disque même du so- 
leil. Le soleil artificiel est uniquement une glace 
qui réiléchit les rayons solaires. Cette glace est mise 
en mouvement par un ouvrier qui guide le reflet du 
soleil sur le télescope lui-même. L'instrument est 
placé sur la terrasse des anémomètres et la lunette 
sur le toit du cabinet magnétique où. sont établis les 
services de M. Glaisher. 

LES MUSARAIGNES DES PYRÉNÉES 

Dans une des dernières séances de la Société d'his- 
toire naturelle de Toulouse, M. Trutat a mis sous 
les yeux des assistants quatre petits mammifères pris 
aux environs de la ville et qui ont été donnés au 
Musée d'histoire naturelle ; à ce sujet, M. Trutat a 
particulièrement insisté sur l'intérêt que présente, 
dans les régions pyrénéennes, l'étude si négligée jus- 
qu'à présent de la micromammalogie. 

Les Pyrénées et les plaines sous-pyrénéennes ren- 
ferment un grand nombre d'espèces qui .semblaient 
tout d'abord spéciales «à d'autres contrées. Deux pe- 
tits mammifères, dout il vient d'être question, ap- 
partiennent au genre musaraigne : l'un la musa- 
raigne musette, sorexareneus, l'autre la musaraigne 
de Daubenton, sorex fodiens. M. Trutat donne les 
diaguoses latines attribuées parSebinz à ces deux es- 
pèce*, et. à cette occasion il déplore l'abandon de la 
méthode véritablement linuéenne pour la descrip- 
tion des espèces et l'abandon non moins fâcheux 
de la langue latine comme langue scientifique. Il est 
positif que maintenant bien des naturalistes ignorent 
jusqu'à la signification de certains mots employés 
continuellement. Il cite entre autres ces deux mots 
inventés par Illiger, nolœum et gastrœum, le pre- 
mier désignant toute la région supérieure d'un animal 
de la nuque à la naissance de la queue, le second au 
contraire la région inférieure, des membres antérieurs 
à la queue. La musaraigne de Daubenton paraît assez 
rare dans les contrées pyrénéennes, elle avait été 
prise, il y a plusieurs années, par M. de Marin, sur 
les bords du Touch ; cette année elle a été rencon- 
trée à Luchon par M. Chelle, plus tard par M. Lézat, 
et tout dernièrement enliu par M, de Caumoot, à 
Portet.Ces différents sujets présentent des caractères 
remarquables et qui semblent constants dans les Py- 
rénées : tous portent une tache grise au milieu de la 
poitrine et ils n'ont pas de taches blanches en avant 
de Y œil comme l'indiquent les auteurs; enfin les 
parties inférieures ne sont pas mouchetées, mais bien 
d'une teinte blanche uniforme. Nous aurions donc 
dans les Pyrénées une variété spéciale à caractères 



constants, mais qui ne semblent pas suffisants pour 
créer une espèce nouvelle. 

Les musaraignes sont de petits insectivores très- 
utiles à l'agriculture et faciles à distinguer de la 
nombreuse famille des rongeurs. Parmi ceux-ci est 
le campagnol des champs (arvicola arvalis), bien 
connu sous le nom de rat des champs ; sa prodi- 
gieuse fécondité le rend extrêmement redoutable ; 
cette espèce peut se reproduire dès l'âgo de trois 
mois ; il fait de huit à neuf portées par an de quatre 
petits chacune en moyenne. Un seul couple peut 
doue, dans l'espace d'une année, donner naissance à 
un grand nombre d'individus aptes à se reproduire. 




la Musaraigne 

Une espèce très-voisine du campagnol des champs, 
est le campagnol de Savi, que M. de Caumont a ren- 
contré à Portet; cette espèce diffère du campagnol 
des champs par ses oreilles plus courtes et cachées 
sous les poils, auricvlis absconditis, une queue plus 
courte et un pelage dépourvu de poils jaunes, carac- 
tère de l'espèce précédente. Cette espèce avait été 
regardée jusqu'à présent comme propre à l'Italie, 
elle serait donc nouvelle pour la faune française. 

LES ORAGES DES 22 ET 23 JUIN 1874 

Les orages du 23 juin ont éclaté sur une grande 
partie de l'Angleterre, et semblent avoir mis fin à une 
période de sécheresse tout à fait sans précédents. 
D'après les observations faites par M. Lowe, à High- 
(ield-llouse, il est tombé 12 millimètres d'eau en 20 
minutes. C'est deux fois plus qu'il n'est tombé depuis 
le 22 mai, c'est-à-dire en un mois. 

Il était temps que la sécheresse fût interrompue 
car toutes les récoltes, et même les prairies, étaient 
en souffrance. On comprend facilement qu'il en soit 
ainsi, car pendant la demi-année qui va finir il n'est 
tombé en tout que 210 millimètres. 

La chute de pluie a été accompagnée de violents 
coups de foudre qui ont produit des accidents de 
plus d'une nature. La vieille église de Chesterfield 
qui est une des curiosités du comté de Derby, a été 
frappée juste au-dessus de l'horloge que l'on venait 
de réparer. Un accident du même genre est arrivé à 



LA NATURE. 



91 



l'église du Christ à Manchester et à l'église de Braco 
(Ëuosse). Cette dernière n'avait pas de paratonnerre. 
Il est probable que le clocher de l'éylise du Christ 
n'était pas dans ce cas, mais que son paratonnerre se 
trouvait en mauvais état. 

On a constaté, à Manchester, la démolition d'une 
cheminée appartenant à l'usine de MM. Evans Leigh 
ami C°, distante de 4 milles de l'église et frappée à 
peu près au même instant. 

Un accident analogue arriva à la cheminée delà 
compagnie des Eaux de Sheffield et à I.ossiemouth 
dans les environs d'Elgin. Le fluide entrant par la 
cheminée tua une femme dont on retrouva le cada* 
vre lancé à quelque distance. 

A Ilichmond deux maisons voisines ont été frappées. 
La foudre e.-t tombée sur un mur mitoyen et a allumé 
un jet de gaz après avoir fondu le tube en plomb. 

Des personnes ont été tuées ou blessées par les 
plâtras que la foudre arrachait à ces églises. Mais des 
accidents plus sérieux ont eu lieu dans les champs, 
où des paysans continuent à rechercher l'abri des 
arbres. Près de Gouparangus, dans le district d'Aiyth, 
la foudre a frappé un groupe d'hommes et de femmes 
qui s'étaient réfugiés sous un gros arbre. Tous lin\nt 
touchés plus ou moins gravement, un seul fut tué ; 
mais une femme fut grièvement blessée. 

A Kneller Park Uomslow la foudre frappa cinq 
vaches qui s'étaient réfugiées sous un gros chêne ; 
deux furent tuées sur lu champ et deux durent être 
abattues tant leurs blessures étaient graves. Enfin, 
à Litleover, près de Derby, la foudre tomba sur des 
gerbes de blé appartenant à un certain M. Parker et 
les mit en flammes. 

En France, ou a eu aussi un certain nombre d'ac- 
cidents à déplorer, la veille notamment dans la com- 
mune d'Aunoire (Jura). Une famille, composée du 
père, de la mère et de deux enfants, était occupée 
aux travaux des champs, lorsque, surprise par 
l'orage, elle cherche un abri derrière un buisson, se 
rangeant serrée sous un parapluie. Tout à coup, la 
foudre éclate sur leurs tètes. Tous quatre sont pré- 
cipités par terre, la femme pour ne plus se relever 
et les au 1res atteints de profondes brûlures leur 
parcourant tout le corps. Une femme qui passait 
près de là, renversée du même coup, a eu également 
la figure horriblement brûlée et les dents brisées. 



LETTRES DE CAMBRIDGE 

il 

L'UMVERSiTÉ. 

Cambridge, 2 juillet 1874. 
L'Universilé de Cambridge est une sorte de fédération 
de collèges dont la fondai ion remonte, pour quelques-uns, 
à la plus liaiite antiquité. Au contraire, pour quelques au- 
tres, elfe ne date que du commencement du siècle. Cha- 
cun de ses collèges, dont le nombre est de 27, possède 
son corps de professeurs, d'élèves, d'agrégés, etc., etc., et 
est une petite république faisant partie de la grande. L'Uni- 



versité, de même que les collèges, possède des propriétés 
dont quelques-unes sont fort importantes. On évalue à 
cinq millions de francs le revenu total de ces biens fonds. 
Une autre partie des privilèges universitaires est le droit 
de nommer à des bénéfices. Quelquefois celte nomination 
a lieu sur la présentation faite par certains noblemen. Il y 
a au moins cent cures représentant quelque chose comme 
500, OÛÛ francs de rente, qui sont ainsi distribués. Comme 
on le voit nous sommes en plein moyen a^e. 

L'Université ni les collèges ne reçoivent pas un centime 
du budget, mais les élèves payent des droits pour assister 
aux leçons données dans les bâtiments de 1 Université, aussi 
bien qu'aux cours qui sont faits dans les collèges et que 
l'on peut considérer comme de véritables répétitions. I.e 
titre de docteur s'obtient quelquefois à la suite d'examen 
et quelquefois à titre d'honneur. La collation de tous ces 
grades, excepté à titre d'honneur, s'obtient moyennant 
finance. 

Les étudiants sont obligés de prendre leur dîner en 
commun au collège. Ils payent en général 2 fr. 60 le dîner 
sans vin ni bière. Les spiritueux se payent à part. Ils ont 
également une chambre qui se paye 250 francs par an non 
meublée. Comme l'Université est très-prospère — elle 
compte plus de 2,000 élèves — tous ne peuvent loger dans 
les collèges. Us logent en ville clans des logements licen- 
ciés, c'est-à-dire dans des maisons autorisées à les rece- 
voir et soumises à l'inspection du PrOclor et duPro-Proctor, 
ou si l'on veut du censeur et du vice-censeur. 

On estime que la pension d'un étudiant coûte, avec beau- 
coup d'économie, 5,000 francs par an, quoique les va- 
cances commencent vers le 10 juin et unissent eu octobre. 

Les jioblemen ont le privilège de diner avec les fellows, 
c'esi-à-d ire les agrégés du collège. Mais la plupart préfè- 
rent prendre leurs repas avec les gens de leur âge. 

Le ducdcDevonshire a été nommé chancelier depuis la 
mort du prince Albert. C'est le vice-chancelier qui fuit 
toutes les affaires de l'Université. Il est nommé par le Con- 
seil de l'Université, lequel Conseil est nommé par le 
Sénat. Le Sénat est formé par la réunion de tous les gra- 
dués qui sont au nombre de 6,000. 

Les courges sont gouvernés par un maître nommé par 
les agréés. Les agréés ou Fellows reçoivent une rente qui 
varie de 10 à 20,000 francs, mais qui cesse de droit 
quand ils se marient. Cependant, lorsqu'ils sont nommés 
professeurs ils reprennent de droit cette rente. Ces Fellows 
sont nommés après concours. Il y a des étudiants pauvres 
qui sont dispensés de payement et qu'on nomme des 
(îzurs. On donne, en outre, une somme d'argent à ceux 
qui se distinguent dans les concours. L'Université a un 
observatoire, dirigé par SI. A dams, où l'on fait de grands 
travaux sur l'astronomie stellaire. Le principal observa- 
toire des collèges est celui de Pembreke, dirigé par le 
révérend Power. 

Les cours professés à l'Université ne sont pas publics 
comme en France. La science, étant ici une marchandise, 
n'est donnée qu'à ceux qui la payent. 

\V. DE FOSVJEUJ' 



L'ANHIXGA 

Nous sommes ici en présence d'uu de ces types 
tout à la fois ambigu et exagéré comme la nature se 
plaît à eu composer sans que nous puissions encore 
nous rendre compte de leur utilité. Qu'à un écliassier 
corresponde un cou de la même longueur que ses 



92 



LA iNATUIlE. 



jambes afin qu'il lui .oit possible d'atteindre le sol, 
c'est ce que nous voyous chaque jour réalisé soit par 
l'allongement du cou, soit par l'allongement du bec, 
ce qui revient au même, mais qu'un palmipède soit 
muni non-seulement d'un long bec, mais par-dessus 
le marché, d'un cou d'une dimension inusitée, extra- 
ordinaire même parmi les plus longs, c'est ce qui 
paraît vraiment singulier. 

— Le cygne, va-t-on répondre, jouit du même cou 
plus gracieux que celui de l'Ànhinga, quoiqu'il ne 
soit pas d'une longueur moindre. 

— Ceci n'est qu'à demi exact; mais, ce cou est 
terminé par un bec de canard , sa fonction se 



comprend alors. Il Ya chercher au fond de l'eau la 
nourriture que réclame le corps flottant et nageant à 
la surface. Le cou de l'Anhinga porte à son extrémité 
un formidable bec de Héron, fendu jusqu'au delà des 
veux ! VI, de plus. l'Anhinga, quoique palmipède est 
■pêcheur ! 

En somme, le type que nous étudions ici semble 
une transition entre le palmipède et l'écbassier : c'est 
un Néron, c'est plutôt une sorte de Grèbe, d'IIéliorne 
à doigts tout à fait palmés, à pouce détaché et assez 
robuste pour permettre à l'animal de devenir pé- 
cheur, muni d'ongles robustes, aigus et recourbés. 

Maintenant, une question encore. Pourquoi cet 




L'Anhinga avec le cou développé. 



oiseau dont la station est sur les arbres et sur l'eau, 
se montre-t-il muni d'une queue longue, robuste, 
formée de pennes roides et élastiques ! A quoi peut 
lui servir un semblahle instrument? Serait-ce comme 
levier, comme contre-poids, comme arc-boutant pen- 
dant les singulières évolutions de son cou ? Nous ne 
avons encore. 

Tous ceux qui voient l'Anhinga sont frappés de la 
similitude singulière du cou de cet oiseau avec un 
reptile, un plumage ras, semblable à un velours n'en 
dérobe ni la forme ni la gracilité. Lorsque le corps 
de l'animal est immergé, où lorsqu'il est caché sous 
l'herbe des rivages, ce long cou ondulant dans tous 
les sens, imite à faire illusion, les replis tortueux 
d'un reptile. Ajoutons à cette singulière similitude la 
manière dont l'Anhinga étend brusquement le cou en 
partant de dessus les arbres, la façon dont il le replie 



et le lance dans l'eau pour saisir les poissons, i'oscil- 
laUon perpétuelle et les ondulations qu il lui donne. 

Le cou est terminé par une petite tète cylindrique 
roulée en fuseau, de même venue avec le cou, et 
effilée eu un long bec aigu. Celui-ci est légèrement 
barbelé vers la pointe, de petites dentelures retrous- 
sées en arrière ; les narines sont placées à la base du 
bec et les yeux remarquables par leur noir brillant 
ont l'iris doré. La face et le menton sont nus. 

Après le cou, cû qui frappe, chez l'oiseau bizarre 
dont nous nous occupons, c'est la queue aussi dispro- 
portionnée avec le corps. Cette queue est grande, 
large, arrondie, formée de douze pennes étalées et 
s'éloigne beaucoup de la forme courte et arrondie 
que présente celle de la plupart des oiseaux nageurs. 
Les plus centrales de ces pennes sont striées profon- 
dément en travers et comme gaulfrées. 



LA NATURE. 



97. 



L'Anhiuga habile les régions les plus chaudes de I 
l'Afrique et de l'Amérique méridionale, où il fié- ! 
quenteles eaux douces et les savanes novées.On en a 
trouvé une troisième espèce eu Australie où elle a les 
mêmes 



mœurs. 
Cet animal se 
perche sur les 
arbres les plus 
élevés qui bor- 
dent le rivage — 
mœurs de Jiéron, 
— y pose son 
nid et vient y 
passer la nuit. 

Aussi habile 
plongeur que pê- 
cheur intrépide, 
il nage et plonge 
aussi aisément 
que le Cormoran 
de nos pays, ne 
tenant, pour ainsi 
dire, que la tète 
hors de l'eau et 
s'y enfonçant en- 
tièrement au 
moindre soupçon 
de danger, pour 
ne reparaître qu'à 
des distances con- 
sidérables, ne se 
montrant que 
juste le temps né- 
cessaire pour res- 
pirer. Sa défiance 
est telle qu'après 
s'être suhmergé à 
cent pas du chas • 
seur il n'ira res- 
pirer qu'à plus 
d'un kilomètre 
loin de lui, à con- 
ditionqu'il trouve 
là quelques ro- 
seaux parmi les- 
quels il puisse se 
cacher. Ce carac- 
tère farouche, qui 
fait qu'on ne le 
surprend jamais 
à terre est un 
trait de ressem- 
blance avec le 
genre Héron dont 

il a le bec bêle et effaré : l'œil est fixe et stupide 
d'effarouchement. . . 

On a prétendu quel'Ànhinga s'élançail du haut des 
arbres où il perche, pour saisir, à leur passage, les pois- 
sons dont il fait sa nourriture, mais nous ne pouvons 
admellre une semblable manœuvre de la part d'un 



oiseau aussi bon nageur et plongeur que celui-ci; il 
a bien assez d'autres moyens de le découvrir, de le 
poursuivre et de s'en emparer lorsqu'il est lui-même 
sur son élément favori, sans adopter par celte ma- 
nœuvre capitale, 
les mœurs d'un 
oiseau de proie. 
Son bec a beau 
être pointu com- 
me un dard ou 
un épicu, il ne 
lui sert point à 
harponner sa 
proie, il lui four- 
nit tout simple- 
ment une longue 
pince à crans de 
sûreté Si sou 
poisson est petit, 
il l'avale tout en- 
tier sans sortir de 
l'eau ; s'il est 
trop gros, il l'em- 
porte sur un ro- 
cher , sur une 
branche d'arbre 
ou sur le rivage, 
et là, il le dépèce 
à l'aide du bec et 
des pattes dont 
nous avons vu les 
ongles forts et 
recourbés. 

L'Anhingaa au 
moins 2 mètres 
de long ; mais, si 
nous défalquons 
lecou etla queue, 
il ne nous restera 
qu'un corps à 
peu près pareil à 
celui de notre 
Cormoran, le Chë- 
lisopke de nos ro- 
chers bretons. La 
peau est très- 
épaisse, et la 
chair aussi hui- 
leuse que celle 
du Chélosophc , 
nevautpasmieux 
qu'elle!.. Triste 

L'Aiiliiu-a au ie,ios, avec le cou replié manger ! Piteux 

régal ! — 11 res- 
terait maintenant à é.tudier si les espèces que l'on 
a cru devoir séparer dans le genre Ànhinga ne 
sont pas absolument fictives ainsi que Buffon l'a 
supposé. 11 y aurait peut-être a remarquer chez 
cet animal une variabilité normale de plumage, 
analogue à celle que l'on connaît au nouveau corn- 




91 



LA NATURE. 



buttant dont la couleur vatio tellement, suivant l'âge 
et le sexe, qu'il est très-difficile d'en rencontrer deux 
semblables. 

Or les Anhingas connus ne tirent leurs caractères 
fugitifs que des "variations de plumage. Les animaux 
sont d'ailleurs absolument les mêmes. 



>^< 



CHRONIQUE 

La enmétc. — Le professeur Leviss Smith a publié 
une description de la comèle telle qu'il la voyait à Ro- 
chester (Etals-Unis), le 19 juin dernier. Il suppose que 
l'éclat maximum de l'astre aura lieu le 3 août et que la 
quantité de lumière donnée alors sera supérieure à celle 
de Vénus dans son beau. Ce maximum d'éclat mira lieu, 
suivant le professeur Lewiss, dans le voisinage de l'étoile 
Dcmbola. Ces prévisions paraissent plus voisines de la vé- 
rité que celles de M. Ilmd. L'éclat de la comète augmente 
rapidement, il est très-facile aujourd'hui de la distinguer 
des autres objets du firmament. Sa queue, très-visible à 
l'œil nu, est assez éclatante pour frapper même les yeux 
qui n'ont point l'habitude de regarder le ciel ; elle est 
droite et dirigée presque verticalement dans la direction 
des gardes de la petite Ourse. En la regardant avec un 
télescope pourvu d'un faible pouvoir grossissant , on voit 
très-bien la nébulosité, qui est de forme ovoïde, prolon- 
gée dans le sens du mouvement. La partie brillante semble 
être la caustique de la lumière qui a traversé les parties 
fortement réfringentes. 

Statistique tle la eonNommution du tabac en 
France. — Yoici, d'après des renseignements inédits et 
dont nous garantissons l'authenticité absolue, la quantité 
de tabac consommée en France. On fume dans notre pays 
de 18 à 19 millions de kilogr. de tabac à fumer ou scafer- 
lati., 3,500,000 kilogr. de cigares (le kilogramme est 
formé de 250 cigares), 7,500,000 kilogr. de tabac à pri- 
ser, 650,000 kilogr. de tabac à mâcher, 450, 00U kilogr. 
de carotte, tabac peu connu à Paris, et qui se fume, se 
prise, se mâche; on ne le consomme guère qu'en Bre- 
tagne. — La recette totale obtenue par les produits des 
manufactures de France en 1875 a été de 294 millions de 
francs. On compte en France 10 manufactures (la guerre 
nous en a coûte doux, celle de Metz et celle de Stras- 
bourg), 40,000 déhits environ. À Paris il n'y a pas mnins 
de 1,200 bureaux de labac. 

La photographie spirite. — Encore une nouvelle 
invention du pays des tables tournantes ! Elle est née de 
l'autre côté de l'Atlantique, et se pratique actuellement à 
Taris. Vous faites prendre votre portrait par le photographe 
spirite, et vous assistez vous-même dans la chambre noire 
au développement de l'image. Miracle ! En même temps 
que votre image, apparaît celle d'un esprit; c'est une tète 
qui se révèle i le corps auquel elle doit êlre attachée se dissi- 
mule dans un linceul indécis. Quelques naïfs reconnaissent 
parfois l'image d'une personne aimée. Un physicien n'y 
voit qu'un grossier tour de passe-passe. Le procédé em- 
ployé est bien simple. On prépare à l'avance des glaces 
sensibilisées et l'on prend le portrait d'un spectre que l'on 
improvise, en enveloppant un compère, masqué ou muni 
d'une fausse barbe, d'un grand voile de mousseline; une 
fois la glace impressionnée on ne la développe pas, on la 



garde dan» l'obscurité et on en f:iit usage une seconde fois, 
pour prendre l'image de la crédule victime. Quand on dé- 
veloppe, les deux images apparaissent simultanément. Les 
photographies spirilcsontun grand succès à New-York, et 
sont à la veille d'obtenir la vogue qu'ont eue jadis les table; 
tournantes et parlantes. 

Le bolide de 1 jon. — Un bolide très-remarquable 
a été aperçu samedi 20 juin, à neuf heures quinze minutes, 
traversant le ciel de l'ouest à l'est, à environ 30 degrés 
d'élévation au-dessus de l'horizon sud. Ce météore, d'a- 
près le Salut public, de Lyon, émettait une lumière ex- 
trêmement brillante, laissant une traînée lumineuse très- 
dense qui l'accompagnait dans sa course sur une longueur 
d'environ 2 degrés, puis cessait brusquement. D'une cou- 
leur verte très-prononcée, la lumière passait par une série 
de dégradations de teintes jusqu'au jaune foncé au bout de 
In traînée. Le bolide a commencé à apparaître un peu au- 
dessus delà lune, qui s'approchait à ce moment-là de son 
coucher, puis a disparu au sud-est, en émettant des gerbes 
d'étincelles, après une course sensiblement parabolique 
d'une durée approximative de 25 à 50 secondes. 



■>< 



BIBLIOGRAPHIE 

Mémoires d'un estomac, écrits par lui-même pour le bé- 
néfice de tous ceux qui mangent et qui lisent, et édites 
par un ministre de l'intérieur, traduits de l'anglais sur 
ta huitième édition, revue et augmentée par le docteur 
Gros, médecin en chef de l'hôpital de Boulogne-sur- 
Mer. — Paris, 1874; 1 vol. in-18. — Librairie de 
J.-B. Bflill ère et fils. 

La statistique graphique et ses applications aux con- 
structions, par M. Maurice Lévy, ingénieur des ponts et 
chaussées. — 1 vol. grand in-8", avec un atlas de 24 
planches. — Paris, Gaulhiers-Villars, 1874. 

La statique graphique a pour objet de remplacer, dans 
les applications, dans celles surtout qui se rattachent à 
l'aride l'ingénieur, les calculs laborieux de la statique or- 
dinaire, par des constructions géométriques simples et 
n'exigeant, pour la plupart, d'autre connaissance mécani- 
que que celle du parallélogramme des forces. 31. Maurice 
Lévy a su exposer les méthodes de la statique graphique, 
d'une fa cou à la fois complète et élémentaire ; le bel ou- 
vrage qu'il vient de publier et qui représente une grande 
somme de travail et d'érudition, rendra des services im- 
portants, aux écoles professionnelles et à tous les ingé- 
nieurs. 

ACADÉMIE DES SCIENCES 

Séance du 6 juillet 1871. — Présidence de M. Rkhtrand. 

La comèle. — Avez-vous vu la comète? On ne s'aborde 
guère le soir aulrement, et l'on pourrait répéter dans les 
rues ce mot inspiré naguère à un spirituel académicien 
par le succès des discussions de M. Le Verrier : « Kùt-on 
pensé qu'il y eût tant d'astronomes en France! » A Mar- 
seille, où l'astre errant dont M. Coggia est le père est 
naturellement l'objet de tendresses toutes spéciales, le ciel 
n'a pas été aussi pur qu'à Paris et les observations ont par 



LA NATURE. 



95 



conséquent du, être inlermîllentcs. Elles ont néanmoins 
fourni déjà quelques données spectroscopiques. 

Au début, la comète no donnait qu'un spectre très-faible 
où l'on reconnaissait cependant les caractères des gaz car- 
bonés. Ce spectre prend chaque soir plus d'intensité, et la 
ligne verte est surtout remarquable par son éclat. On peut 
remarquer que les précédentes comètes présentaient au 
conlraire la ligne jaune plus brillante et il faut en conclure 
que dans ces astres, les combinaisons gazeuses peuvent 
varier de l'un à l'autre. Le spectre actuel ressemble à la 
succession de trois cônes couchés horizontalement et pé- 
nétrant presque les uns dans les autres. Le noyau paraît 
donner un spectre continu, mais très-faible. 

Rôle géologique des diatomées. — Il résulte des re- 
cherches d'un savant italien dont le nom nous échappe, 
que les infusoires à carapaces siliceuses connus sous le 
nom de diatomées ne sont pas localisés exclusivement dans 
les formations géologiques récentes. Les combustibles 
minéraux de tous les âges, y compris ceux du terrain car- 
bonifère, en offrent dont la conservation est admirable, 
et qui présentent malgré l'incommensurable durée qui les 
sépare de nous, rigoureusement les mêmes Tonnes que 
les diatomées actuelles. 

flûte néolithique. — Grhca aux recherches récentes, on 
est arrivé à connaître une foule de particularités de la vie 
et des mœurs des hommes fossiles. On sait qu'ils aimaient 
les arts graphiques, dessin, gravure, sculpture, on sait 
même qu'ils avaient foi dans une existence posl mortem 
puisqu'ils ensevelissaient leurs proches avec les provisions 
nécessaires pour un long voyage. Il est probable que les 
indiscrétions de la science iront bien plus loin encore et 
que tout re qui offre de l'intérêt, quant à. ces époques 
qui semblaient si bien effacées de l'histoire, nous sera 
connu. 

On accueillera donc avec satisfaction la nouvelle d'une 
découverte que M. Pieltc vient défaire clans la caverne de 
Dourdon (Haute-Garonne) et qui nous révèle l'homme 
néolithique sous un jour artistique tout nouveau. Il s'agit 
en effet d'une flûte en os trouvée en association avec des 
débris de poterio, dos os d'animaux et des silex taillés qui 
ne laissent aucun doute quant à son âge. Cette flûte a deux 
trous seulement, ne peut par conséquent donner que 
quatre sons et ressemble tout à fait au pipeau de ces Océa- 
niens dont Cook signale la monotone musique. 

Nos Gascons d'avant la Gascogne, pas plus que nos con- 
temporains des antipodes, n'étaient pas sans doute des vir- 
tuoses, mais on peut croire qu'ils choisissaient d'ordinaire 
des tubes plus sonores que des os, des tubes de bois et 
des roseaux par exemple. La flûte de Dourdon serait donc 
le témoignage d'un essai peu heureux au point de vue 
musical, mais comme providentiel puisqu'il nous trans- 
met une notion précieuse. 

Candeur. — Les inventeurs d'un système propre à 
rendre les vaisseaux insubmersibles par une application 
nouvelle de* l'air comprimé, s'étonnent de ne pas voir 
paraître le rapport pour l'élabo ration duquel l'Académie 
s'est empressée de nommer une commission aussi nom- 
breuse que bien choisie. 

Lufooorme! — Au secours! venez m'aîdcr à sauver 
ce malheureux qui veut se suicider ! 

— Mon ami, parlez français, de grâce 1 se suicider est 
intolérable ! Il y a dans ces deux mots accouplés comme 
une sorte de 

— Merci, monsieur! mais pendant ce temps le pauvre 
diable va mourir. Sauvons-le, et j'écouterai votre leçon 
après, 



Voilà, sauf les mois, ce qui a pris plus d'une heure de 
la séance. 

— Tout le monde sur le pont ! criait (en style « qu'aca- 
démique on nomme ») la commission du phylloxéra et à 
sa tète M. Dumas. Braves vignerons, notre bonne mère la 
vigne est malade. Une affreuse contagion s'étend .sur elle 
et menace de les tuer toutes. Venons-en à bout comme 
nous avons fait de la peste bovine ! 

— Arrêtez, s'écrie M. Robin, une contagion? Que dites- 
vous là? et pensez-vous à la gravité de celle expression. 
Distinguo les maladies contagieuses, comme !a peste, le 
typhus, la morve, la rage, la variole, etc., etc., et les ma-- 
ladics parasitaires, telles que la gale. La peste bovine est... 
une peste; la maladie de la vigne est une gale. Ergo, 

n'assimilons pas l'une à l'autre, car nous aurions l'air 

de ne pas comprendre la valeur des mots. 

A quoi M. Dumas répond, avec les accents émus d'un 
vrai patriotisme qui a trouvé le plus vif écho dans tout l'au- 
ditoire: « Nous avons dit contagion pour être compris de 
tout le monde. Nous l'avons dit parce que les procédés cu- 
ralifs efficaces contre la peste bovine nous montrent que 
des pratiques analogues peuvent venir à bout de l'invasion 
phylloxérique, car nous n'avons pas à perdre de temps en 
beaux discours; la vigne est malade, la vigne se meurt; 
après le Midi détruit, le Maçonnais ne tardera pas à être 
menacé. Or, faites-y attention, la vigne disparaissant de 
la France en ce moment-ci, serait la ruine politique de 
notre pays en même temps que sa ruine financière. » 

D'ailleurs, sur quoi querelle-t-on ? Une maladie conta- 
gieuse est celle qui se transmet par un contagium qu'on 
n'a pas encore pu voir. Une maladie parasitaire est celle 
qui est communiquée par un petit être figuré. La gale a 
été contagieuse tant qu'on n'a pas connu l'acaïus; aujour- 
d'hui elle est parasitaire. Molière, où es-lu ! et comme 
M. Dumas avait raison de dire : « Dès que le mot conta- 
gieux prend un sens, il doit se changer en parasitaire, * 
— Allez un peu faire comprendre aux malades de l'hôpi- 
tal Saint-Louis que la gale n'est pas contagieuse ! Yous 
leur direz en même temps, au nom de la physiologie la 
plus moderne, que le bouillon de bœuf qui les réconforte 
n'est qu'un apéritif. 

V Académie et le progrès. — En présentant la réédi- 
tion de son traité de ventilation, M. le général Morin a fait 
la remarque (qui sera insérée aux Comptes rendus) qu'un 
des endroits où son nouveau système d'aérage, si éco- 
nomique et si saluhre, brille par son absence est précisé- 
ment la salle des séances de l'Académie. Nu! local, c'est 
l'auteur qui parle, n'est d'un séjour plus désagréable en 
toute saison, froid l'hiver, torride l'été et toujours impré- 
gné de l'odeur de renfermé. — ■ Rappelons qu'il n'y a 
guère qu'un endroit public où la bougie lutte avec succès 
contre le gaz d'éclairage et la plume d'oie contre la plume 
métallique, cet endroit, qui devrait être le théâtre de tous 
les progrès nouveaux, c'est cette même salle des séances 
de l'Académie des sciences. Stakislas Meusier. 



NOUVEAU PLOMB DE SONDE 

Le croquis ci— joint, dû à M. le capitaine Truman 
Hotcbki s représente un nouveau plomb de sonde d'une 
extrême simplicité, et qui offre l'avantage de pouvoir 
êlre exécuté au besoin par les moyens du bord. 

La figure 1 montre les détails des dilïérentes par- 



oc 



LA -NATURE. 



ties qui la composent: A est une tige taraudée on 
bronze ou en acier, sur laquelle l'hélice B peut 
monter ou descendre; C est un écrou mobile 
qui reçoit un mouvement de l'hélice lorsque le 
plomb de sonde descend et demeure au point le pins 
élevé qu'il a atteint, lorsque l'appareil remonte à la 
surface par suite de 
l'appel de la bouée 
en liège à laquelle il 
est fixé; cet écrou 
s'appelle le messager 
ou l'indicateur. D est 
une douille placée à 
poste fixe sur la par- 
tie inférieure de la 
lige À ; un boulon, 
auquel est suspendu 
le grappin E, traverse 
cette douille. Ce bou- 
lon sert aussi de pi- 
vot à un balancier F 
dont les bras très- 
inégaux sont placés 
à angle droit avec 
les branches du grap- 
pin (fig. 2). La par- 
tie supérieure de la 
tige A porte un œil 
par lequel on peut 
l'accrocher à la 
bouée G. On voit en 11 
une bouée de vei le 
avec son ancre. 

La figure 2 montre 
comment l'ensemble 
est disposé pour la 
descente. On obser- 
vera que les bras du 
levier F di fièrent con- 
sidérablement entre 
eux ; le crochet qui 
les termine et au- 
quel est suspendu 
un poids à chaque 
bout , est recourbé 
en dessous à droite 
et par-dessus à gau- 
che. Un poids plus 
lourd que les autres 
est saisi entre les 
branches du grap- 
pin. 

L'hélice est placée à toucher la douille D, et on 
met le messager en contact avec la face supérieure 
du moyeu de l'hélice au moment de la descente ; on 
mouille alors la bouée de veille avec son pavillon. 
On a soin de noter le temps qui s'écoule depuis le 
moment où l'on jette la sonde à la mer jusqu'à celui 
de son apparition à la surface. Pendant la descente, 
l'hélice tourne sur la tige , elle entraîne avec elle 




SoaJc automali |Ue destinée à mesurer lu profondeur de la vaut 
et à y recueillir des échantillons. 



le messager C. A l'instant où le poids de droite 
atteint le fond il s'échappe de son crochet, le poids 
de gauche fait alors basculer le levier de son côté, les 
mâchoires du grappin s'ouvrent et le poids qu'elles 
retenaient devient libre à peu près au même mo- 
ment où celui de gauche abandonne son crochet. 

Les branches du 
grappin sont ainsi 
ouvertes , elles se 
referment brusque- 
ment sous l'effort as- 
cendant de la bouée, 
et le tout remonte à 
la surface, comme le 
représente la figure: 
5 ; le pavillon qui 
surmonte la bouée 
est destiné à per- 
mettre de l'aperce- 
voir plus facilement. 
(Pendant la montée 
l'hélice tourne en 
sens contraire.) 

On recueille le 
tout à bord, et l'on 
transcrit les observa- 
tions, II y a trente- 
huit filets par pouce 
de la tige ('25,4 mil- 
limètres); l'hélice 
faisant un tour com- 
plet pour chaque 
brasse de descente, 
il suffit de multiplier 
la distance qui existe 
entre le messager et 
la douille 1) (moins 
la hauteur du moyeu 
de l'hélice) par 38, 
pour avoir la profon- 
deur en brasse. L'ob- 
servation de la dis- 
tance comprise en- 
tre la bouée de veille 
et l'endroit où la 
bouée de sonde re- 
vient à la surface, 
fournit des données 
sur les courants 
sous-marins. Cet ap- 
pareil peut être la- 
briqué à la dimen- 
sion que l'on désire; dans le cas de fonds vaseux, 
collants, on peut facilement augmenter le pouvoir 
ascensionnel de la bouée l . 

1 Nous empruntons cet article cL la gravure qui l'accom- 
pagne à la Iïevue maritime. — Juin 1874. 

Le Propriétaire-Gérant : G. Tcssasdiuk. 
fuicEii . — Typ. et ster. de Cbkti 



N« 59—18 JUILLET 18 74. 



LA NATURE. 



07 



LA TRANSFUSION DU SANG 

L'idée do rendre à un animal le sang qu'il a perdu, 
ou de remplacer le sien quand il est épuisé par l'âge 



ou la maladie, eu empruntant à un autre le pré- 
cieux liquide indispensable à l'entretien de la vie, 
l'idée de la transfusion du sang a dû éelore de bonne 
heure. On l'a retrouvée chez les anciens, dans les 
Métamorphoses d'Ovide, etc. Elle a figuré dans les 




Globules du sang de plusieurs vertébrés fliès-grossis). 
] Globules du sang de l'homme emprisonnés par la fibrine dans du sang coagulé. — 2. Globules de l'homme assemblés en rouleau», 
_ 5. Globules ilu sang de l'homme, disques circulaires biconcaves. Diamètre de 0—.O069 à 0"\004G; poids O""",00008; surface 




de face. — b Globules de coté. 



^tfOTW^S ay T ^^' i^, ff p ~ C ~ j : 




Transfusion; immédiates du sang de l'homme a l'homme, et de l'animal à l'homme, (D'après d'aucieimes gravures du dix-septième siècle*. 



merveilleuses recettes de la cabale et de l'alchimie, 
et, au ilix-septième siècle, l'opération elle-même eut 
un immense retentissement. Malheureusement, après 

* Tractalio meci. curwsa de ortu et occasu Iransf'usionis 
iauguinis , autliore Georg. Abraham Murcklino. — Norini- 
ucrga», 1679, in-8\ 

2" année. — 2' semestre. 



avoir inspiré des espérances excessives, la pratique 
tant vantée un moment fut bientôt abandonnée, 
proscrite au nom de la loi. 

C'est d'ailleurs aux recherches modernes qu'elle 
doit presque tout son nouvel intérêt. Sans passer ici 
en revue les essais de Rob. Boyle, de Fracassati et 

7 



uâ 



LA NATURE. 



Lower sur les animaux, hâtons-nous d'arriver à ce 
qu'on peut appeler le point culminant de l'histoire 
de la transfusion, c'est-à-dire l'application de cette 
opération à l'homme. Mais les résultats cpi'on lui 
demandait d'abord différaient de ceux qu'on a cherché 
à en obtenir depuis. On en voulait faire une sorte de 
panacée contre les maladies les plus variées, un nou- 
veau moyen de régénération de toute l'économie par 
le renouvellement du liquide sanguin. 

C'est J.-B. Denis qui paraît l'avoir pratiquée le 
premier, à Paris, le 15 juin 1667, comme on peut 
le voir dans le Journal des savants. Denis connais- 
sait les expériences de Lower sur les animaux, les 
avait répétées et en avait fait de nouvelles, quand il 
se décida à injecter, dans les veines d'un jeune ma- 
lade, huit onces de sang artériel d'un agneau. Celle 
même année, chez deux autres hommes, il reprodui- 
sit, encore avec succès, la même opération à l'aide 
du sang artériel d'un veau. Le sujet de l'une de ces 
épreuves était un maniaque dont l'agitation et le 
délire étaient extrêmes depuis quatre mois : après 

l'injection de six cents grammes do sang de veau, 

faite en deux fois et à deux jours d'intervalle, « cet 
individu a paru beaucoup plus calme qu'aupara- 
vant, j> dit Denis, « et peu à peu son esprit s'est 
remis, en sorte qu'il n'a maintenant aucun reste de 
folie. » (Voy. gravure de la p. 100.) 

Ces premiers succès, cette innocuité d'une opé- 
ration en apparence redoutable, enhardirent immé- 
diatement les expérimentateurs : en novembre 1067, 
Lower et Ed. King firent passer dans les veines d'un 
homme bien portant le sang de l'artère carotide d'un 
mouton, « et l'opéré n'en éprouva, » disent-ils dans 
les Philosophical transactions, « qu'un sentiment 
de bien-être. » 

Riva, dans les Ephéme'rides des Curieux de la 
nature; P. Manfredi, dans son ouvrage De nova et 
inaudita medico-chirurgica observatione sanguinis 
transfundendi; Major, dans son livre intitulé : Pro- 
dromus a se inventœ chirurgive infusorice, etc., et 
d'autres, s'empressèrent de publier des succès ana- 
logues. 

A propos de J.-D. Major, nous voudrions en pas- 
sant rectifier une erreur assez répandue, et qui tend 
à lui attribuer un mérite mal justifié. Major, en 
effet, né à Breslau en 1634;, s'est donné à tort comme 
L'inventeur de la transfusion du sang. On ne peut 
douter que, avant lui et Lower, le célèbre alchimiste 
André LibaviuF, pour ne citer que celui-là, qui vivait 
au seizième siècle, n'ait préconisé cette opération et 
qu'il ne l'ait regardée comme un moyen de guéris ou 
et de rajeunissement. Elle est décrite avec toute ht 
clarté désirable dans le passage suivant de son 
Appendix necessaria syntagmatis arcanorum chimi- 
corum, op. iv (Erfurt, 1615, in-fol.) : « Àdsit ju- 
c venis robustus, sanus, sanguine spiriluoso plenus; 
« adsit et exhaustus viribns, tenui>, macilentus, 

« vix animum trahens Magister artis habeat 

« tubulos argenteos inter se congruentes ; aperiat 
« arterium robusti et tubulum insérai muniatque; 



« mox et aïgroti arleriam findat, et tubulum fœmi- 
(( neum infigat, et jam duos tubulos sibî mutno 
« applicet, et ex sano sanguis arterialis calidus et 
« spirituosus saliet in œgrotum, uuaque vitaa fon- 
« tem afferet, omnemquelanguorempellet. «L'opé- 
ration décrite consiste, on le voit, à ouvrir l'artère 
d'un individu sain et robuste, à y placer un tube 
d'argent qui, abouché avec un tube placé de même 
dans l'artère du malade, conduit le sang destiné à 
ranimer et à faire revivre l'organisme épuisé. 

C'est là, comme on le trouvera plus loin, dans sa 
plus grande simplicité, le manuel opératoire pratique, 
sauf que l'ouverture de l'artère présente des dangers 
qui la font presque absolument rejeter jusqu'à pré- 
sent. Nous pouvons dire tout de suite, cependant, 
qu'un chirurgien bien connu, le docteur Alphonse 
Guérin, préconisait il y a deux ans déjà et recom- 
mande encore aujourd'hui un mode d'opération con- 
sistant à ouvrir les artères homologues des deux 
individus, et à faire communiquer, au moyen de 
deux tubes de caoutchouc, les deux extrémités 
opposées de la même artère. Ainsi confondues, les 
deux circulations n'en font plus réellement qu'une, 
et le sang des deux sujets est bientôt intimement 
mélangé. Pratiquée avec succès par M. A. Guérin et 
par M. Colin (d Alfort) sur des animaux, sur des 
génisses, sur des chiens, cette méthode n'a guère 
été, que nous sachions, appliquée encore à l'homme, 
si ce n'est par M. Dolbeau, en 1866 ; la malade qui 
lit alors le sujet de l'opération n'en mourut pas. 

Mais revenons à l'histoire de la transfusion. L'opé- 
ration fut donc répétée à plusieurs reprises vers le 
milieu du dix-septième siècle; mais des accidents 
assez fréquents ne tardèrent pas à être signalés; ils 
se renouvelèrent même si souvent et furent si graves, 
que le Parlement de Paris et la cour de Rome cru- 
rent devoir intervenir, en 1668, et défendre une pra- 
tique qui jouissait déjà d'une certaine vogue. Le 
malade opéré par Denis était, d'ailleurs, redevenu 
fou, et avait succombé dans une nouvelle opéra- 
tion. 

Ce ne fut guère qu'après un intervalle de plus 
d'un siècle que l'étude de la transfusion fut reprise 
par Ilarwood ; c'est lui qui insista principalement 
sur ce fait, que les animaux dans les veines desquels 
on transfuse du sang d'animaux d'une espèce diffé- 
rente, succombent généralement quelques jours 
après l'opération. 

Avec Blundell, Prévost et Dumas, la question de 
la transfusion entra dans une nouvelle phase; ce sont 
surtout les travaux de ces e.\périmentateurs et de 
ceux qui les ont suivis, tels que Dieffenbach, Th. 
Bischoff, Brown-Sequard, Oré, Moncoq, Panum, 
Monneret, Magendie, de Belina, etc., qui ont donné 
à cette opération l'intérêt qu'elle a justement re- 
couvré au double point de vue de la physiologie" et 
de la thérapeutique. 

Le principe sur lequel on fait généralement repo- 
ser la transfusion du sang est que cette opération, 
pour remplir le but qu'on se propose, doit être laite 



LA NATURE. 



99 



avec le sang d'un animal de la niciim espèce que 
celui sur lequel elle est pratiquée. 

C'est la conclusion la plus directe qu'on ait cru 
devoir tirer des nombreuses expériences auxquelles 
se sont livrés les physiologistes ; ce n'est guère que 
lorsqu'ils ont eu établi cette règle, qu'il a paru 
possible de déterminer lu valeur de la transfusion 
et d'en faire avec quelque sécurité l'application à 
l'homme. 

Toutefois, un certain nombre de faits semblent 
contraires à ce principe: ainsi Ed. Kiiig transfusa 
du sang de veau à un mouton épuisé par hémor- 
rhagic, et le succès couronna l'opération. On lit 
dans l'ouvrage de Sebeele, Die Transfusion des 
Blutes (1802-3), que des brebis exsangues ont é!.é 
rappelées à la vie par l'injection de sang de veau 
dans leurs veines. La première transfusion faite par 
Denis sur l'homme fut heureuse, et elle avait été 
pratiquée avec du sang d'agneau. Celle que Lower 
et King tirent aussi avec succès sur un homme en 
pleine santé, le fut avec du sang de mouton. 

Il est vrai que dans ces cas et d'autres analogues, 
les conditions de la translusion ne nous sont pas 
connues dans tous leurs détails; pour plusieurs de 
ces cas, la quantité de sang injecté a été très-faible, 
et n'a constitué qu'une légère substitution ; pour un 
certain nombre d'autres , l'issue définitive de la 
transfusion a été fatale. Seulement, ce n'est qu'après 
un temps variable que les animaux ont succombé, 
comme l'ont observé Harwood, Blundell, Ed. King, 
Lcacock, etc. 

Il faut dire que les exemples d'insuccès devien- 
nent plus marqués et la mort plus rapide à mesure 
que la différence entre les animaux sur lesquels on 
opère devient plus grande : les expériences de Prévost 
et Dumas peuvent être invoquées à l'appui de cette 
proposition. Le sang de veau ou de mouton, trans- 
fusé à des chats ou à des lapins d'abord privés de 
presque tout leur sang, n'a réveillé la vie que tem- 
porairement, et les animaux n'ont pas tardé à suc- 
comber après avoir présente des troubles complexes. 
On trouve dans l'ouvrage de Blundell des cas analo- 
gues. Mais c'est surtout en injectant à des oiseaux 
du sang de mammifères, que Prévost et Dumas ont 
vu la mort survenir très-vite au milieu de symptômes 
convulsifs ; et ces faits se sont reproduits dans les 
expériences de Gaspard, de Dieffenbach et de Bischoff; 
Burdach les a presque tous enregistrés dans son 
Traité de physiologie. 

On voit donc quelle influence importante semble 
exercer sur le résultat de la translusion le degré de 
différence entre les espèces animales. Cette différence 
n'existant plus, l'innocuité et le succès ont paru de 
plus en plus assurés : ainsi, Lower avait l'ait passer 
dans les veines d'un petit chien du sang emprunté 
à deux gros chiens, sans que cet animal succombât ; 
— un chien dans la carotide duquel Bichat avait 
fait passer le sang de la carotide d'un animal de 
même espèce, n'en éprouva qu'un léger trouble; — 
des chiens que Harwood avait saignés jusqu'à syn- 



cope complète furent toujours rendus à la vie et à la 
santé, quand il se servait du sang de chien pour opé- 
rer la transfusion, etc. 

Toutefois, une expérience de Milnc-Edwards et 
Delafond tendrait à faire admettre qu'il suffit que les 
deux animaux, entre lesquels se pratique la trans- 
fusion, lassent partie d'un même groupe naturel, 
bien qu'appartenant à des espèces distinctes : ainsi 
un âne, rendu presque exsangue, reçut dans ses 
veines une quantité considérable de sang de cheval, 
se ranima et se rétablit d'une manière permanente. 

S'il est vrai, comme le démontrent suffisamment 
les faits, que chez l'homme ou l'animal épuisé par 
une abondante hémorrhagie, l'injection d'une quan- 
tité de sang nouveau, bien inférieure d'ailleurs à 
celle qui a été perdue, ranime la vie presque éteinte, 
il serait intéressant de connaître auquel de ses clé- 
ments ce liquide doit sa propriété vivifiante. A cet 
égard, les expériences de Prévost et Dumas ont ap- 
pris que c'est aux globules qu'il convient de la rap- 
porter. 

Si, en offet, dans Tes vpînes d'un animal auquel 
on a fait subir une grande perte de sang, on injecte 
du sérum sanguin (liquide dépouillé de fibrine et de 
globules), on n'obtient aucun signe de révivification ; 
une injection d'eau tiède ne donne pas un autre 
résultat. 

Quand, au contraire, on injecte du sang privé de 
sa fibrine par le battage, mais conservant ses glo- 
bules intacts, l'animal est rappelé à la vie. Ces faits, 
confirmés par Dieffenbach, Bischoff, etc., ne parais- 
sent laisser aucun doute sur le rôle nécessaire des 
globules sanguins dans la transfusion. On peut 
même ajouter que le globule sanguin à l'état figure 
est indispensable, car M. Paul Bcrt a essayé sans 
succès d'une dissolution d'hémoglobine oxygénée. 

Nous avons vu plus haut que, d'après Prévost et 
Dumas, le sang des mammifères transfusé aux oiseaux 
agirait en quelque sorte comme un poison. Pour 
expliquer cette action nuisible, on avait d'abord in- 
voqué la différence de forme et de volume entre les 
globules de ces animaux. Ces différences, bien con- 
nues, ont été rendues parfaitement sensibles sur 
notre dessin (p. 97), qui représente, avec leurs pro- 
portions relalives, des globules sanguins apparte- 
nant à plusieurs classes de vertébrés. Mais, depuis 
les recherches de Bischoff, c'est à la présence de la 
fibrine coagulable qu'on aurait été plutôt porté à 
l'attribuer. 

En effet, cet expérimentateur dit avoir pu, sans 
résultats fâcheux, injecter du sang de mammifères 
défibriué à des oiseaux, et réciproquement; fait con- 
staté, depuis, par d'autres physiologistes. 

D'un autre côté, Bischoff assure également avoir 
reconnu que le sang veineux, dans la transfusion 
entre ces deux classes d'animaux, diffère du sang 
artériel, quant aux effets produits ; du sang veineux 
de chien, injecté à une poule, la tue, tandis que du 
sang artériel la laisse survivre. 

Des études plus récentes paraissent avoir montré 



100 



LA NATURE. 



que ce qui s'oppose à l'emploi du sang d'espèces 
différentes pour la transfusion, c'est que les globules 
rouges du sang d'une espèce se dissolvent plus ou 
moins rapidement dans le sang, dans le sérum d'une 
autre espèce. Ainsi, à la suite d'injections de sang 
de mammifère défibriué à la grenouille (rana escu- 
lenta)) on observe qu'au bout de trois à cinq minutes 
on ne retrouve plus de globules de lapin ; au bout 
de vingt minutes, ceux du cochon d'Inde ont dis- 
paru, ceux du mou- 
ton, ceux de l'homme 
après trente, ceux du 
chien après une 
heure seulement , 
ceux du pigeon après 
quatre-vingts mi- 
nutes. 

Quant au sang de 
mammifère injecte 
avec tous ses élé- 
ments à des oiseaux, 
s'il peut, nf.r, - » nui- 
sible, cela ne tient 
pas à une action to- 
nique et mystérieuse 
de la fibrine ; le fuit 
est probablement 
d'ordre purement 
mécanique. Le sang 
de certains mammi- 
fères , tels que le 
chien et le chat, se 
coagule rapidement , 
et il est probable 
qu'avec les procédés 
un peu primitifs dont 
se servait Bisclioff, il 
a injecté un sang déjà 
à demi coagulé, ca- 
pable de déterminer 
ainsi des obstructions 
vasculaircs prompte- 
ment mortelles. 

On peut donc légi- 
timement dire au- 
jourd'hui que la 
transfusion de sans 
de mammifère à l'homme, -**• quand les globules 
rouges de l'animal choisi ne diffèrent pas notable- 
ment quant à la forme et aux dimensions des glo- 
bules rouges de l'homme, — ne produit pas d'effets 
nuisibles. Si les globules du sang injecté se dissolvent 
et disparaissent bientôt dans l'organisme du trans- 
fusé, ils n'en peuvent pas moins produire des résul- 
tats avantageux, quoique passagers. 

On doit donc recourir à cette ressource faute de 
mieux, c'est-à-tlire quand le sang humain fait abso- 
lument défaut. 

1 Traité d'Elsholius : Chjsmalica nova. — Colonise lirait* 
denburgicœ, 1667, in-8°. 




Transfusion médiate 1 . (Fac-similé d'une gravure du dit-septième siècle.) 



Les faits de transfusion du sang, pratiquée de 
l'homme à l'homme avec plus ou moins de succès, 
sont assez nombreux aujourd'hui. Leur étude est 
maintenant sortie du domaine de la physiologie ex- 
périmentale pour rentrer dans celui delà thérapeu- 
tique rationnelle : c'est à ce point de vue que nous 
allons à présent les examiner, suffisamment appuyés 
sur les notions générales exposées dans les lignes 
précédentes. 

Il existe dans la 
science plusieurs 
statistiques concer- 
nant la transfusion. 
M. de Belina, dans sa 
thèse Sur la transfu- 
sion du sang de fibri- 
ne {Paris, 1873), a 
consigné 155 obser- 
vations , contenant 
presque tous les cas 
connus jusqu'en 
1869.En487l,Asche 
( Schmidt's Jahres- 
bericht) en a rassem- 
blé 75 nouveaux, ce 
qui porte le chiffre 
total à 250 cas. Mais 
ces tableaux ne sont 
guère instructifs, car 
ils no donnent que le 
diagnostic nominal 
et le résultat final, 
sans qu'il soit pos- 
sible, à l'aide des 
documents relatés, 
de faire la part des 
conditions qui ont 
déterminé le succès 
ou l'insuccès de l'o- 
pération. 

M. Marmonier fils, 
dans une thèse de 
Montpellier, a re- 
cueilli 34 observa- 
tions où l'on employa 
le sang dé fibrine; 
résultats ; 22 morts, 



soit une mortalité de 2 sur 3. 

Dans 113 cas, le sang fut transfusé intact : 34 
morts , c'est-à-dire une mortalité de 1 sur 3 seule- 
ment. 

Ces chiffres sont donc une nouvelle et éclatante 
confirmation de l'utilité de l'emploi du sang en na- 
ture, suivant la méthode conseillée par M. le pro- 
fesseur fichier. 

Mais arrivons au fait récent qui a de nouveau ap- 
pelé vivement l'attention sur la transfusion du sang 
et ses avantages pratiques. 

Il s'agit de l'opération par laquelle M. Béhier a si 
heureusement rappelé à la vie une femme parvenue 



LA NATURE. 



101 



au dernier période de l'épuisement, par suite d'une 
hémorrhagic incoercible. 

Nous ne décrirons pas ici en détail les temps di- 
vers et les précautions que comporte l'opération ; 
nous nous contenterons d'insister sur quelques 
points d'un intérêt plus général. 

Ainsi, M. Cellier regarde comme préférable d'in- 
jecter le sang pur en nature, sans défibrination préa- 
lable, sans abaissement antérieur de température. 
Ces manipulations préliminaires, destinées à empê- 
cher la coagulation de la fibrine, sont inutiles quand 
l'opération est faite promptement, ce qui est facile. 
11 pense qu'il y a tout avantage à injecter du sang, 
non pas mort, comme lorsqu'on fait ces manœuvres 
préparatoires, mais bien vivant et pourvu de globules 
non altérés par le battage et la réfrigération, et en 
outre offrant encore intactes les matières albumi- 
noïdes dont le rôle nutritif est certainement con- 
sidérable, en menu; temps qu'elles servent éminem- 
ment à la suspension et à la plus facile circulation 
des hématies. Chaules Letort. 

— La suite prochainement. — 



MADAME EMMANUEL LIAIS 

« Pourquoi s'en prendre aux hommes, s'écrie La 
Bruyère, de ce que les femmes ne sont pas savantes? 
Par quelles lois, par quels 
é.lits , par quels rescrits 
leur a-t-on défendu d'ou- 
vrir les yeux et de lire, 
de retenir ce qu'elles ont 
lu, et d'en rendre compte 
ou dans leur conversa- 
tion ou par leurs ouvra- 
ges? » 

Madame Emmanuel 
Liais que la mort vient 
d'enlever à la science, est 
un des rares exemples, 
que l'on puisse oppowr 
aux reproches du grand 
moraliste. Femme d'un 
grand savoir , et d'une 
mâle énergie, elle avait en 
même temps toutes les 
grâces de son sexe; elle 
savait briller aussi bien 
parla (inesse de son esprit, 
que par l'abondance de 
son érudition, et la pro- 
digieuse fécondité de sa 
mémoire. Elle avait la 
passion du voyage et de 
l'exploration, aussi vou- 
lut-elle accompagner son 
mari dans ses grandes pé- 
régrinations de l'Amérique du Sud. Elle le suivit au 




Madame Emmanuel Liais. 



nables forêts du Brésil, ne reculant jamais ni devant 
les fatigues de la route ni devant les dangers de l'en- 
treprise. Madame Liais ne se lassait pas d'admirer 
cette luxuriante nature brésilienne, et son crayon 
nous a retracé quelques-uns des panoramas gran- 
dioses, qui se sont déroulés sous ses yeux, tout le 

long de sa route route immense, longue de 

4,800 kilomètres parcourus la plupart du temps sur 
un cheval, à travers des régions souvent inhabitées. 
Cette femme remarquable a puissamment contribué 
à l'œuvre de M. Liais, dont les travaux et les ouvra- 
ges sont devenus populaires ; elle descendait d'une 
grande famille de Hollande, où s'était conservée la 
tradition des grandes découvertes géographiques qui 
ont si souvent illustré son pays. 

En 1862, madame Emmanuel Liais fut atteinte 
de fièvres intermittentes à San Francisco ; malgré la 
force de sa constitution, le germe du mal, une l'ois 
semé, se développa sans cesse, et l'enleva à ses tra- 
vaux, à ses affections, à ses espérances. Elle était 
âgée de quarante et un an. Les obsèques eurent lieu le 
2 juin dernier à Cherbourg, ville natale de son mari, 
qui est actuellement directeur de l'Observatoire de 
Rio-Janeiro. La Société de géographie de Paris a dé- 
légué un de ses membres pour assister à la cérémo- 
nie funèbre, et pour apporter un juste tribut d'hom- 
mages à la mémoire d'une femme d'une grande 
intelligence et d'un rare courage. Les résultats des 

voyages de M. et madame 
Liais ont eu une impor- 
tance considérable , au 
point de vue géographi- 
que; ils ont fait connaî- 
tre le cours de plusieurs 
grands fleuves, qui rou- 
lent leurs eaux sur une 
vaste étendue ; ils ont ap- 
porté encore des rensei- 
gnements précis sur la 
constitution géologique 
!lu sol du Brésil. Une 
grande partie de ces pé- 
régrinations a dû. s'ac- 
complir en canot, sur des 
rivières inconnues, des 
fleuves inexplorés, où les 
rapides et les cascades 
abondent; au milieu de 
contrées où les matais of- 
frent partout un terrible 
foyer de miasmes redou- 
tables. C'est sans doute 
en traversant ces pays 
dangereux que madame 
Liais prit le germe de la 
maladie qui devait plus 
tard causer sa mort. 
Les nombreux dessins 
que madame Liais a rapportés de ses explorations 



milieu des peuplade sauvages, à travers les intérim- [ ont souvent été admirés par des artistes; ils forment 



m 



LA NATURE. 



en effet une bello collection, qui reproduit la nature 
avec sentiment et avec exactitude. Un grand nom- 
bre de ces esquisses représentent les magnifiques 
végétations qui entourent la Villa-da-Barra, où les 
voyageurs firent un séjour assez prolonge. Dans cette 
contrée fort dangereuse, M. Liais fut atteint de liè- 
vres pestilentielles qui faillirent lui coûter la vie. 
11 ne dut son salut qu'au dévouement de son héroï- 
que compagne, qui lui prodigua des soins touchants. 



LE VOLCAN DE KILAXÉA 

AUX ILES SANDWICH 1 . 

Le volcan de Kilanéa, à Ilawaï, présente l'aspect 
d'un vaste abîme noirâtre ayant 12 milles de circon- 
férence et i ,000 pieds de profondeur. La plus grande 
partie du cratère est un lac de pierre formé par des 
couches de lave antique ayant d'innombrables cre- 
vasses desquelles s'échappent des nuages de fumée, 
et dont le centre ressemble à un énorme remblai 
ayant 1 mille 1/5 de tour et à peu près 200 pieds de 
haut, lequel lance à tout instant des colonnes de fu- 
mée, ce qui le fait regarder comme la chaudière du 
lac du Sud. 

Voici, d'après le Times, le récit d'une descente 
dans le cratère, récemment opérée par des explora- 
teurs : 

Le chemin, ou mieux, le sentier nous fit d'abord 
sillonner une pente rapide, couverte de fougères, de 
fraisiers, d'ohelas et de buissons d'o/u'a. Et cela sur 
les bords de ravins profonds ou entre deux abîmes 
bordés d'énormes rocs de lave tombés du sommet 
du cratère. Ensuite nous descendîmes une rampe 
d'escaliers formes par des perches et de la terre et 
qui se développaient au-dessus et autour d'arêtes ro- 
cailleuses et sablonneuses se prolongeant eu forme 
de caps et de promontoires jusqu'à la mer de lave 
noiràlre qui se trouvait au fond. 

Là, nous nous arrêtâmes, écoutant avec soin les 
échos que nous renvoyaient les gorges supérieures 
quand nous frappions les rochers de no» bâtons. 

Nous fîmes alors l'expérience de frapper sur le 
sol ; le son produit nous parut si creux et si vide, 
que nous nous hâtâmes de nous lendre sur un ter- 
rain plus solide ; mais le guide nous fit observer que 
nous aurions à marcher pendant trois ou quatre heu- 
res sur une croûte peu épaisse au-dessus du feu et 
de la lave. Il nous fut aisé de vérifier le fait, car en 
avançant nous rencontrâmes des crevasses formées de 
pierres blanches et jaunâtres que nous ne pouvions 
toucher, tant elles étaient brûlantes, et d'où s'échap- 
paient des nuages de fumée, des masses gazeuses en- 
flammées et des torrents d'acide sulfureux. 

La lave, à ce moment, se montrait sous les formes 
les plus fantastiques. En quelques endroits d'épaisses 

1 Yoy. Table du i" semestre 4874 : les Iles Sandwich. Le 
récit que nous publions aujourd'hui 8 été publié parle Times 
il traduit par le Journal officiel. 



vagues de love récente étaient venues se superposer 
aux vieilles couches, pénétrant dans toutes les cre- 
vasses et dans tous les ravins, se répandant sur les 
faces des rochers en forme de cascades de goudron, 
et se suspendant en festons pétrifiés et en stalactites 
le long des fissures laissées ouvertes par le tremble- 
ment de terre de 1868. 

La lave la plus récente a un lustre métallique à 
sa surface, tandis que la plus ancienne est noire 
ou d'un gris épais, tel qu'on ne le rencontre pas ail- 
leurs dans le monde. 

Nous nous assîmes un instant pour bien examiner 
cet étrange spectacle, mais nous éprouvâmes bientôt 
une chaleur qui nous obligea à changer dû place. En 
regardant au fond du trou qui était très-large et ta- 
pissé de pierres rouges et brûlantes, nous vîmes le 
loyer des flammes, et nous entendîmes ce grondement 
particulier qui caractérise la rage sourde des feux 
souterrains. 

Le guide commença alors à tracer le chemin avec 
une grande attention, car nous nous trouvions près 
des bords de la chaudière, et nous marchions sur 
l'étroite surface des fournaises en cbullition. Enfin, 
nous arrivâmes au centre même du cratère. 

Nous étions sur les bords d'un lac irrc'gulier d'un 
feu liquide tout bouillonnant, roulant, se mouvant 
en roulis d'un bord à l'autre, répandant une chaleur 
constamment croissante, et lançant de vastes colonnes 
de fumée. 

Le fond des ravins était frangé de flammes et il 
semblait à tout instant que les rochers allaient se 
précipiter dans le lac enflammé. La lave qui en for- 
mait le rivage ressemblait à du sang, comparée avec 
les rochers noirâtres qui se trouvaient au-dessus. 
Une cascade de feu semblait se livrer, au fond du lac, 
aux ébats les plus étranges; elle bouillonnait, se 
roulait sur elle-même, laissant échapper des jets de 
lave ardente, dispersant autour d'elle des rayons en- 
flammés. 

Alors elle sembla s'affaisser pour un instant et le 
lac parut laisser refroidir à la surface une épaisse 
croûte grise et noirâtre ; mais bientôt il se souleva 
de nouveau vers le centre et fit jaillir une colonne de 
feu à trente à quarante pieds de haut, qui joua pendant 
quelques minutes comme une fontaine colossale, 
lançant de tous côtés des blocs de iave, poussant ses 
vagues enflammées contre les rochers avec un bruit 
qui ressemblait à celui du ressac sur un rivage ro- 
cailleux, bruit indescriptible et diabolique. C'était le 
bruit d'une merde feu en fureur. 

Pendant ce temps une partie de la falaise rocheuse 
s'était précipitée dans le lac, qu'elle avait partagé en 
deux, la partie méridionale, plus éloignée de nous, 
étant restée la plus remuante. 

De temps en temps, le vent qui soufflait avec une 
certaine force, portait la fumée jusqu'à notre visage, 
ce qui nous obligeait à tousser et à subir les symptô- 
mes de l'étranglement. 

L'endroit où nous nous trouvions était tellement 
échauffé, que nous étions obligés de nous mouvoir 



LA NATURE. 



103 



continuellement, pour ne pas exposer nos pieds à 
être brûlés, et la chaleur était partout si intense 
qu'il fut impossible de tenir nos mains sur le rebord 
d'une crevasse pendant plus de quelques secondes. 

Au-dessous de nous Li scène changeait à tout in- 
tant ; tantôt une vague enflammée se roulait sous la 
falaise et brisait contre les rochers sa croûte rougeà- 
tre; tantôt elle revenait sur elle-même et roulait de 
nouveau dans le lac, jusqu'à ce qu'elle fût redevenue 
une masse de feu liquide, bouillonnant en cascades 
sans cesse agitées, ou rejetant an dehors des rayons 
de feu épais de trente à quarante pieds de liant. Il 
n'y avait pas de flammes, c'était une matière liquide 
chauffée à rouge ou à blanc, ressemblant au fer 
fondu de nos fonderies. 

D'ailleurs, ce lac change constamment; au mo- 
ment de notre visite, il avait à peu près une étendue 
de trois à quatre arpents, sa surface étant de cent 
vingt pieds au-dessous du sommet de la falaise. 

Des masses énormes de rochers tombent sans cesse 
dans le fond du cratère, et il y a un danger réel et 
constant pour les visiteurs qui se tiennent trop près 
de ses bords. Quelques jours avant notre visite, 
d'autres curieux avaient eu tout juste le temps d'é- 
viter, en courant, d'être écrasés on précipités dans 
l'abîme par des rochers échappés du sommet et rou- 
lant avec fracas dans les profondeurs. 

Nous restâmes à peu près trois heures en face de 
ce lac brûlant, examinant toutes ses évolutions en- 
flammées, ses éclairs bouillonnants et ses cascades de 
lave, puis, après ramassé une quantité de débris, 
nous revînmes péniblement sur nos pas. 



>0< 



LES PLANTATIONS URBAINES 

La ville de Paris a 7,802 hectares compris dans 
l'enceinte des fortifications. Si le tiers de cette 
surface, soit 2,600 hectares, était couvert d'arbres, 
l'assainissement atmosphérique déterminé par les 
végétaux compenserait la vieiatioo déterminée par 
7,800 habitants. Ce serait là peu de chose pour une 
population de 1,800,000 habitants, sans compter les 
animaux domestiques, les foyers industriels, les ate- 
liers, etc. En comprenant ces divers lieux on trou- 
verai', qu'il faut une forêt de 600,000 hectares pour 
compenser laviciation atmosphérique produite parla 
ville de Paris 1 . 

La plantation des squares, jardins publics, pro- 
menades el avenues, ne couvre qu'une surface de 
752 hectares; c'est donc à peu près 600,000 bec- 
tares qu'il faudrait planter pour arriver à l'équi- 
libre dont nous parlons. Ce serait là un travail 
gigantesque que personne ne songe à réaliser. Mais 

1 11 est bon dn faire remarquer ici que l'air d'une grande 
ville est sans cesse renouvelé par le mouvement dus courants 
aériens, et que la quantité d'acide carhonique contenue dans 
l'atmosphère de Paris est extrêmement petite malgré ses 
nombreuses sources de production. 



à défaut de celte entreprise on ne saurait trop 
préconiser la création des squares ou jardins pu* 
blics, que par métaphore on peut regarder comme 
les poumons d'une ville, et dont les boulevards et 
avenues plantés seraient les artères. Plus ces pou- 
mons sont vastes, plus la respiration est grande et 
facile. 

Si l'on jette un coup d'œil sur le plan de Paris, 
m remarque que les squares ont été disséminés dans 
un but bien déterminé. Chaque arrondissement, sauf 
deux ou trois, possède un jardin public important 
d'où le plus souvent partent des avenues plantées 
d'arbres. Il reste donc, pour accomplir cette œuvre 
de haute humanité, la création de squares ou jardins 
publics dans chaque quartier. Et en cela la ville de 
Paris ne ferait qu'acte de justice en créant de nou- 
veaux jardins pour remplacer ceux qu'elle a détruits, 
tels que Idulie , Marbceuf, Tivoli, Beaujon, etc. 
L'exemple qu'a donné Paris a été suivi par bien 
' des villes en France: Lille, Marseille, Nice, Lyon, 
Bordeaux, etc., possèdent aujourd'hui plusieurs 
squares. Les capitales de l'Europe elles-mêmes sont 
fières de leurs promenades: Londres monlre Grcen- 
wieh-Park , Hyde-Park, Regent's-Paik; Yienne, le 
IVater ; Rome, la villa Borghèse ; Saint-Pétersbourg, 
l'île de Jelaghium ; Berlin, le Thiergarten. 

La création des squares parisiens n'est pas non 
plus sans avoir exercé une heureuse influence sur la 
diminution de la mortalité de la capitale, qui n'est 
plus que de 1 sur 39 habitants, au lieu de 1 sur Si- 
habitants qu'elle était il y a quelques années. 

Placés en bordure sur les trottoirs, les arbres en- 
tretiennent par leur feuillage l'humidité, condition 
favorable pendant les chaleurs. Ils soutirent i'eaudti 
sol, par leurs spongioles, la décomposent et s'en assi- 
milent les parties organiques pour augmenter leur 
accroissement. Toutefois, il faut agir avec discerne- 
ment et ne pas planter les arbres trop près des habi- 
tations, car alors ils donnent de l'humidité aux murs 
et interceptent l'air et la chaleur du soleil. Aussi un 
espace de 10 mètres au moins devrait-il séparer les 
arbres des maisons, au lieu de 5 mètres qui est la 
distance réglementaire. 

Il est aussi à remarquer que beaucoup de nos 
arbres d'alignement dépérissent par les émana- 
tions de l'asphalte, du gaz ou des industries dont 
ils sont proches, ou de l'altération causée par 
des insectes. Ne pourrait-on aussi en changer les 
espèces et planter des essences aromatiques qui 
contribueraient à favoriser l'hygiène publique 1 
Considérations prises du sol, en place du platane, de 
l'orme, du marronnier, ne pourrait-on employer 
sur une plus grande échelle le tilleul argenté dont 
les émanations produisent de si bons effets ? Les 
pétrocaryas, les aulnes, certains saules rempliraient 
un rôle analogue. 

De pareils essais ne devraient-ils pas être tentés, au 
lieu de transformer des squares déjà existants? Ce 
serait un meilleur emploi des fonds publics, et. toutes 
ces modifications bien entendues ne contribueraient 



i04 



LA XATURÎ 



pas peu à mériter la qualification que donnait à Paris 
François I er : « La citéreyne de l'Lurope 1 . » 

F. Barillet. 



LES PHARES DES ÉTATS-UNIS" 

Toutes les nations maritimes du monde civilisé 
construisent des phares sur le littoral qui leur ap- 



partient. Les États-Unis de l'Amérique du Nord ont 
commencé d'éclairer leurs côtes, il y a longtemps 
déjà, car un acte du Congrès, en date du 7 août 1789. 
portait que les dépenses d'établissement et d'entre- 
tien des phares, bout' es et balises, placés sur les cô- 
tes ou à l'entrée des baies et des ports, seraient doré- 
navant à la charge du Trésor fédéral, à la seule 
condition que chaque Élat céderait gratuitement à 
l'Union la propriété des terrains où des travaux de 




Phare de la pointe Bergen, New-Jersey. 



cette nature seraient exécutés. Les phares dépendent 
donc directement de l'autorité fédérale. C'est l'un 
des rares services publics qui soient centralisés aux 
États-Unis. 
Sans doute les Américains du Nord qui possédèrent 

1 Revue horticole. 

* Yoy. les Phares américains, Table des matières du 1"' sè- 
mes t«e 1874. 



toujours une marine marchande importante, étaient 
les premiers intéressés à signaler les écueils de leur 
littoral ; ils n'en méritent pas moins d'être loués 
d'avoir si bien compris les devoirs que l'humanité 
impose à tous les États maritimes ; d'autant plus 
qu'ils eurent longtemps des voisins qui vivaient sans 
honte de la dépouille .des naufragés. Aux îles Ba- 
hama, par exemple 7 la population s'adonnait ouverte- 



LA NATURE. 



10> 



meut à cette sorte 
de piraterie. Quand 
on apercevait le soir 
un navire sur la 
haute mer, on avait 
soin d'allumer des 
feux pendant la 
nuit, en sorte que 
les malheureux na- 
vigateurs , trompés 
par ces faux signaux , 
se jetaient sur les 
récifs. Par un raffi- 
nement de barbarie, 
ces pillards s'effor- 
çaient d'imiter les 
signaux en usage 
dans les phares. 
Ainsi en faisant tour- 
ner en rond un che- 
val à la queue du- 
quel ils attachaient 
une lanterne , ils 
reproduisaient assez 
bien les éclats varia- 
bles d'un feu tour- 




Phare <Jc la pointe Royes, côle du Pacifique. 



liant. — L'éclairage 
des côtes est orga- 
nisé aux États-Unis 
tout à fait comme 
en France. Un co- 
mité do savants, de 
marins et d'ingé- 
nieurs, sous l'auto- 
rité supérieure du 
secrétaire d'Etat des 
finances, donne son 
avis sur tout ce qui 
est à faire. Ce co- 
mité est présidé en 
ce moment par le 
professeur Henry , 
secrétaire de l'In- 
stitut smithsonien. 
Les appareils à feux 
fixes ou tournants 
sont construits d'a- 
près les principe? 
posés par notre com- 
patriote Fresnel , 
dont les admirables 
inventions sont ré- 




Phare Je Clcvcland, lac Érié. 



Pliaro ds la Trinilé, golfe du Mexique. 



400 



LA NATURE. 



ptiiidu.es, ou peut le dire, dans le monde entier. Les 
tours qui supportent les fanaux ressemblent aussi 
Leaucoup aux nôtres, sauf que les Américains, par 
une tendance naturelle de leur esprit, emploient les 
constructions en fer plus souvent que nous. 

Au mois de septembre 1872, il y avait sur le lit- 
toral de l'Union 573 phares, 22 bateaux-fanaux, 55 
signaux acoustiques mis eu œuvre par des machines 
à vapeur ou à air chaud pour les temps de brouillard, 
554 balises et 2,762 bouées. Les gardiens de phare 
étaient au nombre de 809. L'ensemble de ce service, 
disséminé sur des milliers de kilomètres de côte, 
était réparti entre treize ingénieurs dont chacun est 
responsable dans 1 étendue de sa circonscription. 

Les côtes des Etats-Unis se divisent naturellement 
en quatre régions qui diffèrent beaucoup par l'aspect 
physique. 

Il y a d'abord la région septentrionale du Saint- 
Laurent et des lacs où la navigation est interrompue 
pendant l'hiver. Les phares s'éteignent au premier 
janvier et ne se rallument qu'à la débâcle des glaces. 
Le phare du Cleveland, sur le lac Krio, est un spc:ci- 
men des constructions massives qu'exige dans cette 
contrée la rigueur du climat. 

La côte de l'Atlantique, depuis l'Etat du Maine 
jusqu'à la Floride, est découpée, comme on sait, par 
de larges estuaires à l'intérieur desquels se trouvent 
les principaux ports. C'est la partie du littoral la plus 
fréquentée par la marine et qu'il importait le plus 
de bien éclairer. Le phare de la pointe de Bergen, 
daus le New-Jersey, appartient à cette région. 

Dans le golfe du Mexique, la côte est plate ; les 
phares ont été souvent construits en pleine mer sur 
des bas-fonds que la marée recouvre. Dans ce cas, les 
Américains ont eu recours volontiers à de légères 
constructions en tôle et fer. La douceur du climat 
permet ces édilices que les froids rigoureux du Nord 
rendraient probablement inhabitables. 

Enfin la côle du Pacifique présente un aspect tout 
différent. Elle est droite, rocheuse, généralement 
très-escarpée. C'est à peine s'il y existe deux ou trois 
ports en outre de la magnifique baie de San Fran- 
cisco. Comme elle est d'ailleurs fort brumeuse et que 
les brouillards se maintiennent à une faible hauteur 
au-dessus du niveau de la mer, la préoccupation prin- 
cipale des ingénieurs a été de placer les phares le 
plus bas possible. Le phare de la pointe Heyes est un 
petit édifice situé sur une falaise à 100 mètres au- 
dessus des flots. Si le temps est clair, on aperçoit ses 
feux à 24 milles en mer ; mais cela arrive rarement. 
Pour les temps débrouillard, il y a un sifflet à va- 
peur qui prévient les navigateurs de l'approche de 
cette côte inhospitalière. 

Les États-Unis ont déjà consacré plus de 120 mil- 
lions de francs aux travaux de phares et balises. Ce- 
pendant, le littoral de 1 Union est tellement étendu 
que l'œuvre est encore loin d'être complète. Aussi le 
Congrès, dans l'une de ses dernières sessions, 'a-t-il 
voté des fonds pour la construction de quarante nou- 
veaux phares et de dix appareils acoustiques. Ce sont 



des dépenses utiles dont tous les marins du globe 
leur doivent être reconnaissants 1 . H. Blerzy. 



LES 



SUPERSTITIONS RELATIVES AUX COMÈTES 

Pour se rendre compte des progrès de l'esprit hu- 
main dans les derniers siècles, il est bon de faire 
remarquer que l'apparition de la comète Coggia n'a 
été signalée par aucune prédiction burlesque, aucune 
tentative d'horoscope. Il n'y a pas encore deux cents 
ans que l'Académie des sciences de Paris s'est servie 
d'un de ces astres pour adresser dos flatteries à 
Louis XIV. Cassini fit remarquer que la comète de 
1652 avait fait son apparition pendant les fêtes delà 
naissance du duc de Bourgogne. C'était évidemment 
d'un favorable augure puisque le grand Kepler avait 
aperçu la comète de lo76 dans des circonstances 
analogues. 

Les astrologues n'avaient pas sur 1rs r,ornMes une 
opinion aussi fortement arrêtée que le raisonnement 
de Cassini pouvait le faire croire. La présence d'une 
comète dans un horoscope annonçait purement et 
simplement une série d'événements extraordinaires. 
L'influence de ces corps célestes, comme celle des 
planètes ou des constellations, était susceptible de 
deux sens, un bon ou un mauvais, ce qui, comme 
on le voit, donnait une grande latitude au prophète. 
Les comètes étaient distinguées aussi en deux classes, 
celles qui avaient un mouvement diurne, et celles 
qui avaient un mouvement rétrograde. Ces premières, 
comme celle de M. Coggia par exemple, ne pouvaient 
rien changer au cours naturel des choses. Il n'en 
était pas de même des secondes. 

Les astrologues attachaient une grande importance 
au nom des constellations près desquelles les cor 
mètes faisaient leur apparition et aux constellations 
zodiacales qu'elles traversaient. Les comètes se mon- 
trant dans le voisinage du pôle boréal étaient surtout 
importantes pour les princes, les rois, les papes, les 
empereurs. 

Au moyen âge on n'aurait pas manqué de ratta- 
cher à la comète Coggia l'apparition du manifeste du 
comte de Chambord. On aurait pu le faire avec au- 
tant de droit que de rapprocher la comète de l'iG-i 
de la mort du pape Urbain IV. 

Si la comète de 1556 agit assez vivement sur l'es- 
prit de Charles-Quint, pour le décider à se retirer 
dans un couvent, c'est qu'on avait rapproché la mort 
de sa tante Marguerite, et de son graud-père Ferdi- 
nand, d'apparitions analogues. L'astrologie était alors 
dans tout son éclat. 

Tous les peuples qui vivent actuellement à la sur- 
face de la terre ne sont point aussi débarrassés de ces 
idées superstitieuses ; ainsi un télégramme inséré 

1 Le Harper's Magazine de New- York a consacré un long 
article aux phares américains; nous empruntons à co journal 
les documents de nos illustrations. 



LA NATURE. 



107 



dan? le Times, du 6 juillet, nous apprend que l'ap- 
parition de lu comète Coggia a produit à Calcutta une 
émotion profonde. En Chine, cet astre doit vivement 
préoccuper los astrologues de l'Élat et provoquer de 
sérieuses délibérations de la part des conseillers de 
l'Empereur. 

A côté de ces superstitions que nous pouvons ap- 
peler religieuses, il couvieut de ranger les supersti- 
tions physiques. Un travail très-curieux serait de 
donner la liste complète des influences matérielles 
que l'on a, à différentes époques, attribuées aux co- 
mètes. 

Il faudrait pour cela parcourir les ouvrages de 
Gregory, de Sydenbam et des autres rêveurs qui ont 
subordonné à l'influence de ces astres les événements 
les plus bizarres et les plus insignifiants. On a été 
jusqu'à en rapprocher une pluie de cendres, une ap- 
parition de sauterelles, la singulière épidémie de l'an 
590 où l'on mourait en éternuant, et la mort 
soudaine de presque tous les chats qui habitaient la 
province de Wcstphahe. Passe encore pour les trem- 
blements de terre, et les éruptions volcaniques qui 
pourraient être produites, à la rigueur, par des attrac- 
tions, mais il resterait à démontrer qu'il en est ainsi. 
Les auteurs ont varié, autant que les purs astrolo- 
gues, sur les influences climatologiqucs qu'ils ont 
attribuées aux comètes. Les uns ont cru qu'elles ame- 
naient de l'humidité, et les autres de la sécheresse. 
Us peuvent tous avoir raison, mais il est encore pos- 
sible qu'ils aient tort les uus et les autres ; on ne 
possède point les éléments d' une discussion scientili- 
que sérieuse. 

Il est bon de noter, mais à l'état de simple ren- 
seignement, que la visibilité de la comète Coggia a 
coïncidé avec l'entrée dans une période de fortes cha- 
leurs. Mais ce qui rend l'étude difficile, c'est que les 
chaleurs que nous traversons actuellement sont arri- 
vées à une époque normale- 

Les comètes sont également utilisées par les théo- 
logiens pour expliquer des faits embarrassants. Ainsi 
l'éclipsé de la Passion, qui a eu lieu pendant une 
pleine lune, aurait été produite par une comète ve- 
nant nous cacher le soleil. Le célèbre Whilton pense 
que le déluge a été produit par le choc d'une comète 
contre la terre; il a même calculé l'orbite de cet 



>♦< 



LES NOUVEAUX SYSTEMES 

DE TÉLÉGRAPHIE ÉLECTRIQUE 

(Suite. - Voy. p. 27.) 
LES APPAREILS IMPRIMEURS. — LC TÉLÉGRAPHE HUGUES. 

L'appareil Morse traduit la dépèche par des signaux 
de convention, qui ne ressemblent point à récriture 
usuelle. On a demandé au télégraphe imprimeur de 
réaliser tout entière l'idée de Guitenberg, de là sont 
venus les typo-télégraphes. 



Les appareils de ce genre comportent essentielle- 
ment : 

1° Une roue tournant en face d'une bande de pa- 
pier et portant en relief tous les caractères de l'al- 
phabet, imprégnés d'encre par le frottement contre 
un tampon humide ; 

2° Un marteau qui agit au moment où la lettre a 

imprimer a pris la position convenable, et qui presse 

soit la roue sur le papier, soit le papier sur la roue. 

Cet organe porte Ordinairement le nom de roue 

des types et le marteau celui de levier imprimeur. 

La roue peut être mise en mouvement à distance 
par des courants successifs et on peut l'arrêter dans 
les positions convenables de la même manière qu'on 

! arrête l'aiguille d'un cadran. Quand elle est ar- 

I rètée pour l'impression d'une lettre, il faut qu'un 
courant différent des autres, soit par sa nature, soit 

I par son intensité, vienne déclaucher le levier im- 
primeur. Les appareils construits d'après ce prin- 
cipe s'appellent appareils imprimeurs à échappe- 

I ment. 

11 y a une autre solution. Un peut concevoir deux 

' roues semblables tournant aux deux extrémités d'une 
ligne, de telle manière que leurs caractères se trou- 
vent toujours semblablcment placés. L'olïicedu cou- 
rant se borne alors à faire marcher le levier impri- 
meur, quand la lettre à imprimer a été amenée en 
lace de lui. Les appareils de cette seconde catégorie 
peuvent être nommés appareils imprimeurs à mou~ 
ventent synchronique. 

Les premiers sont plus simples, les seconds per- 
mettent uiie transmission plus rapide. Nous indique- 
rons sommairement le principe des appareils à échap- 
pement, nous décrirons ensuite avec quelque détail 

! le plus perfectionné des appareils à mouvement syn- 
chronique, l'appareil Hughes. 

Si on se reporte à la ligure 1 , on y trouvera les or- 
ganes fondamentaux d'un imprimeur à échappement, 
li'électro-aimant E fait tourner la roue à rochetu et 
la roue des types II fixée au même axe. Les carac- 
tères frottent en tournant contre un tampon r im- 
prégné d'encre. V est Félectro-aimant imprimeur, h 
le petit marteau qui presse le papier contre la roue 
des types. On voit enlin en île mécanisme qui sert à 
faire avancer h; papier d'une longueur constante pour 
chaque lettre imprimée, le papier passe entre deux 
laminoirs dont l'un tient à une roue dentée; cette 
roue, dont le mouvement est commandé par le cli- 
quet i, avance d'un cran pour chaque oscillation du 
levier imprimeur. 

La lenteur de la transmission, dans ce genre d'ap- 
pareils est due au grand nombre d'émissions de cou- 
rant qui est nécessaire pour passer d'une lettre à une 
autre. Cet obstacle est habilement tourné dans l'ap- 
pareil Hughes qui frappe la lettre à imprimer, poul- 
ain si dire au vol, c'est-à-dire au moment où suivant 
la rotation de la roue des types, elle pusse à un re- 
père lîxe. 

Les figures 2 et 3 représentent en perspective et 
eu plan l'appareil Hughes. 



108 



LA NATURE. 



La dépêche est en quelque sorte jouée sur les tou- 
ches d'un clavier portant les lettres de l'alphabet et 
correspondant à des goujons disposés circulairement 
sous le disque N. Un poids attaché à la roue Z sert de 
moteur et transmet 
le mouvement par 
les mobiles 1 et 3 à 
trois axes distincts. 

Sur l'un de ces 
axes est fixé la roue 
des types IL 

Le second axe , 
qui constitue le ma- 
nipulateur, est ver- 
tical et porte un le- 
vier horizontal ou 
chariot g , qui se 
meut avec la même 
vitesse angulaire 
que la roue des types 
au-dessus du disque 
N. Ce disque est 
percé de trous à tra- 
vers lesquels pas- 
sent les goujons qui 
sont en relation avec le clavier. Ces goujons sont re- 
liés au pôle de la pile et le chariot au fil de la ligne. 
Quand on abaisse une touche, le goujon correspon- 




Fig 1. — Type des appareils à échappement. 



dant se soulève, et au moment où il est rencontré 
par le chariot envoie un courant au poste correspon- 
dant. 
Le troisième axe qui reçoit bon mouvement de la 

roue Z est l'axe P, 
destiné à produire 
l'impression; il 
n'est mis en mou- 
vement qu'au mo- 
ment où le courant 
traverse l'électro- 
aimant. Il porte des 
cames dont l'une 
soulève un petit 
marteau cylindrique 
et l'applique contre 
la roue des types. 

Lemouvementdu 
marteau impri- 
meur, étant inter- 
mittent, devrait 
troubler ceux de la 
roue, des types et 
du chariot ; mais cet 
effet est évité par 
l'addition d'un volant v, qui emmagasine la force 
vive, et d'un régulateur à lame vibrante */. 

L'impression a lieu d'ailleurs au punit de (b'part 




Fis 2 — Appareil Hughes. 



comme au point d'arrivée, de telle sorte que les deux 
appareils restent toujours dans les mûmes conditions 
mécaniques. 

Mais il faut, comme il a été dit précédemment, 



des dispositions spéciales pour que le synchronisme 
puisse êire maintenu entre les mouvements des deux 
roues des types, car de très-légères différences accu- 
mulées à chaque tour finiraient par produire un dé- 



LA NATURE. 



100 



saccord. Pour éviter cet inconvénient, la roue des 
types n'est pas calée sur son axe, elle peut se dépla- 
cer sur elle-même au moment où l'axe imprimeur 
soulève le marteau. Une came spéciale s'engage en- 
tre les dents d'une roue F, dite roue correctrice, 
qui tient à la roue des types, et fuit avancer ou recu- 
ler celte dernière, sans rompre sa liaison avec le 
rouage moteur de façon à placer le caractère juste en 
face du marteau. La concordance entre les deux ap- 
pareils se trouve ainsi rétablie à chaque impression 
pourvu que l'écart ne dépasse pas la moitié de l'es- 
pace qui sépare deux lettres. Les deux appareils 
tournant synchroniquement, il peut 
arriver telle circonstance accidentelle 
qui rompe l'accord. Il importe qu'on 
puisse le rétablir sans arrêter le mo- 
teur aux deux stations, car le mouve- 
ment n'est régulier et uniforme qu'au 
bout de quelques instants. Pour obte- 
nir ce résultat, la roue des types peut 
être arrêtée isolément dans une posi- 
tion fixe, au moment où le caractère 
qui correspond au blanc se trouve au- 
dessus du mar- 
teau ; le pre- 
mier courant 
qui arrive alors 
dans l'élcctro- 
aimant met la 
roue en prise, 
avec le moteur. 
On a soin de 
commencer 
chaque trans- 
mission par l'a- 
baissement de 
la touche du 
blanc; les roues 
des deux sta- 
tions se trou- 
vent alors par- 
tir du même 
point. 

L'électro - ai- 
mant A.A, qu'emploie M. Hugues, diffère sensible- 
ment des électro-aimants ordinaires. M. Hughes se 
sert d'un aimant permanent en fer à cheval, dont 
chaque branche est surmontée d'un cylindre de fer 
doux entouré de fil recouvert; à la partie supérieure 
de ce système vient, s'appliquer une petite armature 
de fer doux a, qu'un ressort de rappel a' tend à rele- 
ver. Lorsque aucun courant ne passe dans les bobines, 
l'armature est maintenue abaissée parle magnétisme 
dû à l'aimant permanent; mais, si un courant tra- 
verse le fil des bobines, de manière à y développer 
une aimantation contraire à celle de l'aimant, l'arma- 
ture a devient libre, et, obéissant à son ressort a', 
vient soulever le levier 6B, et faire ainsi agir le 
mécanisme imprimeur. 

Les principaux organes de l'appareil Hughes ains 




l'.y. 3. — Appareil Hughé*. — Projection horizontale. 



décrits, on peut en concevoir le jeu d'une manière 
géuérale. On voit comment deux chariots se meuvent 
synchroniquement aux deux stations ; on comprend 
comment une touche abaissée au départ peut soulever 
un goujon, envoyer un courant sur la ligne et pro- 
duire l'impression à l'arrivée. 

Jusqu'ici nous n'avons parlé que de la transmis- 
sion des lettres, mais l'appareil Hughes imprime aussi 
les chiffres et un certain nombre de signes conven- 
tionnels comme les signes de ponctuation. M. Hughes 
est arrivé à ce résultat par une disposition ingénieuse 
sans porter au delà de vingt-huit le nombre des tou- 
ches de l'appareil. Le nombre des dents 
de la roue correctrice reste également 
xé à vingt-huit. Mais la roue des types 
est partagée en cinquante-six divisions; 
celles de rang pair portent les lettres, 
celles de rang impair portent les chiffres 
et les signes divers qui sont inscrits sur 
le clavier (fig. 3). Ainsi, à côté de cha- 
cune des lettre»!, est placé sur la roue le 
chiffre ou le caractère inscrit sur la 
même louche du clavier. La roue, dans 

son jeu ordi- 
uaire , tourne 
toujours par 
fraction de ,',- 
de tour et ainsi 
une lettre suc- 
cède à une let- 
tre ; mais , à 
certains mo- 
ments, on peut 
par une ma- 
nœuvre spé- 
cule, la dépla- 
cer de - 5 f g de 
tour; on passe 
alors à la série 
des chiffres et 
des signes, et, 
tant qu'on y 
reste , ce sont 
les chiffres et 
les signes qui viennent se placer en face du mar- 
teau. Une manœuvre analogue permet de revenir à 
la série des lettres. 

On livre au public les bandes mêmes sur lesquelles 
a eu lieu l'impression. Ces bandes sont coupées en 
fragments de longueur convenable et collées sur une 
feuille de papier. Nous ne croyons pas devoir donner 
le spécimen d'une transmission avec ce genre d'ap- 
pareil ; tout le monde a reçu aujourd'hui des télé- 
grammes de cette nature. 

Sur les lignes de 400 à 500 kilomètres, on peut 
passer jusqu'à 55 à 60 dépêches de vingt mots par 
heure; l'appareil Morse fournit à peu près la moitié 
de ce nombre. Ch. Bo^eups. 

— ï.a suite prochainement. — 



HO 



LA NATURE. 



CHRONIQUE 

Les orages du %8 juin, dans le midi de la 
France. — La ville de Montpellier a eu particulièrement 
a souffrir de cette grande perturbation atmosphérique. 
Les éclairs se succédaient si rapides, que pendant une par- 
tie de la nuit, l'atmosphère ;i été sillonnée d'une manière 
continue par une lueur sinistre et blafarde. Le tonnerre 
grondait avec un véritable fracas. Les paratonnerres de 
l'église Sainte-Anne et de la préfecture ressemblaient de 
loin à des sillons électriques enflammés. Une véritable 
trombe de grêle a pris en écharpo la ville du nord-ouest au 
sud-est. Depuis de longues années, dit l'Union nationale, 
nous n'avions pas vu un pareil ouragan. Les dégâts sont 
immenses. Un nombre considérable de toitures et surtout 
de couvertures vitrées sont dans le plus déplorable état. 
Parti, vers onze heures, do l'arrondissement de Saint- 
Pons, l'ouragan passait, à ouïe heures et demie, au nord 
de Uéziers, puis s'infléchissait, à minuit, sur la lisière 
de celui de Lodève. Le là il atteignait l'arrondissement 
de Montpellier, qu'il visitait de minuit et demi à une 
heure, pour aller s'éteindre, entre une et deux heures, dans 
le département du Gard. La grêle n'est tombée qu'en pe- 
tite quantité à Nîmes, mêlée à une pluie diluvienne. La 
veille, un orage semblable traversait le département des 
Hautes-Pyrénées. L'Ère nouvelle, de Tarbcs, nous apprend 
que plusieurs communes des cantons de Vie, Ilabastens, 
Pouyastrucct Tournay ont été fort maltraitées parla grêle, 
ïarhes et les localités environnantes ont eu également à 
souffrir du fléau. La grêle est tombée en telle quantité à 
Tarbes, que c'est par pelletées qu'on la poussait des trot- 
toirs sur la chaussée des rues. M. Gh. Martins, qui a décrit 
l'orage, dit que quelques-uns de ces grêlons étaient gros 
comme des noix.. Dimanche matin, on pouvait voir encore 
les jardins et les promenades publiques jonchés de bran- 
ches et de feuilles d'arbres. Beaucoup de maisons, dont 
les façades sont tournées au sud-ouest, ont eu leurs vitres 
brisées. Nous donnerons dans notre prochaine livraison 
de plus amples détails sur ces grêlons. 

I,es orages et les coups de foudre des ©et ÎO 
juillet, a Paris. — On est entré, à partir du 9 juillet, 
dans une série d'orages qui ont considérablement gêné 
l'observation de la comète Coggia, au moment où elle of- 
frait le plus grand intérêt, car elle se rapprochait rapide- 
ment du soleil. A Paris les coups de foudre ont été nom- 
breux quoique les accidents aient été relativement insigni- 
fiants. La température s'était élevée jusqu'à 35", 7 à 
l'Observatoire national. Elle est descendue jusqu'à 19", 3 
moins de deux heurs après. La chute thermométrique pro- 
duite par cette première pluie a donc été de "16°,4, mais 
le rafraîchissement n'a été que temporaire. Le soir la tem- 
pérature était remontée à 25°. L'orage du 9 était accompa- 
gné d'une trombe de poussière soulevée par des vents 
tourbillonnants d'une grande énergie, et donnait à la ville 
de Paris l'aspect d'Alger en temps de eiroco. En moins 
d'une heure le vent qui soufflait du sud avait passé au 
nord, en prenant par l'ouest, où il est retourné avant le 
coucher du soleil. Le 10, au matin, il était au sud-ouest. 
La quantité d'eau tombée, pendant la première journée 
d'orage, a été de 1,000 hectolitres par hectare, soit de 
8 millions d'hectolitres pour la ville entière. La quantité 
d'eau tombée dans la soiré du 10 a été encore plus grande. 

Les coups de foudre qui ont accompagné l'orage du 9 
ont été nombreux mais à peu près inoffensifs. Le seul 
accident sérieux a été la paralysie temporaire d'une 



jeune fille renversée par un coup de foudre, dans l'avenue 
Bosquet, à 6 h. 20 m. I.a foudre est tombée, un peu avant, 
sur le n* 88 du boulevard de l'Hôpital, attirée sans doute 
par le voisinage de l'église qui n'a point de paratonnerre. 
Mais le fluide s'est borné à faire des dégâts insignifiants et 
à ramoner quelques cheminées. Des phénomènes de trans- 
port à distance ont été ronstatés. Des pierres détachées de 
la corniche ont été projetées dans la cour du n° f>2. La 
fille du concierge a été renversée, sans éprouver aucun 
mal, mais ses souliers ont été également enlevés et retrou- 
vés à quelque distance. 

La foudre est tombée en plusieurs endroits, me Groix- 
Nivert, n° 24, dans un débit de boisson, où elle a produit 
1a fusion d'une petite mesure de plomb. Un buveur qui 
portait un verre à ses lèvres l'a laissé tomber. 

Un autre phénomène de fusion a été observé dans un 
troisième coup de foudre, tombé rue Blaînville, 6, chez une 
marchande de ballons d'enfants. Un jet de gaz a été allumé 
à la suite de la fusion du plomb, et un commencement 
d'incendie, heureusement arrêté à temps, en est résulté. 

Suivant des on- dit, que nous n'avons pu vérifier, la fou- 
dre serait également tombée à la place Blanche. Ce qu'il 
y a de certain c'est qu'une rangée d'arbres du boulevard de 
Clichy porte des écorchures. L'écorce a été enlevée à tous 
sur une longueur assez grande. 

Ce phénomène de transport semble indiquer le passage 
d'une étincelle électrique dans le voisinage. La foudre se- 
rait tombée sur un camion du chemin de fer. 

lia mort d'un grand joueur d'échecs. — Le jeu 

d'échecs est si en honneur parmi les savants, que nous ne 
pouvons nous empêcher de dire quelques mots de regret à 
propos de la mort de M. Slaunton, un des champions de 
l'Angleterre. Ce rival de notre Philidor est né à Londres 
en 1810. lia reçu son éducation à Oxford. Quoiqu'il n'ait 
pas fini ses études et qu'il n'ait pas pris sc».i grades, il 
était très-populaire dans cette grande université. On lui 
doit une édition de Shakespeare, des mémoires sur 
Shakespeare, des corrections de passages falsifiés, etc., 
etc., it un ouvrage remarquable intitulé : les Grandes 
écoles anglaises. M. Slaunton devint célèbre dans toute 
l'Europe comme joueur d'échecs de première force, à la 
suite de ses victoires sur M. Saint-Amant. Ses publi- 
cations sur les échecs sont le Manuel du joueur d'échecs, 
publié en 1847, la Pratique des échecs, publié en 1800, 
et les Tournois d'échecs publié en 1852. C'est lui qui diri- 
geait la partie des échecs dans l'Illustrai ion anglaise depuis 
la fondation de cette feuille. Il essaya de publier des articles 
hebdomadaires dans Notes and Querries, sur ce sujet inté- 
ressant, mais les communications qu'ilrcçutdeses lecteurs 
furent si nombreuses, qu'il dut bientôt renoncer à son des- 
sein. 

Artillerie prussienne. *— L'Ostsee Zeitung annonce 
que le ministre de la guerre d'Allemagne a commandé à 
l'usine Krupp un canon à coin de 37 centimètres qui doit 
être l'ait avec le bloc d'acier pesant 52.500 kilogrammes 
que l'on a tant remarqué à l'exposition de Vienne. Ce nou- 
veau canon dit la Revue maritime sera du même calibre 
que le Krupp de 1 ,000 livres de l'exposition de Paris, mais 
il sera plus puissant et portera une charge de poudre plus 
de deux fois plus grande. Jusqu'à présent, le canon le 
plus fort de la marine allemande était de 24 centimètres, 
fabriqué pour le Kôntg Wilhelm; aucun des autres navires 
n'avait de pièces de plus de 21 centimètres. Les nouvelles 
frégate» Preussen, Grosser, Kurfûrst et Friedrich der 
Grosse doivent cependant êfre armées de canons de 2$ 



LA NATURE. 



111 



centimètres, et les deux frégates, actuellement en con- 
struction à Londres, porteront probablement du 28 cen- 
timètres. Ces dernières pièces (à l'exception du 1,000 
livres mentionné ci-dessus et actuellement à Kiel) sont les 
plus gros canons employas à la défense des côtes d'Allema- 
gne. L'Ostsee Zeitung remarque que ces canons, quoique 
bons dans un combat à courte portée, seraient tout à fait 
incapables de défendre un port contre lu bombardement 
de navires tels que lu Pierre-le-Grand des Russes ou le 
Fury et la Dévastation des Anglais, puisqu'ils sont incapa- 
bles de percer une plaque de 12 à 14 pouces à des distances 
de 1,000 à 1,500 mètres. Le nouveau canon de 37 centi- 
mètres, d'autre part, pourra percer une plaque de 15 
pouces à une distance de 2,000 mètres. 

Procédé de coiiserviUion des boln. — Le Scien- 
tific Anmican indique le procédé suivant qui donne, dit ce 
journal, d'excellents résultats: Prendre de l'huile de lin, 
la faire bouillir et y introduire du charbon de bois en pou- 
dre, jusqu'à ce que le mélange ait pris la consistance semi- 
pâteuse d'une peinture ordinaire. Préparer le bois sous la 
tonne qu'il doit conserver et y appliquer ensuite une seule 
couche de la peinture ci-dessus, la laisser sécher avant la 
mise en place. Le bois ainsi revêtu se conserve indéfini- 
ment, il est inaccessible à la pourriture. 



ACADÉMIE DES SCIENCES 

Séance du 13 juin 1874. — Présidence de M. Bbhtrasd. 

Angstrom. — M. Angstrom vient de mourir dans sa 
65" année. Il était professeur de l'Université d'Upsal et, 
seulement depuis quelques mois, associé comme correspon- 
dant à l'Académie des sciences de Paris. Son nom restera 
illustre, car Angstrom avait énoncé la théorie de l'inver- 
sion du spectre bien avant que M. Kircbhoff y fût arrivé 
lui même, pour en tirer, comme on sait, les applications 
les plus merveilleuses. Le physicien suédois a toujours su 
apporter dans l'étude de ces délicats phénomènes toute la 
précision que comporte la science la [dus élevée. Si son 
grand ouvrage : Étude du spectre normal du soleil est 
rangé au premier rang îles travaux de ce genre, ce n'est 
pas seulement parce que, au lieu des 450 raies connues 
jusque-là, on en trouve 2,000; c'est encore, et surtout, 
parce que l'auteur, sans reculer devant l'immensité de la 
lâche, a calculé la longueur d'onde de chacune de ces 
raies. 

Tonnerre en boule. — Les éclairs en boule ne sont pas 
assez fréquents pour qu'on néglige de les enregistrer, sur- 
tout lorsqu'ils viennent se faire voir en plein Paris. Jeudi 
dernier, -9 juillet, pendant l'orage que tous les Parisiens 
ont essuyé, le tonnerre en boule a exercé ses ravages dans 
la paisible rue des Postes. I)<s compteurs à gaz ont été 
brûlés et on a dû lutter contre un commencement d'in- 
cendie. 

Cristallisations électro-capillaires. — Avec une acti- 
vité que nous avons déjà tu l'occasion de faire admirer à 
nos lecteurs, M. Becquerel, le doyen des physiciens fran- 
çais, continue l'élude des actions électro-capillaires. On 
sait que ce nom s'applique aux réactions prenant naissance 
dans les pores mêmes d'une membrane qui sépare deux 
liquides mutuellement actifs. Dans ses précédents mémoi- 
res, l'auteur s'était surtout occupé des réductions métalli- 
ques. Aujourd'hui il élurlie la formation et la cristallisation 



de substances oxydées; rien n'est changé dans l'appareil, 
mais il faut choisir des corps dont le contact ne développe 
qu'une force électro-molrice relativement faible. La plu- 
part des oxydes métalliques ont été ainsi obtenus en petits 
cristaux ; 51. Becquerel cite surtout le protoxyde de man- 
ganèse dont la conservation est difficile, à cause de sa ten- 
dance à se sur-oxyiler. L'alumine cristallise très-bien et 
reproduit, par conséquent, le corindon naturel. En faisant 
réagir le plomhile de potasse sur le bichromate delà même 
base, on obtient du chromalo de plomb cristallisé. M. Bec- 
querel a même préparé ainsi trois chromâtes différents 
dont l'un n'est pas connu en minéralogie. 

Si l'on s'arrange de façon à ce que la force électro- 
motrice soit insensible, on obtient des corps plus com- 
plexes, rappelant ceux que SI. Frémy a obtenus anté- 
rieurement , par un dispositif très-analogue. Ce qui 
est remarquable, dans ce cas, c'est la tendance des cris- 
taux à prendre la forme aciculaire. On s'en rend compta 
en remarquant que chaque cristal commence par une 
membrane qui tapisse l'intérieur du pore de la membrane; 
cette sorte de tube s'allonge ensuite progressivement tout 
en restant creux. M. Becquerel a de semblables aiguilles 
de sulfate de chaux qui ont plusieurs décimètres de lon- 
gueur. 11 pense que le fait explique la formation dans 
l'organisme vivant des concrétions, calculs ou raphides, 
dont la structure est ou fibreuse ou en aiguilles. 

Mer algérienne. — L'Assemblée nationale va être saisie 
d'une proposition tendant à faire accorder un crédit de 
25,000 francs à l'étude du lac projeté de l'Aurès. M. de 
Lesseps est assuré que l'entreprise du capitaine Roudairc 
aura l'appui non-seulement du gouverneur de l'Algérie, 
mais au.*si du bey de Tunis, qui apprécie très-bien l'im- 
portance de l'entreprise, M. Le Verrier est d'avis que 
celle-ci doit être encouragée par tous les moyens et sans 
qu'on se laisse arrêter par les craintes de toute nature 
que ne manquent pas de répandre et d'entretenir les en- 
nemis jurés du progrès. On se rappelle combien il y eut 
à lutter, lors des études relatives au canal de Suez, contre 
ceux qui prétendt'iit que la mer Bouge avait un niveau de 
9 mètres supérieur à celui de la Méditerranée. Us en 
concluaient que, l'ouverture du canal ouvrait la route à une 
avalanche d'eau dont les effets seraient épouvantables. 
Tout compte fait, on a trouvé que les deux cours ont sen- 
siblement le même niveau. 

Pour la mer algérienne on a fait l'objection inverse, 
prétendant que le niveau de la Méditerranée difière à 
peine do celui du sol à inonder : il en résulte que le travail 
aurait simplement pour résultat un grand marais salant. 
Mais M. lloudaire a reconnu que la nouvelle mer aura 
27 mètres de profondeur et sera conséquemment parfai- 
tement navigable ; l'actif explorateur a pu du même coup 
dessiner sur la carte les rivages du futur lac. Sa longueur 
est de 100 lieues, sa largeur de 15. Il n'y aura qu'un 
très-petit nombre d'oasis submergées', 4 nu 5 millions 
suffiront pour eu indemniser les propriétaires. On peut se 
demander quelles seront, au point de vue général, les 
conséquences météorologiques de cette surface d'eau sub- 
stituée à la surface du désert. Sans aller ju r qu'à supposer 
que le climat de l'Europe en soit notablement alfecté (la 
nier ne donnant que 28 milliards do mètres cubes d'eau 
par évaporation) il faut bien reconnaître qu«, l'économie 
du pays lui-même sera profondément modifiée. On en a 
pour prouve ce qui s'est produit dans l'isthme de Suez où 
la pluie jadis absolument inconnue est maintenant fré- 
quente. Il est clair qu'il pleuvra aussi sur les rives de la 
nouvelle mer et les 80 mètres d'épaisseur de terre végé- 



12 



LA NATURE. 



laïc qu'on y voit soul gui-uiiLs de l'extraordinaire* fertilité 
que reprendront rapidement ces régions autrefois si riches 
et maintenant desséchées. Stanislas Mel'.mer. 



><>< 



NOUVELLE DISPOSITION 

DE L'HYGROMÈTRE A CIIEYEli 

L'hygromètre à cheveu de Saussure, malgré les 
grands avantages qu'il présente comme moyeu de 
mesure de l'humidité 
atmosphérique, n'est 
guère usité des météo- 
rologistes. Sa fragilité 
est une des causes de 
son abandon; car le 
cheveu n'étant paspro- 
tégé, peut être rompu 
subitement par le con- 
tact du doigt on par 
le moindre choc. Nous 
croyons intéressant de 
parler des dispositions 
nouvelles que M. Geor- 
ges Sire a données ré- 
cemment à l'hygromè- 
tre de Saussure, en 
transformant ainsi un 
instrument peu ma- 
niable en un outil so- 
lide et transportable. 
Cette disposition est 
représentée ci-contre, 
de face et en coupe. 
Un tube de laiton ÀB, 
vissé sur un pied P, 
constitue le support 
principal de l'instru- 
ment. Ce tube en con- 
tient un autre qui peut 
tourner concenlrique- 
ment dans son inté- 
rieur, à l'aide du bou- 
lon b, fixé à ce tube. 

C'est suivant l'axe 
commun des deux tu- 
bes qu'est établi un 

cheveu convenablement préparé. Il est maintenu 
dans sa partie supérieure par une pince p, faisant 
partie d'une vis de rappel. Le tout est protégé par 
un chapeau C, qui se visse sur le tube A, L'autre 
extrémité du cheveu est fixée eu m à une tige fai- 
sant partie d'un levier spécial L, mobile autour d'un 
axe. Ce levier porte à l'une de ses extrémités un 
arc de cercle denté, qui engrène dans un pignon 
établi au centre du cadran, et sur l'arc duquel est 
fixée une très-fine aiguille en acier doré. Le jeu du 
mécanisme est tellement simple qu'il est inutile d'y 
insister davantage; l'aiguille tourne dans un sens ou 




Nouvelle disposition de l'hygromètre à cheveu 



dans l'autre, suivant que le cheveu s'allonge ou se 
rétrécit. L'instrument est gradué comme l'a indi- 
qué de Saussure, 

On voit que, grâce à ces nouvelles dispositions 
très-simples, le cheveu est protégé par un étui cy- 
lindrique, et qu'il n'est plus sujet à être cassé aussi 
facilement; le mouvement de l'aiguille, très-légère 
et bien montée sur un mécanisme peu compliqué, 
est régulier et sensible; l'appareil est, en un mot, 
devenu très-pratique. 
L'instrument de Saussure offrait encore un incon- 
vénient. Son cadre 
métallique porte des 
pieds qui maintien- 
nent le système à une 
très-petite distance de 
la surface, contre la- 
quelle l'hygromètre 
est généralement sus- 
pendu. Comme le dit 
M, Sire, ].\ trop grande 
proximité d'une paroi 
expose le cheveu à 
être parcouru par les 
insectes qui circulent 
sur les murs (mou- 
ches, araignées), et 
qui déposent à la sur- 
lace des impuretés 
qui, à la longue, doi- 
vent nécessairement 
modifier ses proprié- 
tés hygrométriques. 

Un effet analogue 
est produit par les 
poussières qui flottent 
sans cesse dans l'air, 
et qui finissent par 
adhérer d'autant plus 
au cheveu, qu'il est 
plus fréquemment hu- 
mide. Ces altérations 
se produisent surtout 
dans les intervalles re- 
lativement très-longs 
qui séparent les ob- 
servations, et sont en 
partie la cause des 
différences que présente l'hygromètre à cheveu lors- 
qu'on le soumet à des vérifications régulières. 

Ces inconvénients, que l'on rencontre dans l'usage 
de l'hygromètre à cheveu ordinaire, sont, pour la 
plupart, éliminés par le système de M. Sire, qui a 
annulé autant que possible les causes d'altération et 
de dérangement de cet appareil. Le nouvel appareil 
est destiné à rendre de véritables services aux mé- 
téorologistes. 



Le Propriétaire-Gérant : G. Tissaxdier. 



cwiMti.. — Ivp. et ster. de Chut* 



N* 60. — 25 JUILLET 1874. 



LA NATURE. 



113 



UNE TROMBE D'EAU SUR LE RHIN 

(16 JUIN 1874.) 

Les navigateurs ont souvent observé des trombes 
•d'eau sur l'Océan, mais ces curieux phénomènes 
météorologiques, se manifestent un peu plus rare- 
ment à la surface des fleuves. Un consciencieux ob- 
servateur, M. R. Peyton, a été témoin le 16 juin der- 
nier, d'un spectacle étrange, qui s'est offert à ses 
yeux, aux environs de Cologne. Au lever du soleil, 
le vent soufflait avec une violence exlrêmc, le ciel 



ctfiit couvert de nm'es épai^es, et la pluie tombait 
en abondance. 

M. Peyton, en suivant les bords du Rhin, ne tarda 
pas à être frappé d'étoimernent en remarquant une 
grande colonne de vapeurs atmosphériques qui des- 
cendait des hauteurs de l'atmosphère et tombait jus- 
qu'à la surface du fleuve. Elle formait un cylindre 
vaporeux, du plus bel effet, noir et obscur dans ?es 
parties élevées, clair, brillant et presque éclatant, 
à sa base qui se perdait dans les eaux. Tout à coup le 
vent redouble de violence, l'air se précipite avec 
force à travers le Rhin, et s'élance de la rive gauche 
à la rive droite; la colonne de nuages se met à tour- 



1 ■ • ■ i ' >K "*^ 



i.--' .• '.; 





Trombe «l'eau observée sur le lUiiu, le 16 juin 1874. (D'après un croquis de M. 11. Peyton.) 



ner sur elle-même avec une vitesse extraordinaire, 
et bientôt l'eau est aspirée en une spirale légère, qui 
s'élève avec grâce jusqu'au milieu des vapeurs aérien- 
nes. La trombe ainsi formée, ne tarde pas à s'incli- 
ner sur sou axe, et se dirige vers la rive gauche, où 
l'observateur peut la contempler de très-près. Il re- 
marque ipie l'eau du fleuve, à la base de la colonne 
liquide est dans un état d'agitation extraordinaire, 
comme si elle était soumise à l'ébullitiou. Mais voilà 
que la colonne est rompue subitement; un inter- 
valle vide la sépare en deux tronçons ; le cône d'eau, 
s'abaisse à vue ri'œil, tandis que le cône supérieur 
de vapeurs, s'élève clans les nuages. Il ne reste bien- 
tôt plus de vestige de ce remarquable phénomène. 

.Notre gravure montre l'aspect de la trombe du 10 
juin, au moment où elle s'offrait dans sou développe- 
î* année. — 2" semeslre. 



ment complet; c'est à dessein que la colonne d'eau 
inférieure est représentée tout à fait blanche, car elle 
présentait presque l'aspect d'une veine de mercure, 
tant elle était éclatante. Elle était parfaitement cylin- 
drique, comme le jet qui s'échappe du tonneau de 
nos porteurs d'eau. Cette belle trombe, mince, élan- 
cée, se reflétait dans l'eau du fleuve comme dans un 
miroir, et offrait à l'œil un tableau saisissant. 

L'aspect métallique des trombes d'eau, a souvent 
frappé les observateurs, et notamment le célèbre au- 
teur des Lusiades, qui nous décrit le phénomène en 
véritable savant et en grand poète ; 

« J'ai vu, dit l'écrivain portugais,... non mes 
yeux ne n'ont point trompé ; j'ai vu se former 
sur nos tètes, un nuage épais, qui, par un large 
tube, aspirait les eaux profondes de l'Océan. Le tube 

8 



lli 



LA NATURE. 



à sa naissance n'était qu'une légère vapeur rassem- 
blée parles venls; elle voltigeait à la surface de 
l'eau. Bientôt elle s'agite en tourbillon, et sans quit- 
ter les flot?, s'élève eu un long tuyau jusqu'aux 
cieux. semblable à un métal docile, qui s'arrondit 
et s'allonge sous la main de l'ouvrier. » 

On voit que la trombe du Rlun est digne do fixer 
l'attention ; elle vient grossir la liste des curieux 
phénomènes qui se sont récemment présentés aux 
météorologistes et aux astronomes : grêlons extraor- 
dinaires et coups de foudres violents, ont successi- 
vement troublé notre atmosphère, tandis que la 
comète découpe le ciel de son aigrette flamboyante, 
et que Vénus se prépare à son passage sur le disquu 
solaire. La besogne ne manque pus aux observateurs 
et aux amis de la nature. Gastos Tissakdier. 



><j,< 



L AJ1AISSE3IEST PROBABLE 

DU DÉBIT DES EAUX COl'ItAXTES 

DU SUD-OUEST T)F. LA FRANCE DATs'S i/ÉTH 

et l'automne DE 1874. 

Ce (pie MM. Bel grand et Lemoine viennent de dire ' 
pour le nord de la France, et plus spécialement pour 
le bassin de la Seine, est parfaitement applicable 
au sud-ouest et en particulier aux bassins de la Ga- 
ronne et de l'Aiiour. 

Eu effet, depuis les mois d'octobre et de novembre 
qui ont été fort pluvieux, les six mois de décembre 
à mai ont été, pour trois, exlraordmairement secs, 
et pour les trois autres assez secs ; de sorte que l'en- 
semble de ces six mois n'a fourni qu'une quantité 
«Veau très-faible, relativement inférieure m Ame à celle. 
qui est tombée dans le nord de la France. 

Dans le bassin da la Seine, celle-ci ne représentait 
guère plus de la moitié de la pluie qui tombe moyen- 
nement dans l'année. Dans le sud-ouest delà France, 
lu quantité d'eau tombée pendant ces six mois atteint à 
peine les deux cinquièmes de leur quantité moyenne. 
C'est ce qui résulte des observations faites à 1 h'eole 
de Botanique de Bordeaux par moi-même, et à Mor- 
cenx par M. Claverie, directeur des écoles de la Com- 
pagnie du Midi, comme le montrent les chiffres sui- 
vants, où les quantités de pluies sont indiquées en 
millimètres : 

Quantité moyenne annuelle à Bordeaux, 9GI5 ; à 
Morcenx, il 12. Quantité moyenne de décembre à 
mai, à Bordeaux, 490; à Morcenx, 583. Moitié de 
cette quantité à Bordeaux, 248; à Morcenx, 291. 

Pluie de décembre (1875), 10; janvier (1874), 
23; février, 41 ; mars 21 ; avril, 53; mai, 43. Total 
pour Bordeaux, 191. — Pluie de décembre (1875), 
15; janvier (1874), 44; février, 50; mars, 54; 
avril, 65, mai, 50. Total pour Morcenx, 258. 

Cette période de pluie pendant les six derniers 

4 Voy. n« ù&, 11 juillet 1874, p. 83. 



mois paraît bien s'être étendue dans toute la plaine 
du sud-ouest et sur les Pyrénées, car M. Schrader fils 
vient de me dire que, sur ces montagnes, la neige, 
peu abondante il y a quinze jours, était à 500 ou 600 
mètres au-dessous de son niveau habituel autour de 
Cauterets, et que les cimes du Marbori en étaient 
déjà presque entièrement dépouillées. 

Une pareille sécheresse n'est pas toutefois sans 
exemple à Bordeaux. Pendant les cent soixante années 
qui se Polit écoulées depuis l'année 1714, où des 
observations pluviométriques ont été commencées, 
elle a été déjà constatée : d'abord en 1750 et 1768 
[): ridant les cinquante-sept années d'observations 
faites de 1714 à 1770 par Sarrau de Boynet et 
Sarrau de Vezins; ensuite en 1779 et 1781, pendant 
les quinze armées d'observations faites de 1770 à 
1790 par le D r de Lamotho; enfin en 1804 et 1874, 
pendant les trentes-deux années d'observations faites 
à partir de 1812 par M. Abria, doyen de la Faculté 
des Sciences. En tout donc six fois eu cent-trois 
années d'observations, soit moyennement une fois 
tous les dix-sept ans. V. IUclis. 



LES LKGOISTES 

La presse anglaise a beaucoup parlé dans ces der- 
niers temps des quatre principaux chefs de la secte 
deslégumistcs, qui existe eu Angleterre, et qui pro- 
che l'abstention de toute liqueur fermentéeen même 
temps que de toute nourriture animale. Presque tous 
ces sectaires partagent à la ibis l'opinion des Bra fi- 
nîmes qui ne touchent jamais à la viande, et des mu- 
sulmans qui ont, s'ils sonL fervents, le vin et l'eau- 
de-vie eu horreur. Le plus célèbre est le frère du 
célèbre Ncwuian, dont les controverses religieuses 
firent tant de bruit il y a quelques années, l' rancis 
iN'ewman ne se convertit au tégnmisme qu'en 1808, 
après avoir fait de nombreux voyages dans l'Orient. 
Il condamne de plus l'usage du tabac. 1! prétend être 
arrivé delà sorte à digérer plus facilement et à mieux 
apprécier le bonheur de vivre. 11 approche de 70 ans 
et jouit d'une sauté excellente. C'est un littérateur 
distingue qui a été élevé à l'Université d'Oxford où il 
fut fellow du collège BalLol. Pendant près de 20 ans 
il eut une chaire de latin à l'Université de Londres. 
M. Pitman, âgé de 00 ans seulement, est légumiste 
depuis 54 ans. C'est un ancien maître d'école, inven- 
teur d'un système de sténographie quia eu quelque 
succès. 11 mène la vie retirée d'un anachorète au 
milieu des plus populeuses cités anglaises La vue 
des crimes commis par les bouchers en fait un mi- 
santhrope. M. Gibson Ward est un propriétaire du 
comté de Ross, né à Birmingham, en 1815; il jouit 
d'une grande vigueur physique, d'une voix sonore et 
d'une véritable éloquence. C'est l'orateur des mee- 
tings en pleiu vent. C'est lui qui décrit, en style pit- 
toresque, le danger de manger de la viande pourrie 
auquel les légumistes échappent. Jl excelli dans l'art 



LA NATURE. 



115 



d: peindre les ravages produits par les trvcliines. 
Quoiqu'il ait déjà cinquante six ans on le prendrait 
encore pour un jeune homme. 

M. John Davie est le directeur de l'institution 
hydrothéra[)ii|ue de Me 1 rose. Comme on le voit il veut 
frire accepter l'eau, non-seulement comme breuvage 
mais encore à peu près comme unique médicament. 
M. Davie est, en outre, membre actif du parti de la 
paix à tout prix, du désarmement universel. Géné- 
ral ornent les végétariens appartiennent à d'autres 
confréries sociales, politiques et religieuses. Leur 
nombre est considérable, m.is ils ne sont point en- 
core parvenus à faire fermer un seul de ces lieux de 
perdition qui se nomment les abattoirs, ni à faire 
laisser le prix de la viande sur un seul marché 
d'Angleterre. 

LES POISSONS FOSSILES 

Notre confrère, M. le docteur Sauvage, vient de ter- 
miner, sur les poissons fossiles, un travail tellement 
complet et tellement remarquable par sa nouveauté 
et par ses vues de philosophie scientifique, qu'il nous 
parait opportun de le faire connaître. Ce sont surtout 
les poissons tertiaires qui ont été étudiés par le sa- 
vant, naturaliste du Muséum de Paris, grâce aux la- 
borieuses et méritantes fouilles exécutées à Licata 
(Sicile), par M. H. Alby, consul de France; grâce 
également à M. Daubrée et à son aide, M. Stanislas 
.Meunier, qui ont mis à la disposition de M. Sauvage 
une nombreuse collection des poissons des marnes 
d'Orau. 

La première partie du mémoire de M. Sauvage 1 est 
consacrée à l'étude comparative des faunes ichthvo- 
logiques crétacée et tertiaire, ainsi qu'à l'examen -de 
leurs rapports avec colle de l'époque actuelle. L'au- 
teur établit d'abord ce fait, digne de remarque, que 
la dernière modification profonde qu'ail subie la 
classe des poissons correspond au passage des temps 
jurassiques à l'époque crétacée ; modification qui 
amena à la surface du globe la faune crétacée, pre- 
mière manifestation de la population iehtbyologique 
qui vit actuellement. C'est en effet à. la fin de la pé- 
riode jurassique qu'apparaît, à Solenhofen, le sous- 
ordre des Téléostéens, qui doit aller en rayonnant et 
se diversifiant de plus en plus, et qui fournira ces 
types primitifs dont nous voyons encore aujourd'hui 
les nombreux représentants. De ce fait M. Sauvage 
lire d'importantes conséquences. Constatant que cette 
même transition entre les époques jurassique et cré- 
tacée n'a produit, chez les autres groupes d'ani- 
maux et de végétaux, que des changements peu con- 
sidérables et d'une importance bien moindre que 
ceux qui, par exemple, s'opèrent à l'arrivée de l'é- 
poque tertiaire, il en conclut que la marche de la 
vie n'est pas étroitement liée aux révolutions géolo- 
giques. « Comprend-on, dit-il, dans cette hypothèse, 

1 Annales des sciences géologiques, l. IV, ti°* 1 et 2. 1873» 



que le milieu a une puissance modificatrice énorme, 
puisqu'il pourrait transformer l'être, même au point 
de vue anatomîquc et liistologique; comprend-on 
pourquoi les diverses classes du règne animal sont 
très-loin de suivre une marche identique ? L'époque 
où ont. eu heu les changements les plus considéra- 
bles dans le renouvellement de la faune et delà dore 
n'est pas du tout la même pour toutes les classes. 
Nous voyons certains groupes d'êtres complètement 
modifiés à une certaine période de la vie du globe, 
tandis qu'à côté d'eux des êtres, leurs voisins dans la 
série animale, poursuivent leur histoire et ne sont 
transformés qu'à une époque plus récente. » 

Les familles, dit également M. Sauvage, sont d'au- 
tant plus unies qu'on les considère plus près de leur 
époque d'apparition, et l'on peut constater que des 
types aujourd'hui divergents sont parallèles à l'ori- 
gine. De ce fait il ne faudrait cependant pas conclure à 
une descendance forcée de ces types, car, nous venons 
de le voir, les modifications qui -se sont produites 
ne coïncident pas avec les révolutions géologiques. 

Dans l'intéressant historique que le savant au- 
teur a tracé depuis la fin des temps jurassiques, il 
nous fait voir, en premier lieu, la déchéance presque 
complète des Ganoïdes et celle moins profonde des 
Cartilagineux. Ce fait, nous venons de le voir, con- 
corde avec l'apparition dans les mers jurassiques des 
Téléosléens, issus du groupe des lloléeoïdes dont 
l'importance devient de plus en plus grande, à ce 
point qu'ils supplantent presque entièrement les 
poissous Ganoïdes, qui ne conservent que quelques 
raies types, le type Esturgeon, par exemple, et que 
chez les poissons cartilagineux, les CestracionLes et 
les Ilylodontes cèdent peu à peu la place aux Squales 
et aux Haies. 

]\ous voyons prédominer, à l'époque de la craie, 
les types de la mer des Indes et du Pacifique, à côté 
desquels ou retrouve aussi quelques types des parties 
les plus chaudes de l'Atlantique. Cette détermination 
est basée sur l'observation des principaux gisements 
crétacés; les Voirons, le Mont-Liban, Comen en 
Istrie, etc. 

Comme intermédiaire entre l'époque crétacée et 
l'époque tertiaire, se place tout naturellement l'âge 
des ardoisières de Matt, en Suisse, devenues célèbres 
par les nombreux échantillons qu'elles ont livrés aux 
investigations des savants. Dans ces dépôts, qui, d'a- 
près M. 0. Ileer, se seraient formés au fond d'une 
mer très-profonde, on n'a, jusqu'à ce jour, découvert 
aucune trace de Ganoïdes ni de Plagiostomes; mais, 
en revanche, les Téléostéeus y abondent. Qu'il suffise 
de dire qu'on a trouvé dans ce seul gisement 23 
genres comprenant 55 espèces de ces poissons. Le 
caractère de cette station est sa grande ressemblance 
avec la faune actuellede nos mers, bien que 4 genres 
seulement: Fistularïa, Vomer, Osmerus et Clupea 
soient encore vivants. Tous les autres genres sont 
éteints, et chose curieuse, à Monte Bolca, étage très- 
voisin, quoique un peu postérieur, ce sont les genres 
actuellement vivants qui prédominent. 



116 



LA NATURE. 



M. Sauvage se trouve d'accord avec MM. Heer et 
Agassiz pour caractériser ainsi la flore et la faune 
ichthyologiqucs éocènes ; prédominance dos types in- 
do-australiens, rareté des types américains; caractère 
général entièrement tropical. C'est ce que démontre 
l'étude des gisements les plus connus de cette épo- 



que, tels que Monte Bolca, le London elay, le cal- 
caire grossier de Paris, les couches deChiavon, celles 
de Monte Postule. 

Un changement marqué se produit pour le mio- 
cène. Les types Iropicaux n'ont pas, il est vrai, dis- 
paru ; mais ils diminuent graduellement et nous 




Fig. 1. — Trigla lien! ce . 




Ki". 2. - Poisson <le la famille des S corn b<5 roi de s. 




Fi g. 3. — Osmerus AWyi. 



voyons en même temps les types américains acqué- 
rir une importance plus grande. 

C'est ici le lieu dédire quelques mots d'une hypo- 
thèse que M. Sauvage paraît adopter complètement et 
qu'imagina le professeur 0. Heer, pour expliquer 
l'introduction de ces types américains dans la flore 
tertiaire de notre pays. Cette hypothèse, la voici : il 
aurait existé, pendant longtemps, une terre reliant 
l'ancien au nouveau continent. Cette terre, qui aurait 



laissé pour témoins Madère, les Canaries, les Açores, 
l'île de Fer, les îles du Cap-Vert, se serait étendue 
des cotes occidentales d'Europe aux cotes orientales 
d'Amérique, remontant au nord jusqu'en Islande et 
se prolongeant au sud jusqu'aux îles Atlantiques. 

Cette communication aurait cessé par suite d'un 
affaissement graduel, produit du sud au nord, de 
sorte qu'à l'époijue diluvienne il aurait encore existé 
sous les latitudes septentrionales une jonction qui 



LA NATURE. 



117 



avait cessé depuis luugleiups dans le sud; « ce qui 
nous explique pourquoi l'identité de la flore euro- 
péenne avec celle de l'Amérique est principalement 
limitée aux régions boréales, et pourquoi les Mollus- 
ques et les Poissons que l'Amérique a en commun 
avec l'Europe, sont surtout des espèces littorales et 
non pélagiques. Ainsi que M. Ë. Korbes l'a montré, 
ce fait prouve qu'ils ont dû se répandre le long d'une 
côte; en d'autres termes, qu'un pays à côtes peu 
profondes a dû, à un certain moment, s'étendre entre 
l'Europe et l'Amérique, lorsque la création actuelle 



animait déjà les eaux. Enfin, ce continent s'affaissa 
presque tout entier, et aujourd'hui les îles Britanni- 
ques, au nord, les îles Feroë et l'Islande, au midi 
les îles Atlantides, en constituent seules les restes. » 
Ce n'est pas du reste le seul fait de ce genre que 
mette en lumière l'étude de la faune iclithyologique 
des temps tertiaires. Ainsi, M. Sauvage admet à cette 
époque une communication entre l'océan Indien et 
la Méditerranée. « Il existe, aujourd'hui, dit-il, un 
certain nombre d'espèces et de goures, communs à la 
merdes Indes et à la Méditerranée; ces espèces et 




Fig. 4-. — Anapterus elongatus . 



ces genres ne s'étendent que dans les parties de l'At- 
lantique les plus voisines de la'Méditerranée; elles 
prouvent qu'une communication relativement récente 
a dû avoir lieu entre la Méditerranée et la mer 
Bouge. Ces espèces n'ont pu passer de l'Erythrée 
dans la Méditerranée par l'Atlantique, puisqu'elles 



n'ont laissé aucune trace de leur passage sur toute la 
côte ouest d'Afrique, et que pour la plupart elles 
sont confinées dans la mer Rouge et les parties les 
plus voisines, et dans la partie orientale de la met 
intérieure. » 

M. Sauvage s'occupe, dans la seconde partie de son 




Fif. S. • - Anapterus Albyi. 



mémoire, de l'étude géologique des gisements de 
Licata et d'Oran ainsi que des espèces, nouvelles en 
grande partie, qui y ont été découver Les. 

Ces deux gisements appartiennent à l'étage du 
miocène supérieur. 

Les assises tertiaires, qui comprennent la zone sou- 
frière, constituent la plus grande masse des terrains 
stratifiés de la Sicile, similaires des dépôts analogues 
de l'Italie péninsulaire. 

Tantôt ces terrains s'appuient directement sur les 
roches plutoniques, gneiss, granité et pegmatite, 
comme à Gruvitelli, près de Messine ; tantôt ils succè- 
dent aux couches crétacées. Ces couches tertiaires 
forment de nombreuses assises, distinctes surtout par 
leurs caractères géognostiqu-is. 



La détermination exacte de ces terrains n'a pas été 
faite sans amener de nombreuses controverses parmi 
les géologues. C'est ainsi que Ehrenberg et avec lui 
Maravigna rapportèrent ces couches ainsi que les 
dépôts de soufre qui leur sont subordonnés, aux ter- 
rains secondaires. 

Cette opinion était basée sur ce que Ehrenberg avait 
cru reconnaître des Infusoires caractéristiques de la 
craie dans les calcaires marneux de la province de 
Caltanisetta et dans les couches similaires d'Oran. 
Toutefois, dès 1823 et plus tard on 1833, Barnuba 
la Via les avait considérés comme tertiaires à la suite 
de la découverte de certaines espèces caractéristiques 
telles que Couus ponderosus, Turritella triplicata, 
Murex seaber, Arca Noœ, etc., rencontrées dans les 



us 



LA NATURE. 



environs de Caltanisetta. Daubeny avait rang»; dans le 
subapemùn, l'argile plastique, riche en calcaire et Je 
couleur gris bleu clair, qui réellement est pliocène. 
Quant à Hoffmann, bien que sur les conclusions d'Eh- 
renberg il ait considéré le terrain à soufre comme 
crétacé, il n'en a pas moins le mérite d'avoir bien dé- 
crit les couches qui le composent et, le premier, il si- 
gnala des poissons fossiles dans un niveau correspon- 
dant à celui de Licata. 

A son tour C. Prévost regarda cette marne et les 
terrains soufriers comme un terrain de transition en- 
tre la craie et le tertiaire ; opinion que combattit 
M. de Pinteville, en montrant que, par l'ensemble de 
ses fossiles, la couche de marne à Foraminifères et à 
fossiles de Pacliio, et bien que reposant directement 
sur les couches à Nummulites et à Ilippurites, ne 
peut être placée plus bas que la partie inférieure du 
système pliocène. Paillette faisait descendre ce ter- 
rain jusqu'au niveau du calcaire grossier. Collegnolo 
rattachait au pliocène. La coupe complète en a été 
donnée, eu 18(>2, par M. Seguenza, qui a propose, 
pour les terrains compris entre le toi Ionien et l'as- 
tien, la dénomination d'étage Zancléen. 

Pans la province de Messine tes couches dont ce 
terrain se compose consistent, à leur partie infé- 
rieure, en marnes très-dé veloppées, au milieu, en cal- 
caire plus ou moins grossier, compacte ou marneux, 
et à leur partie supérieure en marnes souvent sa- 
bleuses. Cette division, établie selon les caractères 
lithographiques, est également appuyée sur des con- 
sidérations paléontologiques. Ces couches renferment 
eu effet de très-nombreux fossiles, dont la liste a été 
dressée par M. Sequenza. 

Une copie de ces mêmes terrains a été donnée tout 
récemment par M. Moltura. 

M. Charles Meyer a remplacé le nom d'étage Zan- 
cléen par celui d'étage Mcssiniett; selon lui cet étage 
comprend trois niveaux différents: les couches de 
Billowitzà la base, les couches d'hizersdorf au milieu 
et les couches d'Fppehheim en haut. 

Les environs de Licata sont enfin décrits, d'après 
M. Alhy, l'auteur de ces patientes recherches qui lui 
ont permis d'exhumer la faune ichthyologique ter- 
tiaiie la plus complète qui existe. Il indique les as- 
sises dans leî-quelles se trouve cet abondant gisement, 
assises appartenant, nous l'avons dit, au miocène su- 
périeur ou zancléen. 

Dans les premiers travaux géologiques sur la pro- 
vince d'Oran, qui sont dus à Ilozet, ce savant s'éleva 
contre l'opinion d'Ehrenberg, qui faisait le tripoli 
d'Oran et de Zanthe, contemporain de la craie de 
Meudon. Il prouva, par des coupes, que les schistes 
à poissons sont parfaitement tertiaires. 

Récemment, MM. Baylc et Ville ont indiqué, pour 
lu province d'Oran, la succession des terrains que 
voici : A. un terrain plus ancien que le jurassique; 
15. jurassique; C. crétacé inférieur; D. nummuli- 
lique; L. tertiaire moyen; F. tertiaire supérieur; 
G. quaternaire ; II. alluvions. 

Le gisementfort abondant de celle contrée se trouve 



dans un banc de marne blanchâtre, (pie recouvre un 
calcaire grossier bréehiformese montrant à la surface 
du sol dans toute la [daine au sud et à l'est d'Oran. 

Ces couches, que M. Pomel vient de comprendra 
sous la dénomination d'étage sahélien, terminent la 
série miocène. M. Sauvage n'hésite pas à déclarer que 
bien que marines, elles correspondent aux couches à 
poissons de Licuta. 

.Vous avons pensé, qu'il serait intéressant do mon- 
trer quelques-uns des poissous décrits par M. Sau- 
vage. Dans les 104 spécimens représentés, nous 
avons choisi ceux qui nous ont paru les plus impor- 
tants et nous en avons fait faire la reproduction d.: 
grandeur naturelle. 

La fig. 1 représente le Trigla licata 1 , de la famille 
des Triglidœ. 

Les Triglidœ sont des poissons à corps oblong, 
comprimé ou subcylindrique, à dentition faible, à 
dents en bandes villiformes, sans canines. Les na- 
geoires dorsales sont séparées, la nageoire anale est 
généralement plus développée que la dorsale molle ; 
Ips nageoires ventrales sont implantées sur le Jhruav, 
parfois la vessie natatoire manque. Cuvier avait déjà 
noté, comme caractère essentiel de la famille, l'arti- 
culation du muscle sous-orbituire avec le préopercule, 
recouvrant, par suite, une plus ou moins grande 
partie de la joue. 

Le Tnghda licata 1 , dont on ne connaît qu'un seul 
individu, rappelle par ses formes le. Triglidallirundo 
de nos côtes. Le profil du corps est un triangle. La 
plus grande longueur est de 125 millimètres, la 
bailleur maximum de 50 millimètres. Le corps v>t 
couvert de petites écailles qui rendent la peau m- 
gueuse. 

Dans la fig. 2 nous avons représenté un poisson de 

' la famille des Scombéroïdes, rappelant surtout lus 

Ànxis et les Scomher, quoiqu'il dilfè.re de ces deux 

genres parla tète beaucoup moins allongée et par Ja 

, nageoire dorsale placée plus en avant. 

La figure d montre le Osmerus Albyi. Les figures i 
I et 5, dauxÂnapterus, 

Le poisson, du genre Osmerus, est trapu ; sa tète, 
fort grosse par rapport au reste du corps, est carac- 
téristique. Le museau est pointu et les lèvres, fendues 
jusque dans l'œil, laissent voir, quand elles sont ou- 
vertes, des dents fortes, pointues et espacées. Le 
maxillaire inférieur est long, robuste, triangulaire, à 
bord inférieur, tiès-incurvé en avant. L'œil est grand, 
oblong, et situé très en avant. 

L'Anaptcrus est une espèce très-allongée, grêle, 
onguilliforme, qui est à peu près treize fois [dus 
longue que haute. Ces dimensions se rapportent à 
l'individu le [il us complet qui ait été rencontré. 

Les poissons de Licata, recueillis à l'état fossile, 
offrent un caractère particulier quant à leur dépôt : 
ils forment un mélange de poissons d'eaux douces et 
d'eau salée. Il y avait donc à Licata un grand es- 
tuaire dans lequel vivaient ces espèces fossiles et 
leurs corps se trouvaient ensuite mélangés, après 
leur mort, par les mouvements alternatifs de la mer 



LA NATURE. 



119 



et ila fleuve qui s'y déversait. La présence de poisson 
do la famille dos Cyprins, dont quelques espèces vi- 
vent dans des eaux à salure très-grande, de même 
que la présence de certaines Diatomacées, a mis M. Sau- 
vage sur la voie de l'existence de l'estuaire dont nous 
venons de parler. 

A ce sujet, M. Sauvage rappelle que lors de son ( 
expédition à la mer .Morte, M. Louis Lartet avait re- 
marqué dans une lagune souvent inondée par l'eau 
de nier et alimentée par une source d'eau salée, plu- 
sieurs espèces de Cyprins vivant là sans paraître in- 
commodés pnr la grande salure de ces eaux, dont la 
densité était de 1,0575 à 15 degrés. 

Je rappellerai, à mou tour, que les faits de ce 
genre les plus remarquables sont ceux que M. Gran- 
deau a observés dans la Seillo, rivière voisine des 
Sidines de Dieu/e (près Nancy), et des expériences 
directes qu'il a faites dans son laboratoire. 

Il est résulté des observations de ce savant et de 
celles du docteur Parisot que les Tanches peuvent 
vivre dans de l'eau contenant jusqu'à 5 gr. par litre 
d'iiyposulfite de chaux. Ce sel n'a d'autre action sur 
ces poissons que de les décolorer. L'eau contenant 
"10 gr. de chlorure de sodium ou de calcium par litre 
tue les poissons d'eau douce. Lorsqu'elle contient du 
chlorure de manganèse, elle ne devient toxique qu'à 
une dose assez élevée (plus élevée que les deux chlo- 
rures de sodium et de calcium). 

Le sulfure de calcium agit au contraire comme un 
agent de destruction sur les poissons d'eau douce. Il 
suffit de Os r ,l)iÛ de ce sel dans une eau qui ne se 
renouvelle pas pour tuer les poissons par asphyxie, 
avec une grande rapidité. 

Les anguilles sembleraient présenter une excep- 
tion à cette règle. On sait, en effet, à Ludion, que 
les anguilles, et peut-être aussi les truites, remontent 
dans l'intérieur de l'égout qui conduit à la rivière 
la vidange des bassins d'eau sulfureuse et des bai- 
gnoires. 

Ces poissons se trouvent là dans une eau encore 
assez chaude (50 à 55° centigrades) et renfermant 
une proportion notable d'hydrogène sulfuré et de 
sulfures. 

Le fait me parait douteux pour les truites, bien 
que j'aie vu moi-même à Ax des truites vivre, sans en 
être incommodées, dans une eau à 24 et 25° centi- 
grades et dans laquelle se déversaient d'abondantes 
sources sulfureuses. 

11 nous sera permis de tirer de ces faits la conclu- 
sion suivante : c'est que la nature manifeste quel- 
quefois sa manière de présider à la vie des êtres, par 
des procédés qui peuvent nous sembler bizarres, mais 
qui n'en sont pas moins utiles à observer lorsque 
l'on veut arriver à la connaissance des phases de la 
création de tant d'êtres variés et se reliant les uns 
aux autres par des attaches que nos connaissances 
actuelles nous permettent déjà d'entrevoir. 

D f F. Gariugou. 



LES COUPS DE FOUDRE DU 10 JUILLET 

EN AN G I, E T E U II E . 

L'orage du 10 juillet a été surtout terrible en An- 
gleterre, où les phénomènes fulgurants ont été à la 
fois nombreux et effroyables. 

Cinq hommes qui traversaient Yietoiia-Park ont 
été frappés d'un même coup de foudre. Un d'eux, 
qui a été tué, était noir comme du charbon à la 
suite de la décharge. Les quatre autres ont repris 
successivement connaissance. 

L'effet attractif des objets de fer s'est fait encore 
sentir d'une façon très-remarquable. Plusieurs mois- 
sonneurs ont été frappés, tous probablement à cause 
de la faux dont ils étaient porteurs. Une femme 
qui fendait du bois à Edmouton a eu le même sort. 
On a ranimasse à Kew le cadavre d'un homme qui 
portait une fourche sur son dos. Sa fourche a été 
fendue par le coup qui lui a été si funeste. Un 
homme et ses deux fils, qui faisaient du foin à Beres- 
lbrdfield, out été atteints de la même manière, quoi- 
qu'ils aient cherché à se réfugier sous les meules. 

L'École militaire de "Woolwicha été atteinte dans 
la partie réservée aux détenus. Il s'y trouvait un 
énorme rouleau de fer, dont il pat ait que l'em- 
preinte a été marquée sur le sol. 

L'église de Saint-Luc, à Ilornnieriton, a été frap- 
pée d'une façon formidable et incendiée parce qu'on 
avait négligé d'y établir un paratonnerre. La grande 
Poste elle-même, à Saint-Martin, a été foudroyée. 
Cela tient peut-être à la multitude de fils électriques 
qui s'y rendent et qui tous ne sont point convena- 
blement protégés par les paratonnerres. 

L'n me&age du câble transatlantique nous ap- 
prend que la journée du 10 juillet a été également 
orageuse aux États-Unis. La foudre est tombée sur 
le réservoir à huile de la compagnie du lac Ene et 
l'a mis en feu. Les pertes sont évaluées à 4 millions 
de francs. 

Un télégramme nous annonce qu'un navire de 
guerre autrichien qui, sous le commandement de 
l'amiral Téghetoff, avait contribué puissamment au 
gain de la bataille de Lissa, a été frappé d'un coup 
de foudre en rade des côtes d'il Une et complète- 
ment incendié. Cette catastrophe aurait eu lieu pen- 
dant l'orage du 9. 

LES ILES FARALL03Î 

LES LIONS MAKINS. LES OISEAUX. 

LES CHERCHEURS 1HEUFS. 

Le voyageur qui s'approche de San-Francisco en 
venant de l'Ouest, aperçoit d'abord une terre in- 
culte, un immense groupe de rocliers : ce sont les 
Far alloues de los fr'railes, ou îles des Frères, qui 
paraissent être d'origine volcanique. On les voit régu- 
lièrement alignées comme les iles Sandwich, dans la 



120 



LA NATURE. 



direction du sud-est au nord-ouest. Les géologues 
affirment qu'elles ont pour base un formidable banc 
de granit. 

L'île la pins méridionale, est la plus grande de 
toutes; elle offre quelque ressemblance avec Ilawaï, 
qui est aussi l'île la plus méridionale de l'archipel 
des Sandwich. C'est un récif aigu où la végétation est 
rare. Sou accès est très-redoutable; il est toujours 
difficile d'y aborder. 

Le vent souffle avec violence dans ces parages et 
presque continuellement. Sur le point le plus élevé 



du Farallon du Sud, le gouvernement américain 
vient de faire construire un phare très-remarquable. 
Il est pourvu d'un sifflet à brouillard, appareil des 
plus curieux, consistant en une trompette énorme, 
disposée de façon à résonner automatiquement lors- 
que l'air s échappe d'une caverne en communication 
avec l'Océan, et s'engouffre dans la trompe. Le son 
ainsi émis est perçu à une distance de sept à huit 
milles en mer. Il est d'un singulier effet, car il n'a 
point de période, et ne dépend que de l'irruption 
irrégulière des flots dans la caverne. Ce bruit cesse 




Los habitants dos îles Farallon. 



durant une heure et demie à marée basse, quand le 
passage est redevenu libre. 

Les îles Farallon sont le rendez-vous d'une multi- 
tude délions marins et d'oiseaux de mer. Elfes sont 
aussi peuplées de lapins qui vivent du peu d'her- 
bages dont les fentes de rochers, sont garnies. Ils 
sont les descendants de quelques lapins qu'un spécu- 
lateur de San Francisco avait imaginé de transporter 
dans fes Farallons, pour approvisionner le marché 
de la cité. 

Les lions marins s'attroupent par milliers sur ces 
rocs; ils ne sont point farouches et se laissent ap- 
procher facilement. Quelques-uns d'entre eux pré- 
sentent la taille d'un bœuf; ils sont tous d'une 



admirable adresse comme nageurs, et ils fendent l'eau 
autour des écueils dont-ils évitent le choc sous l'im- 
pulsion des vagues. On dirait à les voir, des magots 
chinois animés, qui sortent la tète hors de l'eau. 
C'est un étrange spectacle que celui d'une centaine 
de ces monstres, se jouant au milieu des flots les 
plus furieux, dont la violence serait capable de briser 
contre les récifs le navire du plus fort tonnage. L'a- 
nimal se laisse emporter par le flot jusqu'à un mètre 
du roc, et à cette faible distance, il sait éviter re- 
cueil, il plonge subitement et reparaît au delà du 
récif*. On l'ait rarement la chasse à ces animaux, si ce 
n'est à l'époque de la récolte des œufs d'oiseaux de 
mer; les lions marins sont alors abattus à coups de 



LA NATURE. 



121 



fusil, et fournissent de l'huile d'ëelairago. Mais la 
principale ressource des îles Farallon est due aux 
œufs d'oiseaux, qui ont donné naissance à une sin- 
gulière industrie dont nous allons parler avec quel- 
ques détails. 

Ces œufs se vendent fort bien sur le marché de 
San Francisco, ils servent aux hôteliers pour l'appro- 
visionnement du leurs tables, quand ils sont demcui es 
frais. Mais au bout de deux ou trois jours, ils pren- 
nent un goût de poisson trop prononcé. 

Les oiseaux qui viennent couver tous les ans et 



affluent en quantités innombrables dans les îles 
Farallon, depuis le mois de mai jusqu'en automne, 
sont des goélands, des pingouins, des nigauds et des 
perroquets de mer, variété du pingouin. Les œufs de 
ces deux dernières espèces ne sont point recueillis. 
On les détruit pour faire plus de place aux autres 
espèces. Le goéland pond ordinairement ses œufs en 
mai, et dix jours avant le pingouin. Il a soin au- 
paravant de se construire un nid avec des broutilles 
et des algues; le pingouin ne fait pas de nid et pond 
sur la roche nue. 11 abonde d'une façon prodigieuse, 




Le» chercheurs d'unis au*. île» Failli ->n. 



et parfois les rochers entiers sont cachés par des 
légions de pingouins 

L'exploitation des œufs appartient à une compa- 
gnie qui, en 1873, en a fourni à San Francisco 
15,203 douzaines, à raison de vingt-six cents la dou- 
zaine (1 lianes 55 centimes). 

C'est un rude travail que celui' de cette récolte; il 
s'agit d'atteindre des points presque inaccessibles, et 
qui feraient hésiter la chèvre la plus audacieuse. En 
outre le goéland attend le ravisseur, lui résiste et le 
mord. Le pingouin attaque l'ennemi, il s'élève au 
dessus de sa tète en poussant des cris de détresse 
qui donnent le signal à des milliers do camarades. 
C'est alors un aliïeux charivari, et le malheureux 



chercheur dVufs est enseveli sous une pluie de 
guano. Mais ce n'est pas tout! Le goéland, qm ne 
pond plus, a pour les œufs du pingouin un goût gas- 
tronomique très-déclaré. Tandis que le chasseur croit 
mettre la main sur une couvée, il se trouve évincé 
par le goéland qui l'a suivi sournoisement, et ose lui 
disputer sa proie. Lorsque l'oiseau a pu attraper 
l'œuf qu'il convoitait, il le casse au-dessus de 
l'homme, avale ce qu'il peut du contenu, et laisse 
tomber le reste en guise d'omelette. 

Le pingouin n'est pas bon à manger. C'est un 
oiseau un peu moins grand qu'un canard, et pour- 
tant son œuf est gros comme utl œuf d'oie, cttrès- 
| recherché pour la pâtisserie. 



132 



LA NATURE. 



Le perroquet de mer a une crête sur la lète, et 
ressemble à un kakatoès. Cette espèce n'est pas si 
abondante que les autres dans l'île méridionale. 
Elle fait son nid dans le creux d'un rocher, et se dé- 
fend à coups de bec contre les attaques de l'ennemi. 
Ces oiseaux disparaissent tons à la lois, vers la lin de 
la saison et vont l'on ne sait où. Ils reviennent d'in- 
tervalle eu intervalle, mais ne restent que peu de 
jours et repartent où se dispersent en diverses ré- 
gions du Pacifique 1 . Ch. Nordhoff. 

LES A K C I E K S 

0ISEAl T X DES ILES MÂSGAREIGNES 

LE DUONTE DE l'ilK MAURICE. 

(Suite et tin. — Voy. p. 10 et 59.) 

Les anciennes peintures dont nous avons parlé 
et qui semblent d'une fidélité si scrupuleuse, suf- 
firaient presque à donner une idée du Dodo, de 
son aspect extérieur et do ses mœurs ; mais nous 
avons plus que cela, nous avons des pièces ana- 
tomiques du plus haut intérêt, qui permettent de 
rétablir le squeleltc et d'étudier les affinités de cet 
oiseau singulier. Le musée Britannique possède en 
effet un pied de Dodo, qui provient du cabinet de la 
Société royale, et le musée Ashmoléen d'Oxford con- 
serve encore la patte et la tête de ce spécimen de 
Dronte qui faisait partie de la collection de Trades- 
caut et dont nous avons déjà dit quelques mots. 
L'histoire de ce spécimen estasse/; curieuse : légué par 
son possesseur à Elias Ashmole, il fut donné par ce 
dernier, avec une foule d'autres raretés, à l'Uuiveivité 
d'Ox!ôrd, mais il ne fut l'objet d'aucuns soins, et se 
dégrada déplus en plus. Aussi, eu 1755, le vice- 
chancelier et quelques autres membres de l'Univer- 
sité faisant leur inspection annuelle, le trouvèrent en 
fort mauvais état ; ils n'imaginèrent alors rien de 
mieux que d'en ordonner la destruction, et anéanti- 
rent d'un seul coup le dernier représentant d'une 
espèce qui avait, déjà complètement disparu de l'île 
Maurice. Heureusement les règlements do l'Univer- 
sité prescrivaient de conserver, pour la comptabilité, 
la patte cl le hoc de tous les oiseaux réformés 't des- 
tinés à être brûlés ; c'est grâce à cette circonstance 
que ces débris sont parvenus jusqu'à nous ; et qu'en 
1847 le professeur Acklandputen faire une dissection 
minutieuse qui a fourni à MM. Stickland et Mclvillo 
les prinoij aux éléments de leur travail. Peu d'années 
auparavant M. lkinhardt avait été assez heureux pour 
retrouver à Copenhague ce crâne de Dronte qui avait 
été vu par Olearius au musée Gottorf, et avait tiré de 
son étude des conclusions fort intéressantes. Mais ces 
matériaux, quelque précieux qu'ils fussent, ne per- 
mettaient pas encore d'élucider certains points do l'a- 
P.atomieduDodo; aussi l'on peut comprendre quel le fut 

1 Uwpev'a Kew-Moulhly Magaiine. — Kcw-York, 1874. 



la joie des naturalistes lorsqu'on 1866, M. (ï. Clark 
annonça qu'il venait? de découvrir, après plusieurs 
années de recherches infructueuses, de nombreux 
| ossements de Dronte, à l'île Maurice, dans un petit 
étang nom n lé la Mare aux Songes 1 . Ces ossements 
étaient enfouis dans la vase, sous une couche épaisse 
d'herbes flottantes, dans un endroit où l'eau présen- 
tait une profondeur de deux à trois pieds; ils appar- 
tenaient tous à des oiseaux adultes, et n'offraient pas 
: la moindre trace d'incision ou de brûlure; leur 
couleur variait du brun acajou au noir d'ébène et quel- 
! ques-uns étaient aussi frais que s'ils provenaient d'oi- 
seaux morts récemment. Tout à côté gisaient des os 
de cerf, de cochon et de singe, la plupart dans leurs 
rapports naturels, et des débris de différentes espèces 
d'oiseaux tels que le Flamant, le Courlicu, la Galli- 
nulc et l'Aigrette. 11 est certain que tous ces animaux 
' avaient vécu dans cet endroit, qui était jadis reeou- 
| vert par d'épaisses forêts, et qu'ils y avaient péri d.i 
| mort naturelle. C'est là aussi que devaient se tenir 
> les Broutes qui étaient probablement, d'après M. Clark 
j îles oiseaux granivores ou frugivores, et qui trouvaient 
en abondance les graines et les fruits des figuiers, 
des oliviers et des Pandanus, et peut-être aussi les 
mollusques terrestres dont ils faisaient leur nourri- 
! ture. 

Les ossements recueillis par M. Clark à la Mare 
aux Songes, consistaient principalement eu vertèbres, 
I en tarso-métatarsiens, en portions de bassins cl de 
sternums, en fragments de tètes, et en becs encore 
revêtus de leurs étuis cornés. Une collection de ces 
pièces ayant été envoyée à Londivs et vendue aux 
enchères, M. le professeur Alphonse Miine-Kdwards 
s'empressa d'en acquérir quelques-unes et s'en servit 
pour mieux établir qu'on ne l'avait fait jusqu'alors, 
les relations du Dronte avec les différents oiseaux de 
la faune actuelle. La position que le Dronte doit occu- 
per dans les classifications omitliologiqucs avait été 
en effet fort controversée. Uay, Lmué et Latliam, se 
fondant sur la brièveté des ailes de cet oiseau et sur 
son inaptitude au vol, l'avaient misa côté des Autru- 
ches; Temminck et Cuvier, parlant des mêmes consi- 
dérations, l'avaient rangé tout près des Manchots; de 
Blanvillc, de La Fresnaye, (îould et Richard Owcil 
l'avaient au contraire rapproché des Vautours à cause 
de la forme de sou bec, de la nudité de son col et de 
la dïspositionde ses doigts. D'un autre côté MAL Slrick- 
land et Melville qui avaient recueilli tous les docu- 
ments transmis par les voyageurs, et qui avaient 
étudié non-seulement les figures peintes par des 
artistes contemporain?, mais encore et surtout les 
pièces anatomiques préparées par le professeur 
Ackland et par le docteur Kidd, avaient cru pouvoir 
conclure de leur examen que le Dronte était un Pi- 
geon, mais un Pigeon de type aberrant. Lu effet tout en 
ressemblant à certains égards au Didunculus des îles 
Samoa et au Goura des Moluques, le Dronte différait, 
disaient-ils, de tous les Pigeons par la direction de* 

1 Songe est le nom local du chou caraïbe [Arum cnculuti- 
tum). 



LA NATURE. 



125 



narines» la longueur à peu près égale du tarso-méta- ' 
tarsien et de la phalange voisine du doigt postérieur, 
la petitesse du crâne relativement au bec, et surtout 
par l'absence d'ailes ; ce dernier caractère devait as-ez 
naturellement se rencontrer, suivant MM. Slrickland 
et Melville, chez un oiseau qui habitait une île tic 
peu d'étendue cl qui, trouvant en abondance autour 
de lui les fruits et les graines nécessaires à sa subsis- 
tance, n'avait nul besoin d'émigrer vers de lointains 
parages. 

L'opinion soutenue par MM. Slrickland et Melv lie 
avait déjà été émise, en 1842, par Reinhardt, de Co- 
penhague ; elle avait été partagée plus tard par G.-U. 
Gray et par le prince Ch. Bonaparte : Gould, ainsi 
que !e professeur Owctl n'avaient pas tardé à s'y rai- 
lier. Au contraire, M. Brandt, de Saint-Pétersbourg, 
avait trouvé que le Dronte se plaçait plus convena- 
blement parmi les Kchassiers, à côté des Pluviers, 
qui présentent dans leur ostcologie certains carac- 
tères des pigeons. Enfin, M. le professeur Gervais, 
reprenant en partie l'opinion de Blainville, avait dé- 
claré dans sa thèse sur les oiseaux fossiles el dans sa 
Paléontologie française, que le Dronte était un oiseau 
lie en même temps aux "Vautours et aux Gallino- 
giades les plus voisins de ceux-ci, par exemple les 
Kamicliis. 

M. le professeur Alpli. Milne Edwards, qui s'est 
livré à une étude approfondie de Postéologic du 
Dronte, pense que le Dronte est un Pigeon, comme 
l'ont dit MM. Slrickland et Melville, mais il lui 
parait impossible d'expliquer les différences si re- 
marquables que cet oiseau présente avec les autres 
Pigeons par des raisons d'adaptation au milieu 
dans lequel il vivait. En effet, le Dronte n'offre 
pas seulement une exagérai ion du lypc dus Pigeons 
marcheurs, qui se trouve réalisé dans le Goura et 
dans le Nicobar, il montre dans certaines parties 
de son squelette, et particulièrement dans le bas- 
sin et le sternum, des caractères spéciaux, dont il 
importe de tenir grand compte; et par conséquent, 
tout en se plaçant à côté des Colombidcs, l'oiseau 
de l'île Maurice doit constituer un groupe à part. 
Mais si les dissemblances tlu Dronte avec les Pigeons 
marcheurs ne sauraient être négligées, elles ne sont 
rien auprès des différences qui le séparent des Vultu- 
rîdés; chez le Dronte, en effet, comme chez les Pi- 
geons, le fémur est à peu près droit, le tnrso-méta- 
tarsien presque cylindrique et arrondi dans sa partie 
postérieure, le talon trôs-développé ; chez les oiseaux 
de proie au contraire le fémur est légèrement arqué 
eu avant, le tarso métatarsien est comprimé et pourvu 
en arrière d'une gouttière assez profonde, et le talon 
est rudimentaife. L'apophyse épisternale, Lien dis- 
tincte chez tes Pigeons et les Vautours, n'existe pas 
d'ailleurs chez le Dronte, dont le bassin présente aussi 
une forme toute particulière et rappelle, mais de fort 
loin , celui des Cigognes. Nous ne pouvons malheureu- 
sement insister davantage sur ces détails purement 
anatomiques, et nous renverrons ceux de nos lecteurs 
que ces questions intéressent à l'ouvrage de MM. 



Slricklauil et Melville et surtout au mémoire plus 
récent de M. le professeur Alph. Milne Edwards l ; ils 
y trouveront exposées toutes les pari icularités ostéolo- 
giijues qui rapprochent le Dronte des Colombides et 
qui l'cJoignent au contraire considérablement* des 
Vautours, des Kchassiers et des Gallinacés eutre les- 
quels M. le professeur Gervais persiste à le placer*. 
D'ailleurs, si Pou admet que le Dronte avait des af- 
finités avec les Vautours il faut supposer qu'il se 
nourrissait de chair, les oiseaux de proieétant, comme 
leur nom même l'indique, essent ellemcnt carnas- 
siers ; or, comme M. Alph. Milne-Edwards le fait 
justement remarquer, à l'époque où vivait, le Dodo, 
l'île Maurice ne renfermait, excepté des Chauves -sou- 
ris, aucun mammifère dont cet oiseau put faire sa 
nourriture. Le Dronte aurait donc vécu de reptile?, 
de batraciens et de mollusques; cela paraît peu pro- 
bable, quoique dans un des tableaux de Savery nous 
voyions le Dodo guettant une espèce d'anguille. 11 est 
certainement beaucoup plus naturel d'attribuer nu 
Dronte un régime végétal et de supposer que, comme 
le Goura, le iNîcobar et beaucoup d'autres Pigeons 
terrestres, il se nourrissait de graines et de semences 
qu'il brisait facilement avec son bec robuste. 

Tels sont en résumé les documents que nous pos- 
sédons sur le Dronte ; nous connaissons désormais 
son organisation, ses habitudes et la place qu'il doit 
occuper dans les classifications ornithologiques. 

Ë. Ol'STALET. 

LES TACHES SOLAIRES 

ET LE CHANGEMENT DE JNIVEAU DES GRANDS LACS 
AMÉRICAINS. 

Cène sont plus seulement les variationsde l'aiguille 
nirnantée, le nombre des aurores boréales, nés trem- 
blements de terre et des c\ clones qui sont mis en 
rapport avec la variation annuelle des taches du so- 
leil. Un géologue américain, M. G Daw.-on, après 
avoir officiellement constaté les variations annuelles 
de niveau dans les eaux du lac Erié, et en avoir tracé 
la courbe, a remarqué une singulière concordance en- 
tre cette courbe et celle des taches du soleil. Il en 
conclut après comparaison attentive que les périodes 
de ces deux phénomènes pourraient, bien avoir outre 
elles des rapports certains. Voici le résumé de ces 
remarques. 

Le niveau des eaux est soumis dans les lacs comme 
dans les rivières, à différentes causes, les unes lentes, 
tes autres rapides. Celles-ci dépendent des saisons et 
des brusques phénomènes météorologiques; les pre- 
mières varient lentement d'année en année. On ne 
s'occupe ici que des variations lentes. 

1 Comptes-rendus de l'Académie des sciences du 23 avril 
186û, et Annales des sciences naturelles, &• série, t. V (lhOO), 
p. 355 et suiv. (avec pi.). 

s Mémoire en collaboration avec M. Coqucrcl, lu ù l'Acadé- 
mie (tes sciences, le 25 avril 18u0. 



!24 



LA NATURE. 



Les observations faites par le gouvernement des 
États-Unis, sur le niveau des lacs Ontario, Supérieur, 
Miehigan, Eric, s'accordent pour montrer une éléva- 
tion de niveau pendant les années 1850, 1860 et 
1861 et une diminution pendant les années 1866, 
1867, 1868. Les premières correspondent au maxi- 
mum des taches solaires et les secondes au mini- 
mum. 

La hauteur moyenne de ces lacs, au-dessus d'une 
bnse arbitraire, est de 30 pouces pour les années 
maximum, et de 15 pouces pour les aimées minimum 
la différence est donc de 15 pouces entre les deux 
moyennes (plus exactement 14,64). 

En remontant jusqu'aux observations de l'année 
1788, l'auteur est parvenu à déterminer la hauteur 
moyenne des eaux du lac Erié principalement et à tra- 
cer la figure ci-dessous. Dans c?- diagramme, la ligue 
continue représente la courbe de Carrigton sur le 



nombre des taches solaires; la ligne brisée représente 
les observations plus récentes et continuées jusqu'en 
1868 de MM. Dclarue Stewirt et Lœwy; la courbe 
inférieure représente la variation de niveau du lac 
Érié. 

On remarque un accord satisfaisant pour les qua- 
tre premiers maxima et surtout pour 1837 et 1858 ; 
cette dernière aimée a été la plus haute du siècle 
pour les lacs Erié et Ontario. Les trois dernières pé- 
riodes de maxima des taches solaires, arrivées en 
1848, 1859 et 1870 sont loin d'être aussi visibles 
sur lu courbe des eaux ; mais l'auteur paraît satisfait 
de l'élévation sensible marquée en 1800 eu égard au 
niveau général, qui est depuis 1 838 supérieur au ni- 
veau ancien. Il ajouta que la correspondance entre 
les périodes de maxima et de minima des taches so- 
laires et des fluctuations des grands lacs, doit ouvrir 
un nouveau champ de recherches, quoiqu'elle ne soit 




Courbes comparées des variations annuelles clés taches solaires et du niveau du lac lirirt. 



pas absolue et montre l'extension du cycle météoro- 
logique mis en évidence par MM. Meldrum et Lockyer. 
Dans leurs changements de niveau moyen annuel, 
les grands lacs donnent probablement la moyenne 
exacte de la quantité de pluie tombée sur un large 
espaee. Les saisons dans lesquelles lévaporation et la 
précipitation, ont été considérables, se refléteraient 
pour ainsi dire dans le niveau des lacs; et si celui- 
ci est en rapport avec le nombre des taches du soleil, 
l'opinion de la coïncidence de celle-ci avec une plus 
grande activité solaire serait continuée. En examinant 
les chroniques de Zurich, 51. Wolf a remarqué que 
les années riches eu taches solaires, ont été en géné- 
ral plus sèches et plus fertiles que celles du carac- 
tère opposé, lesquelles sont plus tourmentées de 
tempêtes que les premières. Par une autre série 
d'observations, M. Gauthier de Genève a trouvé le 
contraire. M. Dawson fait remarquer, en terminant, 
que les deux conclusions pourraient être vraies; l'é- 
vaporation pourrait amener ici la sécheresse, et plus 
loin la pluie suivant les conditions orographiques du 
terrain et suivant les courants d'air. Dans le cas des 



grands lacs, l'humidité et les vents froids amènent 
inévitablement la pluie. 

Ces observations ne doivent pas être acceptées 
comme définitives mais elles sont intéressantes et 
appellent l'attention sur des coïncidences qui peuvent 
avoir leur valeur 1 . 



LES GRÊLONS DU MOIS DE JUIN 1874 

Il y avait longtemps que des orages de grêle aussi 
violents que ceux du mois de juin dernier, ne s'é- 
taient offerts à l'observation des météorologistes. Le 
21 juin les départements du Rhône et de l'Isère, ont 
eu particulièrement à souffrir de la chute de grêlons, 
dont les dimensions étaient vraiment extraordinaires. 
Ces projectiles d'eau solidifiée étaient, pour la plu- 
part, gros comme des noisettes, il s'en trouvait dans 
le nombre qui atteignaient le volume d'un œuf de 
poule. La gravure ci-contre reproduit fidèlement la 

» Salure, 7.0 avril 187 i. 



LA NATURE. 



125 



grandeur et l'aspect de deux de ces formidables grê- 
lons, formés d'un noyau central, autour duquel se 
superposent des enveloppes concentriques de glace. 
En se représentant, par la pensée, la chute d'une 
telle mitraille, ou conçoit l'importance des dégâts et 
des désastres qu'elle est susceptible de causer. 

Dans la nuit du 27 au 28 du même mois, un nou- 
vel orage de grêle non moins extraordinaire s'est 
abattu sur le département de l'Hérault. 

Nous avons déjà parlé des observations qui ont été 
faites à Montpellier et à Nimes 1 . Nous les complé- 
terons aujourd'hui en reproduisant quelques rensei- 
gnements que M. J. Gay a récemment communiqués 
à 31. Cli. Sainte-Claire Deville 2 . « Une demi-heure 
après la chute des grêlons, j'en recueille un panier, 
dit M. Gay, et j'en pèse et mesure plusieurs. Ils sont 



en général plus gros qu'une noix, leur forme est 
grossièrement ellipsoïdale , leur surface mamelon- 
née; tous possèdent le noyau opaque entouré de 
glace très-transparente. Leur plus grand diamètre 
est de 30, 40, 50 millimètres; j'en mesure un, fort 
irrégulier et très-diminué déjà par la fusion, qui a 
62 millimètres de longueur; sept, pesés ensemble, 
égalent 150 grammes. Le matin... le sol est criblé de 
trous ellipsoïdaux presque hémisphériques, ils ont 
35, 40, 50 millimètres de diamètre, j'en ai mesuré 
de 75 millimètres. 

Sur les volets et les murailles on voit la trace des 
grêlons ; des tuiles et des pots de fleurs ont été bri- 
sés, le bord de l'ouverture d'un arrosoir en zinc, bien 
que doublé, a été déchiré.... L'orage paraît être né 
sur la frontière de l'Aude et de l'Hérault, auprès de 




'--■>-■ 



Créions tombés à Lyon, le 21 juin 1 S7-i. Grandeur nature!!'.) 



Saint-Pons dans lainonlagneNoire.il s'est dirigé en- 
suite O.-S.-O, E.-N.-B,, passe vers 1 1 h. 30 au nord 
de Iiéziers, atteint Pezenas et Jlontagnac sur la vive 
droite, s'infléchit légèrement vers le sud au contact des 
hauteurs de Valhanquès, puis, à partir de Montpel- 
lier, suit à peu près exactement la ligne du chemin 
de fer de Montpellier à Nîmes et va mourir enfin aux 
environs de Mimes. La largeur du fleuve de grêle pa- 
raît avoir été de 8 à 10 kilomètres environ; mais il 
n'a été réellement désastreux que sur une largeur 
moindre. C'est sur la rive gauche que l'orage parait 
avoir eu sa plus grande intensité; là, la grêle est 
tombée très-serrée, très-grosse pendant quinze à dix- 
huit minutes. Les récoltes, sur cette ligne, sont en- 
tièrement perdues ; les communes d'Adissan, Tres- 
sai), Yendemian, Grabels, Caslelnau, Lunel-Viel, 
.sont signalées comme absolument dévastées — Sur 
certains points les arbres sont dénudés comme en 
hiver.... Des évaluations qui ne paraissent pas exa- 

1 Voy. n» 59, p. 116. 

1 Comptes rendus de l'Académie des sciences. Séance du 
C juillet 1874. 



gérées, portent la perte en vin, due à l'orage, dans le 
département de 1 Hérault, à 2,500,000 hectolitres, 
soit, à 20 francs l'hectolitre, 50,000,000 de francs. » 

Les orages de grêle du mois de juin ont été, 
comme on le voit, très-sérieusement étudiés * les 
observations des grêlons si considérables qui se sont 
précipités sur le sol confirment celles qui ont été 
faites précédemment dans des circonstances analo- 
gues. Les grêlons sont en effet presque toujours 
formés, comme ceux des 21, 27 et 28 juin, d'un 
premier noyau sphérique d'un blanc laiteux et 
opaque, autour duquel se présentent des enveloppes 
concentriques de glace transparente. 

Les formes des grêlons sont très-variables; le plus 
habituellement ils sonL ronds, sphériques; quelque- 
fois ils se présentent sous la forme ovoïdale, il arrive 
même qu'ils offrent l'aspect d'un polyèdre géomé- 
trique, dont les faces sont très-distinctes. Quand on 
regarde à la loupe la section pratiquée dans la 
masse d'un grêlon, on aperçoit un réseau à mailles 
hexagonales, qui dénote la structure cristalline do 
sa formation. 



126 



LA NATURE. 



Les grêlons du mois de juin ne sont pas les plus ' 
gros que l'on ait vus tomber à la surface du sol, ' 
quoique leur dimension soit respectable, ou en cite 
de plus volumineux encore. C'est ainsi qu'au mois 
d'octobre 1844, pendant un orage effroyable qui dé- 
vasta une glande partie du midi de la France, on 
recueillit des grêlons qui ne pesaient pas moins de 
U kilogrammes. Ces glaçons avaient la force de bon- , 
L-ts du canon; aussi des hommes se trouvèrent-ils 
lapidés par ces projectiles atmosphériques; des toi- 
tures furent effondrées et des bateaux fluviaux coulés 
à fond. II, Nue rapporte (pie dans la Tarlarie les 
grêlons atteignent parfois des dimensions plus gran- 
des encore ; on en a vu qui pesaient G kilogrammes, 
et leur chute décimait en un instant des troupeaux 
entiers ! 

Enfin une chronique du temps de Charlemagne 
nous parle de grêlons de la taille d'un éléphant! 
Mais il nous paraît prudent de nous arrêter dans 
cette énumération, tout en nous permettant même 
rie mettre en doute !a véracité de ce dernier histo- | 
Fieû ! L. LiiininEii. 

CHRONIQUE 

Analyse et synthèse du Idcu égyptien. — Ce Lieu 
parfaitement exempt de cobalt u été trouvé ou fragments de 
li grosseur d'une bille d'écolier, dans les ruines d'Ànfun, et 
<! uis l'oppidum gaulois du inotit Beuvray (Saône-ct-Loire). 
I, a substance, d'après M. II doFoulenay, est rude au toucher: 
c'.!o s'écrase facilement sous le pilon. Examinée à la loupe, 
su poudre laisse voir do petits grains blancs de silice libre. 
L'analyse a fait voir qu'elle était formée de silice 70,20, 
oxyde de cuivre 1G,44, alumine et oxyde de fer 2,5(5, 
chaux 8,35 et soude, 2,83. l'iu faisant fondre un mélange 
intime de sable blanc, d'oxyde noir de cuivre, de craie et 
de carbonate de soude, M. de Fonlenay a ohtenu une fritte 
bleue tout à fait semblable à l'azur des anciens. 

Anniversaire de 1» découverte de l'oxygène. 

— Le 1" août aura lieu à Birmingham uni cérémonie in- 
téressante. M. lluxbiy inaugurera, au nom d'un comité de 
souscription, une statue de Prieslley pour célébrer le cen- 
tenaire de la découverte de l'oxygène. Il est à remarquer 
qu'on ne fait rien en France pour célébrer la part que 
Lavoisier a prise à celte découverte et les conséquences 
immenses qu'il a pu en dégager. 

Prieslley habitait, comme on le sait, Birmingham. Son 
laboratoire fut incendié par des fanatiques, à cause de 
l'enthousiasme avec lequel ce grand homme avait salué la 
Révolution française. 

Iffi. Pasteur. — Dans sa séance du 18 juillet 1874, 
l'Assemblée nationale a adopté par 552 voix contre 24 le 
projet de loi dont nous donnons le texte : 

f Art. 1". — Il est accordé à M. Pasteur une pension 
annuelle et viagère de 12,000 fr. à litre de récompense 
nationale. 

« Art. 2. — Cette pension sera inscrite au livre des 
pensions civiles du Trésor public, avec jouissance ù partir 
de la promulgation de la présente loi ; elle ne sera pas su- 
jette aux lois particulières du cumul ; elle sera réversible 
par moitié sur la veuve de M. Pasteur. » 



11 est à regretter qu'un des honorables ait cru devoir 
protester contre cet acte de justice ; mais sa voix a été 
étouffée. Nous avons applaudi, et nous applaudissons en- 
core à la récompense nationale accordée à M. Pasteur; 
mais il ne faudra l pas oublier que nous avons en France 
d'autres savants illustres, dont les litres à lu reconnais- 
sauce publique no sont pas moindres que ceux de M. Pas- 
teur. 

Les bancs d'anchois dans la Méditerranée. -^ 

Le passade des anchois de l'ouest à l'est, dans la Méditer- 
ranée, est cette année d'une abondance extraordinaire; les 
légions de ces poissons, serrés les uns contre les autres, 
couvrent une superficie de plusieurs kilomètres carrés ; 
c'est par millions qu'il faudrait le* compter. Ces masses 
animées sont suivies de quelques gros poissons qui dévo- 
rent leur arriére-garde. L'abondance dits anchois dans la 
Méditerranée est, pour les populations riveraines et pour 
l'industrie des salaisons, ce que l'abondance des harengs 
est pour les populations riveraines des mers du Nord, c'est- 
à-dire une source de richesse. L'aucliois frais et l'anchois 
salé sont des aliments de premier ordre dans les contrées 
maritimes. 

Sa réputation es! très-nneinnne. I, es Crées »>t les lioin:iins, 
dans le temps où ils attachaient le plus d'importance à 
l'art de préparer les aliments, faisaient avec les anchois 
une liqueur que Ton nommait garum, et qui était, sur 
toutes les tables, lu sauce piquante par excellence. La pré- 
dilection pour ce poisson était telle, que de riches p rli- 
culiers emplissaient d'eau de mer de grands viviers et v 
conservaient des anchois pour leur table. Aulus liirtius, 
qui donna un grand repas à César au moment où celui-ci 
venait d'être nommé dictateur, fit servir un plat composé 
de plusieurs milliers d'anchois. 

la peste. — Suivant une dépêche télégraphique, la 
peste aurait éclaté à Bagdad cl à Tripoli. Le mois dernier, 
une commission composée de quatre médecins a été en- 
voyée par le gouvernement ottoman pour faire un. 1 enquête 
cl un rapport au sujet de cette maladie, et la commission» 
déclaré que c'était la peste. Elle existe à Hillé, Divanic':, 
Dagara et A lidj. Des mesures quarantenaires ont été proinp- 
teinent appliquées tout autour du district infecté, et les 
derniers télégrammes de Bagdad, jusqu'au 14 courant, an- 
noncent que l'épidémie diminue sensiblement. La nou- 
velle s'est récemment répandue que la peste a également 
éclate à Sina, dans le Kurdistan persan, à peu de distance 
de Bina, où elle avait fait son apparition en 1871 ; mais 
cette nouvelle demande confirmation. D'un autre côté, la 
peste s'est montrée à Merdj, ville du district de Barca, à 
une distance de vingt heures de Bengazi, porte de l'Afrique 
septentrionale. [Gazelle de médecine). 

■/extraction «le l'or ù Victoria. — Un rapport de 
la commission des mines de Victoria, reproduit eu extrait 
par le Journal of Applied Science, n'évalue pas à moins 
de 00,595 le nombre des ouvriers qui ont été occupés à 
l'extraction de l'or sur h; territoire de cette colonie, pen- 
dant le dernier trimestre de l'année 1873. Le contingent 
des travailleurs, formé en grande partie d'Européens, a été 
de 55,822 individus dans les mines d'alluvion et de 
16,775 dans celles de quartz, lin outre, 562 machines à 
vapeur, représentant une force motrice de 9,579 chevaux, 
ont été employées à l'exploitation des mines. La valeur ap- 
proximative de tout le terrain minier de la colonie est évaluée 
dans le rapport à 55,280,000 fr. Quant à la production de 
l'or pendant le dernier trimestre de 1873, elle a été de 



LA NATURE. 



1<»7 



21)7,570 once?, sur lesquelles 267,571) onces ont été ex- 
portées. (Revue industrielle) . 

I. oulîiun en 18 9-1. — La vigne a montré sa fleur 
dans des conditions satisfaisantes. La coulure tint redoutée 
ne s'est jioint produite; malgré les pessimistes, on est 
fondé a croire qu'elle n'est plus à craindre. Malheureuse- 
ment, d'après le journal la Vigne, l'oïdium se montre 
presque partout, comme échantillon ; cet ennemi de la 
vigne n'a point disparu: les cépages tendres et à feuilles 
molles témoignent des nuages qu'il est prêta exercer, si 
l'on ne s'empresse de le combattre parles moyens les plus 
énergiques. 11 faut donc se lia ter. Les soufrages sont de 
toute opportunité: on no doit point négliger d'employer «et 
siéent actif, dans les rareslnlcrval les du temps calme et 
du soleil Le soufre, qui peut fournir les meilleurs résultats, 
doit «Ire trituré avec 25 p. 100 de plâtre gris. Cette der- 
nière substance donne de la force, do la solidité et de l'a- 
di.érence à la poudre jaune qui se maintient plus longtemps 
sur le Lois et sur le feuillage. On ne saurait user de trop 
de précautions et de soins dans la préparation des vignes 
soumises aux soufrages. Il est indispensable de les palis- 
ser, de relever doucement les nages, afin d'éviter que le 
verjus soit brusquement déplacé et que le soufre atteigne 
foutes les parties vertes. Le soufflet, même malgré les im- 
perfections qu'il présente, est encore l'instrument qui 
offre le plus de ressources pour ces opérations. 

BIDLIOGRAPHIE " 

Les 'mouvements de i 'atmosphère et des mers, considérés 
au point de vue de la prévision du temps, par M. Marié 
Davv, avec 2i cartes tirées en couleur et de nombreuses 
ligures dans le texte. G. Màssok, éditeur. 
Aucune é, oque n'a été aussi favorable pour recomman- 
der le bel ouvrage du savant directeur de l'Observatoire de 
Sloutsouris; la météorologie rationnelle basée sur l'obser- 
vation dis faits préoccupe plus que jamais le publie éclairé; 
elle a, en effet, déjà fourni ses preuves de prévision, et 
M. Marié Davv est certainement un des observateurs qui 
ont le plu» contribué à la création de ces méthodes nou- 
velles dont l'avenir est assuré. Non-seulement le bel ou- 
vi âge de M. Marié D.ivy, nous ouvre le grand tableau des 
mouvements aériens et océaniques, mais il nous révèle les 
conséquences de cette grande étude, et nous indique les 
services que les hommes sont en drodd'cn attendre parla 
possibilité de prévoir les phénomènes atmosphériques. 

ACADÉMIE DES SCIENCES 

Séance du 2i) juillet 1S71. — Présidence de M. I!eutiusl>. 

C'est sans doute dans l'effroyable température que nous 
subissons que se trouve la cause de l'apathie de l'Académie. 
Les membres extrêmement peu nombreux murmurent 
avec peine les quelques mots qu'ils ont à dire, et avant 
quatre heures un quart, moins d'une heure après l'ouver- 
ture de la séance, le président annonce qu'il n'y a plus 
rien à l'ordre du jour, et qu'en désespoir de cause la docte 
compagnie va se former en comité secret. 

Récompense nationale à M. Pasteur. — La pièce 
saillante delà correspondance est une lettre de M. Paul liert 
dans laquelle ce député annonce qu'il vient de présenter 
à l'Assemblée nationale un rapport tondant à faire accepter 



le principe des récompenses nationales au* auteurs de 
travaux scientifiques utiles, et la première application de 
celte mesure à M. Pasteur. Le rapporteur met à la dispo- 
sition de l'Académie le nombre d'exemplaires du rapport 
qu'elle jugera utile afin que tout le monde en ait. 

Conductibilité des corps ligneux. — M. Du Moncel a 
reconnu que les corps ligneux sont d'autant plus conduc- 
teurs de l'électricité qu'ils sont plus riches en humidité. 
Si, par la pression, on enchâsse toute l'eau, leur conduc- 
tibilité diminue d'une manière très-sensible. 

Pansement des plaies. — Par le canal de M. Gossclin, 
un praticien de bordeaux, M. le docteur lluzam soumet 
un nouveau système de pansement des plaies d'amputation. 
Ce procède, qui consiste dans remploi d'une suture pro- 
fonde et d'une suture superficielle, offre quelques points 
d'analogie avec le pansement par occlusion que M. Al- 
phonse Guérin a récemment décrit. Cependant il en dif- 
fère profondément par le drain que l'auteur conserve, et 
rpii, permettant l'écoulement constant du pus, laisse Pair 
pénétrer en même temps dans Pappareil. 

Chimie organique. — Une intéressante expérience est 
réalisée par M. ûppelhcùn. lilleconsisl e à traiter l'étber acé- 
tique iode par le chloroforme. Dansées conditions il se fait 
une réaction quelque peu complexe, dont Pun des produits 
est un acide de la série benzoïque. Le passage est donc réa- 
lisé delà série grasse à la série aromatique. 

Thermo-chimie • — Lorsque le sulfate de soude est 
placé dans l'eau à une température telle qu'aucun hydrate 
n'est possible et que le sel anhydre se dépose seul, il se 
développe cependant une grande quantité de chaleur. Tel 
est 1: fait étudié par M. de Kobcll, et qui parait présenter 
à M. Dertbelot un intérêt tout spécial. 

Action réciproque des courants. — Dans fous les traités 
de physique on enseigne que deux éléments de courant 
s'attirent lorsqu'ils sont de même sens et se repoussent 
dans le cas contraire. D'après M. Bertrand, celte propo- 
sition est fausse et diamétralement contraire à ce qui ré- 
sulte de la loi d'Ampère. Stanislas Meunilr. 



LES DÉAlYELUïlCm SÉCULAIRES 

1,'ecorce terrestre n'est pas seulement soumise à 
des secousses violentes, comme les tremblements de 
terre, elle éprouve aussi des mouvements très-lents, 
tellement inappréciables, qu'ils ne peuvent être con- 
statés que par plusieurs générations successives d'ob- 
servateurs. Ces constatations n'ont un caractère de 
vraisemblance que sur le bord de la mer, parce que 
l'on possède à côté un repère unique pour sa régu- 
larité : le niveau de la nier. Il serait impossible de 
rattacher une observation, faite dans l'intérieur des 
terres, à un plan de nivellement., qui fût. en rapport 
avec la dépression ou l'élévation de la surface de la 
terre. La base chronologique manque. 

Si la mer a envahi les terres, on peut retrouver 
des traces d'enfoncement ; si le contraire s'est pro- 
duit, on retrouve dans les terres ou sur les roches 
des coquillages marins, témoignages écrits de l'an- 
cien niveau de la mer. Les travaux dus à la main de 
l'homme, tels que les ports, les constructions an- 
ciennes, sont aussi des repères que le hasard donne 
pour la révélation des changements de niveau. 



128 



LA NATUDE. 



Les premières études sur cette question remontent ■■ 
à 1750 ; l'abaissement du plan d'eau de la mer Bal- 
tique fut constaté par Celsius. Ayant (ait un repère à ! 
l'île Loëff grand, il vit avec Linné, treize ans plus tard 
une différence de 18 centimètres. Playfair, en 184)2, 
et Buch, en 1807, émirent l'opinion de changements 
de niveau dans le sol, et non pas dans la mer. Ces 
travaux furent continués par sir Hoderick Mu rebison 
en 1845 ; comparant l'affaissement des côtes de ! 
Suède et l'élévation de celles de Norsvége, il avança 
:pie la péninsule Scandinave était soumise à un mou- 
vement de bascule. Depuis, de nombreux observa- 
teurs se sont mis en quête de renseignements, et ils 
en ont rencontré sur presque toutes les côtes. 

Les oscillations sont plutôt locales que générales ; 
on retrouve dans un même endroit de certaine éten- 
due, des preuves de variation de niveau semblables 



à un plissement du sol. 11 est hors de doute que ces 
mouvements se sont manifestés dans presque tous les 
âges, et qu'ils se continuent encore en vertu d'une 
loi générale mal déterminée. Deux causes sont pro- 
bablement en action, et l'une pourrait être la consé- 
quence de l'autre. Plusieurs géologues les regardent 
comme des tremblements de terre avortés, d'autres 
comme le résultat de modifications successives de la 
nature du sol, L'action de la mer et de l'atmosphère 
étant très-iucgales, l'équilibre des côles est constam- 
ment modifié, ce qui peut produire dos glissements ; 
ils sont comparables à ceux qu'on rencontre dans les 
tram hécs de chemin de fer, seulement ils sont réglés 
par les progrès de l'érosion, en sorte qu'ils ont lieu 
avec une lenteur séculaire. 

Nous ajouterons aux nombreux exemples déjà con- 
statés sur le littoral français de l'Océan, quelques 




r races do dénivellations des côtes à Roscof (Finistère). 



observations sur les côtes du Xorcl, où les dénivella- 
tions fournissent de fréquents témoignages. On trouve 
à la pointe Sainte-Harbe, près lloscof, à plusdu cinq 
mètres au-dessus du niveau des hautes mers, un ter- 
rain meuble rempli de galets, où l'on cultive ces lé- 
gumes qui font la réputation du pays. Cette terre 
argilo-siliceusc, mise à découvert par érosion des 
pluies et du vent de mer, offre une épaisseur d'au 
moins deux mètres. Si l'on accepte ce témoignage 
comme preuve du séjour de la nier, on peut y voir 
un ancien rivage, où les vagues ont roulé des galets 
et accumulé des sables. Ce n'est pas le fond d'une 
mer ancienne, où les restes organiques se seraient 
développés, dans le calme propre aux grandes pro- 
fondeurs; les galets et les quelques tests coquilhors 
qui les accompagnent, indiquent le travail et l'assaut 
répété des vagues à un endroit duquel elles sont 
éloignées maintenant. 

Ce fait local, rapproché des observations faites sur 
plusieurs points dos côtes du Nord, indiquerait une élé- 
vation générale. Mais d'autre part, l'ensemble du bas- 
sin formé par le golfe de Saint-.Malo parait s'alfaisscr 



graduellement. L'ingénieur anglais Pcakock signale 
un abaissement des îles de Jersey et de Cuernescv. 
M- Qucsuault a publié d'anciens documents qui por- 
tent à croire qu'autrefois le Colentin se trouvait 
réuni aux iles de Jersey et d'Aurigny, ainsi qu'aux 
îles Chausscy et aux écueils de la baie de Granville. 
Une carte de Deschamps Vadeville représente même 
l'état de cette région au temps de Jules César. Kllca 
été dressée en 1714, d'après une carte en lambeaux 
de 1400, qui se trouvait au monastère du mont 
Saint-Michel. Ce document semble établir que le 
Cotentin subit un affaissement lent et que la mer 
a déjà détruit par érosion de larges zones de ces 
côtes. 

Peut-être ces perturbations lentes sont-elles une 
des conditions d'harmonie de l'écorce terrestre et un 
moyen pondérateur dans la mécanique du globe. 

J. Girard. 
Le Propriétaire-Gérant : G. Iissamusr, 



CuimuiL. — mi'nniBiuR de Crktb. 



K- 61 — 1" A.OUT 1874. 



LA NATURE. 



\2$ 



LE MUSÉE DE SAINT-GERMAIN 1 

Il n'y a guère plus de dix ans que ce musée a été 
fondé, et il l'ormo déjà la plus riche et la plus com- 
plète collection du mémo genre qui existe en Eu- 
rope. Si intéressant que puisse être le musée histo- 



rique de Copenhague, dont on vante beaucoup la 
richesse, il est douteux qu'il surpasse celui qu'ont 
organisé à Saint-Germain ses deux savants et zélés 
directeurs, MM. Alexandre Bertrand et Gabriel de 
Morlillet. 

L'origine du musée de Saint-Germain explique 
assez sou but. On sait que l'auteur de Y Histoire de 




Tête d'ouïs sculptre sur un andomller do cerf. Massai (Aricpc). — Donateurs : MM. Lartet et Christy. 



César ne "voulait d'abord y mettre que les pièecsjus- toutes les pièces justificatives de notre histoire jus- 



tificatives de son ouvrage: le résultat des fouilles, 
les plans des différents camps- de César, les armes 
romaines et gauloises, 

etc. D'où le nom de fjjSBÈÊÊÈÈÈÈË^ 
gallo-romain qui fut 
d'abord appliqué à notre 
musée. 

Dans le principe , il 
devait donc être exclusi- 
vement, historique : mais 
bientôt, ce cadre fut 
jugé Irop restreint; le roi 
de Danemark , M. Bou- 
cher de Perlhes et d'au- 
tres donateurs, appar- 
ièrent au château de 
Saint-fîermaîn des pièces 
beaucoup plus ancien- 
nes que les époques his- 
toriques, et qui, sans 
doute, ne se rappor- 
taient guère (dus aux 
Gaulois qu'aux llo- 
niains. 

Dès lors l'objet du 




Dessin d'une lôte de mammouth ■>ur un os de renne. 
(Nouvelle pièce du niu-ée de Suint-Germain.) 



qu'à Charlemagne. » 

Il y a donc deux parties dans le musée de Saint- 
Germain : une partie 

saUÊSSmuiBMSip r ■—.- "- historique qui se rap- 
porte aux Gaulois tels 
que les connurent les 
Romains, et une autre 
qui contient les plus 
anciens vestiges qu'ail 
laissés l'homme sur le 
sol des Gaules, (l'est 
cette partie antéliisto- 
rique du musée de Saint- 
Germain que nous étu- 
dierons en premier lieu. 
La science n'a pas en- 
core pu assigner, en 
années, dédale même 
approximative aux mo- 
numents que l'homme 
a laissés de son existence 
avant l'histoire. Ici , 
comme en géologie, il 
faut donc se contenter 
de dates purement rela- 



musée changea. 11 no fut plus seulement gallo- ro- ' tives. C'est d'après la perfection plus ou moins 
main, il devint une collection d'archéologie iïati- grande des produits de l'industrie humaine qu'on 
çaise: « Il devra réunir, dit un rapport en 1803, a divisé les temps qui précèdent l'histoire. On est 

arrivé ainsi à reconnaître , dans ces temps reculés, 



1 Ouvert les diminclies, mardis et jeudis de chaque semaine 
de 11 1/2 à 4 heures du soir. Nous recommandons aux visi- 
teurs, nui vomiraient un guide complet et iiitéressint, de 
prendre les Promenades au musée de Saint-Germain, pnp 

il. Gabriel de Morlillot. 

ï' 1 amrc — 2° scineslr. 1 . 



quatre grandes divisions : 

1° L'âge de la pierre taillée, où l'homme ne savait 
encore que tailler assez grossièrement les silex qui 
lui servaient d'armes. Cet âge, qui répond à la pé- 

9 



150 



LA NATURE. 



riode quaternaire des géologues, peut se décomposer 
lui-même en deux périodes * : la première, pendant 
laquelle l'homme était contemporain du mammouth 
et du rhinocéros à narines cloisonnées, et la seconde, 
pendant laquelle il vivait Surtout avec le renne. 

2° L'âge de la pierre polie. L'homme savait polir 
ses armes avec une grande perfection. L'homme est 
devenu potier ; il a des animaux domestiques, et il ! 
sait même cultiver la terre. 

5° L'âge du bronze, dont les lacs de Suisse ont 
gardé de nombreux vestiges. 

4° Enfin, l'âge du fer, qui a précédé de peu les 
temps historiques. 

Age de la pierre taillée. — C'est en 1832 que 
Boucher de Perlhes révéla l'existence de l'humanité 
à l'époque glaciaire. Comme il étudiait une carrière 
située à Abbcville même, il y recueillit une petite 
pierre dont la forme le frappa singulièrement, Elle 
avait l'aspect d'une hache, et semblait avoir été mar- 
telée et façonnée avec soin, en sorte que cette appa- 
rence de hache, qu'avait ce caillou, parut à Bou- 
cher de Fertiles, non pas un elfet du hasard, mais le 
résultat d'une volonté réfléchie,' d'une intervention 
humaine. 

Cette pierre, Boucher de Perthes l'avait trouvée 
dans une carrière quaternaire, c'est-à-dire dans un 
terrain datant, de l'époque du mammouth et du rhi- 
nocéros. C'est ainsi qu'une circonstance que tout 
autre eût trouvée insignifiante, fut pour cet homme 
de génie un trait de lumière; par elfe, il fut amené 
à faire de nouvelles recherches, et à affirmer l'exis- 
tence de l'homme pendant l'époque quaternaire, 
découverte d'une importance capitale en paléonto- 

lo s ie - 

On les voit au musée de Saint-Germain, ces haches 
de pierre dont Boucher de Perlhes eut la gloire d'être 
le premier, et pendant bien longtemps le seul, à 
reconnaître l'authenticité. La plupart d'entre elles 
sont grandes comme la main ; elles sont taillées gros- 
sièrement par mille petits coups poités à l'aide d'un 
autre silex, de manière qu'un de leurs bords soit 
aigu et coupant et que l'autre,' au contraire, se laisse 
prendre aisément à la main, et présente une sorte de 
talon sur lequel la paume trouve un large point d'ap- 
pui. Cette précaution, de donner à la hache une 
forme qui s'adapte à la forme du creux de la main, se 
retrouve dans toutes les haches de l'époque quater- 
naire, et ou peut dire qu'elle les caractérise. 

L'homme a-t-il existé même avant cette époque? 
Depuis les découvertes de M. l'abbé Bourgeois et de 
M, l'abbé Dclauuay, il est impossible d'en douter. 
Le musée de Saint-Germain contient un certain nom- 
bre de pièces données par ces deux savants archéo- 
logues, et trouvées par eux dans des assises de l'é- 
poque tertiaire; terrains tellement anciens, qu'entre 
leur apparition et celle des terrains quaternaires, la 
faune s'est renouvelée trois ou quatre fois. 

Les pièces trouvées par M. l'abbé Bourgeois dans 

* Noua dirions en quatre dans un travail moins sommaire. 



ces terrains sont, d'une paît, des pierres éclatées 
d'abord au feu et polissées ensuite par le frottement, 
et d'autre part des os d'halithérium sur lesquels on 
voit des entailles faites avec un instrument tranchant. 

A la vue d'instruments aussi misérables, l'imagi- 
nation se reporte avec regret aux vers élégants dans 
lesquels les poètes de l'antiquité nous ont décrit les 
aimables sentiments des hommes de l'âge d'or, la 
douce vie qu'ils menaient au milieu d'un éternel 
printemps, la paix perpétuelle qui régnait entre 
eux et l'heureuse et innocente simplicité de leurs 
mœurs. Hélas! il faut renoncer à ces gracieuses 
légendes. Ce n'est pas au milieu d'un printemps 
perpétuel que vivaient nos premiers ancêtres. Ils ont 
traversé la période glaciaire, dont la température 
ne répond certes pas à la description d'Ovide. Et 
quand on songe que ces malheureux (dont les crânes 
de Néanderthal et desEvzies nous montrent la figure 
hideuse et même bestiale), n'avaient, pour chasser 
le mammouth et pour combattre l'ours des cavernes, 
que les misérables cailloux taillés que nous avons 
sous les yeux, il est bien difficile de leur supposer 
une existence douce et paisible. 

Après la période glaciaire, nous trouvons une 
race d'hommes évidemment bien supérieurs à ceux 
qui viennent de nous occuper. Les crânes qui nous 
sont restés d'eux ressemblent presque aux nôtres, 
et les produits de leur industrie sont bien plus tra- 
vaillés et plus soignés que les haches grossières de 
l'époque quaternaire. Ces hommes façonnaient la 
pierre en grattoir, en lame de couteau, plus lard en 
pointes de flèches. 

Us ont inventé un instrument précieux, la scie, 
dont on voit plusieurs exemplaires en silex, au musée 
de Saint-Germain. En même temps, ils ont appris à 
ciseler une matière première, inconnue à leurs pré- 
décesseurs : l'os, soit de l'ours, soit surtout du 
renne, dont la présence caractérise leur époque. Il 
faut voir les pièces elles-mêmes pour se rendre 
compte de la finesse et de la perfection relative du 
travail : des pointes de lance soigneusement sculp- 
tées, des hameçons faits avec une dent coupée, des 
harpons barbelés à peu près semblables à ceux dont 
on se sert encore aujourd'hui dans les pays habités 
par le renne, des sifflets faits avec une phalange, 
enfin des aiguilles fines et pointues. On devine à la 
perfection et à la finesse du travail que c'est à des 
doigts de femme que leur fabrication les destinait. 
On peut môme voir par quelle méthode on les 
confectionnait. C'était surtout les os longs d'oiseau 
qu'on y employait, sans doute à cause de leur densité 
et de leur peu d'épaisseur. A l'aide d'une lame fine 
et pointue on détachait ces aiguilles des os d'oi- 
seau; ensuite, on les taillait; puis, avec la pointe 
du môme silex, on perçait le chas de l'aiguille. Pour 
aiguiser la pointe, il est probable qu'alors comme 
aujourd'hui, on la frottait sur un grès. 

Mais ce qui caractérise cette époque, ce sont les 
dispositions artistiques de ces hommes. On en trouve 
mille témoignages au musée de Saint- Germain. On 



LA NATURE, 



131 



y voit, par exemple, des manches de poignard dans 
lesquels l'artiste a ciselé , soit un renne , soit un 
mammouth. Ou remarque aussi des dessins sur 
pierre et d'autres sur ivoire, dont plusieurs sont fort 
instructifs. Nous savions, grâce aux mammouths que 
les glaces du pôle nous ont conservés depuis des 
temps incalculables, que cet animal primordial 
était pourvu d'une abondante et longue toison; l'ar- 
tiste de l'âge de pierre nous apprend en outre, par 
plusieurs dessins et par quelques sculptures, que le 
mammouth tenait d'habitude sa trompe recourbée 
entre .ses jambes de devant, tandis qu'une longue 
queue, garnie d'un abondant bouquet de poils, bat- 
tait ses flancs sans doute pour en chasser les mou- 
ches. Assurément l'auteur de ce dessin ne se doutait, 
pas qu'il donnerait aux siècles futurs des leçons 
d'histoire naturelle. 

L'une de nos gravures représente une acquisition 
toute récente du musée ; c'est une remarquable tête 
de mammouth dessinée sur os de renne. L'original 
de cette pièce appartient à un zélé collectionneur, 
M. le marquis de Yibraye. L'autre figure reproduit 
le dessin d'une tète d'ours gravée sur un andonïller 
de cerf. 

Des hommes aussi artistes ne pouvaient manquer 
■d'être quelquefois galants : ou a retrouvé d'eux des 
colliers d'autant plus précieux qu'ils sont composés 
de canines de renne ; chacun des grains de ces col- 
liers rappelait donc à son possesseur une chasse heu • 
î'euse, un jour de joie et de liesse. Ces canines atro- 
phiées, formant un petit mamelon irrégulier, sont 
encore aujourd'hui très-recherchées comme souvenirs 
<le chasse. Lorsqu'on a tué un cerf, les piqueurs en 
arrachent les canines et les offrent aux dames qui 
ont suivi la chasse; étonnante constance de l'imagi- 
nation humaine à travers des milliers de siècles! 

L'âge de la pierre polie est évidemment beaucoup 
plus récent que celui de la pierre taillée. Entre ces 
deux époques, le climat a complètement changé; 
toutes les formes vivantes sont remplacées par d'au- 
tres formes; plus de mammouth, plus de grand 
ours, de grand chat des cavernes; le rhinocéros à 
narines cloisonnées a disparu, le renne a été repoussé 
par la chaleur jusqu'aux terres voisines du pôle. A 
leur place, les animaux actuels, l'ours des Pyré- 
nées, le cerf, le loup, le blaireau, l'unis, le castor, 
qui n'ont disparu qu'aux époques historiques, l'au- 
roeb, dont il reste encore quelques exemplaires 
dans les forêts du czar en Lithuauie. Ainsi la faune 
de la pierre polie est la faune actuelle. 

On peut donc assurer qu'entre l'âge de pierre 
taillée et l'âge de pierre polie, un grand nombre de 
siècles se sont écoulés. Ce n'est pas dans notre 
pays qu'on peut le mieux étudier cette période inter- 
médiaire, c'est dans le Danemark, et particulière- 
ment dans le inusée de Copenhague, sur lequel nous 
reviendrons. 

La grandeur de l'intervalle qui sépare ces deux 
âges n'est pas démontrée seulement par l'étude des 
terrains et des précieux restes qu'ils recèlent; elle 



l'est aussi par les progrès que la civilisation a faits 
entre ces deux périodes. L'homme n'est plus un 
chasseur nomade n'ayant ni feu ni lieu; il est de- 
venu pasteur, il a conquis J'empire sur les animaux, 
et en a fait ses domestiques : il nourrit chez lui la 
chèvre. le bœuf, le veau qui paraît avoir été sa 
nourriture préférée. A l'aide du feu, il transforme la 
terre, et la poterie commence cette grande série des 
arts industriels qui font de l'homme un véritable 
créateur. 

Quelques graines, qu'un heureux hasard a conser- 
vées dans certaines stations (llobcnhausen et dans le 
Puy-de-Dôme) nous apprennent qu'il était déjà agri- 
culteur. 

Mais ce qui, parmi les vestiges de ces antiques pé- 
riodes, arrête le plus nos regards curieux, ce sont les 
armes en pierre qui en restent. Ces armes ne sont 
plus des morceaux de silex simplement taillés pour 
être tenus à la main, ce sont des haches véritables, 
polies avec un soin, avec un art infinis, et destinées 
à être fixées au bout d'un manche. 

On a retrouvé tous les éléments de leur fabrication, 
et on a pu reconstituer ainsi la principale industrie 
des hommes de ces temps éloignés. 

Les hommes primitifs détachaient d'abord le mor- 
ceau de silex qu'ils voulaient travailler, d'un bloc 
de pierre, qui, amoindri par des soustractions suc- 
cessives, se réduisait bientôt à sa plus simple ex- 
pression, et alors était rejeté comme inutile. Ce sont 
ces pierres qui forment ce qu'on appelle aujourd'hui 
des nucleus. Les morceaux bruts qui avaient été 
ainsi détachés, étaient ensuite grossièrement taillés 
avec un nurteau de silex que nous appelons per- 
cuteur, et qui, en façonnant la hache, s'arrondis- 
sait lui-même par l'effet des coups qu'il donnait. Li 
hache, ayant ainsi acquis à peu près la forme dési- 
rée, était alors frottée sur des polissoirs, larges pier- 
res sur lesquelles ce travail de polissage a laissé de 
longs et profonds sillons. La méthode que nous ve- 
nons d'indiquer est celle que suivent encore aujour- 
d'hui les sauvages qui se servent d'armes de pierre. 

Le silex n'était pas lu seule matière employée. 
Dans les pays où il était rare, on faisait des haches 
fort élégantes en porphyre, en jadéïle, et en plu- 
sieurs autres minéraux. 

Un certain nombre de ces haches ont été trouvées' 
encore pourvues d'un manche en bois de cerf, et 
probablement elles avaient toutes au moins un mail* 
ehe en bois que le temps a détruit. 

J'ai dit qu'à cette époque les hommes avaient in- 
venté la poterie. On voit à Saitit-Gerniaiu leurs pre- 
miers essais, qui naturellement furent d'abord fort 
imparfaits. C'étaient des vases faits à la main, et non 
au tour, en terre très-grossière, pleine de graviers 
et cuite à feu découvert, c'est-à-dire à peine cuite. 
Les plus anciens n'avaient pas d'an«e. 

C'est à 1 âge de la pierre polie qu'il faut rapporter 
ces dolmens dont le musée de Saint-Germain con- 
tient des reproductions au vingtième, exécutées par 
M. Abel Lemaitrc, avec une exactitude dont j'ai pu 



\oi 



LA NATURE. 



■\. ":■.'.::■! =;:-l. : . : i':?:|': J l- : '.i: ■ i : i -,i'. - .'■' " : . /';;'»■;.,:■ i:'3';.; ! : f;'?" > il!'/ ■•'' 'ï:.:;;'!Si 



juger par moi-même. Ces constructions, ordinaire- cis et adultérés pendant des périodes plus ou moins 
nient souterraines, étaient faites avec de larges ro longues, pour renaître ensuite avec tout leur éclat. 
cliers plats, et sans doute elles servaient de sépul- , Ne nous étonnons point trop qu'il ait pu y avoir des 
turc. Un dolmen se compose généralement d'un révolutions semblables pendant les âges primitifs, 
couloir plus ou moins long et d'une chambre à la- L'âge de bronze nous montrera des progrès réali- 

quelle il aboutit. C'est en fouillant le sol de cette Ses dans mille industries diverses, mais l'art de la 
chambre qu on fait quelquefois des trouvailles eu- . sculpture et du dessin resteront ignorés. Lue l'ois 
rieuses. Malheureusement les dolmens ont été le perdus dans l'Occident, ces arts n'y reparaîtront 
us souvent saccagé:», d'ailleurs sans aucun succès, ! qu'amenés d'Orient par les Romains. 

Mais avant de quitter 
! âge de la pierre, il con- 
vienl d'étudier les ves- 
tiges qu'il a laissés à 
l'étranger .Nous appelons 
particulièrement l'atten- 
tion, sur la belle collec- 
tion donnée à notre mu- 
sée par le roi de Dane- 
mark, Frédéric VII. Les 
savants danois ont tou- 
jours occupé un rang dis- 
tingué dans la science. 
ÀUSsi leur petit coin de 
la terre a-t-il été sondé, 
scruté, étudié avec talent 
et succès. 

Le sol danois est cou- 
vert des vestiges de ses 
anciens habitants. Cha- 
que jour , le soc de la 
charrue heurte quelque 
tuinulus, sous lequel on 
retrouve à côté du sque- 
lette du chef qu'on y a 
enseveli, ses armes les 
plus belles. Et lus ri- 
vages de la mer sont 
cou verts des Kj cch ko i- 
inœdduKjs ou débris du 
cuisine de ces anciennes 
poj» ululions coqui Hères. 
On aura peine à croire 
(jue les seuls musées du 
Dan 'mark contiennent. 
plus de trente mille ha- 
ches antiques , sans 
compter les présents qui 
ont été généreusement 
faits par le roi Frédéric, VU aux collections de l'Eu- 
rope, et particulièrement au musée de Saint-Geu 
main. Mais les monuments de l'âge de pierre, quelque 
abondants qu'ils soient sur cette terre danoise, ne sont 
pas les seuls des temps unléhistoriques ; à côté d'eux 
sont d'autres ossuaires, des dolmens de l'âge de 
bronze; et les restes qu'ils nous fournissent, tout à fait 
analogues à ceux de la Suisse et delà France (même 
ornementation, mêmes épées à courtes poignées), ne 
sont pas moins multipliés que les épaves de l'ose 



par les chercheurs de 
trésors. De plus, ils ont 
servi à mille usages: ils 
ont recelé des voleurs, 
donné refuge à des reli- 
{jonnaires persécutés; 
s rvi d'écurie on d'éta- 
blc. Le dolmen de Ba- 
pieus , près Saurnur 
(Maine-et-Loire) , le plus 
:. r and dolmen de France, 
i si si vaste et si haut 
qu'on y danse aujour- 
d'hui aux jours de fête 
patronale. Sur la repro- 
duction que le musée 
po-sède de ce dolmen, 
on voit même le banc 
(de création naturelle- 
ment moderne) sur le- 
quel est juché, les jours 
de bal , le ménétrier. 
Les paysans de Bagneux 
ne se doutent probable- 
mont pas qu'ils dansent 
dans lin tombeau. 

Pourquoi les hommes 
de l'âge de la pierre po- 
lie, si supérieurs, sous 
huit de rapports, à ceux 
de la période précédente, 
ont -ils complètement 
perdu les traditions ar- 
ti- tiques de leurs pré- 
décesseur-»? Non -seule- 
ment on ne trouve d'eux 
ri sculptures, ni des- 




sins , mais on ne voit 
même pas qu'ils aient eu 

le août de l'ornementation. Ces vases sur lesquels il 
eût été si facile de tracer quelques dessins, en sont 
toujours dépourvus. L'un d'eux porte pourtant quel- 
ques traits laits avec l'ongle du ponce. De même, les 
parois du très-remarquable dolmen de Gavr'nis (îles 
des Chèvres, Morbihan) sont couvertes de lignes cour- 
bes concentriques gravées en creux. Ou a cru voir 
dans ces lignes une sorte d'écriture; mais il est cer- 
tain aujourd'hui qu'elles n'étaient que décoratives. 
Les époques plus récentes de l'humanité nous 
montrent aussi les beaux-arts periectionnés en cer- 
tains siècles, et jetant une vive lumière; puis obsour- 



Hache lancéolde do Saint- Aclieul. — Donateur : Boucher 
de fertiles 



de la pierre. 

— La suite |ii'Ofliaiucji:cnt. — 



Jacques Beutillo>'. 



LA NATURE. 



\7> 



DESTRUCTION 



DES FERMESTS PARASITIQUES 

<:iiez l' homme et les animaux, l'An l'emploi 

DE LA Cil ALEU I'.- 
(Suite cl fin. — Voy p. 42.) 

La chaleur, on le s;iit, est le {Initie qui anime toute 
existence; mais en ce qui concerne les ferments, on 



peut dire que c'est l'élément modérateur de lôuf vie. 
En effet, avec son aide on endort, on active, on para- 
lyse, on multiplie la vie chez les germes microsco- 
piques. L'homme a donc là, sous la main, un instru- 
ment puissant, qui lui permet de disposer à son yré 
de la vitalité de ces êtres inférieurs. C'est cette puis- 
sance que j'ai proposé et que je propose d'appliquer 
chaque fois que l'organisme peut être en butte à 
leurs déprédations. 

On a fait à ce système une objection qui, à pre- 




Pig. i. _ 



Appareil pour administrer .a chaleur et l'oxy^ône. 



PC^ 



mière vue, me semble plausible. On s'est dit, qu'il y j détruisent le liquide bienfaisant qu'on voulait for- 

aurait risque Ci: tuant l'être nuisible de cuire le | mer. Enfin, vers 50 à 52° il n'y a plus rien, tous ces 

sujet. Ce résultat, assuré- 
ment néfaste, n'est pas à 
craindre. Et d'abord, il 
n'est pas même question 
de cuire le parasite, mais 
simplement do le paraly- 
ser, de le mettre on un 
état inactif, qui permette 
à l'organisme de s'en em- 
parer et, comme je l'ai dit 
déjà, soit de le digérer, 
soit de l'expulser par le? 
organes excréteurs, four 
bien l'aire comprendre 
l'action qu'il s'agit dt 
mettre à profit, prenons 
quelques exemples dans 
les faits qui se passent 
autour de nous. 

Yoyonsie moût de bière, 
ce liquide si richement 

azoté qu'il présente une certaine analogie avec les li- 
quides animaux, et voyons ce qui se passe dans sa 
fermentation, sous l'empire de la chaleur. À U la 
fermentation est presque nulle; de -+- G à 7° elle 
est lente; de -4- 8 à 9° elle devient plus active; de 
H- 12 à 14° elle devient rapide et change, sinon de 
nature, au moins de forme ; de -f- 20 à 25° le ferment 
acétique commence à végéter et tend à étouffer, si ce 
n'est tuer, le ferment alcoolique ; de -H 25 à 50° le 
ferment lactique se manifeste. Après lui viennent les 
fermentations butyriques et putrides qui, finalement. 




Fie. 2. — Détail du volant de 



ferments sont tués. Ainsi 
donc voilà un corps qui 
était inerte à 0°, et qui, 
sous l'influence de la cha- 
leur, a vu se succéder 
dans son sein différentes 
fermentations; celles-ci 
ont tour à tour disparu et 
les dernières sont venues 
mourir, on tout au moins 
se neutraliser à b1°. Or 
!à il n'y a cependant 
pas encore cuisson. L'u 
effet, si nous prenons 
pour point de départ de 
ce phénomène la coagula- 
tion de r albumine, ce qui 
nous parait être exact, il 
faut atteindre, pour pou- 
voir observer ce fuit, une 
température minimum de 
65°. La cuisson n'a donc pas à se produire dans les 
cas que nous citons, comme dans l'application pro- 
posée. 

Mais laissons le moût de bière et passons au vin. 
Au-dessous do 12°, le jus de raisin fermente peu ou 
pas ; de lo à 20° il fermente très-bien et là, il ne 
s'agit pas de ferment artificiel, niais bien d'un fer- 
ment naturel par excellence ; de 50 à 55°, M. Pas- 
teur l'a démontré par des expériences répétées, non- 
seulement la fermentation unique est arrêtée, mais 
encore toutes les maladies des vins, qui ne sotil 



la pompu a oxygène. 



13i 



LA NATURE. 



autre chose que le résultat de fermentations diver- 
ses. La chaleur a donc, là encore, exercé l'influence 
que nous recherchons. 

Enfin, pour ne pas multiplier les exemples, voyons 
la production de l'alcool: à 15° la fermentation est 
peu rapide; à 25° elle marche dans de bonnes con- 
ditions; de 50 a 35° elle devient galopante; de 45 
à 48° on la tue. 

D'autres exemples pourraient être invoqués. La 
fermentation panaire, la conservation par la méthode 
Appert, nous fourniraient de nouveaux arguments. 
Four abréger, bornons-nous à constater que dans tous 
les cas, et à une température qui en bien des cir- 
constances n'est pas très-élevce, la chaleur paralyse 
les germes ferme nteseibles, quelle que soit leur na- 
ture. Mais ce n'est pas tout. Dans tous les exemples 
que nous venons de citer, il n'était question que 
do substances inanimées. Chez l'homme 1 , chez les 
animaux, il y a un facteur puissant qu'il faut faire inter- 
venir, et ce facteur c'est la force vitale qui, produi- 
sant la digestion, les sécrétions, en un mot les mul- 
tiples manifestations de la vie organique, vient agir 
sur les germes, alors qu'ils sont sous l'influence de 
la chaleur et ont perdu leur activité. Ainsi donc, 
qu'il soit bien entendu que dans la plupart des cas, 
il ne s'agit pas Je tnerdirectementles germes parasi- 
tiques niais bien de les amener à un état de torpeur, de 
malaise, de somnolence si je puis dire, qui, paraly- 
sant leur énergie, permettra aux fonctions digestives 
ou éliminatrices de s'en emparer, et de les faire dis- 
paraître, soit en les digérant, soit en les expulsant 
parles sécrétions. Pour montrer encore l'influence de 
la vitalité sur les êtres parasitaires, il est utile de 
rappeler que la plupart des helmint.es ne sont éva- 
cués que parce que nous arrivons à les assoupir et 
que Certains virus, pris dans les voies digestives, ne 
causent aucun ravage, tandis qu'inoculés dans le ré- 
seau sanguin, ils tuent inévitablement. 

Lne objection qui a été faite contre la théorie 
que je viens d'énoncer, est la difficulté d'élever la 
température du corps de l'homme ou des animaux 
au aelà de la température normale. Ainsi qu'on Ta 
lait remarquer judicieusement, de très-hautes tempé- 
ratures ont été subies, dans quelques cas, certains 
expérimentateurs sont allés jusqu'à 150°, sans que la 
température interne ait sensiblement changé. On 
pourrait dès lors inférer de ces faits que la tempéra- 
ture de l'homme est immuable et qu'en conséquence 
le moyen indiqué ne saurait être appliqué. Ce point 
mérite quelques développements. Le phénomène de 
stabilité dans la température animale est dû à deux 
actions principales. 

La première est la résistance qu'oppose la chair 
musculaire à la pénétration du calorique. J'ai eu oc- 
casion de mesurer celte résistance. Elle est eu effet 
considérable. Il laut près de trois jours dans une atmo- 
sphère à 0", pour faire pénétrer celte température 
(de 0° la viande entrant à 58°) à une profondeur de 
18 centimètre.-. La secoude est l'énorme pouvoir dif- 
fus il que produit la transpiration; d'où ces deux for- 



ces de neutralisation : résistance à la pénétration, 
puissance de dispersion. 

Pénétré de ces faits, je n'ai eu garde de proposer 
l'emploi simple d'étuves, mais bien l'usage de bains 
liquides, lentement élevés à la température voulue, 
et combinée avec une respiration oxygénée. Par l'ac- 
tion du bain, un premier résultat serait obtenu : l'an- 
nihilation de la perte de la chaleur causée par la 
transpiration, la vaporisation des produits de cette 
sécrétion ne se faisant plus. Resterait la pénétration 
de la chaleur dans les tissus. Mais d'une part la cir- 
culation, en amenant constamment à la périphérie du 
corps le liquide Sanguin, réchaufferait et entraîne- 
rait avec lui une quantité constante de calorique qui 
serait ainsi disséminée dans l'organisme et en aug- 
menterait la température. D'autre part, la respiration 
oxygénée, venant dissoudre dans le sang l'élément 
cal ori tique par excellence, compléterait le résultat 
cherché. 

Qui ne connaît les phénomènes de combustion et 
la croissance de leur énergie avec la proportion d'oxy- 
gène introduite clans le milieu comburant? De cet 
emploi de l'oxygène résulteraient trois faits princi- 
paux. Le premier serait, comme nous venons de le 
voir, une combustion plus complète, des matériaux 
nuisibles charriés par le sang, d'où épuration de ce 
liquide. Le second, qui n'est que la conséquence de 
ce premier fait, serait un dégagement de chaleur, ce 
que nous cherchons; le troisième, très-probablement 
une action toxique, sur les germes qu'il faut com- 
battre, l'oxygène libre ou dissous étant défavorable à 
quelques-uns d'entre eux. 

Revenons au côté général de la question et préci- 
sons, nous voyons que par cette méthode nous obte- 
nons le double résultat que voici: Chauffage exté- 
rieur, en empêchant la vaporisation delà transpiration 
et en profitant de l'ai;! ion circulatoire ; chauffage in- 
terne au moyeu d'une absorption plus grande d oxy- 
gène. Peste à voir comment obtenir facilement et à 
coup sûr ces résultats sur tous les sujets, quelles 
que soient leurs dispositions, c'est ce que nous allons 
immédiatement examiner. 

Voici l'appareil qui me paraît le plus propre à ad- 
ministrer la chaleur, concurremment à l'oxygène 
(lig. A). Évidemment il pourra varier en bien des cas. 
Tel qu'il est indiqué ici, il montre qu'il est facile d ; 
modilicr, au gré de la médication, et la température 
du bain et l'oxygénation. Il se compose principale- 
ment d'une baignoire munie d'une gouttière externe 
oo, de telle façon qu'on puisse, à l'aide de la cloche 
ut circonscrire l'atmosphère dans laquelle respire le 
malade, l'eau même du bain remplissant la gouttière 
oo, fait joint hydraulique. La cloche ut peut s'enle- 
ver à volonté. 

Un appareil de chauffage f, placé à l'extérieur do 
la chambre du malade, permet d'envoyer un courant 
de vapeur dans la buse x. Ce courant y détermine une 
aspiration d'eau, par conséquent une vive circulation, 
eu sorte que l'ai (lux de chaleur se môle directement 
et de lui-même au bain. La température s'établit 



LA NATURE. 



155 



donc graduellement, avec régularité, sans qu'il y ait 
gène pour le malade. Un trop plein z emmène con- 
stamment l'eau excédante, le niveau reste ainsi con- 
stant. 

En ce qui concerne l'oxygénation, elle est produite 
à l'aide delà pompe à double cylindre A. L'un des 
cylindres, le cylindre fi, aspire l'air ordinaire qui 
peut, cire puisé au-dcliors pour l'avoir plus pur. 
L'autre, le cylindre C, puise l'oxygène dans un sac à 
gaz ordinaire. Mais tandis que le cylindre à air B 
reste invariable dans sa production, le cylindre à 
oxygène G peut graduer à volonté sa capacité, en 
sorte qu'on puisse à volonté aussi saturer l'air d'une 
proportion déterminée d'oxygène. 

Ce résultat est obtenu d'une manière simple. Le 
volant., qu'actionne la pompe à oxygène, e>t muni 
de 10 bras. Chacun de ces bras (fig. 2j porte un œil 
qui s'éloigne graduellement du centre. D'autre part, 
le cjlindre glisse à volonté le long d'une rainure 
ménagée dans le bâtis qui le porte, il résulte de eette 
disposition, qu'en moins d'une minute on peut cl lan- 
ger lu longueur delà course du piston et par consé- 
quent la quantité d'oxygène envoyé. 

Ainsi, avec cet instrument, l'air étant admis à 
21 p. 1 00 d'oxygène, on pourra constituer, par le 
simple mouvement de la pompe, une atmosphère 
artificielle contenant de 1 p. 100 à 20 p. 1 00 d'oxy- 
gène en plus de ce qu'il renferme; soit de l'air con- 
tenant de '25 p. 100 à 41p. S 00 d'oxygène. 

Comme d'autre part un compteur établi sur l'ar- 
bre indique le nombre de tours faits par la pompe, 
dans un temps déterminé, on voit qu'avec l'aide de 
cet appareil le médecin peut prescrire à sa volonté, 
suivant l'âge, les aptitudes du malade, sa force, sa 
maladie, etc., etc. , telles proportions d'oxygène qu'il 
peut juger utiles. 

Ainsi donc, grâce à la disposition que j'indique, il 
devient facile de distribuer à volonté, en proportion 
déterminée, les deux agents les plus puissants de la 
vie, c'est-à-dire la chaleur qui anime et l'oxygène 
qui vivifie. Cii. Tei.i.ieu. 

LES PHOQUES k FOURRURE 

DES ILES PRIIIYLOV. 

Dans le cœur même <\& la mer de Behring, existe 
un petit groupe d îles, tlont les rochers abrupts sont 
le rendez-vous de millions d'amphibies à fourrure 
précieuse. Cette station des îles Pribylov est l'une 
des plus importantes qu'il y ait au monde, pour la 
capture des phoques. Ces îles sont au nombre de 
quatre, dont deux, les plus considérables, et surtout 
l'île Saint-Paul, sont, visitées annuellement par des 
millions de ces mammifères, qui viennent y déposer 
et élever leurs petits. Rarement le soleil perce les 
brouillards de ees régions désolées, lieux de délices 
des phoques qui, comme on le sait, fuient la chaleur. 

Les îles IVibvlov lurent découvertes par les Russes 



en 1786 et 1787, et immédiatement colonisées. L«?s 
colons sont employés par la Compagnie russo-amé- 
ricaine des fourrures, comme serviteurs et ouvriers. 
Ce sont des Aléoutiens qui viennent surtout du dis- 
trict d'Oonolaska. Ils sont membres de l'Église grec- 
que et ont avec eux un prêtre de leur religion. 

L'exploitation de ces bancs est affermée à la com- 
pagnie d'Alaska de San Francise?, pour une période 
de vingt années à partir du 1 er juillet 1870. Dans 
l'intérêt de la population simple et paisible de ces 
territoires, et pour les préserver de la dégradation et 
de l'ivrognerie à laquelle elle est instinctivement 
portée, le commerce du whisky est sévèrement dé- 
fendu. Cette sage précaution épargne des millions de 
dollars que nécessiterait l'entretien de troupes pour 
maintenir l'ordre. Les habitants de ces îles, aux ter- 
mes du bail fait avec la compagnie, ont la participa- 
tion aux travaux et aux bénéfices de l'exploitation, 
à l'exclusion de tous les étrangers, auxquels, d'ail- 
leurs, l'accès des îles est interdit. 

Dès que la glace et la neige ont disparu, ordinai- 
naircment vers le l fif ou le 2 du mois de mai, les pie 
miers phoques mâles arrivent et choisissent chacun le 
terrain de leur petite famille. Depuis le moment où 
le mâle a pris son pied à terre jusqu'à celui où, de 
nouveau, il le quitte, trois mois environ s'écoulent; 
l'animal ne mange ni ne boit. Dans ce laps de temps 
il ne tombe point, comme l'ours, dans l'assoupisse- 
ment ; il est, au contraire, toujours en mouvement 
et aux aguets. Les vaches, les jeunes mâles et les 
jeunes veaux ne participent point à ce jeûne pro- 
longe ; ils prennent leur nourriture tous les quinze 
jours ou trois semaines. Les mâles défendent, au 
péril de la vie, le terrain sur lequel ils se sont éta- 
blis. Les femelles n'ont que le quart des proportions 
des mâles, qui sont de six à sept pieds de long-leur 
et pèsent de trois à cinq cents livres. 

L'animal a une double robe, l'une d'un poil su- 
perficiel et grossier, l'autre d'une fourrure moelleuse, 
élastique, et complètement recouverte par la précé- 
dente. La couleur dominante chez les mâles, lors- 
qu'ils sont â terre, est d'un brun de rouille noirâtre, 
avec une raie gris-foncé ou d'ocre rouge sur les 
épaules. Au contraire la robe des femelles a une 
teinte bronzée ou couleur d'acier le long du dos et 
toute blanche vers les parties inférieures. Cette belle 
nuance, toutefois, ne tarde point à disparaître à l'ex- 
position d'un air brumeux, et devient grise et d'un 
brun rouge. 

Du 1 er au 14 juin les femelles font leur appari- 
tion, et arrivent sans cesse par milliers jusqu'au 
8 juillet; cette époque est la fin de leur gestation. 
La précision avec laquelle ces animaux retrouvent le 
gîte à une distance de deux à trois mille milles ma- 
rins on ils vont chercher leur nourriture est extraor- 
dinaire. Les jeunes phoques sont excessivement tur- 
bulents; leur sommeil, comme celui tics adultes, 
est toujours agité. 

Durant les six ou Luit semaines du séjour de ces 
animaux sur ces rocs dénudés, l'on entend un bruit 



436 



LA NATURE. 



assourdissant qui ne cesse ni la nuit ni le jour. Sou- 
vent ce vacarme a suffi pour avertir des navires en- 



veloppés p;ir la brume, et les prévenir du voisinage 
dangereux des récifs. Le rivage, sur une étendue du 




Les bandes do phoques à fourrures «ies iles I'riwyiov. 




Les Iruqueur». 



plus de vingt milles, est parfois couvert des phoques vaches en parturitioii. Celles-ci sont protégées par La 
à fourrure: les uns d'une part, moins forts, avec les j loi; quant aux jeunes adultes, ils sont capturés eu 
pius jeunes, et d'autre part les plus forts avec les i nombre incalculable, assommés et dépouillés de leurs 



LA NATURE. 



157 



fourrures. La perpétuation de l'espèce est assurée j et naissent annuellement. Mais aucune législation 
par plusieurs centaines de nulle phoques qui restent , humaine ne saurait augmenter d'une minime quan- 







mW 'ù . „ • ; /: v*fpn^ 



Le massacre. 



lité celte population amphibie. Aucune protection ne 
saurait non plus les garantir d'une foule d'ennemis 



Les îles sont souvent sillonnées de bandes de pho- 
ques qui s'étendent le long des grèves sablonneuses ; 



inconnus, dont ils sont la proie, et qui maintiennent • ces véritables armées sont détournées, concentrée* 



le nombre des individus 
à un chiffre déterminé. 

Les petits sont allaités 
tous les deux ou trois 
jours etaprèsPallaitcment 
ils sont si gros qu'ils se 
trouvent durs l'impossi- 
bilité de se mouvoir du- 
rant des heures entières. 
Vers le milieu d'août, ils 
essayent de nager et se 
livrent à cet exercice jus- 
qu'à l'époque du départ 
général. 

La capture, la chasse, 
l'abat a^e des phoques, le 
dépouillement de leurs 
fourrures sont, exclusive- 
ment réservés à la popu- 
lation de l'île. Les habi- 
tants reçoivent 40 cents 
(2 francs) pour une peau, 
ce qui lait 400 dollars par 
tète à la fin de la saison. Les phoques sont aisément 
capturés ; ceux qui les prennent procèdent comme 
les tueurs dans un abattoir, où ils vont choisir les 
boeufs gras. 




Le d«'pî"cmcn!. 



par des traqueurs, et bien- 
tôt abattues à coups d'as- 
sommoirs, espèces de bâ- 
tons longs et à gros bouts. 
Quatre ou cinq hommes 
suffisent pour chasser de- 
vant eux ces animaux, le 
nombre de ceux-ci fùt-il 
de quatre à cinq mille. 
Lorsqu'ils ont été amenés 
à l'endroit où ils doivent 
être abattus, on les laisse 
se reposer et se rafraîchir, 
car la course les a échauf- 
fés ; s'ils étaient tués dans 
cette condition, la peau 
serait de mauvaise qua- 
lité, les poils tomberaient. 
Quinze à vingt hommes 
alors viennent du village 
sur le terrain, et com- 
mencent à détacher de 
tout le troupeau cin- 
quante à cent individus, les entourent, les amas- 
sent, puis les assomment d'un coup bien dirigé à la 
tète. Après avoir assommé environ trois ou quatre 
cents animaux, les hommes se mettent immédiate- 



158 



LA NATURE. 



ment à les dépouiller, car pour peu que la tempéra- 
ture soit douce, les cadavres, eu se gonflant, nui- 
sent à la qualité de la fourrure. 

Les peaux sont salées, étendues sur des bancs, les 
unes sur les autres, et après être demeurées dans 
une saumure durant huit ou quinze jours, elles re- 
çoivent une nouvelle couche de sel, et sont empaque- 
tées et embarquées. 

La compagnie paye une taxe de 2 1/2 dollars par 
peau, plus une bonification de 50,000 dollars, ce qui 
porte le revenu de ces îles à 500, 000 dollars cf. plus, 
dette fourrure, préparée avec art, fine, moelleuse, 
élastique, et dont una seule compagnie et deux ou 
trois fourreurs ont seuls le monopole, vaut de 15 à 
/i0 dollars. 

Parmi les nombreux traits qui caractérisent les 
phoques des lies Pribylov, nul n'est plus accentué 
que celui de la tendresse vouée par le mâle à sa pro- 
géniture, tandis que celle-ci est abandonnée par la 
femelle au inoindre danger. Le sens de l'ouïe est 
exlraordinairement développé chez le phoque; celui 
do l'odorat est également très-subtil. Le museau de 
l'animal ressemble à celui d'un chien de Terre- 
Neuve, mais les lèvres supérieures ne sont point 
pendantes comme chez ce dernier. Les moustaches, 
semblables à celles du chat, sont très-longues et d'un 
blanc jaunâtre; les yeux, intelligents et d'un bleu 
foncé. La pupille c?t susceptible, comme chez le 
chat, d'une très-grande dilatation. 

Un fait singulier c'est qu'un grand nombre des 
vieux mâles n'ont plus qu'un œil. L'autre a été 
perdu dans la bataille que ces animaux se liwent 
avec acharnement pour la défense du terrain qu'ils 
ont choisi au bout d'un rocher pour eux et leur petite 
faini Ile, et qu'ils ne quittent plus jusqu'au moment 
où ils retournent à la mer. 

La queue de l'animal n'est que rudimentaire, et 
d'ailleurs semble inutile soit pour nager, soit pour 
chasser des mouches. Pour se diriger en nageant, le 
phoque a en guise de gouvernail deux nageoires pos- 
térieures ; celles de devant, espèce de pattes palmées 
et plus grandes que les autres, permettent à l'ani- 
mal de sauter, de bondir à la surface de l'eau, et 
d'attraper le poisson. Cette espèce de phoque à four- 
rure évite les glaçons et la neige, et ne s'y repose 
jamais comme font les autres espèces de phoques, et 
notamment les morses, dépourvus de fourrures. 

11 existe aux îles Pribylov deux autres espèces 
de phoques, outre le phoque à fourrure. Ce sont le 
phoque à poils (Phoca vitulina) et le lion de mer 
(Cumetopias selleri); ensuite il y a encore le morse 
(Trichickits rosmarus) qui diffère beaucoup des es- 
pèces précédentes. 

Le phoque à poil, nu lieu de nageoires ou ailerons 
a plutôt des pattes armées de griffes. 11 a un museau 
de roquet et se complaît dans la glace. Il n'est pas 
polygame et ne forme point des attroupements connue 
le phoque à fourrure. La taille du mâle ne dif.ère 
point de celle de la femelle. La peau de cet animal a 
peu de valeur commerciale. 



Le lion de mer ressemble davantage au phoque à 
fourrure quant aux formes et quant au\ mœurs, mais 
il eu diffère néanmoins beaucoup. C'est le plus 
grand type du genre phoque. Il a plus de onze pieds 
de long et le mâle pèse jusqu'à G00 kilos. II est poly- 
game et possède ordinairement une douzaine de fe- 
melles. 

LA MORT DE L'HOME VOLANT 

Quoique tous les journaux politiques aient raconté 
à leur manière les uns après les autres cette catas- 
trophe, qu'il n'était que trop facile de prévoir, la 
vérité n'en est pas moins difficile à établir et impor- 
tante à faire connaître. 

M. de Groof était un ancien ouvrier cordonnier 
doué d'une vigueur corporelle très-grande et d'une 
habile! é manuelle remarquable. Le malheureux était 
animé de la foi la plus vive dans la réussite d'un 
système dont il poursuivait l'exécution depuis un 
grand nombre d'uunées. 

Il était déjà venu à Paris il y a longtemps pour 
chercher de l'assistance, afin de terminer la construc- 
tion d'un appareil destiné à réaliser le vol mécani- 
que en se décrochant d'un aérostat. II avait trouvé 
de l'appui auprès des adeptes du plus lourd que l'air, 
qui avaient mis à sa disposilion une somme de qua- 
tre mille francs, à l'aide de laquelle il avait construit 
une lourde machine. L'impossibilité de la terminer, 
conformément à ses exigences, mit fin à ses travaux, 
et i! partit pour Bruxelles emportant les matériaux 
de ses constructions incomplètes. 

Si l'on met de cùfé la terrible instabilité de sou 
appareil, on doit reconnaître qu'il était arrivé, à 
force de travail, .î construire une machine fort ingé- 
nieuse. 11 est à regretter que sa persévérance et sa 
hardiesse n'aient point été employées à un objet plus 
utile. 

Les deux ailes possédaient chacune un longueur 
de \ mètres sur une largeur moyenne d'un peu plus 
de 1 mètre, ce qui donne une surface totale de 20 à 
30 mètres carrés, bien loin d'être équivalente à 
celle d'un parachute ordinaire. 

Il est impossible de ne pas admirer le courage 
avec lequel le malheureux de Groof s'est lancé 
dans les airs pour faire mouvoir un pareil équipage, 
mais en même temps l'on ne peut que condamner 
l'absence absolue de notions mécanques qui ont 
conduit à supposer que de pareils organes pouvaient 
exercer un propulsion dans l'air. 

La première expérience de M. de Groof devait 
avoir lieu à Bruxelles, l'an dernier; mais le ballon 
destiné à l'enlever ne paraît point avoir été pourvu 
d'une force ascensionnelle suffisante. L'inventeur est 
donc tombé d'une très-faible hauteur au milieu 
d'une foule irritée, qui s'est comportée avec la bru- 
talité ordinaire en pareille circonstance. 

IL avait tenté de s'élever à Lyon, comme on l'a 
rappelé dans ces derniers temps, mais la police 



LA NATURE. 



150 



s'étant opposée à son dessein, il fut obligé de se bor- 
ner à une exhibition des appareils et à des explica- 
tions ondes en présence d'un public désappointé. 

Les expériences dont nous nous occupons en ce 
moment ont eu heu à Londres avec un ballon do 
petit volume et monté par l'aéronaute Simmons. 

La première tentative fut exécutée le 27 juin à 
huit heures. Le ballon, parti de Gremorne, s'enleva à 
une hauteur de 5,000 pieds et redescendit rapide- 
ment à la hauteur de 1,000 pieds. De G roof se 
détacha hn-mème après avoir donné le signal Loose! 
Le but de ce signal était de prévenir l'aérouaute 
Simmons, afin qu'il ait le temps d'ouvrir la sou- 
pape et de laisser dégager une quantité de gaz cor- 
respondant à une perte de poids de 425 livres. 

De Groof arriva à terre avant M. Simmons, qui 
effectua sa descente dans la forêt d'Epping. 1 1 ne se fit 
aucun mal et son appareil n'éprouva d'autre dom- 
mage (juc la rupture de quelques baleines. Simmons 
raconte, dans l'enquête, qu'il le vit eu tête des gens 
qui travaillaient aux cables pour arrêter l'aérostat. 

D'après ce que nous savons du poids de la ma- 
chine et de la surface des ailes, il est permis de 
croire que de Groof est parvenu à les mouvoir si- | 
non de manière à diminuer la rapidité de sa chute, I 
du moins assez pour se donner de la stabilité, sans 
cola il ne serait point arrivé à terre sans accident. 
[/enquête ne nous a pas fourni de lumière à cet ! 
égard. Nous en sommes encore réduits à des conjec- 
tures. ; 

Quoi qu'il en soit, il parait que de Groof fut nié- ! 
content de la manière dont il s'était décroché. Il 
changea la forme du nœud qu'il avait à défaire, afin 
de pouvoir se détacher en se poussant avec l'épaule. 
H est probable que le malheureux sentait la nécessité 
do commencer à mettre les ailes en marche au mo- 
ment où i I se décrochait pour ne pas laisser à la pe- 
santeur le temps d'agir, et à l'inégalité de la pres- 
sion de l'air le loisir de le renverser. 

L'aérouaute Simmons fut effrayé en voyant la fa- 
cilité avec laquelle le nrud, ainsi modifié, se dé- 
faisait, et refusa de prendre de Groof. Il partit tout 
seul le laissant cette fois à terre. 

Quelques-unes des baleines avaient été brisées 
dans l'expérience du 27 et n'avaient point été répa- 
rées entièrement. Cette circonstance fut, en outre, 
mise en avant par M. Simmons pour ne pas recom- 
mencer l'expérience. 

C'est seulement le 9 juillet qu'eut lieu la troisième 
ascension. De Groof avait réparé son aile et rétabli 
le nœud comme il se trouvait avant la première 
expérience. 

L'ascension fut exécutée le 9 juillet, «à 7 heures 50, 
en présence d'un très-petit nombre de spectateurs. 
Malgré les affiches pompeuses, qui portaient en 
tête le dessin de l'homme volant dans L'exercice de 
ses fonctions et le bruit que les tentatives précé- 
dentes avaient fait, le nombre des entrées payantes 
ne dépassa pas 400. La moitié de cette maigre re- 
cette fut acquise à l'homme volant et ne fut sans 



doute pas suffisante pour lu faire enterrer. De Groof 
ne parlait pas anglais, et son aéronaute ne parlait pas 
français. Ils ne pouvaient se parler qu'en mauvais 
allemand, que chacun d'eux écorchait à sa manière. 
Aussi se bornaient-ils à se donner leurs lectures do 
baromètre. De Groof en avait un dans sa machine 
afin de se rendre rendre compte du moment favo- 
rable pour se décrocher, ce qui, suivait les calculs, 
ne devait pas se faire à plus de 500 pieds de terre. 
Comme il était hou nageur, il préféi ait tenter l'expé- 
rience au-dessus de la Tamise, et avait exprimé à 
Simmons ce désir avant son départ. 

Le ballon se trouva bien un instant au-dessus du 
fleuve au moment de la plus grande altitude. La 
distance à parcourir était de 4,000 pieds, c'est-à- 
dire quatre fois et demie plus grande que celle que 
de Groof avait choisie comme limite extrême. Il fallut 
donc attendre. ' 

L'aérostat ne tarda point à descendre par suite de 
la condensation et à dépasser l'altitude de 900 pieds. 
li n'était plus qu'à 300 pieds lorsque de Groof se 
décrocha sans avoir, pirait-il, prononcé son signal. 
A ce moment, Simulons préteu.l avoir senti un 
choc comme si de Groof était tombé et avait heurté 
la machine de côté. Lue seconde plus tard, il le vit 
se précipiter la tète la première. On entendait, à ce 
moment, des voix d; terre criant : Lâchez donc! 
allez donc ! Ce sont peut-être ces voix et la perspec- 
tive d'une réception pareille à celle de Bruxelles qui 
ont dé;idé de Groof à lairc promptement son expé- 
rience. 

Peut-être en se décrochant précipitamment aura- 
t-il perdu son équilibre d'une façon définitive. 

Le ballon subitement délesté ne tarda pas à s'en- 
lever avec une rapidité telle que Simmons per- 
dit connaissance. Quand il revint à lui, il était eu 
pleine descente. 11 loucha terre sur un railway près 
de Springford, de l'autre coté de Yictoria-Park, au 
moment où un train arrivait à toute vapeur. Grâce 
au dévouement die quelques passants et à la har- 
diesse avec laquelle le mécanicien fit jouer la contre- 
vapeur, le malheureux aéronaute échappa à la plus 
cruelle des morts. 

La tragédie de Cremoriie-Garden met eu lumière 
d'une façon bien étrange la brutalité de la foule, 
l'ignorance des journaux, les préjugés contre la navi- 
gation aérienne et l'impertinence de certains témoins. 
De Groof tomba sur le milieu de la chaussée, à 
Robert-Street (Chelsca), près de la boutique d'un 
épicier. La foule se précipita sur l'appareil et se par- 
tagea les débris des ailes, avec une audace et un cy- 
nisme que n'auraient pas montrée des sauvages, lors 
du pillage d'un navire naufragé sur leurs côtes. On 
entendait les cris de joie de la multitude jusque dans 
l'hôpital où l'on avait porté le cadavre. 

Le malheureux respirait encore quand on le ra- 
massa ; mais il n'avait pas la force de (aire un mou- 
vement, et il expira pendant le transport. 

W. DE FoaVItiLLE. 



140 



LA NATURE. 



LES MONTAGNES 

i'ar Albekt Dimaigxe '. 

« Depuis le commencement île ce dix-neuvième 
siècle, qu'on appellera le siècle des sciences nalu- 
nlles, l'élude et l'admiration des grands spectacles 



de la création sont à l'ordre du jour dans toutes les 
classes de la société. Le sentiment de la crainte qui 
dominait jadis à l'aspect de tout phénomène majes- 
tueux dont on ignorait les causes, a fait place à celui 
du bonheur qu'éprouve l'homme à ^c sentir vainqueur 
delà nature et maître de ses secrets. » 

Cetle impression, dont nous parle M. Dupnigne, 




Lac d'.'Estiiiiien 



et ([lie l'homme éprouve à la vue des choses de la 
nature, est réelle; l'illustre Mumboldt l'avait déjà 
signalée en parlant de la joie secrète que nous pro- 
curent les grandes scènes du inonde. Plus que jamais 
l'homme s'efforce de lire les énigmes cachées dans 

1 1 vol. in-8°, caitcs en couleur et illustrations dans le 
,cxte 4 -— 2* édition revue et augmentée. — Tuurs. A. Marne 
et fil». 1374. 



les entrailles du sol, enfouies datif les profondeurs 
des mers, ou reléguées dans les hautes régions at- 
mosphériques; celte passion du vrai, qui anime le 
savant, est commuiiieutivc, elle dépasse les limites 
de la science pure, pour envahir le domaine des 
gens du monde et de tous les esprits, avides de 
connaître la nature. Aussi le public ne manquet-il 
l pas d'accueillir favorablement les livres comme celui 



LA NATURE. 



\\\ 



de M. Dupaigne, où les admirables spectacles dont 
notre globe aboutie, sont présentés d'une façon mé- 
thodique, étudiés avec les ressources puissantes de 
la science moderne. De quel précieux concours sont 
au touriste la géologie, lu physique, la chimie et les 
différentes branches du savoir humain! Ces monta' 
gaes grandioses s'éclairent d'un jour tout nouveau 



pour le voyageur, qui suit les mouvements des gla- 
ciers, qui sait reconnaître leurs moraines, dévoiler les 
preuves de leurs glissements, et méditer les causes 
, de leur [ roductiou. Ces massifs imposants deviennent 
-des ossuaires immenses pour celui qui y rainasse 
I des fossiles, qui cherche la Iruce des coquilles dont 
I \h son' remplis, ils apparaissent comme les témoins 





... 

I l ; Ile iàê mmM : 



Chasse au chamois. 



des révolutions du globe, comme le m us je où sont 
en partie relégués les débris des êtres antérieurs! 

M. Dupaigne passe d'abord en revue le tableau 
des grandes chaînes de montagne , mais il nous dé- 
crit surtout celles qui dominent lu territoire français. 
11 commence par donn r une idée exacte des diffé- 
rents systèmes de cartographie employés pour la 
représentation des m n'.n^uv, puis il transporte le 



lecteur, à travers les chaînes des Vosges et du Jura, au 

' milieu des glaciers des Alpes et parmi les pies escar- 

i pés des Pyrénées. Les descriptions sont éclaircies par 

de fort belles illustrations d'une exécution parfaite, 

comme on peut s'en convaincre en jetant les yeux 

sur les spécimens ci-contre. — La première gravure 

représente le "beau lac d'/Escliincn, près de Kander- 

j sterg, eu Suisse; la seconde nous montre un de ces 



m 



LA NATURE. 



terribles combats de l'homme contre H 'in offensives 
victimes qu'il détruit sans pitié. Le chamois, par- 
tout traqué dans les montagnes, ne tardera pas, en 
effet, à grossir la liste des espèces disparues de la 
scène du monde. Inévitable conséquence de la con- 
currence vitale et du combat pour la vie ! 

M. Dupaigiie, on le voit, envisage les montagnes 
sous tous les points de vue, eu savant et souvent 
même en artiste, car il sait mêler aux choses de la 
science le parfum de la littérature. Les volcans lui 
offrent le sujet de chapitres intéressants, ainsi que 
les phénomènes géologiques actuels, où l'observa- 
teur assiste à la démolition lente des montagnes par 
les érosions des eaux, par les éboulements et les 
avalanches. Après le monde physique, il fallait abor- 
der le monde vivant; aussi la flore et la faune des 
montagnes, les hommes des montagnes eux-mêmes, 
avec leurs mœurs, leurs industries et leurs chasses, 
forment-ils le complément de celte œuvre intéres- 
sante. 



CHRONIQUE 

I.e grand prix du phylloxéra. — L'Assemblée 
national» ;i adopté lu loi dont la teneur Suit : 

Art. 1". Un prix de trois cent mille francs (300,000 fr.), 
auquel pourront venir s'ajouter les souscriptions volontaires 
des départements, des communes, des compagnies et des 
particuliers, sera accordé par l'Etat à l'inventeur d'un 
moyen efficace et économiquement applicable, dans la gé- 
néralité des terrains, pour détruire le phylloxéra ou en 
empêcher les ravages. 

Art. 2- Une commission nommée par le ministre de 
l'agriculture et du commerce sera chargée : 1° de déter- 
miner les conditions à remplir pour concourir au prix ; 
2° de décider, s'il y a lieu, de décerner le prix et à qui il 
doit être attribué. 

Iflorsurc de la vipère. — Parmi les ouvrages offerts 
récemment à l'Académie de médecine, nous signalons 
spécialement la brochure de M. Fredel, présentée par M. La- 

lioulbène. Celte brochure est relative à la morsure de la 
vipère, sujet qui a occupé, comme on sait, la compagnie 
dans une de ses dernières séance?. Elle débute par la rela- 
tion d'un cas où la morsure de la vipère de nos pays a 
amené la mort le cinquième jour, et l'indication succincte 
de quelques faits analogues. Une lettre de M. Yiaud-Grand- 
Marais, adressée à l'auteur, rappelle les cas de mort qu'il 
a publiés de son côté et que M. Laboulbène avait déjà si- 
gnalés à l'Académie. L'opuscule de M. le docteur Fredel, 
dît la Cazette de médecine, contient aussi des détails inté- 
ressants sur les moeurs de la vipère, qui n'attaque presque 
jamais que lorsqu'elle est provoquée ou croit l'être (te sujet 
de l'observation cité tout à l'heure avait été pourtant mordu 
pendant son sommeil), et sur un moyen de traitement analo 
<:ue à celui qu'on préconise également contre la morsure des 
chiens enragés, à savoir l'exercice forcé. Il paraît que lors- 
qu'un Indien a été atteint parla dent du naja, « ses com- 
pagnons s' arment aussitôt de fouets et de bâtons et se met- 
tent à lui donner la chasse pendant plusieurs heures. » 
Dans une circonstance semblable , uu chirurgien-major 
d'un régiment de ci payes attacha le blessé Ma selle de son 
cheval et lui fit faire ainsi plusieurs lieues au trot de sa 



moulure. Cas courses forcées, suivies de l'ingurgitation 
d'une grande quantité de rhum chaud ou d'autres bois- 
sons diaphoniques, amènent souvent, dit-on, la gnéiïsom 
M. Laboulbène nous a raconté qu'un pourvoyeur de vipères 
au Jardin des Plantes, dès qu'il se sentait mordu, ce qui 
lui arrivait assez souvent, avalait force vin et eau-de-vic 
et se livrait ensuite à une course effrénée. 

■.es «^mous monstres île Wool-tvicli. — Quand 
l'empereur de Russie visita dernièrement l'arsenal de 
"Woolwich, près Londres, ou lui fit voir celle imposante 
collection de canons en acier, qui lancent des projectiles 
contenant 150 livres de poudre. On a donné à ce tvpe le 
nom fantaisiste de: Woolwick infant. Leur nombre s'é- 
lève environ à cinquante, grands et petits. Le plus Fort de 
tous ceux qui étaient dans les rangs de celte formidable 
artillerie, pèse 58, 000 kilog.; les plus petits échantillons 
sont du poids de 20,000 kilog. On ne peut s'empêcher, en 
voyant cette rangée de pièces d'artillerie, accompagnée de 
quelques-uns des types de projectiles les plus perfection- 
nés, de songer aux énormes sacrifices qu'impose à la ma- 
rine anglaise la nécessité de ces redoutables perfectionne- 
ments. 



BIBLIOGRAPHIE 

L'astronomie pratique et les observatoires en Europe et 
en Amérique, depuis le milieu du dix-septième siècle 
jusqu'à nos jours* par .MM. C. André et G. Râïêt. — 
Deuxième partie. Ecosse, Irlande et colonies anglaises. 
1 vol. in-18. Paris, Gauthier- Villars, 1870. 

Premières leçons de photographie, par L. Perrot de 
Chaume ex. 2° édition revue et augmentée. 1 brochure 
in-18. Paris, Gauthier- Vi.lurs, 1974. 

Traité des paratonnerres. — Leur utilité. — Leur théo- 
rie. — Leur construction, par A. Cau.acd. Paris, Du- 
cheret 0°, 187/*. 

Ce livre est l'œuvre d'un patricien qui parle de l'impor- 
tant sujet des paratonnerres en homme qui en a construits 
dans de bonnes conditions. Aussi lit-on avec fruit ce tra- 
vail consciencieux, qui sera éminemment utile à tous ceux 
qui veulent préserver les édifices des terribles dangers de 
la foudre. 



ACADÉMIE DES SCIENCES 

Séante du 43 juin 1874. — Présidence de M. Bemband. 

Comète. — La comète est morte, vive la comète ! à 
peine l'astre chevelu de M. Coggia a-t-il déserté notre ciel 
pour un hémisphère plus heureux, que 31. Borclly signale 
un nouveau nomade interplanétaire. Une dépêche, datée 
de Marseille, en annonce la découverte faite dimanche der- 
nier, vers dix heures du soir. Lundi, le directeur de l'Ob- 
servatoire, M. Stephan, a fait une observation dont les ré- 
sultats seront enregistrés dans les Comptes rendus de 
l'Académie. La nouvelle comète progresse rapidement dans 
la direction du nord-ouest. 

Propriété optique de la chlorophylle. — On a signalé 
depuis longtemps déjà les bandes d'absorption auxquelles 
la matière verte des feuilles donne lieu dans le spectro- 
scope. M. Edmond Becquerel rattache à ces phénomènes 



LA NATURE. 



143 



des faits en apparence Lieu différents et qui servent à les 
expliquer. On sait comment le spectre lumineux s'imprime 
sur la plaque daguerrienne : c'est la partie violette seule 
et les régions voisines qui sont influencées. Pourtant, di- 
sons-le en passant, après une très-longue exposition, tout 
le spectre apparaît ; mais, chose très-curieuse, ses deux 
moitiés sont écrites, pour ninsi dire, en caractères diffé- 
rents. Toules deux déterminent la réduction de l'argent 
contenu à l'état décomposés haloïdes sur la plaque, mais 
dans la moitié du violet cet argent réduit se présente 
comme une poudre noire et terne, tandis que dans l'autre 
moitié il est blanc et brillant. 

Mais revenons fi l'expérience première où l'exposition 
n'est pas Irès-prolongée et où une partie seulement du 
spectre se photographie. Si sur la plaque sensible on as- 
socie l'iodure d'argent à une petite quantité de chloro- 
phylle, on constate que le résultat est profondément mo- 
difié, des bandes apparaissent dans la région tout à l'heure 
préservée et ces bandes actives coïncident exactement avec 
les bandes d'absorption de la chlorophylle observée au 
spectroscope. M. Edmond Becquerel parait disposé à ex- 
pliquer ce curieux résultat en admettant que la chloro- 
phylle communique à l'iodure d'argent la faculté d'être 
décomposé par des rayons qui précédemment étaient sans 
action sur lui. En tous cas, il y a là une voie nouvelle ou- 
verte aux recherches et nous ne doutons pas que la pho- 
(ogra i hie n'en tire parti. 

Météorologie algérienne. — Au retour de sa seconde 
mission scientifique en Algérie, M. Charles Sainte-Claire 
Deville donne d'importants détails sur le réseau météoro- 
logique qui bientôt couvrira notre colonie africaine. 35 sta- 
tions de premier ordre seront munies de bons instruments 
et un nombre très-considérable de stations secondaires 
y centraliseront leurs résultats. Parmi celles-ci les unes 
auront un thermomètre, les autres, plus nombreuses, se- 
ront complètement dépourvues d'instruments, mais les ob- 
servateurs y noteront l'état du temps et les grands mouve- 
ments de l'atmosphère. 

En ce qui concerne les stations principales, on apprendra 
avec intérêt que la création de 28 d'entre elles est déjà 
assurée par les allocations votées par les commissions dé- 
partementales. 14 sont même déjà installées et on y opère; 
11 autres ont leur matériel rendu en Algérie et les der- 
niers travaux d'aménagement seront bientôt terminés. En- 
fin il est certain que vers le commencement de l'an pro- 
chain le service sera en pleine activité. La création d'un 
pareil ensemble présente de nombreuses difficultés. 
M. Deville a tenu à visiter lui-même tous les points où les 
stations devront être établies, et il se prépare, en février 
prochain, dans une dernière exploration, à compléter ce 
travail considérable. 

Qrthose sodique. — Déjà nous avons mentionné le travail 
de M. Charles Vélaîn, relatif aux roches volcaniques des iles 
de la Galitte et de Rachgoun sur la côte d'Algérie. Le même 
auteur donne aujourd'hui l'analyse d'un feldsphath con- 
tenu dans les trachytes de celte dernière île. Tous ses carac- 
tères en font une orlhose, et cependant il renferme au 
lieu de potasse une quantité de soude tout à fait excep- 
tionnelle. , 

Nous ajouterons que M. Vclain est sur le point de partir 
en qualité de géologue avec l'expédition chargée d'observer 
le passage de Vénus à l'île Saint-Paul. Cette expédition est, 
comme on sait, commandée par le commandant Mouchez 
et son voyage durera sept mois. L'île Saint-Paul est un 
ancien cratère de forme quadrilatère, affaissé d'un côté par 



où la mer pénètre. La passe étroite ne peut admettra 
qu'une barque, et l'entrée en est extrêmement difficile. 
Les voyageurs sont résignés d'avance, vu la saison, à at- 
tendre au moins une dizaine de jours une embellie favo- 
rable. On utilisera d'ailleurs le temps et, par exemple, tout 
est arrangé pour que des sondages puissent être faits jus- 
qu'à des profondeurs de 1 ,800 mètres : la zoologie et b 
paléontologie ne peuvent qu'en retirer de grands profits. 

Fibrine soluble. — Tout le inonde sait que la fibrine 
du sang se dissout très-facilement dans l'eau salée ; mais 
jusqu'ici on n'a pas su séparer le sel de cette liqueur et 
obtenir par conséquent une dissolution pure de la matière 
fibrineuse. M. Gauthier y arrive par l'emploi dudialyseur. 
Quelques traces d'acide cyanliydrique empêchent la sub- 
stance animale de sa putréfier durant l'expérience, qui est 
nécessairement un peu longue. 

Gaz du sang. — Puisque nous sommes dans le sang, 
restons-y. M. G reliant, plaçant du sang dans le vide et le 
chauffant à 40°, s'aperçut que des gaa s'en dégageaient. 
L'expérience bien faite montra que ces gaz résultent du 
mélange de l'acide carbonique avec l'hydrogène et l'azote 
sans trace d'oxygène. En recommençant à chauffer 
le même sang, on obtient de nouveau du gaz et cela 
presque indéfiniment. C'est ainsi que 100 grammes de 
sang chauffés tous les jours donnèrent en 21 jours 1 003 
centimètres cubes de gaz; la matière n'étant pas en fer- 
mentation, elle ne répandait aucune odeur putride et le 
microscope n'y décelait aucun animalcule. Les globules 
ne jouent aucun rôle dans cette réaction, due sans doute à 
un dédoublement de la substance albuminoïde. 

Guérisondu charbon. — Nos lecteurs se rappellent que, 
d'après M. Davaine, la pustule maligne est guérie chez les 
animaux par l'injection intra-veineuse de certaines sub- 
stances, telles que l'iode ioduré à faible dose. Un jeune 
vétérinaire, M. César, donne à ce résultat de laboratoire 
une magnifique sanction clinique. Sur ses conseils, ou 
administra le remède ci- dessus à un mégissier atteint à la 
poitrine et aux paupières d'un œdème charbonneux en pré- 
sence duquel les médecins avouaient leurs secours inutiles. 
Après un traitement peu prolongé, l'effroyable maladie fut 
vaincue. Bien des malades changeraient volontiers leur 
médecin contre ce vétérinaire. 

-•• Germes de soufre. — Déjà M. Gernez a fait connaître 
les germes de sulfate de soude; voici son expérience 
actuelle, qui est très- intéressante. On prend une dissolu- 
tion sursaturée de soufre dans la benzine et on y jette uu 
cristal microscopique de soufre octaédrique ; aussitôt il 
se produit dans la liqueur des cristaux ayant la forme 
d'octaèdres. Dans une autre portion de la même dissolu- 
tion, on jette un cristal toujmrs microscopique de soufre 
prismatique; aussitôt des prismes de soufre se déposent. 
M. Pasteur qui présente le travail en conclut que dans sa 
solution le soufre n'a aucune forme cristalline en particu- 
lier (c'est d'ailleurs visible à l'œil nu) et que ces cristaux 
microscopiques, véritables germes de cristaux, engendrent 
- des prismes ou des octaèdres. 

Paléontologie végétale. — M. Sch imper vient de ter- 
miner un véritable monument scientifique. C'est son Traité 
de paléontologie végétale dont M. Brongniart présente 
aujourd'hui le dernier volume à l'Académie. L'ouvrage 
se compose de trois énormes volumes iu-8* et d'un atlas 
de 110 planches dessinées avec le plus grand soin. 11 ne 



114 



LA NATURE. 



termine par une récapitulation des plantes fossiles rangées 
d'après leur situation géologique, propre à rendre les 
plus grands services aux géologues. 

Stanislas Mlumkr. 

LE BANANIER A PARIS 

C'est une des pfantes vivaces qui sont devenues 
depuis quelques aimées un dus plus beaux orne- 



ments de nos jardins d'agrément. On admire tous les 
jours les beaux bananiers de nos squares» et ceux du 
parc Monceaux notamment ont souvent attiré l'atten- 
tion des amateurs. Ou ne sait pas, généralement, que 
l'importation de cette plante en Europe est assez 
récente; elle date de 1853. A cette époque, le jardin 
botanique de Kew reçut de Massouali, par le consul 
anglai-, les premières graines de bananier (Musa 
enscla) envoyées en Europe. Elles fructifièrent en 
1801. 




J,e tuiianier . ils lo 



Il n'y a guère plus de dix rtns que le Lananier est ' 
cultivé dans les seiresdu Jardin des Plantes; mais il 
prospère très-bien eu pleine terre quand on l'en- 
toure des soins qu'il exige. C'est à l'habile directeur 
des jardins de la ville de Paris, M. Liarillet-Des- 
champs, que l'on doit la première application du ba- 
nanier au jardin d'ornenienlatioii. M. Barillet com- 
mença à le cultiver au bois de Boulogne en 18(SG. 

Notre gravure représente un spécimen de Musa 
ensele, une des plus belles espèces exotiques dont 
on sait, aujourd'hui obtenir en pleine terre de remar- 
quables effets. Ce spécimen a élé cultivé par un ama- 
teur cmérite, M. le comte Léonce de Lainhertye, 
qui l'a vu prendre son développement à la deuxième 



année de sa culture. La première année, ce bananier 
fut d'abord placé en serre chaude, puis dépoté au 
commencement d'avril et planté en pleine terre ou sur 
couche. A la fin d'octobre, il fut remis en serre tem- 
pérée pour le préserver des gelées. Le 17 mars de 
l'année suivante, on !e planta eu plein air pour la 
deuxième fois. Cinq mois après, dans les premiers 
jours de septembre, il avait atteint une dimension 
considérable; il suffira, pour en juger, de savoir 
que chacune des feuilles de notre dessin mesure 
plus de deux mètres. 



Le Propriétaire-Gérant : G. Tissandieii. 



' >;i i i il. — T\p. el slèr. <le fonri 



.\° 62. — 8 AOUT 18 74. 



LA NATURE. 



145 



LES MACHINES VOLANTES 1 

Toutes les tentatives que l'homme a faites jus- 
qu'ici pour voler au moyen d'ailes artificielles, ont 



été ou ridicules ou funestes. Et comment pourrait-il 
en être autrement, surtout quand les appareils sont 
munis d'organes grossiers, mal façonnés, dont rien 
n'assure la stabilité dans le milieu atmosphérique. 
Comment un inventeur peut-il avoir la folle audace 




Appareil volaut de Letuir, mort le 27 juin I -Soi. 




Appnreil valant île <le Groof, mort le 9 juillet 184. 



de s'élancer dans l'abîme aérien, avec une telle ma- 
chine sans que des expériences préliminaires exécu- 

l Voy. la Mort de l'homme volant, p. 138. 
î' innée, — 2* semestre. 



tées, au moins près de terre, ne lui en aient démon- 
tré l'efficacité? Comment un esprit, que n'égare pas 
le trou! de de la folie, peut-il avoir la témérité de 
munir ses bras d'ailes énormes sans se demander si 

10 



iU 



LA NATURE. 



ses muscles sont capables tic les faire battre avec la 
force prodigieuse que nécessiterait la station dans 
l'air, du poids do son corps accru du poids de l'ap- 
pareil? 

Demandez aux [ihysiologist.es qui ont soumis à des 
investigations minutieuses le mécanisme du vol des 
oiseaux ou des insectes, s'ils n'entrevoient pas des 
difficultés, sinon tout à fait insurmontables, au moins 
d'une importance considérable, dans la solution de 
ce problème du vol artificiel. Quelques chercheurs 
ne désespèrent pas cependant, et M. le docteur Ma- 
rey notamment, qui a attaché son nom à l'étude du 
vol naturel, est persuadé que l'on peut arriver à con- 
struire des machines qui imiteront l'oiseau « ce type 
admirable de la locomotion aérienne. » Nous avons 
toujours reconnu, pour notre part, que bien souvent 
le mot « impossible » doit èlrc rayé du dictionnaire 
de la science. Nous n'avons jamais ignoré que l'ap- 
parition d'une découverte est fréquemment la réali- ] 
sation d'une utopie de la veille, mais nous ne sau- 
rions cependant nous empocher d'avoir la persuasion 
que bien des ballons planeront longtemps encore au- 
dessus des nuages avant d'y rencontrer des hommes 
volants ou des machines volantes. Nous croyons 
même, à vrai dire, qu'un ballon-allongé, muni d'une 
hélice propulsive, pourrait bien se diriger au scinde 
l'air, avant que les adeptes ùaplus lourd (pie l'air 
aient encore exécuté leur première ascension. 

L'infortuné homme volant, dont on a précédem- 
ment annoncé la mort tragique, n'avait. pas la pré- 
tention de s'élever dans l'atmosphère; il espérait y 
descendre d'un ballon au moyen d'ailes qui forme- 
raient parachute, et qui, susceptibles d'être mi- 
ses en mouvement, permettraient de régler la chute 
dans une direction déterminée. Il y a vingt ans 
environ un aéronaute nommé Leturr, avait déjà eu 
cette idée qui évidemment n'offre rien d'irréalisable. 
Cet inventeur avait été plus prudent que deGrooff; il 
se fixait à un parachute, ce qui semblait devoir lui 
assurer au moins le retour à terre sans encombres, 
et il faisait mouvoir des ailes formant rames, dans 
l'espoir d'imprimer au système une direction voulue. 
Noire première gravure représente le priucipe de cet 
appareil dont les détails de construction ne sont 
pas bien connus. L'expérience faite par Leturr, eut 
lieu à Crémorne, à Londres, comme celle de de 
Groof; elle eut le même dénoùment quoique la 
cause de la mort de l'inventeur ait été toute diffé- 
rente. Quand l'aérostat qui avait enlevé l'appareil 
fut près du sol, l'aéronaute anglais ne comprit pas 
que Leturr lui criait de détacher le parachute. Le- 
turr, qui était attaché à une longue corde de quatre 
vingt mètres, fut lancé contre les arbres, et se fra- 
cassa la tète. Il perdit connaissance et tomba violem- 
ment à terre, où son cadavre, mis en lambeaux, fut 
ramassé au milieu des débris de sa machine. 

L'appareil de de Groof diffère considérablement du 
précédent; notre deuxième gravure donne une idée 
des dispositions que l'inventeur avait donnée aux 
organes qui le composent. C'est un châssis rectan- 



gulaire en bois, au milieu duquel le pilote de ce 
terrible navire se tient debout. Deux ailes, de dix 
mètres de longueur chacune, sont fixées à la partie 
supérieure de ce châssis ; elles tendent à se rele- 
ver sous l'action de ressorts de caoutchouc, fixés à 
une pièce de bois qui domine tout l'appareil. L'homme 
les abaisse en tirant des cordes, et quand il cesse 
d'agir, les caoutchoucs les relèvent. A l'état de re- 
pos le système doit former parachute, et une troi- 
sième palette concave, formant la queue de cet oiseau 
fantastique vient s'ajouter aux deux ailes latérales. 
Tout aéronaute qui a sondé du regard les profon- 
deurs de l'atmosphère, sentira le frisson delà terreur, 
eu songeant au moment où l'infortuné de Groof 
s'est séparé de l'aérostat qui l'avait enlevé dans les 
airs, eu envisageant par la pensée cet instant fu- 
neste, où le malheureux a rompu lui-même le fil 
auquel sa vie était attaché ! Et s'il est conduit à blâ- 
mer lu folie de cette entreprise, l'insuffisance du 
mécanisme, la ridicule disposition des ailes, il n'en 
éprouvera pas moins une admiration réelle pour cet 
homme, victime d'une témérité qui a quelque chose 
de sublime, puisqu'elle était inspirée par une grande 
idée. Gaston Tissahdier. 



l'enquètl 

SUR LA MORT DE L'HOME YOLÀH 

La mort de l'homme volant a donné lieu à une 
longue enquête devant le coroncr de Chelsea. Kl le 
s'est terminée par un verdict innocentant le proprié- 
taire de Crémorne. Cependant le jury déclare qu'il est 
nécessaire de prendre des mesures pour que des expé- 
riences aussi dangereuses ne se reproduisent point. 

La femme de M. de Groof a été représentée dans 
l'instance par M. Merriman, sollicitor bien connu. 11 
paraît qu'on avait promis à cette infortunée de ve- 
nir à son aide si elle n'intervenait pas. 

Mais comme elle ne voyait point venir de secours, 
elle s'adressa à la justice. On ne sait si son instance 
aura une suite après le verdict précité. Kilo a exhibé 
un rapport de prétendus hommes de science de 
Bruxelles qui avaient, paraît-il, examiné l'appareil de 
de Groof et déclaré que l'on pouvait s'en servir avec 
sécurité. L'enquête du coroncr a démontré que, dans 
l'ascension du 27 juin, M. de Groof n'avait point dé- 
taché son appareil; il était descendu sans accident 
mais avec le ballon. Les journaux avaient donné un 
récit imaginaire de la descente, et l'aéronaute Sim- 
ulons, dans sa déposition devant le coroncr, a corro- 
boré, sous la foi du serment, un récit mensonger. 

Quelques années avant la guerre, de Croof était 
venu à Londres une première fois, et s'était adressé 
à M. Edwards-Tyrell Smilh, alors directeur de Chel- 
sea, qui avait fait construire une plateforme haute de 
douze pieds, pour permettre à de Groof d'essayer ses 
ailes; mais le malheureux ne put se soutenir eu l'air 
et tomba comme nue pierre. Le projet d'expérience 
dut donc être abandonné. 



LA NATURE. 



147 



Une des dernières personnes qui ont causé avec de 
(îroof est le correspondant londïnicn de Ybulépen- 
ilance belge, (qui a publié un récit très-touchant de 
l'expérience. Ile Groof, avec une placidité toute fla- 
mande, ajustait les derniers bouts de ficelle néces- 
saires à la manœuvre de sa queue. Il était très-pro- 
prement et très-modestement vêtu, portant un cha- 
peau bien brossé, qu'il échangea au dernier moment 
contre une casquette. « Gela serait drôle, disait-il, si 
j'allais descendre en Belgique?... » Mais il ne croyait 
pas traverser la mer, car il venait de dire à sa femme : 
« Tu vas prendre un cab et tu m'attendras au coin de 
celte nie; l'ascension ne sera pas longue. » Cette 
rue était précisément la rue Robert, où il devait se 
briser contre terre!... « Soyez indulgents, disait-il, 
je ferai rnioin si je ne me casse pas la tète. )> Le mal- 
heureux ne savait pas si bien dire. 

W. DE FONVIELLE. 

UNE MER INTÉRIEURE EN ALGÉRIE 

Souvent les grands desseins couvent dansle silence 
avant de se manifester aux yeux du monde. Souvent 
aussi, pendant la longue élabora lion d'une belle et 
utile entreprise, quelque chose des efforts prélimi- 
naires transpire dans le public, et lui apprend que 
des hommes dévoués travaillent pour son honneur 
ou sou profit. C'est ce qui est arrive pour celte 
grande pensée de la création d'une mer intérieure 
au sud de notre colonie d'Algérie! Depuis long- 
temps les explorations faites par des savants dis- 
tingués, parmi lesquels nous citerons MM. Vuille- 
uiot, Dubocq, Ville, ont attiré l'attention sur le 
bassin des schotts, ces curieuses lagunes du dé- 
sert, dont le plus intéressant est le scliott Mel-Rir. 
Tout récemment encore M. Mares a présenté au 
monde scientifique la possibilité d'une communica- 
tion à établir entre ces bassins et la mer. Cependant 
pour nombre de raisons tenant aux personnes et aux 
choses, l'idée ne semblait pas mûre; elle l'est au- 
jourd'hui! 

Il y a quelques jours, le 22 juin, M. F. debesseps, 
dont le nom se trouve associé à l'une des plus gran- 
des victoires de l'homme sur la nature, entretenait 
l'Académie des sciences du projet qui semble défini- 
tif, celui de M. Roudaire, capitaine d'état-major. 
Voici ce qu'est ce projet ' : 

On se rappelle que les auteurs anciens parlent 
sans cesse de la fertilité prodigieuse des pays entou- 
rant la grande baie de Triton, au sud du territoire de 
Cartbage. Aujourd'hui ces pays sont arides, impro- 
pres à la culture, véritables déserts occupant le sud 
de la Tunisie et de la province algérienne de Con- 
stantine. Si l'on part du golfe de Cabès, autrefois 
Petite Syrte, on rencontre une sorte d'éminence pro- 
longée indéfiniment le long de la côte, et large seu- 
lement de quelques kilomètres vers l'intérieur des 

1 Voy. Mer algérienne, [» 79 cl 111. 



terres. Lorsqu'elle estfrauebie, on aperçoit une vallée 
qui semble aller toujours en s'abaissant, et qui a une 
largeur d'environ 20 kilomètres. Le fond des dé- 
pressions les plus marquées est rempli par une eau 
saumàtre : ce sont les schotts, vastes espaces qui, 
l'été, monlrent une surface de boue dangereuse à 
traverser, et se remplissent lors des pluies. Entre les 
schotts s'élèvent des espèces de plateaux sur lesquels 
sont placés les bourgs et les villes où viennent les 
caravanes du désert, et cela continue pendant plus 
de 200 kilomètres, jusqu'au pied du Djebel -A urès, la 
plus haute chaîne de montagnes de l'Algérie. 

Or, il faut penser maintenant, — les longue» et 
savantes recherches de M. Roudaire le prouvent sans 
réplique, — qu'autrefois tout ce pays était une belle 
baie, s'enfonçant de bù lieues dans la terre, y appor- 
tant la navigation, le commerce, et lui fournissant, 
avec des pluies et des fleuves, les éléments d'une in- 
comparable fertilité. Le long de cette cote, aujour- 
d'hui abandonnée, de la Syrte, s'élevaient des villes 
si commerçantes que le district avait reçu des Ro- 
mains le nom à" Emporta (comptoirs). 

Reportons-nous à une époque antérieure à Héro 
dote, ou même à son temps; car, en 450 avant 
Jésus-Christ, la communication était encore parfaite. 
La Petite Syrte (G. de Cabès) est alors confondue, sous 
le nom de baie Triton, avec son prolongement qui 
nous occupe. Un large chenal donne accès dans la 
mer intérieure. Cette grande île, qui semble barrer 
le passage à 10 ou 12 lieues de l'entrée, c'est l'île 
de Phla, aujourd'hui le Ncfzaouao. Cette presqu'île 
qui s'avance une douzaine de lieues plus eu arrière, 
et rétrécit la baie des trois quarts, c'est la Cliersoncso 
de N aphte, avec sa \ille de Ti^urus, aujourd'hui 
Touzeur. Lu peu plus loin, le golfe s'élargit de nou- 
veau, à droite, ou voit les hauts sommets du mont 
Ames, au fond, les riches campagnes d'Ischéri, au- 
jourd'hui Biskra avec sa plaine desséchée. Voilï ce 
qu'était, an temps de sa splendeur, le pays que fer- 
tilisait la grande baie de Triton. 

Peu à peu cependant, les hommes ne s'occupant 
pas d'entretenir une communication si précieuse, les 
courants de fond, les vents de la haute mer accumu- 
laient les subies à son entrée. Pendant plusieurs 
siècles, ce travail lent, mais fatal, s'accomplit; le 
passage devint difficile, périlleux, impossible enfin. 

On suit dans les auteurs anciens, ignorants de ce 
qui précède leurs époques respectives, mais décri- 
vant à ces mêmes époques l'étal actuel des lieux, ou 
suit les progrès du travail des forces naturelles. A 
l'époque de l'ère chrétienne, l'isthme était formé, la 
mer écartée» et le pays en voie d'arriver à la stérilité 
de plus en plus complète où il se trouve aujourd'hui. 
La grande masse d'eau séparée de la mer, diminuée 
par l'évaporation, se fractionne en flaques distinctes : 
on voit apparaître le lac Triton (Schott-el-Djerid), le 
lac ['allas (Schott-er-Rarhsa),le lac de l.mye(Seliott- 
Sellem), le lac des Tortues (Schott-Mel-R'ir) ; puis 
ces idées vogues du fleuve Gir, du fleuve Triton, 
sous lesquelles il faut entendre toute cette vallée su 



148 



LA NATURE. 



dirigeant vers la mer, mais écartée d'elle peu à peu. 
M. de Lcsseps, en apportant à l'Académie un ma- 
gnifique échantillon du banc de sable des lacs amers 
de l'isthme de Suez, a, dans une étude sur ces lacs, 
qui autrefois était des baies, comparé la formation du 
seuil de Cabès à celle, tout à l'ait colossale, du seuil 
de Phalouf, qui a détruit la communication égyp- 
tienne. Aux deux endroits, même phénomène. Seu- 
lement, à Cubes, il n'y a à rétablir qu'un modeste 
canal de 15 kilomètres (celui de Suez en a 150): 
c'est-à-dire une dépense à faire de huit millions. En 
mettant les choses au pire, la création de la mer in- 



térieure d'Algérie ne coulera pas vinyl millions, tout 
compté. Qu'est cela pour transformer un désert de 
plus en plus envahi par les sables en une immense 
oasis de 600,000 hectares d'étendue? Créer un 
capital agricole de 600,000 hectares d'une ferti- 
lité sans pareille (cette terre a fait ses preuves), cela 
vaut bien la peine d'y regarder ! 

Est-il permis seulement d'hésiter? c'est le cri de 
tous ceux qui peuvent comprendre, et qui veulent le 
bien. Le Conseil supérieur de l'Algérie a mis à l'é- 
tude cette question vraiment capitale, dont la solu- 
tion fera du pays ce que l'on avait espéré lors de la 



, w c tC£ co, 6r , 



■' 



lu it-fiju rfu Co/Hr de L'iâ» ml nipiOitis m 




Tarte de la mer intérieure en Algérie. 



conquête, le grenier, le trésor de la France. M. le 
général Chanzy s'en occupe activement, et tout l'ait 
espérer qu'il y portera quelque peu de la décision et 
de la vigueur militaires. Mais les savants et les hommes 
d'Étal ne sont pas seuls à comprendre des vérités si 
importantes. Écoutons encore M. Iloudaire: a En 
1872, dit-il , nous rencontrâmes entre Coiistantine et 
Batna le caïd des nomades sahariens, Bou-Lakrase, 
de la famille desBen-Gannah. Il nous demanda pour- 
quoi nous nous donnions tant de peine à construire 
des siguaux sur les sommets les plus élevés. Nous 
lui répondîmes que notre intention était d'aller ainsi 
jusqu'au Sahara, afin de savoir si le Sehott-Mel-R'ir 
était au-dessous du niveau de la mer. J'ai souvent 
contemplé les Schotts, reprit-il tout rêveur; j'ai 
pensé quelquefois qu'ils étaient semblables à la mer, 
et que jadis les flots venaient jusque-là. » Je lui ex- 



pliquai alors comment il serait peut-être possible de 
les y ramener. « Dieu le veuille ! dit-il, après un in- 
stant de silence ; ce sera une grande chose, » 

Grande chose en effet, que cette création dont le 
contre-coup bienfaisant se fera sentir dans toute la 
barbarie et jusque sur les côtes d'Italie et de France, 
qui défendra la province de Coiïstantiue des sables 
envahissants du désert, et lui rendra l'état florissant 
de culture qui la faisait siriohe autrefois. 

H. Dr la Blanc hère. 



TlîMULUS OU BUTTE DE DîSSIGNÀC 

A deux lieues de Saint-Xazaire (Loire-Inférieure), 
près de la route qui relie cette ville à Guérande, on 
peut remarquer un tumulus construit sur un petit 



LA A AT U RE. 



149 



liutti 



plateau qui domine le pays. Ccmonumeut est connu 
depuis longtemps dans la contrée, sons le nom de 
Butte de Dissiguac. l'es fouilles, entreprises récem- 
ment par le proprié- 
taire , ont amené au 
jour deux galeries fort 
curieuses. 

Le tumulus a la 
forme d'un mamelon ; 
il mesure 4 mètres 
d'élévation sur 25 à 
26 mètres de diamètre. 

Deux galeries paral- 
lèles , dont les axes 
sont distants l'un de 
l'autre de 5 mètres, 
s'ouvrent sur le bord 
oriental et se dirigent 
vers le couchant. 

Une seule, eelle qui 
est au sud, est assez 
liien conservée et peut 
être visitée. 

Les parois de celte 
galerie sont formées 
par des dalles , en- 
châssées dans la terre 
rapportée du tumu- 
lus; elles sont reliées 
entre elles par des 
pierres plus petites et 
des cailloux roulés; 
l'ensemble constitue 
donc un véritable mur 
et l'on peut étudier, 
en cet endroit, la pre- 
mière ébauche do Tari 
du maçon. C'est sur- 
tout sous ce rapport 
que le monument de 
Dissiguac est remar- 
quable, et diffère es- 
sentiellement de ceux 
que les touristes vont 
contempler à Gavarni 
et Lockmariaker. 

L'entrée de la gale- 
rie ne mesure qu'un 
mètre de hauteur ; elle 
était jadis fermée par. 
une dalle (pie l'on voit 
encore en place, ou 
ne pouvait donc péné- 
trer à l'intérieur qu'à 
certaines époques ou 
dans certaines circon- 
stances; et encore fal- 
lait-il se courber et presque ramper. La hauteur 
augmente insensiblement à mesure qu'on avance, 
jusqu'à devenir égale à 3 l ",50. la longueur totale 




mélange de 



de Dissiguac (Loire-Inférieure) . — Vue de la chambre 
(j ui termine la galerie nord. 




Bulle de Dissiguac. — Projection horizontale des galeries. 

Galerie nord. — B. Galerie sud. — C Chambre terminant la 

1er ie nord. — 1)1). Dalle formant le profond des galeries. 




liutle de Dissiguac. — Klévalion de l'une dos gaierics nord 
Echelle 1/100. 

SA. Dalles formant les parois verticales. - DB. Dalles du plafond 
C. Dalle fermant l'entrée de la irai crie. 



est de 10 mètres. La largeur esta peu prè3 constante 
et égale à 1 mètre. 

Le plafond est formé de cinq grandes dalles pla- 
cées en travers et dont 
les extrémités sont à 
moitié enchâssées dans 
les parois des mu- 
railles ; elles ne sont 
pas juxtaposées mais 
elles lai>sent entre 
elles un espace suf- 
fisant pour qu'un 
homme puisse s'y glis- 
ser, c'est même par 
l'une de ces fentes que 
l'on pénètre actuelle- 
ment à l'intérieur. Ces 
vides étaient, avant le 
déblaiement , fermés 
par un 
terre et de pierres. 

La galerie aboutit à 
une chambre de même 
hauteur, sensiblement 
circulaire et. dont les 
diamètres sont «V",i0 
et 3 m ,20- 

Les murailles de la 
chambre sont con- 
slruites de la même 
façon que celles de la 
galerie, avec cette 
seule différence (pie 
les dalles sont généra- 
lement plus larges et 
plus régulières; ou en 
compte onze. 

Le plafond était pri- 
mitivement formé de 
trois dalles, dont l'une 
manque aujourd'hui, 
parce qu'elle a été bri- 
sée dans les fouilles. 

La seconde galerie 
a été fort mal traitée et 
ne peut être visitée 
intérieurement. Elle 
offre les mêmes dispo- 
sitions des parois et du 
plafond, elle a égale- 
ment 1 mètre de lar- 
geur ; mais chose cu- 
rieuse elle n'aboutit 
point comme la pre- 
mière à une chambre ; 
elle se termine brus- 
quement et n'offre au- 
cune communication avec l'autre. C'est le seul exem- 
ple de cette disposition qui soit encore connu en Bre- 
tagne, la terre classique des monuments celtiques. 



150 



LA NATUIIE. 



La nature dos matériaux employés est assez com- 
plexe ; ce sont des granits, des mieachistes, des 
gneiss, etc., arrachés de la côte voisine, distante de 
près do deux lieues ; quelques-unes des dalles ont 
été roulées par la vague avant d'être utilisées dans 
cette construction ; les pierres qui remplissent les 
interstices sont presque toutes des galets plus ou 
moins volumineux. S'il faut eu croire les habitants, 
on a trouvé dans ce tu nui lus différents objets; mais, 
il m'a été impossible de savoir lesquels; j'ai cepen- 
dant eu la bonne fortune de recueillir in situ un 
petit silex taillé ; découverte d'autant plus intéres- 
santes, que le silex est une substance absolument 
étrangère à cette contrée granitique, et qu'il faut 
aller fort loin pour en rencontrer des gisements; les 
habitants qui ont construit ce tuniulus, ou ceux qui 
s'en servaient, faisaient donc le commerce avec les 
habitants de la Gaule centrale. 

La chambre circulaire qui termine la galerie nord 
devait être un lieu de sépulture, opinion que confirme 
la pierre massive qui en fermait rentrée ; mais quel 
pouvait être l'usage de la seconde galerie? On ou est 
réduit à des conjectures; espérons que de nouvelles 
découvertes pourront un jour éclaircir ce point 
obscur, et nous permettront d'ajouter de nouveaux 
laits à l'histoire de nos ancêtres. 



L. (ÎODF.FKOY. 



>ï< 



LES COMBINAISONS MÉTALLIQUES 

ue l'hydrogène. 

Les chimistes savent que certains gaz, tels que 
l'ammoniaque, l'acide chlorhydrjque, l'hydrogène 
sulfuré, etc., sont absorbés facilement par le char- 
bon. L'expérience classique qui permet de montrer 
cette propriété, consiste à introduire dans une 
cloche de gaz, placée sur le mercure, un morceau 
de charbon de bois chauffé au rouge. Lorsque ce 
charbon est suffisamment refroidi, le mercure ne 
tarde pas à s'élever dans l'éprouvette. Le volume 
des gaz absorbés dans ces conditions est ■variable. 
Tandis que le charbon n'absorbe que 1 .75 de son vo- 
lume d'hydrogène, il peut absorber 55 volumes d'a- 
cide carbonique, 55 d'acide su If hydrique, 85 d'acide 
chlorhydrique, et jusqu'à 90 volumes d'ammoniaque. 
Cette singulière absorption des gaz par le charbon 
permet d'expliquer quelques-uns des caractères spé- 
cifiques de ces corps. C'est ainsi que le rôle efficace 
que joue le charbon dans la filtration est dû. à ses 
propriétés absorbantes et notamment à l'action qu'il 
exerce sur l'hydrogène sulfuré, gaz qui se dégage de 
presque toutes les matières en putréfaction ; c'est 
encore par le fait de sa condensation dans les corps 
poreux, notamment dans la mousse de platine et 
dans le plâtre, que l' ammoniaque peut se transfor- 
mer en acide azotique, et déterminer la formation du 
salpêtre ou des matériaux salpêtres. 

Ces propriétés ne sont pas particulières au charbon 



de bois ; des travaux récents ont en effet montré que 
les gaz peuvent être condensés par certains métaux, 
comme le platine, le fer, l'acier, le palladium, etc.; 
M. Cailleteta montré, par exemple, que des pièces 
de fonte ou d'acier pouvaient absorber une certaine 
proportion d'oxyde de carbone ou d'hydrogène, pour 
perdre ensuite ce gaz à une haule température, le 
dégagement du gaz produisant alors à la surface du 
métal des boursouflures qui, dans certains cas, met- 
tent la pièce fondue hors d'usage. 

M. Graham, qui s'est beaucoup occupéde cetteques- 
tion, a désigné ce phénomène sous le nom d'occlusion 
des gaz. Les recherches si curieuses qu'il a faites à cet 
égard remontent déjà à plusieurs années; mais 
comme les belles expériences de MM. Troost et llau- 
tcfeuille, publiées dans un des derniers numéros des 
Comptes rendus de l'Académie des sciences, fixent 
do nouveau l'attention du monde savant, nous allons 
revenir sur ce sujet. 

M. Henri Sainte-Claire Deville est le premier chi- 
miste qui ait constaté l'absorption des gaz par les 
métaux, et leur passage à travers les parois métal- 
liques ; de concert avec M. Troost, il a pu montrer 
par une série d'expériences élégantes que l'hvdro- 
gène et l'oxyde de carbone sont susceptibles de tra- 
verser les corps poreux et même les parois d'un tube 
de fer ou d'acier chauffé au rouge, de manière à dé- 
terminer tin vide partiel à l'intérieur de ce tube. 
Comment ce passage a-l-il lieu? Y a-t-il simplement 
diffusion ou action élective? Si le passage s'effectuait 
par simple diffusion, les lois de Graham 4 sur l'écou- 
lement des gaz seraient applicables, et l'hydrogène, 
par exemple, dont la densité est infiniment plus 
faible que celle de l'acide carbonique, devrait s'é- 
couler plus vite que ce gaz ; au contraire, l'acide car- 
bonique passe plus vile à travers une membrane hu- 
mide que l'hydrogène, à cause de la solubilité plus 
grande du premier gaz dans l'eau, le phénomène de 
dissolution précédant celui du passage du gaz. Il en 
est de même peur l'hydrogène; ce gaz est d'abord 
absorbé par le fer, grâce à l'affinité qu'il a pour ce 
métal, puis, la température s'élevant, il se produit 
une véritable dissociation, et le gaz s'échappe dans 
l'atmosphère. 

Le platine au rouge jouit des mêmes propriétés 
absorbantes; il est curieux de constater que le vo- 
lume du gaz absorbé peut varier avec l'état physique 
du métal : tandis qu'un lil de platine peut absorber 
un cinquième de son volume d'hydrogène, la mousse 
de platine peut en absorber environ un demi-volume 
et le platine forgé cinq volumes. Si l'on tient compte 
de la température à laquelle a lieu l'expérience et du 
volume restreint des pores du métal, la pression que 
subit le gaz occlus élans le platine doit être de 15,000 
atmosphères, d'après les calculs de M. Odling. Ces 
données étant admises, il est facile de donner l'expli- 
cation du fait de l'incandescence du platine en pré- 

1 La loi de Graham s'énonce ainsi : La diffusion des gaz à 
travers une paroi poreuse est eu raison inverse do la racine 
carrée îles densités. 



LA NATURE. 



151 



sencc d'un jcl d'hydrogène; la pression énorme à 
laquelle est soumis le gaz suffit pour déterminer l'é- 
lévation considérable de température qui rougit le 
platine. 

En se reportant, en effet, à l'expérience du briquet 
à air dans laquelle on condense le gaz au moyen d'un 
piston mobile à l'intérieur d'une éprouvette de verre 
à parois résistantes, et en admettant les hypothèses 
de Poisson sur la constitution physique des gaz, le 
calcul montre que, seulement pour une variation de 
volume de 1 à 100, c'est-à-dire pour une pression de 
100 atmosphères, l'élévation théorique de la tempé- 
rature doit être de 2,730 degrés. 

Outre le foret le platine, le cuivre, l'antimoine, 
l'argent, l'or, L'iridium se conduisent de la même 
manière avec l'hydrogène, mais aucun do ces métaux 
n'approche, à cet égard, du palladium. 

Il appartenait à l'illustre chimiste anglais Graham, 
dont tous les travaux sont empreints d'une origina- 
lité si saisissante, de montrer avec quelle facilité le 
palladium absorbe l'hydrogène, et de prouver pardes 
observations successives la nature essentiellement, 
chimique de cette action. 

Lorsqu'on place nu fil de palladium dans l'hydro- 
gène, il peut absorber, à la température de 100*, 
jusqu'à. 9^0 fois son volume d'hydrogène, en 
même temps qu'il subit un changement notable de 
volume ; si on réalise cette absorption au moyen d'une 
lame de palladium fixée par une de ses extrémités à 
un axe vertical, et placée comme électrode négative 
d'une pile dans une solution d'acide sulfurique, on 
voit la lame s'enrouler en spirale autour de l'axe, par 
suite de l'allongement d'une seule de ses extré- 
mités. 

Kn étudiant les propriétés du palladium ainsi hy- 
drogéné, on trouve qu'il a subi une série de méta- 
morphoses dans ses propriétés physiques et chimiques. 
L'alliage de palladium et d'hydrogénium (c'est ainsi 
que Graham appelle l'hydrogène à l'état de conden- 
sation), a une densité de 11,79, tandis que celle du 
palladium est de 12,38; de même, la conductibilité 
électrique et la ténacité ont diminué dans une nota 
1)1 e proportion. 

Enfin le palladium, qui est par amagné tique, devient 
magnétique lorsqu'il a subi l'action de l'hydrogène. 

Quant à ses propriétés chimiques, l'alliage possède 
celles de l'hydrogène, mais toutefois singulièrement 
exagérées. Le nouveau corps réduit le calomcl (pro- 
lochlorure de mercure), transforme les sels ferriques 
en sels ferreux, et se combine à l'iode et au chlore, à 
l'abri de la lumière. En cherchant sa composition, 
Graham a trouvé que l'hydrogène est uni au palla- 
dium dans des proportions qui sont voisines de celles 
d'équivalent à équivalent. 

Ainsi, l'union de ces deux corps détermine la for- 
mation d'un corps doué de propriétés nouvelles; il 
y a donc eu action chimique. Eu. Landiuk. 

— La suite prochainement- — 

— *<$* — 



LE YEN1N DU SCORPION 

NOUVELLES RECHERCHES DU DOCTEUR JOUSSET DB 
I1ELLESME. 

Le nom du scorpion est aussi connu que sa na- 
ture, ses mœurs, sa manière d'être, et les propriétés 
de son venin sont ignorées et obscures. Jamais être 
vivant n'a tant excité l'imagination des naturalistes 
anciens qui nous rapportent à son sujet les contes les 
plus étranges. Les faits bizarres dont le scorpion 
passe pour être la cause sont bien souvent encore 
accueillis favorablement par de crédules observateurs; 
il ne manque pas de paysans qui, suivant l'ancienne 
doctrine d'Ans tote, ont la persuasion que le scorpion 
enfermé dans un cercle de charbons ardents se donne 
volontairement la mort ; il en est. d'autres qui croient, 
avec Galien, que la salive humaine est un poison mor- 
tel pour cet être singulier. 

Malgré les travaux do Swammerdam, de Lceuwen- 
hock, deMautpertuis. cf, plus récemment de M. M. Guyon 
et de M. Blanchard, la question des propriétés du 
venin du scorpion est restée fort obscure. M. le doc- 
teur Jousset deBellesme a su, grâce à la rigueur de 
ses expérimentations, y jeter une vive lumière. 

Ce savant naturaliste, qui a publié ses belles re- 
cherches dans les Annales des sciences naturelles, 
commence par passer succinctement en revue les 
plus intéressantes espèces que comprend le genre 
scorpion, et à parler do ses mœurs, de ses propriétés, 
non plus guidé comme jadis par l'imagination, mais 
par la scrupuleuse étude des fails. 

Le scorpio europœus est petit, de couleur sombre 
mêlée de gris et de noir ; sa longueur ne dépasse pas 
3 ou 4 centimètres ; il est extrêmement commun 
dans le midi de la France, où il habite les maisons, 
les vieux murs ; sa petite taille le rend assez iiioffen- 
sif. Le scorpio occilanus est beaucoup plus rare. 
C'est aux environs de Montpellier, de Perpignan, 
de Nîmes et de Marseille qu'on le rencontre le 
plus fréquemment. 11 atteint 7 ou 8 centimètres de 
longueur, de la bouche à l'aiguillon. Le scorpio oc- 
citanus est très-redoutable. Il habite exclusivement 
la campagne et on le trouve dans les terrains vagues 
et sablonneux, tapi sous les pierres, attendant que la 
nuit soit venue pour aller à la recherche d'une 
proie. 

Ces deux espèces sont les seules que l'on trouve 
en France. Le scorpio afer, qui atteint parfois une 
longueur de 12 à 1 5 centimètres est originaire d'Asie, 
et il se rencontre communément en Egypte, en Al- 
gérie et surtout en Tunisie. Enfin, certaines régions 
de l'Afrique et du Sénégal offrent encore deux es- 
pèces particulières, le scorpio funestes et le buthus 
imperator, qui heureusement est fort rare, car il at- 
teint des dimensions considérables, et peut être con- 
sidéré comme un être extrêmement redoutable. 

L'espèce que M. Jousset de Bellesme a surtout 
étudiée est le scorpio occilanus, dont la piqûre est 



152 



LA NATURE. 



déjà fort dangereuse et même souvent mortelle 
comme celle des scorpions africains. Ce scorpion est 
un animal nocturne, il fuit le grand jour, il aime les 
endroits frais et humides; on le rencontre fréquem- 
ment sous des pierres siliceuses ou calcaires, dans 
les endroits sablonneux propres à la culture du pin. 
Le scorpio occilanus ne 
lait pas de galeries sou- 
t.erra i nos sous les piei res 
iju'il a choisies connue 
abri. « 11 se borne, s'il 
n'y existe pas quelque 
cavité naturelle , à y 
creuser une simple gout- 
tière peu profonde, que 
l'on voit parfois tapissée 
de filaments analogues 
à ceux des araignées, et 
dans laquelle il se tient 
pelotonné sur liti-mèrue 
et immobile. Il est tou- 
jours seul ; les petits 
quittent la mère de très- 
bonne heure et vont 
s'établir à quelques pas 
de là. On trouve dans 
cette petite bauge de 
nombreux débris d'in- 
sectes, resle du repas 
du scorpion, et quel- 
quefois la vieille peau 
de ranimai, qui mue 
absolument comme les 
serpents, sortant de son 
vieil épidémie comme 
d'un doigt de gant.... >> 
De tout temps, le 
scorpion a été reconnu 
pour un animal veni- 
meux; aussi a-t-il tou- 
jours été l'objet d'une 
véritable terreur super- 
stitieuse de la'part des 
habitants des campa- 
gnes. — Les paysans du 
Midi sont fréquemment 
piqués par le scorpio 




Habitation du scorpion (Scorpio occitanus). 




Habitation du scorpion ( la |>ierre sous laquelle il s'abrite est 
enlevée, pour montrer la galerie où se tient l'animal dan? 
soii altitude naturelle). 




européens , mais cette 
piqûre n'est pas grave, 
elle peut être assimilée 
à celle de la guêpe et du 



Action du venin du scorpion sur le sang. 

1. Globules normaux du sang de grenouille. — 2. Globule, qui 
commencent à s'altérer en contact avec le venin pur. — 
3. Altération plus profonde <ie=> globules, aptes cinq minutes 

de contact. 



est tendue comme dans un vaste phlegmon, quelque- 
fois couverte de pustules. On voit alors survenir de 
la lièvre, des frissons, de l'engourdissement, de l'im- 
possibilité absolue de mouvoir le membre affecté ; 
enfui des vomissements, du hoquet, des convulsions, 
des syncopes, du tremblement musculaire, et d'au- 
tres troubles du système 
nerveux. » 

L'appareil venimeux 
du scorpion est tout à 
la fois un appareil de 
sécrétion et d'inocula- 
tion. Il est situé au bout 
de la queue très-mobile 
de l'animal, et apparaît 
comme une arme redou- 
table qui sert au scor- 
pion soit pour attaquer 
sa proie et pour la tuer, 
soit pour se défendre 
contre un ennemi. C'est 
improprement que l'ap- 
pendice postérieur du 
scorpion est désigné sous 
le nom de queue, car il 
n'est autre en réalité 
que l'abdomen rétréci. 
Le tube intestinal le 
traversent aboutit à un 
orifice anal, situé entre 
le cinquième anneau et 
la vésicule à venin. La 
vésicule à venin con- 
stitue le sixième an- 
neau , c'est une am- 
poule arrondie qui se 
termine par un aiguil Ion 
creux, corné, recourbé, 
fort aigu, à travers le- 
quel s'échappe le venin, 
sécrété par deux glandes 
accolées l'une contre 
l'autre. 

La partie antérieure 
du corps de l'animal 
est terminée par deux 
pinces analogues à celles 
des crustacés. Situées 
de chaque côté de la 
bouche, elles jouent le 
rôle de pattes-mâchoires 
et d'organes de préheu- 



iïelon. Il en est tout dif- 

férammentde celle du scorpio occitanus. «C'est d'à- I sion. La bouche est dépourvue des mandibules à 

bord, dit M. Jousset de Bellesme, une douleur vive et ' '' ' '...... 

cuisante, de la rougeur de la peau, et une tuméfac- 



tion s'éteudant en général à tout le membre. Le lieu 
de la piqûre noircit, La douleur est tellement vive 
qu'Erhenbcrg qui l'a éprouvée, a prétendu qu'il ial- 
lait lui attribuer les accidents nerveux graves qui 
suivent la blessure eue? les individus faibles. La peau 



crochet qui caractérisent les araignées et qui sont 
en relation avec une glande venimeuse. Aussi la 
morsure du scorpion est-elle complètement inoffen- 
sive. 

« L'attitude naturelle de la queue du scorpion dit 
M. Jousset île Bellesme, est d'être recourbée. A l'état 
de repos, et lorsque l'animal se croit à l'abri de tout 



LA NATURE. 



133 



danger, il la laisse reposer par terre, sur le côté, soit 
à droite, soit à gauche de son corps. C'est au moyen 
de l'extension brusque de cette queue qu'il va lancer 
son aiguillon contre les corps qu'il veut percer. Pour 
peu qu'il soit mis en éveil par un mouvement inat- 
tendu ou qu'il aperçoive une proie, ses pinces se 
dressent en avant, sa queue se relève et se tient ar- 
rondie comme une anse au-dessus de son corps, de 
telle sorte que l'aiguillon est suspendu au-dessus de 
sa tète, prêt à frapper dans toutes les directions. 11 
faut avoir vu un scorpion se défendre, quand on 



l'irrite, pour avoir une idée de la vigueur, de la sou- 
plesse et de la sûreté d'un pareil instrument. 

« L'appareil venimeux du scorpion lui sert prin- 
cipalement à se rendre maître des proies dont il fait 
sa nourriture et qui sont souvent volumineuses... Je 
tenais en captivité un scorpion de forte taille (Û ro ,07) 
que je nourrissais de mouches depuis quelque temps. 
Dans le but de varier sa nourriture, je lui donnai un 
jour une araignée de jardin de la grosseur d'un pois. 
11 la saisit vivement et la piqua au thorax. Mais une 
goutte de sang qui jaillit de la plaie empêcha proba- 




Le scorpion (Scorpio occilanus). Grandeur naturelle. 



Moment l'inoculation du venin. Toujours est-il que 
l'araignée tenue entre les pinces du scorpion, fit la 
morte, comme ces animaux en ont l'habitude. Mais, 
au moment où celui-ci trompé par son immobilité, la 
portait à sa bouche, elle enfonça rapidement ses 
mandibules dans la basede la pince gauche. Le scor- 
pion la lâcha brusquement, puis la reprit, la piqua 
de nouveau et cette l'ois elle succomba bel et bien. 
Le vainqueur n'eut pas le temps de jouir de sa vic- 
toire ; après quelques instants, il se ramassa sur lui- 
même et parut très-iucommodé. Une heure après, 
il était sur le liane, les pattes rétractées sous l'abdo- 
men, agitées de mouvements convulsifs, la queue 
allongée et le tronc courbé en arrière. Enfin, il of- 
frait tous les symptômes d'une violente attaque de 
tétanos. Ce i se pas a t à six heures du soir; il resta 



toute la nuit dans cet état. Je craignais fort de le 
perdre ; mais le lendemain matin, il reprit la facilité 
de ses mouvements, et vers midi mangea une mouche 
de fort bon appétit. » 

Ce fait paraît démontrer que si le scorpion a l'ha- 
bitude de piquer indistinctement toute espèce de 
proie, cette précaution lui est très-utile, surtout dans 
les luttes constantes qu'il livre avec les araignées 
dont il fait sa proie favorite. 

Il suffit d'exciter un scorpion, ou de lui présenter 
une proie, pour voir paraître près de la pointe de 
l'aiguillon une fine goutelette d'une liqueur lim- 
pide: c'est le venin. M. Joussetde Bellesme.parune 
méthode particulière de ligature, a pu conserver des 
scorpions, et recueillir chaque jour cette gouttelette 
de venin, qui lui a permis de compléter ses belles 



154 



LA NATURE. 



observations par des expériences physiologiques d'un 
grand intérêt. 

Le savant observateur démontre d'abord que la pi- 
qûre de l'aiguillon d*un fort scorpion est inoffensive 
si l'orifice en est bouché par un vernis, c'est-à-dire 
si le venin ne s'échappe pas. — Les expériences ont 
été faites sur des mouches, qui continuaient à vivre 
après la piqûre de l'aiguillon sans venin, qui mou- 
raient toutes au contraire dans le cas où le liquide 
s'échappait librement. M. JoussettleBellosrnc prouve 
ensuite que, contrairement ù l'opinion des anciens, le 
venin agit très-énergiqueineut même quand il est sé- 
paré du corps de l'animal, et que le proverbe: 
Morte la bête, mort le venin, repose sur de fuisses 
observations. Les venins se conservent au contraire 
presque indéfiniment. 

Un grand nombre d'expériences ont été exécutées 
surdes grenouilles vertes ou rainettes, sur des chiens, 
des pigeons, etc.; 6 décimilligrammes de venin frais 
de scorpio occilanus ont été notamment inoculés 
dans la cuisse d'une rainette. Cet animal tombe d'a- 
bord ù la renve"Eo,la peau de ses membres inférieurs 
prend mie couleur rouge violacée, le membre piqué 
s'immobilise, la respiration se ralentit, puis devient 
saccadée et intermittente, enfin l'agonie ne tarde pas 
à se manifester, puis la mort après cinquante-sept 
minutes. 

En soumettant à l'inspection microscopique une 
goutte de saug de grenouille, mise eu contact avec 
le venin du scorpio occitanus, M. Jousset de Bel- 
lthniic a observé que les globules se déforment et 
s'agglomèrent en une masse visqueuse comme l'in- 
dique une de nos gravures : ces observations ont con- 
duit le savant docteur à expliquer l'action du venin 
qu'il étudie sur l'économie. — Ce venin a pour effet 
de faire perdre aux globules du sang la propriété 
qu'ils possèdent à l'état normal, de glisser les uns 
sur les autres. Ils s'agglutinent et forment de petites 
masses qui mettent obstacle à la circulation en ob- 
truant les vaisseaux capillaires et qui par conséquent 
déterminent la mort. 

La piu ûrc du scorpion est donc d'un gravité parti- 
culière ; la thérapeutique, en effet, est impuissante à 
en combattre les effets, puisqu'elle ne saurait rendre 
aux globules du sang agglutiné par le venin leurs 
propriétés normales, nécessaires à l'entretien de la 
vie. L. Lhékitier. 

L'ASSOCIATION FRANÇAISE 

rou» l'avancement des sciences. 

Session de Lille. 

La réunion de l'Association est fixée cette année à 
Lille; la session durera du 20 au 27 août. M. Wiirtz, 
membre de l'Institut, doyen de la Faculté de méde- 
cine de Paris, qui est cette année le président de 
l'Association, dirigera les travaux du congrès : un 
comité local, sous la présidence de M. Kulilmaun, 
correspondant de l'Institut, s'est chargé des disposi- 



tions à prendre pour l'installât ion du congrès et de 
la préparation des excursions scientifiques qui sont 
toujours un des attraits de ces réunions. Cette an- 
née, il est question d'une excursion à Boulogne, 
d'un autre à Anzin, et peut-être, pour finir, d'une 
excursion à Bruxelles. 

Le congrès s'occupe de toutes les questions scien- 
tifiques et l'Association publie chaque année les 
comptes rendus des travaux présentés; de plus des 
questions d'un intérêt général sont traitées dans des 
séances ou des conférences qui réunissent les mem- 
bres des diverses sections. Les travaux déjà annoncés 
promettent une session intéressante; de plus, des 
savants étrangers eu assez grand nombre assisteront 
au congrès et y prendront une part active. 

Enfin la plupart des compagnies de chemins de 
fer, désireuses de contribuer à l'avancement des 
sciences, accordent aux membres de l'Association, 
se rendant au congrès, une réduction de moitié sur 
le prix dos places, aller et retour 1 . 

La Nature enverra à ces grandes assises scienti- 
fiques un rédacteur spécial, qui donnera sinon un 
compte rendu complet, au moins une indication des 
questions les plus intéressantes qui auront été trai- 
tées, des excursions qui auront été faites, et surtout 
de la physionomie générale du congrès. 



>♦< 



LES IIKCE.NTS MODKLES 

D'ARMES A. FEU DE L'INFANTERIE 

(Suite. — Voy. p, SI <"X 75.) 

Nous nous bornerons, pour des raisons déjà con- 
nues, à donner une exposition des récents modèles 
adoptés, en négligeant de parler de ceux qu'ils doi- 
vent successivement faire disparaître. Nous ferons 
cependant une exception en faveur du fusil Dreyse, 
qui marque le premier emploi dans les armées d'ar- 
mes se chargeant par la culasse. Nous présenterons 
également deux modèles de fusil à répétition, le 
fusil suisse Wettcrli et le fusil Winchester en usa»e 
aux États-Unis d'Amérique. Nous croyons devoir en 
parler, parce que le fusil à répétition marque peut- 
être le sens des perfectionnements à poursuivre ac- 
tuellement dans l'armement des troupes. Ces armes " 
en effet, munies d'un magasin à cartouches, qui 
viennent elles-même s'introduire automatiquement 
dans le canon par le reu d'un organe du mécanisme, 
créeraient une très-grande simplification ; et s'il était 
possible d'obtenir les avantages de ce système, sans 
rien sacrifier des autres conditions qu'on exige ac- 
tuellement d'une bonne arme de guerre, nul doute 
que son adoption ne serait décidée presque immédia- 
tement en principe par toutes les puissances. Ou 

1 Pour tous les renseignements s'adresser: 

A Paris, à M. C.-M. Gariel, secrétaire du conseil, 7G, rue 
de tiennes. 

A Lille, à MM. Gosselet el Tei'i|iicni, professeurs à la Faculté 
des sciences, secrétaires du comité local. 



LÀ NATURE. 



155 



peut donc s'attendre à de nouvelles recherches dans 
cette direction. 

Voici quelques renseignements sur les divers mo- 
dèles d'armes que nous nous proposons d'exa- 
miner. 



Les dessins que nous donnerons pour chaque 
arme consistent généralement en utio coupe longi- 
tudinale suivant l'axe de l'arme et dans une sorte de 
perspective cavalère des parties de l'arme en arrière 
du plan coupant,. Ce mode de représentation nous a 











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hNVKLOPI'E DE 


LIED I>K 




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DÉSIGNATION 

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ETATS 

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L INFLAMMATION 

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Drevse.. • • • . 


Prusse. 


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5.2» 


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4,8 


Cllllll). 




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54',- 


12 


Tninsformù à un Ca- 




Clia-sepot. . . . 


France. 

ltlISM.!. 


11 
10,6 


.i.tiNO 
4,200 


2;» 
24 


5,5 
5 


C. 


If. 


c. 
G. 




420 

442 


11 


libre plus failli.', et 
sera remplace par le 
Mauscr. 




Reauiiirttit. , . . 


Hollande. 


11 


4.080 


22 


4 




y. 


C. 




405 








Ma tuer 


Prusse. 


11 


» 


25 


5 






C. 




j» 


12 a îs 






Wcemdl. .... 


AlItl'ÏCllR, 


11 


5,220 


21,4 


4 




M. 


G. 




430 


12 






AlHini-ISrandlni . 


Belgique. 


11 


i.'.m 


25 


5 




M. 


c. 




417 










Su i ■>■•«. 


10,5 


4,570 


20 


5,7 




M. 




I\ 


455 


15 






Henri-Martini 


Angleterre. 


11,4 


4,y;>o 


51 


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M. ! 


C. 




41(5 








Wenler 


Bavière. 


11 


5,100 


22 


4,3 




Jl. 


C. 




450 








llpm innlitn . _ . 


rifiiipniflrlt. 


11,4 


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2;i 


4 




M. 




p. 


nsi 


11 






— ... 


l']*p:i!îne. 


11 


4,5'JO 


25 


5 




M. 


C. 




425 








— ... 


Knrwêjje. 


H.' 


» 


» 


» 










a 








— ... 


Suède. 


l'i '2 


4,740 


21 


4.2 




H. 




p. 











Wfitlerli 


Italie. 


10,4 


4,910 


20,5 


4 




M. 


c. 




425 




JIodMo à erinrst -\enl 
8<icceK«if, 




— .... 


Suisse. 


10,5 


1,800 


20 


5,1 








p. 


455 




Modèle à r.' 1 pétition. 




Winchester . . . 


Étals-Unis. 


* 


» 


y 


» 








p. 


» 


19 


£ M'itlêlc à n''|]èhtnn, 
! ilonne un lie peu précis. 





paru donner plus clairement l'idée des formes et des 
dispositions de l'objet qu'une simple perspective, ou 
bien qu'une coupe accompagnée d'une projection 
orthogonale. 

FUSIL DREYSE (Puisse). 

Manœuvre. — Le coup parti, on appuie sur la tète h du 
ressort du cjlindre intérieur, ce qui permet alors de dé- 
i ager ce ressort du cran voisin île b et de tirer en arrière 
l'a: 1 sa tète le cvlindre intérieur. 



3!^^^. 




I'I'SII. Dl'.ETSE. — A. A, A. Boite île cuhisse. — B. Canon. — C. Tonnerre 
mobile. — D. Cylindre intérieur. — K. Condueleur de l'aiguille. — F. Cy- 
lindre porte-aiguille. — 0. Chambre ardente. — II. Cachette cl son res- 
sort. — I. DùtentB. — B. Levier du cylindre mobile, ratiatlu horizontale- 
ment i droite dans la poslion rie la ligur». — b. Tè:e tl.i ressort lue au 
cylindre intérieur. — C. Cran du bandé. - d. Cran de sûreté. — e- Pous- 
soir. 



Ce mouvement achevé, il est possible, à l'aide du levier 
L, de faire tourner le tonnerre mobile C et de le ramener 
en arrière pour ouvrir la culasse, ce qui n'eût pu se faire 
plus tôt, la tète du cylindre intérieur Cse trouvant encore 
engagée dans une fente de la boite de culasse A, non vi- 
sible dans le dessin. On introduit la cartouche et pour 
fermer la boite de culasse, on pousse le levier eu avant, 



puis ou le rabat à droite par un mouvement inverse à 
celui précédemment exécuté. 

Le ressort reste toujours détendu et le cylindre intérieur 
hors, de son logement. On agit alors à l'aide du poussoir e 
sur le cylindre intérieur ; l'épaulcmcnt du porte-aiguille 
vient buter contre la tète de gâchette et permet de tendre 
le ressort à boudin jusqu'à ce (pie le talon postérieur du 
tonnerre mobile vienne s'engager dans le cran du bandée, 
du ressort du cylindre intérieur. Le ressort à boudin est 
alors bandé et presse contre le talon du porte-aiguille. Il 
suffit dès lors, pour faire partir le porte-aiguille et par 
conséquent l'aiguille, de presser sur la délente jusqu'à ce 
que la téle de gâchette soit descendue suffisamment pour 
dégager le talon du porte-aiguille. La pointe de l'aiguille 
v ieut frapper l'amorce après avoir traversé toute la pro- 
fondeur du cylindre, à poudre de la cartouche. 

L'obturation est assez imparfaite dans cette arme, mais 
les inconvénients de ce défaut sont peu considérables. Le 
profil de pénétration du tonnerre mobile dans le canon 
est tel en effet que les cracheincnls, se produisant en 
avant, ne peuvent occasionner de grande gène au tireur. 

Le poids total de celle arme est un peu fort» aussi Lien 
que celui des munitions. 

FUSIL CH4SSEP0T (Ftuitt). 

Manœuvre du mécanisme. — Le coup parti, on appuie 
sur la téle quadrillée du chien pour dégager la pièce 
d'arrêt g de la rainure de départ du cylindre. Dans celle 
action, le ressorti boudin se tend, et le plan incliné de la 
noix E fixée sur le chien fait baisser la tète de la gâchette 
jusqu'à ce qu'il l'ait dépassée. A cet instant cette tète île 
gâchette se relève et vient s'opposer à la détente du res- 
sort à boudin. 

On relève verticalement le levier I pour imprimer un 



156 



LA NATURE. 



mouvement de rotation au cylindre mobile, les autres 
parties du mécanisme restant immobiles. La pièce d'arrêt 
g se trouve alors en face du cran de t'arme creusé sur le 



cylindre C. Toute la partie mobile représentée à la figure 4 
peut alors èlre ramenée en arrière, la coulisse ménagée 
dans la boite de culasse permettant un libre passage nu 



*^^ ' " ■■ ! 




l'U&lL CIIAbSlii'OT. — Coupe suivant l'axe du canon. {Le coup pi-et à partir.) 




Vue de l'arme, t,. , oup par ij 




Vue d'ensemble des parties mobiles. 




Vue ùc l'arme, la culasse ouverte pour l'introduction de la cartouche. 
AA Boile dft culasse. — B, Canon. — O. Cylindre mobile. — D. Cliien. — E. Noix. — P. Cachette et son ressort. — G. Détente. — 1. Levier. — t Porte- 
ai'iiilli! — o'. Bouchon. — ». ïtile mobile. — c. Chambre ardente. — d. Aiguille. — e. Koudelle en caoutchouc, — f- Coude du chien. — g. fièce d'an et. — 
m? Keiilort du cylindre. — ». Galet du chien. 



renfort m du levier de manœuvre. L'entrée du canon est 
dégagée et permet d'y introduire la cartouche. 

La cartouche placée, toute la partie mobile (fig. 4) est 
ramonée en avant. Lu tète mobile en amure da laquelle 



se maintient la pointe de l'aiguille pousse dans l'intérieur 
du canon la cartouche jusqu'à son emplacement normal. 
En mémo lomps le cran de la noix vjont buter contre la 
tète de la gâchette. 



LA NATURE. 



137 



Pour armer, il suffit de rabattre le levier à droite dans 
la position horizontale, ce qui replace la rainure du dé- 
part en face de la pièce d'arrêt g. 

Pour faire feu, il suffit d'appuyer sur la détente G. 
Celle-ci ayant même articulation que la gâchette, en fait 
Laisser la tête, ce qui dégage le cran de la noix, qui faisait 
seul obstacle à la détente du ressort et par conséquent au 
départ de l'aiguille. 

Celte arme est remarquable au point de vue de la jus- 
tesse et de la portée. Elle présente aussi quelques imper- 
fections, dont voici les principales : L'obturation est in- 
complète; la cartouche est de trop difficile conservation 
en campagne; les ratés sont fréquents au commencement 



du tir, parce que la cartouche glisse trop librement sous 
le choc de l'aiguille ; enfin les départs accidentels arrivent 
assp.z fréquemment. On se préoccupe de remédier à ces 
défauts, mais la question est complexe et la difficulté est 
peut-être plus grande qu'on ne croirait de trouver une 
solution satu-faisante de lous points *. 

FUSIL BERDAN (Rusbik). 

Comme il est facile de s'en convaincre à l'inspection 
de la figure, ce fusil est un dérivé du fusil Dreyse. 

Manœuvre. — Le coup parti, on fait tourner le tonnerre 
mobile en ramenant le levier verticalement. Le chien ne 
peut participer à ce mouvement, étant maintenu par la 




FLSIL BGI1DA3. — A. Tonnerre mobile. — B. Boite de culasse- — C. Chien. — D. Perçu Le u r. — E. Canon. - P. Pièce «J'arr t. ~ G. Bouchon. — IL Tire» 
cartouche. — I. Levier du tonnerre mobile*— o. Ejccleur. — 6. Cachette. — c. Détente. — t. hessort «Je l'éjeetcur. — f flessoitiie gâchette. 



fente longitudinale de la boite de culasse que le dessin 
ne pouvait représenter. La pièce d'arrêt g suit l'un des 
côtés d'une rainure quadrangulaire qu'elle ne quitte ja- 
mais. On ramène alors en arrière toute la partie mobile 
pour découvrir la tranche du canon et y introduire la car- 
touche Pendant ce mouvement en arrière, le tire-cartouche 
et l'éjeetcur ont amené l'expulsion du culot de la cartouche 
brûlée. 

Aussitôt la nouvelle cartouche en place, toute la partie 
mobile est ramenée eu avant par un mouvement inverse 
au précédent et le levier rabattu à droite pour assurer la 
fermeture. 

Pour armer, on tire en arrière le bouton du chien, ce 
qui a pour effet de bander le ressort à boudin du percu- 
teur. Le bec de la gâchette -vient alors s'engager dans le 
cran du départ tracé sur le profil inférieur du chien faisant 
noix. 

Pour faire feu, presser sur la détente jusqu'à ce que 
le bec de la gâchette soit dégagé du cran du départ. 

FUSIL BEAUMO.NT (Hollande). 

Dérivé des fusils Dreyse et Chassepot, cette arme présente 
avec eux quelques différences assez saillantes. 

Au lieu du ressort à boudin de ces deux modèles, nous 
remarquons un ressort à deux branches H, contenu dans 
le levier du tonnerre mobile et dont la plus grande 
branche exerce sa pression sur un renfort du percuteur. 

Le chien porte en dessous de son renfort antérieur et 
joignant la tige du percuteur un coin hélicoïdal qui vient 
au départ du coup se loger dans une, encoche correspon- 
dante du cylindre mobile. La rotation imprimée au tonnerre 
mobile amène une pression des surfaces hélicoïdales l'une 
contre l'autre, et par suite le recul on arrière du chien et 
du percuteur de la quantité nécessaire pour bander le 



ressort II. Toute la partie mobile est ensuite ramenée en 
arrière pour pouvoir enlever le culot de la cartouche brûlée 
et introduire une nouvelle cartouche dans le canon. Ceci 
fait, on ramène celte même partie mobile en avant jusqu'à 




FCSIL BEAUMONT. - A. Cylindre ou tonnerre mobile. — A. Levier du ton- 
nelle mobile. — B. Têic mobile. -- C. Percuteur. — O. Chien. — E. Iloitc 
de culasse. — F. Gâchette; f, son ressort. —G. Détente. — II. Ressort du 
tonnerre mobile. — a. Extracteur. — b. Cm» n rampe, hélicoïdale. 

ce que le talon inférieur du chien vienne buter contre le 
plan vertical de la gàchelte qui s'oppose à son départ. On 
peut alors ramener le levier à droite et fermer ainsi le 
mécanisme, ce qui a lieu au moment même où le coin 
se trouve vis-à-vis l'encoche du tonnerre mobile. 
Une pression sur la dé lente suffit à faire partir le 

COUp. EUGKWB GULLLBMI."!. 

— La suite prochainement- — 

1 Nous avons dit plus haut que le chassepot est en voie do 
transformation. 



158 



LA NATURE. 



CHRONIQUE 

Un fioliilo a Toulon. — >*ous avons été témoins, lo 
27 juillet, de l'apparition d'un magnifique Loliile qui a 
traversé lo ciel avec une grande lenteur. Plusieurs per- 
sonnes l'ont observé avec nous dans notre jardin, dont 
les arbres nous masquaient malheureusement une partie 
de l'horizon, à l'ouest. .Nous avons aperçu le météore dans 
la constellation du Scorpion, près d'Antarès. Sa trajectoire 
était inclinée sur l'horizon de- 35' environ. Son diamètre 
paraissait égal à quatre fuis celui de Vénus, qne nous ve- 
nions de regarder, et son ée'at, malgré le voisinage de la 
Jimc, presque (tleine, égal à l'éclat de celle planète. Sa 
couleur était irisée, avec prédominance d'un bleu très-pur, 
et sa forme présentait l'image d'un calice de Heur évase', 
derrière lequel se déployait une traînée étincelanle. Après 
avoir passé à mi-distance de la lune à la nier, le bolide 
diminua progressivement do dimension, rt disparut à l'ho- 
rizon derrière une large bande de brume, en prenant la 
couleur rouge. E. Mahgolli-:. 

Les expérîciit'cs aéronautiques militaires a 
Woolwîoh. — Samedi 25 juillet, a eu lieu à l'arsenal do 
Woohvichunc expérience de navigation aérienne à l'aide de 
l'aérostat la Ville-de-New-York, cubant 2,000 mètres. L'ap- 
pareil, inventé par 51. Bowdler, consistait dans une hélice 
aérienne, destinée h imprimer à l'aérostat un mouvement 
de translation. Celte hélice, en zinc, était attachée à un 
cadre en fer, et sa vitesse angulaire était augmentée par 
des roues d'angle. Le diamèlre de l'hélice était de trois 
pieds et on comptait lui imprimer une vitesse de 12 à 14 
tours par seconde. Elle était mise en mouvement par l'in- 
venteur et un sapeur du génie. Mais elle n'a pro luit au- 
cun effet de translation appréciable, ce qui devait cire pré- 
vu, le ballon rond offrant une trop grande résistance. 
Hais un autre fait assez important a été constaté : le ballon 
s'est mis à tourner autour de son axe tantôt dans un sens 
tantôt dans un autre, suivant le sens dans lequel on incli- 
nait le gouvernail, ce qui indique qu'il y avait une petite 
vitesse différentielle. 

M. Bowdler avait en outre disposé une hélice horizon- 
tale, pour faire mouvoir le ballon dans le sens de la ver- 
ticale. Le ballon ayant été assujetti par le guide-rope et 
mis en équilibre par M. Coxwell, qui assistait le major 
Beaumont dans la direction des expériences, le ballon 
garda imperturbablement son niveau primitif. 

Heureusement quelqu'un fit remarquer que peut-être 
on s'était trompé dans le sens de la rotation, et l'on fit 
touriierl'hélicc dans la direction opposée. Aussitôt le bal- 
lon se mit à monter. 11 retombait vers la terre aussitôt que 
l'on discontinuait ce mouvement. M. le major Beaumont, qui 
dirigeait les expériences, est le président du comité des 
ballons établi par le ministère anglais. Ce savant officier 
a fait de nombreuses ascensions avec M. Coxwell. 

A l'issue des expériences le ballon a pris son vol, et l'as- 
cension s'est terminée après un voyage à 3,000 mètres, 
dans lequel les voyageurs ont joui d'un coup d'œil magni- 
fique, l-a descente a en lieu dans les environs de Londres, à 
7 heures du soir. 

La fabrication du papier. — Il résulte de docu- 
ments récemment publiés qu'il existerait, tant en Europe 
qu'en Amérique, 3,!)G0 fabriques de papier employant 
80,000 hommes et 180,000 femmes sans compter 100,000 
personnes «'occupant exclusivement du commerce des chif- 
fons. De ces fabriques sortiraient annuellement 1,809 mil- 



lions de livres de papier (810,477 tonnes), dont moitié 
affectée à l'impression, un sixième à l'écriture, et les 
deux sixièmes restant à l'empaquetage et autres destina- 
tions. Les Etals-Unis , ajoule le Journal of Society of 
Arts qui fournit ces curieux documents passent pour 
produire chaque année '200,000 tonnes de papier; ce qui 
pour une population de 28,000,000 d'âmes met la consom- 
mation annuelle par tête à 11» livres (7 kil. 23). Voici 
quelle serait en kilogrammes la consommation moyenne 
par léte dans les principaux États de l'Europe, pendant 
une année. 



Angleterre .... 5,20 Iiulic. . 
Allemagne .... 3, 00 Espagne 
France. ..... 5,15 llussie . 



1 ,55 

0,70 
0,45 



I.cs chemins A rails en l»oîs nu Canada. — 

Ces chemins sont construits et fonctionnent de la même 
manière que les chemins de fer ordinaires, avec celte dif- 
férence, qu'ils sont un peu moins larges i.t que leurs rails 
sont en bois franc. Leur avantage essentiel est de coû'er 
beaucoup moins cher que les premiers. L'économie pro- 
vient de ce que leurs terrassements sont inoins considéra- 
bles, parce que le nouveau système se prête plus facile- 
ment aux sinuosités du terrain. En effet, le peu de largeur 
de la voie permet de donner moins de rayon aux courbes ; 
l'adhésion du r.iil de bois à la roue de fonte du wagon per- 
met à la locomotive de mieux franchir les pentes qui ne 
peuvent être évitées. L'idée de ces chemins est venue de 
rvVwége. 11 n'y a que deux ans qu'ils Ont été introduits au 
Canada et déjà sept compagnies tout formées pour con- 
struire des voies dans les différentes parties de la contrée. 
Le prix d'établissement est de 25,000 francs par mille 
anglais. On construit ces chemins de telle façon que plus 
tard, quand la circulation sera augmentée, on pourra sub- 
stituer le rail en 1er au rail en bois. 



"♦< 



CORRESPONDANCE 

SUIt I.K PHYLLOXERA. 

Nous regrettons de ne pouvoir insérer toutes les lettres 
que nous recevons au sujet de ce grave fléau du phylloxéra. 
>'ous nous bornerons à publier le résumé de deux idées 
qui nous sont soumises par nos corros, ondatits, afin de les 
placer sous les yeux des hommes compétents. 

M. Charles Guélard, de Chalons-sur-JIariic, propose de 
faire usage de la grande absinthe qui sert d-'jà à détruire 
les pucerons et les fourmis. « Une infusion à chaud de 
cette plante, venant à imprégner les racines de la vigne 
atteinte, aurait peut-être chance de la débarrasser de ses 
ennemis. » JN'ous ferons observer que d'innombrables sub- 
stances ont été proposées déjà, et qu'il serait nécessaire 
d'appuyer par des expériences l'efficacité des produits pro- 
posés. 

M. Dominique Pierre, de Clcrmont-Ferraud, croit que 
le phylloxéra est du au mode de culture de la vigne. La 
vigne ne devrait pas être taillée; il faudrait la cultiver 
selon sa nature, c'est-à-dire en plante sarmenteusc cl 
grimpante, comme le houblon. En admettant que cette 
idée soit efficace, elle n'assure que l'avenir; et ce sont les 
dévastations actuelles dont il faudrait arrêter les ravages. 
Que les chercheurs ne se découragent pas; il y va de l'in- 
térêt de la France entière, avec la belle perspective d'un 
prix de 500,000 francs, ce qui n'est pas à dédaigner. 



LA NATURE. 



159 



ACADÉMIE DKS SCIENCES 

Séance du 11) juillet 187-1. — Présidence de M. Pkhtiund. 

Sur le guano. — La soude n'avait pas été encore signa- 
lée dans le guano et son absence était fort difficile a com- 
prendre, puisque le précieux engrais dérive d'oiseaux dans 
la substance desquels l'alcali minéral (vieux style) est fort 
abondant. Après de longues recherches, M. Chevroul arrive 
aujourd'hui à reconnaître la soude dans la matière qu'il 
étudie, et cela, à un état très-remarquable: c'est en effet 
sous la forme de phosphate double d'ammoniaque et de 
soude. Ce sel constitue des blocs épars de la grosseur du 
poing et d'une transparence tout à fait comparable à celle 
du cristal de roche le plus pur dans lequel la potasse a 
été recherchée en vain. Malgré son apparence, le phos- 
phate aimnoniaco-sodique renferme des matières étran- 
gères et spécialement V acide acique, principe odorant des 
oiseaux vivants, découvert par M. Chevreul dans les oiseaux 
empaillés et qui, suivant lui, constitue le véritable certi- 
ficat d'origine du guano. Cet acide n'est pas combiné dans 
le sel ; il s'y est introduit par voie de pénétration pure- 
ment physique. 

Mèlënrite . — M. Dauhrée dépose sur le bureau un 
fragment de météorite détaché d'un bloc de 5 kilogrammes 
tombé le 20 mai dernier en Turquie. On ne signale au- 
cune particularité météorologique nouvelle ayant accom- 
pagné la chute. Quant à la pierre elle rentre exactement 
dans le type lilliologique dit lucéite. C'est le type le plus 
fréquent, sa composition en est maintenant parfaitement 
connue et il n'y aurait aucun intérêt à faire de la pierre 
nouvelle une analyse complète. — Le même académicien 
ajoute que depuis l'annonce de la chute, observée le 
25 juillet 1872 à Saint-Arnaud (Loir-et-Cher) quatre nou- 
veaux échantillons de la pieire ont été recueillis. Ils sont 
destinés à la collection du Muséum. 
'. Cyclones solaires. — Depuis longtemps déjà, comme 
nos lecteurs le savent bien, M. Faye signale entre les 
taches solaires et les cyclones terrestres des analogies qui 
lui paraissent démontrer une identité dans les causes de 
ces phénomènes si distants les uns des autres. Malgré ses 
communications fréquentes sur cet intéressant sujet, beau- 
coup d'astronomes, surtout à l'étranger, se refusent à 
admettre ces conclusions. Notre compatriote pense que le 
raison en est clans la manière dont il s'y est pris pour 
exposer ses idées ; il craint de n'avoir pas été bien corn- 
pris et aujourd'hui il remplace la plume par le crayon et 
un mémoire par une collection de croquis. 

Voici d'abord un de ces tourbillons comme il s'en fait 
dans les rivières ■ c'est un cnlonnoir qui aspire les corps 
flottants sur l'eau et les entraîne au fond ; bien des barques 
ont péri dans de semblables gouffres, et Edgard Po6, dans 
sa Descente au Maelstrom, malgré le dénoûment heureux 
de son histoire, n'arrive pas à donner envie d'y pénétrer. 

Le tableau numéro 2 est le portrait d'une trombe 
aérienne ordinaire. Le phénomène est le même que tout 
à l'heure, le milieu seul est changé. C'est encore un en- 
tonnoir, mais dont les parois sont gazeuses et dont la 
vitesse de rotation est assez grande pour que sur le pas- 
sage du météore tout soit renversé. D'après M. Faye, si 
l'on pouvait observer une trombe en dessus, on verrait 
sur la surface lumineuse du nuage d'où descend le cône, 
se détacher en noir la pointe de celui-ci et tout autour de 
colle pointe une surface grisâtre représentait le bord de 
l'entonnoir et constituant comme une pénombre autour du 
noyau central. 

«Voici, continue M. Faye, la photographie d'une tache 



solaire. L'identité est absolue entre elle et celte vue en 
plan d'une trombe. » Le parallèle se soutient si l'on suit 
le régime d'une tache une fois formée ou d'une trombe 
qui se meut. Il arrive souvent en effet qu'une tache se 
scinde en plusieurs. Pes points lumineux, la traversent et 
bientôt des taches distinctes se séparent les unes des au- 
tres. Or, les trombes donnent naissance de même à une 
véritable scissiparité, et les eiiLouuoirs ainsi produits revê- 
tent rapidement tous les caractères de trombes complètes 
et s'écartent réciproquement. Il résulte de là que la sur- 
face solaire est toute couverte de tornados, de cyclones, 
de trombes, et, suivant l'auteur, l'économie du soleil est 
telle qu'il est du reste le siège d'innombrables tourbillons. 
En effet, si l'on examine la vitesse relative de ses diverses 
parties de chaque côté do son équateur et jusqu'à 43 de- 
grés, on reconnaît que les points de la région moyenne fai- 
sant une rotation complète de 2i jours, ceux situés s 
45 degrés sont eu relard de 2 jours entiers ; les points 
intermédiaires ayant des vitesses comprises entre les 
deux extrêmes, il en résulte nécessairement que dans les 
deux hémisphères se produisent sans cesse des mouve- 
ments giratoires en deux sens différents et qui, se compo- 
sant par place, donnent naissance à de grands cyclones 
visibles sous forme de taches. 

Tandis qu'il explique si aisément les particularités mé- 
téorologiques de noire astre central, M. Faye pense qu'au- 
cune des autres théories proposées pour rendre compte des 
taches ne peut donner avec autant d'exactitude la raison 
des faits enregistrés parles meilleurs observateurs. 

Le phylloxéra et le tabac. — Un plan d'artichauts étant 
ravagé par un certain puceron qui s'attaque aux racines 
de cette plante, le propriétaire du champ, M. Portier le 
Gendre, eut l'idée d'y semer du tabac, qui fut enfoui dés 
que sa taille eut atteint 7 ou 8 centimètres. Le puceron 
qui sans doute n'a pas su apprécier encore les délices que 
réserve à ses élus la puante solanéc, n'eut rien de plus 
pressé que de disparaître, au grand bénéfice des amateurs 
d'artichauts. 

Partant de là, l'agronome qui vient d'être nommé 
pense que la même recette réussirait dans les champs de 
vigne envahis par le phylloxéra, et M. Ilouley demande 
qu'un essai en pelit soit tenté. 

11 y a néanmoins une grave difficulté à l'adoption de la 
nouvelle méthode, fût-elle excellente. Le tabac rapporte 
300 millions au budget, et ce revenu serait immédiate- 
ment diminué si la culture cessait d'être étroitement sur- 
veillée. Or comment la surveiller si tous les cultivateurs do 
vigne la pratiquent. M. Roland, qui est l'incarnalion du 
tabac en France (chez nous chaque chose est incarnée 
dans un homme), prévoit que cet obstacle est insurmon- 
table. 11 est vrai que la vigne sauvée représente des mil- 
liards à côté desquels les 500 millions du tabac sont bien 
maigres ; mais la vigne n'est pas, comme le tabac, le mo- 
nopole de l'Ltat, et vous comprenez qu'il n'y a pas à hési- 
ter. Stanislas Meunilk. 



LA COMÈTE COGGIA* 

La comète Coggia est arrivée à son périhélie le 
22 juillet; à partir de ce moment elle s'est éloignée 
du soleil aussi bien que de nous. Elle a été visible 
en plein jour, mais seulement pour les astronomes 
qui, armés de lunettes d'un fort pouvoir grossissant, 

1 Voy. p. 47, 04 et 106. 



1G0 



LA NATURE. 



les braquaient vers le point du ciel où elle se trou- 
vait. La veille elle a traversé l'écliptique en son 
nœud descendant. Elle est, par conséquent, entrée, 
depuis le 21 juillet, dans l'hémisphère austral qu'elle 
ne quittera sans doute [dus jamais, car les tentatives 
laites pour assimiler son mouvement à celui d'une 
ellipse tic paraissent point avoir réussi. Si son passage 
à son périhélie avait été retardé d'un jour seulement 
nous l'aurions vue , 

se projeter sur le 
soleil, mais il est 
probable qu'elle n'y 
aurait pas produit 
de taches, puisque 
Olbers n'en a pas 
aperçu lorsqu'il a vu 
la comète de 1819 
dans cette position. 

La queue était di- 
rigée vers nous tu 
21 juillet, mais elle 
ne pouvait nous at- 
teindre, de sorte que, 
fût-elle un simple 
cône de lumière, au- 
cun des éléments qui 
la composent n'au- 
rait pu se mélanger 
ù notre atmosphère. 

M. Lockyer a été à 
Gatoshead, près de 
Newcaslle, pour faire 
des observations sur 
la comète Coggia, à 
l'aide de l'admirable 
1 u n ettp. Ho M - Newal 1 , 
instrument sans ri- 
val en Europe et dont 
nous donnerons pro- 
chainement une des- 
cription. L'aspect gé- 
néral est celui d'une 
boule de gaz allon- 
gée dans le sens du 




mouvement sur la- 
quelle l'image du .... 

■ -, - , .. La comète Coireia, le 6 juillet 1674, a oiw «cures uu soir». 

soleil viendrait se 

peindre très-vivement par réfraction. Cette image 
est à peu près pareille à celle que l'on aperçoit sur 
les sphères argentées que certaines personnes pla- 
cent dans leurs jardins. L'analyse au spectroscope n'a 
donné aucun résultat net à cause de la complication 
extrêmes des bandes spectrales. M. Lockyer croit à 
un mélange de gaz et non point à une boule d'hydro- 
gène carboné , comme certains expérimentateurs 
l'avaient enseigné. 

Une remarque importante a été faite. La comète 
n'a pas donné d'impression photogénique, quoique 
l'étoile la moins brillante de la Grande-Ourse se soit 
peinte nettement après une exposition de quelque? 



minutes seulement. Cette pauvreté de rayons photo- 
géniques semble indiquer que la comète n'est pas 
non plus riche en rayons thermiques, et que, par 
conséquent, son action sur l'élévation de la tempé- 
rature de la fin de juillet a dû être nulle. 

Ce résultat est conforme à ce qu'il est possible de 
prévoir, d'après les expériences directes instituées 
par AragD sur la comète de 1843. En effet, il fut dé- 
montré que cet astre, 
qui, au lieu d'avoir 
une lumière pâle 
comme la comète d" 
1874, était assez, lu- 
mineux pour être 
visible en plein jour, 
ne pouvait faire bou- 
ger l'aiguille d'une 
pile thermo-électri- 
que des plus sensi- 
bles, que la chaleur 
d'une chandelle dé- 
rangeait de plusieurs 
degrés, à quelques 
mètres de distance. 
Chaqucfoisqu'uiic 
comète se montre en 
été, le public incom- 
pétent a une ten- 
dance invincible à lui 
attribuer les effets 
de chaleur extraor- 
dinaire que l'on con- 
state lors de la cani- 
cule. Les idées que 
la comète de 18 M a 
suggérées se sont* 
présentées bien des 
lois. C'est ainsi que 
la comète de 181 9 lui 
considérée comme 
responsable de nom- 
breux orages qui se 
déchaînèrent alors. 
Elle parut au mois 
de juillet et cessa 
d'être visible en sep- 
tembre. C'est sur 
cet astre que M. Cacciatore crut reconnaître des 
phases analogues à celles de Vénus. Mais Olbers 
pensant avoir démontré qu'elle devait avoir passé 
entre la Terre et le Soleil, crut devoir affirmer 
qu'elle n'avait produit aucun obscurcissement no- 
table et que par conséquent elle était tout à fait dia- 
phane. 

1 En comparant ce dessin avec relui que nous avons public 
le 20 juin 1874 (p. 48'j, on se rendra compte des dilï'ércnccs 
d'aspect que la comète a présentées aux observateurs. 



Le Propriétaire-Gérant : G. Tissandieh. 



COHBElt,. — IMPRIMEUII DE Cp«TÏ 



.N» 03 — 15 AOUT 1874. 



LA NATURE. 



ICI 



U STÀTGE DE PRIESTLEY 

C'est aux habitants de Birmingham que revient 
l'honneur d'avoir eu l'idée de célébrer le centième 
anniversaire de la découverte de l'oxygène , par 
Priestley. Cet immense événement scientifique dont 
les conséquences sont incalculables, a eu lieu à 
Calne, petite ville du 
comté de Wilts où 
habitait Priestley , 
alors bibliothécaire 
du comte Slielburne 
(depuis créé mar- 
quis de l.ansdown 
et père du ministre 
de la reine Victoria). 
La découverte eut 
lieu, d'après ce que 
raconte Priestley , 
dans ses Expérien- 
ces sur différentes 
espèces d'air , le 
\'< août 1774 à 
l'aide d'une lentille 
d'un pied de dia- 
mètre et de huit 
pouces de foyer, con- 
densant les layons 
solaires sur du mer- 
cure calciné ren- 
fermé dans une 
éprouvette au-dessus 
d'une petite cuve à 
mercure. 

Un comité local 
formé à Birmingham 
par les soins de M. Sa- 
muel Timmins, ma- 
nufacturier de cette 
ville, a fait ériger à 
Priestley une statue 
sur la principale 
place publique de la 
ville. Nous reprodui- 
sons , d'après une 
photographie de 
M. S. Timmins, cette 
statue qui a été inaugurée le 1 er août 1874. Bir- 
mingham possède également une statue de Watt, 
élevée par souscription publique. 

Walt et Priestley avaient fondé à Birmingham un 
club scientifique établi sur le modèle de la société 
d'Arcueil et auquel Boulton, Murdoch-, Withering et 
d'autres savants de la fin du siècle dernier pre- 
naient part. Ce club se réunissait chez Watt dans 
une maison qui depuis a été transformée en magasin. 

La maison qu'habitait Priestley a été brûlée parla 
populace ameutée contre ce savant, parce qu'il avait 
pris hardiment la défense de la Révolution française 

2 e aRD'c - - 2" semestre. 




tiluluc de l'riealluy inaugurée à Birmingham, le 1" août 1874, en l'honneur 
du centenaire de la découverte de l'oxyircne. (D'après une photographie 
communiquée à la Nature par M. Samuel Timinin-.) 



dans une série de lettres adressées à liuikc, célèbre 
homme d'État whig qui venait d'attaquer notre na- 
tion. Ces scènes de violence, dans lesquelles les in- 
struments et le laboratoire de Priestley furent égale- 
ment anéantis, eurent lieule dijtiillct 1791 à l'issue 
d'un banquet destiné à célébrer la prise de la Bas- 
tille. 

La maison de Priestley était située à Fair-IIill à pou 

près à un mille du 
centre de Birming- 
ham. E lie était se pa- 
rée du laboratoire par 
crainte de l'incendie. 
Le laboratoire était 
unbàtimeiitàimseul 
étage , renfermant 
un grand nombre 
d'instruments com- 
binés par Priestley. 
L'illustre chimiste 
ne remit plus les 
pieds à Birmingham 
depuis les émeutes 
de 1791. lise retira 
à l'Académie d'IIœk- 
ney où son ami le 
docteur Price était 
professeur. Cesavant 
étant mort, Priestley 
fut appelé à remplir 
lacliaircqui lui avait 
été confiée. 

C'est à ce moment 
que Condorcet lui 
écrivit au nom de 
l'Académie des scien- 
ces, au sujet des per- 
sécutions qu'il avait 
supportées. Priestley 
répondit par une 
lettre qui fut com- 
muniquée à l'Assem- 
blée législative et 
insérée au Moniteur 
universel. 

Après le 10 août 
179:2, Priestley fut 
déclaré, ainsi qu'un 
de ses fils, citoyen français. Le département de 
l'Orne en profita pour le nommer député à l'Assem- 
blée nationale, honneur que Priestley refusa. Mais il 
accepta le titre de citoyen français dont il se montra 
très-fier. Il adressa au peuple français une lettre 
qui fut écrite le 21 janvier 1793, le jour même où 
Louis XVI montait sur l'échafaud. 

Le grand chimiste, que l'on pout considérer 
comme un des précurseurs de Lavoisier, fut bientôt 
contraint par le gouvernement anglais d'abandonner 
le sol de sa patrie. Il se retira en Amérique, à Norlh- 
umborland (Pennsylvanie), où il mourut en 1804. 

11 



162 



LA NATUi'.K. 



PROTECTION AUX OISEAUX 

Quand on songe aux désastreux ravages que le 
phylloxéra exerce dans nos vignobles du Midi, quand 
on pense qu'une de nos plus importantes produc- 
tions est menacée par un insecte, on comprend qu'il 
importe de respecter tous les oiseaux- Déjà nous 
avons pris dans la Nature la défense du pic-vert, 
qui avait été dénoncé à la Société des agriculteurs de 
France comme un oiseau nuisible qu'il fallait dé- 
truire. De tous côtés, partout où nous avons pu, 
dans nos ouvrages comme dans les journaux, nous 
avons défendu la cause des oiseaux, nous avons de- 
mandé qu'on protégeât leur nid et leurs œufs. Que de 
lois n'avons-nous pas répété qu'on détruit annuelle- 
ment en France HO à 100 millions d'oeufs, c'est 
presque autant d'écheuilleurs qui auraient détruit 
par milliards des insectes nuisibles. Ce n'est pas 
seulement aux œufs qu'on s'attaque, c'est aux oi- 
seaux eux-mêmes. Quand, après la saison des frimas, 
ce', charmants petits becs-fins arrivent sur les bords 
de la Méditerranée pour nous protéger contre les in- 
sectes nuisibles, eli bien que fait-on? on s'empresse 
bien vite de les détruire. 

Aux environs de Marseille et de Toulon, dos villes 
et des villages de la côte sont couverts d'engins de 
chasse, et chaque chasseur détruit 100 à 120 becs- 
fins par jour, et cela pendant plusieurs semaines. 

Cette destruction autorisé et méthodique a porte 
ses fruits. De toutes parts on se plaint de la multi- 
plication effrayante des insectes. 

La Société d'acclimatation, frappée des graves in- 
convénients qu'entraîne la destruction des oiseaux 
de passage, a adressé, il y a deux ans, aux Conseils 
généraux un intéressant rapport sur un projet de 
protection internationale des oiseaux de passage. 
Elle demandait que les gouvernements s'engageas- 
sent à prendre des mesures soit par voie législative, 
soit par voie de simples arrêts de police, afin que la 
capture et l'extermination des oiseaux utiles fussent 
détendues sous peine d'amende. Enfin un député à 
l'Assemblée nationale, M. Ducuing, a présenté imn 
proposition de loi contre les insectes nuisibles à l'a- 
griculture. 

Un premier rapport a été lu devant la commission 
nommée pour étudier celte question. Il a été con- 
staté dans ce rapport que soixante-trois sociétés ou 
comices agricoles ont répondu aux renseignements 
qui leur ont été demandés à ce sujet. Et de tous les 
avis qui ont été fournis, il résulte qu'il y a deux 
points sur lesquels il y a accord presque unanime. 

1° Le nombre d'insectes augmente dans une ré- 
gion à mesure que décroît le nombre des oiseaux 
insectivores; 

2° La chasse aux oiseaux insectivores doit être 
interdite par tout engin autre que le fusil. 

Un certain nombre de comices ont émis le vœu que 
cette chasse soit interdite même par le fusil et que 
la vente des oiseaux insectivores soit absolument 



prohibée. Quant aux dégâts causés par les insectes 
nuisibles, on les a évalués à 500 millions par an, 
sans compter les ravages effrayants causés par le 
phylloxéra. A un premier rapport préliminaire est 
venu s'en ajouter un autre annexé au procès-verbal de 
la séance du 16 juillet dernier. J'ai reçu ce rapport et 
j'y constate, avec satisfaction, que le rapporteur in- 
siste sur la protection à donner aux oiseaux. 

Si tant d'espèces d'insectes nuisibles, dit-il, ont 
disparu de notre sol, n'est-ce pas aux oiseaux insec- 
tivores que nous le devons. Si d'autres espèces ont 
surgi n'est-ce pas aussi parce que nous n'avons pas 
assez respecte nos auxiliaires naturels. 

La bataille des oiseaux contre les insectes est in- 
cessante et sans trêve; et tous y participent plus ou 
moins. C'est principalement sur les lisières des fo- 
rêts que les combattants se donnent rendez-vous, 
ceux-là parce qu'ils sout assurés d'y trouver une 
proie, ceux-ci parce qu'ils y cherchent leurs ali- 
ments et leur refuge. 

C'est pourquoi nous ne saurions trop recomman- 
der à l'administration des forêts de s'inspirer de la 
lettre et de l'esprit de notre loi, et d'en prescrire 
l'observation à ses nombreux agents. Le salut de 
notre agriculture en dépend. 

Il y a longtemps que le monde aurait péri sons 
l'action destructive des insectes acharnes contre la 
nature vivante, si Dieu n'avait donné à l'homme un 
auxiliaire précieux : l'oiseau. L'oiseau est répara- 
teur de l'air, l'édile de la terre. 

La mésange, un petit être tout en plu mes, ne peut 
subsister à moins de 200,000 larves par an. Quels 
dégâts auraient fait ces 200,000 larves si la mésange 
n'était intervenue. 

Et l'hirondelle, qui peut dire ce qu'elle détruit 
d'insectes volants, les plus dangereux de tous et les 
plus prolifiques. 

Ne dirail-ou pas que la plupart des oiseaux insec- 
tivores ont l'instinct et presque le sentiment de 
l'utilité des services qu'ils nous rendent, en étant si 
familiers. Les rouges-gorges, les mésanges entrent 
l'hiver dans nos habitations, ils viennent demander 
place au foyer moins pour la nourriture que pour la 
chaleur. 

On peut dire que chaque oiseau a sa fonction assi- 
gnée dans la nature depuis le plus gros jusqu'au plus 
petit. 

Tels oiseaux, que l'homme persécute pour le petit 
dommage qu'ils lui causent, devraient être respectés 
par lui pour le grand bien qu'ils assurent. 

On a bien souvent proscrit le moineau, le plus 
pillard et le plus effronté des oiseaux. Mais partout 
où on l'a proscrit pour ses dégâts, il a fallu le rap- 
peler pour ses services. On importe des moineaux en 
Angleterre et en Hollande comme au Canada; on les 
achète comme on payerait du numéraire dans une 
armée. Nous avons tout lieu de croire que l'Assemblée 
nationale approuvera le projet de loi proposé par 
M. Ducuing, et particulièrement }ç& articles 5 et 6, 
dans lesquels il est dit : 



LA NATURE. 



î63 



1° Des instruction? ministérielles, rédigeas en exé- 
cution de l'article 1 er , indiqueront les précautions à 
prendre pour assurer la conservation des oiseaux in- 
sectivores. 

Les préfets prendront des arrêtés à cet égard, sur 
l'avis du Conseil général. 

2 U La chasse aux oiseaux insectivores est formel- 
lement interdite par tout engin de chasse autre 
i|ue le fusil. Est également interdite la vente de tout 
oiseau insectivore qui ne serait pas lue parle plomb. 
11 est également interdit de dénicher les oiseaux in- 
sectivores, sous les peines édictées par la loi de 1844 
sur la chasse. Eiunest Menaclt. 



LA TRANSFUSION DU SANG 

(Suite el fin. — Voy, p, 97.) 

Le phénomène de la coagulation du liquide san- 
guin a fait l'objet de quelques expériences récem- 
ment répétées par M. le docteur Nicolas Duranty, mé- 
decin des hôpitaux de Marseille, dont les travaux sur 
la transfusion ont été souvent cités dans ces derniers 
temps. Rappelant que les expérimentateurs, pour 
retarder la coagulation du sang, attribuée par eux à 
l'abaissement de température, se sont efforcés de 
prévenir le refroidissement, il recourt, lui, au con- 
traire, ;ui froid, pour maintenir la fluidité du liquide 
à transfuser. 

De ses expériences, il conclut : 

1° Que le froid (de 7 à 10* C.) retarde la coagu- 
lation du sang, même au contact de l'air. 

2° Que le sang refroidi conserve ses propriétés 
vivifiantes. 

Le sang refroidi contient Lien tous ses éléments ; 
ou si quelques uns .^ont modifiés, ils le sont beau- 
coup moins, selon lui, que dans le sang défibriné. 
Cette question est fort importante, et nous avons vu 
M. Béîiier se déclarer franchement pour l'injection 
du sang avec tous ses éléments. 

Pour pratiquer la transfusion du sang refroidi, 
pouvons-nous ajouter encore, tous les appareils spé- 
ciaux deviennent inutiles. 11 sufiit de le recevoir 
dans un vase amené à une température de 7 à 10° G. 
Une seringue, tenue aussi à la même température, 
constitue le seul instrument nécessaire. M. le doc- 
teur Nieolas-Duranty a ainsi obtenu de nombreux 
succès sur des animaux. 

On a surtout repoussé la transfusion du sang à 
cause des accidents qu'elle peut produire. De ceux-ci, 
les uns sont graves, les autres, au contraire, n'ont 
pas d'importance. 

Parmi ces derniers, on pourrait citer les convul- 
sions, les vomissements, les frissons, qui accompa- 
gnent l'opération dans certains cas, et la céphalalgie, 
que l'on observe fréquemment à sa suite. 

La syncope, au contraire, est un accident grave, 
mais on pourra toujours l'éviter. 

Deux précautions sont absolument indispensables. 



C'est d'abord le soin qu'on doit prendre de faire l'in- 
jection du sang avec lenteur afin d'éviter la réplétiou 
trop brusque et trop violente du ventricule droit, qui 
serait forcé en quelque sorte et paralysé par un afflux 
trop précipité du liquide sanguin: d'où un arrêt 
possible de la circulation cardiaque, une asphyxie 
pulmonaire et la mort. Un signe de l'imminence d'un 
tel état, c'est la production de petites qui nies de toux 
qui doivent faire suspendre l'opération. 

Pour le môme motif et pour éviter les mêmes ac- 
cidents, il est bon de n'injecter àla fois que de petites 
quantités de liquide. Dans l'exemple dont nous par- 
lons, If. Béhier n'a injecté que quatre-vingts grammes 
de sang, fourni avec un louable empressement par le 
chef de clinique de service, M. le docteur Slraus. 

An moment où fut pratiquée la transfusion, la 
malade, comme nous l'avons dit, semblait menacée 
d'une mort immédiate. Le pouls était imperceptible, 
la faiblesse telle, que tout mouvement était impos- 
sible; la vue était presque éteinte, la parole abolie. 
Toute substance, ingérée en si petite proportion que 
ce pût être, était aussitôt rejetée par l'estomac. 
L'hémorrhagic continuait lentement, mais sans qu'on 
' pût l'arrêter. 

Dès que l'injection eut été opérée, l'écoulement 
sanguin cessa, pour ne plus se reproduire. A partir de 
ce moment, la malade ranimée et peu à peu remise 
en possession de ses facultés et de ses forces, entra 
en convalescence; elle supporta très-bien un traite- 
ment ferrugineux institué très-lentement après l'o- 
pération, et sortit bientôt de l'hôpital complètement 
guérie. 

Un des éléments de succès les plus importants d;ins 
une pratique comme celle de la transfusion, c'est la 
perfection des appareils qu'on y emploie. Il ne nous 
reste qu'à parcourir rapidement la série des instru- 
ments imaginés à cet effet, en signalant les plus 
connus ou ceux qui ont donné jusqu'ici les résultats 
les plus dignes d'attention. 

Nous ne parlerons qu'en passant, bien entendu, 
du plus simple des instruments: la seringue, soit 
celle qui se trouve dans toutes les trousses, soit la se- 
ringue à hydrocèle. Le sang de la saignée est alors 
reçu dans une cuvette, aspiré dans la seringue préa- 
lablement nettoyée et chauffée, et injecté directement 
dans la veine du sujet. Ce manuel opératoire, aussi 
élémentaire que possible, mis en usage, comme le 
montre la gravure reproduite dans notre précédent 
article, par les médecins du dix-septième siècle, a 
réussi entre les mains de plusieurs praticiens, entré 
autres Marmonier père, après Bluudell, Nélaton, etc. 

Les autres appareils consistent presque tous, en 
définitive, en un corps de pompe dans lequel se meut 
un piston; font exception cependant les appareils de 
M. Oré, où l'aspiration et le refoulement du sang 
sont obtenus à l'aide d'une pelote en caoutchouc 
comme dans l'appareil de Richardson, et le nouvel 
instrument de M. Mathieu. 

Le but que l'on a cherché à réaliser consistait uni- 
quement à faciliter l'arrivée du sang dans le corps de 



\CA 



LA NATURE. 



pompe ainsi quesonissue,à éviter le eontactdc l'air et 
à régulariser autant 
que possible- le jet li- 
quide ainsi obtenu. 

Sans nous attacher 
à passer en revue l'in- 
terminable liste des 
appareils auxquels on 
a eu recours, — pres- 
que chaque auteur 
ayant proposé le sien 
ou modifié ceux de ses 
prédécesseurs, — nous 
ne ferons que men- 
tionner l'appareil de 
M. Roussel, celui de 
M. Oré, celui de M. de 
Bclina. Nous ne décri- 
rons entièrement (pie 
celui auquel M. Béhicr 
a donné le nom d'ap- 
pareil Mu ncoq Ma- 
thieu., cl dont il s'est. 
servi dans l'heureuse 
opération pratiquée à 
l'IIôtel-Dieii, ainsi que 
quelques antres in- 
struments iniréniouxet Fir . \ m _ Appareil 
tout à liut nouveaux'. 

L'appareil primitif (fî^, 1) se compose essentielle- | 




ment d'un cylindre en verre, jouant, selon l'expres- 
sion de son inventeur, 
M. Mon coq, le rôle 
d'un ventricule artifi- 
ciel, dans lequel se 
meut un piston plein, 
qui, par s.011 ascension 
et sa descente , forme 
en quelque sorte la 
systole et la diastole. 

A l'extrémité infé- 
rieure du cylindre 
viennent aboutir deux 
tubes eu caoutchouc 
fermés par des val- 
vules très -sensibles, 
marchant en sens in- 
verse et dcstitiées à 
diriger le courant du 
sang. L'extrémité libre 
do chaque tube est ter- 
minée par une aiguille 
canaliciiléo. 

L'une de ces ai- 
guilles est enfoncée 
dans la veine, du sujet 
qui donne le saii2\ 

Moncoq-MotMn». 1 ,' autrc (!ans ,a voine 

du malade, et le mou- 
vement alternai if d'ascension et de dcscctiLe du pis- 




Fil», ï. — Appareil à entonnoir latéral du D r Moncoq pour la transfusion du sang. 
Construit par M. CuLlin. 



Fig. 3. • — Appareil à cupule inférieure 
du l) p Moncoq. Construit par M. Colliu. 



LA NATURE. 



105 



ton, ainsi que le jeu des valvules, assure lu passage 
du sang d'un sujet à l'autre. 11 va de soi, qu'avant 
de piquer la veine du malade, l'appareil doit être 




longueur de l'appareil intermédiaire entre les doivi 
sujets (fig. 5). 

La mise en pratique de ces deux appareils est re- 
présentée par les ligures 4 et 5. 

Le tube afférent est remplacé par une cupule placée 
à l'extrémité inférieure du corps de pompe, et s'ap- 



Fig. -i. — Trans'usion mérïia'e avec l'appareil "1 entonnoir latéral 
de 31. le D r Moncoq. 

I. L'opérateur. — 2. Aide qui maintient dans la veine du suie 
l'aiguille cannliculéc par laquelle arrive le sang. — •>. Aide 
chargé «lu liras qui donne le sang. — 4. Sujet qui fournit le 
sang. — 5. Malade couché horizontalement dans le décubitus 
dorsal, la tCti! ha.-sc et tout à l'ait au bord droit du lit. 



entièrement rempli de sang, amorcé en un mot, et 
que celui-ci doit traverser le tube eiïérent, afin d'évi- 
ter l'introduction de l'air. 




Fis. 6. 



Appareil Mancoq-Mathieu à entonnoir supérieur 
et à pUton. 



Tel était l'instrument primitivement imaginé par 
M. Moncoq. Il l'a très-avantageusement modifié 
d'abord par la suppression du tube qui amène le 
sang, remplacée par un entonnoir latéral (lig. 2), 
puis en second lieu, en diminuant do moitié la 




'"i" a- — Transfusion immédiate et instantanée avec l'appareil 
à cupule inférieure «le M. le D< Moncoq. 

1. L'opérateur. — 2- Aide. — 3. Le sujet qui fournit le sang, 
4, Malade qui le reçoit. 



pliquunt Hermétiquement par-dessus fa plaie veineuse 
pratiquée sur la personne qui fournit le sang. Celui-ci 
pénètre dans cette cupule, d'où il ebl dirigé dans le 
corps de pompe, par l'ascension du pistou. Au mo- 
ment de la descente du piston, !e sang s'échappe pur 
un tube en caoutchouc terminé par une aiguille eu- 




Fi". 7. — Appareil Mathieu à «.-ntunnoir supérieur avec ampoule 
de caoutchouc. 



gagée dans la veine du malade. Une valvule d'entrée 
etune valvule de sortie règlent pareillement la mar- 
che du liquide. 

C'est à cet appareil que M. Mathieu a fait subir 
quelques modifications qui le rendent peut-être plus 



itC 



LA NATURE. 



maniable et qui en font, sans contredit, disait le 
professeur Béîiier dans sa première leçon sur la 
transfusion, l'instrument aujourd'hui le plus com- 
mode et le mieux approprié aux indications de l'opé- 
ration. 

L'appareil, tel que l'a employé M. Iîéhier, se com- 
pose donc (fig. 6) d'un corps de pompe renversé II, 
surmonté d'un entonnoir A. 

À la partie inférieure, le piston, perforé dans toute 
sa longueur, communique avec un tube élastique E, 
portant à son extrémité un petit ajutage F, destiné à 
pénétrer dans la canule du petit trocart G, qui est 
préalablement passé dans la veine. 

Le jeu du système entier est facile à comprendre. 

Le sang fourni est reçu dans l'entonnoir, pendant 
qu'on fait mouvoir le piston au moyen de la clef B ; 
il est chassé dans le corps de pompe et passe natu- 
rellement par la tige ereu-e du piston pour arriver 
par la canule F dans la veine du sujet qui le reçoit. 

Comme on le voit, dans l'appareil modifié par 
M. Mathieu, la cupule, au lieu d'être placée à la 
partie inférieure, est située à la partie supérieure du 
corps de pompe. 

Le manuel opératoire est des plus simples. Les 
deux individus sont placés l'un près de l'autre, cha- 
cun étant prévenu du rôle qu'il doit remplir. Une 
ligature est placée sur le milieu du bras du malade, 
afin de rciirlre saillantes les veines du pli du coude. 

Ou introduit alors dans la veine céphaiique ou ba- 
silique, dans la direction du coeur, une canule étroite 
munie d'un trocard. 

On pratique ensuite la saignée du bras sur le su- 
jet qui donne le sang, d'après les préceptes classiques 
qui règlent cette opération. Le sang est reçu dans 
l'entonnoir préalablement nettoyé, chauffé à 55° et 
amorcé à l'aide d'un courant d'eau tiède. Dès que le 
sang est arrivé en quantité suffisante dans l'entonnoir, 
ou fait jouer la manivelle, et le sang pur vient rem- 
placer l'eau. 

Quand on voit apparaître à l'extrémité du tube le 
jet de sang pur, on enlève rapidement la ligature qui 
serre le bras du malade. On retire le trocart de la 
canule et on le remplace par la canule qui termine 
le tube de l'instrument. On injecte alors lentement, 
méthodiquement, en comptant soigneusement parle 
nombre de tours de la manivelle (un tour de cré- 
maillère injecte 5 grammes de sang), la quantité de 
sang que l'on veut transfuser. Les soins consécutifs 
sont ceux de la saignée ordinaire. 

A la suite d'une réclamation sur une question de 
priorité portée devant l'Académie des sciences par 
M. le docteur Moncoq et dont nous regrettons de ne 
pouvoir nous occuper ici 1 , M. Mathieu a présenté 
tout récemment à la savante compagnie un nouvel 

1 On trouvera tous les éléments de cette polémique dans un 
volume très-intéressant, que vient de publier M. le docteur 
Monco'i : Transfusion instantanée du sang. Solution théori- 
que et pratique de la transfusion médiate et de la trans- 
fusion immédiate chei les animaux et ckci l'homme. 
2" édition. Paris, Ddiiliaye, 1874, in-8°. 



appareil à transfusion, dont nous donnons ci-contre 
le dessin (fig. 7). 

Dans cet appareil nouveau, tout mécanisme est 
supprimé. 11 n'y a plus de corps de pompe, ni de pis- 
ton, dont le fonctionnement parlait ne peut avoir 
lieu que par l'intermédiaire d'une huile avec laquelle 
ie sang à transfuser doit être mis nécessairement en 
rapport immédiat. 

Cet appareil est constitué par un récipient en 
verre F, communiquant avec l'entonnoir A dans le- 
quel le sang doit être versé, à l'aide d'un tube éga- 
lement de verre, auquel est ajusté un petit tube de 
caoutchouc B, faisant l'office d'une soupape à anches. 
Entre l'entonnoir et le récipient est disposée une 
ampoule de caoutchouc D, que traverse le tube de; 
communication de l'un à l'autre. Cette ampoule, qui 
est exclusivement un réservoir à air, communique 
par un trou avec le récipient en verre, et sa compres- 
sion a pour effet de chasser de celui-ci une quantité 
d'air proportionnelle àla capacité de l'ampoule. Quand 
elle revient sur elle-même, en vertu de sou élasticité, 
elle aspire une partie de l'air du récipient, et y pro- 
duit une diminution de pression qui est la condition 
pour que le sang, versé dans l'entonnoir, force la 
résislance de la soupape à anches, et s'introduise 
dans le récipient. 

Que si, au moment où celui-ci est à moitié rempli, 
on exerce une pression sur l'ampoule en caoutchouc, 
l'ait' qu'elle contient, refoulé dans le récipient, presse 
sur la colonne liquide, à la manière d'un piston, et 
la chasse dans le tube G de conduite du récipient, v/hn 
la veine. 

Quand, ce premier résultat obtenu, on lasse l'am- 
poule revenir sur elle-même, elleaspiie l'air du réci- 
pient, un vide relatif s'y produit, le sang y est appelé 
et il en est es puisé pur une nouvelle pression exercée 
sur l'ampoule; l'élasticité de celle-ci est donc l'uni- 
que ressort moteur de cet appareil. 

L'ampoule exerce alternativement une action d'as- 
piration de l'air du récipient dans sa cavité intérieure 
et une action de répulsion de cette cavité dans 
celle du récipient; et c'est ce va-et-vient de la 
colonne d'air d'une cavité dans l'autre qui est la con- 
dition du mouvement imprimé au sang, dans un sens 
déterminé parla disposition des soupapes, ce liquide, 
aspiré pour ainsi dire dans le récipient, quand l'am- 
poule se dilate, eu étant refoulé ensuite quand on 
exprime de l'ampoule l'air qu'elle renferme. 

Tel est ce mécanisme qui constitue une simplifica- 
tion et qui paraît un progrès. Il trouvera sans doute 
sou application dans d'autres appareils destinés à 
faire des injections dans les cavités du corps hu- 
main. 

Ces appareils, comme on voit, donnent les uns et 
les autres la solution complète de la question de la 
transfusion du sang; mais le zèle des inventeurs, 
surexcité par les récentes discussions, s'est bientôt 
donné carrière, et l'on a vu surgir une foule d'ins- 
truments destinés à remplir le même but. 11 nous 
paraît cependant difficile de créer quelque chose de 



LA NATURE. 



167 



plus simple, de plus commode et de plus précis que 
le dernier instrument de M. le docteur Moncoq, auquel 
il a apporté un nouveau perfectionnement en sup- 
primant les valvules : l'occlusion alternative' des 
tubes afférent et efférent s'ob lient par la pression de 
l'index et du médius de lu main gauche, pendant que 
la droite fait manœuvrer le piston. 

On voit par cet exposé rapide quel est, en somme, 
l'état actuel de la question de la Iransfusion du sang. 
L'opération faite par .M. le professeur Béltier a mon- 
tré combien le manuel opératoire eu était .simple et 
présentait de nombreuses chances de succès. Prati- 
quée dans ces conditions, elle est certainement une 
des plus faciles de h chirurgie, plus aiséeà exécuter, 
par exemple, que certains cathélérismes ou que telle 
autre manœuvre quotidienne devant laquelle aucun 
médecin n'a le droit de reculer. 

Elle mérite donc de passer dans la pratique médi- j 
cale ; il serait dès aujourd'hui à désirer que l'appa- I 
reil Moncoq ou un instrument analogue fît partie ! 
de l'arsenal chirurgical de tout établissement hos- 
pitalier, et que les étudiants en médecine fussent 
familiarisés davantage avec sou maniement. Plus d'un 
malade, dans les cas extrêmes, devra la vie à la vul- 
garisation de cette opération bienfaisante, et l'on ne 
saurait trop encourager le laborieux praticien, dont 
tous les efforts tendent, depuis plus de dix ans, à 
en démontrer les avantages : son nom restera désor- 
mais attaché à cette conquête de la médecine opé- 
ratoire. 

Quant au sang humain nécessaire pour réparer, 
chez des sujets épuisés, des pertes considérables, 
neutraliser des anémies aiguës par suite d'hémorrha 
gies, ou encore enrayer des anémies chroniques con- 
sécutives à des étals diathésiques, ou même combat- 
tre les .accident» ordinaires dans les cas de toxémie 
(empoisonnements par l'oxyde de carbone, l'acide 
cjanhydrique, etc.), dans des affections zymotiques 
consistant en une adultération du liquide sanguin par 
des germes morbides; quant au précieux liquide des- 
tiné à ranimer la vie presque éteinte et même à ra- 
mener la saute dans un organisme profondément com- 
promis, ce n'est guère que dans la pratique civile, et 
surtout à la campagne, qu'on éprouvera quelque dif- 
ficulté à s'en procurer. 

Dans ces occasions, il faudra surtout recourir au 
dévouement des personnes de la famille. Dans les 
hôpitaux, on ne se trouvera pas arrêté par les 
mêmes obstacles ; il n'est pas, en effet, même en 
dehors de l'état-major d'un service, un étudiant 
en médecine assistant à une clinique et présentant 
les conditions de santé suffisantes, qui décline- 
rait l'honneur de prêter son concours actif à la 
pratique de cette opération. A cet égard, le corps 
médical français a fait ses preuves, ce n'est pas à 
nous de le rappeler ; l'histoire seule de nos épidémies 
demeure le glorieux livre d'or des martyrs du cou- 
rage civil, de l'abnégation et de la science. 

Charles Letort. 



MACHINE A. FABRIQUER LE FROID 

Tout le monde connaît aujourd'hui les expériences 
si intéressantes ducs à la chaleur latente dans les 
changements d'état des corps; et chacun sait que si 
de l'élhcr nous tombe sur la main, il ne paraît très- 
froid, beaucoup plus froid que l'eau, que parce qu'il 
emprunte immédiatement à notre main ce qu'il lui 
faut de chaleur pour changer d'état, pour se vapo- 
riser. Or, produire en grand, industriellement, ce que 
l'élhcr vient de faire sur la main, c'est créer le froid; 
nous verrons, en temps et lieu, ce que l'on peut 
tirer de ce froid ainsi créé au fur et ù mesure des 
besoins. Ici nous ne voulons pas autre chose que 
faire comprendre la machine à fabriquer U froid, 
inventée par M. Ch. Tellier, et réalisée comme appli- 
cation à l'usine frigorifique d'Auteuil. 

Au lieu de prendre l'éther sulfurique qui nous 
refroidissait un peu la main tout à l'heure, M. Tel- 
lier a cherché s'il n'y aurait pus, en chimie, un autre 
other qui, au lieu de nous refroidir, seulement, nous 
gèlerait les doigts s'il tombait à leur surface. 11 l'a 
trouvé dans Véther métltylique qui bout entre 30 et 
32 degrés au-dessous de zéro, tandis que l'étln r 
éthylique ou sulfurique bout à 52 au-dessus : diffé- 
rence fort sensible d'une soixantaine de degrés! ■ 

11 jeta donc son dévolu sur l'étlier méthylique : 
malheureusement cet éther, connu seulement dans 
les laboratoires, n'avait jamais été produit en quan- 
tité suffisante pour l'employer industriellement. Il 
fallut construire, avant tout, un appareil destiné à 
le préparer. 

L'éther méthylique est, comme l'éther le plus 
connu, l'ordinaire ou le sulfurique, produit par la 
réaction assez difficile à suivre de l'acide sulfurique 
sur un alcool. L'alcool de vin donne l'éther ordi- 
naire; l'alcool de bois donne l'éther méthylique. On 
mélange, en parties égales, l'acide sulfurique et 
l'alcool de bois, on chauffe et l'éther se dégage, en- 
traînant un certain nombre de corps accessoires 
avec lui, tels que de l'acide carbonique, de l'acide 
sulfureux, des vapeurs empyreumatiques, etc. On 
le débarrasse "peu à peu de tous ces mélanges, en 
le faisant passer dans des liquides qui absorbent ou 
retiennent les corps qui ne doivent pas l'accompa- 
gner. Ainsi, en faisant passer le gaz impur sur de 
la potasse, celle-ci retient l'acide carbonique et 
l'acide sulfureux, la vapeur d'eau, en même temps 
entraînée mécaniquement : l'éther se trouve purifie. 
Cette marche est simple, usuelle et très-employée 
pour toutes les distillations, soit en grand, soit en 
petit. 

La forme et la matière seule du récipient chan- 
gent. Au lieu de tubes et de flacons de verre, comme 
dans un cabinet de chimie, ce sont ici d'énormes ré- 
cipients D,l',G, de fonte, chauffés à la vapeur, qui 
sont usités (fig. 1). 

Mais il n'eût pas été facile de faire voyager 
uu corps qui bout à 52 degrés au-dessous de zéro, 



/C8 



LA NATURE. 



si M. Tellier n'eût imaginé, en le refoulant assez 
puissamment sur lui-même, de le ramener à l'état 
liquide et de l'expédier ainsi. Il va sans dire que le 



gazétlier métliylique, que nous voyons distiller, va, 
quand il est purifié, passer dans la pompe spéciale 
A, qui le comprime, et qu'il arrive liquide dans 




l'ig. 1. — Appareil |>our fabriquer l'élber inélbyliqua 




'VU m :J3' 



Fig. 2. ~ Appareil pour la production du froid et la fabrication de la y lace. 



des sortes de bonibonnos éprouvées en fonte, R, I mais, pour produire cet état particulier susceptible 
dans lesquelles il est expédié avec autant de sécurité ; de tant d'applications industrielles, il fallait une 
que de l'eau ordinaire. En effet, la tension de ce gaz 
n'est pas excessive : la pression exercée sur les 




ii, WÈÈÈÊt' ' *% ; " 
Fig. 3 — Distributeur d'éther methytiqu 1 :. 

parois n excède pas 4 ou 5 atmosphères, et les boni- 
bonnes sont calculées et essayées à 50. 

Une fois en possession de quantités suffisantes 
d'éther métliylique, il fut possible affaire du froid : 




Fis. 4.— Graisseur. 



machine spéciale : c'est elle qui fonctionne aujour- 
d'hui en cent endroits de l'Amérique et au Pérou, où 
elle n'arrête jamais. C'est elle qui fonctionnera 
bientôt dans toutes nos provinces séricicoles , quand 



LA NATURE. 



109 




Fig. S. — Vue d'ensemble «le la machine à fabriquer la glace. 



nos magnaniers y auront compris de quelle impor- 
tance est, pour eux, de conserver indéfiniment leurs 
graines à l'abri de toute 
espèce de détérioration. 

Notre figure 2 repré- 
sente l'appareil à fabri- 
quer le froid. B est le ré- 
cipient dans lequel a été 
concenlrc 1 ether méthy- 
lif|ue. Cet éllier part de 
là, se volatilisant, et ar- 
rive dans la partie ?iC/de 
la macliine , où il em- 
prunte de la chaleur à 
tous les corps environ- 
nants, c'est dire qu'il les 
refroidit. Par conséquent, 
qu'il passe dans des tubes 
plongés dans un bain salé, 
ou qu'il aille au loin re- 
froidir une chambre ather- 
manc, le résultat sera le 
même. Aussi trouve-t-on 
bientôt des plaques de 
glaces splendides daus les 
capacités que l'on remplit 
d'eau pure et que l'on 
plonge dans le bain salin. 
Mais à ce moment la vapeur méthylique est aspi- 
rée par la pompe A que fait mouvoir la machine 



Fig. 6. — Congélation instantanée de l'eau au-dessous de 0°. 



étrangère dont l'embrayage se voit en K : la com- 
pression s'exécute, et le liquide revient en l) dans le 

récipient d'où il s'échappe 
une seconde fois pour y 
arriver encore, emprun- 
tant la chaleur extérieure 
sur la droite de la ma- 
chine où tous les tuyaux 
sont constamment cou- 
verts de givre , la resti- 
tuant à gauche sous lacom- 
pression qui détermine 
le changement d'état et 
maintient les tuyaux rou- 
gissants sous la chaleur 
qui se dégage ! 

Il est évident qu'une 
pression se manifeste dans 
le serpentin placé eu B, 
pour la liquéfaction de 
l'éther. Or, pour que cette 
pression existe, il faut que 
le serpentin soit fermé ; 
mais s'il est fermé, com- 
ment pourra s'écouler le 
liquide qui s'y forme con- 
stamment ? C'est le dis- 
tributeur qui y pourvoit , 
et nous en donnons la coupe verticale (fig. 3). La 
vraie partie du distributeur est d qui tourne sur le 




170 



LA NATURE. 



socle a. Ce socle est pourvu de canaux uu qui se 
réunissent en dessous. Or , l'éther liquéfié arrive 
constamment par la tubulure f et remplit la capa- 
cité a, mais, chaque fois que le distributeur tourne '• 
et qu'une de ses alvéoles u passe devant une des ca- j 
viles du socle, elle ïe remplit d'éther liquide : mais ! 
aussi, chaque fois qu'elle passe sur un des orifices | 
uu, la pression, y étant moindre, puisque ces ori- 
fices sont en communication avec le frigorifère, elle 
se décharge de la quantité d'éther qu'elle entraînait, 
ether qui s'échappe librement par la tubulure infé- 
rieure. 

11 n'est pas sans intérêt, maintenant, de dire quel- 
ques mots du graisseur (fig. 4), appareil qui a pour 
mission d'occlure, d'une manière absolue, la com- 
munication entre l'intérieur de la pompe et l'atmo- 
sphère, en un mol de fermer tout passage aux vapeurs 
comprimées, tout en laissant passer la tige du piston. 
Et, de fait, ces appareils fonctionnent tellement bien 
qu'aucune fuite ne subsiste autour de la machine, 
qui reste absolument inodore, — or l'odeui de l'éther 
méthylique se décèle à la moindre fissure ; — par con- 
séquent la même quantité de ce liquide sert indéfi- 
niment sans déperdition, Le graisseur, formé d'une 
capacité sphérique coupée en deux, est muni d'un 
piston inférieur, dont la garniture est divisée en deux 
parties f'e, séparées par une bague g. Il en résulte 
que l'huile amenée par le tube m est sans cesse versée 
sur la bague g et, par conséquent, sur la tige du pis- 
ton dont elle occlut les fuites ; qu'au contraire les 
vapeurs d'éther qui pourraient venir de la pompe de 
compression, s'échappent dans la capacité sphérique 
passant au-dessus de la couche d'huile qui la remplit 
en partie et par conséquent ne peuvent s'échapper 
par la tige du piston. 

La figure 5 représente l'installation générale de la 
machine à froid qui fonctionne continuellement à 
l'usine d'Auteuii. C'est la même que nous venons de 
décrire (lig. 2), mais vue en bout : les tuyaux blancs 
sont ceux dans lesquels circule l'éther méthylique; 
ils sont, par les plus grandes chaleurs, couverts de 
neige. A droite, uu ouvrier retire des blocs de glace 
des formes qu'il vient de sortir de la cuve couverte 
que l'on voit derrière lui et qui contient un mélange 
salin formant bain réfrigérant. 

A gauche, uu second ouvrier emplit des carafes 
pour les porter dans des bains analogues, disposés 
dans un compartiment éloigné, — car, avec ce sys- 
tème, on envoie le froid à distance, comme dans 
d'autres usines, le gaz ou la vapeur, — afin d'y 
frapper une certaine quantité d'eau pour les cafés et 
restaurants. On en fait là quatre mille par jour. On 
en pourrait frapper le double, le triple aussi facile- 
ment. 

Le mécanisme des robinets à bascule — encore 
une des inventions de M. Ch. Tellier — est très- 
original, car, en même temps que ces robinets ver- 
sent l'eau, ils la mesurent et n'en laissent couler 
que ce qu'il faut. 

A propos de ces carafes frappées, qu'il nous soit 



permis de dire quelques mots d'une très-élégante 
expérience de physique que l'on peut répéter à 
volonté sur la congélation de l'eau. Dans tous les 
traités, on vous dira que, par l'agitation on déter- 
mine, selon les expériences de Muiran, la solidifica- 
tion partielle d'une masse d'eau refroidie à plusieurs 
degrés au-dessous de zéro. Or, il n'en est rien. Les 
carafes en question sont refroidies à plusieurs degrés 
au-dessous de zéio: on peut les agiter autant qu'on 
le voudra, elles ne se prendront pas ; mais, suivant 
une autre loi Lien connue, qu'on y laisse tomber un 
cristal, même microscopique, de glace, et l'on assiste 
à un admirable spectacle (fig. 6). 

Au moment où le petit cristal touche le liquide, 
de longues aiguilles naissent et se propagent- dans 
son intérieur avec une vitesse incroyable. On les voit 
naître, croître, s'entre-couper en étoiles, en figures 
charmantes ; puis, tout à coup, on s'aperçoit que les 
yeux n'ont poursuivi et saisi qu'une partie du phé- 
nomène, et qu'il s'accomplissait partout à la fois.... 
l'eau est solidifiée ! 



DECOUVERTES 

DE YESTIGES PRÉHISTORIQUES 

DANS LES CROTTES PYRÉNÉENNES. 

La grotte d'Espalungue, ou d'Arudi, est située à 
proximité d'un petit ruisseau, à moins de 2 kilo- 
mètres du gave d'Ossau; elle domine la vaste plaine 
d'Arudi qui fournissait aux rennes d'excellents pâtu- 
rages. Lu moraine de Bescat n'en est distante que de 
A kilomètres. 

La grotte est formée d'un vaste auvent qui se res- 
serre en s'enfonçant dans la profondeur de la mon- 
tagne et se termine par un corridor large, long, 
élevé et sinueux. Ce corridor, dans lequel pourraient 
circuler des voitures, donne accès dans la grotte 
proprement dite, vaste rotond» au dôme élevé, d'où 
pendent quelques .stalactites. Le sol de l'auvent ou 
vestibule, du corridor et de la grotte, est formé par 
des foyers de l'âge du renne pleins d'ossements bri- 
sés de cerf, de renne, de bœuf, de cheval, de chamois 
et d'oiseaux. Les débris de cerf sont en grande abon- 
dance. En quelques endroits du vestibule et du cor- 
ridor, un peu de terre jaunâtre recouvre les fovers. 
Dans la grotte même, les cendres charbonneuses 
rendent le sol noir. On marche dessus. Parfois elles 
sont recouvertes par une mince couche de stalagmite 
ou par des blocs de rochers tombés de la voûte. 

M. Garrigou a trouvé dans la partie gauche de la 
grotte une flèche barbelée, et pendant les fouilles 
du Congrès scientifique de France, RI. Raimond-Pot- 
tier a recueilli au bout du corridor, dans les couches 
supérieures des foyers, un petit bâton en bois de 
renne sur lequel sont gravées profondément des 
courbes enlacées. 

"Voulant faire une fouille dans cette caverne, je 
pensai qu'il fallait d'abord rechercher l'endroit le 



LA NATURE. 



iil 



plus favorable à l'habitation. Le vestibule, exposé 
aux vents du nord, n'a |>u être habite ([ne l'été. Le 
corridor lui-môme est très-froid quand le vent du 
nord s'y engouffre. Lu grotte ne présente pas cet in- 
convénient au même degré ; le terrain situé près des 
rochers qui forment les parois à droite et à gauelie 
de l'endroit où débouche le corridor sont même tout 
à fait à l'abri. C'est là que je résolus de faire une 
fouille, .le choisi» l'angle de droite qui est le plus 
profond. Je fis creuser le sol à environ un mètre de 
profondeur sans atteindre le fond des foyers. La 
cendre est noire, très-charbonneuse. J'v ai recueilli 
des silex taillés présentant les formes magdaléniennes 
et divers instruments en bois de renne, notamment 
des poinçons, un ciseau semblable aux burins em- 
ployés pour tailler finement la pierre, mais qui 
servait probablement alors à détacher les peaux ou 
à sculpter le bois tendre; un fragment de poignard 
dont deux rameaux de corne de renne forment la 
garde ; divers débris d'aiguilles parmi lesquels il y en 
a un d'ivoire; enfin un bâton de commandement sur 
lequel sont sculptées, à la f.uxm des bas-ieliefs, doux 
magnifiques tètes de chèvre dont l'une a 15 centi- 
mètres de long, en y comprenant la corne. Les moin- 
dres détails sont rendus, les poils même n'ont pas 
été omis. J'avais d'abord pensé que l'animal figuré 
était un bouquetin dont la courbure des cornes légè- 
rement en hélice aurait été mal rendue par l'artiste; 
mais il est évident que la longueur de la tête est 
trop grande proportionnellement à celle des cornes 
pour qu'on la rapporte à cette espèce. Vian des tètes 
sculptées a la corne descendant et ramenée en avant. 
Le bàlon de commandement est terminé par un 
large anneau (voy. la figure ci-contre). 

J'ai exploré sur le territoire d'Arudi une autre 
grotte située à environ 3 kilomètres à l'ouest de celle 
que je viens de décrire. Le maire de la commune me 
l'avait enseignée. Klleest largement ouverte à l'ouest 
et se trouve à une faible distance d'un petit ruisseau. 
Le fond en est obstrué par des rochers détachés de la 
voûte aune époque peu éloignée. Les pasteurs néo- 
lithiques et les pasteurs gaulois en ont fait succes- 
sivement leur séjour. Les fovorsde l'époque gauloise 
ont plus d'un mètre d'épaisseur. J'y ai trouvé un 
mors de cheval en fer, une grande quantité de frag- 
ments de poterie, des os de bœuf, de chèvre et de 
porc. Les foyers de la pierre polie m'ont donné des 
ponçons en os et en corne de chevreuil, de la poterie 
mal cuite, épaisse et grossièrement faite, des osse- 
ments de porc, de chèvre et de bœuf. Peut-être, si 
j'avais continué à creuser plus profondément, aurais- 
je trouve les vestiges de l'âge du renne. 

Cette caverne est remarquable en ce que les foyers 
gardois ou néolithiques sont parfois interrompus par 
des couches de limon. Or elle est si élevée au-dessus 
du lit du ruisseau, qu'assurément personne ne pré- 
tendra qu'elle a subi des inondations depuis l'époque 
de la pierre polie. Ces lits de limon proviennent d'une 
autre cause. Ils ont été formés par les eaux d'orage 
ou de plui ; prolongée qui, s'insinuant à travers les 



fissures naturelles du calcaire et les fentes de la 
voûte, ont entraîné avec elles des particules terreuses 
empruntées soit au sol de la montagne, soit au limon 
du fond de la grotte; car la caverne, à l'époque qua- 
ternaire, a dû être remplie de vase lors des grandes 
inondations causées par la fonte des glaciers, mais 
les (illralions des eaux pluviales l'avaient en partie 
vidée quand l'homme s'y est installé. Cette explica- 
tion donne la clef de beaucoup de difficultés relatives 
à des dépôts semblables intercalés au milieu des foyers 
plus anciens que ceux que j'ai rencontrés dans cette 
grotte. 

D'Arudi, je me rendis à Ludion, point central de 
diverses excursions que je voulais faire. Guidé parle 
juge de paix du canton de Saint-Bertrand, je visitai 
d'abord la grotte de Maie vézie, située dans une étroite 
vallée. On y monte à travers un bois assez fourré. 
Cette caverne fut habitée aux temps modernes. Des 
escaliers taillés dans le roc et une muraille eu font 
loi. Elle se compose d'une galerie parallèle à la val- 
lée, soutenue d'un côté par des piliers naturels for- 
mant arcade et d'un corridor assez large, mais bas, 
qui continue la galerie eu décrivant un coude à angle 
droit pour s'enfoncer dans la montagne. J'ai suivi 
très-loin ce sinueux corridor où l'on ne peut péné- 
trer qu'en se baissant et dont la voûte touchant pres- 
qu'au sol oblige parfois l'explorateur à ramper. Par- 
tout où j'y ai fait des fouilles, je n'ai mis au jour que 
du limon jaune ou du fin gravier dépourvus de tout 
vestige d'industrie humaine, dépôts formés aux 
temps quaternaires lors d'inondations considérables. 

Au point où le corridor s'enfonce dans la montagne, 
le sol remué présentait les traces d'une fouille ré- 
cente. C'était un habitant du pays qui, possédé tout 
à coup d'un beau feu pour les sciences préhistoriques, 
avait fait piocher en cet endroit. Le goût de ces 
sciences se répand de plus en plus. Hien n'est eni- 
vrant, en effet, comme de faire revivre par la pensée, 
avec leurs mœurs à demi sauvages et leur industrie 
rudinientaire, les peuples qui nous ont précédés sur 
la terre de France, déjà grande dès les temps les plus 
reculés par la pensée et par le goût des arts. Mais ces 
entraînements ont leurs inconvénients, et plus d'un 
riche gisement subit de rudes atteintes de mains 
inexpérimentées. L'explorateur qui avait fait cette 
fouille avait mis, sans s'en douter, la pioche sur une 
sépulture néolithique très-curieuse. 11 avait brisé les 
crânes et dispersé les os. Je reconnus les fragments 
de squelettes d'un adulte et d'un enfant dont les mâ- 
choires présentaient un prognathisme considérable, 
et dont les humérus avaient la fosse olécranienne 
largement perforée. Les corps avaient été simple- 
ment enfouis dans la terre. J'ignore dans quelle po- 
sition. Sous un rocher près duquel étaient les mâ- 
choires de l'un d'eux, j'ai recueilli deux poinçons en 
os, deux défenses de sangliers ayant un trou de sus- 
pension et deux canines percées de carnassiers. 
Non loin de là était un silex en forme de couteau 
épais, retaillé à petits coups sur les bords. Le temps, 
qui me pressait, m'a forcé de laisser ma fouille 



m 



LA NATURE. 



inachevée. Il y a peut-être encore d'autres choses à 
recueillir dans cette sépulture. 

De là, je me rendis à la grotte de Gargas, à l'en- 
trée de laquelle il y a un foyer de l'âge du renne non 
encore exploré. On m'avait promis de m'y laisser faire 
une fouille ; mais une influence occulte empêcha la 
réalisation do cette promesse. 

Je m'engageai alors dans la vallée de la Nés te. 
Depuis longtemps je supposais que vers le point où 
elles'enfonccdaus le massif montagneuxdes Pyrénées, 
c'est-à-dire entre la Bartlic et Lortet, il devait y avoir 
une caverne de l'âge du renne. J'avais exprimé mon 
opinion à diverses personnes, et, dès l'année der- 



s'installajenl souvent fous l'abri d'un rocher en sur- 
plomb. Ils trouvaient de l'avantage à choisir leurs 
habitations dans les mamelons placés au voisinage 
des anciennes moraines quaternaires, car en amont 
de ces moraines, les troupeaux de renne étaient nom- 
breux, et dans les plaines d'aval la nature de l'herbe 
était favorable aux chevaux et aux bœufs qu'ils chas- 
saient aussi pour en faire leur nourriture. Le voisi- 
nage d'un cours d'eau ajoutait les ressources de la 
pêche à celles do la chasse. 

Lors donc qu'on veut trouver une grotte de l'âge 
du renne, il faut la chercher dans la partie la plus 
calcaire des Pyrénées, non loin des moraines quat or- 



nière, j'avais chargé un manouvrier de ce pays de me naires, Yers le point où un cours d'eau de quel-pie 
renseigner sur l'existence des grottes de cette région. 
Il put, quand je le revis, m'en citer quelques-unes. 
Je choisis immédiatement, pour but de mon explo- 
ration, une caverne à large ouverture, située à Lortet, 
parmi beaucoup d'autres. C'était, une de celles que 
des chercheurs venus en ce pays quinze jours avant 




moi avaient négligé de fouiller. 

On pense généralement quo la découverte d'une 
grotte préhistorique est due au hasard. 
Le hasard y est bien pour quelque chose, 
mais le raisonnement y est pour beau- 
coup. 

Les Pyrénées sont composées dune 
chaîne centrale trcs-élevée, s'étendant 
d'une mer à l'autre, formée par des 
roches éruptives et par les schistes fies 
terrains anciens, contre lesquels s'appli- 
quent au nord et au sud des contre-forts 
calcaires. Les grottes sont rares dans la 
partie centrale et cristalline de la chaîne. 
Là, elles ne sont dues qu'à des fissures, à 
des conlouriiements d'assises; elles sont 
remplies d'abîmes. L'homme n'a pas choisi pour son 
séjour ces lieux d'horreur, il ne pouvait même pas, 
si elles n'étaient à un niveau très-élevé, y chercher, à 
l'époque du renne, un abri d'un jour; car alors tous 
les hauts ravins des Pyrénées étaient encore obstrués 
par les glaciers. Les contre-forts calcaires de la grande 
chaîne sont, au contraire, percés de nombreuses 
prottes présentant des ouvertures spacieuses et des 
abris relativement confortables. A l'époque de la Ma- 
delaine les vallées dont elles sont voisines, récem- 
ment débarrassées des masses immenses de glace qui 
les avaient encombrées pendant les temps rigoureux 
de la période quaternaire, étaient couvertes encore 
d'un limon froid, abandonné par les glaciers, sur le- 
quel croissait avec abondance le lichen chéri du 
renne. C'est dans ces contre-forts que les chasseurs de 
renne devaient choisir leurs abris. Ils devaient pré- 
icrer les cavernes saines aux grottes humides, pleines 
de stalactites et de suintements, celles qui reçoivent 
l'air et le soleil par de larges ouvertures à celles qui 
ne communiquent avec l'extérieur que par d'étroits 
et obscurs corridors. Celles dont les entrées sont au 
nord, recevant un veut froid à celte époque encore 
rigoureuse, leur plaisaient moins que les autres. Ils 




Denl-3 de carnassiers percées. 
('Grotte de Malevtizic.) 



importance quitte la région des montagnes pour en- 
trer dans le pays de plaine; il faut, de préférence, 
fouiller celles qui sont largement ouvertes, celles 
qui ne sont pas humides et dont les entrées ne sont 
pas exposées au nord. Lu se conformant à ces règles, 
on ne réussira pas toujours; en ne les prenant pas 
en considération, on court le risque de faire des 
fouilles tiv3-iiombrcusc3 avant de rencontrer un bon 
gisement. — La grotte de Lortet que je 
choisis pour l'explorer présente tous les 
avantages que je viens d'éuumérer. Située 
dans une montagne au pied de laquelle 
coule la Neste, placée à 16 mètres au- 
dessus du niveau de la rivière, elle est 
largement ouverte à l'ouest. lùitre Lortet 
et la Bastide s'étend une moraine qui 
va se joindre au plateau de Lanncme- 
zan, formé lui-même des éléments dis- 
persés des moraines très-anciennes. 

L'ouverture de la caverne a J'2 mètres 
ôO centimètres de largeur; le vestibule 
a 15 IU ,20 de largeur près dit l'entrée, 
\i mètres au milieu, mètres à son extrémité, 
entre deux piliers de stalactites. Sa hauteur est 
de 2 mètres au delà des deux piliers, il s'élargit 
et jette vers le nord un bras ou corridor au bout 
duquel ou voit briller, par une fissure qui a été 
autrefois une entrée, la lumière du jour. Au fond 
de lu grotte et à l'est, le sol se relève, couvert de 
stalagmites épaisses qui s'unissent à des stalactites 
descendant de la voûte. Les gouttes d'eau tombent 
nombreuses de longues et fines cristallisations qui 
pendent au-dessus de la tête des visiteurs. Peut- 
être cette partie humide de la caverne n'u-t-elle 
jamais été habitée. 

La longueur de la grotte habitable, depuis l'en- 
trée jusqu'à l'endroit où. le terrain se relève, est 
de 20 mètres, Le sol du ves'ibule, malgré la séche- 
resse actuelle de la voûte, est couvert d'une couche 
de stalagmite ayant au moins 20 centimètres d'épais- 
seur. Aucun dépôt limoneux ne couvre cette assise, 
qui s'étend uniformément comme un parquet de 
marbre blanc. 

Je fouillai à une profondeur de \ m ,bb, et trouvai 
la succession d'assises suivante : 
0"', 20 stalagmite. 



LA NATURE. 



173 



l'",02 foyers noirs, pleins de débris d'industrie et 
d'os brisés. 

l m ,35 foyers jaunes, formés de cendre et de limon 
mêlés ensemble, contenant des silex et des bois de 
renne travaillés. 

À celte profondeur, je fis enfoncer le levier dans la 
cendre. Il pénétra de plus d'un mètre sans rencontrer 
de pierre. 

Je recueillis dans les foyers divers outils eu silex 
et des instruments en bois de renne, parmi lesquels 
je citerai des harpons, des aiguilles, des poinçons. Un 
fragment portait une gravure finement burinée, re- 
présentant un coq de bruyère, animal qui vit encore 
dans ce pays. Les espèces d'animaux dont je rencon- 
trai les ossements sont l'ours arctos, le renard, le 
loup, le cheval, le bœuf, le cerf élaphe, le renne, le 



tétras. Je recueillis encore quelque vertèbres do pois- 
sons. 

Ce gisement présente la faune et l'industrie de 
l'âge du renne à l'époque magdalénienne. Kiles y ont 
été conservées pures de tout contact avec le monde 
nouveau, sans mélange possible avec les vestiges des 
peuples néolithiques et des civilisations les plus ré- 
centes, protégées par la couche de stalagmite qui les 
recouvre comme d'un linceul. Là, on ne peut allé- 
guer, contre l'authenticité et l'âge des objets recueil lis, 
aucun remaniement avant eu lieu depuis leur en- 
fouissement. Une momie sous ses bandelettes et dans 
son cercueil n'est pas plus authentique que l'âge du 
renne dans cette grotte sous sa couche de stalagmite. 
La civilisation romaine qui dormait sous les cendres 
de Pompéi n'était pas plus intacte quand les investi- 




Nouveau buis de renne sculpté trouvé dans la grotte d'Ariuli. (Deux tiers de grandeur naturelle. 



gateurs modernes l'ont rendue à la lumière, que 
n'étaient les foyers de Lortet, quand la pioche de mes 
ouvriers les a mis à jour. J'ai fait fermer cette ca- 
verne pour la préserver contre les déprédations 
d'hommes presque toujours ignorants qui, sans droit 
et dans le seul but de se procurer quelques objets 
curieux, n'hésitent pas à faire disperser, et trop sou- 
vent à détruire, par la main d'ouvriers inhabiles, les 
précieuses archives de ces populations sans nom qui 
ont habile le sol de la France avant les peuples néoli- 
thiques. Ed. Piette. 

CHRONIQUE 

I.ïi comble Ilnrelly et la coiMéfe f'ugçîa. — • 

La comète découverte par M. Barelly a fait son apparition 
dans les régions célestes où la comète Coggia s'est mon- 
trée le 27 avril dernier. Mais son orbite est disposé d'une 
façon toute différente. Dès le i août, M. Hind a annoncé 
dans le Times que l'éclat de ce nouvel astre devait rapi- 



dement décroître, qu'il ne devait Lire qu'une très-courte 
apparition et qu'il ne tarderai! pas à disparaître dans l'hé- 
misphère boréal. Lorsque M. Borelly l'a aperçu, il était 
déjà à une distance de 80 millions de kilomètres et sa 
dislance a été sans cosse en augmentant depuis lors. Si son 
éclat a paru grandir pendant quelque temps, sans jamais 
devenir visible à la vue simple, c'est parce qu'il allait en 
se rapprochant du soleil et que par conséquent la quantité 
de lumière reflétée allait en augmentant notablement. Sa 
distance périhélie a dû être atteinte le b août, jour où, 
suivant M. Hind, il ne devait plus être visible même avec 
de fortes lunettes. La comète offrait au commencement 
du mois l'aspect d'une nébulosité montrant une forte con- 
centration de lumière, mais n'ayant pas, à proprement 
parler, de noyau. Son orbe ne ressemble à celui d'aucune 
comète déjà observée. 

D'après une dépèche électrique, reçue à la Société royale 
astronomique de Londres, la comète Coggia a été aperçue 
dans l'hémisphère austral à l'Observatoire de Melbourne 
où se trouve actuellement un des plu9 grands télescopes 
du monde. L'aspect de l'astre est véritablement magni- 
fique. 



174 



LA NATURE. 



riiussi 1 » prédictions de l'Observatoire. — Ou lï L 

dans le Bulletin de V Observatoire une protestation contre 
les prédictions météorologiques que l'on met sur le compte 
de notre établissement national. L'Observatoire se borne à 
publier dos prédictions pour le jour ou pour le lendemain, 
en résumant les renseignements télégraphiques reçus sur 
l'état du temps. — Ces probabilités, à courte échéance, 
basées sur des faits positifs, n'ont rien de commun avec 
les conjectures que certaines personnes hasardent, se pro- 
mettant bien d'en réclamer à grand bruit la paternité si 
le hasard les favorise; mais dans le cas contraire, la res- 
ponsabilité en resterait entière à l'Observatoire. 

Actuellement, après les derniers votes de l'Assemblée 
nationale, lu dotation dt: notre grand établissement astro- 
nomique s'élève à 200,000 francs. C'est une somme con- 
sidérable surtout si Ton songe aux charges qui grèvent le 
budget de la France; elle ne le cède guère en impor- 
tance au budget de Grernwich. L'administration supérieure 
r st appelée à statuer sur les propositions fuites par le Con- 
seil et qui sont, de nature à augmenter l'efficacité du per- 
sonnel. Nid doute que la haute administration ne sanc- 
tionne ces règles sévères, niais nécessaires au bon et 
complet accomplissement des devoirs de chacun. 

Kous savons de bonne source que les savants étrangers 
s'inquiètent avec un intérêt vrai ou affecté de l'état de lu 
réorganisation des services astronomiques en Fiance. Il 
ne faut pas que l'on puisse nous accuser un seul instant 
de négliger une occasion de reprendre dans l'étude de 
l'atmosphère le rang auquel notre histoire scientifique 
nous permet de prétendre. 

Expériences sur les armes romaines du mu- 
sée de Saint-Germain. — Une expérience très-inlé- 
ressante a eu lieu le mercredi 2'2 juillet dans le champ de 
manœuvres de Saint-Germain, en présence de M. le géné- 
ral de la Favc, commandant le camp et sous la direction 
de MM. Bertrand et de Mortillet directeurs du musée de 
Saint-Germain. On a essayé les machines de guerre des 
Homains qui appartiennent à cet établissement. 

L'on a "re a lancé des boulets de pierre à une distancede 
200 mètres. Les flèches des catapultes sont parvenues jus- 
qu'à 500 mètres en six secondes de temps. La vitesse de 
projection des pierres était d'environ 41 mètres par se- 
conde. Ces flèches atteignaient à tout couple but placé à 
une distance de 150 mètres, dés qu'on avait calculé la 
hausse, ce à quoi M. Maître, chef d'atelier du musée, qui 
dirigeait le tir, était arrivé facilement. Ces instruments 
sont restaurés d'après les bas-reliefs de la colonne Trajane 
et les renseignements que l'on a pu se procurer. On voit 
que les machines de guerre des Romains n'étaient pas aussi 
méprisables qu'on le pense communément, Pour juger du 
mérite de ces constructions, il n'est point opportun de se 
rappeler que le fusil du premier Empire ne partait pas 
sûrement à plus de KO mètres. Ces expériences seront 
répétées en public au mois d'octobre prochain. 

Les bnromètres vivants. — 1° L'araignée, lors- 
qu'il doit y avoir pluie ou vent, raccourcit, autant qu'elle 
le peut, les derniers fils auxquels sa toile est suspendue; 
lorsqu'elle les allonge, c'est du beau temps, et la durée du 
beau temps peut encore être calculée suivant le degré d'al- 
longement ; avis aux observateurs. 

1" L'hirondelle est aussi un baromètre presque infailli- 
ble. Lorsqu'elle rase )a terre et qu'elle jette de temps à 
autre un petit cri plaintif et aigu, c'est que la pluie est 
prochaine; si elle se tient dans les airs à une grande bail- 
leur, volant de côté et d'autre et se jouant avec ses sem- 



blables, cela présage un beau temps fixe; cependant, h 
l'approche d'un orage, elle monte quelquefois dans les 
nuages, mais alors elle plane plutôt qu'elle ne vole. 

3' Quand, au printemps, une seule pie quitte son nid, 
signe de pluie ; si le père et la mire le quittent ensemble, 
c'est du beau temps. 

4" La pluie est proche lorsque le paon pousse des cris 
fréquents; quand le pivert gémit, quand le perroquet ba- 
bille plus que d'habitude, quand la pintade se perche et 
que l'oie s'agite et manifeste de l'inquiétude, etc. 

Enfinces différents indices tirés des animaux, et d'au- 
tres encore ne doivent point être négligés; l'observateur 
doit toujours en prendre bonne noie; rien de tout cela n'est 
à dédaigner : il y va de l'intérêt de l'homme, dos champs, 
des récoltes, qui sont ses richesses et sont trop longtemps 
exposées aux diverses influences atmosphériques pour que 
sa prévoyance no soit pas continuellement en éveil. A cette 
époque de l'année, l'actualité de ces sortes de remarques 
ni; saurait être contestée. (Le Cultivateur.) 

L expédition de l'inionr-Daria. — Une expédi- 
tion, organisée par le gouvernement russe, a quitté Saint- 
Pétersbourg le 5 mai, pour aller dans le Syr-Daria. L'objet 
principal des recherches qui vont être entreprise*, est de 
faire une reconnaissance du delta de l'Amour-Daria pour 
juger jusqu'à quel point il est navigable. Ou emporte, dans 
ce but, une petite chaloupe à vapeur de faible tirantd'eau 
qui servira à une partie de l'expédition pour remonter le 
fleuve, jusqu'à l'endroit où il pourra encore flotter. Le com- 
mandement de l'expédition est confié au colonel Severtsof, 
dont les voyages dans le Thian-Shan sont bien connus. 
M. I. Bog Danof remplit les fonctions de naturaliste. Le 
grand duc Constantin devait prendre lui-même, la direction 
de ce voyage, mais des circonstances indépendantes de sa 
volonté l'en ont empêché. 

ACADÉMIE DES SCIENCES 

Séance du 10 août 187-4. — Présidence de M. Dcutiuxd 

Analyse minèraloijique des argiles. — Peu de sujets 
sont plus importants que celui dont l'élude occupe aujour- 
d'hui le savant directeur de l'école des tabacs, M. Schlce- 
sing. La connaissance intime de la nature des argiles in- 
téresse à la fois la minéralogie, la géologie, la chimie, 
l'agriculture et une foule de sciences appliquées. L'auteur 
arrive à en faire l'analyse immédiate ou minéralogique par 
un procédé bien simple, qui consiste simplement à délayer 
l'argile en expérience dans une eau alcaline. Il se fait un 
dépôt dont les couches n'ont pas la même composition. Au 
fond se trouve un silicate à peu près pur; plus liant, deux 
silicates sont mélangés et en haut on en rencontre trois. 
En recommençant sur ces deux dernières couches le triage 
déjà réalisé pour l'ensemble, on arrive promptement à 
séparer à l'état de pureté les trois silicates constituants. 
En opérant dans un entonnoir à robinet, celle séparation 
n'offre aucune difficulté. Il est remarquable de voir que 
les trois couches sont nettement séparées, car il en résulte, 
au point de vue géologique, une conséquence imprévue. 
C'est que des couches argileuses, quoique très-distinctes 
les unes des autres, peuvent dans certains cas résulter du 
dépôt de la même eau et ne pas nécessiter, comme on le 
croît généralement, l'arrivée successive sur le même 
point, d'eaux de provenances diverses. 

Le mmearine. — C'est un principe toxique qu'on peut 



LA NATURE. ' 



m 



cilrairu d'un champignon du genre agaricus. D'après 
M. le docteur Prévost (de Genève) celte substance admi- 
nistrée même à dose très-faible, active prodigieusement la 
sécrétion pancréatique et la sécrétion biliaire en même 
temps qu'elle anéantit la sécrétion urinaire. On sait que le 
sulfate d'atropine détermine les effets précisément in- 
versos. Il en résulte que ces deux substances toxiques peu- 
vent jouer réciproquement l'une vis-à-vis de l'autre le rôle 
de contre-poison. 

Charbons décolorants. — Il n'y a pas longtemps que 
nous analysions ici les recherches de >I. Mclscns sur les 
charbons propres à absorber les matières gazeuses. Le 
même chimiste traite un sujet analogue en étudiant le 
pouvoir décolorant des diverses substances charbonneuses. 
Comme ses prédécesseurs dans cet ordre de travaux, il 
arrive à cette conclusion que le charbon le plus actif comme 
décolorant est le noir d os ; et, partant de là, il cherche 
comment on pourrait imiter cette utile substance d'un prix 
malheureusement trop élevé. Jusqu'ici on a essayé de 
résoudre le problème on calcinant en vase clos des corps 
minéraux préalablement imprégnés de substances organi- 
ques; mais le résultat a toujours été défectueux. M. Mel- 
sens pense qu'on aurait avantage à faire absorber au con- 
traire une solution chlorbydrique de pbosphale de chaux à 
des matières ligneuses qui seraient ensuite carbonisées. 
On regrettera que cette idée n'ait point'été soumise au con- 
trôle de l'expérience. 

Eaux minérales. — Le savant docteur Garrigou (de 
Toulouse) adresse un important travail sur la nature cl le 
dosage des principes sulfurés dans les eaux minérales. 
Nous signalerons les méthodes qui ont permis à l'auteur 
de séparer les sulfures des sulfhydratcs de sulfures. 

Combustion de la poudre. — Poursuivant des expé- 
riences dont nous avons déjà entretenu plusieurs fois nos 
lecteurs, MM. Noble et iVbel constatent aujourd'hui que 
l'explosion de la poudre détermine une température de 
2200 degrés, c'est-à-dire tout à fait comparable à celle où 
le platine entre en fusion. Les résultats de l'explosion se 
répartissent entre 57 pour 100 de matières solides et 43 
pour 100 de gaz permanents. Ceux-ci consistent surtout 
en acide carbonique, on azote, en oxyde de carbone et en 
hydrogène sulfuré. Les poudres à très-petits grains don- 
nent moins de gaz que les grosses, mais en général les 
variations sont tellement grandes que, suivant les auteurs 
(visant évidemment la tentative récente de MM. Bunsen et 
Kirchhoff), il est impossible qu'aucune formule chimique 
rende jamais compte de la réaction. Les matières solides 
consistent surtout en carbonate, sulfate et hvposultile de 
potasse. Le sulfure de potassium que l'on cite cependant 
toujours comme le principal de ces produits de combustion 
n'arrive qu'en quatrième ligne. Ce résultat est d'autant 
plus digne de confiance qu'il a été fourni par des quan- 
tités relativement énormes de poudre que les auteurs, 
grâce à des appareils ingénieux, arrivent à faire brûler en 
vase clos. 

A cette occasion M. Dumas déplore qu'un travail tout à 
fait analogue, exécuté il y a quelques années par MM. Fouil- 
le t et Péligot, n'ait jamais été publié et soit sans doute 
égaré. 

Comètes. — Pendant sa courte apparition (du 10 juin 
au 14 juillet) la comète Coggia a été l'objet d'observations 
constantes. MM.W'olf et Rayet adressent les dessins quoti- 
diens qu'ils en ont faits avec la plus grande exactitude cl 
qui offrent d'autant plus d'intérêt qu'au moment de sa dis- 
parition la comète manifestait, d'une manière très-nette, la 
tendance à la division en deux. Elle se comportait par con- 



séquent comme a fait en 18-46 la célèbre comète de 
Biela. 

Phylloxéra. — Parmi les 40 ou 50 communications 
qu'il a reçues cette semaine sur le phylloxéra, M. Dumas 
mentionne surtout une lettre dans laquelle M. Lecoq de 
Boisbaudrant, signale, à la date du 5 août, l'apparition de 
l'insecte, ailé dans les environs de Cognac. M. Maurice Gi- 
rard décrit avec soin l'étendue du dommage causé déjà 
dans la même région et cherche, dans le département de 
la Charente, à déterminer la nature du sol qui parais- 
sent avoir les préférences de l'insecte. Un auteur, que le 
secrétaire n'a pas noauné, propose de verser du plâtre gâ- 
ché autour de chaque cep. Il pense que le bourrelet solide 
résultant de la prise, empêchera le parasite soit de sortir 
do terre, soit de gagner les racines, el dans tous les cas 
de se mulliplicr. 

Classification des couleurs, — Sous le titre de Classi- 
fication et contraste des couleurs, M. Vanonensta pré- 
sente, par l'intermédiaire de M. Clievreul, un volume en 
espagnol accompagné d'un atlas de 16 planches la plupart 
coloriées. L'auteur, pensionnaire de la province de Barce- 
lone, e.-t venu étudier à Paris les matières dont il a 
formé le sujet de son livre. L'utilité des méthodes do 
M. Chevreul a paru si grande, au point de vue industriel, 
que malgré la guerre civile la dépulation de Barcelone a 
voté l'impression, aux frais publics, de l'ouvrage de 
M. Vanonensta, qui sera donné gratuitement à toutes 
les bibliothèques de la République et aux industriels de la 
province. 

Le lac Triton. — D'un mémoire très-étendu, M. Fuchs. 
ingénieur des mines, envové récemment en mission scien- 
tifique dans la régence de Tunis, conclut que le projet de 
M. Jloudaire est dénué de toute base sérieuse. Cette con- 
clusion sévère fera désirer que les études projetées soient 
poussées avec activité. 

Manuel d'analyse qualitative et quantitative au cha- 
lumeau. — On sait les immenses services rendus par la 
publication du Traité du chalumeau de Plaltner. Un savant 
américain, M. Cornvvall, a, dans ces derniers temps, com- 
plété cet ouvrage et par une heureuse alliance avec la 
classification de Dana il en a fait en même temps un 
excellent compendium de minéralogie. On sera reconnais- 
sant à M. J. Ihoulct, jeune savant a Haché ou laboratoire du 
Collège de France, d'avoir, malgré la difficulté extrême du 
sujet, fait passer dans notre langue l'excellent ouvrage de 
Coriiwall. C'est un travail considérable dont le traducteur a 
contrôlé pratiquement tous les chapitres et qui peut lui 
être, compté comme une œuvre originale. 11 forme un vo- 
lume très-grand in-8° de près de 700 pages, illustré de 
trèr-nombreux dessins d'appareils, tous faits d'après nature 
et d'une planche hors texte donnant les principaux spectres 
métalliques. Ce beau volume est digne, à tous égards dû 
la librairie Dunod qui l'a édité. Staxislas Meunier. 



>$< 



LES COFFRES 

Deux familles très-naturelles composent à clles- 
seules l'ordre si curieux des Plectognathes, sorte 
de transition naturelle des poissons osseux aux pois- 
sons cartilagineux. La première est celle qui ren- 
ferme les poissons à dents d'ivoire réunies à chaque 
mâchoire, la seconde est celle que caractérise la 
forme des téguments généraux. On donne à cette 
dernière le nom de scléroderrne, et elle comprend 



176 



LA MATURE. 



précisément les coffres ou ostracions dont nous don- 
nons ici un spécimen. 

Les coffres n'ont point d'écaillés, ou, pour mieux 
dire, ils n'ont qu'une seule écaille, soit une cui- 
rasse à compartiments qui revêt tout leur corps. La 
même raison do symétrie qui guide la nature dans 
la forme hexagonale régulière pour emplir un espace 
donné sans laisser de vide quand il s'agit des cellules 
d'abeilles, fait adopter aux compartiments delà peau 
osseuse de l'ostracion la même forme hexagonale. 

Ainsi enveloppé dans cette carapace immobile, le 
poisson n'a de libre, au moyen de sortes de fausses 
articulations créées dans la peau, que la queue, les 



nageoires, la bouche et une sorte de lèvre membra- 
neuse qui ferme les ouïes. Ces ouïes, réduites à une 
fente aussi petite que possible, contiennent un oper- 
cule et six rayons. De même les nageoires sont ex- 
trêmement peu développées, elles sont réduites à une 
seule dorsale, très en arrière, et à une seule anale 
très-près de la queue; les ventrales manquent et les 
pectorales sont petites. 

La structure des coffres ne semble point favoriser 
les mouvements rapides; leurs mâchoires, armées 
chacune d'une douzaine de dents fortes et coniques, 
paraissent parfaitement adaptées à une nourriture 
composée de mollusques à tost ou de crustacés 




Coffre dt>s Tropiques. (Oslr.icion, L.) 



résistants ; enfin leur carapace les met à l'abri de 
tout accident près des rochers à bords coupants des 
récifs corallaires. Nous pouvons donc penser que leur 
habitat favori est tel que leur aptitude le décèle. 

Ces poissons, très- nombreux en espèces, sont 
doués de belles couleurs, inégalement disposées. 
Nous pouvons nous les représenter faisant tranquil- 
lement leur ronde autour des rochers, dans l'eau 
limpide et transparente, sous les rayons du solei! 
indieu ou américain des tropiques. On croit que plu- 
sieurs espèces sont vénéneuses : nous n'en serions 
point surpris eu raison même de leur genre de nour- 
riture. Ce qui est certain, c'est que ces animaux, 
qui n'atteignent jamais qu'une taille très-médiocre, 
sont en quelque sorte vides de chair et ne sont point 
recherchés comme nourriture. On peut croire aussi 
que la difficulté de manier ces animaux y est bien 



pour quelque chose dans le dédain qu'on leur témoi- 
gne : beaucoup sont munis d'épines et d'aiguillons 
dangereux, hérissés sur toutes les parties du corps : 
il y en a de plats, de triangulaires, d'autres à quatre 
pans!... 

Quelle qu'en soit la raison, on ne les recherche pas ; 
d'ailleurs la capacité de leur carapace est presque 
entièrement remplie par un énorme foie, plein 
d'une huile qui ne demande qu'à sortir... Toutes ces 
conditions ne font pas de l'ostracion un mets très- 
agréable, aussi ne le pêche-t-on que comme curio- 
sité; il se conserve en séchant, aussi facilement 
qu'une carapace de tortue, et il en acquiert la soli- 
dité. II. de laBlanchkiœ. 

Le Propriclairc-Gcrant : G. Tissas&irr. 
Conni'iL. — Tv. et slOr. de Cuurii. 



N° M. — 22 AOUT 187-4. 



LA NATURE. 



LE 



FAISAN D'ELLIOT AU JARDIN DES PLANTES 

(Calophasis Ellioli, Swh.) 

Ce nouveau venu, que nous n'avions pas encore vu 
vivant en Europe, où l'on n'en possédait que deux 
peaux, vient d'être rapporté de Chine, par M. l'abbé 
Armand David. Cet oiseau splendide est originaire 
de la chaîne de montagnes qui s'étend auprès de 
NiUp-pO dans la province chinoise de Che-Kiang, où 



il représente le type Faisan, do même que le faisan 
à collier (Phasianus torquatus) le représente un peu 
plus bas dans ces vastes pays qui se prolongent jus- 
qu'à la nier. 

Plus petit que le Torquatus, ce délicieux oiseau, 
que l'on peut aller admirer depuis peu au Jardin des 
plantes, est un des plus beaux du groupe. Il porte 
des ailes assez courtes et une queue d'une grande 
longueur; il rappelle un peu, par ses teintes alter- 
natives, le Revesii; mais ce qui le caractérise, c'est la 
ligne blanche qui traverse ses ailes et qui ne se trouve 
chez aucune autre espèce de la famille. Ce faisan est 




Le nouveau faisan du Jardin des plantes, rapporté Je Chine par l'abbé Armand David. (D'après nature.) 



encore le seul qui ait des plumes blanches au-dessous 
du corps. L'ensemble des caractères particuliers, 
mais peu tranchés, qui le séparent des vrais faisans, 
a engagé M. Elliot à créer pour lui une subdivision 
sous le nom de Calophase, ce qui le place tout près 
des Euplocomes. 

Si nous essayons de donner une idée de la robe 
très-bizarre de cet oiseau, nous pouvons dire que, de 
loin, ce qui frappe, c'est un habit cuivre rouge, et 
blanc par larges bandes en travers. Le cou et le com- 
mencement de la poitrine sont blanchâtres avec une 
vraie bavette noire, se continuant par une bande cui- 
vra rouge large, au-dessous de laquelle est le ventre 
plus ou moins blanc ou gris faible. L'œil est entouré 
d'une large membrane rouge avec un trait blanc qui 
le divise. Le bas du dos sur lu naissance de la queue 
î e an Béa. — 2» semeslro. 



I est couvert de plumes noires, bordées de blanc for- 
mant écailles, comme chez le faisan doré. Les pattes 
sont brunes bleuâtres. 

I La femelle est beaucoup plus terne dans ses cou- 
leurs, comme cela se présente habituellement chez 
les oiseaux, mais cependant elle rappelle plus fîdô- 
lerneut que dans d'autres espèces la superbe parure 
du mâle. 

Cette nouvelle espèce récemment découverte, ne 
semble pas devoir être la dernière que l'on trouvera 
dans la même région. Ces contrées, peu connues, sont 
d'une fertilité prodigieuse en ce qui concerne la fa- 
mille des Phasianidés. Le nombre d'espèces, voisines 
les unes des autres, est si considérable, que l'on se 
demande si des hybridations n'ont pa^ donné nais- 
sance à certains individus qui nous sont rapportés 

12 



178 



LA NATURE. 



comme faisant partie d'une compagnie en liberté. 
Certainement l'espace est grand et la Chine est un 
énorme empire, mais on s'étonne de trouver jusqu'à 
douze espèces très-différentes dans le pays compris 
entre l'Océan, le Tliibet à l'ouest, la Coehinehine et 
le Burmali au sud et la Mongolie au nord. Donnons 
à cette surface une valeur égale à l' Europe (elle ne 
l'a pas tout à fait), nous n'en amoindrirons pas la 
remarque que nous faisons, môme en comparant 
aux faisans asiatiques la famille des Perdicidés qui 
semblent, jusqu'à un certain point, les remplacer 
chez nous. Nous serions bien loin de trouver douze 
espèces de perdrix en Europe ! Il y a donc, dans le 
fait que nous signalons, deux considérations remar- 
quables : l'abondance des espèces voisines dans un 
espace limité, et la localisation presque continentale 
d'un type Lieu défini. 



>0< 



LES RAVAGES DES CHENILLES 

Un certain nombre d'espèces de lépidoptères nous 
(eront éprouver celte année un notable préjudice. 
Hn me rendant au mois de juin dans les Charcutes, 
pour l'étude du phylloxéra, je me suis arrêté à la 
campagne, près d'Orléuus, et j'ai été frappé aussitôt 
de l'aspect des pommiers, tant de verger que rie jar- 
din. Ils éLaîent dépouillés de leurs feuilles, les 
pommes tombées presque toutes, les rameaux recou- 
verts de toiles roussâlres, de sorte que de loin l'arbre 
semble brûlé. C'e*t un petit, papillon blanc de lait à 
légers points sur les ailes, l'Ypôuomente du pommier 
(Yponomenta malineUa) qui est la cause du mal. 
Ses chenilles vivent toujours sous des toiles, s'y ré- 
fugiant pendant le jour et ne sortant que la nuit 
pour manger; c'est sous le dernier abri qu'elles se 
chrysalident. Elles sont d'un vert noirâtre, se tortil- 
lent, si on les touche, comme de petits serpents, et 
se laissent tomber, rattachées aux branches par un fil 
qui sort de leur bouche. Si on avait eu soin de flam- 
ber avec une torche de paille ardente les premières 
toiles, le mal eût été évité. Cette petite opération 
devient impossible quand les toiles, successivement 
filées à mesure que la recherche de la nourriture 
l'exige, ont envahi tout l'arbre. Les paysans se cou- 
tentent de vous dire que ce sont les brouillards qui 
ont amené les chenilles, et se lamentent. J'ai vu la 
même apparence aux pommiers jusqu'à Angoulême ; 
en ce moment, quelques-uns seulement ont repris 
des feuilles de seconde pousse ; beaucoup sont morts. 

Dans l'Angoumois et la Saintonge, d'autres espè- 
ces d'insectes ont causé non moins de mal. Les taillis 
de chêne offrent en maints endroits l'aspect dépouillé 
de l'hiver, et la croissance sera retardée de plusieurs 
années. 

Les dégâts ont commencé par la chenille du Jiom- 
byce neustrien (Bombyx neustria, Unn.). C'est elle 
qu'on appelle la livrée, à cause des bandes bleues et 
fauves qui la parcourent en longueur, pareilles aux 



galons des anciens laquais. Dans leur jeune âge, ces 
chenilles se réunissent sous une grande toile pendant 
le jour; avec un peu de soin on pourrait les brûler. 
Cela est plus facile que de rechercher en automne 
les œufs pondus en bracelet autour des branches. 
Plus tard ces chenilles, plus furies et moins crain- 
tives, se dispersent hors de portée de notre atteinte. 
1.0s bois ont été achevés par une seconde espèce, 
plus tardive, le Bombycc disparate (Liparis dispar, 
Linn.), ainsi appuie par la forte disproportion de 
taille que présentent les deux sexes. Ici l'insecte est 
toujours solitaire, mais ses œufs sont faciles à voir. 
Ils sont en plaques sur les troncs, et couverts de 
poils roux, dont la mère s'est dépouillée pour garan- 
tir du froid de l'hiver une progéniture qu'elle ne 
doit jamais connaître. Ou dirait un tampon d'ama- 
dou. On voit souvent ces plaques d'œufs sur les 
ormes, les tilleuls, etc., de nos promenades. Un coup 
de pinceau enduit de goudron suffit pour anéantir 
la funeste nichée ; ou bien on racle les œufs au cou- 
teau et on les brûle. Il y a quelques années, sur les 
conseils d'un habile entomologiste, M. Boroo, pa- 
reille opération fut confiée à des femmes dans la 
forêt de Fontainebleau, et bien des hêtres couverts de 
ces œufs furent préservés pour l'année suivante. Ou 
trouva sur un seul hêtre trente-deux paquets d'œufs. 
JN'ous avons encore une autre espèce bien com- 
mune et très-nuisible, le Liparis chrysorrhea, Linn. 
C'est la phalène blanche à cul brun de Geoffroy, qui 
infeste nos squares et nos vergers. Le papillon, qui 
vole à peine, est tout blanc, et la femelle a le bout 
de l'abdomen couvert d'une touffe de poils bruns, 
qui servira à protéger les œufs contre le froid de la 
nuit. Les jeunes chenilles éciosent en automne, ga- 
gnent les bouts des rameaux, et assemblent des 
feuilles en paquet, rapprochées par des fils de soie. 
Elles passent l'hiver sous la tente, et, dans la grande 
loge commune, les jeunes chenilles s'associent en 
petits groupes dans des logettes particulières, comme 
des amis plus intimes qui se réunissent en fractions 
isolées au milieu d'une grande assemblée. Je vois 
souvent les jardiniers de la ville ou des particuliers 
' couper au sécateur ces paquets de feuilles ; mais 
bien des fois cette opération se fait trop tard, car 
dès les premiers soleils de février, les petites che- 
nilles sont sorties et ont gagné les branches. C'est 
par les brouillards froids ou les neiges de décembre, 
en choisissant les jours sans soleil, qu'il faut faire 
cet échenillage, si l'on veut trouver les logis pleins. 
En outre, presque toujours on laisse les paquets de 
feuilles sur le sol, et tout devient inutile, car, au 
premier soleil, les chenilles ont regagné les arbres. 
Il faut ramasser avec soin tous les paquets de feuil- 
les, eu remplir des paniers ou des sacs, et les livrer 
aux flammes vengeresses. Il est inutile de s'occuper 
d'une seconde espèce, plus svelte, plus élégante, et 
dont la femelle a l'abdomen terminé par un élégant 
panache de poils d'or. C'est le Liparis auriflua qui 
ne vit que dans les bois et n'est pas sensiblement 
nuisible. 



LA NATURE. 



179 



Un peu de soin et d'allention suffisent, comme 
on le voit, dès qu'on connaît les moeurs des insectes, 
pour diminuer beaucoup leur désastreuse multitude ; 
c'est aussi l'observation des habitudes qui nous ap- 
prendra le moment le plus farcira' île pour atteindre 
d'une manière efficace le redoutable puceron des 
racines de la vigne. Maurice Cirard. 



LES COMBINAISONS MÉTALLIQUES 

DE i/lIYDROGÈNE. 

(Suile et fin. — Voy. p. IjO } 

L'absorption de l'hydrogène par le palladium, dont 
nous avons parlé précédemment, n'est pas un fait 
plus difiieile à admettre que la formation do l'amal- 
game d'or produit par l'union du mercure et de ce 
métal. 

L'impossibilité qu'il y avait, d'isoler l'alliage lui- 
même, puisqu'il était mélangé avec un excès de pal- 
ladium, hissait un doute sur sa eompos.tion, et ne. 
permettait pas de voir si la combinaison s'était effec- 
tuée d'après la loi de D.dton. Cette lacune, qui existe 
forcément dans le travail de Graham, ne se retrouve 
plus dans les dernières expériences de MM. Troost et 
Hautefeuille. 

Lorsqu'on chauffe du potassium au contact de 
l'hydrogène dans une cloche courbe placée sur le mer- 
cure, ce g;;z ne fcirde pas à êlre absorbé. Gay-Lussae 
et ïhenard avaient déjà observé ce fait depuis long- 
temps, sans déterminer exactement les proportions 
suivant lesquelles avait lieu cette absorption; depuis, 
M. Jacquelain a môme proposé un procédé de sépa- 
ration de l'hydrogène et des carbures d'hydrogène, 
basé sur celte propriété. 

Reprenant ces observations plus qu'incomplètes, 
MM. Troost. et Hautefeuille ont déterminé exactement 
les rapports de poids des corps combinés. « Le potas- 
sium 1 sur lequel ils opéraient était contenu dans une 
nacelle de fer, pincée au fond d'un tube de verre com- 
muniquant par un tube en T, d'une part avec un 
manomètre, et d'autre part avec un robinet, à trois 
voies, qui permettait de le mettre en communication 
soit avec une pompe de Sprengel, soit avec une source 
d'hydrogène pur et sec. Le tube contenant le métal 
pouvait être porté successivement ;'i diverses tempé- 
ratures, que l'on maintenait constantes pendant un 
très-grand nombre d heures. L'hydrogène ne com- 
mence à être absorbé qu'au-dessus de 200° ; à 
cette température, l'absorption est d'une lenteur 
extrême; elle est beaucoup plus rapide si l'on 
chauffe vers 350°. 

En opérant sur 2 ër ,50Q de potassium, il n fallu 
250 heures pour saturer ce métal chauffé à 290°. 

Le potassium hydi ogéné préparé par un long séjour 
dans legaz hydrogène est très-cassautàla température 
ordinaire, semblable, par son aspect, à un amalgame 

1 Comptes rendus de V Académie des sciences, — Séaruc 
du 23 mars 1874. 



d'argent, dont il a le grain cristallin et tout l'éclat; 
aussi est-il difficile de se défendre de comparer le po- 
tassium hydrogéné à un véritable alliage. 

Ce composé peut être fondu dans l'hydrogène ou 
dans le vide sans subir la moindre altération. Mis au 
contact de l'air, il s'enflamme immédiatement. 

L'hydt ogène, en se combinant avec le potassium, 
produit donc un composé analogue à un alliage; 
mais MM. Troost et Hautefeuille sont allés plus loin. 
Soumettant cette nouvelle combinaison à l'analyse, 
ils ont montré qu'un volume de potassium se com- 
binait à 126 volumes d'hydrogène, soit 1 équivalent 
d'hydrogène pour 2 équivalents de potassium, la 
formule du nouveau corps étant K*H. 

En répétant ces expériences sur le sodium, 
MM. Troost et Hautefeuille ont montré qu'on obtenait 
un résultat analogue par l'union de ce métal avec 
l'hydrogène; cependant le deuxièniecorps ainsi obtenu 
est un peu plus stable que celui dont nous venons de 
parler; sa densité est. 0,959, et il s'altère moins fa- 
cilement à l'air. Quant à sa composition, les nombres 
trouves conduisent à représenter sa formule comme 
le composé de potassium , par l'union de 2 équivalents 
de sodium pour 1 d'hydrogène. 

Enfin le thallium et le lithium, tout en absorbant 
aussi l'hydrogène, ne forment pas "avec ce gaz des; 
composés définis, dans les mêmes limites de tempé- 
rature. 

Dans ses premières expériences, Graham avait 
essayé de déterminer la densité de l'hydrogène com- 
biné avec le palladium, en se basant sur l'augmen- 
tation de volume qu'éprouve ce métal lorsqu'il a 
absorbé de l'hydrogène. Il était ainsi arrivé au 
nombre 0,733. MM. Troost et Hautefeuille, eu 
étudimt l'hydrure de polassium, ont trouvé 0,62 
pour densité de l'hydrogène combiné au potassium, 
et 0,03 en déduisant ce chiffre de la combinaison de 
l'hydrogène et du .sodium. Ces deux nombres, sensi- 
blement égaux, permettent de rapprocher la densité 
de riiydrogétiium de celle du lithium représentée 
par le nombre 0,59. 

Ainsi, ces deux savants ont étendu les propriétés 
absorbantes des métaux pour l'hydrogène au potas- 
sium, au sodium, au lithium et au thallium ; bien 
plus, ils ont fait un pas immense en avant, en mon- 
trant que ces combinaisons étaient parfaitement défi- 
nies. L'hydrogène» se combine donc aux métaux 
pour produire des alliages, dans le sens complet du 
mot. A. l'état condensé, il joue le rôle d'un métal 
dont, à l'état normal, il ne serait que la vapeur. 
Cette idée, du reste, n'est pas nouvelle dans la 
science; elle n'est au contraire que la confirmation 
de tout ce que nous savons sur les propriétésde l'hy- 
drogène. 

L'hydrogène est, en effet, un gaz qui s'écarte de 
tous les autres métalloïdes, et qui ne peut être classé 
auprès d'aucun d'eux. Bon conducteur de la chaleur, 
magnétique, se combinant avec les irïdes pour don- 
ner des composés en tout point analogues aux sels 
proprement dits et décomposables de la même ma* 



180 



LA NATURE. 



nièrc par l'électricité, il se range auprès des métaux 
par l'ensemble de toutes ses propriétés. 

Les travaux de G-raliam étaient déjà venus donner 
un appui considérable à. cette manière de voir ; les 
brillantes expériences de MM. Troostct Iluutefeuille, 
en vérifiant les laits énoncés avant eux, et en étendant 
considérablemonl leurs conséquences, confirment, 
autant qu'il est possible do le faire, la nature essen- 
tiellement métallique de l'hydrogène 

Ed. LaNDRIK. 

L'AQUARIUM DE BRIGHTON 

Cet aquarium est le plus grand de tous ceux qui 
ont été construits jusqu'à ce jour. Plusieurs des bas- 
sins qui y sont contenus sont assez vastes pour que 
les marsouins et d'autres petits cétacés puissent 
facilement s'y livrer à leurs évolutions. Les travaux, 
commencés en 1809, ont été achevés en 1872, époque | 
depuis laquelle l'aquarium est livré au public. I 

Nous étions depuis longtemps désireux d'en faire j 
connaître les dispositions à nos lecteurs, et le diree- | 
tour de ce bel établissement a bien, voulu seconder 
lui-même nos efforts, en nous envoyant tous les do- | 
cumenls nécessaires, ainsi que les gravures repré- 
sentant le plan des constructions et la coupe d'une 
galerie principale. 

L'aire occupée par cet aquarium mesure 21. S mè- 
tres de long sur 50"',f>0 de large ; il est situé près 
du rivage. La construction est divisée intérieure- 
ment en deux corridors séparés l'un de l'autre par 
un intervalle considérable. A l'entrée du corridor 
ouest, on voit une vaste salle pourvue de tables sur 
lesquelles on peut se livrer à l'étude; entre les 
piliers qui supportent la voûte, on a disposé des ré- 
ceptacles mobiles, remplis d'eau de mer, dans les- 
quels on a placé les espèces trop petites pour que 
l'œil du spectateur puisse en jouir dans les bas- 
sins. 

Le plus petit des réservoirs composant cet aqua- 
rium à 5'", 05 de longueur sur 3 m ,55 de largeur, il 
contient environ 18 tonnes d'eau de mer; le plus 
grand présente un développement total de 59 mètres 
y compris les deux angles, sa largeur extrême est 
de 9"',15; il contient environ 500 tonnes d'eau. 
Une série de bassins, disposés par ordre de grandeur, 
s'étale entre ces deux réservoirs extrêmes; leur con- 
tenance totale est de 2,300 mètres cubes d'eau de 
mer. 

En outre des différents compartiments destinés 
aux espèces assez grandes, on a placé dans les réser- 
voirs une demi-douzaine de tables octogonales creu- 
ses, ïiabitées par les étoiles de mer, les anémones et 
d'autres branches des mêmes familles, qu'il est pré- 
férable de regarder de haut en bas, pour mieux ju- 
ger de leurs particularités. Perpendiculairement aux 
deux corridors on a ménagé des bassins, dans les- 
quels on voit des plioques et d'autres amphibies ainsi 
que de grands reptiles; derrière ceux-ci, se dresse 



une masse granitique pittoresquemeiit revêtue de 
fougères choisies et de plantes aquatiques, au milieu 
desquelles roule l'eau nécessaire à l'alimentation des 
bassins, sous la forme d'une cascade de 12 mètres 
de hauteur. 

Deux compartiments de grandes dimensions sont 
réservés aux poissons d'eau douée. Plusieurs autres 
bassins d'une capacité beaucoup moindre sont mis à» 
part dans la chambre affectée à l'histoire naturelle. 

Le style général de la construction est du genre 
italien, la voûte est en briques multicolores, les 
colonnes qui la supportent sont formées de pierres 
de grains différents, parfaitement polies; les chapi- 
teaux sont ornementés d'emblèmes marins de toutes 
sortes; le parquet est formé de carreaux. 

Les divisions entre chaque bassin sont faites au 
moyen de trois feuilles de verre, dont l'épaisseur est 
de 25 millimètres; ces plaques sont soutenues par 
un cadre en fer. Parmi les objets remarquables qui 
frappent généralement l'attention du visiteur, il faut 
citer un énorme bloc de rochers qui domine d'une 
façon vraiment imposante les étangs artificiels con- 
sacrés aux amphibies. 

Le renouvellement de l'oxygène dans les bassins 
a lieu sans cesse, pour assurer le bien-être des ani- 
maux marins renfermés dans l'aquarium. L'addition 
du gaz oxygène s'opère à l'aide d'air comprimé qu'on 
chasse à l'intérieur et au fond des réservoirs par 
des tubes en caoutchouc vulcanisé; le nombre des 
tubes est en proportion avec la section des bassins. 

La visite de l'aquarium de Brighton se fait habi- 
tuellement en commençant par les vitrines n°" 1 à ;> 
(voir le plan ei-eoutre), dans la galerie de l'est; on 
continue à passer en revue, dans la niènie salle, les 
bassins n os G à 11 et 52 à il qui sont de très-gran- 
des dimensions. Le plus grand de tous les bassins 
est le n° 6, qui ne contient pas moins de 4Û00 gal- 
lons d'eau. (Le gallon anglais vaut 4,5i de litre.) Les 
bassins de la galerie de l'ouest, tous de la même 
grandeur, sont beaucoup moins volumineux : on eu 
compte 20; d'un côté les n 0B 12 à 17, de l'autre 18 
à 31. 

L'aquarium de Brighton, que nous venons de dé- 
crire succinctement, est, comme on le voit, un des 
plus remarquables qui existent actuellement; grâce 
à la bonne disposition de ses bassins, à l'aération 
des eaux, il a pu conserver certains habitants de 
l'Océan très-délicats, comme les harengs et les ma- 
quereaux, qui ne vivent généralement pas long- 
temps en captivité; grâce à la proportion de ses 
Cu'ves, il lui a été possible de présenter aux visiteurs 
des c/Hacés d'assez grandes dimensions qui ne sau- 
raient être contenus dans la plupart des aquariums 
modernes. Malgré ces avantages, l'établissement de 
Brighton offre toutefois quelques inconvénients, que 
les naturalistes anglais ont eux-mêmes reconnus. Il 
laisse peut-être encore à désirer au point de vue du 
renouvellement de l'eau de mer contenue dans les 
bassins ; mais il est question de compléter les con- 
structions de l'aquarium de Brigliton par l'érection 





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182 



LA NATURE. 



u'nn immense réservoir supplémentaire , qui per- 
mettrait de remplacer immédiatement l'eau d'une 
piscine, troublée par une cause fortuite. Le succès 
linancier de l'cxpoitation, est bien fait pour encou- 
rager les directeurs de l'établissement anglais, et 
pdur les exciter à marcher encore vers de nouveaux 
progrès, sans hésiter à faire de nouveaux sacrifices. 

Gaston Tissandier. 



LES SATELLITES DE JUPITER 

VISIBLES A L'ŒIL M'. 

Les satellites de Jupiter sont-ils visibles à l'œil nu? 
On répond ordinairement négativement à cette ques- 
tion. Cependant, à Tune des dernières séances de la 
Société astronomique de Londres, un astronome an- 
glais a déclaré les avoir vus. 

Le 5 avril dernier, à 10 heures du soir, par une 
nuit très-pure, M. Dcmiing, de Bristol, a parfaite- 
ment distingué à côté do Jupiter et à l'œil mi le troi- 
sième et le quatrième satellite. Ils étaient alors par- 
ticulièrement bien placés pour une telle observation 
se trouvant dans leur plus grande élongation de la 
planète. Mais cette position arrive souvent, et cepen- 
dant une pareille visibilité est excessivement rare. 
L'auteur est parvenu à les distinguer en masquant 
l'éclat de Jupiter. Dans le chercheur (grossissant cinq 
fois) et clans une jumelle d'opéra (grossissant trois 
fois), il les voyait très-facilement sans masquer la 
planète, et ne fut plus étonné de les apercevoir à 
l'œil nu, quoique jusqu'alors il eût été Iras-sceptique 
sur ce point. 

Ayant essayé plusieurs fois et fait essayer la mémo 
expérience dans les meilleures conditions d'observa- 
tion sans obtenir aucun résultat, je conclus de l'ob- 
servation précédente que la vue de M. Deuniug est 
exceptionnelb' ; ce qui, du reste, est démontré par 
ce fait qu'il peut compter, à l'œil nu, treize étoiles 
dans les Pléiades et qu'il a souvent vu Jupiter en 
plein soleil. J'ajouterai que le 5 avril dernier le qua- 
trième satellite de Jupiter était plus lumineux que 
d'habitude et égal en éclat au troisième. On sait que 
la découverte des satellites de Jupiter a été le premier 
résultat de l'invention des lunettes. 

Le 7 janvier 1 G l Oà Padoue, Galilée aperçut près de la 
planète que le nouvel instrument avait dotée d'un dis- 
que sensible et bien tranché, trois petites étoiles; 
deux étaient ?» l'orient, la troisième à l'occident. Le 
lendemain, il les vit tontes les trois à l'occident, le 
surlendemain on n'en voyait plus que deux, et elles 
étaient situées à l'orient du disque de Jupiter. Tout 
cela ne pouvait pas être expliqué par un déplacement 
admissible de la planète et indiquait un mouvement 
propre de ces petites étoiles. Frappé de la singularité 
de ce résulta!, Galilée redoubla d'attention; le 13, 
il aperçut quatre étoiles. Brei, il constata qu'il y avait 
dans le firmament un astre autour duquel circulaient 
des planètes secondaires, comme les planètes ancies- 



nement connues circulent autour du soleil : c'était le 
monde de Copernic en miniature; les idées de ce 
grand homme semblaient désormais ne pouvoir plus 
être rejetées. Aussi rapporte-t-on que Kepler en ap- 
prenant les observations de l'astronome de Florence, 
s'écria, en parodiant l'exclamation de l'empereur 
Julien: Gdlilœvici.sti! 

Comme toutes les découvertes, celle-là ne fut pas 
admise sans critique. Une académie tout entière, 
celle de Cortone, prélendit que les satellites étaient 
le résultat d'une illusion d'optique produite par la 
lunette. Dans les dialogues contenus dans l'ouvrage 
de Sizio, lorsqu'un des interlocuteurs demande pour- 
quoi on voit cpiatrc satellites autour de Jupiter seu- 
lement, on lui répond : parce que la lunette est pro- 
pre (proporzionato) à produire de telles apparences à 
la distance de Jupiter et non à d'autres dis lances. 
Clavius disait, en octobre 1610, que pour voiries 
satellites, il fallait d'abord construire une lunette 
qui les engendrât. 11 est vrai que dès le mois de dé- 
cembre suivant il abandonna cette opinion absurde 
aussitôt qu'il eut observé lui-même les astres eu 
question. Galilée rapporte qu'il y avait à Pise, ou 
philosophe nommé Libn, qui ne consentit jamais à 
mettre l'œil à la lunette pour voir les satellites de 
Jupiter. « J'espère, ajoute l'illustre philosophe (ledit 
Libri venait de mourir), que n'ayant jamais voulu 
voir les satellites sur la terre, il les aura aperçus en 
allant, au ciel. » 

Cette découverte de Galilée montre bien qu'avant 
lui, on n'avait pas observé les satellites de Jupiter, 
ce qui serait arrivé s'ils étaient visibles à l'œil nu en 
même temps que la planète. 

Cependant dans les planches d'une encyclopédie ja- 
ponaise, dont la première édition remonte à une épo- 
que bien antérieure à celle del'iuventiondes lunettes, 
Jupiter est ligure ayant à ses côtés deux petites étoiles; 
mais ce dessin ne prouve pas grand 'chose, et il est certain 
que les Japonais, ajoutent aux textes de leurs plus an- 
ciens ouvrages, quand ils les réimpriment, les docu- 
ments qu'ils ont reçus de leurs communications avec 
les Hollandais; la circonstance que Jupiter est dessiné 
avec deux et non avec quatre satelllites, peut bien 
paraître difficile à expliquer sans pour cela qu'elle 
soit décisive quant à la visibilité de ces petits astres 
sans le secours de lunettes. 

Wrangcl rapporte quJen Sibérie il rencontra un 
chasseur du pays qui, lui montrant Jupiter, lui dit : 
« Je viens de voir cette grosse étoile en avaler une 
petite et la vomir peu de temps après. » C'était, sui- 
vaut le célèbre voyageur russe, une immersion et 
l'éniersion subséquente du troisième satellite à la- 
quelle le chasseur faisait allusion. La pénétration de 
la vue des indigènes et des Tar tares est, comme on le 
sait, devenue proverbiale. 

Boussingault les a cherchés en vain à Bogota à 
2,040 métros d'altitude. Il en fut de même de 
Pi'izzy Sniytli du sommet civ. Ténériffe. Cependant, le 
marquis d'Ormonde les a vus dans le ciel de l'Etna; 
l'astronome Jaeob a aperçu le troisième à Madras ; la 



LA NATUUE. 



il 



missionnaire Stoddart, en Perse, rapporte dans son 
journal, qu'il pouvait en découvrir de temps en 
temps au crépuscule avant que la planète ait acquis 
tout son éclat; le 1 er septembre 1852, M. Webb a vu 
en Angleterre le 3 e et le 4 e placés du même côté et 
loin de Jupiter, mais il faut, dire qu'il se servait pour 
cela de son lorgnon concave. M. Boguslawski, direc- 
teur de l'Observatoire de Breslau, rapporte qu'un 
tailleur de cette ville, mort en 1837, distinguait sou- 
vent le i« et le 3 R . Banks a vu le 1 er et le 2 e réunis 
en un seul, le 5 e assez souvent, et une fois le ¥\ le 
2 e et le 3 e ont été vus séparément par lîoyds, en 
18G0. Mason a vu le 3 e en 1865. (les divers exemples 
montrent que les satellites de Jupiter sont parfois 
visibles à l'œil nu, mais à la condition d'être doue 
d'une vue exceptionnelle, de les chercher exprès et 
de masquer la planète de manière à n'être pas 
ébloui par ses rayons. Il est encore plus rare de 
pouvoir les distinguer sans cette dernière précau- 
tion. 

On peut expliquer cetlu visibilité en remarquant 
que lorsqu'on regarde Jupiter à l'œil nu cette planète 
semble formée d'un point central lumineux, d'où 
partent, dans tous les sens, des rayons divergen's. 
Ces rayons sont plus ou moins longs. Il existe, sous ce 
rapport, d'énormes différences entre tel et tel obser- 
vateur ; chez l'un, les rayons ne dépassent pas trois, 
quatre ou cinq minute» de degré ; chez d'autres, ils 
s'étendent à douze ou quinze minutes. Pour tout le 
monde, les satellites se trouvent donc ordinairement 
noyés dans une fausse lumière. 

Si nous supposons maintenant que l'image de Ju- 
piter dans certains yeux exceptionnels, s'épanouisse 
seulement, par des rayons d'une minute ou de deux 
minutes d'amplitude, il ne semblera plus impossible 
que les satellites soient de temps en temps aperçus 
sans avoir besoin de recourir à l'artitice de l'amplifi- 
cation. Pour vérifier cette conjecture, Ara go fit con- 
struire une petite lunette dans laquelle l'objectif et 
l'oculaire avaient à peu près le même loyer et qui 
dès lors ne grossissait point. Cette lunette ne détruit 
point entièrement les rayons divergents, mais elle en 
réduit considérablement la longueur. Eh bien, cela 
a suffi, dès le premier essai, pour quHin satellite (le 
troisième), convenablement écarté de la planète, 
soit devenu visible. Le fait a été constaté par tous 
les astronomes de l'Observatoire. 

Dès qu'on a établi que les satellites de Jupiter peu- 
vent être aperçus sans grossissement d'aucune sorte 
il est évident que l'œil qui réduira les rayons diver- 
gents de l'image de la planète à la longueur que ces 
rayons conservent dans la petite lunette non grossis- 
sante, découvrira ces faibles astres tout aussi .bien 
que les yeux ordinaires le font en employant l'instru- 
ment. Tout porte à croire qu'il existe des yeux na- 
turellement doués de celte perfection, des yeux qui 
dépouillent les images des objets éloignés et les plus 
brillants de presque tnute fausse lumière. 

Le 3 e satellite de Jupiter (le plus gros des quatre) 
est un astre de sixième grandeur • je l'ai constaté, 



en 1872, lors de la conjonction de Jupiter avec Ura- 
nus, dont j'avais calculé les éléments et que j'ai 
observé tout exprès pour mesurer cet éclat. On 
pourrait donc le voir ordinairement à l'œil nu, s'il 
n'était pas baigné dans la lumière de Jupiter. 

Ajoutons que les quatre satellittes de Jupiter sont 
situés aux distances respectives de 108,000, 170,000 
272,000 et 478,000 lieues de Jupiter ; que leurs dia- 
mètres sont respectivement de: 1,020,865, 1,500 
et 1 ,050 lieues (le 5 e satellite est cinq ibis plus gros 
que la lune et presque deux fois plus gros que Mer- 
cure), et que cesquatres petits inondes circulent au- 
tour de la planète, le 1 er en 1 jour 18 heures ; le 
2 e en 5 jours 13 heures; le 5 e en 7 jours 3 heures et 
le 4 e en 16 jours 16 heures, produisant ainsi quatre 
espèces de mois, de marées et d'éclipsés, aux habi- 
tants de ce monde immense. C. Flammarion. 

LBS RUINES DE TROIE 

ET LE TRÉSOR DU ROI PRIAM. 

DÉCOUVERTES RÉCENTES DU D T S CIIL I EM ANS. 

Notre siècle est un siècle éminemment investiga- 
teur et plus que tout autre entraîné vers les études 
archéologiques par une inquiète et liévreuse ardeur. 
Sourd aux accents d'une littérature énervée et mou- 
rante, entouré de ruines morales qui, chaque jour, 
s'amoncèlent, peu satisfait du présent, il s'élance 
vers le passé, pour y chercher d'autres ruines, qui 
lui rappellent les plus anciennes origines de l'homme 
et de ses races, les ébauches primitives dues à son 
génie artistique et industriel, les commencements 
encore si obscurs de son histoire, et même les temps 
préhistoriques. 

Les savants travaux de M. Layard, sur Ninive et 
Khorsabad, les fouilles si fructueuses de M. Mariette 
en Egypte, celle de MM. Squier et Dairs, dans les 
Mounds ou Tumuli des bords de l'Ohivet et du Mis- 
sissipi, les découvertes si précieuses pour la paléon- 
tologie humaine, dues à la courageuse persévérance 
de Boucher de Perth.es et à l'ingénieuse sagacité 
d'Ed. Lartet, de sir Charles Lyell, de John Lub- 
bock, de Wilson, de Tylov, etc., etc.; tout cela 
n'indicmc-t-il pas un mouvement très-prononcé vers 
les études qui ont pour objet les vestiges que 
l'homme a laissés sur la terre ou dans ses profon- 
deurs depuis les temps les plus lointains? 

Au nombre des plus récents travaux d'archéologie 
qui ont vivement frappé l'attention publique, nous 
pouvons inscrire, à bon droit, l'important et splen- 
dide ouvrage que le docteur Ileinrich Schliemann 
vient de faire paraître à Leipzig, sous le titre attractif 
de Trojanische AUerthûmer {Antiquités trotjennes). 

Un poêle avait dit, en parlant de la ville antique;, 
dont un autre poète a chanté les mal li cuis en vers 
immortels : 

ttiujn péri lire ruina;, (LucAlM.) 



AU 



LA NATURE. 



El voilà que M. Sciiîiemaim et la noble compagne 
de sa vie et de ses travaux viennent donner un dé- 
menti formel à Lucain. 

Et voilà que tous deux découvrent avec joie, 
Le faible Simoïs et les champs où tut Troie. 

Et campos ubi Troja fuit. 

D'autres, il est vrai, croyaient les avoir découverts 
depuis longtemps. Vers la fin du sièeletlernier (4 788), 
un voyageur français, Le Chevalier, prétendit même 
avoir prouvé que Virgile s'était trompé en plaçant, 
avec toute l'antiquité grecque, la ville de Troie et sa 



citadelle sur les hauteurs désignées par Homère, 
c'est-à-dire sur la colline même qui porte aujour- 
d'hui le nom de Hissarlik 1 . 

Selon lui, la cité homérique aurait été bâtie sur 
l'emplacement occupé par le "village actuel de Boit- 
nar-Bachi ; la citadelle de Pcrgame était assise, au 
contraire, sur mie des collines rocheuses qu'entoure 
le Scamandre, et au sommet desquelles on aperçoit 
trois tertres coniques, rangés en ligne, que Le Che- 
valier considère comme étant les tombeaux des héros 
troyens. Quant aux sources qui coulent au pied de 
la colline, elles étaient, d'après l'auteur du Voyage 




Plan de Troie à l'époque do Pnam. 
A. Tour d'iiium. — fi. Maison à deux étapes antérieure à la prise de Troie. — C. Constiuctions troyennes et constructions postérieures 
superposées. — D. Maisons troyennes. — E. Grande» cruches en terre cuite. — F. Aulel des r-acrifices de la Minerve troyenne avec 
rigole pour l'écoulement <lu sang. — G Restes de maisons troyennes. — II. Endroit où l'on a retrouvé le trésor de Priant. — K R(>>tes 
du palais de Priam. — M. Portes Scées. — N. Mur antérieur à Troie. — 0. Biaisons troyennes et murs postérieurs superposés. — 
P. Mur de fortification antérieur à Troie. — B. Mur de soutènement anléricur à Troie. — S. Restes du mur d'enceinte de Troie. 



en Troade, celles où les jeunes Troyennes allaient 
laver leurs vêtements. 

Bien que basé sur des données topographiques très- 
sujettes à controverse et sur des textes faussement 
interprétés, l'ouvrage publié en 1788, par Le Che- 
valier, eut un très-grand succès (trois éditions de 
1788 à 1802), et son opinion, toute erronée qu'elle 
étL.t, acquit, pour ainsi dire, force de loi. 

Tout récemment encore (en 1871), cette opinion a 
trouvé un défenseur malheureux dans M. Cari Cur- 
tius, de Berlin, et cela au moment même où les 
fouilles de sir John Lubboek, du consul Halm, et 



j surtout celles de M. il. Schliemann mettaient hors 
de cause Bounar-Bachi, et apportaient les preuves les 

' plus convaincantes en faveur de Hissarlik 2 . 

| En effet, ces fouilles ont démontré jusqu'à l'évi- 
dence que ni les prétendus tombeaux troyens, indi- 
qués par Le Chevalier, ni l'emplacement de Bcuiiar- 

1 Pour bien connaître la topographie de la Troade, on peut 
consulter avec fruit le préambule de la savante étude aur 
le sujet qui nous occupe, inséré, par M. Emile Burnouf, dans 
la Revue des Deux-Mondes, du I e ' janvier 187 i. 

* Nous ne parlons pis de l'opinion, aujourd'hui complète- 
ment abandonnée, qui plaçait sur la colline de Chiblak ou 
i'Àtchi Hicnui le site de 1 antique Mon. 



LA X A TU RE. 



185 



Cachi lui-même ne renfermait aucun objet archaïque, 
aucune trace d'habitation humaine. Ce n'est donc ni 
à liounar-Baelu, ni àChiblak, ni à Atchi-Kieum qu'il 
faut chercher la véritable Troie et la citadelle de Per- 
game. Voyons si nous serons plus heureux en por- 
tant nos investigations du côté de Ilissarlik, c'est-à- 
dire en nous laissant guider par la tradition popu- 
laire, les éciits des auteurs anciens les plus accrédi- 
tes, et principalement par les fouilles gigantesques 
exécutées à si grands frais et avec tant de zèle et 
d'intelligence par .M, et M" IC Sehliemann. 



Ici, indépendamment de l'autorité d'Homère, qui 
vivait environ 700 ans après la prise de Troie par 
les Grecs, nous avons encore celle d'IIcrodoie, de Xé- 
nophon, d'Arrieu, de l'hitarque, de Justin, qui tous 
s'accordent à placer l'Ilion d'Homère à Ilissarlik, 
c'est-à-dire à l'endroit où M. Sehliemann vient d'en 
retrouver les ruines ensevelies sous plusieurs cou- 
ches de ruines plus récentes. Dans l'une de ces 
couches, qui s'étend de sept à dix mètres au-des- 
sous du sommet de la colline, on trouve en effet des 
preuves incontestables d'un violcut incendie 1 , un 




Grandes cruches en terre cuite, trouvées dans les ruines de Troie (E. plan ci-contre;. 



palais, une double porte, située à l'occident de ce 
palais, une tours élevant à quelque distance de cette 
double porte, des symboles religieux (idoles et vases 
à figure de chouette, 'fka.uv.Mmc 'AÛvjvr,), enfin un tré- 
sor renfermant des objets qui, dans leurs moindres 
détails , répondent aux descriptions que nous en 
donne Homère. N'y a-t-ilpas là de quoi contenter les 
plus sceptiques et les plus exigeants? 

Commencées au mois d'avril 1870, les fouilles exé- 
cutées par M. Sehliemann n'ont été terminées qu'au 
mois d'octobre 1873. Elles l'ont donc occupé pen- 
dant trois années entières, et cela au milieu des plus 
grandes difficultés, quelquefois même sous l'immi- 
nence des plus grands dangers pour sa vie et celle 
des nombreux ouvriers, turcs ou grecs, qu'il em- 
ployait à ces travaux. 



Je passe à dessein sous silence les tracasseries que 
lui suscita et lui suscite encore aujourd'hui le gou- 
vernement turc", pour arriver aux résultats pré- 
cieux dont ces fouilles viennent d'enrichir la science 
du passé. 

l) r N. Jolv, de Toulouse. 

— La suite prochainement. — 

1 M. É. Burnouf fait remonter cet incendie au dix-septième 
siècle avant notre ère. L'existence d'Homère est po&térieurc 
de sept ou huit siècles à cet événement. 

* On lit dans Y Indépendance bcltje. juin 1874 : c La Cour 
d'appel d'Alliènesa ordonné, le 4 de ce mois (juin), la saisie 
des ol'jels antiques découverts en Troade par M. Sehliemann, 
et réclamés par le Musée de Constanlinople. Mais lorsqu'on 
crut apposer les scellés, tout avait disparu. La Porte a fait 
une protestation publiquj co.ilre l"ac(|uisition de ces objet 
par cession, achat ou donation, o 



iSG 



LA .NATLT.E. 



L'ASSOCIATION FRANÇAISE 

pour, l'avancement dks sciences. 

Session de Lille. 

SKANU-: iTotYEHTIJIlE (20 AOl.T 187»). — DISCOURS liE M. WURTZ. 

Le Congrès scientifique de Lille a été inauguré 
par un magnifique discours du président de l'Asso- 
ciation française. Nous publions quelques extraits 
de celte remarquable allocution : 

« François Bacon a conçu l'idée d'une société 
d'hommes voués au culte de la science. Dans sa Nou- 
velle Atlantide, où il décrit l'organisation de cette 
société et son influence sur les destinées d'un peu- 
ple sagement gouverné, il nous la montre s'élevant 
à la hauteur d'une institution d'Etat. Le progrès de 
la civilisation parlarecbercbe de la vérité, et la vérité 
reconnue dans l'ordre de la nature par l'expérience 
et l'observation, tels étaient le but proposé et le 
moyen mis en oeuvre. Ainsi, dans un siècle où régnait 
encore lo syllogisme et qui était loin d'être affranchi 
du joug de la scolastique, le chancelier d'Angleterre 
assignait à la science à la fois sa vraie mélbode cl sou 
rôle dans le monde. 

« Le plan de Bacon embrassait toutes les brandies 
des connaissances humaines, f.a terre était parcou- 
rue par une foule d'observateurs chargés les uns 
d'étudier les monuments du passé, la laneue, les 
mœurs, l'histoire des peuples ; les autres d'observer 
la configuration cl les productions du sol, de noter 
la structure superficielle du globe et les traces de 
ses révolutions, de recueillir toutes les données con- 
cernant la nature, l'organisation et la distribution 
des plantes et des animaux. Les sciences exactes 
étaient cultivées par d'autres hommes, fixés dans 
diverses régions. Des tours étaient construites pour 
l'observation des astres et des météores; de vastes 
édifices, disposes pour l'élude des lois physiques et 
mécaniques, recevaient les machines qui suppléent 
à l'insuffisance de nos forces, et les instruments qui 
ajoutent à la précision de nos sens et rendent sensi- 
bles les démonstrations abstraites. Ce labeur immense 
était continu, coordonné, contrôlé. 11 avait pour 
mobile l'abnégation personnelle, pour règle l'exac- 
titude, pour sanction le temps. Il était donc fruc- 
tueux. 

« Telle était l'idée de François Bacon. Observer 
toutes choses par la comparaison raisounée de ces 
observations, dévoiler les liaisons cachées des phéno- 
mènes et s'élever par induction à la découverte de 
leur nature intime et de leurs causes, tout cela en 
vue d'étendre l'empire de l'homme sur la nature en- 
tière et d'exécuter tout ce qui lui est possible, voilà 
le but qu'il nous a montre, voilà le rôle de la 
science - 

« Cette grande exploration de la terre, qu'il vou- 
lait institiiT, cette recherche patiente et exacte des 
lois de l'univers, cetle intervention mesurée de la 
science dans les choses de la vie et du monde, tout 



cela pouvait-il être l'œuvre de son temps ? Il le con- 
naissait trop bien pour oser l'espérer lui-même et 
c'est par cette raison sans doute qu'il a relégué le 
pays fortuné qui jouissait d'une si noble institution 
dans la solitude du grand Océan. 

« Ii y a trois siècles la conception de Bacon pou- 
vait passer pour une généreuse utopie. Elle est de- 
venue une réalité aujourd'hui. Ce magnifique pro- 
gramme qu'il traçait, alors, c'est le notre, messieurs, 
le nôtre non pas dans le sens restreint du mot, car 
j'étends ce programme à tous ceux qui dans les 
temps modernes et dans tous les pays s'adonnent à 
la recherche du vrai, à tous les artisans de la science, 
humbles ou grands, obscurs ou illustres, et qui for- 
ment en réalité, sur tous les points du globe et sans 
distinction de nationalité, cette vaste association que 
rêvait François Bacon. Oui, la science est aujourd'hui 
un champ neutre, un bien commun, placé dans une 
région sereine, supérieure à l'arène politique, inacces- 
sible, je voudrais pouvoir le dire, aux luttes des par- 
lis et des peuples : en un mot ce bien est le patri- 
moine de l'humanité. 11 est aussi la principale 
conquête de ce siècle, que mon illustre prédécesseur 
a qualifié avec tant de raison de siècle de la science. 

« Les générations modernes assistent en effet à un 
spectacle magnifique. Depuis cent ans l'esprit humain 
a dirigé un effort immense vers la recherche des phé- 
nomènes et des lois du monde physique. De là un déve- 
loppement surprenant de toutes les sciences fondées 
sur l'observation et sur l'expérimentation. Des idées 
nouvelles qui ont surgi de nos jours sur la coi rela- 
tion cl ia conservation des forces ont été comme une 
révélation pour quelques-unes de ces sciences. La mé- 
canique, la physique, la chimie, la physiologie elle- 
même y ont trouvé à lu fois un point d'appui et un 
lien. Et ce puissant essor des idées a été soutenu par 
le progrès des méthodes, je veux dire par l'exactitude 
plus attentive des observations, la délicatesse perfec- 
tionnée des expériences et la sévérité plus rigoureuse 
des déductions. Voilà les ressorts de ce mouvement 
qui entraîne les sciences et dont nous sommes le? 
témoins étonnés et émus. C'est pour le propager a 
loin dans notre pays que no-us tenons chaque aune' • 
ces assises où sont convoques tous ceux qui partici- 
pent ou qui s'intéressent à la lutte contre l'inconnu. 
La lutte contre l'inconnu, voil.'i la science; car si 
dans les lettres, il suffit de donner une expression et 
dans les arts un corps à des conceptions ou à des 
beautés éternellement déposées soit dans l'esprit 
humain, soit dans la nature, il n'en est pas ainsi 
dans les sciences, où la vérité est profondément ca- 
chée. Elle veut être conquise, elle veut être dérobée, 
comme le feu du ciel. 

« C'est de quelques-unes de ces conquêtes que je 
désire vous entretnir aujourd'hui, plein d'incerti- 
tude et d'appréhension devant une tache si grande. 
Pour répondre aux exigences de ma position et pour 
suivre de nobles exemples, votre président devrait, 
au début de cette session et des solennités qui inau- 
gurent notre jeune association, tracer le tableau des 



LA NATURE. 



187 



progrès accomplis dans les sciences, marquer eu quel- ' t 
ques traits saillants les routes diverses qu'elle a ré- 
cemment parcourues et les points culminants qu'elle 
vient d'atteindre. Je recule devant ce programme; 
s'il n'excède pas les forces de plusieurs de mes con- 
frères et sans doute de quelques-uns d'entre vous, 
il dépasse largement les miennes. Moins autorisé et 
moins hardi que ne fut Condorcet à la fin du siècle 
dernier, je n'aperçois que les contours et quelques 
plans lumineux de l'esquisse qu'il s'agirait de tra- 
cer, et pour la voir achevée, j'appellerai à mon aide 
ceux qui vont me succéder dans le poste honorable 
et pénlleux que j'occupe. 

« Je me bornerai donc, messieurs, à vous parler de 
ce que je sais ou de ce que je crois savoir, en appe- 
lant votre attention sur la science à laquelle j'ai 
voué ma vie. a 

Après cet exorde éloquent, où il a fait nettement 
Comprendra les efforts et les tendances de la science 
moderne, l'orateur trace d'une façon magistrale 
l'histoire rapide de la chimie, pour aborder la Théo- 
rie des atomes dans la conception générale du 
monde. M. Wurtz expose l'œuvre de Lavoisier, les 
vues hardies et profondes, de « ce maître immortel, » 
il passe en revue les travaux de Rerzelîus, les con- 
ceptions de Dallon qui rajeunit l'hypothèse des ato- 
mes, les belles études de MM. Dumas et Liebig sur 
les composés organiques, les idées nouvelles de Lau- 
rent et Gerhard t qui, pour la première fois, rappor- 
tent à un petit nombre de types les composés miné- 
raux et organiques que les chimistes ont pour mission 
d'étudier. M. Wurtz arrive ainsi peu à peu à exposer 
le tableau de la chimie atomique moderne, dont il 
est lui-même un des impérissables fondateurs. 

« La chimie, ainsi constituée, et la physique ont 
entre elles des rapports nécessaires. L'une et l'autre 
étudient les propriétés des corps, et il est évident 
qu'en ce qui concerne les corps pondérables, ces pro- 
priétés doivent être liées intimement à la constitu- 
tion de la matière. Dès lors l'hypothèse atomique qui 
satisfait à l'interprétation des phénomènes chimiques, 
doit s'adapter aussi aux théories physiques; il en est 
ainsi. C'est dans les mouvements des atomes et des 
molécules que l'on cherche aujourd'hui, non-seule- 
ment la source des forces chimiques, mais la cause des 
modifications physiques de la matière, des change- 
ment d'état qu'elle peut éprouver, des phénomènes 
de lumière, de chaleur, d'électricité dont elle est le 
support. Deux savants français, Dulonget Petit, ont 
découvert depuis longtemps une loi très-simple qui 
lie le poids îles atomes aux chaleurs spécifiques. On 
sait que les quantités de chaleur nécessaires pour 
faire varier d'un degré la température de 1 unité de 
poids des corps sont très-inégales. C'est ce qu'on 
nomme les chaleurs spécifiques ; mais les quantités 
de chaleur qui font éprouver aux corps simples, pris 
dans des conditions où ils sont rigoureusement com- 
parables,, les même variations de température, sont 
égales si on les applique, non pns à l'unité de poids, 
mais au poids des atomes ; en d'autres termes, les 



atomes de ces corps simples possèdent les mêmes 
chaleurs spécifiques, bien que leurs poids relatifs 
soient très-inégaux. Mais cette chaleur qui leur est 
ainsi communiquée, et qui élève également leur 
température, quelle est, en réalité, son mode 
«l'action? Elle augmente l'intensité de leurs mou- 
vements vibratoires. Les physiciens admettent en 
effet que la chaleur est un mode de mouvement, 
et qu'elle devient sensible à nos organes par le 
fait de vibrations de la matière atomique ou de 
l'éther; de l'éther, ce fluide matériel parfaitement 
classique, mais incoercible, impondérable et qui 
remplit toute l'immensité de l'espace et les pro- 
fondeurs de tous les corps. C'est au sein de ce fluide 
que les astres parcourent leurs orbites ; c'est au 
sein de ce même fluide que lesatomes exécutent leurs 
mouvements et décrivent leurs trajectoires. Ainsi 
l'éther, messager rayonnant de la chaleur et de la 
lumière, porte et distribue leurs radiations dans tout 
l'univers, et ce qu'il perd lui-même en énergie vi- 
bratoire, lorsqu'il pénètre dans un corps froid qu'il 
échauffe, il le communique aux atomes de celui- 
ci en augmentant l'intensité de leurs mouvements, et 
ce qu'il gagne en énergie au contact d'un corps 
qui se refroidit, il l'enlève aux atomes de ce dernier, 
diminuant l'intensité de leurs mouvements vibra- 
toires. Et de cette façon, la chaleur et la lumière 
qui viennent des corps matériels sont transmis fidè- 
lement à travers l'espace, et retournent aux corps 
matériels. Vous souvient-il à cet égard de cette parole 
queG<£the rnet dans la bouche du prince des ténèbres 
maudissant la lumière : « Elle est engendrée par les 
« corps ; elle est émise et portée [iar les corps, elle 
« périra avec eux. » Mais cet échange de forces qui 
circulent de l'éther aux atomes, etdes atomes à l'éther, 
doit-il se manifester toujours par des phénomènes 
calorifiques ou lumineux? (le lie force vibratoire qui 
est transmise par l'éther nu peut-elle pas être con- 
servée et comme emmagasinée parla matière ou ap- 
paraître sous d'autres formes? Elle peut être conser- 
vée comme affinité, dépensée comme électricité, 
transformée en mouvements dynamiques. » 

Arrivant à des considérations philosophiques éle- 
vées, M. Wurtz est bientôt en présence du grand 
principe moderne de l'équivalent mécanique de la 
chaleur, au moyen duquel il jette rapidement les 
yeux sur la fusion et la volatilisation des corps, sur 
la décomposition par l'action de la chaleur des mo- 
lécules constituées, phénomènes physiques qui w.it 
encore du ressort de l'hypothèse des atomes. L'ora- 
teur est conduit à envisager plus loin l'éther et la 
matière atomique, u ces deux sortes de matière qui 
forment l'univers; » il s'élève jusque dans les hautes 
régions du ciel, il jette les yeux sur l'imposant spec- 
tacle des soleils et des nébuleuses, guidé par l'ana- 
lvse spectrale qui lui montre partout les mêmes 
éléments et les mêmes atomes formant l'universalité 
des mondes. « Oui, les radiations émises par la ma- 
tière atomique incandescente qui constitue le soleil 
et les étoiles, sjnt aussi, pour la plupart, celles que 



188 



LA NATURE. 



font naître les corps simples lie notre planète; mer- 
veilleuse conquête de la pli" sîque, qui nous révèle 
tout ensemble l'abondance ' .es forces que nous en- 
voie le soleil et la simplicité de la constitution de 
l'univers. » 

Après avoir accordé un juste tribut d'admiration 
à la spectroscopie céleste, qui a dévoilé au génie 
humain la constitution du soleil, des étoiles et des 
plus lointaines nébuleuses, M. Wurtz rappelle, d'a- 
près les observations de M. Lockyer, que les éléments 
dont les atomes sont les plus légers, sont répandus 
dans les étoiles les plus chaudes, et que les métaux 
à poids atomiques élevés existent au contraire dans 
les astres les plus fioids. Les premiers éléments 
seraient- ils le résultat de la décomposition que les 
températures extrêmes feraient subir aux seconds? 
Seraient-ils tout à la fois le résultat d'une matière 
primordiale, inconnue, peut-être l'éther? C'est à 
quoi la philosophie naturelle ne peut répondre; mais 
à défaut de ces solutions peut-être trop audacieuses, 
sachons admirer les résultats immenses obtenus 
•dans notre grand siècle parla science expérimentale. 
Ce sentiment semble être celui de l'orateur, comme 
l'indique la péroraison de son discours. 

« Telles sont, messieurs, dit M. Wurtz après avoir 
fait le tableau de ces grandes victoires de la science 
u sur l'inconnu, » quelques-unes des conquêtes 
modernes de la chimie, de la physique, de l'astro- 
nomie plnsiquc, sciences si diverses dans leur objet 
et dans leur méthode, mais qui ont un fond com- 
mun, la matière, et un but suprême, la connaissance 
de sa constitution, de ses propriétés et de sn distri- 
bution dans l'univers. LU es nous apprennent que les 
mondes qui peuplent les espaces infinis sont laits 
comme notre propre système et entraînés comme lui 
et que dans ce grand monde tout est mouvement, 
mouvement coordonné. Mais chose nouvelle et mer- 
veilleuse, cette harmonie des sphères célestes dont 
parlait Pythagore et qu'un poète moderne a célébrée 
en vers immortels, se retrouve aussi dans le momie 
des infiniment petits. Là aussi, tout est mouve- 
ment, mouvement coordonné, et ces atomes dont 
l'accumulation constitue la matière ne sont jamais au 
■repos. Un grain de poussière est. peuplé de multitudes 
innombrables d'unités matérielles, dont chacune est 
agitée par des mouvements ! Tout vibre dans ce 
petit monde, et ce frémissement universel de la ma- 
tière, cette musique atomique» pour continuer la 
.métaphore du philosophe ancien, est quelque chose 
■de semblable à l'harmonie des mondes. Et if est-il 
pas vrai que l'imagination demeure également sub- 
juguée et l'esprit également troublé devant le spec- 
tacle de l'immensité sans bornes de l'univers, et 
devant la considération des millions d'atomes qui 
peuplent une goutte d'eau ? Ecoutez les paroles 
de Pascal : « Je veux, dit-il, lui peindre non-seule- 
« ment l'univers visible, mais l'immensité qu'on 
« peut concevoir de la nature, dans l'enceinte de 
« ce raccourci d'atome. Qu'il y voie une infinité 
■ « d'univers dont chacun a son lirmament, sa terre, 



« eu la même proportion que le monde visible. » 
Quant à la matière, elle est partout la môme et 
l'hydrogène de l'eau, nous le retrouvons dans notre 
soleil, dans Sirius, et dans les nébuleuses. Partout 
elle se meut, partout elle libre, et ces mouvements 
qui nous apparaissent comme inséparables de la ma- 
tière sont aussi l'origine de toute force physique et 
chimique. 

« Tel est l'ordre de la nature et à mesure que la 
science y pénètre davantage, elle met à jour, en 
môme temps que la simplicité des moyens mis eu 
œuvre, la diversité infinie des résultats Ainsi, à 
travers ce coin du voile qu'elle nous permet de sou- 
lever, elle nous laisse entrevoir tout ensemble l'har- 
monie et la profondeur du plan de l'univers. Quant 
aux causes premières, elles demeurent inaccessibles. 
Là commence un autre domaine que l'esprit humain 
sera toujours empressé, curieux d'aborder et de 
parcourir. Il est ainsi fait et vous ne le changerez 
pas. C'est en vain que la science lui aura révélé la 
structure du monde et l'ordre de tous les phéno- 
mHni>s : il veut remonter plus haut et dans lr* oou- 

viction instinctive que les choses n'ont pas en elles- 
mêmes leur raison d'être, leur rapport et leur ori- 
gine, il est conduit à les subordonner «à une cause 
première, unique et universelle, Dieu, n 



LE GRAND BARRAGE DU ML 

l'RÈS HU CAI E. 

Ce Iravail important, qui n'est généralement pas 
très-connu, est actuellement terminé. Les construc- 
tions ont été commencées eu 1843. Le grand barrage 
est situé à la tète du Delta, à environ 100 kilomètres 
d'Alexandrie et à 9 kilomètres du Caire. Le but à 
atteindre était d'élever les basses eaux du Nil de 
5 mètres; l'écoulement à cette époque étant d'en- 
viron 7,000 mètres cubes par seconde. 

Ce beau travail a le mérite de joindre un aspect 
grandiose et vraiment architectural, aune utilité de 
premier ordre, tant au poiut de vue de la navigation 
que de l'irrigation des campagnes avoisinantes. Les 
arches, dont notre giavure représente les proportions 
exactes, sont, comme on le voit, superposées. Elles 
ont 5 mètres de largeur ; l'épaisseur de chaque pile 
est de 1 mètres ; l'écoulement des eaux ettde niveau 
avec le haut JNil. 

Le mécanisme employé pour fermer les arches con- 
siste eu une porte à rainure en fer forgé, les deux 
poutres inférieures étant creuses et reliées par des 
tubes, de l'açcn qu'en y forçant de l'air, la porte en- 
tière puisse se lever. Les arches sont appuyées sur un 
lit en maçonnerie de 54 mètres de long, sur 4 mè- 
tres d'épaisseur au milieu et 8 mètres aux extré- 
mités. Les murs des quais et des vannes sont ap- 
puyés de la même manière sur maçonnerie. 

Tous ces travaux sonl terminés, comme le montre 
la gravure ci-contre, mais les canaux d'irrigation. 



100 



LA NATURE. 



orientaux et occidentaux, et la machine pour élever 
les eaux ducôlé de Damiette, ne sont pas tout à fait 
encore en état de fonctionner. Il est probable qu'ils 
nu tarderont pas à l'être, et il est certain, d'après 
les avis des hommes compétent?, qu'ils seront appe- 
lés à rendre de réels services dans un pays qui ne 
brille pas généralement par les grands travaux d'art, 
ni par les applications de la science. On compte 
beaucoup sur les fanaux d'irrigation pour fertiliser 
une campagne environnante, stérile et dénudée. : 
L'eau est en effet l'élément essentiel de la richesse 
du sol. 



CHROMQUK 

lie tremblement de terre d'Hong-Kong, et le 
typhon de Macao. — M. P. de Ttiicrsant, consul de 
France en Chine, un de nos correspondants et amis, ac- 
tuellement à Macao, nous envoie de très-curieux docu- 
ments sur une terrible secousse de tremblement de terre, 
nui a jeté la consternation à Uong-Kong. Le secousse a eu 
lieu à 9 h. 25 m. du malin, le 25 juin dernier, dans la 
direction du K.-lï. au S.-O. L'effet a été foudroyant. Les 
fenêtres étaient ébranlées, et se brisaient, les parquets el 
les maisons tremblaient avec violence. Une foule de per- 
sonnes se précipitaient hors de leurs demeures, frappées 
de terreur. Les GIlinois furent les premiers à comprendre 
la cause de l'événement, que les Européens attribuaient 
d'abord à l'explosion de la poudrière de Stone Cutters ; 
la baie de Hong-Kong fut suintement agitée, la mer devint 
houleuse, et, chose remarquable, la surface de l'eau se 
couvrit immédiatement d'une innombrable quantité de 
poissons., qui montèrent à h surface et disparurent aus- 
sitôt après la secousse. L'ébranlement ne dura pas pLis 
de 5 à 6 secondes, mais il fut, au dire de vieux habitants, 
aussi violent que d'autres secousses antérieures, dont les 
résultats avaient été tout à fait désastreux. M.deThicrsanl, 
après nous avoir donné ces curieux documents d'après le 
DdHeu Press de Hong-Kong, dans une lettre datée du 
2o juin 1874, nous parle d'un autre phénomène météo- 
rologique dont l'effet se fait surtout sentir à Macao. « Au- 
jourd'hui, nous dit-il, au moment où je vous écris, nous 
avons un typhon dont le centre ne doit pas être éloigné. 
Le vent est effrayant, épouvantable. — Que de sinistres 
nous allons piobablement apprendre dans quelques heu- 
res t — Restez en France, mon cher ami, notre pays, est 
ce qu'il y a de mieux dans le monde ! » 

Flaud. — M. Flaud, maire de Dinan et député des 
Côtes-du-Nord à l'Assemblée nationale, vient d'être en- 
levé à ses nombreux amis et à ses affaires par une mort 
inattendue. Il a succombé aux suites d'une fluxion de poi- 
trine, malgré les soins dont il a été entouré. Nous n'avons 
point à résumer ici la conduite politique de M. Flaud, qui 
a voté presque toujours avec le côté droit de l'Assemblée, 
mais qui B v enest détaché cependant clans quelques circon- 
stances importantes. M. Flaud, qui élaitûls de ses œuvres, 
avait créé à Paris une usine considérable dans laquelle on 
a fabriqué des canons pendant la guerre, et à Brest un 
établissement également remarquable. Il avait construit à 
Dinan des maisons d'ouvriers La source presque unique 
de sa fortune lut l'exploitation des inventions de M. Henry 
Giffard, d'abord de ses machines à haute pression, et en- 
suite de son célèbre injecteur automatique. C'est dans 



l'usine de M. Flaud, à l'avenue Suffren, qu'eurent lieu 
les ascensions du ballon captif de l'Exposition universelle. 
M. Flaud était d'un caractère très-serviable et tris-alfable. 
Il jouissait auprès de ses collègues d'une grande influence 
personnelle, et d'une grande popularité dans sa ville 
natale. 

I'ii apologue sur lest nodules» de phosphate de 
chaux français. — 11 y a quelques anné s, un voya- 
geur parcourait les environs de la ville de M..., dans le 
midi do la France ; il entre dans une ferme et remarque 
que les paysans mêlaient de petits raUloux à la litière des 
bestiaux. Il en demande la raison à l'un d'eux. 

Il apprend que, mélangés ainsi au fumier, ces cailloux 
donnent un excellent engrais. Le voyageur — un Anglais, 
l'Anglais de la légende — s'informe plus complètement et 
découvre que le département est plein de gisements de ces 
petits cailloux, qui n'étaient autre chose que du phosphate 
de chaux. Il obtient la possession d'une carrière et apporte 
dans le pays des capitaux qui font vivre la moitié des ha- 
bitants. 'Jous se moquent de lui en le voyant se donner tant 
de peine pour transporter au loin des pierrailles dont on ne 
sait qin» faire. Voici, lui, ce qu'il eu faisait : il les trans- 
portait à Bordeaux, et de là à Londres, ou elles étaient 
transformées en engrais, et voici maintenant où je voulais 
en venir: Depuis cette époque une grande quantité de ces 
« pierrailles » revient sous forme d'engrais au point do 
départ, dans la campagne même, des environs de la ville de 
M..., où les lions paysans les achètent fort cher, sans se 
douter qu'ils payent ainsi le transport de M... à Bordeaux, 
puis à Londres, puis de Londres à Bordeaux et de Bor- 
deaux à M..., d'une substance dont la matière première Se 
trouve chez eux. Ne vaudrait-il pas mieux qu'ils lissent eux- 
mêtne sur place la transformation du phosphate? Oui, n'est- 
ce pas! Cependant personne encore n'en a eu l'idée à \l..., 
ni ailleurs, el l'Anglais continue son petit commerce sans 
qu'on songe à lui faire concurrence. 

Cette histoire que raconte le Cultivateur n'est pas aussi 
exagérée qu'on pourrait lu supposer. Nous savons perti- 
nemment que semblable fait s'est accompli dans les ré-ions 
pyrénéennes, où de riches gisements de phosphate de 
chaux ont été achetés par des étrangers : les produits sont 
revendus en France après fabrication. 

ACADÉMIE DES SCIENCES 

Séance du 17 août 187 i. — Présidence de M. I'ehtoam). 

Observatoire d'astronomie physique. — On sait qu'ily a 
quelques mois l'Assemblée nationale fui saisie d'un projet 
de loi tendant à l'établissement, aux environs de Paris, 
d'un observatoire d'astronomie physique. Malgré l'impor- 
tance du sujet, nos législateurs, jugeant sans doute que la 
science marche trop vite chez nous, etayant peur de faire 
honte à l'étranger, repoussèrent le projet. Moins délicat 
pour nos voisins, le ministre n'a pas renoncé au plan pri- 
mitif; il se propose même de le remettre l'an prochain 
sous les yeux de la Chambre, et il se flatte de mieux réus- 
sir à cette seconde tentative qu'à la première. Aussi de- 
mande-t-il que l'Académie lui rédige un rapport motivé, 
contenant l'exposé des avantages que promettrait la nou- 
velle institution et l'indication des ressources nécessaires 
pour y atteindre. MM. Faye, Lœwy, Becquerel, Bertrand el 
Dumas sont indiqués comme membres de la commis- 
sion. 



LA NATURE. 



191 



Eaux sulfureuses. — Dans les galeries de captage des 
eaux sulfureuse* de Luclion se trouve une atmosphère ré- 
sultant du mélange de l'air ordinaire avec l'hydrogène 
sulfuré. M. le docteur Garrigou constate que le premier de, 
ces gaz, par son oxygène, brûle le second. Si la quantité 
d'air est considérable, la combustion est complète ; il se fait 
del'eau' .ue .'acide siili'urique qui, attaquant les parois de 
fjrani'.; des galeries, donnent des sulfates. Si, au contraire, 
l'a' ', est rare et stagnant, il su fait bien encore de l'eau, 
Liais le soufre, non brûlé, se dépose en nature sur les ro- 
ches. Ces faits rappellent, comme on voit, ceux que M. Du- 
mas a constates il y a bien longtemps aux bains sulfureux 
d'Aix. 

Argile et kaolin. — Poursuivant ses intéressants travaux 
sur la conslitution des argiles, M. Schloîsing montre au- 
jourd'hui que toules ces substances soumises à une léviga- 
lion convenablement conduile, fournissent, quelle que soit 
leur provenance, un véritable kaolin parfaitement pur. Ce 
kaolin résulte de la combinaison d'un équivalent d'alumine 
avec deux équivalents de silice et deux équivalents d'eau. 
Ces faits conduisent l'auteur à expliquer cette opération dite 
du pourrissage a laquelle on soumet la pâte à porcelaine 
avant de l'employer. Elle consiste simplement à abandon- 
ner la pale pendant très-longtemps dans un endroit hu- 
mide comme une cave ; les Chinois pensent que le pour- 
lissage doit durer cent ans. D'après M. Schlœsing il a 
pour effet de décomposer complètement les parcelles de 
feldspath qui peuvent exister dans le kaolin, et par consé- 
quent à amener la masse entière à présenter le même 
degré d'infusibililé au moment de la cuisson. 

Queue de la comète de Coggia. — M. le docteur Heiss 
{de Murutcr), qui est un des astronomes qui connaissent 
le mieux le ciel, a relevé jour par jour h situation de la 
queue de celte comète, depuis le 4 juillet jusqu'au 21 du 
même mois, moment où elle a disparu. Le 4 juillet elle 
avait G degrés de longueur, et successivement les jours sui- 
vants jusqu'au 18 : 7, 8, il, 10, 11, 13, 15, 24, 58, 47, 
li?», 70, 56 et 50 degrés. Sa forme générale était celle 
d'un cimelerre; mais elle se montra surtout par la tranche, 
parée que la Terre était extrêmement voisine du plan de 
son orbite. M. Heiss, qui a déterminé pour chaque jour la 
situation du Soleil, a reconnu que, dans le commencement, 
l'angle formé parla queue et le rayon vecteur prolongé 
était extrêmement petit. Cela est conforme à l'opinion ad- 
mise universellement, d'après laquelle la queue est située 
justement ài'opposite dusole.il par rapport au noyau. Mais, 
vers la fin, cet angle se moulre fort différent; au lieu d'èlrc 
de quelques degrés, il avait près de 150 degrés, et par con- 
séquent la queue semblait au contraire se diriger vers le 
soleil, ce qui renverserait toutes les théories cométaires. 
liais, comme M. Faye le fait remarquer, ce résultat si im- 
prévu peut s'expliquer de la manière la plus simple. Sup- 
posons dans l'espace le petit angle formé parla queue et la 
prolongation du rayon vecteur ; il est clair qu'on pourra 
lui donner toutes les situations sans que sa valeur change 
et même sans que son aspect, par suite de la perspective, 
varie beaucoup. Cependant si l'on suppose que la Terre 
pénètre à l'intérieur de cet angle, tout est changé, et, si elle 
se trouve exactement dans son plan, il pourra apparaître 
avec 180", c'est-à-dire sous l'aspect d'une simple ligne 
droite. 11 n'aura cependant pas changé de valeur pour cela, 
et la théorie coniétaire reste sauve. Or, les calculs mon- 
trent que pour la comète Coggia ce cas extraordinairement 
rare s'est cependant présenté ; cet astre était d'ailleurs de 
dimension fort ordinaire, et, s' il nous a paru si beau, c'est 



que sa distance périhélie se trouvait à peu près égale au 
rayon de noire orbite. 

Tabac et phylloxéra. — IN'ous avons mentionné le pro- 
cédé de destruction du phylLoxera proposé par M. Portier 
et consistant dans le semis du tabac entre les ceps. 
M. Nauilin fait remarquer que cette méthode avait déjà été 
indiquée, et qu'on peut, pour échapper aux difficultés fis- 
cales, remplacer le tabac par ses congénères ou par d'au- 
tres solanées comme la belladone. 11 ajoute même que le 
chanvre réalise les mêmes effets d'une manière tout à fait 
inespérée et en apportant pour sa part les profits qui s'atta- 
chent à sa cuilure. 

Mécanisme de la rumination. — Suivant M. Chauveau, 
professeur de l'École vé'.crinaire de Lyon, la rumination 
Durait lieu de la manière suivante l'animal ayant fermé la 
glotte, un viderelitif se fait dans la poitrine, l'œsophage 
se distend et aspire ainsi les aliments fluidifiés contenus 
dans le rumen et dans le réseau. Mais ceci est une hypo- 
thèse; il faut le vérifier. C'est alors que, justifiant l'adage 
qui dit : « On a souvent besoin d'un plus petit que soi, » 
le sort veut que ce qui n'est pas fait par .M. Chauveau lui- 
même soit réalisé par son assistant, M. Toussaint. Celui-ci 
imagine d'appliquer la méthode graphique à l'élude du 
phénomène trop rapide pour être observé directement, et 
il arrive par un dispositif très-ingénieux à confirmer plei- 
nement, d'une manière palpable, les hypothèses de 
M. Chauveau. 

Le lac Triton. — Ce pauvre lac Triton n'a pas de chance 
et M. Uoudaire non plus. Après M. Fucbs, voici aujour- 
d'hui M. Cosson qui vient attaquer le projet avec loute la 
force de sa haute expérience. Celui-ci regarde l'entreprise 
comme impraticable; mais, allant plus loin, il ajoute que 
suivant lui sa réalisation serait funeste. Elle stériliserait le 
pays par les concrétions salines qui s'y formeraient, de l'aveu 
même de M. Roudaire ; elle rendrait inutilisable l'eau si 
précieuse de la nappe artésienne qui s'étend à 3 mètres 
de profondeur dans toute la pùgion orientale du désert; 
enfin elle modifierait le climat de façon à rendre impos- 
sible la culture, aujourd'hui si productive, du dattier. 
M. Cosson termine in espérant que l'expédition géodésique 
projetée sera cependant menée à bonne fin, et voudrait 
qu'un géologue, un naturaliste et un archéologue y fussent 
adjoints. Stanislas Meunier. 

LES tiLOBIGÉRiNES 

Notre figure représente sous un très-fort grossis- 
sement un être microscopique, dont les légions 
innombrables peuplent le fond des mets. 

Blanchi, Soldant, Walkcr, Fichtol, Moil, d'Orbi- 
gny, Ilœckcl ont découvert par des recherches d'une 
patience infinie, que ces petits êtres étaient les créa- 
teurs de corpuscules solides, de leurs coquilles, que 
l'on trouve en certains endroits dans le sable de la 
mer. Ce fut, sur la grève de l'Adriatique que les 
singulières et minuscules coquilles de ces animaux 
se rencontrèrent en telle quantité que Bianchi affirme 
qu'il y en a environ 6,000 dans 30 grammes de 
sable ! 

D'Orbignya été bien plus loin encore, puisque dans 
30 grammes de sable pris aux Antilles, il ne compta 
pas moins de 3,840,000 coquilles; ce qui fournit, 



492 



LA SATURE. 



pour un simple mètre cube, un nombre qui dopasse 
tout ce qu'on peut se figurer ! 

D'Orbigny fut le raugeur de cette classe d'êlrcs si 
extraordinaires. Il leur donna le nom de Foramini- 
feres, c'est-à-dire porte-trous, parce que non-seule- 
ment les petites coquilles offrent un grand nom- 
bre de pores qui s'ouvrent à l'intérieur, mais les 
chambres diverses dont elles sont la plupart du 
temps composées, communiquent entre elles par des 
pores analogues. 

Or les nnimaux vivants furent découverts au fond 
de plusieurs mers et l'on reconnut que leur corps 
e>t formé d'une gelée transparente, remplissant les 
chambres dont nous venons de parler, communiquant 
par les pores extérieurs des divisions. Ils jouissent de la 
singulière pro- 
priété d'émettre 
par chacun des 
poresextéricurs 
do la coquille 
des filaments 
capillaire», très- 
longs, flex ueux, 
de forme indé- 
terminée, in- 
cessamment 
variables , dia- 
phanes, sembla- 
bles à du verre 
filé, et rayon- 
nant autour de 
l'animal. 

Mais, ce qui 
t."-l plus extra- 
ordinaire, c'est 
que ces fila- 
ments, aux- 
quels on a donné 
le nom de Pseu- 
dopodies, ne 
sont point des 
organes spé- 



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que tout à l'heure il a filé des tentacules et un réseau 
pour arrêter sa proie, de même il va composer, avec 
la même substance — qui est, en définitive, celle de 
son être ! — un pied large et prenant, au moyen du- 
quel il va ramper lentement à la surface des corps, 
dans la direction (pii lui sera utile. Puis, le besoin 
de translation satisfait, le pied, comme les ten- 
tacules de tout à l'heure, va rentrer dans la masse 
commune et s'y éteindre sans traces!... 

Cette étonnante organisation, si complexe dans sa 
simplicité, si extraordinaire même dans su naïveté, 
n'a pas manqué d'inspirer à tous les observateurs 
une véritable stupéfaction ; l'esprit demeure con- 
fondu devant des solutions si imprévues et si admi- 
rablement simples des problèmes les plus compli- 
qués , puisque 
chasse, locomo- 
lion, nutrition, 
•out repose sur 
les fonctions 
d'une m è m e 
matière, amor- 
phe, inorgani- 
sée ù nos yeux! 
Ces réflexions 
n'ont point, 
échappé à Mo- 
quin - Tandon 
i pi and il se pose 
à lui-même ces 
qu estions que 
nous lui em- 
pruntons, mais 
que nous ne 



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... 

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Uobig-eYine vivante avec sus p.seudqiodies rayonnantes. 



pas de résoudre, 
à propos des or- 
ganes transi- 
toires et spon- 
tanées que se 
zvée le Forain i- 
nifère : 



ciaux, ce sont tout simplement des portions de l'in- 
dividu filées par le pore comme par une filière, et 
qui cependant se meuvent en divers sens et ont une 
grande vivacité. On voit l'animal s'en servir autant 
pour ramper que pour saisir sa proie! 

Ainsi la Globigérine que nous représentons ici 
a faim : elle s'entoure d'une zone de pseudopodies, 
rayonnant aussi loin que possible; aussitôt qu'un 
corpuscule destiné à la nutrition de l'animal se trouve 
à leur portée, les filaments isolés et vibrants s'ana- 
stomosent entre eux de cent façons ; ils constituent 
à l'instant un réseau aux mailles changeantes qui 
pousse le corpuscule nutritif dans la gelée mince 
iormant le corps de l'animal. C'est là qu'il va être 
absorbé. 

Le plus souvent, quand il n'a plus faim, le l'ora- 
lmuifère rentre ses pseudopodies et demeure immo- 
bile, mais qu'il veuille changer de place, de même 



La volonté d'une fonction à remplir a donné le pou- 
voir de créer un organe. Et dire que l'homme, mal- 
gré la perfection de son intelligence, n'a pas le pri- 
vilège de faire naître un tout petit cheveu ! Comme 
c'est humiliant ! » 

Ce n'est pas tout encore. On est porté à attribuer 
au contact de ces bras redoublés et anastomosés une 
vertu stupéfiante, une propriété quelconque, électri- 
que ou autre, agissant sur les petits animaux qu'ils 
touchent, et qui, vivants, semblent foudroyés!... Ne 
sont-ce pas là d'admirables et extraordinaires précau- 
tions de la nature pour assurer la conservation et la 
nutrition d'un tout petit être qui nous semble d'une 
bien minime importance et qui joue cependant un 
grand rôle dans la création. 



Le Propriétaire-Gérant : G. Tissasdieu. 



Cohuuil. — Ivp. et stér. de Culte. 



&• 65 - 29 AOUT 1874. 



LA NATURE. 



193 



LES ANABANTIDÉS 

Le curieux Anabas, poisson à respiration aérienne, 
■qui rampe aussi bien à travers les plain:s qu'il nage 
au sein des fleuves, se trouve pour la premiî re fois 
à l'état vivant en France, ^ràee aux soins de notre 



habile pisciculteur M. Carbon nier. Au premier coup 
d'oeil, les Ânabantidés, dans la famille desquels sa 
place le singulier Anabas, sont les poissons les moins 
ext r airdinaires; il faut en ouvrir la tète pour voir 
l'organe sp'cinl dont ils sont munis et qui leur donne 
des mœurs toutes particulières, puisqu'il leur per- 
met, comme nous venons de le dire, de conserver 




L'anabas rampant sur le sol et respirant à la surface de l'eau. 



fort longtemps la vie en dehors de leur élément ordi- 
naire, et de présenter une double, vie, aquatique et 
aérienne. 

Les Anabantidés habitent les eaux douces de 
l'Inde et des archipels voisins, ainsi que la partie 
méridionale de l'Afrique. Ils aiment à vivre dans les 
rivières, les petits ruisseaux et les étangs qui assè- 
chent facilement; ils se plaisent dans les eaux bour- 
beuses chargées de couferves et privées d'air, lis 'y 



î* année 



2* sfiiifslrr. 



mourraient s'ils n'étaient construits pour y humer 
l'air atmosphérique en nature, à la surface, et pour 
ne se servir de l'eau que comme d'un milieu dans 
lequel ils changent de place commodément. 

Quand les rayons du soleil ont desséché la rivière 
ou l'étang, quand ils ont enlevé la dernière humi- 
dité, l'Anabantidé fuit ! Il quitte ce qui fut sou ha- 
bitation, et, poisson, se met à ramper à travers la 
campagne, à la recherche de l'eau qui lui manque ! 

13 



19i 



LA NATURE. 



Pendant plusieurs jours, plusieurs semaines, plu- 
sieurs mois même, assure-t-on, il marche ainsi, 
guidé sans doute par un instinct particulier. 

D'après les expériences de M. Francis Day, faites 
aux Indes, les Anabanlidcs meurent quand ils sont 
privés de l'accès de l'air atmosphérique, tout simple- 
ment parce qu'ils ne peuvent pas vivre seulement 
d'air obtenu de l'eau : la respiration aérienne leur 
est indispensable. Singuliers poissons, que l'on tue 
en les empêchant de sortir rie l'eau ! 

De chaque côté rie la tête, au lieu d'être dures et 
rigides comme chez les autres poissons, les deuxième 
et troisième arcades pharyngiennes des Ànabantidés 
se développent en lames fines, minces, contournées, 
dressées et enchevêtrées avec des lames semblables 
s'élevant du crâne, dans une cavité formée pour 
contenir cette sorte de frise. Cette chambre, placée 
au-dessus des branchies ordinaires, est contîguc aux. 
yeux, et tapissée d'une membrane vasculaire que 
parcourent de nombreux vaisseaux sanguins. 

Cuvier avait cru que cette cavité labyrinthiforme 
était un réservoir d'eau que l'animal emportait plein 
avec lui et qui servait à humecter lentement ses 
branchies placées au-dessous. Il n'en est rien. La 
cavité crânienne ne contient jamais d'eau, mais a 
seulement une surface sécrétant une certaine humi- 
dité où l'air est maintenu par la respiration. Cet air,, 
après avoir servi à cet objet est rejeté par la bouche 
et non avalé, car il devrait être rendu alors par 
l'extrémité des voies digestives. 

Si on tient le poisson dans l'eau et qu'on l'empê- 
che de venir à la surface, avaler de l'air atmosphé- 
rique, Corinne il le fait habituellement, l'appareil 
labyrintlii forme s'emplit d'eau qui ne peut plus en 
sortir puisque les parois ne possèdent aucun carac- 
tère contractile. Or, comme il n'existe aucun moyen 
de le vider, l'eau se charge d'acide carbonique et no 
peut plus oxygéner le sang de sorte que la totalité 
de la respiration doit se faire par les branchies. 

Rien n'est plus curieux, plus intéressant que la pro- 
gression de ï'Aiiabas que l'on retire de l'eau et que 
l'on abandonne à lui-même sur le sol. Par sa forme 
générale ce poisson rappelle un peu une perche mai- 
gre. Il porte à la naissance de la queue, sur chaque 
côté, une tache noire. Dès que cet animal est sur le 
sol il ferme sa bouche et ses opercules ; aucune con- 
traction ne s'y fait plus voir, aucun battement. Alors 
par un mouvement général, toutes les nageoires se 
dressent; les pectorales s'étendent comme deux pe- 
tits bras, le poisson s'appuie dessus et au moyen de 
coups de queue donnés à droite ou à gauche, aidé 
sans doute par une propulsion inférieure obtenue par 
la nageoire anale, il progresse assez vite en faisant 
aller ses bras alternativement l'un après l'autre, d'ac- 
cord avec le fouettsment de sa queue. 

Ce mode de progression, saisissant pour le spec- 
tateur qui l'observe, est évidemment dû, non plus aux 
efforts désordonnés d'un poisson mis à sec, mais aux 
mouvements coordonnés d'organes, détournés cepen- 
dant de leur destination normale. 



D'après Duldorff et Bloch, et d'autres observa- 
teurs, les Anabas auraient pu monter aux arbres 
à plus de deux mètres pour trouver sur les feuilles 
l'eau nécessaire à leur respiration. Ces récits ont 
souvent excité l'incrédulité des naturalistes. Ce- 
pendant, l'un de nos amis nous a raconté que 
M. TJacourt, du Muséum, lui a dit avoir tué un 
poisson analogue, d'un coup de fusil, dans un 
arbre. En face d'une semblable affirmation nous 
n'avons plus à rappeler que le vrai ne paraît pas tou- 
jours vraisemblable. Ce qui semble beaucoup plus 
facile à expliquer, c'est (pie ces petits poissons — ils 
n'ont pas plus de 0",16 à m ,20 de longueur — 
savent, quand ils ne peuvent ou ne veulent aller à la 
recherche de l'eau à une trop grande distance, se 
cacher, s'enfouir dans la vase desséchée et y de- 
meurer engourdis. De sorte que si de l'eau revient 
tout à coup dans ce creux par un orage, leur réap- 
parition subite peut faire croire qu'ils sont tombés 
du ciel. 

Il n'en faut pas tant pour acquérir, aux yeux des 
peuples grossiers et naïfs qui habitent les pays où 
vit l' Anabas, une foule de vertus plus fantasti- 
ques les unes que les autres. C'est sous le prétexte 
de ces vertus que l'Anabas est consommé en assez 
grande quantité, quoique sa chair soit fade et pleine 
d'arêtes ; mais les femmes sont persuadées qu'il a 
la vertu d'augmenter leur lait, et les hommes qu'il 
excite leurs forces : il n'en faut pas tant pour le 
rendre populaire ! 

Qu'il nous soit permis en terminant de donner la 
classification des Anabantidés. 

Quatre espèces, jusqu'à présent, sont arrivées vi- 
vantes en France et, grâce aux soins et à la science 
de M. Carbon nier, ont pu être maintenues en bonne 
santé; nous les marquerons par un astérisque dans 
les groupes. 

Premier groupe. — Caractéristique: Bouche de 
grandeur moyenne, dents au palais, c'est-à-dire sur 
le vomer seulement et sur les os palatins ou sur les 
deux à la fois. Genres : Anabas* , Ctenopome et Spi- 
robranches. 

Deuxième groupe. — Caractéristique: Bouche 
petite, pas de dents au palais. Genres : Polyacanthc, 
Macro} iode* , Orphromène* , Trich opus, Tr ichops is * , 
Trichogaster , Betla. 

Troisième groupe. — Caractéristique ; Bouche 
transverse très-petite, dents mobiles attachées sur 
des lèvres protractiles. Genre : Heloctome. 

Le rang dans lequel nous rangeons ces groupes 
pour en constituer une famille est très-probable- 
ment incorrect, ainsi qu'on le reconnaîtra; car si 
nous voulons examiner les degrés de relations de ces 
groupes ensemble, nous sommes obligés de réunir 
les deux premiers qui contrastent trop avec le troi- 
sième, lequel représente les plus grandes déviations 
de la forme typique. Les espèces des deux premières 
sections ont d'ailleurs les arcades operculaires armées 
sur leur tord concave de dents et de tubercules, 
tandis que la dernière est désarmée et n'a qu'une 



LA NATURE. 



105 



simple membrane vasculaire. Tout cela prouve que 
le caractère séiial choisi n'est pas suffisant dans cette 
famille, et qu'il faudra trouver mieux lorsqu'on la 

II. DE LA Bl.AMCHÈriE. 



connaîtra davantage. 



LES GÉNÉRATIONS SPONTANÉES 

NOUVELLES EXPÉRIENCES DE M. ONIMCS. 

La lutte des adversaires et des partisans des géné- 
rations spontanées serait-elle appelée à se produire 
de nouveau sur la lice des tournois scientifiques? 
Apres les célèbres discussions des Needham et des 
Spallanzani, et plus récemment des Pasteur, des 
Pouchet et des .loly, verrions-nous un nouveau com- 
battant se présenter les armes à la main ? M. Oninius 
vient en effet d'entrer dans le champ clos, solide- 
ment appuyé par un puissant renfort de bonnes ex- 
périences. 

M. Onimus a fait construire un appareil très- 
simple : c'est un bullon de verre, dont le col est 
muni d'un bouchon en caoutchouc que traversent trois 
tubes métalliques. Les deux premiers se terminent à 
l'extérieur parmi robinet maintenant le vide, et par 
un cylindre de 0"',07 de longueur que l'on peut rem- 
plir de coton ou d'amiante. Le troisième tube est en- 
core terminé par- un robinet à l'extrémité duquel est 
fixé un trocart, construit de telle sorte que l'entrée 
de l'air dans le tube est absolument interdite, 
v M. Onimus a préalablement introduit dans le 
b.dlon 500 grammes d'eau, additionnés de 2 gram- 
mes de phosphate d'ammoniaque et de 0s r ,050 de 
sel marin; il soumet à l'ébullition la solution ainsi 
formée, et les robinets étant ouverts, la vapeur d'eau 
s'échappe à l'extérieur; elle chasse l'air du ballon 
et des tubes, en même temps que la chaleur détruit 
tous les germes qui pourraient exister. Quand l'ébul- 
lition a été suffisamment prolongée, ou ferme les 
robinets ; le vide se forme dans le ballon et se main- 
tient parfaitement, ce qui prouve que l'appareil est 
hermétiquement fermé et que l'air extérieur n'y pé- 
nètre pas. 

Quand le système a repris la température du mi- 
lieu ambiant, le trocart est chauffé et introduit di- 
rectement dans la veine cave ou dans le cœur d'un 
lapin. Le robinet auquel le trocart est adapté est ou- 
vert; grâce au vide qui a été fait dans le ballon, le 
sang s'y précipite, sans avoir subi le moindre con- 
tact avec lair. Quand ou a recueilli de celte façon 
quelques gouttes de sang, le robinet est, fermé. 
M. Onimus a pu remplacer le sang par du blanc 
d'oeuf, en ayant soin de n'opérer que sur des œufs 
frais et absolument intacts. La coque est d'abord 
lavée avec de l'eau acidulée et l'endroit où se fait la 
piqûre du trocart est recouvert de collodion, qui 
en s'évaporant empêche l'accès de l'air, par la pel- 
licule imperméable qu'il laisse en ré.-idu. 

Le ballon d'expérience, contient ainsi du sang ou 
de l'albumine, qui n'a pas subi le coutactde Pair. 11 



reste à mettre ces substances en présence d'un air 
dépouillé des germes qu'il peut contenir. Cet air, 
M. Onimus le fait arriver dans le ballon, en lui fai- 
sant traverser les deux autres tubes, remplis d'une 
épaisse couche de coton cardé ou d'amiante; L'ex- 
périmentateur ne se borne pas à celle filtration, il 
l'accompagne de l'aclion de la chaleur. Il chauffe les 
deux tubes remplis de coton, afin d'être plus certain 
de la destruction des germes. 

M. Onimus se trouve avoir de lu sorte, dans un 
espace clos, des substances albuminoïdes n'ayant 
éprouvé aucune altération, un liquide qui a été privé 
de ses germes par l'ébullition, de Pair enfin qui a 
été filtré sur du coton, et soumis à une température 
élevée. 

Nul germe extérieur n'a pu pcuétrer dans le ballon 
nul germe intérieur n'a pu y subsister ; cependant 
après un espace de temps de quelques jours, M. Oni- 
mus aflirme qu'eu soumettant le liquide emprisonné 
à l'inspection microscopique, il y a vu des animal* 
cules, des vibrions et des bactéries. 

Ces organismes vivants, se développent plus lente- 
ment que dans un liquide semblable laissé au cou-» 
tact de Pair normal ; ils ne sont pas aussi nombreux, 
ils sont plus pâles et moins mobiles, mais ils se sont 
développés, et ils existent. Voilà lepoint essentiel des 
nouvelles expériences de M. Onimus. D r Z... 



LES RUINES DE TROIE 

ET LE TUÉSOR DU 1501 PRIAM. 

DÉCOUVERTES RÉCENTES DU D r SCHLIEMANM. 

(Suite. — Voy. p. 181.) 

Les ruines amoncelées, dans la série des âges, sur la 
colline de Ilissarlik, forment six couches superposées, 
comme des étages géologiques : les quatre premières 
appartiennent aux temps préhistoriques; les deux 
autres, plus récentes, nous rappellent l'existence de 
la colonie grecque qui, vers Pan 70U avant Jésus- 
Christ, fonda un nouvel Ilion, devint plus tard colo- 
nie gréco-romaine, et enfin disparut du sol qu'elle 
occupait. 

De l'examen attentif de ces couches, il résulte 
que, 1° antérieurement à l'arrivée des Grecs-Iliens, 
quatre populations préhistoriques, pour ne pas dire 
quatre nations différentes par leurs mœurs et leur 
degré de civilisation, se sont succédé sur l'emplace- 
ment de Ilissarlik. 

2° De cet examen résulte encore la certitude, que 
pendant de longs siècles, des maisons bâties avec des 
briques crues s'élevèrent sur les ruines (épaisses de 
4 à 6 mètres), formées d'énormes blocs de pierre non 
équarris, qui avaient servi à la construction des de- 
meures les plus anciennes. 

5° Que, pendant des siècles encore, des maisons 
construites avec des pierres reliées entre elles par 
une terre argileuse, se superposèrent à celles en bri- 



iOG 



LA NATIHtE 




ques non cuites, dont la surface, durcie nu feu, 
porte le-» indices d'un violent incendie 1 . 

A Que, sur les débris de ces maisons de pierre, 
s'élevèrent des 
maisons deboi 5 , 
qui furent brû- 
lées à leur tour, 
et sur les ruines 
desquelles fu- 
rent assises les 
habitations eu 
pierre cimentée 
à la chaux, qui 
ont Appartenu 
à la colonie 
grecque. II n'est 
donc pas éton- 
nant que toutes 
ces ruines réu- 
nies aient formé 
une couche 
épaisse de 14 à 
16 mètres au- 
dessus du sol 
primitif de la 
colline où fui 
Troie. 

a II semble, 
dit M. Emile 
Burnouf, il sem- 
ble qu'entre l'é- 
poque ancienne 
ut rétablisse- 
ment de la co- 
lonie grecque, 
celle des Iliens, 
au septième siè- 
cle , il se soit 
écoulé un long 
espace de temps 
pendant lequel 
ce lieu est de- 
meuré désert. 
De même, après 
la destruction 
de rilion gréco- 
romain , SOUS 
Constance H, la 
colline a cessé 
d'être habitée; 
on ne trouve à 
la surface au- 
cun reste by- 
zantin ni mo- 
derne, Yoilà 
donc i ,500 ans 
que la colline d'Uion est une solitude. Un homme 
et une femme sont venus y camper il y a trois ans, 

1 C'est dans les couches qui vont de 7 à 10 mètres, à pana- 
de la surface, que JI. leD'Sthlieuiann a trouvé les vraies ruims 



._ =__=-- " 

v - - . 



Vases de cuivre trouvé! dans les ruines de Troie. 




Vases d'or et d'éleclrurit, avec deux lingots, trouvés dans les ruines de Troie. 



et ont rjmis au jour un passé qui semli's se perdre 
dans la nuit des temps. » 

Les ossements humains trouvés dans les couches 

préhistoriques 
sont peu nom- 
breux, à raison 
de l'usage alors 
généralement 
répandu de la 
crémation des 
cadavres, ainsi 
que nous l'ap- 
prend Homère. 
Cependant le 
D r Schliemann 
a trouvé sous 
les ruines d'une 
maison incen- 
diée, située à 
13 mètres de 
profondeur , le 
squelette assez 
bien conservé 
d'une femme 
qui , dans sa 
fuite, avait été 
victime de l'in- 
cendie: le crâ- 
ne, malheureu- 
sement brisé , 
portaildesdents 
d'une remar- 
quable peti- 
tesse. Une ba- 
gue, trois pen- 
dants d'oreille 
et une gros.-u 
épingle en or 
pur, trouvés au 
milieu des os du 
squelette por- 
tent des traces 
non équivoques 
de la forte cha- 
leur à laquelle 
ces objets ont 
été soumis. Un 
autre crâne de 
femme, trouvé 
sur la tour , à 
8 mètres de pro- 
fondeur , était 
renfermé, avec 
beaucoup de 
cendres et quel- 
ques os passa- 
blement conservés, dans une urne de 70 centimètres 



de Troie et le trésor du roi Prïam. Avec le peuple auquel ap- 
pn tient la couche de 2 à 4 maires, cessent les temps préhis- 
toriques cl com.ncucc la colonisation des Grecs-Uicus. 



LA NATURE. 



137 



«.Ici hauteur sur au- 
tant de largeur. Ce 
crâne avait, comme 
le précédent, appar- 
tenu à une Tro venue 
jeune encore; l'urne 
contenait aussi une 
épingle à cheveux en 
bronze. 

Mai s la découverte, 
.«ans contredit , la 
plus remarquable, 
est celle du squelette 
d'un embryon hu- 
main de siv mois, 
trouvé dans une urne 
troyenne de couleur 
noire et formée 
d'une terre sembla- 
ble à celle des vases 
étrusques. Cette 
u rue renfermait aussi 
les cendres d'une 
femme qui était 
morte pendant sa 
grossesse, ou plutôt 
après un part pré- 
maturé. Son cadavre 
avait été brûlé, et 
son enfant avait été 
mis avec les cendres 
de la môre, dans 
l'urne sépulcrale où 
le docteur Schlie- 
maiin l'a découvert. 
Dans une maison 
bâ'ie sous la tour 
d'Ilion (7 à 8 mètres 
au-dessous de la sur- 
face) , le même sa- 
vant a recueilli une 
assez grande quan- 
tité d'os et deux 
crânes humains pins 
ou moins intacts. Ces 
crânes appartenaient 
à des guerriers morts 
sur les lieux mêmes ; 
car leurs tètes étaient 
encore coiffées du 
castjue destiné à les 
protéger , et ces cas- 
ques, quoique brisés 
par le temps, ne nous 
permettent pas moins 
d'admirer une fois 
de plus l'exactitude 
des desci'i olions que 
lions en i données 
l'auteur de l'Iliade. 




Il est à regret: er 
que l'on ne trouve 

pas, dans l'ouvrage 
du savant antiquaire 
américain, desdétails 

anatomiqu.'splus cir- 
constanciés au sujet 
des crânes et des 
squelettes qu'il a eus 
sous les yeux. Mais, 
à en juger par les 
photographies qu'il 
eu a données , ces 
débris appartiennent 
à un beau type or- 
thognalhe et de race 
aryenne. C'est tout 
ce que nous pouvons 
eu dire jusqu'à ce 
qu'ils aient été sou- 
mis à un examen 
plus attentif et plus 
approfondi. 

ARMES ET IN- 
STRUMENTS m I'iEilllE 
ET EN METAL. 

La présence de 
nombreux instru- 
mentsen silex et l'ab- 
sence presque com- 
plète des métaux 
dans les couches les 
plus profondes des 
ruines entassées sur 
la colline de Ilissarlik 
pourraient faire pen- 
ser, au premier 
abord, 'pie nous som- 
mes ici en plein âge 
de pierre, vers la lin 
de la période néoli- 
thique , et très -pro- 
bablement, en effet, 
nous n'en sommes 
pas bien loin. D'un 
a utre côté, les cornes 
et les outils en 
bronze, les bijoux en 
or et eu électron ([iw 
nous trouvons en 
abondance au milieu 
des couches troyen- 
nes, associés à de 
nombreux instru- 
ments en silex, nous 
prouvent incontesta- 
blement que les plus 
anciens Troyens con- 
naissaient le cuivre, 



108 



LA NATURE. 



qu'ils savaient l'allier à 1 etain, pour en former le 
bronze 1 ; que leurs artistes travaillaient avec goût 
l'or, l'argent, peut-être même le fer (du moins le 
fer météorique) , lequel était certainement connu 
des Lydiens qui fondèrent la colonie grecque d'Ilion. 

Le.mélangedes armes et des outils en cuivre, même 
doré, avec des armes et des outils en pierre ne sau- 
rait donc nous empêcher de rapporter à l'âge de 
bronze la civilisation troyenne, et probablement à 
l'âge de fer, rétablissement de la colonie grecque 
des liions sur les hauteurs de Ilissarlik. 

Chose singulière, mais parfaitement constatée par 
M. Schliemann, les silex ouvres les plus anciens sont 
presque toujours mieux travaillés que ceux qui se 
trouvent dans les couches supérieures, et surtout 
dans celle qui provient de la ville aux maisons de 
bois incendiée et saccagée par la colonie grecque des 
Iliens. La même observation s'applique aux objets 
métalliques, ainsi qu'aux poteries, comme si, pen- 
dant toute la période préhistorique dont nous nous 
occupons, l'art et la civilisation avaient fait des pas 
rétrogrades au lieu de progresser. 

Du reste, les armes et les instruments en métal 
reproduisent à peu près, seulement avec un peu plus 
de fini, la forme des armes et des instruments li- 
thiques. 

Enfui, en jetant un coup d'œil, même très-rapide, 
sur les armes et les ustensiles en pierre, en argile, 
en os ou en métal exhumés des couches préhistoriques 
de la colline troyenne, on ne peut qu'être surpris 
de l'analogie grande et souvent de la ressemblance 
parfaite de ces objets avec ceux de la même 
époque qui ont été trouvés dans les régions du 
globe très- éloignées de Hissarlik (en France, en 
Danemark, sous les ruines de Winive et de Baby- 
lone), tant il est vrai que l'homme semble possé- 
der partout un même instinct industriel, et en sui- 
vre partout l'impulsion. De là, la similitude des 
produits en présence des mêmes besoins à satisfaire 
et des mêmes matériaux à employer. 

Nous voyons en outre, d'après le travail si fini du 
silex, de l'os, de l'ivoire, du bronze, de l'argent et 
de l'or, dont les nombreux échantillons ont été remis 
au grand jour par le docteur Schliemann; nous 
voyons, à en juger par l'élégance de leurs poteries 
ou de leurs va^es métalliques, que les peuples pré- 
historiques qui se livraient à ce travail, notammeut 
les sujets du roiPrîam, étaient déjà très-avancés dans 
les arts et dans la civilisation. Ce fuit d'ailleurs nous 
est parfaitement confirmé par les descriptions qu'Ho- 

1 M. Schliemann avait d'abord pensé que la foule d'objets 
trouvés par lui, sous les ruines de Truie et des villes qui ont 
succédé à cette dernière, étaient de cuivre; les analyses toutes 
récentes de M. Damour ont prou c que ces objets étaient en 
bronze. 

Yojci le résultat de deu de ces analyses, faites sur deux 
haches de combat, faisant partie du trésor de Piiarii : 



Hache n" 1, poids du métal ciam., 0,28G6' 



0,282 l 



Hache n* 2, — 



O,29j0" 



cuivre = 0,2710] 
étaiu =0,1)1 10 j 
, cuivre = 0,2673, 
[ Hain = 0,02o;>| ' 



mère a faites de ces objets, et |>ar les sentiments, 
souvent si délicats, qu'il prête à ses héros ou à ses 
héroïnes (sacrifice d'Iphigénie, adieux d'Andro- 
maque et d'Hector , e£c, etc.). 

D p N. Jo.v, de Toulouse. 

— La suite prochainement. — , 

LE DÉPARTEMENT HYDROGRAPHIQUE 

DE L*AMIRAUTÉ ANGLAISE. 

Le département hydrographique de l'Amirauté est 
de création relativement récente puisqu'il ne remonte 
pas au delà de 1795. Les renseignements recueillis 
jusqu'à cette époque dans les admirables expéditions 
de Cook, de Vancouver et de tant d'illustres naviga- 
teurs avaient été mis en œuvre par eux-mêmes; ou 
comprit enfin combien il serait désirable de centra- 
liser dans un établissement spécial les documents 
originaux et les cartes qu'il serait alors facile de 
corriger, de compléter et de tenir à. jour. I.e pre- 
mier hydrographe fut Alexandre Dalrymple, qui avait 
longtemps voyagé pour la compagnie des Indes. Il 
occupa ce poste jusqu'en 18Û8 ; à cette époque les 
lords de l'Amirauté voyant qu'aucune carte n'avait 
été fournie aux bâtiments, qu'aucune expédition de 
reconnaissance n'avait été entreprise, lui en témoi- 
gnèrent leur mécontentement en nommant à sa 
place le capitaine Ilurd. C'était le moment de la 
guerre contre la France, on dut déployer une acti- 
vité excessive pour satisfaire aux besoins de la navi- 
gation. C'est à dater de cette époque que les cartes 
furent régulièrement délivrées aux bâtiments en 
partance et dressées suivant la destination de cha- 
cun. 

Le département compte aujourd'hui un hydrogra- 
phe, sept auxiliaires officiers de la marine royale, 
un auxiliaire civil employé au service du pilotage, 
uti écrivain, un surintendant des compas avec un 
auxiliaire, un surintendant des cartes, six dessina- 
teurs et quatre hommes de service, en tout vingt- 
trois personnes. Les dépenses sont fixées par le 
vote n° 5, qui comprend le département hydrogra- 
phique à White-llall, le service d'exploration flottant, 
les observatoires de Greenwich et du cap de Bonne- 
Espérance, l'établissement du Nautical almanach et 
d'autres branches moins importantes du service 
scientifique. Le budget total était, d'après le vote 
n° 5, de 120,357 livres sterling pour l'exercice 
1861-1862 et seulement de 107,790 livres sterling 
pour celui de 1873-74. Le chapitre: bâtiments delà 
marine en croisière hydrographique montaità 72,860 
livres sterling en 1861-62 et seulement à 62,678 
livres sterling eu 1873, réduction misérable de 
10,000 livres qui produit les plus déplorables résul- 
tats. 

Les croisières sont faites par des bâtiments de 
guerre spécialement arrimés pour cet usage ou par 
de petits bâtiments qu'on loue dans ce but, cette 



LA NATURE. 



199 



tlernicio méthode a été prise par mesure d'économie. 
Il n'y a en ce moment que quatre bâtiments de l'Etat 
armés, ce sont la Porcupine, p' tit bâtiment à va- 
peur, croisant sur les côtes anglaises et commandé 
par le staff commander Parsons ; le Shearwater, ca- 
pitaine Wharton et le Nassau, commandé par le 
lieutenant F.- J. Gray ; ces deux derniers envoyés 
sur les côtes orientales d'Afrique, grâce aux repré- 
sentations de sir Bartle Frère, enfin la Sylvia qui 
doit achever la reconnaissance hydrographique du Ja- 
pon. 

Outre ces bâtiments de guerre on compte huit bâ- 
timents loués OU équipages loués pour ces expédi- 
tions. Ils sont employés à relever les côtes austra- 
liennes de Victoria, de Queen'sland, de l'Australie 
méridionale et occidentale. Ces colonies tantôt four- 
nissent le bâtiment, tantôt paient une partie des dé- 
penses; un autre bâtiment, sous les ordres du lieu- 
tenant Llewellyn Dawson, faitl'hydrographie des côtes 
de la Nouvelle-Guinée. Enfin, deux navires font des 
sondages dans les Indes occidentales ou Antilles et 
vers Terre-Neuve taudis qu'un dernier relève les côtes 
d'Ecosse. 

Le nombre des officiers de marine employés est de 
4^, qui se décomposent de la manière suivante : deux 
capitaines, un commander, sept lieutenants, douze 
staff commander s, quatorze navigating lieutenants 
(chargés du point et des observations sur les cou- 
rants) et douze sous-heutenanls. 

Le département hydrographique a pour devoir 
d'accomplir des reconnaissances exactes de toutes les 
parties du globe visitées par les bâtiments anglais, 
de rédiger et de publier des instructions nautiques 
qui doivent accompagner les cartes, de préparer les 
tables annuelles des marées et la liste de tous les 
phares du monde, de prendre connaissance de tous 
les journaux de bord des bâtiments de l'Etat, de ras- 
sembler, compiler et publier aussi rapidement que 
possible tous les avis de dangers, toutes les notices 
hydrographiques, enfin de corriger les cartes d'après 
les informations les plus réeenles. Il doit aussi four- 
nir à tous les bâtiments delà marine des cartes, des 
chronomètres, des almanachs nautiques et faire en 
sorte que le commerce ne manque jamais de cartes. 
On se fera une idée de" cette dernière besogne lors- 
qu'on saura que 400,000 exemplaires des cartes de 
l'Amirauté sont vendus par an au public ou aux 
gouvernements étrangers, en plus de ce qui est fourni 
à tous les bâtiments de l'État, et que 21,000 exem- 
plaires du Nautîcal almanaçh sont annuellement 
vendus. Ou compte 450 boîtes contenant chacune en 
moyenne 5 à 400 cartes en constante circulation 
pour les besoins de la marine et \ ,000 chronomètres 
voyagent constamment entre l'Observatoire royal et 
les bâtiments de la marine. 

Une des tâches les plus importantes, incombant 
au département, qui demande une extrême minutie 
et entraîne une immense responsabilité, c'est la vé- 
rification des compas de route de tous les bâtiments, 
vérification qui doit se faire non-seulement lorsqu'ils 



sont armés pour la première fois, mais à chaque 
voyage. 

Le surintendant des cartes, est le staff commander, 
T.-A. IIull, excellent dessinateur et praticien distin- 
gué. La gravure sur cuivre des cartes a longtemps 
été confiée à la maison Walker qui a également gravé 
les planches de l'atlas de l'Inde; ce travail est aujour- 
d'hui confié à trois maisons de commerce. Les plan- 
ches sont déposées dans les caves de l'Amirauté, à 
White-IIall, au nombre de 2,700 estimées à 170,000 
livres sterling. Ou calcule qu'une soixantaine sont 
ajoutées par an à ce stock, duquel il eonvientde dis- 
traire un certain nombre de planches vieillies. L'im- 
pression est confiée â la maison Malby et fils, où sont 
enfermées dans une pièce à l'épreuve du feu les 
planches dont l'usage est le plus fréquent. 

L'Amirauté n'a qu'un seul agent, M. Pot ter, pour 
la distribution et la dispersion des cartes, lequel, à 
son tour, a des sous-agents dans tous les principaux 
ports de l'Angleterre et des colonies. Sur les ventes 
qu'il fait le trésor perçoit encore 0,000 livres par 
an. 

Nous nuirons en regrettant que des vues d'écono- 
mie aient restreint le nombre des croisières et des 
voyages d'exploration. Il n'en serait aucun plus utile 
que le voyage au pôle Nord qui, en même temps 
qu'il endurcit les matelots, est pour les officiers et 
les observateurs une excellente école riche eu leçons 
toujours variées, en expériences et en découvertes 
pour ainsi dire infinies. Le changement de ministère 
nous avait fait concevoir l'espérance que le gouver- 
nement se déciderait enfin à envoyer une expédition 
dans ces régions glacées, expédition réclamée par 
tout ce que l'Angleterre compte de marins habiles, 
de savants distingués, par tous ceux en un mot que 
touche le progrès des sciences. 

G .\ mu ei. Marcel. 

LES PROGRÈS ET LES 

APPLICATIONS DE L'HÉLIOGRAVURE 

Nous avons déjà parlé des merveilles obtenues par 
laphotoglyptie, qui transforme le cliché photogra- 
phique en une planche de plomb, où les ombres et 
les clairs, mis en creux et en relief, permettent de 
tirer des épreuves à l'encre gélatineuse dans une 
presse spéciale 1 . Le problème de l'héliogravure s'est 
signalé depuis plusieurs années par d'autres progrès 
importants, que nous avons étudiés avec soin, et qui 
sont dignes de fixer l'attention. En perfectionnant 
les belles méthodes d'héliogravure dues à Poitevin, 
plusieurs opérateurs émérites sont actuellement par- 
venus à faire entrer dans le domaine de la pratique 
un art qui n'avait jusqu'ici fourni que des épreuves 
isolées. 

M. Rousselon, l'habile directeur de l'établisse- 

1 La Nature, \" scmestri: 1874. - - La pltotoglyplie, p. 103. 



20U 



LA NATURE. 




ment pi lOloglyp tique 
d'Asnièrcs, produit 
aujourd'hui des 
épreuves de photo- 
gravures remarqua- 
bles au point de vue 
artistique. MM. Gou- 
pil et C e ont aune) é 
à leur établissement 
phologlyptiqued'As- 
nières un bel ate- 
lier d'héliogravure 
qui fonctionne sui 
une. vaste échelle 
cl reproduit d'une 
façon industrielle 
un très-grand nom- 
bre de gravures en 
taille-douce. D'après 
un auteur fort ex- 
pert, M. Monck ho ven, 
M. liousselon aurait 
un procédé particu- 
lier pour obtenir, sur 
la gélatine Lichro- 
matée insolée et la- 
vée , un grain parti- 
culier , sous l'in- 
fluence d'une . cer- 
taine substance qui 
donnerait naissance 
à ce grain sous l'ac- 
tion de la lumière. 
Co grain se repro- 
duirait sur le plomb, 
dans la presse hy- 
ùraulique ; par la 
galvanoplastie on au- 
rait une planche qui 
pourrait être tirée 
comme la taille- 
douce. Nous laissons 
à M. Monckhoviii la 




h«j>roduciiou de dentelles anciennes par l'héliogravure. 

-cspon.sibiJilé de telle descrip- j pialique et sciculi/ique , 1 



tjoii. flous lerons re- 
marquer que Prestch 
a déjà obtenu l'effet 
de granulation par 
la lumière, en mélan- 
geant la gélalineavec 
de la gomme. 

Quelle que soit la 
méthode emplovée , 
les résultats obtenus 
sont dignes de notre 
admiration. 

Si l'héliogravure 
moderne soulève 
quelques contesta- 
tions pour l'illustra- 
tion des livres, faite 
directement d'après 
des estampes, elle 
n'en suscite aucune 
dans son emploi 
étonnant pour la re- 
production des gra- 
vures anciennes, des 
manuscrits, et sur- 
tout pour les res- 
sources incompara- 
bles qu'elle fournit 
à la science , à la 
géographie et à lu 
cartographie. Plu- 
sieurs éditeurs font 
du reste , aujour- 
d'hui, un grand usage 
de ces méthodes; et 
MM. Firmin Didot 
notamment ont pu- 
blié des ouvrages 
illustrés de gravures 
photographiques 
d'un grand mérite. 

Au point de vue 
héliogravure rend de 



LA NATURE. 



201 



grands services à la science, à l'art de l'ingénieur, à 
la .reproduction des manuscrits, à la géographie et 
r» ta cartographie. Les résultats que l'on obtient, 



nous ne craignons pas de le dire, touchent parfois à 
la perfection ; nous avons visité l'établissement.-de 
H. Dujardin, qui s'adonne spécialement à la repro- 




Spccimen Je gravure hvliographique. — Réduction d'une eau-forte de l'iranése 



duction des cartes, des lavis, etc., et nous avons pu 
nous rendre comp.te de l'importance des méthodes 
employées. 

Donnez comme modèle à M. Dujardin une bonne 



épreuve d'une carte géographique; il vous remet Ira 
une planche sur acier, sur cuivre ou sur zinc. H 
vous donnera, si vous le voulez, une planche d'acier 
qui dépasse de beaucoup en grandeur tout ce qui 




Réduction liéliographique d'une gravure de Callot. 



avait été fait avant ses travaux. La planche obtenue ' du siège de Paris , dont la longueur est de 24 ceu- 

pourra être plus grande ou plus petite que le modèle; j timèlres; elle est la réduction d'une grande carte 

je n'insiste pas sur ce point capital, qui est le carac- trois fois plus longue. Les caractères qui l'entourent 

tère le plus utile et le plus pratique de l'héliogra- sont si fins qu'il faut une loupe pour les lire; avec 

vure. Nous avons sous les yeuxune carte historique le verre grossissant, on met eu évidence leur netteté 



202 



LA NATURE. 



extraordinaire. Nous avons encore sous la main une 
autre carte de grande dimension ; elle provient d'une 
planche; héliographique, faite d'après un modèle beau- 
coup plus petit. C'est le tour de force précédent ren- 
versé. On n'ignore pas ce que coûterait de temps, de 
soins et d'argent, la réduction d'une carte par les 
procédés ordinaires de gravure. On sait aussi que, 
malgré l'habileté de l'artiste, il y aura toujours 
quelques reproductions infidèles, quelques lettres 
oubliées, quelques erreurs inévitables dans un si 
gran.l travail! Avec l'héliogravure, on a la repro- 
duction complète, absolue, rapide et à bon marché. 
On a à volonté une planche en relief pour les tirages 
tvpographiques, ou en creux pour les tirages en 
taille-douce. Le cliché, dans le premier cas, coûtera 
deOfr. 08 à fr. 12, et dans le second cas, de 
fr. 15 à 1 fr. par centimètre carré. Une carte d'Eu- 
rope de 2 m , 50 de longueur, faite sur une planche 
d'acier, d'après un modèle quatre fois plus petit en 
surface, tirée en 19 feuilles, a été livrée au prix de 
2,500 IV. y compris l'acier. Elle a été faite en six se- 
maines*, a ver. les procédés ordinaires, elle n'aurait 

pas été peut-être aussi bien exécutée; son prix eût 
atteint environ 20,000 francs, et il aurait fallu plu- 
sieurs années pour l'exécuter. 

Les nouveaux procédés d'héliogravure ont déjà 
trouvé, comme ou le voit, des applications nom- 
breuses; il ne leur en manquera pas encore dans 
l'avenir. Ils sont usités par l'Ecole des chartes 
pour la reproduction des manuscrits, par les in- 
génieurs et les architectes pour la réduction ou 
l'agrandissement de leurs dessins, par la Banque 
de Belgique et de la Banque de France, pour 
l.i fabrication des billets. L'ancien procédé de fa- 
brication des billets de banque consistait à faire 
une planche de gravure par les méthodes ordi- 
naires et à opérer le tirage sur un cliché galvani- 
que. Mais le cliché galvanique offre de graves incon- 
vénients. Il fournit tacitement 50,000 épreuves, ce 
qui suftit, il est vrai, la plupart du temps; mais si 
uu tirage de 500, 000, je suppose, est nécessaire, on 
est obligé d'employer un grand nombre de yalvanos. 
Or, ceux-ci, qu'on le sache bien, ne sont jamais iden- 
tiques les uns avec les autres ; le cuivre déposé par 
l'action de la pile doit être étamé, il est soumis àdes 
dilatations ou à des contractions sous l'influence de 
la chaleur que nécessite cette opération. 11 est ar- 
rivé que la gravure des billets de banque offrait des 
inégalités appréciables. En outre, il faut arrêter le 
tirage après avoir obtenu 50,000 exemplaires ; cela 
nécessite, pour la continuation postérieure, une nou- 
velle mise en train, c'est-à-dire une perte de temps, 
et par conséquent, des frais. Dans le cours de l'an- 
née 1872, on a usé à la Banque de France près de 
4,000 clichés galvanoplastiques ! Grâce à la gravure 
photographique, on fait dessiner à la plume un grand 
billet de banque de 0"',60 de longueur, on le réduit 
par l'héliogravure, on obtient une planche d'acier 
qui peut fournir un tirage de 600,000 à 800,000 
exemplaires! Cela permet d'avoir une production 



I double avec le même personnel et le même outillage. 
I Un semblable procédé pourrait s'employer pour la 
! reproduction du Grand-Livre. Nous avons eu le mal- 
1 heur d'assister à des événements qui nous ont dé- 
montré qu'il pouvait y avoir en France des mains 
assez coupables pour détruire ce registre de la for- 
tune publique. L'héliogravure en assurerait une re- 
production facile et absolument authentique. 

La gravure photographique produit surtout des 
clichés en taille-douce, mais elle donne aussi des cli- 
chés typographiques ; dans le premier cas les épreu- 
ves sont parfois d'une finesse qui dépasse ce que l'on 
obtient par tous les genres de travail actuels. 

Dans le second cas les épreuves sont moins fines, 
mais elles sont cependant souvent très -satisfais an tes 
quand on a choisi un bon modèle. 

L'héliogravure en relief est très-usitée aujour- 
d'hui pour la reproduction rapide de dessins, de gra- 
vures et de prospectus; MM. Yves et Barret, de trè*- 
habiles opérateurs, nous ont fait voir un catalogue 
du magasin du Louvre, reproduit en quelques jours 
et de trois dimensions différentes. Chaque page du 
modèle fournissait trois planches du format de- 
mandé. Dans le cas de grande hâte, et quand la 
beauté typographique n'est pas nécessaire, l'hélio- 
gravure est très-avantageuse. Il n'y a pas de compo- 
sition, les corrections sont inutiles, et les erreurs 
ne sont pas possibles. 

On conçoit facilement l'importance de ce mode de 
reproduction qui joint l'exactitude de la photogra- 
phie à la beauté et à l'inaltérabilité de la gravure, et 
qui permet d'agrandir le modèle ou de le diminuer 
à volonté. 

Les spécimens que le lecteur a sous les yeux ont 
été très-habilement exécutés par MM. Yves et Barret. 
La première gravure est une reproduction d'une eau 
forte de Piranè e, dont la longueur était de 0'",'21 ; 
la deuxième gravure héliographique a été réduite 
d'après uu des chefs-d'œuvre de Callot, tirés des 
Misères de la Guerre de ce grand artiste. La lon- 
gueur du modèle était de 0"',18. Les planches de 
gravures primitives étaient en creux, et nécessitaient 
un tirage dit eu taille-douce ; celles que fournissent 
l'héliogravure sont en relief, et peuvent être tirées 
en typographie. 

Grâce à l'héliogravure, il est possible de re- 
produire directement certains objets, comme la gui- 
pure, les dentelles, etc. Quel mode de gravure 
pourrait donner l'image des deux belles dentelles an- 
ciennes, dont nous publions ci-contre deux planches 
héliographiques? Ces dentelles ont été étalées sur 
un fond noir, photographiées, et le cliché obtenu, a 
été mis eu relief sur métal, de telle façon que la 
planche produite a pu être intercalée dans notre 
texte. Nous ne pouvons reproduire ici des gravures 
héliographiques en creux, mais nous devons ajouter 
qu'elles donnent des résultats bien plus remarqua- 
bles encore et qui ne laissent rien à désirer. 

Ainsi, pour la reproduction de certaines estampes, 
des gravures, des cartes, des autographes, des an- 



LA NAÏURE. 



203 



ciens manuscrits, pour leur agrandissement ou leur 
réduction, le problème de la gravure photographique 
dont on se préoccupe depuis l'apparition de l'art de 
Daguerrc peut èlre considéré comme résolu. L'hélio- 
gravure va-t-elle au delà? S'applique-t-elle aux pho- 
tographies exécutées d'après nature? Parmi les ten- 
tatives lei plus remarquables, nous citerons celles 
de M. Rousselon, de M. Durand, de M. Dujardin et 
de M. Ilostein qui, par le procédé Thiel et C", est 
arrivé à des résultats remarquables. Nous avons vu 
de ce dernier opérateur des vues de monuments, 
dont les épreuves ont été tirées à l'encre grasse; 
elles offrent l'aspect des photographies d'où elles 
proviennent. Ces habiles operateurs ont obtenu d'ail- 
leurs des gravures héliographiques représentant des 
paysages, des monuments, et même des portraits 
d'après nature; si l'épreuve obtenue n'est pas encore 
parfaite, elle est assez belle pour laisser entrevoir un 
succès complet dans un avenir peut-être proche. 

Quand il en sera ainsi, le monument de la photo- 
graphie aura reçu son couronnement. L'art de I)a- 
gnerre sera complet lorsque les épreuves, obtenues 
d'après nature, auront rempli les deux conditions de 
l'inaltérabilité et de la multiplication indéfinie. 

Gaston Tissa s dieu. 

L'ASSOCIATION FRANÇAISE 

pour l'avancement des sciences. 

Session de Lille. 

(Suite — Voy. p. 180) 

Le discours que M. "Wurtz a prononcé à l'ouver- 
ture du Congrès et dont nos lecteurs ont pu appré- 
cier les élévations d'idées, tant dans sa partie philo- 
sophique que dans sa partie technique, a été accueilli 
par des applaudissements unanimes. L'auditoire 
était nombreux, et on y remarquait quelques-uns de 
nos plus illustres savants, parmi lesquels je vous 
citerai JIM. de Quatrefages, liroca, Cari Vogt, de Ge- 
nève ; Lehardy de hVaulieu, membre du parlai eut 
belge, elc. C'est dans la grande salle de l'Hôtel de 
Ville que la séance d'inauguration a eu lieu sous 
la présidence de M. Catel-Béghin, maire de Lille. 
MM. Wurtz et Kuhlmanu étaient à côté de l'hono- 
rable magistrat; le général Clinchant, comman- 
dant la division militaire de Lille, était également 
assis au bursau. M. Catcl-Béghin, dans une allocu- 
tion rapide, a parlé des efforts que la ville de Lille 
avait toujours faits pour se tenir au niveau du pro- 
grès scientifique et industriel. M. Laussedat, secré- 
taire général de l'Association, a résumé les travaux 
du dernier Congrès de Lyon ; certains passages de 
son discours, où il était question des désastres ré- 
cents de la France, ont été salués avec une émotion 
profonde. M. Laussedat a termine son compte rendu 
par quelques belles paroles que nous reproduisons : 
« On a dit depuis longlcmps, avec une certaine 
mélancolie, que les hommes se laissaient mener par 



des phrases et se taisaient tuer pour des mots. Et 
sans doute, messieurs, et nous aurions mauvaise 
grâce à nous eu plaindre, car ce qui élève l'homme 
au-dessus de la brute, c'est d'une part le sacrifice 
volontaire et de l'autre le langage qui est l'expres- 
sion de la pensée et des sentiments. Tout consiste 
donc à bien choisir les mots pour lesquels on veut se 
dévouer. Nous avons arboré ceux de science et de 
patrie, parce que nous croyons à la force bienfaisante 
et irrésitible de la science et que nous sommes péné- 
trés de nos devoirs euvers la patrie. 

« La science, a dit un éminent physicien et philo- 
ce sophe de ce pays ami, si dignement représenté 
« parmi nous au moment où je parle, la science, di- 
« sait l'excellent QuéLelet, est la grande puissance 
« devant laquelle tous peuvent s'incliner sans humi- 
« liation, et les savants n'ont pas le droit de s'enor- 
« gueilhr, mais le devoir de répandre la science et 
a ses bienfaits. » 

« La patrie, et j'emprunte cette définition à l'un 
« des plus profonds penseurs de ce siècle, à Lamcn- 
« nais, la patrie, c'est la mère commune, l'unité 
« dans laquelle se pénètrent et se confondent les 
« individus, c'est le nom sacré qui exprime la fusion 
« volontaire de tous les intérêts eu un seul intérêt, 
<i de toutes les vies en une seule vies éternellement 
« durable. » 

a En inscrivant sur notre drapeau ces deux nobhs 
mots de science et patrie, nous nous sommes engagés 
à servira la fois l'une et l'autre ; nous avons proclamé 
notre foi dans la France, qui s'est tant honorée par 
la culture des sciences. Quoi qu'il arrive, nous con- 
serverons cette foi ardente, inébranlable, nous la 
léguerons à nos enfants, et en dépit de la nouvelle 
morale prêchée ailleurs, et qui fait si peu d'honneur 
à l'apôtre et à ses disciples, nous leur enseignerons, 
comme nos pères nous l'ont enseigné, le respect de 
la justice et de la vérité, l'horreur de l'hypocrisie 
et le mépris de la force, quand elle n'est pas au ser- 
vice du droit. » 

Après M. Laussedat, M. G. Masson a lu un rapport 
sur les finances de l'Association française; il résulte 
de ce qui été dit par l'honorable trésorier que les 
ressources provenant des souscriptions annuelles, 
n'ont pas cessé de croître, et que cette année il a été 
possible de faire face à des dépenses d'environ 
50,000 francs. 

« Ces dépenses, vous le voyez, a dit M. Masson, 
sont dès à présent importantes et nous ne pouvons 
que souhaiter de les voir s'accroître encore, puisque 
toutes ont un but élevé ; laissez-nous donc, en ter- 
minant ce compte rendu, vous demander d'aider, par 
une propagande active, à rendre bientôt notre bud- 
get l'égal de celui de l'Association britannique, qui 
dispose chaque année d'une somme deux fois plus 
considérable. » 

Après la séance, les membres de l'Association se 
sont retirés dans Jours sections respectives; ils ont 
nommé leurs bureaux et organisé leurs travaux. 

Le soir, le maire de Lille a reçu les membres du 



20 i 



LA NATU11E. 



Congrès, et cette première journée restera certaine- 
ment gravée dans le souvenir de tous ceux qui ont 
pu y prendre part. 

Nous avons trop de détails à vous donner sur les 
excursions scientifiques , sur les communications 
remarquables des membres du Congrès, sur les con- 
férences qui ont été faites, pour parler en détail des 
fêtes et des recopiions. Disons toutefois que le Con- 
grès de Lille restera comme une date importante 
dans l'iiistoire do la science. 

— La suite prochainement. — 

LE DICTIONNAIRE DE CHIMIE 

DE M. AD. WUllTZ. 

Ce livre considérable, qu'il n'est plus nécessaire de 
recommander aujourd'hui se continue de jour en 



jour. La librairie llacbctle vient d'en publier un 
nouveau fascicule ; il termine le troisième volume 
d'une œuvre qui formera le tableau complet de 
la chimie moderne. — Nous empruntons aux par- 
ties récemment publiées de ce grand dictionnaire 
la description de quelques appareils nouveaux et 
intéressants, qui ont attiré dans ces derniers temps 
l'attention des chimistes. 

MM. Girard et de La ire, qui figurent au nombre 
dos collaborateurs de M. Wurtz, passent en revue la 
nouvelle industrie du Phénol, dont la production 
récente est devenue si importante; ils en montrent 
l'extraction, du goudron de bouille, et parlent d'un 
appareil remarquable qui permet de séparer le phé- 
nol de ses homologues supérieurs, avec lesquels il 
se trouve mélangé. Cet appareil sert encore à séparer 
l'aniline et la toluidine. Il se compose d'une grande 
cornue G d'une contenance de un mètre cube envi- 




Fig. 1. — Appareil de distillation du phénol. 



roil (fig. 1); la tubulure supérieure a, communique 
avec le serpentin en plomb K, placé dans une bâche I, 
portant un thermomètre. Cette bâche peut contenir 
de l'huile ou du phénol pur; dans ce cas, elle com- 
munique elle-même avec un serpentin réfrigérant IV, 
et le phénol distillé est recueilli après chaque opé- 
ration dans la bâche. 

« L'appareil, disent MM. Girard et de Laire, est 
chargé avec le mélange de phénol et de ses homolo- 
gues; la bâche est remplie de phénol pur. On com- 
mence par chauffer d'abord la cornue ; les phénols 
entrent en éhullition, passent par les tubulures dans 
le serpentin horizontal, se condensent et retombent 
en totalité dans la cornue, et cela jusqu'à ce que la 
température de la bâche ait atteint celle de l'ébulli- 
tion du phénol. On facilite et on abrège cette opéra- 
tion en chauffant directement la bâche par le second 
foyer vers le point d'ébullitiou du phénol, mais on 
arrête le feu avant que l'on ait atteint cette tempé- 



rature. II passe une petite quantité de carbures que 
l'on condense. Le thermomètre de la bâche con- 
tinue ù monter et à indiquer bientôt un point fixe, 
le phénol seul alors passe à l'ébullition. Aussitôt que 
le thermomètre de la bâche monte, il faut clringcr 
de vases sous les serpentins condensateurs, le ther- 
momètre continue à monter et indique bientôt un 
nouveau point fixe ; on a atteint la température du 
cresylol ; on change de vase et recueille ce dernier. 
Le phénol contenu dans la bâche passe alors en grande 
quantité à la distillation. C'est pourquoi il est sou- 
vent plus avantageux de se servir d'huile ou de p t- 
rafine ; dans ce cas, on l'ait communi|uer la bàclie 
par un tuyau avec la cheminée afin d'enlever les 
vapeu-s. Cet appareil permet de séparer très-facile- 
| meut le mélange de phénol et de cresylol. » 

Depuis 185 G les emplois thérapeutiques du phénol 
se sont multipliés et généralisés, de telle sorte que 
sa consommation est devenue considérable et que sa 



LA NATURE. 



205 



production nécessite, comme on le voit, de véritables 
appareils industriels. 

Un autre appareil très-curieux se trouve décrit 
dans l'excellent article Phosphore écrit par M. E. 
Kopp ; c'est celui qu'a imaginé M. Mitsclierlich pour 
rechercher le phosphore dans les cas d'empoisonne- 
ment. La présence du phosphore libre dans les ma- 
tières suspectes se reconnaît quelquefois à son odeur, 
mais ce caractère ne peut suffire dans aucun cas, et | 
il faut isoler le phosphore lui-même. Le procédé 
basé sur la solubilité de ce corps dans le sulfure de 
carbone est très-défectueux. Il a été remplacé avan- 
tageusement par la méthode de Mitsclierlich, fondée 
sur la propriété que possède le phosphore de luire 



dans l'obscurité, et de passer à la distillation avec 
l'eau. 

On délaye les matières suspectes dans de l'eau dis- 
tillée, de manière à former une bouillie claire que 
l'on introduit dans un ballon A (fig. 2) communi- 
quant avec un tube b de ,n ,01 environ de diamètre 
disposé dans un réfrigérant vertical C dans lequel on 
fait circuler un courant d'eau froide. 

On porte le liquide du ballon à l'ébullition de ma- 
nière à entraîner le phosphore en vapeurs. On voit 
alors, si l'on opère dans l'obscurité, des lueurs phos- 
phorescentes apparaître dans le tube b au-dessus 
du niveau de l'eau du réfrigérant; ces lueurs vol- 
tigent dans le tube. En même temps l'eau se con- 




Fig. 2. — Appareil de Milscheilich pour la recherche du phosphore dans les cas d'empoisonnement. 



dense et s'écoule dans le flacon E avec le phosphore 
volatilisé; cette eau luit quand on l'agite dans l'ob- 
scurité et l'on pourra y retrouver de petits grains de 
phosphore. Elle possède eu outre la propriété de 
noircir certaines solutions métalliques, notamment 



l'azotate d'argent. 



>♦< 



LA FÉTIDITÉ DE L'EAU DE LA SEINE 

Les chaleurs de cet été ont mis en évidence l'ac- 
croissement de l'infection de la Seine, transformée 
maitenanten un vaste égout. Prise en amont de Paris, 
àCharenton, l'eau est limpide et verte ; dans l'inté- 
rieur de Paris, elle est louche, mais encore assez pro- 
pre depuis que l'égout collecteur enlève toutes les eaux 
vannes. Depuis Asnières, où débouche cet égout, son 



odeur est nauséabonde et sa couleur est celle du pu- 
rin. Paris a été débarrassé du méphitisme, mais tous 
les centres de population situés en aval sont soumis 
à tous les dangers d'émanation et surtout d'absorp- 
tion. La population qui boit une eau impure est dans 
dus conditions de mortalité plus nombreuses que 
celle qui jouit de l'avantage d'une eau limpide. Le 
conseil d'hygiène de Seine-et-Oise insistait déjà l'an- 
née passée pour que le problème de l'assainissement 
de la Seine fût étudié de nouveau, car maintenant 
l'expérience est assez défavorable pour les riverains; 
plus tard le danger pourra dépasser les prévisions. 
Versailles a aussi réclamé; l'eau qui lui est fournie 
par la machine de Marly est empoisonnée, et c'est la 
seule dont la ville peut disposer. 

Quand celte eau est échauffée pendant toute une 
journée par l'ardent soleil de juillet, elle exhale des 



20G 



LA NATURE. 



miasmes dangereux ; le débit de la Seine étant con- 
sidérablement ralenti, elle est presque slagnante. Les 
barrages en «ival de Paris ont contribué à l'amélio- 
ration de la navigation, mais ils ralentissent le cou- 
rant, qui emportait plus rapidement les eaux "vannes. 

Il se forme perpétuellement au débouché de l'é- 
gout collecteur des bancs de vase infects, provenant 
de toutes les matières lourdes. Il s'en dégage des 
gaz en telle abondance que l'eau est toujours cou- 
verte d'une couche de bulles. Comme il n'existe 
d'autres remèdes à la formation de ces accumula- 
tions, que de les enlever à la drague, on y pourvoit 
surtout dans la saison des eaux basses. Les produits 
du dragage sont conduits dans la basse Seine, aux 
environs de Saint-Denis, d'Kjûnay et d'Argenteuil, où 
on les dépose le long des berges, déjà si vaseuses, de 
toutes ces localités. Eu agissant ainsi, on enlève lis 
boues pestilentielles «lu collecteur, pour les reporter 
plus loin ; le travail se fait à main d'homme, au lieu 
d'être fait par l'action du courant. Il n'y a qu'un 
éloignement au profit d'une localité, créé au préju- 
dice d'une autre. On constitue de plus des amas de 
vase tels, qu'ils deviennent dangereux pour celui qui 
s'y enfoncerait. 

Le débit de la Seine va toujours en décroissant; le 
déboisement de son bassin en est en partie la principale 
cause ; elle roule à l'étiage h\ mètres par seconde ; 
250 mètres aux eaux moyennes et 1,400 dans les 
grandes crues. Celte année la sécheresse amoindrit 
encore le volume des eaux normales de l'étiage; au 
mois de juillet on ressent déjà ces effets pernicieux; 
ils seront encore plus sensibles au mois d'août et de 
septembre ; car ce n'est souvent qu'à la fin d'octo- 
bre ou au mois de novembre que les grandes pluies 
d'automne viennent augmenter le courant d'une ma- 
nière sensible. 

Dans un temps donné, le danger, venu lentement, 
pourra se manifester plus loin que les prévisions ou 
l'incurie n'auraient pu le laisser supposer. Les récla- 
mations des villes échelonnées surtout le parcours 
de la basse Seine sont de plus en plus pressantes. 
Comment obvier, dans la pratique, à cet inconvénient 
qui met la vie des populations en danger? Les pois- 
sons meurent ; les rives sont couvertes de poissons 
asphyxiés. 

Le conseil d'hygiène de Soitie-et-Oise proposait un 
système d'aqueduc latéral à la rivière. On pourrait 
en effet creuser sous le chemin dehalage qui occupe 
la rive droite, une conduite recevant les eaux à leur 
sortie du collecteur d'Asnières, pour les amener jus- 
qu'à l'endroit où se fait sentir la marée, même au 
delà de Rouen. On n'aurait ainsi aucune expropria- 
tion à faire et peu de travaux d'art à exécuter. Les 
120,000 tonnes de dépôt annuel versées dans la Seine 
pourraient être recueillies en partie sur le passage, 
dans des bassins de décantation, espacés sur le par- 
cours de l'aqueduc. Le résidu qu'on en obtiendrait 
trouverait un emploi assuré pour l'agriculture des 
pays riverains. Le surplus des matières serait entraîné 
jusqu'au point où le flux et le reflux assureraient, en 



toute saison, un lavage dont l'innocuité serait com- 
plète. 

Le champ d'expérience de Gennevilliers absorbe 
déjà une minime portion du collecteur. Les eaux re- 
montées et refoulées par une machine à vapeur, y 
subissent deux traitements différents : le premier con- 
siste à irriguer les terrains propres à la culture avec 
les eaux vannes, telles qu'elles sortent de l'égout et 
à les répandre le plus abondamment possible, pour 
qu'elles agissent directement comme engrais, sans 
nécessiter les frais de réaction et d'épuration. Le se- 
cond a pour but de débarrasser les eaux surabondan- 
tes des matières fertilisantes qu'elles renferment ; on 
y parvient chimiquement en se servant de suliaic d'a- 
lumine, qui précipite au fond des bassins de- déféca- 
tion un dépôt qu'ensuite on fait sécher, avant de le 
livrer comme engrais. 

L'évacuation des eaux des égouls est un problème 
qui se présente à toutes les municipalités des grands 
centres de population. Ce fait était encore plus frap- 
pant à Londres qu'à Paris; là, les fosses d'aisances 
étaient inconnues, toutes les immondices étaient re- 
çues dans les égouls, où des chasses d'eau entraî- 
naient tout dans la Tamise; au fur et à mesure de 
l'accroissement de la population, l'infection faisait de 
rapides progrès malgré les alternatives de la marée, 
qui pénètre au milieu de la ville. En 1854 une en- 
quête, faite avec soin, constata qui 2,28 i décès cho- 
lériques étaient arrivés dans les quartiers alimentés 
par l'eau impure de la Tamise, tandis que dans ceux 
qui recevaient de l'eau pure et filtrée de \\Lamhtlk 
company, la mortalité avait été insignifiante. 

Depuis cotte époque on a réuni les eaux dans des 
collecteurs qui les conduisent jusqu'à Crosness, en 
aval de Londres, où elles se déversent dans de vastes 
bassins de décantation. De puissantes pompes à va- 
peur les rejettent à l'embouchure de la Tamise, à un 
endroit où les courants de marée les emportent deux 
fois par jour. Ces grands travaux de canalisation sou- 
terraine avaient à triompher d'un obstacle insur- 
montable: le manque de pente pour l'écoulement. 
On y a remédié en établissant des machines élévatoi- 
res. Pareille objection n'existe pas pour la Seine. 

J. Girard 
— »$«— 

CHRONIQUE 

Une excursion aérostatique a New-York. — 

Le goût des excursions aériennes tend à se développer. Le 
New -York-Herald, la Tribune et le Graphie ont envoyé 
chacun un reporter dans une excursion exécutée le 
2-4 juillet dernier par le professeur Donaldson. Cette ex- 
cursion a offert des incidents qui méritent d'être signalés. 
M. Donaldson, qui a eu le bon esprit de renoncer à son 
grand voyage transatlantique pour s'exercer à des excur- 
sions terrestres, a effectué une ascension le 24 juillet 
dernier à l'hippodrome de New-York. Le départ a eu lieu 
un peu avant quatre heures. Le ballon, fort chargé de 
lest, comme il convient lorsque l'on veut faire feu qui 
dure, ne s'est élevé qu'à une hauteur de 800 mètres. A. 



LA NATURE. 



207 



(i heures et demie, les vovageurs aériens louchaient terre 
une première fois, à 25 milles, dans le comté de Muncg, 
:i près avoir joui de la vue de lu mer dont ils s'éloignaient 
d'une façon toute rassurante. Après être restés environ 
40 minutes à terre, les voyageurs aériens se sont élevés 
de nouveau, toujours poussés par un vent qui les éloignait 
du rivage cl les dirigeait vers une chaîne de montagnes, 
derrière laquelle le soleil venait de disparaître. Avant de 
s'engager dans celle région, les voyageurs aériens ont pris 
terre une seconde fois près de la maison de campagne de 
miss Charlotte Thompson, actrice très-populaire à New- 
York, à laquelle ils ont offert galamment une place dans 
la nacelle. Cette dame ayant accepté avec un courageux 
empressement, le ballon s'est enlevé une troisième fois et 
est resté en l'air jusqu'à o h. 20 m. du matin, c'est-à-dire 
pendant près de neuf heures. Le lendemain malin, les 
voyageurs se trouvaient sur le territoire de German- 
Town, à une dislance de 4 milles de la ville d'IIudson, et 
de 130 milles de la ville de New-York. 

Jusqu'à 11 heures et demie du soir, les voyageurs 
avaient eu la clarté de la lune pour les guider, mais il 
n'en avait pas été de même depuis le coucher de cet astre 
jusqu'au commencement de l'aurore. Le ballon ayant 
perdu du gaz pendant la nuit et la descente à German- 
Town, il a été nécessaire de laisser à terre deux des passa- 
gers; le représentant du Herald et celui du World sont 
donc repartis pour New-York, après avoir assisté à une 
quatrième ascension du ballon, portant le professeur Do- 
naldson et ses compagnons de voyage. L'n télégramme 
inséré dans le Neiv-York-Times nous apprend que la 
descente définitive a eu lieu à Saratog;i, à 6 h. du soir, 
près de la ville de Greenfield, 5 milles plus au nord que 
Saraloga et dont la distance de New-York ne dépasse pas 
400 kilomètres. En quittant terre pour la dernière fois, 
le ballon a décrit un grand cercle autour de la ville d'IIud- 
son, et a été violemment précipité sur la chaîne des monts 
Caskhilles, où il a manqué de faire naufrage. Des tètes de 
pins, transformés enécueils, ont failli arrêter violemment 
les voyageurs, qui, dans presque tonte la durée de leur 
excursion, paraissent être restés à petite distance de 
terre. 

I.e « Faraday. » — Nous avons déjà parlé du Faraday, 
construit par MM. Siemens, de Londres, à Newcastle- 
Upon-Tyne, et destiné à immerger les câbles transatlanti- 
ques. Nous compléterons ce qui a été dit précédemment 
en décrivant ce nouveau poseur de câbles. Le navire a 120 
mètres de long, 16 mètres de large et 12 de profondeur. 
Le tonnage de déplacement est de 5,000 tonneaux, mais 
il peut porler 6,000 de poids mort. La principale particu- 
larité consiste dans ses trois réservoirs à câbles, construits 
en tôle et faisant corps avec la coque, au uioven de 
parties cintrées. Ce navire est à double fond. L'espace 
situé en dessous des réservoirs est aménagé de telle sorte 
que l'on peut emmagasiner, comme lest, une quantité 
d'eau égale au déplacement qui résulte du câble immergé. 
L'entrée et la sortie de l'eau sont réglées par un système 
de vannes, dont le contrôle peut se faire dans le local 
même des mécaniciens. Extérieurement, ce navire diffère 
de tous les autres en ce que l'avant et l'arrière sont sem- 
blables; il existe un gouvernail à chaque extrémité pour 
permettre des manœuvres suivant les exigences de l'im- 
mersion. Les hélices sont extérieurement protégées par 
une giderie, ayant pour but d'éloigner le câble ou tout 
cordage qui pourrait s'y engager. Le choix de deux hélices 
a été molivé par le besoin où l'on se trouve quelquefois 
d'évoluer rapidement; chacune d'elles est mise en mou- 



vement par une machine indépendante. La timonerie, pla- 
cée au milieu du navire, se manœuvre à la vapeur; les 
cabestans ont aussi pareil moteur. 

l,c catalogue de la Bibliothèque nationale. — 

M. Taschereau a publié dans le Journal officiel un compte 
rendu de l'état de l'impression du catalogue de la biblio- 
thèque: il comprendra 11 volumes pour l'Histoire de 
France, 3 volumes pour les sciences médicales. Les autres 
matières déjà cataloguées sont ; Histoire d'Angleterre, 
13 volumes; Théologie, 30 volumes in-folio; ces der- 
niers volumes ne seront que plus tard autographiés. Ces 
sections comprennent plus de 700,000 volumes. Le fonds 
se compose d'environ deux millions de livres. Le nombre 
des lecteurs à la bibliothèque est d'environ 4,000 par mois 
et le nombre des volumes communiqués d'environ 6,000 
dont un quart pour les matières scientifiques et un cen- 
tième pour la théologie. Le système méthodique a prévalu 
en France, mais le système alphabétique est le seul en 
usa;;e de l'autre côté du détroit. Le public peut avoir à sa 
disposition 2,000 volumes de cartes reliées, représentai 
le fonds entier qui possède plus d'un million de numéros. 

I.a plu» grande des locomotives. — Le Scicntific 
American du 18 juillet nous apprend que la plus grande 
locomotive du monde est la Pensylvania, sur le Philadel- 
phia and lleading railroad. Les principales dimensions 
de cette machine sont les suivantes : diamètre des cylin- 
dres, 20 pouces ; longueur de course du piston, 26 pouces; 
nombre des roues, 1 2. Le pouls de celle locomotive n'est 
que de 60 tonnes. 

ACADÉMIE DES SCIENCES 

Séance du 24 août 1874. — Présidence de M. r'iiÉuï. 

Étoiles filantes. — Comme tous les ans, la nuit du 10 
août a été signalée cette année par un maximum dans le 
nombre des étoiles filantes. D'après M. Chapelas ce nom- 
bre a atteint 55 à l'heure. A Toulouse, M. Demelle a fait 
des observations très-suivies qui malheureusement ont dû 
cire interrompues juste au moment du maximum à cause 
du ciel couvert et de la pluie. 

Action de l'acide chromique sur les matières textiles. — 
On sait que mis en présence de substances oxydables l'a- 
cide chromique perd, avec une grande facilite, une cer- 
taine portion de son oxygène et passe à l'état de sesqui- 
oxyde vert. Avec d'autres matières, d'après M. Jacquehn, 
professeur à l'Ecole de pharmacie de Nancy, il donne lieu 
à une coloration jaune très-vive; c'est ce qui a heu avec 
la laine et la soie, et la nuance est tout à fait comparable à 
celle que l'acide picrique donne de son côté. L'auteur 
conclut de là, outre de» procédés de teinture qui peuvent 
être utilisés, un moyen pratique pour reconnaître, dans 
une étoffe mélangée, les fibres animales et les fibres vé- 
gétales ; celles-ci, en effet, ne donnent pas lieu à la colo- 
ration jaune. 

En même temps, M. Jacquelin regarde l'action de l'a- 
cide chromique, sur diverses matières colorantes rouges, 
comme susceptible de fournir un moyen de distinction 
entre elles. Depuis quelque temps, par exemple, on colore 
les vins avec de la cochenille ; l'acide chromique permet de 
reconnaître cette fraude, la cochenille se comportant avec 
lui tout autrement que la matière colorante naturelle 
du vin. 



208 



LA NATURE. 



Mer algérienne. — Le secrétaire signale la réponse si 
vivement attendue de M. Roudaire aux objections faites a 
son projet. D'après l'analyse rapide qui est donnée de 
cette réponse, il ne parait pas que les arguments de 
M. Fuchs et de M. Cossou soient rétorqués, mais au con- 
traire que M. Roudaire se range au même avis que ces 
messieurs et demande comme eux qu'une élude complète 
de la topographie locale soit faite avant qu'aucune suite 
soit donnée au projet. On trouvera sans doute, en consé- 
quence, que M. Roudaire, M. de Lesseps et M. Le Verrier 
se sont un peu beaucoup pressés en faisant ressortir si 
bruyamment les avantages d'une solution qui est peut- 
être illusoiie. D'ailleurs, la note de M. Roudaire contient 
beaucoup de développements historiques, remplis, dit-on, 
du plus vif intérêt. 

Le phylloxéra. — M. Dumas, qui a sur le cœur l'accueil 
fait au rapport signé de M. iîouley, demandant que des 
mesures administrati- 
ves soient prises con- 
tre le phylloxéra, lait 
lecture du décret pro- 
mulgué par plusieurs 
cantons suisses dans le 
but d'empêcher l'in- 
vasion du parasite sur 
leur territoire. Ces dé- 
crets qui datent cie 
1 87 1 sont tellement 
conformes à ce fameux 
rapport qu'on pourrait, 
n'clait l'impossibilité 
du fait, soupçonner le 
rapporteur de s'en être 
fitttemenl inspiré. A 
partir du \" septembre 
prochain toute importa- 
tion de raisins, plants, 
feuilles, éclialas, etc., 
venant de France est 
absolument interdite. 

Ceci nous amène à 
parler des analyses 
qu'un chimiste, dont le 
nom nous échappe , 
vient de faire patallè- 
Icinent de racines de 

vignes saints et de racines pbylloxérées. Le sucre de 
canne si abondant dans Pécorce des premières est rem- 
placé dans les secondes par une quantité d'ailleurs bien 
moindre de glucose; de même la proportion des matières 
albuininoïde? a également diminué dans une large mesure. 

Enfin, M. Rouvier décrit avec détails les résultats très- 
salisfaiï-anls obtenus par M. Petit, aux environs de Nîmes, 
par l'emploi du goudron de houille comme traitement des 
vignes atteintes. Même à la dose de 8 ou 10000 kilo- 
grammes par hectare, le goudron ne fait aucun mal à la 
vigne et il en faut bien moins que cela pour que le phyl- 
loxéra soit détruit. Peut-être est-ce cnûn la solution si 
longtemps cherchée du problême. 

Composition du guano. — Voilà plus d'un an (pie 
M. Chevreul soumet le guano à l'épreuve des méthodes 
d'analyses raisonnées. Sept fois déjà il a annoncé à l'Aca- 
démie des résultats importants. Son huitième mémoire est 
consacré aujourd'hui à des chlorures qu'il a extraits du 
précieux engrais. Ils se présentent sous forme de cristaux 
cubiques où l'on trouve du chlore, de la soude et de l'am- 




Lcs glaces flottantes de 1 Atlantique. 



moniaque. Mais la question est encore indécise de savoir 
si ces cristaux représentent un mélange de chlorure de 
sodium et de chlorhydrate d'ammoniaque, ou constituent 
un chlorure double. Ce faita conduit M. Chevreul et après 
lui M. Dumas à des développements très-intéressants au 
point de vue de l'isomorphisme, mais sur lesquels le 
défaut d'espace nous interdit d'insister. 

Stanislas Meuhilk 

LA DÉBÂCLE DES ICEBERGS 

DANS l' ATLAISTIQUK. 

Nous apprenons que les fortes chaleurs de ces 
derniers temps ont causé, dans les mers boréales, 
une débâcle considérable des icebergs ou glaces flot- 
tantes. Un capitaine 
français, arrivé ré- 
cemment au Havre, 
a rapporté que les 
régions do l'Atlanti- 
que qui avoisinent 
le cap Breton, sont 
couvertes de ban- 
quises d'une dimen- 
sion considérable. Ce 
navigateur en a ren- 
contré qui ne mesu- 
raient pas moins de 
4 kilomètres de lon- 
gueur sur 2 de 
large , et dont la 
hauteur moyenne 
était de plus de lfjû 
mètres au-dessus de 
la surface de la 
mer. 

Nous lurons re- 
marquer que la par- 
tie de l'iceberg qui 
sort tle l'eau ne re- 
présente qu'un fai- 
ble volume du glaçon flottant. Nous avons pensé qu'il 
était intéressant de reproduire la proportion relative 
des parties immergées et émergées des glaçons flot- 
tnnls. C'est ce que représente le diagramme ci- 
dessus, en même temps qu'il donne une idée de 
l'échelle relative d'un navire à voile à côté de ces 
redoutables icebergs. Notre coupe océanique met 
encore en évidence l'action de transport de matières 
terrestres par les glaces flottantes. Celles-ci, déta- 
chées des continents du nord, emportent dans leur 
masse, de la terre, des pierres, des rochers même, 
qu'elles laissent tomber au fond des mers, à mesure 
qu'elles fondent dans les régions méridionales. Ces 
glaçons flottants te.idcnt, à travers les siècles, à 
exhausser ainsi le fond des océans. 

Le Propriétaire-Gérant : G. Tissandier. 



Coi'bcil, —Imprimerie de CnsTii. 



,V 66. — 5 SEPTEMBRE 1874. 



LA. NATURE. 



209 



ÉLÊPHAJNTS DE L'ARMÉE DES INDES 

M. Henri Gaidoz a publié, dans \u Revue des Deux 
Mondes du 1 er août, une histoire fort intéressante du 
rôle que les éléphants ont joué pendant la guerre 
depuis les temps les plus reculés jusqu'à nos jours. 
Un des plus curieux épisodes de ce récit est sans 
contredit le résumé des opérations militaires do la 
campagned'Àbyssiiiie,(jueles Anglais n'eussent point 
terminée si aisémeut s'ils n'avaient eu recours aux 



intelligents animaux qui fout actuellement partie 
des troupes de l'Inde comme du temps du roi l'o- 
rus. 

Nous ne négligerons point de saisir cette occasion 
pour faire apprécier les ressources de science et d'es- 
prit développées par les officiers d'une nation amie 
de la France et d'un peuple léellement civilisé : tout 
eu cultivant avec le plus grand soin l'artde la guerre 
les Anglais ne s'imaginent point que l'emploi de la 
force doive être soustrait au contrôle des idées de 
droit et de justice, éternel honneur de la civilisation 
moderne. Les succès de leurs armes doivent être 




La raanœuvru du uaasport des canons par les éléphants de l'année angiaue. 



considérés comme étant constamment un gain net 
pour la cause du progrès universel. 

On avait déjà imaginé de dresser les éléphants à 
porter îles pièces d'artillerie de campagne. On avait 
même inventé une sorte de bat, permettant de tirer 
des coups de canon sur leur dos, comme du haut 
d'un affût de campagne. 

Mais on n'avait point encore eu l'idée de s'en ser- 
vir pour des objets d'un poids aussi prodigieux que 
des canons Armstrong se chargeant par la culasse, ou 
des mortiers de 8 pouces. L'innovation mérite d'être 
ran"éedans l'histoire de la guerre à côté de la créa- 
tion des régiments de dromadaires, dans cette fa- 
meuse expédition d'Egypte qui restera le type éter- 
nel des Tandes entreprises d'une nation civilisatrice. 

Les canons et les mortiers de l'armée anglaise 
2* année. — 2«seaieslre. 



avaient été démontés, de sorte que l'on faisait por- 
ter à un éléphant le canon, a deux autres une naire 
de roues chacun, à un quatrième l'avant- train, à un 
cinquième le caisson. Mais de quelque manière que 
l'on eût divisé la charge, il n'y avait pas un seul 
éléphant qui, en y comprenant le bât et le harnache- 
ment, n'eût sur le dos moins de 6U0 kilos. Tl y en 
avait môme, ceux qui portaient les flasques en fer 
pour le tirage des mortiers, qui devaient soulever 
le poids formidable de 9 quintaux métriques. 

Malgré cette circonstance, la difiiculté la plus 
grande consistait à charger les éléphants, opération 
d'autant plus délicate que l'on ne pouvait songer à 
l'accomplir avec une chèvre, car la nature du sol 
presque toujours marécageux ne se prêtait que diffi- 
cilement à l'enfoncement des piquets. D'autre part 

U 



210 



LA NATURE. 



ranimai eût presque infailliblement cédé sousla pres- 
sion subite d'un poids aussi considérable et fait quel- 
que; mouvement brusque au moment décisif, môme 
quand il luiauraitété possible de garder une immobi- 
lité parfaite pendant toute lu durée d'une opération 
aussi longue. 

On n'aurait donc pu utiliser la force prodigieuse 
de ces colosses si l'on n'avait imaginé de se servir de 
rampes sur lesquelles on faisait glisser les fardeaux; 
ces rampes reposaient sur les lianes de l'éléphant 
accroupi et qui, pendant tout le temps que durait 
l'opération, ne bougeait pas plus qu'une statue de 
pierre. Les fardeaux étaient retenus à l'aide d'une 
corde que l'on faisait passer sur le dos de l'animal et 
à laquelle se cramponnaient quatre ou six hommes, 
suivant qu'il s'agissait des canons ou des mortiers. 

Pendant ce temps, quelques soldats groupés le 
long des rampes tiraient le fardeau pour l'obliger 
à remonter, llieu n'était plus pittoresque que ce 
fourmillement d'êtres humains attachés aux Hunes 
du monstre. C'est ce tableau que nous avons été 

à même de reproduire à l'aide de renseignements 
authentiques. 

Lorsqu'il s'agissait des canons, il suffisait d'une 
seule rampe et l'on attachait aux tourillons les câ- 
bles de retenue passant sur le dos de l'éléphant. 

Ces opérations difficiles durent être reflétées bien 
des fois pendant la durée d'une route aussi dilficile 
que longue, mais de temps eu temps semée de plai- 
nes où une pièce d'artillerie pouvait rouler à la ri- 
gueur. En effet, chaque fois que la nature du terrain 
le permettait oit attelait des chevaux aux pièces. Dieu 
des fois au moment où l'on s'y attendait le moins, il 
arrivait que les éléphants fatigués se débarassaient de 
leur charge. Souvent ils s'abattaient épouvantés 
quand l'armée était surprise par des orages, si terri- 
bles et si fréquents en Abyssinic. 

Aussi les soldats de l'armée anglaise étaient-ils 
arrivés à acquérir dans le nouveau genre dû manœuvre 
Une telle habileté, qu'il suffisait de trois à quatre 
minutes non-seulement pour charger les affûts, mais 
encore les flasques de fer. 

Quand les Abyssins virent arriver devant Magdala 
ces pièces monstrueuses, ils comprirent que lu rOlc 
tic Theodoros était fini. La surprise en guerre est un 
agent puissant de victoire. On peut dire en effet que 
ce sentiment est mère de l'épouvante. 



•<x 



LA POPULATION DE LA CHINE 

D'après M. l'abbé David , la erando rébellion des 
dernières années a exercé de tels ravages, que soit 
massacre, soit dispersion des populations qui ont 
émigré vers l'ouest, la population de certaines pro- 
vinces de la Chine centrale a été non pas seulement 
décimée, mais réduite à la moitié, au tiers et même 
au cinquième de ce qu'elle était auparavant dans 
certains départements. 



Ce fait, doit expliquer en grande partie la diver- 
gence des opinions des voyageurs européens sur le 
nombre total de la population de l'empire du Milieu. 
Suivant les époques et aussi selon les régions visi- 
tées, les évaluations peuvent présenter d'énormes 
différences. Cependant, en l'état actuel, M. l'abbé 
David croit que son honorable émule, le baron de 
Richtof'en est loin de compte quand il évalue à cent 
millions seulement la population actuelle de l'em- 
pire chinois. 

« Tous les missionnaires qui connaissent la Chine, 
dit M. l'abbé David, n'ont qu'une voix pour dire que 
cette estimation est bien au-dessous de la réalité, et, 
eu cela, ils ne s'en rapportent pas uniquement au 
dire des Chinois eux-mêmes. Ils savent tous qu'une 
maisonnette où, en Europe, on ne logerait qu'un 
cheval, une vache et son veau, abrite ici plusieurs 
familles, dont le personnel monte parfois au total 
de vingt, trente et même quarante individus, ils 
j savent combien il y a de hameaux et de villages 
dans un canton ou ton, combien il y a de ton dans 
j un arrondissement (chiène), combien de chiène dans 
un département ou fou, combien de fou dans la pro- 
vince ($en). C'est en calculant ainsi, mieux que par 
kilomètres carrés, qu'on obtient le chiffre le plus 
approximatif de la population totale de l'empire. » 

Dans le Kiangsi, qui a été si longtemps et si cruel- 
lement ravagé par les rebelles aussi bien que par les 
impériaux, sur une superficie, qui peut être prise 
comme moyenne des autres provinces de la Chine, 
on trouve treize départements et soixante-dix-neuf 
arrondissements comptant chacun cinquante-cinq 
cantons. Prenant pour exemple le canton de Tsitou, 
où il a séjourné, et qui passe pour être peu peuplé, 
M. l'abbé David n'y trouve pas moins de mille fa- 
milles actuellement existantes. 

Si l'on réduit au minimum de quatre le nombre 
des personnes par famille, ce qui est assurément 
trop modéré, on trouve quatre mille âmes pour le 
canton de Tsitou, et pour les quatre mille trois cent 
quarante-cinq c;intons du Kiangsi, Je total approxi- 
matif de 17,580,000 âmes. 

Parmi les dix-huit provinces de l'empire, il eu est 
sans doute qui sont moins peuplées que le Kiangsi ; 
mais il eu est d'autres dont la population est bien 
autrement considérable. En prenant donc pour 
moyenne les dix-sept millions du Kiangsi, moyenne 
assurément inférieure à la réalité, on trouve un 
chiffre de plus de trois cents millions d âmes pour 
tout l'empire. 

En réfléchissant à ces évalutîons curieuses que 
M. l'abbé David a présentées à la Société de géogra- 
phie, et que Je Journal officiel & récemment repro- 
duites, on est étonné de voir la faiblesse d'un peuple 
qui pourrait être le plus puissant du monde s'il 
savait tirer parti du nombre des citoyens qui le com- 
posent. Quelle nation européenne pourrait en effet 
résister à une année recrutée dans une population 
qui excède de beaucoup cent millions d'àmes ? 



LA NATURE. 



Slt 



LES NOUVEAUX SYSTÈMES 

m TÉLÉGRAPHIE ÉLECTRIQUE 

APPAREILS DE M. MEYER. TÉLÉGRAPHE AUTOGRA- 

PUIQUE. — TÉLÉGRAPHE MULTIPLE. 

(Suite et Un. — Yoy. p. 27 et 107,) 

Les appareils de M. Meyer ont ligure avec hon- 
neur à l'exposition do Vienne, dans la section fran- 
çaise; le télégraphe autographique a réalisé un pro- 
grès sérieux sur l'appareil Casi:lli, le télégraphe 
multiple, est une nouveauté qui a déjà conquis sa 
place parmi les types usuels. 

Nous décrirons sommairement l'appareil autogra- 
phique. Le principe de la reproduction du manus- 
crit est toujours l'idée primitive d'enfermer l'original 
sous un grillage composé de traits parallèles, équi- 
distants, fractionnés par des coupures inégales, con- 
cordantes à l'arrivée et au départ. D'après cette 
définition, on aperçoit que le synchronisme, sera, 
comme dans l'appareil Caselli, Ja condition fonda- 
mentale du fonctionnement. 

La différence réside dans le transmetteur et dans 
le récepteur. La pointe à mouvement alternatif est 
remplacée par une hélice en saillie sur un cylindre. 
Si le pas de l'hélice est égal à la longueur du cy- 
lindre, un tour entier de celui-ci amène tous les 
points de lu spirale successivement en contact avec 
les divers points d'une ligne parallèle à l'axe du 
cylindre. Si cette ligne est préalablement formée 
sur un papier métallique au moyen de parties alter- 
nativement nues et recouvertes d'encre isolante, on 
conçoit que la rotation du cylindre pourra produire, 
dans un tour, des émissions et des interruptions de 
courant alternées répétant les caprices de la plume 
tpii a tracé la ligne à transmettre. Tour comprendre 
la reproduction d'une page sur laquelle a été tracé 
un texte ou esquissé un dessin, il suffit de se repré- 
senter l'original écrit avec l'encre isolante sur le 
papier métallique, et le papier s'avauçant automati- 
quement après chaque tour du cylindre d'une lon- 
gueur de 5 de millimètre, afin de présenter à l'hé- 
lice une ligne parallèle à la première, qui se trans- 
mettra parle même procédé. 

Le récepteur diffère du récepteur Caselli, en ce 
que l'on n'utilise plus la décomposition chimique 
pour faire apparaître la dépêche, celle-ci se trouve 
écrite à Y encre sur du papier ordinaire. C'est un 
avantage incontestable dans une exploitation qui vise 
toujours à la simplification de ses procédés. 

L'hélice de départ est répétée au poste d'arrivée, 
elle s'encre sur un trotteur latéral. Si elle était en 
contact pendant un tour du cylindre avec le papier 
qui se déroule au-dessous d'elle, elle tracerait une 
ligne continue; pour obtenir une transmission, c'est- 
à-dire des coupures cadencées dans cette ligne, 
on agit sur le papier, porté par un châssis solidaire 
des mouvements d'une armature d 'électro-aimant. 
Voilà donc la série des émissions et des interruptions 



du courant produite par le poste correspondant, qui 
découpe le grillage présentant le fac-similé du ma- 
nuscrit. 

.Nous n'entrerons pas dans le détail technique du 
mécanisme ; l'appareil de M. Meyer fonctionne bien, 
il a fait ses preuves dans les conditions de service les 
plus diverses, la vitesse de transmission est à peu 
près celle de l'appareil Morse. 

.Nous arrivons à l'appareil multiple dans lequel 
nous retrouverons une application originale du prin- 
cipe *le l'hélice. Il nous faut d'abord indiquer eu 
quelques mots le problème des appareils à grande 
vitesse en télégraphie électrique. 

Avec l'appareil Morse, dans lequel chaque lettre 
suppose en moyenne 4 émissions de courant, la dé- 
pèche de 20 mots comportera 480 émissions (si la 
moyenne des lettres d'un mot est de 6). Dans la pra- 
tique courante, ces 480 émissions sont effectuées eu 

3 minutes, ce qui donne par seconde un peu plus de 
2 émissions. Les télégraphes autographiques ont 
montré que le nombre des émissions possibles par 
seconde, sur une ligne télégraphique, pouvaient at- 
teindre et même dépasser le chiffre de 100. Il y a 
donc là une marge qui a tenté bien des inventeurs. 
M. Meyer a eu l'idée suivante : 

S'il était possible d'installer, sur un même Cl, 

4 appareils doubles distincts, c'est-à-dire composés 
chacun d'un manipulateur et d'un récepteur, dételle 
sorte que chaque manipulateur travaillât indépen- 
damment de son voisin, et à un autre moment de la 
durée que lui, le fil pourrait faire l'office d'un col- 
lecteur ramassant successivement ces diverses trans- 
missions. Qu'à l'arrivae, par un jeu de mouvements 
synchrones, sorte de représentation de l'harmonie 
préétablie, les \ récepteurs recueillent à tour de rôle 
les transmissions des manipulateurs qui leur corres- 
pondent, on n'aura pas en apparence changé les con- 
ditions du mode de travail qui caractérise le système 
Morse, et cependant on aura obtenu un rendement 
quadruple. 

En effet, on ne demandera à la manipulation, qui 
est l'œuvre de l'employé, que le degré d'effort qui 
correspond à son activité, et que représente dans un 
service continu la moyenne de 20 dépêches à l'heure. 
Le gain est pris sur la capacité en quelque sorte 
inépuisable du fil, pour débiter des signaux. 

D'une première vue on conçoit que l'office prin- 
cipal dans ce sleeple-chase électrique sera dévolu au 
distributeur, c'est-à-dire à l'organe qui donne à 
chaque courant issu d'un des manipulateurs la direc- 
tion qui l'amène à point au récepteur convenable. 
C'est une belle application du principe de la division 
du travailleur si fécond eu industrie. Pour la télé- 
graphie, où les fils représentent à la fois la grosse 
dépense et la principale difficulté, c'est le moyen 
d'augmenter le rendement d'un conducteur dans une 
mesure considérable. Il est juste de dire que, dans 
la piste suivie par M. Meyer, un ingénieur distingué, 
M. Rouvier s'était déjà exercé. Dans les Annales té- 
légraphiques de 1800, on trouve la description d'un 



212 



LA NATURE. 



système fondé sur les considérations que nous avons ' ronce dans le mode de chevawhement, si nous pou- 
indiquées, niais l'appareil de M. Rouvier est resté à vous ainsi parler, indiqué par les deux inventeurs, 
l'état de projet. Nous devons aussi relever une dillé- pour leurs signaux élémentaires. M. llouvier orga- 




b ig. 1. — Appareil multiple île M. Meycr- 



nise la distribution de façon à intercaler entre deux 
signiux consécutifs, d'un même manipulateur, les 
signaux de tous les autres; 
M. Mcyer (ail tous les signaux 
d'une même lettre sur un appa- 
reil, avant de laisser travailler le 
suivant. 

Quelques détails spéciaux vien- 
dront ici à point. 

La (ig. 1 représente l'appareil 
à 4 transmissions; sur la table 
sont placés A claviers a, a', a", 
a!" , et autant de récepteurs à 
hélice, r, r', r", r'", munis cha- 
cun d'une bande de papier. Un 
seul mouvement d'horlogerie , 
entraîné par un poids et régula- 
risé par le pendule conique R, 
anime les récepteurs par les 
deux arbres GG',EE'; 
le premier fait tour- 
ner les hélices, le 
second produit le 
déplacement du pa- 
pier. Les claviers , 
ainsi que les récep- 
teurs , sont reliés 
d'un côté à la terre, 
de l'autre à la ligne, // ' 
par l'intermédiaire 
du distributeur K. 
Une pile unique sert 

à toutes les transmissions. — Nous allons passer en 
revue successivement les divers organes. 




Fig. 2. — Distributeur. 




Fi£. 3. — Manipulateur. 



meut; en quatre intervalles de temps égaux, il di- 
rige le courant de 'a pile, successivement vers cha- 
cun des quatre récepteurs du 
poste qui expédie, et de là aux 
récepteurs du poste qui reçoit; 
la dépêche est ainsi reproduite 
simultanément à l'arrivée et au 
départ. 00' {(ig. 2) est un disque 
en mêlai, iixe et isolé. Il porte 
sur sa circonférence 48 divisions : 
12 parquait de cercle, dont huit 
groupées deux à deux, sont re- 
liées par un faisceau de bail lils 
isolés aux huit touches du clavier; 
les autres, au nombre de quatre, 
sont en relation avec la terre. Il 
y a donc quatre câbles de huit 
(ils qui partent des quatre claviers 
et aboutissent au distributeur. 
Les groupes ou dou- 
bles divisions sont 
au nombre de 16, 
séparés par des 
vides, à raison de 
quatre par quart de 
cercle. La première 
moitié du groupe , 
-fe tour, donne lieu 
à un contact bref (le 
point) ; le groupe 
entier prod uit le trait 
par une émission 



dont la durée est double. Une tîge élastique ou 

frotteur u, monté sur l'arbre GG', parcourt la cir- 

Distributeur. C'est la pièce capitale de l'histru- conférence du disque et met successivement les 



LA NATURE. 



217) 



quatre claviers et récepteurs en contact avec la 
ligne, de sorte que tout courant émis ou reçu pen- 
dant le passage du frotteur sur l'un des quarts tic 
cercle, traverse le récepteur qui lui correspond. 
Chaque employé a ainsi la ligne à sa disposition pen- 
dant un quart de tour. 

Manipulateur. C'est un clavier à huit touches : 
quatre blanches et quatre noires, basculant entre la 
pile et le fil de terre. 

Nous avons vu comment elles sont reliées chacune 
aux divisions du distributeur. 

Lorsqu'on abaisse la touche noire, le courant de la 
pile se rend dans la première case du groupe, tandis 
que la louche blanche l'envoie dans la double case. La 
première produit, par le passage dufrotteur m, une 
émission brève; la seconde, une émission longue 
(point ou trait, fig. 3). La combinaison de ces deux 
sortes de signaux forme un alphabet conventionnel 
qui ressemble en partie 
à l'alphabet Morse. f > 

Pour transmettre une 
lettre, on appuie simul- 
tanément sur autant de 
touches, noires ou blan- 
ches, que la lettre à re- 
produire renferme de 
points ou de traits, en 
avant soin de partir in- 
variablement de la gau- 
che du clavier, pour les 
lettres, et de la droite, 
pour les chiffres , en 
maintenant la touche 
abaissée pendant que le 
frotteur décrit le cadran. 
1,'n signal avertit du 
moment où la lettre est 




Fjg. 4. — Récepteur. 



les amplitudes limitées par deux vis de butée, ne dé- 
passent guère -fô de millimètre. 

Les lettres s'y impriment de gauche à droite, dans 
le sens transversal par points et traits. Cette dispo- 
sition présente un double avantage, elle évite toute 
confusion entre deux lettres consécutives et réduit 
considérablement la longueur de bande d'une dé- 
pèche. On sépare les mots entre eux, en laissant 
passer ù volonté un ou plusieurs tours d'hélice. 

Le levier qui oscille au-dessous de l'hélice sous 
l'action du courant, porte un petit électro-aimant 
droit avec lequel il fait corps, et dont le noyau sert 
d'armature à un aimant artificiel ; le courant de la 
pile repousse l'armature et fait osciller le levier. La 
bande de papier suit ces oscillations et appuie sur 
l'hélice peudant un temps égal à la durée de l'émis- 
sion, ce qui fournit un trait d'une longueur corres- 
pondante. 11 est remarquable, avec le télégraphe 

multiple, que l'on peut 
à volonté diriger toutes 
les transmissions dans 
le même sens ou en 
sens croisé, et en utili- 
ser indistinctement une 
ou plusieurs. Sur la 
ligne de Paris à Lyon, 
où l'appareil est en ser- 
vice, il fournit un tra- 
vail moyeu supérieur à 
80 dépêches par heure ; 
il remplace 4 fils desser- 
vis par l'appareil Morse 
et 2 fils desservis par 
l'appareil Hughes. Le 
prix de revient est en- 
viron quatre fois le prix 
d'un Morse. 



faite ; il y a, à cet effet, sur l'axe GG', en face de 
chacun des quatre claviers, un excentrique dont la 
fonction est de soulever, après chaque lettre, un 
petit marteau qui, retombant par son propre poids, 
produit un bruit léger et bat la mesure pour chaque 
employé. 

Récepteur. Chacun des récepteurs (fig. 4), a pour 
organe imprimeur une fraction d'hélice correspon- 
dant à 1/4 de circonférence: l'ensemble forme une 
hélice complète dont le pas est égal à la longueur du 
cylindre. 

L'hélice du récepteur et le frotteur du distribu- 
teur opèrent leur rotation dans le même temps, ce- 
lui-ci passant sur le premier quart de cercle pendant 
que la première hélice passe en face de la bande de 
papier, et ainsi des autres. 

Un tampon encreur tourne librement sur chacune 
des hélices. Au-dessous d'elles se déroulent, à tirage 
continu d'environ 3 millimètres par tour, quatre 
bandes de papier sans fin, glissant chacune avec une 
parfaite adhérence sur la tringle d'un levier en 
équerre qui porte la palette d'un électro-aimant. La 
bande Je papier suit les oscillations du levier dont 



L'Autriche et la Suisse vont prochainement instal- 

grandes ligues 
Cn. Bo.memps. 



1er le télégraphe multiple sur les grandes ligues de 



leur reseau. 



L'ASSOCIATION FRANÇAISE 
pour l'avancement des sciences. 

Session de Lille. 

(Suite et fin. — Yoy. p. 205.) 

Le nombre des membres du Congrès qui, à Lyon, 
n'était encore que de 600, s'élève cette année à plus 
de 800. Un tiers environ des membres inscrits est 
venu à Lille pour prendre part aux séances. 

On a remarqué que les séances du Congrès étaient 
suivies avec assiduité par quelques dames. Mais le 
sexe féminin est loin d'être aussi largement repré- 
senté qu'aux séances de l'Association britannique. 

Un grand nombre de savants belges sont venus 
donner à l'Association française une preuve de sym- 
pathie internationale. Les Anglais étaient en petit 
nombre, à cause de la coïncidence de date entre la, 
session de Lille et la session de Ilelfast. 



2U 



LA NATURE. 



L'Association britannique a profité de cette circon- 
stance pour envoyer une adresse de félicitations si- 
gnée TyndalL. 

L'Association française s'est empressée de répon- 
dre, à son aînée, par un télégramme signe Wurtz. 
Ces échanges de courtoisies télégraphiques sont un 
symptôme de l'état des esprits dans le monde sa- 
vant. No peut-on pas dire que le jour est proclie où la 
Manche sera enfin supprimée? 

Dès le lendemain du discours de M. AVurlz, ven- 
dredi 21 août, les membres du Congrès se sont réu- 
nis dans leurs différentes sections, pour procéder à 
la constitution de leurs bureaux, à la lecture dos 
mémoires et à leur discussion. 

Communications diverses. — Le nombre dos 
sections étant de quinze, il nous est impossible de 
donner un résumé exact des travaux remarquables 
qui ont été développés. La section de médecine, d'é- 
conomie rurale, d'anthropologie ont brillé par le 
nombre des mémoires et l'animation des discussions. 
Dans cette dernière on comptait M. Karl Yogt, le cé- 
lèbre naturaliste de Genève, M. Gabriel de Mortillet, 
du musée de Saint-Germain, M. le docteur Bertillon 
et le docteur Broca. 

La section du génie civil et du génie militaire a reçu 
communication d'une grande nouvelle. Le ministère 
a officiellement chargé M. le duo Decazes de trans- 
mettre à lord Derby le projet de concession du tun- 
nel de la Manche. 

Si lu prorogation de l'Assemblée nationale n'eût 
été si prompte le projet serait sans doute revêtu déjà 
delà sanction législative, tant a été grand l'em- 
pressement montré par M. Caillaux pour accélérer 
sa réussite. Mais la mise à exécution de cette immense 
entreprise ne sera point reculée par ces inévitables 
délais. Car il est impossible de se dispenser du con- 
sentement du ministère britannique pour un souter- 
rain qui débouchera sur le territoire de la Grande- 
Bretagne. 11 est indispensable que les deux nations 
s'entendent amiablement sur* la manière dont le tun- 
nel doit être mis bois de service en cas de guerre, 
sans qu'il soit détérioré. On pense qu'il suffira de 
mettre à la disposition de chaque gouvernement 
une plaque d'inondation. Il est à présumer qu'avec 
une force de deux mille chevaux-vapeur il suffirait 
de deux mois pour rendre de nouveau le tunnel à la 
circulation. 

Mais jamais perspective d'une pareille calamité, la 
guerre entre deux grandes nations libérales, n'a été 
aussi écartée que de nos jours. 

M. Masqueley, ingénieur des ponts et chaussées, 
chargé de la direction des travaux municipaux, est in- 
terrogé sur l'état des services qu'il dirige. 11 donne 
les plus intéressants détails sur la construction des 
tramways récemment ouverts dans la grande cité 
flamande. 11 montre combien cette voie, dont la mu- 
nicipalité désirait depuis longtemps doter la métro- 
pole de la France du Nord est appréciée par le public. 

Le savant ingénieur décrit tous les travaux en 
cours d'exécution malgré les charges qui pèsent sur 



le budget de la ville et du département. Il donne un 
historique complet de la fondation de l'Institut mé- 
canique et des trois établissements analogues créés 
sur le modèle des grandes écoles organisées à Mul- 
house, sous les auspices de la Société industrielle, 
association admirable dont la perte sera un constant 
stimulant pour notre patriotisme. 

Les séances de section ont été accompagnées de 
plusieurs séances générales, dans lesquelles on a en- 
tendu, à différentes reprises, trois orateurs. M. le co- 
lonel Laussedat a développé le système de télégra- 
phe optique, créé pendant la guerre. L'n grand 
nombre d' officiers assistent à la séance. M. Marcel 
Depretzaide le colonel Laussedat dans l'exécution de 
nombreuses et intéressantes expériences. 

M. Emile Alglave fait un historique approfondi de 
la grande Compagnie des mines d'Anzin. 

M. Menier expose les idées contenues dans son 
livre V Impôt sur le capital. Ces' une matière que 
notre spécialité nous interdit, à notre grand regret, 
de traiter. 

La section des sciences a entendu une communi- 
cation de M. Maniiheim sur le mouvement de plans 
faisant un angle invariable les uns avec les autres. 
Un savant norvégien, M. ïîrooh, a tiré de la théorie 
des nombres un procédé étonnant pour noter la 
course d'un fil dans un tissu. M. Sylvester, presque 
unique représentant de l'Angleterre et M. Catalan 
(lui, quoique Français, représentait la Belgique, ont 
démontré des théorèmes d'un grand intérêt, et d'une 
importance réelle. 

Conférences. — ■ Les membres du Congrès et tou- 
tes les personunes de la ville qui en ont fait la de- 
mande, ont assisté à deux conférences publiques 
données dans la grande salle du Cercle du Nord. 
Dans la première, M. Faye a exposé l'état actuel 
des théories et des expériences relatives au futur 
passage de Vénus. Le savant académicien a donné 
lecture, au milieu des plus vifs applaudissements, 
de la liste des astronomes et des marins français qui 
vont représenter la patrie dans cette grande lutte. 
11 a fait confidence des déboires de notre grande 
commission académique qui n'a pu parvenir à s'en- 
tendre avec les nations étrangères afin qu'un sys- 
tème unique d'observation fût adopté par tous les 
peuples civilisés. Il y aura par conséquent, ô amère 
déception, autant de systèmes d'observations, par- 
tant autant de parallaxes et de distances du soleil, 
qu'il y a de nations se disant grandes! Que diront 
les hommes du commencement du vingt et unième 
siècle quand on leur mettra sous les yeux de pa- 
reils, souvenirs! M. Faye a développé avec éloquence 
les avantages de la méthode photographique dont 
M. Laussedat est l'inventeur, et que les astronomes 
américains sont seuls à avoir adoptée sans restric- 
tions ! 

M. Gaston Tissandier, dans une autre conférence, 
a retracé les principaux épisodes de l'histoire des 
ballons. Les projections faites à la lumière électri- 
que étaient groupées de manière à montrer à la fois 



LA NATURE. 



215 



cg que l'aéronautique était, ce qu'elle est actuelle- 
ment et ce qu'elle sera dans un avenir prochain. 

Les applaudissements les plus vifs ont accueilli la 
mention des travaux aéronautique» de M. Henri (ïif- 
fard, et dos services rendus par les ballons à la dé- 
fense de Paris, 

Excursions. — Trois excursions intéressantes ont 
eu lieu, la première à Boulogne, pour visiter des 
usines et le laboratoire de zoologie maritime de 
M. Giard, professeur à la Faculté de Lille, la seconde 
à Roubaix dont toutes les usines ont été ouvertes 
avec la plus louable libéralité, et la troisième à Anzin. 

Celte dernière excursion, exécutée le 25 août, 
avait une importance telle (pie les séances de toutes 
les sections ont été suspendues, et que les excur- 
sionnistes étaient au nombre de trois cents. 

Ils ont été reçus par M. de Marsilly, ingénieur des 
mines et directeur général d'une exploitation qui 
fait vivre 15,000 ouvriers représentant une popula- 
tion de 00.000 âmes. 

M. de Marsilly a invité les membres de l'Associa- 
tion ii uu somptueux déjeuner et leur a porté un 
toast de bienvenue au nom de la régie d'Anzin et de 
son illustre président 1 . 

Le discours de l'honorable directeur général était 
un exposé très-détaillé des services rendus par la 
science à l'industrie minière. Il a retracé l'histori- 
que des progrès accomplis depuis le grand jour déjà 
lointain où la compagnie d'Anzin a introduit en 
France la première machine à vapeur. 

La compagnie est, comme on le sait, la plus im- 
portante du monde, mais M. de Marsilly n'a point 
caché que c'e^t en Angleterre que la compagnie 
d'Anzin va le plus souvent chercher ses modèles. 

C'est dans les exploitations britanniques que l'on a 
appris l'ait d'éviter le grisou à l'aide de la lampe de 
l'immortel Davy. C'est dans les galeries des mines 
anglaises que l'on a employé pour la première fois 
les machines à vapeur. Sous ce point de vue nous 
n'aurons bientôt plus rien à enviera nos voisins, car 
la compagnie organise maintenant pour le travail 
souterrain de traction des machines d'une force de 
500 chevaux. 

^Non-seulement la régie des mines d'Anzin met à 
profit les résultats des recherches scientifiques ordi- 
naires, mais elle pratique avant toutes choses l'éco- 
nomie politique. Elle exige que les ouvriers reçoi- 
vent un minimum d'instruction avant de descendre 
dans les galeries, elle crée des sociétés coopératives, 
elle construit des cités ouvrières, elle veille à ce que 
rien ne manque au bien-être moral et matériel de 
ses coopérateurs. 

Ces savantes et chaleureuses explications ont été 
couvertes d'applaudissements dont le sens était facile 
à comprendre. En effet, si la science a fait beaucoup 
de choses pour l'industrie minière, l'industrie mi- 
nière a rendu avec usure à la science ce qu'elle lui a 
prêté. 

* C'est M. Thiers qui est président de la régi*! d'Anzin. . 



La mécanique, la chimie, la physique ne semblent- 
elles point, sortir de terre? N'était-cn point le mo- 
ment de se rappeler le mythe de Prométhée ! Caria 
compagnie d'Anzin semble no rien négliger pour re- 
lever tous ses coopérateursdela malédiction pronon- 
cée contre ceux qui dérobent au ciel le feu afin de 
pouvoir arracher le 1er aux entrailles de la terre. 

Avanlle banque lies membres de l'association ont vi- 
sité le magnifique atelier d'Anzin, où se fabriquent les 
briquettes de charbon. Il y a douze ans les carreaux 
des mines étaient encombrés de poussière de houille 
inutilisée. Aujourd'hui uu admirable mécanisme 
transforme ces résidus en agglomérés qui constituent 
un précieux combustible. La poussière de charbon 
est d'abord soumise à un lavage méthodique qui la 
débarrasse de ses parties schisteuses, et circule dans 
de vastes bassins où elle est recueillie. La partie la 
plus intéressante de la fabrication est celle de la 
confection des briquettes formées de poussière de 
charbon et de brai. Le mélange est comprimé dans 
des moules sous une pression de six cent cinquante 
mille atmosphères ; on le voit sortir des moules à 
l'état de briquettes rectangulaires, sous le jeu d'un 
mécanisme automatique. 

Les fours à coke ont ensuite vivement intéressé 
les visiteurs. À Havcluy on a pu se faire une idée 
de ce qu'est un puits de mine; car on remontait 
alors du charbon. 

Après le repas dont nous avons parlé précédem- 
ment, les membres de l'Association ont admiré l'a- 
telier des laminoirs, où les barres de fer rouge 
s'allongent et s'étirent en faisant jaillir de nombreu- 
ses étincelles. 

Une circonstance intéressante de l'excursion d'An- 
zin mérite d'être signalée. Le wagon à suspension, 
perfectionné, de M. Henry Gilïard faisait partie du 
train; à chaque station il a été assiégé par une mul- 
titude de membres, curieux déjuger de l'effet pro- 
duit par ce mode ingénieux de suspension. 

La caisse a été plus que pleine pendant presque 
toute la durée du parcours, les ressorts ne semblaient 
pas s'apercevoir de la surcharge. Cette épreuve déci- 
sive, faite à grande vitesse, répond à toutes les objec- 
tions. 

Le wagon a l'ait fureur sur toute la ligne, à l'aller 
et plus encore an retour. On y est presque complète- 
ment immobile ; le mouvement de lacet est tout à 
fait supprimé et le voyageur peut y lire, y écrire 
même aussi facilement que devant son bureau. 

Mercredi soir 26, M. Kuhlmainm, président du 
comité local, a offert un grand dîner dans sa belle 
propriété de Loos, aux membres du bureau de l'As- 
sociation et du bureau local, aux savants étrangers 
et à quelques notabilités de la ville et du départe- 
ment. Le commandeur Negiï, piésiient de la Société 
de géographie italienne, MM. Broch, professeur nor- 
wégien, C. Vogt, Catel-Beghin, maire de Lille, le gé- 
néral Clinchant, de Marsilly, directeur de la compagnie 
d'Anzin, "VVurtz, de Quatrcfages, Peligot, Balard, Le- 
vasseur, membres de l'Institut, Léon Say,etc, assis- 



216 



LA NATURE. 



taient à cette fête. M. Wurtz a porté au dessert un 
toast à M. Kulilmann, son compatriote d'Alsace; 
M. Kulilmann a répond» par un toast aux savants 
étrangers, dans lequel il a exposé les principales ap- 
plications delà science à l'industrie dans l'arrondis- 
sement de Lille. M. le commandeur Negri a obtenu 
un véritable succès dans une improvisation fort spi- 
rituelle. Le soir, les jardins de Loos étaient illuminés, 
et un orchestre se faisait entendre sous le dard de 
feu d'une lumière électrique. 

Le jeudi 27, a eu lieu une séance où Ton a dé- 
cidé que la ville de Nantes serait le lieu du Congrès 
scientifique de 1875. La session de Lille s'est termi- 
née par un magnifique banquet offert par lu ville 
aux membres du Congrès et à quelques personnages 
eminents : le dîner, qui comptait environ 300 cou- 
verts, a été magnifique ; la table du festin était dres- 
sée dans un des grands salons de l'Hôtel de Ville. 

M. D'Eicbtal sera président de l'Association en 
1875; M. Paye a été nommé à la vice-présidence. 
M. Cornu, professeur à l'École polytechnique a été 
nommé secrétaire. 



LA LUNETTE DE M. NEWALL 

La grande lunette astronomique do M. Newall est 
incontestablement une des merveilles de l'Angle- 
terre. C'est avec la plus vive satisfaction qui; nous 
avons accompagné M. Le Verrier dans la visite minu- 
tieuse qu'il en a faite au mois de juin dernier. 
Cet instrument, véritablement extraordinaire, se 
trouve à Gatesliead, faubourg de Neweastle, situé 
sur la rive méridionale de la Tyno. Son proprié- 
taire, dont il porte le nom, est un des ingénieurs 
les plus riches de l'Angleterre. Après avoir gagné 
sa fortune dans la fabrication des câbles sous- 
marius, M. Newall s'est donné le luxe de construire 
un instrument qui ne lui coûte pas moins d'un 
quart de million de francs, et qu'il a placé provisoi- 
rement dans la magnifique maison de campagne où 
il fait sa résidence ordinaire. Cet instrument prodi- 
gieux est encore sans rival en Europe. Mais les Yan- 
kees se sont piques au jeu ; ils ont construit une 
lunette de forme analogue, qui, d'une dimension un 
peu plus grande, est le plus précieux instrument 
de l'observatoire national de Washington. 

La lunette, dont nous donnons le dessin d'après 
une photographie, a une longueur de dix mètres. 

Le tube est en tôle d'acier, et parfaitement équili- 
bré par un conlrc-poids d'environ 150 kilogrammes. 
11 est supporté sur un pied d'une solidité, inébran- 
lable et qui ne pèse pas moins de dix tonnes. Ce pied 
est en fer creux et c'est dans l'intérieur que se meut, 
le poids du mécanisme qui donne à cette lunette 
un mouvement équatorîal. Ce poids, qui est de 50 
kilogrammes, se remonte à l'aide d'un mécanisme 
spécial . Mais la cavité intérieure du pied étant de six 
.mètres, on comprend que la lunette puisse suivre 
longtemps le mouvement diurne sans qu'on ait be- 



soin d'y toucher. Son mouvement automatique dure 
pendant quatre heures : c'est autant qu'il en faut 
pour les observations les plus longues. 

Le moteur que le contrepoids anime se compose 
d'un mouvement circulaire, régularisé à l'aide d'un 
échappement, mû par un pendule. Un mécanisme 
permet d'accélérer ou de retarder à volonté le mou- 
vement en modifiant la longueur du pendule. Il en 
résulte que la lunette peut suivre les astres qui ont 
un mouvement propre sensible. 

Les dimensions de la lunette sont si grandes qu'il 
a fallu adopter des précautions particulières pour 
faire les lectures sur les limbes gradués. Le cercle 
des ascensions droites se ht à l'aide d'une lunette 
fixée sur le pied. Quant au cercle des déclinaisons, 
il se lit avec une lunette attachée latéralement. Mais 
colle lunette ne sert, que pour les lectures grossières. 
Quand on veut arriver à une précision plus grande, 
on emploie deux autres lunettes, placées à côté de la 
première, et qui, au lieu d'indiquer les nombres ins- 
crits sur la tranche, donnent ceux que l'on a marqués 
sur le limbe. Gomme ces deux lunettes ont été pla- 
cées aux extrémités d'un même diamètre, on peut 
prendre la moyenne des deux lectures pour arriver 
à une approximation plus grande. Le tube de 
M. Newall porte trois chercheurs qui par eux-mêmes 
sont de très-jolis instruments; l'un d'eux est une 
lunette de six pouces. Tous les leviers pour la visée 
des astres, pour le réglage et le serrage se manient 
par des cordons ou des tiges que l'astronome peut 
tenir à la main, et manœuvrer sans descendre de la 
plate-forme. 

Quelques détails de la construction offrent un 
intérêt tout spécial. La coupole est en tôle ondulée 
d'un vingt-quatrième de pouce, de même que tout 
l'édificev, Elle est mue par une machine à vapeur. La 
trappe a six pieds de largeur. Les observateurs se 
placent sur une immense plate-forme de deux pieds 
de longueur et de six pie (s de largeur, qui est mo- 
bile sur deux rails et deux crémaillères. Les verres 
ont été fondus par M. Chance, de Birmingham, le seul 
fabricant anglais capable de fondre de pareils mor- 
ceaux de flint. Us ont été taillés par M. Cooke, d'York. 
Malheureusement le climat du nord de l'Angleterre 
est excessivement brumeux, et M. Newall a dû re- 
noncer à faire des observations à Gateshead. Il avait 
l'intention de transporter sa lunette à Madère. Mais 
lorsqu'il s'est agi de mettre son projet à exécution, 
il s'est trouvé fort embarrassé. En effet, il ne peut 
l'envoyer aussi loin sans s'en séparer d'une façon 
définitive, car l'île de Madère est trop éloignée pour 
qu'il puisse aller visiter son enfant. Mais comment 
le conserver dans un pays où les brumes sont con- 
stantes; à peine si pendant toute l'année on peut 
compter en Angleterre sur une douzaine de nuits 
réellement favorables aux grandes observations d'as- 
tronomie physique. 

Pourquoi M. Newall ne prendrait-il pas un terme 
moyen et ne prêterait-il pas sa lunette à M. Le Ver- 
rier, pour l'établir 11 Marseille dans un magnifique 




La plus grande limette ilu inunde, construite à. Xeweiutle par M. Nuwi'.l. (D'api'ùs une photographie.) 



213 



LA NATURE. 



emplacement, situé sur une colline où le ciel est 
presque constamment pur? 

Madame Ncwall, fille d'un des plus habiles astro- 
nomes anglais de la première partie du siècle, a eu 
celle belle pensée. Nous sommes l'humble inter- 
prète de l' astronomie française, ou mieux de l'astro- 
nomie universelle, pour exprimer le vœu qu'elle se 
réalise. 

M. Alexandre Ilersohell habiLe Newcastle en qua- 
lité de professeur de sciences physiques au collège de 
cette importante cite. Il est un des visiteurs de la 
grand; lunette, qui se manœuvre avec une facilité 
hors de proportion avec ses dimensions colossales, je 
dirai presque fabuleuses. Tous les astronomes reçoi- 
vent à Gatesliead l'hospitalité la plus généreuse, et 
nous avons vu sur le livre des visiteurs les plus grands 
noms scientifiques du monde. C'est M. Pierre d'Al- 
cantara qui a signé en tète de la première page. 
Le nom de M . Le Verrier se trouve au bas de celle qui, 
nous l'espérons, sera la dernière. Car si nos vœux 
sont exaucés, on ouvrira bientôt un nouveau registre 

de visiteurs à l' observatoire Newall à Marseille. 

W. DE FoNVIELLE. 

LES ML1DIES DE LÀ YIGNE 1 



JAUiNJSSE ET fcTKIULITE DES CEPS. - 
LES 1KSECTBS NUISIBLES. 



I. OÏDIUM. 



La vigne est exposée à diverses maladies dont voici 
les principales : 

Jaunisse. — Cette maladie est caractérisée par le 
changement de couleur des feuilles, qui passent, du 
vert au jaune. Cette couleur jaune est déterminée 
par une sorte d'atonie dans le tissu cellulaire des 
feuilles, atonie qui suspend les fonctions de ce tissu 
et empêche lu formation de la chlorophylle ou ma- 
tière verte qui donne cette couleur à tous les tissus 
frappés par la lumière. La cause de cette atonie du 
tissu cellulaire résulte toujours d'un état de souf- 
france des racines. Ainsi, on voit apparaître la jau- 
nisse lorsque les racines sont en contact avec une 
humidité stagnante qui les fait pourrir, lorsqu'elles 
sont attaquées par les larves de certains insectes, etc. 
11 suffira doue, pour combattre le niai, de faire dis- 
paraître la cause, c'est-à-dire de pratiquer le drai- 
nage ou de détruire les larves des insectes. 

Miellée ou brouissure. — Cette affection présente 
les caractères suivants : les feuilles, les jeunes bour- 
geons, et même les grains de raisin prennent une 
teinte grisâtre, due à ce que 1 "épidémie de ces par- 
tics se fendille et se dessèche. L'accroissement s'ar- 
rête complètement, les grains se fendent au lieu do 
mûrir. Les vignerons attribuent cette altération, soit 

1 Ce chapitre est extrait d'un ouvrage qui va prochaine- 
mont paraître; nous sommes heureux d'en offrir la primeur 
à noslecleurs. Cet ouvrafe, qui est certainement appelé à rendre 
de grands services, est intitulé : les Vignobles et les arbres 
à fruits et à cidre, par M. Du Bricuil. — Éditeurs : G. Mas- 
sou et damier frères. 



aux pluies froides de l'été succédant à un temps 
chaud, soit à une récolte trop abondante pendant 
l'année précédente. On fait disparaître ceLte maladie 
en fumant abondamment les ceps atteints et en les 
privant de récolte pendant une année. 

Stérilité des ceps. ■ Cerlains ceps, dont la végé- 
tation ne présente d'ailleurs rien d'anormal, se cou- 
vrent de Heurs chaque année. Ces Heurs s'épanouis- 
sent, puis elles se dessèchent bientôt, ainsi que la 
grappe, et tout disparait. — Le même phénomène 
se reproduit chaque année sur les mêmes ceps, qui 
sont ainsi condamnés à une stérilité complète. — 
Dans le Midi ou donne à ces ceps le nom tïavalidoui- 
rcs. L'épanouissement de leurs fleurs présente cette 
particularité que les pélales ne se détachent pas à 
leur base; tandis que dans l'épanouissement normal 
des fleurs de la vigne, les pétales se détachent à leur 
base et forment un capuchon au sommet de l'ovaire. 

On trouve aussi certains ceps dont les grains de 
raisins coulent chaque année, à l'exception de deux 
ou trois qui arrivent à leur développement normal. 
Les autres grains restent avortés et toujours verts 
On donne à ces ceps le nom de coulards. 

On n'a rien trouvé jusqu'à présent pour faire dis- 
paraître ces deux sortes de stérilité. Il conviendra 
doue de remplacer les ceps qui en sont atteints ou 
de les greffer. 

Le charbon. — Cette altération, qui est surtout 
fréquente dans le Midi, a la plus grande analogie 
avec la brouissure. Les bourgeons se couvrent de 
plaies plus ou moins profondes, souvent parallèles à 
la direction des fibres ligneuses. Les bords de ces 
plaies sont noirs. Elles sont parfois si nombreuses 
qu'elles se touchent et ressemblent à une série de 
piqûres disposées lougitudinalement. Cette désorga- 
nisation atteint toutes les parties vertes du cep, 
bourgeons, feuilles et grappes. Les parties ainsi 
frappées cessent de se développer et présentent l'as- 
pect des figures. Les feuilles et les grappes se des- 
sèchent bientôt et les bourgeons profondément alté- 
rés succombent aussi. — Si l'on examine l'une de 
ces taches noires à l'aide d'un verre grossissant, on y 
reconnaît la présence d'un petit champignon appar- 
tenant à la nombreuse famille des liypoxvlés. 

Le charbon apparaît surtout en mai et en juin. Il 
se produit particulièrement lorsqu'à un temps sec 
succède une humidité prolongée; lorsqu'un temps 
chaud et lourd est accompagné de brouillards, lors- 
que enfin, à la suite d'abondantes rosées, le soleil 
darde ses rayons brûlants entre les nuages. 

Oïdium, lèpre, blanc ou meunier. — De toutes 
les maladies qui attaquent la vigne, celle-ci est in- 
contestablement la plus redoutable. 

Celle altération se montre sous forme d'une efflo- 
rescence d'un blanc grisâtre, d'abord sur les feuilles 
et les jeunes bourgeons, dont elle suspend le déve- 
loppement, puis sur les grappes elles-mêmes, dont 
elle arrête l'accroissement. L'épidermc des grains se 
durcit, prend une teinte fauve; ces grains se fendent, 
acquièrent une saveur amère et se corrompent avant 



LA NATURE. 



219 



de mûrir. Les feuilles et les bourgeons attaquas se 
couvrent Je taches brunes, les feuilles se détachent, 
et, si la maladie est intense, les bourgeons eux- 
mêmes sont désorganisés jusqu'à leur base; de sorte 
qu'on perd ainsi, non-seulement la récolte de l'an- 
née, mais même celle de l'année suivante, et, si les 
ceps sont soumis à ce fléau pendant deux ou trois 
années de suite, ils périssent bientôt. 

C'est en 1845 que Y oïdium fut observé pour lu 
première fois sur la vigne, en Angleterre, par un 
jardinier de Margate, M. Tucker. Depuis 1849, cette 
maladie s'est montrée sur plusieurs points des envi- 
rons de Paris, d'abord sur les vignes chauffées dans 
dos serres, puis sur les treilles des jardins, et enfin 
sur les ceps des vignobles. Aujourd'hui elle a mal- 
heureusement envahi tous les points du territoire, 
en agissant avec d'autant plus d'intensité que les 
vignes sont situées sous un climat ou à une exposi- 
tion plus chaude et plus ombragée. Elle paraît atta- 
quer indifféremment toutes les variétés; mais elle 
sévit avec d'autant plus de force qu'elles sont plus 
vigoureuses. 

Les avis ont été très-partages quant à la cause de 
cette grave affection de la vigne. Les uns l'attribuent 
exclusivement au développement de cette eiïlores- 
cence blanchâtre, reconnue pour être un petit cham- 
pignon parasite appartenant au genre oïdium, de la 
nombreuse famille des mucédinées et auquel on a 
donné le nom de Tuckeri. Les autres ont considéré 
la présence incontestable de ce champignon comme 
le résultat de la maladie, et pensent qu'elle est dé- 
terminée par certains insectes microscopiques ; quel- 
ques personnes enfin l'ont attribuée à des influences 
atmosphériques analogues à celles qui ont, produit la 
maladie des pommes de terre; d'où il résulte que, 
la cause finale de cette altération étant encore indé- 
terminée, le remède a été difficile à trouver. On a 
tenté, depuis son invasion en France, en 1849, de 
nombreux moyens pour la combattre. Nous ne parle- 
rons que des trois procédés suivants, qui, seuls, ont 
donné des résultats s ati.- faisants. Le premier consiste 
dans l'emploi de la fleur de soufre soufflée sur toutes 
les parties vertes préalablement mouillées avec soin. 
Ce procédé employé d'abord, en 1848, par un horti- 
culteur anglais de Lcyton, M. Kilo, a été essayé pour 
la première fois en France, en 1849, par M. Marie, 
médecin à Ecouen. 

Tous les cultivateurs de Thomery l'employèrent 
en grand en 1851. Ils en obtinrent un excellent ré- 
sultat, mais ils lui reprochèrent de faire adhérer la 
fleur de soufre aux parties intérieures des grappes, 
et de nuire à la vente de ces raisins de table. La né- 
cessité d'employer l'eau rendait d'ailleurs ce procédé 
peu applicable au vignoble. 

Le second moyeu est celui préconisé, en 1852, 
par M. Grison, jardinier eu chef des serres du pota- 
ger de Versailles. Il consiste dans l'emploi de l'Iiy- 
drosulfate de chaux, préparé ainsi qu'il suit : 500 
grammes de Heur de soufre et un volume égal de 
chaux • fraîchement éteinte sont intimement mêlés 



l'un à l'autre. Ce mélange, placé dans un vase de 
fonte contenant 3 litres d'eau, est soumis à l'ébulli- 
tion pendant 40 minutes. On laisse ensuite éelaircir 
le liquide, qu'on décante alors; ce liquide est de 
l'hydrosulfate de chaux, que l'on conserve dans un 
vase fermé pour s'en servir à mesure des besoins. 
Alors on l'éteud de cent fois son volume d'eau et 
l'on en mouille toutes les parties vertes de la vigne. 
Ce mode d'opérer, employé en 1852 par un très- 
grand nombre de cultivateurs de Tliomerv, n'a 
donné que des résultats beaucoup moins complets 
que la fleur de soufre. 

Pendant l'hiver 1852-1853, M. Rose Charmeur, 
propriétaire-cultivateur à Thomery (Seine-et-Marne), 
chauffait des vignes, sous verre, à l'aide d'un ther- 
mosiphon. Il eut la pensée de répandre une traînée 
de fleur de soufre sur les conduits en cuivre de son 
thermosiphon. La chaleur de l'eau bouillante suffit 
pour déterminer une émanation sulfureuse qui em- 
pêcha complètement l'apparition de l'oïdium. Fort 
de cette observation, il résolut de soumettre, pen- 
dant l'été 1853, toutes ses treilles en plein air au 
soufrage à sec, et il en donna le conseil aux culti- 
vateurs de la localité. Cette année-là presque toutes 
les treilles de Thomery furent soumises au soufrage 
à sec, et la récolte fut intacte. 

Les excellents résultats de ce procédé ont été re- 
connus par une commission officielle nommée, sur 
nos instances, par le ministre du l'agriculture, et 
le rapport de cette commission, inséré au Moniteur, 
constate les droits qu'a 51. Rose-Cbarmeux à la re- 
connaissance de tous les viticulteurs, comme inven- 
teur du seul moven vraiment praticable et efficace 
pour combattre ce terrible fléau. Les indications 
fournies par ce rapport ont servi de point de départ 
à. toutes les opérations de soufrage appliquées au- 
jourd'hui à une grande partie de nos vignobles et de 
nos treilles. 

M. Laforgue, propriétaire de vignobles dans les 
environs de Béziers, est Je premier qui en ait fait 
l'application en grand. M. Mares de Montpellier, et 
51. Yia.1 de Kéziers ont puissamment contribué, par 
leurs écrits, à l'adoption de cette méthode dans 
toute la région du Midi. 

Insectes nuisiules. — Eumolpe de la vigne. — 
Ce petit coléoplère, connu des vignerons sous les 
noms de diableau, de gribouri, à' écrivain, a les 
élytres d'un rouge brun et le restant du corps noir; 
il se rencontre dans les vignes à partir du mois de 
juillet. C'est lui qui trace sur les feuilles, en les ron- 
geant, ces impressions linéaires que l'on a compa- 
rées à des caractères d'écriture. Lorsqu'il est très- 
abondant, il s'attaque aussi aux raisins et les dessè- 
che. C'est lorsqu'il est à l'état de larve que l'écrivain 
devient surtout redoutable. Il se présente sous forme 
d'un petit ver allongé, d'abord blanchâtre, et qui 
devient ensuite de couleur brune. Cette larve passe 
l'hiver dans le sol et ronge les racines de la vigne; 
au printemps elle dévore les bourgeons et les jeunes 
feuilles. 



220 



LA NATURE. 



M. Paul Thénard a récemment imaginé le moyen 
suivant pour détruire l'eumolpe. Au moment où l'on 
donne à la vigne la première façon de l'année, ré- 
pandre sur 1g sol, immédiatement avant cette façon, 
des tourteaux de graines oléagineuses qui n'ont pas 



1 été chauffées an delà de 80°, et que l'on a obtenus 
en employant le moins d'eau possible ; autrement 
l'huile essentielle de moutarde qui détruira les in- 
sectes aurait disparu. Réduire en poudre ces tour- 
teaux sous des meules d'huilerie, les répandre dans 




feuilles et grappes atteints par le charbon ; e, g 





Feuille rie vigne, bourgeon ei raisin attaqués par 1 -oïdium. 



la proportion de 1,200 kiiogr. par hectare, et les 
enterrer immédiatement au moyen de la première 
façon donnée à la terre. Cette opération, répétée tous 
les trois ans, détruit complètement les larves de 
l'eumolpe qui vivent dans le sol. Il est malheureuse- 
ment difficile de se procurer les tourteaux dans 
l'état que nous venons d'indiquer. 



Dans le Gard et quelques autres départements, on 
fait la chasse à l'eumolpe, lorsqu'il est dans un élat 
parfait, au moyen d'un instrument particulier et très- 
simple. C'est un entonnoir en fer-blanc dont l'ori- 
fice est très-évasé, pourvu d'une échancrure dans 
laquelle on fait entrer la tige du cep. On secoue 
alors brusquement celui-ci ; l'eumolpe tombe, glisse 



LA NATURE. 



221 



sur les parois de l'entonnoir et arrive dans le petit 
sac, placé au-dessous, et d'où on le tire pour le tuer. 
Ou comprend que la l'orme et les dimensions de 
cet instrument peuvent beaucoup varier suivant la 
disposition des ceps. Dans l'Yonne, cet appareil se 
compose d'ur petit van, formé d'une toile tendue au 
moyen d'un demi-cercle en bois. Cette toile olï're au 
centre une ouverture correspondant à un sac destiné 
à recevoir les insectes. Cet appareil est pressé contre 
la tige du cep par le côté opposé au cercle. Le mo- 
ment de la journée le plus favorable pour faire 
cette chasse est dès le matin : les insectes engour- 



dis sont plus facilement séparés de leur point d'at- 
tache. 

Altelabe de la vigne, beemars. — Cet autre co- 
lcoptcre est connu des vignerons sous les noms de 
urbec, ulbard, lisette. Ses élytres sont vertes ou 
bleues ; il attaque également les feuilles et les jeunes 
bourgeons, et, comme le précédent, il se laisse 
tomber, comme s'il était mort, à l'approche de la 
main qui veut le saisir. Au momeut de la ponte, en 
juin, la femelle pique le pétiole des feuilles avec sa 
trompe; celles-ci se flétrissent et se ramollissent. 
Elle en prolite alors pour les rouler en cigare, eu 




Feuille de vigne roulée par l'attelabe. 




Feuille de vigne attaquée par retunolpe. 




P.apiLba 4» la pjf lalft.. 



Aitisi'. 



<; h ••7.'! i-M'ii '"' '>' '■ ■'■ 
dç la vigue* 




■ — 



les pliant et repliant sur elles-mêmes. C'est dans ces 
feuilles qu'elle dépose ses œufs au nombre de deux 
ou trois. Ces feuilles, qui se dessèchent et restent 
suspendues aux bourgeons, doivent être enlevons et 
brûlées. On détruira également un grand nombre de 
ces insectes en employant, pour les ramasser, les 
appareils indiqués pour l'eumolpe. 

Altise bleue de Dunal, allica oleracea de Geoffroy, 
altise des potagers. — C'est encore un petit coléo- 
ptère connu, dans quelques vignobles, sous les noms 
de barbeau, puceau. Il commence à paraître à la fin 
d'avril, et s'attache aux jeunes bourgeons et aux 
grappes, dont il ronge le pédoncule. Il s'accouple 
vers la fin de mai; quinze jours après*, il dépose ses 



œufs sur le revers des feuilles, et, dans les derniers 
jours de juin, la larve éclot sous forme d'un petit 



ver, qui rouge les feuilles. 



On ne connaît, jusqu'à présent, d'autre moyen de 
détruire cet insecte que de lui faire une chasse opi- 
niâtre. Lorsqu'il est à l'état parfait, on se sert pour 
cela des appareils indiqués plus haut pour l'eu- 
molpe. 

Hanneton commun (scarabœus meloloniha. Lin.). 
— Cet insecte cause aussi de graves dommages à la 
vigne. — Ce sont ses larves, connues sous les noms 
de man, ver blanc, turc, que redoute surtout le 
vigneron, parce qu'elles dévorent les racines. Il n'y 
a d'autre moyen de combattre la multiplication dâ 



222 



LA NATURE. 



cet insecte que de le détruire, soit à l'état de larve, 
soit à l'état pariait. 

Les larves doivent donc être enlevées avec soin 
lorsqu'elles sont ramenées à la surface du sol par les 
labours appliqués au vignoble. 

Quant aux insectes parfaits, il y aura utilité a les 
faire recueillir sur les arbres qui avoisinent le vigno- 
ble ; on obtient ce résultat en ébranlant fortement 
ces arbres dès le matin, lors du premier développe- 
mont des feuilles. Les larves restant dans le sol pen- 
dant trois ans, cette opération ne sera répétée que 
périodiquement. 

Certains animaux font aux. hannetons une guerre 
acharnée ; tels sont la chauve-souris, la corneille, le 
hibou, la chouette, cpii dévorent ces insectes à l'état 
parfait; puis la taupe, qui se nourrit des larves. Il 
conviendra donc de ne pas détruire ces animaux dans 
les localités infestées par les hannetons. 

[.apyralede ta vigne, connue aussi par les vigne- 
rons sous les noms de teigne de la vigne, ver de la 
vigne, ver coquin y est incontestablement l'un des 
iusoctes qui font le plus do ravages dans les vigno- 
bles. Ce lépidoptère parait deux fois chaque année, 
à l'état de larve ou de ver ; on le voit d'abord à 
l'époque de la floraison. A ce moment sa larve dé- 
vore les feuilles et les jeunes grappes, qu'elle enve- 
loppe de nombreux fils soyeux. On l'observe ensuite, 
à l'au tourne, entre les grains de raisin, qu'elle en- 
veloppe encore de fils de soie ou même à l'intérieur 
des grains. Ces larves passent l'hiver dans des coques 
soyeuses appliquées sous les vieilles écorces gercées, 
ou dans les fentes des vieux éclialas. Elles se trans- 
forment, en avril ou mai, en petits papillons d'un 
blanc jaunâtre. Ces papillons déposent leurs œufs, 
en juillet, sur le tissu soyeux, qui recouvre les 
grappes. 

On a conseillé les trois moyens- suivants pour dé- 
truire cet insecte redoutable : 1° Pendant la végéta- 
tion, enlever avec soin et brûler toutes les grappes 
entourées de fils soyeux, ainsi que les feuilles rou- 
lées ou déformées; pendant l'hiver, passer tous les 
échalas au four, afin de détruire les œufs ou les 
larves qui y seraient attachés, puis enlever les vieil- 
les écorces et la mousse qui couvrent la tige du cep» 
L'ensemble de ces opérations donne, à coup sûr, de 
bons résultats; mais ils sont incomplets et laissent 
toujours sur la tige quelques œufs ou quelques pe- 
tites larves qui, au moyen de deux générations 
qu'elles peuvent fournir en une année, ne tardent 
pas à infester de nouveau le vignoble. 

2° Ou a tenté avec succès d'échauder les ceps avec 
de l'eau bouillante. Celte opération, imaginée par 
M. Raclet de Uomauèehe, este» usage dans quelques 
vignobles et notamment dans le Beaujolais, où l'on 
a pu, à l'aide de ee procédé, détruire la pyrale qui 
y a exercé de grands ravages pendant plusieurs an- 
nées 1 . Do Bueijil. 

1 Sous ne reproduisons pas le chapitre que M. Du Ikcuil con- 
sacre au phylloxéra ; il nous suffira de renvoyer à ce sujet le 
lecteur au lome I" Je la JSalure. 



CHRONIQUE 

Mort d'un gymnaste aérnnante. — Le plus 
jeune des frères Braguct vient de périr, comme son aîné, 
à la suite d'expériencesfailes avec une montgolfière perdue, 
sous laquelle il se suspendait à l'aide d'un trapèze. Cernai- 
heureux avait déjà procédé plus de trois coati fois à cet 
exercice hasardeux, et qui devait finir par une catastrophe. 
En effet, la montgolfière étant abandonnée à elle-même, 
l'aéronaute qui s'y trouve ne peut ralentir sa chute qui 
tient à la vitesse avec laquelle l'air chauffé avant le départ 
perd sa quantité de clialeur. Le frère aîné s'était tué parce 
que la descente avait été trop rapide. Le frère cadet a eu 
une mort encore plus tragique, car il a abandonné son 
trapèze pendant qu'il se trouvait en l'air, à une hauteur que 
l'on évalue à 4110 mètres. Le malheureux est tombé verti- 
calement. Il remuait les bras et les jambes comme s'il es- 
sayait de marcher eu l'air. La chute a eu lieu sur le toit 
en tuile d'une maison d'où il a rebondi sur la rue, où son 
cadavre acte ramassé dans un étal de mutilation hideuse. 
Les ordonnances de police exigeant que les acrobates- 
aéronautes s'accrochent avec une corde de sûreté, garnie 
d'un porte-mousqueton, n'avait pas clc suivie. C'est une 
précaution que les gymnastes, par suite d'un amour-propre 
mal placé, se refusent presque toujours à prendre. Ou 
comprend que ces sinistres multipliés rendent la police, ù 
juste droit, soupçonneuse lorsque l'on propose des expé- 
riences dans lesquelles la science n'a rien à gagner, el que 
l'on ait refusé, à un homme volant français qui devait opé- 
rera Paris, les autorisations nécessaires. 

Les pyrites, mines de soufre. — M. Lairiy a ré- 
cemment donné à la Société d'encouragement quelques 
renseignements fort curieux au sujet des pyrites de fer 
(sulfure de fer) aujourd'hui si utiles aux arts chimiques. 
Il a fait hommage à la Société, au nom do M. Kuhlmami 
fils, d'une note Sur quelques mines de Norwége qui a un 
assez grand intérêt à cause de la consommation que, dans 
tous les pays, l'industrie des produits chimiques fait des 
pyrites qui sont maintenant la source la plus abondante du 
soufre, l'un des agents les plus importants de nos fabriques. 
M. Lamy a rappelé à ce sujet qu'on fabrique maintenant en 
Europe, 820,001) tonnes d'acide sulfunque par an, pour 
lesquelles il faut environ 800,000 tonnes de pyrites. Avant 
1840, les rares mines de soufre, en tète desquelles il faut 
mettre celles de la Sicile, suffisaient pour alimenter les 
fabriques; mais, depuis cette époque, elles sont devenues 
tellement insuffisantes, qu'on a été chercher partout des 
pyrites, qui contiennent près de la moitié de leur poids do 
soufre et qui, brûlées dans des fours spéciaux, ont fourni 
l'acide sul.'ureux nécessaire à nos usines. Les mines prin- 
cipales de cette précieuse matière sont : Saint-Bel près de 
Lyon, lluelva en Espagne, diverses exploitations près 
d'Alais, d'autres moins importantes en Allemagne et en 
Belgique, 'fous ces gîtes ont été exploités, et, malgré cela, 
le prix du soufre a été assez élevé pour qu'on eût un grand 
intérêt a régénérer le soufre des marcs de soude. 

I.a crémation dus cadavres. — Au moment où 
la question des cîmelières et des enterrements préoccupe 
si vivement le public, il est intéressant d'annoncer que la 
municipalité de la ville de Vienne (Autriche), sur l'avis 
de son conseil d'hygiène, a décidé que l'essai de la cré- 
mation des cadavres auiait immédiatement lieu, suivant le 
système qui a complètement réussi à Leipzig. Coin me il 



LA NATURE. 



223 



meurtà Vienne, chaque année, 20,000 individus, ses édiles 
comptent sur une économie très-importante, tout en obte- 
nant une salubrité inaccoutumée. On a proposé encore, aux 
Étals-Unis, plusieurs systèmes de crémation, et l'un d'eux 
quia spécialement attiré l'attention des médecins, semble 
devoir être adopté, au moins à titre d'essai, dans quelques 
provinces des Etats-Unis. 

Ile l'utilité de*» itiucliîites. — Nous extrayons In 
passage suivant du nouvel ouvrage de M. Hcnier sur 
l'Impôt sur le Capital : 

« Homère dit 51. Menicr, nous montre douze femmes 
esclaves, brovant entre deux pierres le grain destiné à la 
consommation de chaque jour. Ces douze femmes, si mal 
nourries qu'elles fussent, consommaient une grande partie 
du blé qu'elles broyaient. Une femme ne pouvait fournir 
de farine que pour vingt-cinq personnes. Il y avait donc 
absorption énorme du capital circulant pour 'obtenir un 
faible résultat. Aujourd'hui, le moulin de Saiiil-Maur a 
quarante meules, surveillées par vingt ouvriers, qui ré- 
duisent en farine 720 hectolitres de froment, de quoi ali- 
menter 72,000 hommes. Actuellement, un ouvrier peut 
donc fournir de la farine à 3,f>00 personnes. Du temps 
d'Humère, il eùl fallu 144' ouvriers. I.a machine donne 
donc à chaque ouvrier la puissance de 144 hommes. Si 
l'on devait faire à la main tout le filé de coton que fabrique 
l'Angleterre en une année, au moyen de ses métiers self- 
ocling ou automoteurs qui portent jusqu'à 1,000 broches, 
c'est-à-dire font 1,000 fils à la fois, il faudrait 91 mil- 
lions d'hommes, soit la totalité de la population de la 
France, de l' Au (riche et de la Russie réunies. Une femme 
habile à tricoter fait 80 mailles par minute ; avec le métier 
circulaire elle en fera jusqu'à 480,000. La machine donne 
donc à une femme la puissance de G, 000 Ouvrières, » 

ACADÉMIE DES SCIENCES 

Séance du 31 août 1874, — Présidence de M, i>e Fayt. 

L'influence des vacances se fait de plus en plus sentir. 
Peu d'académiciens, peu de public, encore moins de com- 
munications intéressantes. La correspondance, dépouillée 
par M. Élis de Beaumont, ne contient guère que des pièces 
relatives au phylloxéra et que le secrétaire se dispense 
d'analyser. Pour occuper le temps, on donne des nouvelles 
de deux membres en ce moment malades. M. Regnault, 
retiré depuis huit mois environ à Auteuil, va de mieux en 
mieux, et l'on peut espérer de le voir prendre part aux 
travaux de l'académie. M. Serre t, frappé à Strasbourg d'une 
congestion cérébrale avec hémiplégie incomplète, est dans 
un état qui plonge encore sa famille dans l'inquiétude. 

Influence de l'imagination. — Il y a peu de temps, un 
médecin romain prétendit que de forts aimants plongeaient 
les personnes nerveuses dans un état de trouble extrême- 
ment pénible et attribuait au magnétisme la cause de ce 
phénomène. M. Yolpicelli, savant physicien très-connu, 
reprit l'examen de celle question intéressante et adresse 
aujourd'hui le résumé de ses observationr. Sa conclusion 
est que le magnétisme n'est pour rien dans l'affaire et que 
le trouble conslaté, qui est d'ailleurs très-réel, est dû à 
l'imagination du sujet nerveux. Mettez les aimants les plus 
forts du monde près de celui-ci, mais de façon qu'il ne 
s'en doute pas, et il n'éprouvera aucun effet. Au contraire, 



approchez-en des barres non aimantées, mais qu'il prendra 
pour des aimants, et aussitôt les phénomènes décrits se 
développeront. 

A cette occasion, M. Chevrcul a rappelé avec beaucoup 
de détails les intéressantes expériences qu'il a publiées il 
y a déjà vingt ans sur le pendule explorateur. C'est une 
masse métallique suspendue à un fil fin et qui se meta 
osciller vers certains sens supposés à l'origine être ceux 
où se trouvaient des substances déterminées et dont la 
présence était ainsi décelée. Mais M. Chevreul reconnut 
que le pendule n'oscille que si la personne qui le lient peut 
en même temps le voir: si les yeux sont bandés, aucun 
mouvement ne se produit, et on doit en conclure que le 
désir de voir celui-ci se manifester, pousse l'opérateur à 
donner à son insu la très-légère impulsion nécessaire à 
son développement. 

Poissons sahariens. — On sait que les puits artésiens 
du Sahara fournissent des poissons. Une étude superficielle 
de ceux-ci y avait fait reconnaître des poissons ordinaire- 
ment marins, et on avait voulu y voir la preuve de l'ancien 
séjour de la mer dans ces régions. M. Gervais montre 
aujourd'hui que ces poissons, au nombre de deux, appar- 
tiennent aux genres Altjtjéncs et Cyprinodon, qui sont 
essentiellement fluviatiles ou lacustres. Le premier se 
retrouve dans le Nil, et l'autre est représenté dans les for- 
mations lacustres de l'époque tertiaire de l'Amérique et 
des plàtrieres de Paris. 

Prismes. — Par l'intermédiaire de M. Desains, M. Hof- 
mann présente des prismes d'une forme nouvelle destinés 
à rendre de grands services à la spectroscopie. Us sont 
plus courts que les prismes ordinaires et leur champ est 
beaucoup plus considérable. 

Tourbillons solaires. — Résumant ses travaux sur les 
taches solaires, que M. Sccchi attaque si vivement, M. Faye 
montre que les mouvements en apparence si tumultueux 
de la surface du soleil en comprennent cependant un grand 
nombre dont la loi est dès maintenant connue. Eu effet, 
toutes les fois que dans un courant horizontal il se présente 
des différences de vitesse latérale, il en résulte un double 
mouvement oscillatoire vertical dont la branche descen- 
dante a une figure géométrique et la branche ascendante 
au contraire une figure tumultueuse. Une fois celte loi 
nullement établie et généralisée pour le globe terrestre, 
comme elle ne dépend pas de la température, on peut 
l'appliquer au soleil. Or, celui-ci présentant des mouve- 
ments horizontaux avec inégalité de vitesse, on doit s'at- 
tendre à y trouver, et on y trouve en effet, des mouve- 
ments descendants de forme géométrique; ce sont les 
trombes ou taches, et des mouvements ascendants tumul- 
tueux, ce sont les protubérances. 

Stamsla.5 JIkumer. 

LE CRAPAUD 

A M. J. R... 

Vous nous avez demandé quelle peut bien être 
l'utilité du crapaud? il est assez difficile de répoudre 
à voire question. Cet informe batracien esttellement 
laid que les naturalistes ont tous éprouvé une sorte 
do répugnance à l'observer. 



224 



LA NATURE. 



Est-il, en effet, un être plus affreusement hideux? 
Tête plate, gueule fendue jusqu'aux oreilles et sans 
dents; des yeux énormes, saillants avec des paupières 
toutes gonflées, d'une fixité stupide et sans regard. 
La peau dure, épaisse, couverte de pustules noirâ- 
tres ; on dirait un varioleux défiguré par une érup- 
tion confluente. Son teint est gris livide, tacheté de 
brun, ou d'un roux sale. Avec cela un dos large 
aplati, un ventre énorme comme un vieux goutteux 
abruti et tout le corps sale, gluant, difforme, horri- 
ble à voir. On sent instinctivement que cet animal 
doit avoir une vilaine existence et des goûts dépra- 
vés. En effet, il ne vit guère que dans la vase, dans 
les sales boues des mares, où il se nourrit d'herbes 



bergerie, ils ne manquaient pas d'y introduire un cra- 
paud. 

On connaît les infortunes de ce malheureux Va- 
nini, qui fut bridé vif, par arrêt d'un parlement que 
sa cruauté rendit célèbre, parce qu'on avait trouvé 
chez lui un crapaud renfermé dans un bocal dé verre. 

Aujourd'hui, nous ne croyons plus à l'utilité du 
crapaud en médecine. Nous ne redoutons plus les 
maléfices des sorciers se servant de cet affreux ani- 
mal. Mais nous sommes convaincus que dans le grand 
combat pour la vie, c'est-à-dire dans l'œuvre de des- 
truction que nous accomplissons tous pour entretenir 
notre existence, chaque être a sa place marquée, sa 
destinée à accomplir. Chacun doit vivre et pour cela 



puantes et vénéneuses. Quand il n'est pas dans ces r il détruit certains animaux, en attendant que d'au- 



eaux croupissan- 
tes, il se traîne 
dans les fumiers, 
les décombres , 
les endroits obs- 
curs , humides , 
retirés et mal- 
propres , répan- 
dant sa bave mal- 
faisante sur les 
herbes , les légu- 
mes et les fruits, 
si bien que sa trace 
est aussi funeste 
que son aspect 
est dégoûtant. 

N'est-il pus 
vrai que parmi 
les animaux 
comme parmi les 
humains, la lai- 
deur physique re- 
flète presque tou- 
jours la laideur 

de l'esprit? Aussi Le crapaud 

que de fois ne 

s'est-on pas demandé à quoi pouvait bien servir un 
crapaud. Eh bien, cet animal immonde a été autre- 
fois très- employé en médecine. Ou le réduisait en 
poudre et on l'administrait comme siidcrifique et 
diurétique. On préparait avec les crapauds vivants 
une huile considérée comme délersive ; ils entraient 
aussi dans le baume tranquille et une foule d'autres 
composions pharmaceutiques. 

Adanson, dans son histoire du Sénégal, rapporte 
que ses nègres fortement incommodés par les cha- 
leurs du soleil et du sable, se frottèrent le front avec 
des crapauds vivants ; c'est assez leur coutume, dit- 
il, lorsqu'ils sont travaillés par la migraine, et ils en 
furent soulagés. 

Le crapaud a aussi, de tout temps, joué un rôle 
important dans la sorcellerie. Les sorciers de village 
les associaient à leurs conjurations ou à leurs remè- 
des. 

Lorsqu'ils jetaient un sort sur une étable ou une 




très le dévorent. 
Si les cigognes et 
les canards se rc- 
galent du cra- 
paud, lui, de son 
côté, fait la chasse 
aux cloportes , 
aux jeunes lima- 
ces, aux cousins 
et aux mouches. 
En cela, le cra- 
paud nous est 
utile, il défend 
nos jardins des li- 
maces qui atta- 
quent les parties 
jeunes et succu- 
lentes des plan- 
tes. Eu Angle- 
terre, où le climat 
humide favorise 
plus (pie chez 
nous la multi- 
plication des li- 
maces, beaucoup 
de jardiniers peu- 
plent leurs potagers de crapauds souvent achetés 
à prix d'argent. 

Et qui sait aussi si le crapaud ne nous rend pas 
beaucoup d'autres services. Ne serait-il pas au bord 
des mares pour nous préserver d'une foule d'insectes 
mallaisants? Et son vilain costume n'est-il pas une 
nécessité de son utile fonction? Nous ne demandons 
pas aux égoutiers d'être eu habit noir et en gants 
blancs. Pourquoi faire un crime au crapaud do son 
vilain costume. Rien n'est laid dans la nature pour 
qui sait découvrir la fin de tous les êtres. Aussi je 
vous demande pardon de l'affreuse description que 
je vous ai faite du crapaud. A bien prendre, c'est un 
animal utile, qui nous a été donné comme un auxi- 
liaire contre des êtres plus malfaisants que lui. Res- 
pectons donc le crapaud. E un est Menault. 



Le propriétaire-Gérant : G. Tissandiëu, 

ii/iilil. - '!;[>. et slÉr. tle Cuira • 



W C7 - 12 SEPTEMBRE 1874. 



LA NATUUF. 



22: 



L'ILE FORMOSE 

Quelques Japonais jetés par un naufrage sur les 
côtes de Formose, furent impitoyablement massacrés 
par les indigènes. À plusieurs reprises et sans jamais 
avoir pu l'obtenir le mikado demanda à l'empereur 
Je la Chine réparation de cet outrage, il s'est enfin 
décidé à se faire justice lui-même et prépare aujour- 
d'hui contre Formose une expédition, dont il confiera 
le commandement au général américain Legeudre. 
Ces circonstiinces nous semblent de nature à appeler 
l'attention publique sur cette île qui appartient à la 
Chine d'une façon bien plutôt nominale que réelle. 



Formose (llcrmosa ouFormosa) 11 'est séparée delà 
province deFo-Kien, dans la Chine méridionale, que 
par un canal dont la largeur ne dépasse pas cin- 
quante kilomètres. Sur la côte de Chine, en face de 
File Formose, se trouvent File et le port d'Amoy, à 
l'entrée duquel on remarque d'énormes rochers sur 
lesquels sont gravées de longues inscriptions rela- 
tant quelques incidents de l'histoire locale ou de la 
tradition. La vue que nous reproduisons ici pourra 
donner une idée de ces curieuses annales. De 
forme oblongue, l'île Formose court du S.-S.-O. 
au N.-N.-E. et s'étend entre les 25° 19' et 21° 54' 
de latitude et M1HT et 119° 42' de longitude est 
du méridien de Paris. Imaginez la Corse et la 



ÉS(; 




Inscriptions trouvées sur les rochers U'Ainuy, |>rès do l'île Formose. 



Sardaigue réunies, vous aurez approximativement 
l'étendue de cette île, soit 400 kilomètres de long 
sur 100 de large. 11 est probable qu'elle fut, grâce 
à son voisinage, connue de tout temps par les Chi- 
nois, cependant on ne la trouve mentionnée dans 
les annales de cet empire que vers le commencement 
du quatorzième siècle. Elle fut visitée au seizième 
d'une façon très-superficielle par les voyageurs por- 
tugais et espagnols, ces derniers tentèrent, sans 
succès cependant, d'y établir des missions comme 
celles qui leur avaient si bien réussi dans les Philip- 
pines. Un peu plus tard en 1724, les Hollandais s'é- 
tablirent à Formose et construisirent un fort en face 
du groupe des îles Pescadores ; après s'y être main- 
tenus trente-sept ans, ils furent chassés par les Chi- 

t* iddcc. — 2* semeslre. 



! nois. Ceux-ci s'établirent sur la côte du canal deFo- 
j Kien en repoussant les tribus indigènes, qu'ils n'ont 
! pu, même sur celte côte, jamais soumettre entière- 
| ment. Eu somme, la domination chinoise n'existe 
que sur les bords du canal; l'intérieur de l'île et le 
rivage qui regarde l'Océan ont toujours été indépen- 
dants. Bien que les côtes aient été relevées au dix- 
huitième siècle par quelques voyageurs, il faut arri- 
ver à notre époque pour rencontrer un travail hydro- 
graphique d'ensemble, entrepris par les Anglais. 
Quant à l'intérieur il n'a guère été entrevu jusqu'ici 
que par un consul anglais, un Français, M. Guérin, 
un naturaliste américain, M. Steeveet par M. Camp- 
bell, qui a publié, dans le Géographical magazine, 
le récit de son excursion. L'intérieur de l'île n'a 

15 



226 



LA NATURE. 



jamais été visite ; on sait cependant qu'une im- 
mense chaîne de montagnes, comme sous lo nom do 
Ta-chan, d'origine volcanique, court du nord au sud. 
Le plus liant massif désigné par les Anglais sous le 
nom de mont Morris* on, est couvert de neiges éter- 
nelles, sort sommet lo plus élevé atteint 3,292 mè- 
tres. Les deux versants do celte chaîne sont entière- 
ment dissemblables et comme population et comme 
pays. Le versant qui borde le canal de Fo-Kien est 
partagé en une grande quantité de vallées arrosées par 
d'importants cours d'eau. C'est là que les Chinois se 
sont étahlis depuis des siècles et qu'ils ont fondé un 
nombre immense de villages et huit à dix villes im- 
portantes, dont les plus connues sont Tang-Kang et 
T aï- Wang-Fou, capitale de l'île, qui compte 50,000 
âmes, et dont le port est, depuis 1858, ouvert au 
commerce de foutes les nations. La côte orientale ne 
présente pas un abri, c'est une muraille haute et con- 
tinue de rochers à pic. Pas une baie, pas une échan- 
crure par laquelle une rivière un peu considérable 
[misse descendre des sommets de l'intérieur revêtus 
d'une végétation luxuriante. 

Il est impossible d'évaluer, même approximative- 
ment, le nombre de la population car elle est esti- 
mée par certains voyageurs à 20,000 et par les autres 
à 200,000 habitants. Elle est généralement divisé*: 
en quatre catégories: les aborigènes sauvages et in- 
dépendants qui habitent la partie de l'île inexplorée, 
ceux do la côte occidentale qui reconnaissent la do- 
mination chinoise, les Chinois et les métis résultant 
du mélange des deux races : chinoise et arborigene. 
Los Shek-lioans et les Pepo-hoans sont les aborigènes 
civilisés, les Chay-hoans sont ceux qui vivent à l'état 
sauvage. 

M. W. Campbell, misionnaire de l'Eglise angli- 
cane, qui a visité en 1873 les villages de ces der- 
niers, nous donne sur leurs mœurs et leur carac- 
tère d'intéressantes informations. 

Le voyageur s'était tout d'abord attiré la bienveil- 
lance des Shck-hoans en administrant à quelques-uns 
d'enîre eux des doses de quinine qui les avaient gué- 
ris de la fièvre, si bien qu'il reçut un message d'un 
clieik des Chay-hoans, nommé A-Kek, l'invitant à vi- 
siter ses établissements et à essayer de guérir quel- 
ques-uns de ses hommes malades des fièvres. 

Après avoir franchi nombre de torrents, de colli- 
nes et de défilés, M. Campbell arriva au village de 
Tur-u-Oan, le principal établissement de la tribu. Il 
commença pur administrer à A-Ilck une forte dose de 
quinine puis une tasse de bouillon à l'extrait de 
viande de Liebîg (sic), et lui fît cadeau d'une pièce 
de flanelle rouge, de quelques peignes de bois et 
d'une vieille chaîne de laiton. La première chose que 
M. Campbell remarqua le lendemain matin fut une 
grande quantité de crânes attachés sur le toit de la 
maison du chef. Presque tous étaient fendus et à la 
plupart adhéraient encore des lambeaux de chair, 
comme s'ils n'avaient été séparés du tronc que de- 
puis un ou deux mois. Le plus grand nombre des 
autres huttes étaient décorées de même. 11 compta 



ô9 crânes sur une hutte, 22 sur une autre, li sur 
une troisième. Le voyageur pense que les Chey-hoans 
irrités des empiétements incessants des Chinois sont 
pris d'un désespoir intraitable qui les porte à voir 
dans tout homme un ennemi. A l'intérieur des hut- 
tes un certain nombre d'instruments suspects et des 
niasses de cheveux qui pendaient au poutres, lui don- 
nèrent à penser que ces Cliay-hoans sont cannibales. 
C'est une belle race, dit-il, honnête, chaste et point 
menteuse. Le meurtre est le plus commun de leur* 
péchés. Hommes el femmes se teignent le visage. 
Lorsque l'un d'eux meurt, ses amis enlèvent hors de 
lu cabane le feu qui y couve constamment, creusent 
un trou profond où ils placent assis le corps du dé- 
funt auprès duquel ils rangent du tabac, des pipes et 
les objets dont il avait coutume de se servir de son 
vivant. Une courte cérémonie se fait pendant laquelle 
lus assistants donnent cours à leur chagrin, la terre 
est rejetée, le feu reprend sa place dans son coin 
habituel et les choses suivent leur train de chaque 
jour. 

Quant à leurs habitations elles ne ressemblent 
à aucune de celles que j'avais vues, dit M. Camphell. 
Ils commencent par creuser un grand trou profond 
de quatre pieds ; puis après avoir battu la terre on 
élève en rond les murailles avec de grandes pierres 
jusqu'à trois pieds environ au-dessus du niveau de la 
terre environnante. Puis on établit une charpente 
en bambou qui dépasse les murs de deux ou trois 
pieds, enfin, on place sur le tout des ardoises ou 
plutôt de grandes plaques de pierre. Le pays environ- 
nant est le plus sauvage et le plus magnifique qu'on 
puisse imaginer, Glencoé n'est rien à côté, ajoute 
M. Campbell que cette comparaison désigne comme 
Ecossais. 

En revenant àTaï-wan-fou M. Campbell suivit une 
route différente qui lui permit de visitor les Chin- 
Hoans sauvages qui vivent au bord d'un lac long de 
quatre ou cinq milles et large de trois milles envi- 
ron. Leur principale occupation est la pêche, ils se 
servent de longs canots creusés dans le tronc d'un 
seul arbre qu'ils mettent en mouvement au moyen de 
courtes pagaies en forme de feuilles. 

Les aborigènes de Formose présentent dans la 
démarche, beaucoup du balancement des quadru- 
manes supérieurs, du gorille par exemple, leurs bras 
sont longs, leurs pieds énormes. Les voyageurs dont 
nous avons parlé précédemment ont remarqué que 
dans la progression, la moitié antérieure de la face 
plantaire appuie seule sur le sol qu'elle saisit en 
quelque sorte par le jeu perfectionné des articula- 
tions. 

Ajoutons, en terminant, que la langue de ces in- 
digènes appelée le tayal a les plus grands rapports 
avec le ta gai parlé aux îles Philippines, il y a donc 
lieu de penser qu'ils appartiennent à la grande fa- 
mille polynésienne, et comme leur langue ne contient 
aucun mot sanscrit, il est probable que leur émigra- 
tion remonte avant l'introduction du houdhisme 
dans l'archipel indien. Gàisiuel Marcel. 



LA NAITRE. 



227 



LE VOYAGE AÉRIEN DE J. DIJRUOF 

M. et madame Duruof sont devenus les véritables 
héros du jour. Il est peu d'aéronautes qui aient ob- 
tenu un si grand et si légitime succès ; mais il faut 
reconnaîtra qu'il est peu d'ascensions qui se soient 
exécutées dans des circonstances aussi dramatiques 
que celle dont on se préoccupe si vivement aujour- 
d'hui en Angleterre et en France. 

Nous étions à Calais, le lundi 31 août, au moment 
même où Duruof gonflait son aérostat sur la place de 
la ville. Le vont soufflait plein sud-ouest, et la route 
que traçait au ballon ce courant aérien, semblait être 
funeste et mortelle. C'est madame Duruof qui, mal- 
gré l'apparente folie d'une entreprise engagée dans 
dételles conditions, insistait le plus énergiquement 
pour le dépari : « Si nous tombons en mer, disait- 
elle, nous rencontrerons un navire! » Grâce au ciel, 
ce pressentiment s'est réalisé; mais tous ceux qui 
assistaient Duruof dans ses préparatifs, firent tous 
leur? efforts pour empêcher un voyage qui paraissait 
devoir se terminer fatalement par un sinistre. Le 
maire de Calais s'opposa formellement à l'ascension 
qui fut ajournée au lendemain. A 7 h. 50, Duruof et 
sa femme, lassés par les railleries et les quolibets, 
sur lesquels nous ne croyons pas devoir insister après 
l'heureux dénouement du voyage, retournent auprès 
du ballon le Tricolore. , et s'élèvent dans l'espace au 
milieu des acclamations d'une foule profondément 
émue. 

M. Duruof, miraculeusement sauvé avec sa femme 
par un navire anglais, a donné dans le Times le 
récit de son étonnant voyage, nous laisserons la 
parole au courageux aéronaute, au moment où, après 
avoir passé la nuit dans les airs, au-dessus de 
l'Océan, le jour apparaît : 

« Il est impossible de vous décrire mes angoisses 
rapporte Duruof. Ma pauvre femme, que je m'effor- 
çais de consoler en lui disant que nous étions dans 
la bonne voie, ne perdit pas courage. Je lui montrai 
deux bâtiments qui naviguaient justement dans la di- 
rection où nous étions poussés nous-mêmes, et je lui 
dis que nous allions essayer de nous faire recueillir 
par l'un d'eux. Des huit sacs de lest que j'avais avec 
moi j'en avais seulement déchargé trois, et j'aurais 
encore été en mesure, s'il l'avait fallu, de continuer 
mon voyage 13 ou 14 heures. Je remarquai que le 
plus petit des deux bâtiments, un gros bateau de 
pèche, manœuvrait dans le but de venir à notre ren- 
contre. La mer était forte, très-forte. 

« Sans crainte alors, j'ouvris la soupape et je des- 
cendis jusqu'à ce que nos cordes touchassent l'eau; 
mais, au bout d'un instant, nous avions dépassé le 
bateau-pêcheur. Les gens de l'équipage, cependant 
mirent à l'eau leurchaloupe, et deux hommes lamon- 
taut, ranù'ivut vigoureusement vers nous. 11 était 
alors six heures du matin. Voyant la bonne volonté 
des pêcheurs à nous secourir, je résolus d'arrêter la 
fuite rapide de mon ballon enfermant la soupape, jus- 



qu'au moment où notre nacelle se trouva sur l'eau; 
c'est ainsi que je pus opposer quelque résistance au 
ballon qui nous emportait. Mais, lorsque ballottés par 
la mer, nous regardâmes autour de nous, nous ne 
vîmes plus le bateau. D'instant en instant d'énormes 
vagues venaient se briser contre le ballon et nous 
couvraient d'eau ; cependant le ballon résistait en- 
core, et ma seule crainte était alors qu'il ne crevât, 
auquel cas nous étions bien sûrs d'être perdus. 

« A 7 heures, enfin, nous aperçûmes de nouveau 
le bateau-pêcheur à l'horizon; nous vîmes avec joie 
qu'il cinglait vers nous et qu'il approchait rapide- 
ment. » Gaston Tissajndieh. 

— La suite prochainement. — 

VOYAGE DE NUIT EN BALLON 

PAR M. C. FLAMMARION. 

Après avoir commencé à dire quelqu ^s mots de 
l'étonnante et dramatique ascension de notre ancien 
compagnon, l'intrépide Duruof, revenons vers notre 
collaborateur et ami Camille Flammarion, qui vient 
d'exécuter un voyage moins émouvant, mais dont 
l'intérêt n'est pas moins digne de notre attention. 
La première originalité de cette pérégrination noc- 
turne et aérienne, est d'avoir été un voyage de noce. 
No scmble-t-il pas logique, en effet, de se rapprocher 
de l'astre des nuits pour inaugurer la lune de miel? 

La seconde particularité de l'ascension, — et c'est 
sur celle-là que nous devons insister spécialement — 
est la magnifique et rare observation de quatre cou- 
rants aériens superposés, se mouvant dans des direc- 
tions différentes. 

De 100 mètres à 400 mètres, le vent se dirigeait 
sur le sud-est, de 500 mètres à 700 mètres, vers le 
sud; de 800 mètres à 1,100 mètres, vers le sud- 
ouest; de 1,100 mètres à 1,200 mètres, vers le 
nord-ouest; au-dessus de 1,600 mètres vers le nord- 
est. N'avions-nous pas raison d'appeler l'attention sur 
ces fleuves de l'air qui roulent leurs ondes à différents 
niveaux, dans le sein de l'atmosphère? Quelle im- 
portance présentent en effet ces observations, qui 
échappent au météorologiste plongé dans les bas- 
fonds de l'Océan aérien, et que l'acronaute seul peut 
entreprendre d'une façon réellement efficace. 

Les voyageurs, M. et Madame C. Flammarion, et 
M.E. Flammarion, frère de l'astronome, conduits par 
l'habile Jules Godard, ont pu ainsi choisir leur route 
exactement comme s'ils menaient un tilbury. Empor- 
tés d'abord par les vents inférieurs, ils se dirigent à 
6 h. 40 m. de soir, vers Chcnevières, puis ils mon- 
tent un peu plus haut, et planent sur le parc de Gros- 
Bois, puis sur la forêt de Sénart, puis ils reviennent 
sur Paris qu'ils traversent au milieu de la nuit. Ils 
se laissent enfin entraîner par le courant supérieur, 
et arrivent en Belgique, où ils contemplent le lever 
du soleil après avoir, douze heures auparavant, ad- 
miré le spectacle de son coucher, non loin de notre 



228 



LA NATURE. 



belle capitale. Panoramas grandioses, nuages écla- 
tants, dorés par les rayons do la lune, ombres du 
ballon, enveloppées de l'auréole aux sept couleurs 
de lu rc- en-ci el, rien n'a manqué au voyage des nou- 
veaux époux. Gasto.-n Tïssaniher. 



LE BOOMERANG 

Nous avons déjà parlé des expériences curieuses 
qui ont été exécutées à Saint-Germain, sur l'em- 
ploi des armes et des machines de guerre romai- 
nes , devant les mem- 
bres de la Société d'an- 
thropologie '. La Re- 
vue (i anthropologie a 
récemment étudié, à ce 
sujet, l'action des ar- 
mes de certaines popu- 
lations sauvages , et a 
cru devoir appeler spé- 
cialement l'attention sur 
le boomerang , ce cu- 
rieux projectile à rico- 
chet qui revient sur lui- 
même api es avoir atteint 
le but, et qui a souvent 
excité rétonnement des 
explorateurs en Austra- 
lie. Le boomerang pa- 
raissait être une arme 
spéciale aux Austra- 
liens , on sait aujour- 
d'hui qu'il était connu 
des anciens Egyptiens ; 
M. C. C Parry l'a encore 
retrouvé chez les Indiens 
Mogui-Pueblo, de l'Amé- 
rique du NorJ. Cette cu- 
rieuse tribu s'adonne à 
l'agriculture ; entourée 

de déserts, elle a conservé les habitudes et la manière 
de vivre anciennes. Parmi les coutumes conservées 
on doit noter l'usage, pour la chasse au lapin, d'un 
instrument ressemblant au boomerang. Cet instru- 
ment consiste en un morceau de bois dur aplati de 
chaque côté jusqu'à l'épaisseur d'un demi-pouce, 
d'une largeur moyenne de deux pouces, recourbé 
vers le milieu de sa longueur sous ui\ angle obtus de 
150 degrés, garni, d'une poignée à chape extrémité. 
Cette arme est lancée par un mouvement rotatoire, 
le chasseur vise les pattes du lapin quand il saute, 
et ne manque pas de les lui casser, s'il est habile. 

M. Lane-Fox a de son côté récemment publié de 
très-curieux détails sur l'arme australienne 1 . « Le 

1 Voy. la Kature, n' G'j (15 août 1874), p. 174. 

* Proceedingx of (fie American Association fur the ad- 
vanement of science. 1872. — Ilcoue d'anthropologie, 
u" 1 et 2, 1874. 




Bo.niieiaiig* et bouclier australiens, 



retour sur lui-même de cet instrument, dit le sa- 
vant an thropologiste, a été grandement exagéré. Tous 
ceux qui ont assisté à son emploi par les indigènes, 
s'accordent à dire que sa portée de retour est tiès- 
aventurée. Quiconque se donnera la peine d'opérer 
comparativement avec les différentes formes de. celte 
arme se convaincra que le principe essentiel du boo- 
merang réside dans sa courbe et sa forme aplatie, 
qui permettent de !c lancer avec un mouvement de 
rotation augmentant l'étendue et la tension de la 
trajectoire. Je me suis exercé avec les boomerangs 
de divers peuples. J'ai fait faire un modèle de celui 
des anciens Égyptiens qui est au Musée britannique 

et m'en suis servi pen- 
dant quelque temps. J'ai 
trouvé que parfois je 
pouvais allonger sa por- 
tée de 50 à 100 pas, 
c'est-à-dire au delà de 
ce que je pouvais jeter 
un bâton de même di- 
mension avec quelque 
justesse. Je réussis en- 
fin à le faire revenir sur 
lui-même, de façon que 
l'arme, après avoir été 
à 70 pas en avant, reve- 
nait à 7 pas de la place 
que j'occupais. Ceci juge 
la question de l'identité 
du boomerang égy ptien ; 
su réalité il travaille 
mieux que celui des 
Australiens, car beau- 
coup parmi ces derniers 
diffèrent par la forme, 
le volume et le poids, 
et un grand nombre 
même ne peuvent reve- 
nir sur eux-mêmes. 
L'efficacité du boome- 
rang est tout entière 
dans son mouvement de rotation, de sorte qu'il at- 
teint un oiseau au vol, et le renverse par ses pointes 
qui tournent. Un boomerang lancé de J 'autre côté 
d'une rivière peut revenir au point de départ. » 

Certains voyageurs, notamment le major Slitchcll, 
dans son ouvrage sur la Nouvelle-Galles du Sud, rap 
portent qu'un aborigène peut lancer le boomerang 
par-dessus un arbre et frapper un objet qui se trouve 
derrière cet arbre. 

Parmi les récils qui sont dus à d'autres explora- 
teurs, il eu est un grand nombre qu'il faut ranger 
au nombre des fables grossières; tels sont ceux qui 
se rapportent à des ennemis frappés derrière le guer- 
rier armé du boomerang. M. l.ane Fox n'hésite pas 
à les considérer comme les fruits d'erreurs ou d'exa- 
gérations qu'il rejette énorgiquemeiit. 



LA NATURE. 



220 



LA CRISTALLISATION DU VERRE 

Un jeune ingénieur de l'Ecole centrale, M. G.-L. 
Videau, chargé par M. Chagot d'organiser une ver- 
rerie à bouteilles à Blanzy (Saône-et-Loire), avec le 
concours de M. Clémandot ingénieur civil, dont le 
nom est depuis longtemps attaché aux progrès de la 
verrerie et de la cristallerie, a remplacé les creusets 
habituellement employés, par un four à cuvette de 
grande dimension, et chauffé au gaz. À la suite d'un 
accident bien explicable par cette innovation, ce nou- 
veau four fut mis hors l'eu : M. G.-L. Yideau lit tirer 
le verre encore fluide dans les parties déclives de la 
cuvette, et il mit à découvert de magnifiques géodes 
cristallines, qui avaient pris naissance pendant le re- 
froidissement de la masse vitreuse. M". Videau sup- 



posa, non sans raison, que de si rares produits 
étaient clignes d'un examen attentif, et d'une étude 
sérieuse; il les apporta à M. Eug. Péligot, avec l'eau 
mère qui les avait produits, et avec des fragments 
d'une bouteille confectionnée à l'aide de ce mêm; 
verre dans les conditions normales. M. Péligot vient 
de tirer de ces documents, des faits nouveaux et des 
observations d'un grand intérêt tant au point de vue 
de l'industrie du verre que de la cristallographie. 

« Les cristaux, dit M. Eug. Péligot, ont pris nais- 
sance d'abord aux angles du four, dont la corrosion, 
pur la matière vitreuse, avait fait des points saillants; 
ils se sont ensuite développés sur toute la surface, 
en formant une croûte qui est restée solide après la 
décantation du verre à la poche. Us diffèrent beau- 
coup, par leur aspect et pat* leur mode de formation, 
de tous les échantillons de verre dévitrifié qua j'ai 








ÉÉSSÉfcSÉËfe 



Echantillon de verre cristallisé. (D'après une photographie). 



vus jusqu'à présent ; ceux-ci sont tantôt opaques, 
homogènes ayant l'aspect d'une poterie : c'est la 
porcelaine de Néaumur; tantôt sous la forme de 
prismes aiguillés ou demamclons blancs emprisonnés 
dans le verre qui les a fournis, et dont il est impos- 
sible de les séparer complètement. Les cristaux que 
reproduit la figure ci-dessus sont entièrement isolés, 
sans mélangede verre transparent; ce font des pris- 
mes, ayant quelquefois au delà de 20 à 30 millimè- 
tres de longueur. Ils se sont produits dans les mêmes 
conditions que les cristaux de soufre et de bismuth, 
que nousneparons si facilement dans nos laboratoires 
d'avec la matière encore liquide dont ils proviennent; 
avec cette différence toutefois que celle-ci est de 
même nature que les cristaux fournis par ces deux 
corps, tandis que pour le v;rre, c'est précisément 
cette question d'identité qu'il importe d'établir ou 
d'infirmer. l » 

1 Comités rendus de l'Académie des sciences, i" sc- 
mr^tre 1814. — Nous de"ons la gravure qui accompagne notre 



M. Péligot rappelle succinctement les travaux qui 
ont été publiés sur la dé vitrification depuis Réaumur 
et résume les deux opinions actuellement en pré- 
sence sur ce curieux phénomène : « L'une consiste à 
admettre que la dévitrification est due à un partage 
des éléments vitreux qui donne naissance à un sili- 
cate défini, cristallisant au sein de la masse restante, 
celle-ci ayant, par conséquent, une composition qui 
n'est pas celle des cristaux ; dans l'autre opinion, le 
verre dévitrific est de môme nature que le verre 
transparent ; ii est le résultat d'une simple modifi- 
cation physique, analogue à celle de l'acide arsénieux 
transparent qui devient opaque avec le temps. En 
constatant que le verre en se devitrifiaut ne change 
pas de poids, on a cru donner à cette interprétation 
des faits observés une valeur considérable. » 

L'analyse des trois produits vitreux de ftlanzy ; 
verre dévitrifié, eau mère, verre normal , ne confirme 

notice à l'obligeance de M. E. Péligot, de l'Inst'.tut, secrétaire 
de la Société d'encouragement. 



230 



LA N AT LUE. 



pas cette dernière opinion. Le verre cristulli se diffère 
des deux autres produits ; la soude y fait presque en- 
tièrement défaut; la magnifie s'y trouve en phi:- 
forte proportion. Ces résultats intéressants obtenue- 
par 31. Péligot confirment les anciennes expériences 
exécutées sur le même sujet par M. Dumas. 

Les Cristaux de verre de Blalizy ont été soumis à 
l'examen de M. des Cloizeaux, qui les a étudiés au 
point de vue cristallographique; ils ont la forme du 
pyroxène, c'est-à-dire celle d'un prisme oblique, 
presque droit. 

Les expériences de IL Péligot, que nous regret- 
tous de ne pouvoir exposer plus longuement, ont 
encore un caractère technique qui touche à la fabri- 
cation même du verre, et que nous ne duvoiib pas 
passer sous silo née. « Je ne nie en aucune façon, dit 
en concluant, le savant chimiste, que tous les verres 
puissent se dévitrifier...; j'estime néanmoins que les 
verres riches m chaux et en magnésie sont ceux qui 
se décomposent le plus facilement. » 



IN AU G DU ATI OS 

DU PONT SIR LE MISSISSTP1 

A. SAINT-LOUIS (éTATS-L'MS) 1 . 

Les Américains du Nord nous ont habitués à les 
voir entreprendre tout ce qu'ils jugent utile et néces- 
saire et à terminer tout ce qu'ils ont entrepris dans 
cet ordre d'idées. Nous n'avons donc pas lieu d'être 
étonnes que le pont que l'on a commencé à construire 
en 1868 sur le Mississipi à Saint-Louis soit actuel- 
lement livré à la circulation: mais nous pensons 
qu'il est bon d'insister sur l'importance que l'on 
attache dans cette contrée à la mise en exploitation 
d'ouvrages d'un intérêt public. 
' La ville de Saint-Louis, située dans l'Etat du Mis- 
souri, est bâtie sur la rive droite du Mississipi, qui 
sépare en cet endroit l'Elut du Missouri de l'Etat de 
l 'Illinois. Cette ville est bâtie sur un plateau com- 
pris entre le Mississipi et ses affluents, le Missouri à 
l'amont et le Meramec à l'aval : ce plateau a une 
altitude moyenne de 60 mètres environ au-dessus 
du Mississipi, et il est sillonne par de petites rivières 
allant aboutir à l'un des trois grands cours d'eau 
que nous venons de citer. Ce plateau s'abaisse gra- 
duellement jusqu'au rivage du Mississipi : la po- 
sition de la ville et de la contrée environnante se 
prêtent parfaitement à une extension considérable, 
et ce point paraît capital aux habitants de Saint- 
Louis, dont une partie pense que leur ville est desti- 
née à devenir la ville la plus vaste des Etals-Unis, 
et peut être du monde entier 1 . Les raisons qui 
semblent militer en faveur d'un accroissement con- 

1 Voy. la Nature. IYenuire année, 1873. Les ponts au.) 
États-Unis. 

* "Voy. Saint-Louis l lie future great city. of the World 
*' édition, 1875: - - 



si il érable sont d'abord la position géographique : 
Saint-Louis est presque le centre géométrique dos 
États-Unis, sa position dans 'la vallée du Mississipi 
est réellement magnifique; ce fleuve permet d'une 
part de faciles communications avec la mer ei d'au- 
tre part avec l'intérieur des terres, comme fait éga- 

• lement lu Missouri dans une autre direction. Dès à 
présent plus de '25 ligues de chemins de fer en 
exploitation ou en construction aboutissent à Saint- 
Louis, et mettent celte ville eu rapport avec les prin- 
cipaux centres industriels ou commerciaux des 
Etats-Unis. La population de Saint-Louis atteint 

| 400,000 unies, et l'accroissement actuel est de 10 
à 12 pour 100 annuellement; en prenant le chifli'c 
de 512,905 habitants fournis par le dernier recen- 
sement officiel de 1870, et admettant un accrois- 
sement annuel de 10 pour 100 qui décroîtrait de 1 
pour 100 par période de dix ans, on trouve qu'en 
1900 la population serait de ô,404,079 habitants, 
et qu'elle atteindrait 10,047,941 habitants en 1970 : 
nous n'avons pas besoin d'insister sur ce qu'un sem- 
blable accroissement présente d'incertain, de problé- 
matique ; mais tout porte à croire que pendant plu- 
sieurs années encore la population de Saint-Louis 
augmentera considérablement. La navigation atteint 
un tonnage annuel de 800,000 tonnes environ, tant 
à l'importation qu'à l'exportation. Disons enfin que 
la ville de Saint-Louis est le centre d'un commerce 
actif, et que l'État du Missouri, dont cette ville est 
la capitale, est très-ferlilc, fournit en abondance 
du blé, du chanvre, du tabac, du raisin, que l'élève 
des porcs s'y fait sur une grande échelle; que les 
richesses minérales sont abondantes : oxyde de fer, 
houille, plomb, zinc, marbres, calcaires de toute es- 
pèce, etc. 

11 semble donc en somme que la ville de Saint- 
Louis soit à tous égards destinée à prendre d'année 
en année une importance plus grande. Aussi s'est-on 
préoccupé depuis longtemps d'établir des communi- 

■ cations entre cette villo et la rive gauche du Mis- 

| sissipi, sur laquelle s'est fondée une cité, East- 
Saint-Louis (Saint-Louis de l'Est), qui sert de tète 
de ligne à plusieurs lignes de chemins de fer. Les 
ferry boats qui assuraient les communications entre 
les deux rives furent bientôt jugés insuffisants- Aussi, 
après plusieurs lentatives infructueuses, une com- 
pagnie financière fut fondée en 1804 pour la con- 
struction d'un pont sur le Mississipi. Le capitaine 
Eads, qui s'adjoignit divers ingénieurs, fut chargé 
de la confection du projet et de l'exécution de ce 
grand travail. Le capitaine Eads fut, à proprement 
parler, l'âme de l'entreprise, et il ne fallait peut- 
être pas moins que ce caractère ferme et décidé pour 
la mener à bonne lin. La vie de cet homme serait 
intéressante à raconter eu détail : dès son enfanee il 
manifesta un vif penchant et une aptitude peu com- 
mune pour les arts mécaniques, mais des revers de 
fortune réduisirent sa famille à la pauvreté ; il fut 
contraint de se livrer aux occupations le moins eu rap- 
port avec son esprit ; nous tenons d'un habitant de 



LA KATUllE. 



231 



Saint- Louis c|u'il fut forcé de vendre des pommes | 
dans hi rue. Mais il put revenir à ses études favorites 
tout eu remplissant les fonctions d'officier d'un des 
.steamers qui put courent le Mississipi; puis il fonda 
une société pour procéder au sauvetage et au relè- 
vement des navires coulés à fond dans cette rivière; 
il s'occupa de rétablissement d'une fabrique de gla- 
ces. Pendant la guerre civile il s'occupa de la défense 
du Mississipi : il fit construire entièrement, en moins 
de deux mois, sept vaisseaux de guerre, qui jouè- 
rent un râle important dans cette guerre. Enfin, 
après la guerre, il s'occupa de diverses questions 
industrielles avant d'être chargé de la construction 
du pont de Samt-Louis. 

Mais laissons cette intéressante figure et revenons 
au pont dont nous voulons donner une description 
sommaire. Ce pont comprend trois travées : la tra- 
vée centrale a 170 mètres environ, les travées laté- 
rales 165 mètres; il y a par suite deux piles en 
rivière •. ces piles ont été fondées sur le rocher au 
moyen de l'air comprimé à des profondeurs de TA) et 
de 40 mètres; en tenant compte de la partie con- 
struite au-dessus de l'eau, elles n'ont pas moins de 
55 et de 65 mètres, et leurs poids sont respectivement 
de 28,000 et de 33,000 tonnes. 11 y a deux rangées 
d'ares métalliques superposés : le métal emplovc 
est l'acier chromique : au-dessus de ces arcs se 
trouvent les tabliers du pont, tabliers ayant 17 mè- 
tres de largeur et distants verticalement de 6 mètres 
environ. 11 y a en effet deux étages, l'étage inférieur 
est réservé aux chemins de fer qui emprunteront le 
pont pour la traversée du fleuve, l'étage supérieur 
est destiné aux voitures et aux piétons. 

Afin de laisser la navigation libre, les arcs métal- 
liques sont à 17 mètres environ au-dessus du niveau 
du Mississipi, et par suite les tabliers sont fort éle- 
vés au-dessus du même niveau : il a donc fallu éta- 
blir des ouvrages aux abords pour faciliter l'accès du 
pont. Sur la rive gauche (Illinois), du coté d'East- 
Saiut-Lonis, des rampes ont été établies avec des 
inclinaisons de 1 et demi pour 100 et de 4 pour 100 
suivant qu'il s'agissait des voies de chemins de 1er 
ou des routes carrossables, et l'on a pu facilement 
atteindre le niveau moyeu du sol. Sur la rivealroite, 
la question élail moins facile, parce que la ville de 
Saint-Louis s'étend jusqu'au Lord du fleuve : mais 
comme nous l'avons dit, le sol s'abaisse notable- 
ment du côté du rivage. Le pont fut établi dans le 
prolongement de « Washington avenue, » une des 
voies les plus belles et les plus fréquentées de Saint- 
Louis, voie qui. descend par une pente assez notable 
jusqu'aux quais. Il a suffi dès lors d'établir à la suite 
du polit un viaduc pour atteindre à une certaine 
distance le niveau de cette avenue, et assurer la cir- 
culation des piétons et des voitures; les rues qui 
aboutissent à Washington avenue passent mainte- 
nant sous le viaduc qui ne trouble en rien le mou- 
vement des voilures. Quant aux voies ferrées, à 
la sortie du pont elles s'engagent dans un tunnel de 
grandes dimensions, qui passe sous une partie de la 



ville et qui, après un parcours de 1,000 mètres 
environ, amène ces voies au niveau des lignes déjà 
exis tanles. 

Les dépenses de ce grand ouvrage peuvent être 
évaluées à peu près comme il suit : 

Piles et culées 8,000,000 fr. 

Arcs métalliques et tabliers. . . 7,500,000 

Routes et viaducs d'accès. . . . 5, 000,000 

Tunnel 2,500,000 

Expropriation 3,00(1,000 

Total. . . . 2.1,000,000 fr. 

L'inauguration du grand pont d ; Saint-Louis avait 
été fixée au 4 juillet, anniversaire de la déclaration 
de l'indépendance des Etat-Unis. On savait que la 
ville de Saint-Louis avait l'intention de faire de cette 
inauguration une véritable solennité; aussi de toutes 
parts les étrangers affluèrent : on évalue à 150,000 
le nombre des personnes qui vinrent pour assister à 
cette fête. 

La foule était grande dans tous lus points d'où 
l'on pouvait, apercevoir le pont et daus les rues que 
devait parcourir le cortège. 

Le pont l'ut baptisé avec de l'eau contenue dans 
un vase d'argent, et qui était un mélange des eaux 
de l'océan Atlantique, de l'océan Pacifique, du golfe 
de Mexique, des lacs et du Mississipi; celle cérémo- 
nie eut lieu aux applaudissements de la foule et aux 
sons bruyants produits par les sifflets des locomo- 
tives. Après le baptême eut lieu le passage du train 
inaugural, comprenant 15 grands wagons (Pull- 
man' s palace cars) traînés par trois locomotives et 
portant les personnages les plus importants de la 
ville de Saint-Louis et des États du Missouri et de 
l'Illinois; ce train, partant de la rive gauche (East- 
Sai ut -Louis), atteignit la rive droite (Saint- Louis) en 
quatre minutes. 

Une tente, pouvant contenir 12 à 1,500 person- 
nes, avait été dressée a rentrée du pont : c'est là 
qu'eurent lieu les prières et que furent prononcés 
les discours qui ne pouvaient manquer à cause du 
double caractère de cette journée, anniversaire d'une 
date fêtée universellement aux États-Unis, et inau- 
guration d'un ouvrage de première importance. 

Une immense cavalcade eut lieu pendant la jour- 
née : d'après les renseignements fournis par les 
journaux américains, elle avait une longueur de 
plus de '20 kilomètres, et le passage en un. point ne 
dura pas moins de 5 heures et demie. Outre des dé- 
tachements de pulieemen, des troupes permanentes 
avec leurs drapeaux, des vétérans du diverses corpo- 
rations, des orphéons, des sociétés maçonniques, do 
tempérance, de bienfaisance, les principales admi- 
nistrations avaient envoyé leurs employés avec des 
voitures ou des chars diversement décorés; De plus 
.toutes les principales maisons de commerce- avaient 
tenu à fournir un char avec drapeaux» attributs; elc. ; 
là on voyait sur le char une iorge avec des ouvriers 
qui travaillaient le fer comme s'ils euss'irt clq, à 



232 



LA NATURE. 



l'atelier, ici des moulins en mouvement, ailleurs 
une imprimerie, une presse lithographique, un ca-" 
(Iran colossal peint sur toile et dont les aiguilles se 
déplaçaient de manière à donner l'heure réelle à 
chaque instant, ete. I.e plus souvent les chars conte- 
naient les produits à divers états de préparation, 
niais dans tous les cas, au milieu des drapeaux, des 
festons, on trouvait le nom du commerçant, de l'in- 
dustriel ; car à cette fête du commerce, de l'indus- 
trie, tous voulaient participer et contribuer d'une 
manière patente. Cela nous semble juste d'ailleurs, 
et ces annonces nous paraissent être aussi naturelle- 
ment à leur place dans ces circonstances qu'elles 
nous ont paru déplacées en France, dans certains 
cas qu'il n'est, possible de comparer en rien à la so- 
lennité dont nous parlons. 

Enfin la journée fut terminée par un feu d'artifice 
tiré sur le pont : les bateaux qui étaient sur le Mis 
sissipi, les rivages, les rues environnantes, les toits; 
des maisons étaient entièrement couverts de monde. 

Tel est le résumé des renseignements que nous 
avons pu nous procurer sur l'inauguration d'un très- 
beau et très-important travail, qui nous paraît pou- 
voir être comparé, comme difficultés vaincues et 
comme intérêt, au percement du tunnel des Alpes. 
La construction de ce pont ne changera rien aux 
communications internationales, comme ont fait le 
câble transatlantique et le percement de l'isthme de 
Suez, mais, malgré cela et bien que les Américains 
doivent seuls en profiler directement, nous pensons 
que l'ancien monde doit applaudir à ce résultat im- 
portant. C. Al. G A.R1 EL. 



LE CHAMP D'EXPÉRIENCE 

DE DESTRUCTION DU rilVLLOXERA. 

On a récemment institué dans le Midi un champ 
d'expérience, pour étudier les procédés propres à 
détruire le phvl lovera. M. Balard vient de visiter la 
localité où est établi ce curieux champ d'expérience, 
et, dans une des dernières séances de la Société 
d'encouragement, il a rendu compte des ses impres- 
sions que nous reproduisons succinctement. 

Sous la direction d'une commission spéciale, pré- 
sidée par M. Marcs (Henri), l'un des membres cor- 
respondants du Conseil de la Société d'encourage- 
ment, tous Jes procédés, agents toxiques ou amen- 
dements qui peuvent | résenter quelque chance, de 
succès, sont essayés avec un ordre et une méthode 
qui donnent les plus grandes garanties sur le juge- 
ment porté par la commission. Les engrais azotés, 
mêlés de sels potassiques et de sulfures alcalins, 
étaient les produits qui , en ce moment, faisaient 
espérer les meilleurs résultats. En comparant Jes 
sarments rabougris que la vigne avait produits l'an- 
née dernière et dont il restait des parties notables 
après la taille, avec les pousses vigoureuses de la 
nouvelle année, on pouvait apprécier l'amélioration 



que l'emploi de ces engrais avait apportée dans la 
vigueur de la vigne. Quant au sulfure de carbone, 
partout où il a été employé près de la surface du sol 
et de manière que ses vapeurs pussent atteindre les 
feuilles, il a détruit toule végétation; mais des pro- 
priétaires dont le témoignage est tout à fait digue de 
confiance, se sont servis de cette substance selon les 
indications de M. Monestier, c'est-à-dire en la met- 
tant dans le sol à une profondeur de 0"',80 au moins, 
et. en la mêlant avec des matières qui ralentissent sa 
vaporisation, et ils ont constaté le rétablissement 
d'une végétation vigoureuse, amenant une bonne 
récolte, sur plusieurs vignes infectées dont l'étendue 
n'était pas moindre que 10,000 souches. Les re- 
cherches expérimentales qui succèdent, d'une ma- 
nière rationnelle, aux études scientifiques auxquelles 
nous devons une connaissance plus complète de 
l'ennemi contre lequel nous luttons, paraissent donc 
être dans une banne voie, et. elles donneront bientôt, 
il faut l'espérer, des résultats importants. 



><>« 



L'ANTILOPE BEISA 

La collection du Jardin zoologique de Régent' s- 
Parle vient de s'enrichir d'un nouveau spécimen 
d'antilope, que lui envieront tous les jardins zoo- 
logiques d'Europe. C'est l'antilope Beisa d'Abyssinio, 
ou Oryx Beisa des naturalistes. Une variété de cette 
espèce, le leucoryx commun de l'Afrique septentrio- 
nale, est acclimatée à RegentVPark depuis plusieurs 
années, et s'est reproduite souvent. Les petits sont 
élevés au Jardin zoologique même. Le Beisa se dis- 
tingue de son allié plus commun par des taches net- 
tement dessinées et par rétrécissement de ses cor- 
nes. Les naturalistes n'ayant point eu encore occasion 
d'observer cet animal vivant, nous croyons devoir 
appeler l'attention sur la gravure ci-contre qui a été 
exécutée d'après nature. On ne sait pas grand chose 
de l'histoire naturelle de cette antilope dans son 
pays natal. 

AI. W. T. Blandford qui, en qualité de naturaliste 
de l'expédition abyssinienne, avait des occasions ex- 
ceptionnelles pour observer ce bel animal dans son 
pays d'origine, nous apprend qu'il a tiré à la chasse 
quatre de ces antilopes, non moins belles que rares, 
dans le désert qui s'étend au nord deMassowa. 

« Le Beisa, » écrit M. Blandford, « se rencontre 
seul ou par petites troupes n'excédant pas dix indi- 
vidus, dans la contrée stérile et montagneuse qui 
longe la côte. Il paraît que ces animaux peuplent 
les montagnes du Samhar. Lorsque l'on se rappro- 
che de la baied'Annesley, où la contrée est plus boi- 
sée, l'on ne retrouve plus ce gibier. Il faut poursui- 
vre alors vers le sud, dans le pays desSomalis, pour 
retrouver cette antilope. Les cornes du Beisa font 
l'objet d'un commerce considérable entre Bernera et 
Aden. Les Somalis se servent de ces cornes comme 
d'armes de guerre. 



254 



LA NATUnE. 



« L'Oryx Bcisa, près deMassowah,se nourrit prin- 
cipalement d'une herbe grossière semblable à un 
diminutif du bambou. Cet animal se repnît d'herbes 
plutôt qu'il ne broute les jeunes pousses et les 
feuilles des arbres à l'exception des acacias dont il 
est très— friand. Les habitudes du Iîeisa sont diur- 
nes : il p;iit le matin et, lu soir, et ressemble sous ce 
rapport à la gazelle, dont incontestablement il se 
rapproche d'ailleurs beaucoup. 

« Nous trouvant dans le Sanihar aux mois de juil- 
let et août, l'oryx parut boire tous les jours, entre 
nue et deux heures de relevée. 

Cependant, cette régularité est probablement 
inoins grande lorsque le temps est froid. 

« L'aspect d'un troupeau est vraiment imposant. 
Cet animal a les formes les plus élégantes et les plus 
symétriques. » 

DÉGAGEMENTS ÉLECTRIQUES 

DES SUPKIUICIKS TERRESTRES. 

Nous avons déjà mentionné les intéressants tra- 
vaux de M, Fournct 1 , ancien président de la com- 
mission hydr orné trique et des orages de la ville de 
Lyon. Parmi ces travaus quelques-uns résument des 
séries d'observations météorologiques propres à favo- 
riser les progrès de la science, à préparer de nou- 
velles découvertes, basées sur des observations ana- 
logues. 

Dans une classification des phénomènes produits 
par l'électricité météorique dans le bassin du Rhône 
et aux alentours, lue à l'Académie des sciences, bel- 
les-lettres et arts de Lyon 5 , M. Fournct a mis en évi- 
dence les effets de tous genres que l'électricité est 
capable de produire, en débutant par des effets très- 
exigus, pour arriver, par degrés, aux actions les plus 
grandioses. 

Nous résumerons aujourd'hui quelques-uns des 
laits les plus remarquables relatifs aux dégagements, 
électriques des superficies lenestres, et cités dans le 
mémoire de M. Fournet. 

Dans la nuit du 7 au 8 novembre 1844, vers deux 
heures du matin, au retour d'une excursion géolo- 
gique dirigée du côté de Montbrison, cl pendant 
une violente bourrasque du sud, M. Fournct vit les 
grains de sable projetés par le vent contre les vitres 
de la diligence, dégager, à chacun de leurs chocs, 
une petite étincelle. Voulant noter l'heure de ce 
phénomène, il vit aussi le verre de sa montre briller 
sous ses doigts. La suite de la journée du 8 fut 
excessivement orageuse, et d'énormes averses tom- 
bant sur le Pilât avec la foudre firent déborder les 
torrents de la montagne. 

En 1797, pendant un temps très-orageux, de 
Saussure, Jalaberl et Pictet, se trouvant sur le Bre- 

1 Yoy. la Nature, n« 54, 13 juin 1814, p. 18. 

4 Comptes rendus de la Commission hy (Ironie trique et 
tics orages de Lyon. — 23" année. 



ven (altit. 2520 mètres), n'avaient qu'à élever la 
main et à étendre un doigt pour sentir une sorte de 
picotement à son extrémité. La sensation était môme 
accompagné d'une espèce de sifflement. Jalabert, 
dont le chapeau était garni d'un galon d'or, entendit 
un bourdonnement autour de sa tète; on lirait des 
étincelles du bouton de ce même chapeau ainsi que 
de la virole de sa canne. L'orage gron huit avec vio- 
lence dans le nuage qui planait au-dessus d'eux, il 
fallut descendre du somme' jusqu'à 25 mètres plus 
bas, où l'on ne ressentit plus ces influences de 
l'électricité. 

Le 11 août 18î)i, M. Black well stationnant pen- 
dant la nuit sur le mont Hlanc, aux Grands-Mulets 
(altit. 345") mètres), fut assailli par une violente 
tempête du sud-ouest. Vers i 1 heures du soir, le 
guide F. Goulet sortit de la cabane, et vit les crêtes 
des montagnes tout en feu. Ses compagnons voulu- 
rent s'assurer du fait, et constatèrent effectivement 
que chacune des saillies rocheuses des alentours 
semblait illuminée. Leurs vêtements étaient couverts 
d'étincelles, et lorsqu'ils levaient les bras, les doigts 
devenaient phosphorescents. La journée avait été 
très-orageuse. 

Du moment où des symptômes électriques se ma- 
nifestent à la surface des rochers, dit M. Fournet, on 
conçoit la possibilité de leur développement sur des 
surfaces d'une autre nature. C'est ce qui arrive entre 
autres sur les espaces herbeux; ils se montrent par- 
lois couverts d'éclairs rasants, d'où la dénomination 
d'éclairs des prairies. Un fait de ce genre a été très- 
bien observé par M. l'ingénieur des mines Quiquerez 
de Délémont, dans les environs de Porrentrui, au pied 
du Jura. Etant occupé à surveiller des ouvriers, le 
25 août 18G5, il fut surpris par deux orages suc- 
cessifs, entre neuf heures et midi. A trois heures du 
soir, il en survint un troisième avec des nuages ex- 
cessivement bas. On vit alors l'électricité se mani- 
fester sur toute l'étendue des prés du voisinage, les 
étincelles se succédant sous la forme de rapides 
traînées lumineuses courant sur les gazons. 11 ne 
pleuvait pas, mais on se trouvait presque dans le 
image, et tout avait été mouillé par les averses de 
la matinée. 

Des phénomènes analogues se manifestent sur Ici 
lacs. La société d'Histoire suisse en vit un exemple, 
le 2 août 1850, en traversant le lac de Mo: at, entre 
huit et neuf heures du soir. Le tonnerre se faisait 
alors entendre à Montbéliard, Châlous et Bourg. 

Les champs de neige paraissent aussi disposés à 
ces manifestations. C'est du moins un fait qui res- 
sort des détails suivants, observés le 10 juillet 1865 
par M. Watson, qui visitait le col de la Jungfrau, 
accompagné de plusieurs autres touristes et de gui- 
des. Au moment d'atteindre le col, où d'épais nuages 
étaient amoncelés, la caravane fut assaillie par un 
fort coup de vent accompagné de grêle, et dut re- 
brousser chemin. La neige tombait en telle abon- 
dance que la petite troupe se trompa de direction. 
A peine eùt-on reconnu cette erreur rui'un formida- 



LA NATURE. 



235 



Me coup de tonnerre retentit. On fit une balte, et 
l'on remarqua que les bâtons, ainsi que les bâches 
dont chacun était muni, émettaient une espèce de 
sifflement. Chacun aussi éprouvait des picotements, 
une sensation de cbaleur au visage, et les cheveux 
se hérissaient comme ceux de personnes qu'on élec- 
trisc sous l'influence d'une puissante machine. On 
entendait le sifflement électrique au bout des doigts 
agités dans l'air. La neige elle-même émettait un 
bruit analogue à celui qui se serait produit par la 
chute d'une grêle serrée. Aucune apparition de lu- 
mière ne se manifesta, mais très-probablement il 
n'en eût pas été ainsi durant la nuit. D'autres coups 
de tonnerre arrêtaient subitement tous ces phéno- 
mènes, qui recommençaient ensuite, et qui durèrent 
25 minutes environ, jusqu'à la fin de l'orage. 

Durant un grand orage qui assaillit M. Fournet I 
sur les hauteurs de l'Est erc-1, entre Marseille et 
Nice, dans la nuit du i au 5 s< ptembro 1 855, il put 
observe]' lui-même des explosions lumineuses éma- 
nées du sol. Au milieu d'une violente averse, pen- 
dant que des éclairs apparaissaient, avec des traits 
de foudre, sur tous les points de l'horizon, des illu- 
minations étranges sortaient des buissons ou des 
arbres, semblables aux feux que pourraient produire 
des tas de poudre allumés à de courts intervalles. 
L:i foudre tombant sur la route à quelques pas de 
distance de la voiture, le postillon et le conducteur 
[lurent conduire les chevaux à la main. L'orage, qui 
avait commencé à la nuit tombante, ne cessa qu'avec 
h jour naissant. 

Après avoir cité un grand nombre de faits du 
même ordre, M. Fournet l'ait observer que ces jets 
électriques ion, luisent naturellement à imaginer 
qu'un degré de condensation plus avancé doit abou- 
tir à la production des foudres ascendantes, s'élé- 
vant vers les nuages, à l'inverse des foudres ordi- 
naires. 11 cite encore plusieurs exemples de ces 
foudres, qui jaillissent quelquefois de ia mer, en 
indiquant, comme toujours, la nature des points 
d'émission et l'état météorologique de l'atmosphère. 
L'ensemble de ces observations porte à conclure 
que l'électricité terrestre est susceptible de se mani- 
fester sous des formes et avec des dimensions très- 
variées, depuis celle de simples étincelles jusqu'aux 
puissantes explosions qui vont rejoindre les nuages. 
Le bruit qui accompagne ces explosions est presque 
toujours moins fort que celui des foudres célestes. 

La principale part d'influence dans la formation 
de ces phénomènes doit être attribuée à l'état ora- 
geux de l'atmosphère, qui, suivant les recherches 
de M. Fournet, parait dépendre beaucoup de la di- 
rection des vents dans la saison des bourrasques, et 
du rôle météorologique de certaines régions, qu'il 
désigne sous le nom de pays électriques. Ces régions 
présentent de curieux phénomènes que nous décri- 
rons dans un prochain article, cl dont l'observation 
doit être aussi recommandée aux météorologistes. 



Élie Margollé. 



><>< 



PAYS D'EXTRÊME ORIENT 1 

Depuis l'ouverture du canal de Suez les commu- 
nications avec l'Asie, devenues plus faciles, se mul- 
tiplient rapidement. Le Japon a presque réussi actuel- 
lement à entrer dans la communion des nations 
européennes et à se faire accepter comme État civilisé. 
Ce que le Japon recherche, la Chine le subit. L'une 
des choses imposées par le traité de paix a été la pré- 
sence d'un corps diplomatique à Péking et la plus 
récente victoire morale des Européens a été, à partir 
de l'an dernier, la réception, par le Céleste Empe- 
reur, des représentants de la France, de l'Angleterre 
et de la Russie. 

Pour en réduire à ce point l'orgueil du Fils du 
Ciel, il a fallu l'état de misère profond dans lequel 
les insurrections successives des Taepings, des Niem- 
plicïs et des musulmans du Yunnan ont réduit l'em- 
pire. Ces révoltes ont presque invariablement pour 
origine, comme M. Sachot l'indique avec sagacité, des 
fouîmes qui éclatent dans la moitié occidentale de 
l'empire. En effet, laChiue propre est divisée, du sud 
au nord, en deux: parties presque égales d'une super- 
ficie de plus de deux millions de kilomètres carrés 
chacune (soit plus de quatre millions pour la Chine 
entière 8 , non compris les États tributaires). Avec 
ceux-ci la population totale de l'empire chinois s'é- 
lève à quatre cent vingt-cinq millions d'habitants et 
sa superficie à dix millions deux cent, qualre-vingt 
dix mille kilomètres carrés ; vingt fois la superficie 
de la France. 

Mais, tandis que la région orientale ou maritime, 
admirablement cultivée et possédant un sol d'une 
extrême fécondité, nourrit trois cent vingt-cinq mil- 
lions d'habitants, les quatre cinquièmes de la popu- 
lation chinoise; la moitié occidentale ou intérieure, 
extrêmement aride, ne peut faire subsister, par ses 
propres ressources, les quatre-vingt-cinq millions 
d'individus qui la peuplent ; et ceux-ci ne peuvent 
en partie vivre qu'à l'aide des importations des pro- 
vinces de l'est dont les produits agricoles s'échangent 
contre les produits miniers abondants dans la région 
occidentale. Aussi, quand la maigre récolte vient à 
manquer, les ressources de l'importation libre seraient 
insnlfisantes et trop lentes pour conjurer la famine 
et la révolte, l'État ouvre les greniers publics de la 
capitale provinciale et des provinces adjacentes. Ces 
greniers d'abondance, servant également à l'alimen- 
tation des indigents, sont remplis par le riz prove- 
nant de l'impôt en nature du dixième de la récolte 
prélevé par le gouvernement et transporté dans les 
greniers impériaux par les jonques, dont l'une des 
gravures, que nous empruntons à l'intéressant ou- 
vrage de M. Sachot, nous représente l'aspect. 

' Pays d'extrême Orient — Siam — Indo-Chine centrale 
— Chine — Corôr. — Fleuve Amour, par M, Octave Sachot. 
1 vol. in-8° ne '222 pages, avec. 8 gravures. — Paris, Sarht,! 874. 

* Par suite d'un lapsus calami, l'auteur donne des chiffres 
île moitié trop faibles, nous les rectifions. 



236 



LA NATURE. 



L'empire chinois se disloque comme l'empire turc. 
Depuis quelques années de vaslcs territoires de la 
Mongolie et de la Mande-houne, jusqu'à la frontière 
de Corée et y compris les îles Tsou-sima (entre cette 
presqu'île et le Japon), ont été annexés à la Sibérie ; 
la Dzoungarie et le Turkestan oriental ont reconquis 
leur indépendance et les autres pays tributaires, 
Tliibet et Corée ne sont plus reliés à la Chine que par 
un lien de vassclagc à peine égal à celui qui unit la 
Roumanie et la Serbie à la Turquie. 

Si les Européens ont vu j'ouvrir dev.iit eux dans 
ces dernières années les portes de la Chine et du 
Japon, ils ont jusqu'à présent échoué en Corée. C'est 
en vain que les Russes en 1 S G T> , les Fiançais en 1865, 
li»s Anglais en 1866 également, les Américains en 



1871 ont essayé d'obtenir l'ouverture des ports co- 
réens à notre commerce. Les expéditions militaires 
n'ont pas eu plus de succès que les missions diplo- 
: matiques et commerciales et si les escadres française 
et américaine, en 18li6el 1871, ont pu sans diffi- 
culté remonter la riviè. e qui conduit à la cnpilale, 
Séoul, l'une et l'autre ont échoué quand elles ont 
voulu atteindre la ville elle-même; les seuls blancs 
qui ont pénétré dans cette péninsule, habitée par 
neuf millions d'habitants, et couvrant une superficie 
de '237,000 kilomètres carrés (presque autant que 
l'Italie), sont les missionnaires français arrivés en 
1857 qui, deux fois depuis, ont teint de leur sang la 
farouche contrée qu'ils évangélisent. 

A nu moment les missionnaires auraient pu diriger 




Jonque chinoise portant l'impôt ilu riz. 



les affaires extérieures de la Corée, ils ont laissé 
échapper cette occasion et ont payé de leur vie cette 
faute. L'évêque de Siam a été plus habile que l'évêque 
de Corée, il est devenu le véritable ministre des 
Affaires étrangères du cabinet de Bangkok et, grâce 
à cette situation, il n'est pas de pays où la religion 
catholique soit plus librement professée et plus com- 
plètement acceptée. Aussi le souverain de Siam, le 
premier roi, a-t-il obtenu, grâce au concours de l'é- 
voque français, que la frontière entre Siam et le Cam- 
bodge, que nous protégeons, passât par le milieu du 
lac Tonle-Sap comme le désirait la cour siamoise. 

Malgré les difficultés diplomatiques, les blancs 
sont bien vus à Siam, et le roi admet assez volontiers 
les voyageurs de distinction dans son magnifique 
palais, dont nous reproduisons l'aspect extérieur, 
d'après le livre de M. Sachol. M. de Beauvoir a visité 



cette résidence royale et il en est resté comme ébloui. 
Nulle part le luxe asiatique, le scintillement de l'or, 
de l'argent, des miroirs, des faïences, des cristaux 
de couleur, se ré Hélant sur les costumes d'écarlate 
et de brocart n'a plus complètement mater alise le 
tyranuique symbole des gouvernements primitifs qui 
condensent la grandeur d'un peuple dans le faste de 
son chef. 

La prospérité de Siam est d'ailleurs réelle, l'or et 
l'argent abondent ; la terre produit presque sans tra- 
vail les produits les plus précieux des pays chauds et 
les Siamois, grâce à leur climat, peuvent réduire à 
très- peu de chose les besoins de première nécessité 
et les satisfaire avec la moindre dépense. Des guerres 
heureuses, après avoir chassé les Birmans, ont con- 
sidérablement étendu le Siam aux dépens de la pres- 
qu'île de Malacca, du Cambodge et du Laos. Actuel- 



LA NATIVE. 



257 



IcmcnL l'Etat couvre huit cent mille kilomètres 
carrés et compte six millions trois cent mille habi- 
tants. 

Les Français, qui depuis les ambassades de de 
Chiiumont et de la Loubôre sons Louis XIV, sont res- 
tés en rapport avec Siam, ont. exploré les régions 
récemment conquises et encore inconnues du Laos 
et du Cambodge. Après M. Mouliot qui, le pre- 
mier, parcourut ces régions magnifiques et mortelles 
et y laissa la vie, elles furent complètement étudiées 
par la grande expédition française commandée par de 
Lagrée qui y mourut également. 

La science s'est trouvée à un antre point de vue 
eu rapport avec ce royaume. C'est dans la partie sia- 
moise de la péninsule de Malaccn que les Français 



ont observé, le 18 août 1800, la giâiule éclipse to- 
tale de soleil qui nous a révélé la vraie nature de l'at- 
mosphère solaire; et le 6 avril prochain, M. Janssen, 
au retour du Japon où il va observer le passage de 
Vénus, étudiera à Siam une nouvelle éclipse totale. 

A tous les points de vue, scientifique, géographi- 
que, politique, commercial, comme nous le disions 
en commençant, l'attention est donc attirée ver;» ces 
régions lointaines, et le moment était bien choisi pour 
publier un livre sur ces contrées si peu connues de 
l'extrême Orient. Espérons que, grâce à de nom- 
breux contacts avec les nations européennes, ces 
contrées, qui offrent un si grand intérêt, nous four- 
niront chaque jour d". nouveaux et utiles sujets 
d'étude. Chari.ks Boissay. 




Palais du roi de Siam à Daukok. 



CHRONIQUE 

Le centennlre de la. découverte de l'oxygène 
céléliré en Amérique. — I.cs Américains se sont 
réunis à Northumberland, ville de Pensylvanie, où Pricsl- 
ley a rendu le dernier soupir en 1804. Un grand nombre 
de chimistes et de savants distingués, réprésentant les 
écoles scientifiques des difforénles parties de l'Union, 
s'étaient rendus à celte solennité où l'on ne comptait pus 
moins de cent cinquante délégués. La cérémonie a com- 
mencé le 31 juillet, sous la présidence du professeur 
Chondhr, de Columbia Collège de New-York, par un dis- 
cours du colonel Raggcrt, de la nnfce de Norlhumber- 
land. L'honorable officier a félicité énergiquement IViest- 
ley d'avoir été l'objet de violentes persécutions à cause de 
son amour de la vérité. Le professeur Henry Craft, de To- 
ronto, a retracé la vie et les travaux de Priestley; le pro- 
fesseur Hariford, de Cambridge (Massassuchets), a donné 
lecture de nombreuses correspondances inédites, aussi 
bien que de documents relatifs à la vie prives de Priest- 



lcy. Fais Cette première séance le congrès de Nor- 
thumberland a envoyé un télégramme au comité de Bir- 
mingham, qui, grâce à la différence des heures, se dispo- 
sait à procéder à l'inauguration de la statue. La séance a 
été suspendue et l'assemblée en masse s'est transportée! 
dans la maison modeste qu'habitait l'illustre Priestley. On 
y avait exposé un grand nombre d'objets appartenant au 
héros du jour, de manii're à y former une espèce de mu- 
sée. À la reprise de la séance, lecture a été donnée d'un 
télégramme reçu d'Angleterre où la cérémonie de l'inau- 
guration de la statue de Priestley avait commencé. Le 
meeting de Norlhuiiiberland, répondant à la réquisition 
qui leur était faite, a chargé par télégramme les profes- 
seurs Siniths, Jouman et Says, qui se trouvaient en Angle- 
terre, de représenter les Américains. 

L'assemblée a alors entendu un discours du professeur 
Lawrence Smith, de Louisvillc (Kentucky), un siècle de 
progrès, et s'est transportée sur la tombe de Priestley où 
a eu lieu le meeting du lendemain. 

Le professeur Benjamin Silliman, de New- York, y a pro- 



258 



LA NATURE. 



non ré un discours sur la part que les Américains ont prise 
aux progrès de la chimie. On a photographié tous les 
délégués présents. Les portraits, réunis en un album, 
seront offerts à tous les membres de la famile de Priestlev. 
Puis le meeting a volé de souscrire au monument qu'on 
élève à Licbig dans la ville de .Munich, et s'est ajourné à 
l'année 197'i, après avoir adopté quelques mesures de 
nature à assurer la présence d'un grand nombre de chi 
mistes au centenaire de la déclaration d'indépendance des 
Etats-Unis. 

Pétrole». — Petrolea est située dans la province de 
Lamblon, au Canada ; la première découverte de gise- 
ments d'huile fut faite en 1 80 5 par M. William; aujour- 
d'hui elle a une population de 5,000 habitants. Les puits 
sont situés au milieu de bois à peine défrichés ; quelques- 
uns seulement se trouvent au niiliru de la ville. Tes deux 
puits « le Déluge » et « l'Empire, •> produisent on niovenne 
400 à 500 barils par jour. L n autre, celui do M. fieynolds, 
a donné pendant l'espace d'un an 41,000 barils. Celui de 
MM. Fish et Towseud, a donné, en 8 mois, 22,000 bariK 
Plusieurs puits creusés à 170 mètres ont été percés en 
9 jours. L'huile n'est pas jaillissante ; on l'extrait avec des 
pompes a vapeur, qui fonctionnent quelquefois pour plu- 
sieurs puits à la lois. Le nombre des "wagons de chemin de 
fer employés au transport du liquide est de 2,^00- Sur ce 
nombre 200 font pourvus de réservoirs contenant 55 ba- 
rils, ce qui offre une grande économie sur le transport. On 
a aussi établi des tuyaux sur terre, allant jusqu'à Loiidou. 

La distance à franchir étant de 80 kilomètres, sur un 
terrain à peu près de niveau, ou n'a eu d'autre précaution 
que d'établir des pompes de rehrs tous les 20 kilomètres. 
Les frais d'établissement ne dépasseront pas uûO,000 
francs. En 1S52, Petrolca a exporté un demi-million de ba- 
rils d'huile. 

Ijcs éponges. — La plus grande partie des éponges 
que nous voyons débiter à Paris viennent des côtes de la 
Syrie, où ce commerce produit annuellement de 500 à 
700,000 francs. Les grands centres d'exploitation sont à 
Tripoli, lîuad et Batrun, villes situées sur les cèles du 
Liban. Pendant la saison, qui dure de juin en octobre, 
époque la plus favorable, uu plongeur ordinaire peut ga- 
gner mille francs. 11 porte une ceinture à laquelle il attache 
un filet, et ou le descend par une corde jusqu'à une pro- 
fondeur qui varie de 5 à 50 brasses. Il peut rester snus 
l'eau de 40 à 00 secondes. Lorsqu'il veut remonter, il 
imprime des secousses à la corde. On s'empresse alors de 
Je retirer de l'eau avec son fardeau. 

Le wagon à suspension perfectionnée «le 

M. l'ingénieur fïîffard. — Après avoir été présenté 
au congrès de Lille, ce wagon a été ramené à P.u-is, où il 
vient d'être soumis à une expérience officielle sur la ligne 
du Nord. Samedi dernier, M. Caillaux, ministre des tra- 
vaux publics, y a pris place dans le compartiment du mi- 
lieu, avec M. Delebecque, ingénieur en chef de la compa- 
gnie du Nord, et M. Gilfard. — Le wagon, attelé jusqu'à 
Creil à un train de grande vitesse, a donné les résultats 
les plus satisfaisants; nous n'insisterons pas sur cette 
belle expérience, nous y reviendrons prochainement et 
nous donnerons un dessin du nouveau système de res- 
sorts. 

l<'cxnosilion des insectes dans l'orangerie 
des 'l'uilt-ricR. — C'est une très-heureuse idée qui a 
piéiidé à. l'organiùon de cette belle exposition, au sujet 



de laquelle nous donnerons à nos lecteurs des renseigne- 
ments détaillés. Ou ne saurait trop faire connaître les 
insectes nuisibles el les insectes utiles, afin de détruire 
les uns et de protéger les autres. Malheureusement, comme 
l'a démontré M. Ducuing dans son discours d'inaugura- 
tion, les ravages dus aux premiers dépassent de beaucoup 
l'importance des bienfaits dus aux seconds, parmi lesquels 
il faut principalement citer les vers ù soie et les abeilles. 
L'exposition des insectes aura certainement un très-grand 
succès : on y admire l'innombrable variété de ce monde 
étrange des insectes. 

Chauffage îles wagons. — On expérimente à !a 

compagnie de l'Est, un système de chauffage de wagons 
de foutes classes, par l'air chuid à double courant. Par ce 
système, dit le Journal Officiel, pour chauffer un wagon 
de 5° classe à une température constante de 15 à 15 de- 
grés, on dépense pour faire ,000 kilomètres, environ 
15 kilos et demi de menu coke, soit une dépense de 
1/2 centime par voyageur et par 100 kilomètres parcou- 
rus. En outre, l'appareil, qui consiste en un petit calori- 
fère placé extérieurement, n'oti're aucun danger ni d'in- 
cendie, ni d'asphyxie, est léger et coûte p^u, se charge 
comme une boite à graisse aux grandes stations seulement 
et amène la chaleur dans les wagons au irioyen de bouches 
de chaleur ayant leurs ouvertures sous les pieds des voya- 
geurs ou sous les banquettes. 



BIBLIOGRAPHIE 

Ornithologie parisienne, par N'i-néii Qc-êpat. — Taris, 
J.-B. Baillière et fils, 1874, 1 brochure in-18. 

On n'avait pas jusqu'ici songé adresser le catalogue des 
oiseaux qui vivent à l'état sauvage dans l'enceinte de la 
ville de Paris, il. Quépat a eu l'heureuse idée de le faire. 
Parmi les oiseaux parisiens, ne s'étormera-t-on point de 
voir figurer Je faucon ï II y a quelques années un faucon 
avait élu domicile dans les tours Noire-Dame. Le terrible 
pirate aérien s'élançait sur les pigeons des Tuileries qu'il 
surveillait du haut de son observatoire. La liste des oi- 
seaux parisiens comprend plus de cinquante genres diffé- 
rents. 

La locomotion chez les animaux; on marche, natation, et 
vol, suivie d'une dissolution sur l'aéronautique, par 
J. Bell Petïïcrlw. — 1 vol. in-8% Paris, Germer- 
Baillière, 1874. 

Ce livre qui fait partie de la Bibliothèque scientifique 
internationale, comprend l'élu ie des organes de locomo- 
tion, delà progression sur la ton e, de la progression dans 
l'eau et dans l'air; l'aile de l'oiseau est particulièrement 
soumise à un examen approfondi. La dernière partie de 
l'ouvrage est consacrée ù l'aéronautique. M. Petligrew 
pousse si loin l'amour du plus lourd que l'air, qu'A consi- 
dère la découverte des ballons comme malheureuse et fu- 
neste. U ne nous parait pas nécessaire de protester contre 
un tel aveuglement. L'aérostat est lu seul instrument de 
la navigation aérienne. Les appareils plus lourds que l'air 
ne sont pas encore sortis du domaine de la théorie, leurs 
partisans, jusqu'ici, restent impitoyablement cloués au 
plancher terrestre . Il se pourrait bien qu'ils y demeuras- 
sent toujours. 



LA NATURE. 



25!) 



Cours de géologie comparée, professé au Muséum d'His- 
toire naturelle, par Stanislas Meuhikk. — 1 vol. in- S" 
Paris, Finiiiû Didot et C', 1874. 

Ce bel ouvrage est, en quelque sorte, le complément du 
Ciel géologique, où notre collaborateur, M. Stanislas 
Meunier, a jeté les bases de la belle doctrine qui lui est 
due sur l'origine et la formation des aôrolithes. Ce livre 
reproduit le cours que le savant aide-naturaliste a été 
chargé de faire au Muséum, et où il a su briller par l'o- 
riginalité de S'.'s théories, par l'élévation des idées, et 
par une connaissance approfondie du sujet traité. 

La lumière et les couleurs, par Amédke (juiuem.n, 1 vol. 
in-18, illustré. Pari^ Hachette et C", 1874, 

Notre savant collaborateur, M. À. Guillemin, s'est con- 
sacré à la publication d'une petite encyclopédie popu- 
laire, où il retrace de main de maître quelques-uns des 
grands résultats de l'expérience ou de l'observation mo- 
dernes. — La lumière, fait suite au Soleil et à fa Lune, 
deux volumes déjà parus récemment; ce nouvou livre, 
sobrement écrit, clairement rédigé, est certainement ap- 
pelé à rendre de grands services à tous ceux qui sont 
avides de s'instruire. 

Traité des paratonnerres. Leur utilité. Leur théorie. 
Iœur construction, par A. Callald, 1 vol. in-8% Paris, 
DucheretC 1 ', 1874. 

On a beaucoup écrit sur les paratonnerres, mais on ne 
saurait trop revenir sur une question qui touche à de si 
grands intérêts. M. Callauda spécialement étudié les para- 
tonnerres, il suffit pour s'en convaincre de lire son nou- 
vel ouvrage, où les renseignements pratiques les plus pré- 
cieux abondent. 



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ACADEMIE DES SCIENCES 

Séance dit 7 : itjitfmbrc 187-4. — Présidence rfe M. Fpémt. 

Corpuscules sur le soleil. — Une dépêche télégraphique 
datée de ce matin à l'Observatoire de Toulouse, signale le 
passage extraordinaire de corpuscules sur le disque du 
soleil les 5, 6 et 7 septembre. 11 est possible que le phé- 
nomène continue encore. Quant à sa cause, les auteurs de 
l'observation n'en parlent pas, mais nous rappellerons que 
déjà à diverses reprises des faits analogues, provoquant 
parfois l'obscurcissement du soleil, ont été signalés. C'est 
ainsi que Humboldt cite dans son Cosmos un phénomène 
de ce genre qui cul lieu en 1547 et dura trois jours. 
« Kepler, ajoute M. de Humboldt, voulut en chercher la 
cause d'abord dans l'interposition, d'une maleria come- 
tica, puis dans un nuage noir que des émanations fuligi- 
neuses, sorties du corps même du soleil, auraient contribué 
à former. Chladni et Scbnurrer attribuaient au passage 
de masses météoritiques devant le soleil, les phénomènes 
analogues des années 1090 et 1208 qui durèrent moins 
longtemps, le premier pendant trois heures, le second 
pendant six heures seulement. » Arago rapporte que le 
17 juin 1777, Meissier vit, vers midi, passer sur le soleil 
pendant cinq minutes un nombre prodigieux de globules 
noirs. Et l'on pourrait sans doute multiplier ces exem- 
ples. 

L'orage du l" au 2 septembre. — ('et orage, qui a sévi 
si fortement sur Paris, a fait ressentir ses ravages aussi à 



Versailles, où M. le docteur liengny l'a oh ervé avec le 
plus grand soin. I.a foudre est tombée sur quatre points 
de la capitale actuelle de la France, et dans l'un d'eux, 
après avoir fendu un arbre, elle a tué un cheval. Celui-ci 
présentait à la fesse une blessure analogue à un trou de 
balle suivie d'une rainure, se prolongeant tout le long de 
la jambe et du pied jusqu'au fer. 

Zirr.osijp.nite de l'île de Fortavenlura. — La zyrcosyé- 
riite est une roche très-intéressante, signalée d'abord par 
I.éopold de Buch qui démontra le premier sa nature érup- 
live. En étudiant les collections géologiques rapportées des 
Canaries, par M. Wehb, nous venons d'y retrouver cette 
même roche connue jusqu'ici à peu près exclusivement 
dans la péninsule Scandinave et au Groenland cl qui se 
montre aux Canaries, en association avec les roches volca- 
niques. (Je fait peut avoir quelques conséquences au point 
de vue de h géologie générale, et 51. Élie de Beaumont a 
bien voulu les signaler en présentant notre note à l'Aca- 
démie. 

La ligne vaccinée. — Enfin, voila le remède trouvé, 
jusqu'à nouvel ordre, qui nous débarrassera du phylloxéra. 
Il consiste, à traiter la vigne comme un homme et la mala- 
die pbylloxérique comme la petite vérole. En d'autres ter- 
mes on fait une incision à la vigne et on écrase dessus un 
grain de raisin malade. C'est bien simple, comme on voit, 
mais il est plus que douteux que l'on en retire un effet 
quelconque, car si la maladie pbylloxérique est interne; sa 
cause, le phylloxéra, est externe et il n'y a pas apparence 
que cet insecte renonce h mordre une racine par cela seul 
que la vigne a été vaccinée. Un peu plus et on trouvera un 
vaccin qui nous mettra d'avance à l'abri des serpents à 
sonnettes et des chiens enragés. Voilà qui vaudrait la 
peine d'être cherché et surtout trouvé. 

— Après moins de trois quarts d'iicures de séance l'Aca- 
démie n'ayant plus rien à son ordre du jour, se forme en 
comité secret. Stanislas Meunier. 

— ~J~~ 

QUELQUES INFliSOIRES 

Tandis que l'observation des infiiiiments petits 
estime des éludes favorites des Anglais et des Alle- 
mands, les plus vulgaires explorations microscopi- 
ques ne sont point connues en France. 

Cependant, la nature nous offre partout à cet 
égard les plus admirables spectacles! Nous n'avons 
pas besoin de pousser bien loin nos excursions, nous 
trouverions ample moisson dans les eaux stagnantes 
de la mare, de l'étang, de la source au milieu des 
bois, dans le fleuve, dans la mer si nous en sommes 
voisins! La recherche des microzoaires prend alors 
la forme .d'une chasse, et d'une chasse des plus at- 
trayantes. * 

Mais si nos goûts, si notre sauté nous retiennent à 
la maison, il ne faut pas désespérer davantage, les 
infusions déplantes nous fournissent d'innombrables 
animaux microscopiques, dont le développement 
successif offre le plus grand intérêt. En effet, pres- 
que toujours on marche du plus simple au composé, 
en ce sens que le dernier venu ou les derniers venus, 
car ils apparaissent souvent plusieurs à la fois, man- 
gent en général tous ceux qui les ont précédés. 



240 



LA NATURE. 



Non pas qu'il faille croire que ce sont des trans- 
formations successives d'une même matière vivante : 
à nos yeux, ce serait une erreur. Seulement nous 
trouvons aussi merveilleuse la précautionde la nature 
qui sait mettre parfont ensemble les genres divers 
dont l'évolution se succédera do manière à ne jamais 
laisser inoccupé et désert un point de la matière ni 
île l'espace . 

Quel est le point de départ de ia population que 
nous allons voir naître, vivre et mourir? Une feuille 
quelconque plongée dans de l'eau. Voilà tout. 

Mais, sous l'influence de l'eau, cette vie de l'uni- 
vers terrestre, voilà que des germes — je n'ose dire 
des œufs ! — éclosent, qui emplissent le liquide. Ce 
sont évidemment les plus petits et les plus simples: 
si petits qu'on ne 
les a jamais vus; 
si simples qu'ils 
donnent naissance 
à la monade, le 
terme infiniment 
petit, do ce que 
nous pouvons voir. 
Puis les heures 
s'écoulent , — car 
ici les heures sont 
de longue s périodes 
pour de semblables 
êtres — d'autres 
organismes éclo- 
sent, pins grands, 
plus compliqués , 
mais non moins vo- 
races qui dévorent 
non-sou ement les 
premiers venus , 
mais les tissus de la 
plante. Et, ainsi, à 
mesure que ces 
tissus se désor- 
ganisent, à mesure 
que les nucro- 
zoaires meurent et 

que leurs carapaces ou leurs déjections s'accumu- 
lent, nous voyons un dépôt, désormais inorganique, 
se produire au fond du vase; toute vie s'est éteinte ; 
peu à peu l'eau est morte, vide, nous n'avons plus 
affaire à la vie... elle a passé! 

Que ne pouvons-nous faire défiler devant nos 
lecteurs la curieuse suite de cette danse macabre 
qui se déroulera sous leurs yeux aussi souvent qu'ils 
le voudront ! iSous allons en détacher quelques-uns 
de ces êtres, un peu au hasard. Pour ceux de nos 
lecteurs qui les ont déjà vus, ce sera une occasion 
d'en reconnaître la silhouette bizarre : pour ceux 
qui n'ont pas encore fait de semblables observations, 
ce sera peut-être une motif de les décider à y con- 
sacrer leurs loisirs. 

Dans lu demi-douzaine d'organismes que nous 
avons L'énnis ici, quelques-uns sont surtout intéres- 




sants par leurs formes, d'autres par leur nombre. 
Les Kolpodes (n° 3) et les Paramécies (n° o) sont 
tellement nombreux, en général, à certains âges des 
infusions qu'ils emplissent le liquide de leurs tour- 
billons animés. C'est alors une curés dont rien ne 
peut donner l'idée ; non-seulement les tissus végé- 
taux, à demi décomposés par la macération, sont 
déchirés, mais les animalcules eux-mêmes, qui se 
trouvent broyés dans cette mêlée, servent immédia- 
tement de pâture à leurs voisins ! C'est horrible et 
splendide tout à la fois! 

Les n os 1 et 2 sont des microzoaires à forme de 
cygne: ils sont gracieux; on dirait que comme l'oi- 
seau, ils se mirent dans leurs mouvements omluleux. 
Est-ce donc la forme qui fait cela? L'amphileptus 

surtout (n°2) est 
extrêmement cu- 
rieux; son corps est 
presque immobile, 
mais il a des mou- 
vements de trompe 
avec son grand are 
cilié. Son corps est 
rempli de granules, 
verts le plus sou- 
vent et de vacuoles 
dont le but n'est 
pas encore défini. 
Notre graveur a eu 
tort d'omettre les 
poils qui couvrent 
son cou et ceux, 
assez longs , qui 
terminent son 
corps comme une 
graeieuse queue de 
poisson. 

l,'euplotus(n°4) 
est rempli de gra- 
nulations fines; 
ses tentacules lui 
servent de pattes, 
tout comme ceux 
du a GjlcSlylonycliia. Ici on le voit sur le dos, mai s il 
sait fort bien se retourner et marcher, la partie la 
plus bombée de sa carapace en avant. Le n° 6 court 
comme un lièvre ; par ses multitudes de pattes, il 
.rappelle un Myriapode. Ces animaux, toujours en 
mouvement, scrutent les moindres coins des dépôts, 
les plus petits interstices des matières solides de l'eau, 
semblent les nettoyeurs patentés du monde des infi- 
niment petits. Peut-être, — car il faut se délier de 
tout ! — sont-ils tout bonnement carnassiers et à la 
recherche d'un gibier plus petit qu'eux-mêmes. Ce 
n'est pas seulement chez les grands — et quels 
grands ! — que la force prime le droit.... de vivre ! 

II. DE lnVBu>'CHÈRE. 



Iufusoires vu au inicivsco^e. 
1. Traclieiowrea olor. 2j0 D. — 2. Ampliiieplus margaritifer. H'j. D. — ô. Ku3- 
podé capuchon, i'M D. — i. Euplotes ch:iron. lïb D. — 5. Paramécie Auré- 
lie 4,'i() I>. — G. Stykinycliia nmilus. 225 D. 



Le Propriétaire-Gérant : G. Tissandier. 
noium, typ. et stêr. deCRKTF. 



.N° G8. — 19 SEPTEHBUE 18 7 4. 



LA NATURE. 



2it 



LE YOYAGE AÉRIEN DE J. DURUOF 

(Suite et lia. — Viiy. p. 227.) 

Nous avons vu que le ballon le Tricolore, après 
avoir plané pendant plus de dix heures au-dessus de 
la mer du Nord, lut conduit pur Duruof à la surface 
mémo des vagues, dans l'espoir de rencontrer le na- 
vire qui s'était présenté à l'horizon. Mais l'aérostat 
éluit sans cesse couvert par les lames, les voyageurs 
eux-mêmes à moitié plongés, dans l'eau, avaient à 
souffrir des plus cruelles morsures du froid. 

h Tous nos membres étaient engourdis, dit Duruof, 



! dans le récit qu'il a communiqué au Times. La force- 
nous abandonnait. L'espoir d'être recueillis par les 

i pêcheurs était la seule chose qui nous donnât un 
reste de vigueur. Ma femme était toute glacée, et 
chaque secousse du ballon la rendait de plus en 
plus faible. Le bateau, cependant, continuait d'a- 

, vancer vers nous ; il n'était plus qu'à 500 mètres. 
Je fis voir cela à ma femme pour accroître encore son 
énergie. Mais il fallut bientôt la prendre dans mes 
bras. 

« Le bateau était alors tout près de nous ; je me 
hissai, comme je pus, avec une corde, et je hélai l'é- 
quipage. Les marins nous" virent, et de nouveau mirent 




Le Lalion la Tricolore emporté vers la inar du Nord. - Voyage aérien de M. et madame Duruof, exécuté à Calais> le 51 août 1874. 



leur chaloupe à la mer, étant alors à 200 mètres de 
nous. Cette chaloupe était montée par le capitaine, 
William Oxley, et un matelot. Ils approchèrent de 
notre nacelle et commencèrent à tirer une de nos 
cordes. A ce moment, leur canot faillit chavirer à 
cause d'une forte secousse que nous imprima le bal- 
lon. Mais ils ne perdirent pas courage, et, saisissant 
ma femme par le bras, ils la- hissèrent le mieux 
qu'ils purent dans la chaloupe. Je voyais le danger 
qu'ils couraient et je me hâtai alors de couper les 
cordes qui nous attachaient au ballon. J'avais fait le 
plus fort de cette besogne, quand je fus moi-même 
lancé par une vague contre la chaloupe; j'y grimpai 
et je m'y laissai tomber, épuisé. J'y restai avec ma 
femme dans une sorte d'anéantissement. Les m.ate- 

î* année. — 2* semeslre, 



lots, cependant, avaient lâché les cordes de notre na- 
celle. Le ballon s'éleva avec une rapidité prodigieuse 
dans la direction de la Norvège. La chaloupe accosta 
le bateau-pêcheur ; on nous porta à bord, où l'on 
nous donna une cabine avec un bon feu qui nous 
réchauffa. Nous ne saurions trop remercier l'équi- 
page pour les soins qu'il a eus et pour la bonté qu'il 
nous a témoignée pendant le trajet jusqu'à Griinsby, 
où nous avons débarqué à 7 heures ce matin. 

Les aéronautes, comme nous l'avons dit précé- 
demment, avaient quitté la place de Calais la veille, 
et se trouvaient déjà sur la mer à 7 h. 30 m. Em- 
portés par le vent du sud-ouest, ils descendirent à 
la surface des vagues à 5 h. 30 m. environ, et furent 
sauvés à 7 heures du matin. 

10 



2-52 



LA NATURE. 



Tel esllc résumé succinct d'un voyage aérien qui 
restera comme une des page u les plus palpitantes de 
l'histoire de l'aérostatioii. On ne saurait trop rendre 
hommage à la magnifique intrépidité de l'aéronautc 
Duruof, à l'étonnante fermeté de sa courageuse com- 
pagne. L'audace, l'énergie, le sang-froid, ont tou- 
jours eu le privilège de séduire la foule ; ce sont là 
en effet de ces vertus rares qui captivent l'admira- 
tion, et qui sont dignes de nos plus sincères applau- 
dissements. 

Cependant il nous paraît nécessaire d'exprimer 
quelques regrets, à l'égard de semblables entreprises, 
qui sont exécutées dans des conditions si dangereuses» 

La météorologie aurait tout à gagner dans les as- 
censions océaniques, où les courants aériens offrent 
sur les côtes comme en pleine mer un intérêt parti- 
culier; mais pour s'engager dans cette voie, d'une 
façon régulière et suivie, pour hasarder de grandes 
traversées, il serait indispensable de se pourvoir d'aé- 
rostats de grandes dimensions, perfectionnés et capa- 
bles de séjourner dans l'atmosphère pendant une 
longue durée; il faudrait surtout se munir d'appa- 
reils flotteurs qui, attachés à l'extrémité d'une corde, 
permettraient au ballon d'être relié comme par une 
bouée à la surface océanique. Un simple sac, attaché 
au bout du guide-rope, et qui plongerait dans la 
mer, suffirait à apporter un frein à la marche de 
l'aérostat. II permettrait ainsi au voyageur aérien de 
séjourner près de la mer, sur une surface déterminée, 
sans craindre d'être entraîné par les vents trop rapides. 

Une des conditions indispensables pour le succès 
de ces e\pc'ditions, serait de choisir à son gré le jour 
favorable pour le départ, d'attendre le vent propice, 
afin de s'élancer dans une direction déterminée. Mais 
les aéronautes qui, par suite de leurs engagements, 
sont contraints de partir à jour fixe, ne peuvent en- 
treprendre de telles explorations méthodiques. Gar- 
dons-nous toutefois de leur refuser notre admiration, 
surtout lorsqu'ils font preuve, comme Duruof, d'un 
courage sublime, d'un véritable amour de l'aérosta- 
tion, et d'une dignité qui leur fait affronter la mort, 
plutôt que d'entendre dire d'eux : « Cet homme a eu 
peur! » 

Magnifiques sentiments, qui sont pour tous un 
grand exemple. Laissez dire ceux qui prétendent 
qu'il y a dans de tels actes une témérité stérile. 
Happelez-vous que des hommes capables de ces té- 
mérités sont rares, et que s'ils ne concourent pas 
directement au progrès scientifique, on sait les trou- 
ver à l'heure où la patrie en danger les appelle! 1 » 

GASTOS TlSSAXDIER. 

1 Au moment du sauvetage en mer, le ballon le Trûvlore, 
détaché de la nacelle par Duruof, s'est enlevé seul, et vient 
d'être retrouvé. — Cet aérostat, que nous avons vu à Calais, cu- 
bait 800 mètres; il était blanc, entouré à l'équatcur d'une 
large bande, ornée d'arabesques, bleues, blanches et rou^e?, 
comme le montre notre gravure. La nacelle, très-petite, était 
munie de deux boites à air, qui ont du contribuer à la main- 
tenir à la surface de l'Océan. La ville de Calais, d'abord dans 
la consternation jusqu'au moment delà nouvelle du sauvetage 
de? voyageurs, a manifesté un grand et louable enthousiasme 



LE CHEMIN DE FER DU YÉSLYE 

Nous avons déjà parléde la construction d'un che- 
min de fer jusqu'au sommetdu Vésuve et tout proche 
du cratère. Ce chemin de fer, d'après V Illustration de 
Leipzig, partirait deNaples. La distance jusqu' au cra- 
tère est de2G kilomètres. Les localités que celle voie 
ferrée desservirait jusqu'au pied du volcan sont en gé- 
néral celles qui approvisionnent le marché de Maples 
et qui contiennent une population d'environ 100,000 
âmes. Jusqu'au pied du Vésuve (ce qui ferait une dis- 
tance de 23 kilomètres), ce serait le système ordi- 
naire des voies ferrées ; le système à traction, par 
câble en fer (Diathscil), serait adopté pour le reste 
du parcours. Ce second parcours serait divisé en deux 
sections, l'une d'une longueur de 2,100 mètres ten- 
dant à A trio di Cavallo oîi seraient les machines de 
trait, elles bâtiments nécessaires pour le matériel ; 
la seconde, longueur 1,100 mètres, débouchant à 
quelques pas du cratère. 

Le débarcadère se trouverait sur une longueur de 
20 mètres, tout enfoncé sous la lave, lin cas d'érup- 
tions, le courant, serait ainsi détourné de la voie fer- 
rée ; au reste, toute cette partie du parcours serait 
élevée au-dessus du sol. 

Le directeur de l'observatoire du Yé-uve, M. le 
professeur Palmieri, dont le nom est bien connu, 
ayant fait remarquer que, dans les dernières érup- 
tions, le flot de lave s'était toujours rapproché de 
plus en plus des bâtiments de l'observatoire, c'est le 
versant opposé de la montagne qui serait choisi pour 
l'installation le la voie ferrée. 

A environ 2,j0 mètres de la station projetée d' A trio 
di Cavallo, le mont Somma fait une saillie; on pro- 
filerait de ce contrefort pour y garder tout le maté- 
riel, en cas d'éruption. A cet effet, le chemin de 1er 
serait mis en communication directe avec l'observa- 
toire par un télégraphe. 

On commencerait les travaux de ce curieux che- 
min de fer, par la dernière section, c'est-à-dïre par 
celle qui irait au sommet du cratère et qui épargne- 
rait, par conséquent, aux touristes, le trajet le plus 
fatigant. Celte section ne demanderait pasplus d'une 
année pour sa construction. 



L'ASSOCIATION BIUTMMQEE 

pour l'avancement des sciences. 

Session de Belfast. 

La 44 e session de cette grande société scientifique 
s'est tenue, pour 1874, à Belfast, centre de l'indus- 
trie irlandaise, et une des villes les plus prospères 
du Royaume- Uni. En effet, sa population, au com- 

à l'égard des ai'ronautcs — l'ne souscription publique a été 
organisée à Calais cl à Saint-PLerre-lez-Galais; elle a dépassé 
la somme de onze mille francs. 



LA NÀTUKE. 



243 



inencemcnt du siècle, atteignait à peine 20,000âmes 
et elle dépassait celle année 200,000 habitants. Ce 
fait est d'autant plus remarquable que pendant cette 
période le nombre des habitants de l'Irlande a plutôt 
tendu à décroître qu'à augmenter, par suite des 
étonnants développements pris par l'émigration. 

Les séances se sont ouvertes le 19 août, par un 
discours de 51. Tyndall, président; elles ont été termi- 
nées le 26 août par un meeting général, dans lequel 
M. Ilawkshaw, le célèbre ingénieur qui a tant contri- 
bué au percement de l'is.limc de Suez, et dont 
l'opinion est si favorable à la construction du tunnel 
delà Manche, a été nommé président pour 187 o. 
La 45 e session se tiendra à Bristol, ville qui a déjà 
eu l'honneur de recevoir l'Association dans ses 
murs et qui fora les plus grands préparatifs pour 
se montrer digne de la distinct ion sollicitée. 

Le nombre des membres inscrits en y comprenant 
les membres à vie, a été de 1,900 et les recettes de 
toute nature se sont, élevée? à 3,600 livres. Les dé- 
penses d'administration et d'impression n'ayant ab- 
sorbé qufi 1 ,600 livres, la souiélé a dépensé, en 1 874, 
près de 2,000 livres pour l'aire exécuter des recher- 
ches scientifiques. La majeure partie de cet argent 
déposé sous le contrôle des comités permanents de 
l'Association qui, celte année, étaient au nombre 
de 23. 

C'est un de ces comités qui, crée n 1872 au mee- 
ting de Brighton, a donné le signal des explorations 
souterraines exécutées actuellement ùWealden, dans 
le but de rechercher les couches de houille émer- 
geant des deux cotés du détroit. 

Le gouvernement et des souscripteurs particuliers 
ont successivement donné leur aide à l'entreprise qui 
n'a point encore produit de résultats, mais que l'on 
continuera avec ardeur, car elle répond à un trop 
grand intérêt publie pour qu'on puisse y renoncer à 
la légère- 

L'Association ne s ; cst point trouvée, à Belfast, 
dans des circonstances sociales favorables, car une 
grande grève, à laquelle plus de 20,000 ouvriers 
prenaient part désolait l'industrie manufacturière. 
La grève durerait encore si le Comité d'économie 
politique n'était parvenu à faire signer une paix qui, 
nous l'espérons, sera durable entre les patrons et 
leurs cooporateurs révoltés. Les pertes, auxquelles 
l'influence de l'Association britanuique a mis un 
terme, dépassaient par semaine un demi-million de 
notre monnaie, tant en salaires qu'en bénéfices sup- 
primés. 

Cependant le commerce de Belfast ne s'est montré 
que très-médiocrement sympathique vis-à-vis de 
l'Association. Le comité local ayant très-maladroite- 
ment négligé de préparer des billets de logement 
aux associés, les hôteliers de Belfast ont largement 
profité de cette circonstance. Quelques membres ont 
été obligés de payer 1 livre par nuit pour le loyer 
de leurs chambres dans des hôtels de dernière caté- 



gor- 



ie. 



L'ouverture de lu session a été attristée par la 



mort de M. Fairbaim, célèbre ingénieur, qui était 
à peu près le dernier survivant du groupe des fonda- 
teurs de l'Association. Sir Roderich Murchisson, sir 
David Brewster, le professeur Philips et tant d'autres 
l'ayant précédé dans la tombe, il restait presque seul 
comme témoin des grands progrès accomplis sous 
l'influence de cette puissante société. Fairbaim, né 
en 1789 à Kelso, dans le comté de Iloxhurgli, était 
âgé de 85 ans. 11 avait été associé de Stephensou et 
s'était acquis une grande réputation par des ouvra- 
ges classiques sur le fer, les moulins, un Manuel 
d'informations utiles pour Fingénieur, etc. 11 avait 
été président de l'Association britannique de la So- 
ciété des ingénieurs et de la Société philosophique 
de Manchester. 

Le discours de M. Tyndall a été prononcé dais 
la séance du mercredi soir où Williamson, président 
du meeting de Bradford, a résigné ses fonctions. 

Celte harangue, reproduite in extenso par tous les 
journaux du Royaume-Uni, offre, comme nous le 
verrons, quelques analogies avec celle de M. Wurtz à 
l'Association fruiiçuicjc dunes la scosion de Lille. 

— La suite prochainement.— 

POMPE À MERCURE 

L'emploi du vide dans les appareils où le chimiste 
veut produire certaines réactions, prend de jour en 
jour une plus grande importance dans les labora- 
toires. La chimie dans le vide est une branche de la 
science qui se développe sans cesse, mais, si l'on veut 
obtenir ce vide pour l'étude de vapeurs acides cot'fO- 
sives, il faut avoir des pompes d'épuisement eu verre, 
et complètement dépourvues d'organes métalliques. 
La machine pnenma'.ique eu cristal qui a été inven- 
tée par M. Alverguat, et qui est usitée aujourd'hui 
dans tous les établissements scientifiques bien orga- 
nisés, remplit toutes les conditions nécessaires. 

Cet appareil, représenté ci-contre, se composa 
d'un tube barométrique terminé à sa partie supé- 
rieure par un réservoir A, et qui aboutit à sa partie 
intérieure à un tube eu caoutchouc qui le met en 
relation avec un réservoir mobile B. — ft est un ro- 
binet à trois voies pouvant fermer complètement la 
chambre barométrique (position 1) ou faire commu- 
niquer soit la boule A avec la cuvette supérieure G 
(position 2), soit A avec l'appareil 1) dans lequel on 
veuf faire le vide (position 5). 

On voit que pour obtenir le vide avec cette ingé- 
nieuse machine, il sullît d'abaisser le réservoir B 
qui, soutenu par deux supports en bois, se meut à 
l'aide d'une crémaillière. Il va sans dire que l'on a 
préalablement amené le robinet 11 dans une position 
telle qu'il soit en communication avec le récipient 
à purger d'air. Le mercure, dont les deux surfaces 
ne sont plus au même niveau, s'écoule vers la boule 
B et sera remplacé dans la boule A, par de l'air ve- 
nant du récipient. Dès que la chambre barométrique 



2-H 



LA NÀTTHE. 



A est pleine de gaz, on amène le robinet I\ à commu- 
niquer avec la cuvette C, on remonte Ut boule B vers 
le haut do l'appareil ; le mercure revient dans la 



chambre À et refoule devant lui le gaz ou l'air qui 
s'échappent par le tube à entonnoir. 
La pompe à mercure est très-usitée dans un grand. 




].'■ ".!;:;■ ■, Il • i- ■•!:; ■• 



nombre de travaux de recherches. 51. Paul Bert no- 
tamment en a fuit récemment, un grand usage pour 
extraire les gaz du sang, dans ses belles expériences 
sur l'action physiologique des variations de pression. 
La ligure que nous reproduisons a été dessinée dans 



le laboratoire du savant professeur de la Sorbonne. Le 
sang à étudier était placé dans le ballon D et les gaz 
aspirés par la pompe à mercure reeueillis dans l'é- 
prouvette, retournée sur la cuvette C. 



LA NATURE. 



LE GOURAMI 

Le Gourami est un poisson d'eau douce apparte- 
nant à la famille dite par les naturalistes Pharyn- 
giens labyrinthi formes. 

Les poissons qui composent ce groupe sont remar- 
quables par une structure qui leur est propre et qui 
consiste dans la division en nombreux feuillets de la 
surface d'une partie des os du pharynx, derrière les 
ouïes; il en résulte un appareil spécial s'appuyant 
sur la partie supérieure du premier axe des bran- 
•chies et se composant d'une série de cavités et de 
petites loges plus ou moins compliquées, mais pro- 



pres à retenir une certaine quantité d'eau. Les oper- 
cules se refermant, l'eau emprisonnée ainsi dans ces 
sortes de réservoirs peut, en s'écoulant goutte à 
goutte sur les branchies, les empêcher de se dessé- 
cher, et les poissons pourvus de cette disposition ont 
la faculté de vivre un certain temps hors de l'eau. 
Les lubyrinlhiforrnes sortent, en effet, souvent de 
l'eau et parcourent d'assez grandes distances; ils 
peuvent même, rapporte-t-on, à l'aide des épines 
des nageoires et des opercules, grimper aux arbres, 
dans le but d'y chasser les insectes ou d'y boire l'eau 
qui se trouva dans le creux des feuilles; telles fe- 
raient les habitudes de l'anabas qui habite les Iles 
de l'archipel indien. (Yoy. p. 193.) 




Le gourami et son nid. 



Voisin par sa conformation de l'espèce que nous 
venons de nommer, le gourami ou Osphronemus 
olfax s'en distingue par l'absence de dents au pa- 
lais et le long rayon filiforme de la partie externe 
des nageoires ventrales ; de plus, les préopercules 
ne sont que finement dentelés. Le corps est de cou- 
leur roussàtre, presque uniforme, avec des reflets 
dorés sur les flancs, violacés vers le dos; le front et 
le ventre sont d'un brun argenté; chez les mâles, 
l'extrémité du museau porte une tache ronde, de 
couleur rosée. Les individus jeunes se distinguent 
des adultes par huit à neuf lignes obliques noirâtres 
qui sillonnent les flancs, et par la présence de- deux 
taches, l'une à la base des pectorales, l'autre sur 
chaque côté de la base de la queue. Le gourami a le 
corps haut et comprimé, la tête assez courte, à 
profil vertical, un peu rentrant et sinueux, le museau 
obtus, la bouche petite et protractile, à mâchoire 
inférieure débordant la supérieure; la partie posté- 



rieure du dos est, chez l'adulte, plus élevée et suivie 
d'un rapide abaissement du profil vers la queue, ce 
qui fait paraître le poisson comme bossu vers la cau- 
dale; tout le corps, y compris la tète et les joues, 
est couvert de grandes écailles arrondies; suivant 
Commerson, les écailles du front et celles du ventre 
ont le disque argenté et le bord brun, ce qui pro- 
duit autant de mailles rhomboïdales qu'il y a d'é- 
caillés. 

Le gourami est essentiellement herbivore; il se 
nourrit de préférence des plantes de la famille des 
Aroïdées, dont il sait habilement saisir les feuilles, 
même à une petite distance du rivage ; il mange par- 
fois des vers de terre, des insectes et même des pe- 
tits poissons. Sa voracité est telle, que M. Dabry de 
Thiersant rapporte que les créoles de Maurice ont 
appelé ce poisson porc de rivière. 

Gomme le Macropode qui appartient au même 
groupe zoologique, le gourami se construit un nid; 



<Ji6 



LA NATURE. 



mais tandis que la demeure protectrice des jeunes 
consiste pour !e maeropode en un plafond d'écurne, , 
Je gourami fait mi nid véritable, analogue à celui 
dus cpiuoclies. On trouve ces nids tantôt dans un 
roïn du vivier, tantôt sur les [liantes de la rive, tan- 
tôt, an milieu des herbes qui couvrent lu surface de 
l'eau. ' 

L'on sait une îe mâle chez le niacropode construit 
sou! le nid; pour le gourami, il n'en est pas ainsi; ! 
le mâle et. la femelle se partagent le soin d'édifier 
le nid qui est fait de boue et de plantes fluviatilesct 
iixé, o\\ général, à des bambous au moyen de brin- 
dilles. La forme du nul est spliérique, comme le 
montre le destin ci-contre, fait d'après un exem- 
plaire que M. Garbonnier a bien voulu nous autori- 
ser à reproduire. 

Suivant M. Jiabry de Thiorsaut, « le nid achevé, 
les femelles y déposent de 800 à 1000 œufs; pen- 
dant l'éclosion, les parents veillent attentivement 
sur l'objet de leur amour. Les alevins, une fois nés, 
restent dans le nid où ils trouvent un refuge contre 
les mille dangers qui menacent les premiers jours 
do leur existence, et une nourriture qui convient à 
leur délicate constitution et que leur procurent les 
herbus macérées du nid. Ils essayent ensuite leurs 
forces sous la protection de leur mère, eu utilisant 
deux appendices qui sont à la partie antérieure du 
ventre et qui, faisant fonction de balanciers, leur 
permettent de conserver l'équilibre. Les gouramis 
sont doués d'une prodigieuse fécondité, qu'ils ac- 
quièrent à l'âge de trois ans. C'est à celte époque 
que leur chair est préférable et possède un goût vrai- 
ment exquis. » 

Le gourami est en effet un des meilleurs poissons 
des Indes, et Commerson déclare « n'avoir jamais 
rien mangé déplus savoureux ni parmi les poissons 
du mer, ni parmi les poissons d'eau douce. » D'après 
le docteur Yinson, la chair de ce poisson est ferme, 
de couleur un peu jaunâtre, d'un goût fin rappelant 
celui de la carpe; son prix est assez élevé et varie, à 
Saint-Denis de la Réunion, de 15 à 20 francs. Ce 
poisson peut atteindre des dimensions considérables; 
Dupelit-Thouars en a vu qui mesuraient plus de 
d.wx mètres de long et pesaient plus de vingt livres. 
Plusieurs naturalistes, frappés des précieuses qua- 
lités alimentaires du gourami, en ont tenté l'aceli- 
ination dans divers pays. Commerson croit celle es- 
pèce originaire des provinces méridionales de la Chine, 
d'où elle aurait été introduite, au commencement du 
dernier siècle, dans les îles indiennes, et surtout à 
Java; de cette station elle se serait répandue dans les 
régions voisines, Madura, Bornéo, Sumatra, Malacca, 
Punang. Suivant d'autres témoignages, tout aussi sé- 
rieux, le gourami serait, au contraire, originaire des 
îles indiennes; d'après M. Dabry deï'hicrsant, qui a 
étudié tout spécialement la question, la véritable pa- 
trie d'origine du gourami est la Cochineliine ; ce pois- 
son y habite les fleuves, les lacs et les étangs, fré- 
quentant aussi bien les eaux limpides que les eaux 
un peu fangeuses. 



De sa patrie d'origine, le gourami fut, en 17IH, 
introduit à l'île de France par les soins de trois offi- 
ciers de la marine royale, MM. Surville, Magnin et 
Joannis. Coudée au commandant des troupes de cette 
île, M, de Céré, cette espèce a été d'abord élevée 
dans des viviers, d'où un certain nombre d'indivi- 
dus s'échappèrent et gagnèrent les rivières ; le gou- 
ra mi est à présent au nombre des poissons qui vivent 
en liberté dans l'île. 

Peu de temps après, en 1795, Desmasures intro- 
duisait l'espèce à Bourbon. Le gourami a parfaite- 
ment réussi dans cette dernière station, et les fleuves 
de Sainte-Suzanne, de Saint-Jean et de Saint-Benoît 
en contiennent aujourd'hui un grand nombre; de 
sorte que ce poisson est devenu une véritable source 
de richesse pour le pays. 

Sur la proposition de Moreau de Jonuès, eu 1818, 
le ministre de la marine chargea M. Mackau do natu- 
raliser le gourami dans nos possessions américaines; 
l'espèce ne prospéra ni à la Martinique, ni à la Cuj- 
deloupe; c'est à peine si quelques individus se pro- 
pagèrent, ii Cayeime. 11 y a lieu, ce semble, do tenter 
à nouveau l'entreprise, qui réussirait sans doute. 

La zone dans laquelle peut vivre le gourami fait, 
en effet, partie d'une zone inlerlropicale où la tem- 
pérature moyenne annuelle varie de '24 à 20° centi- 
grades, où la température moyenne d'hiver ne 
dépasse pas !0° au-dessus de zéro, et où la tempé- 
rature la plus Lasse ne descend pas au-dessous de 
14 ou 15°. Il sera dès lors peut-être difficile d'ac- 
climater ce précieux poisson en France; toutes les 
tentatives faites dans ce sens ont, en rflet, échoué 
jusqu'à présent; espérons (pie par les soins intelli- 
gents de notre si habile pisciculteur, M. Carbontuer, 
nos provinces méridionales, ou du moins l'Algérie» 
pourront être enfin douées de cette ressource alimen- 
taire. 

Rappelons, en terminant, que le gourami a été 
récemment importé et acclimaté au cap de Bonne- 
Espérance, et que, grâce à l'énergie et à la persévé- 
rance des gouverneurs de l'Australie, cette colonie 
est parvenue à acclimater un certain nombre de gou- 
ramis, que le capitaine Bcatie put y introduire en 
1804. ' K. Sauvage. 



LE 

CALENDRIER DES ÉTOILES FILANTES 

Le comité des météores lumineux de l'Association bri- 
tannique, présidée par M. Glaisher, vient de publier de 
nouvelles instructions qui nous permettent de donner le 
catalogue des jours où lus apparitions d'étoiles filantes, 
et les chutes d'aérolithes offrent un intérêt particulier. 

Janvier 2, 15, 10, 17, 18,19 : étoiles filantes plus nom- 
breuses et grands météores, essaims d'étoiles filantes rap- 
portés à un même radiant. 

Février 10 et 19 : étoiles filantes plus nombreuses que 
d'ordinaire; essaims d'étoiles filantes rapportés à un 
même radiant et grands météores. 



LA NATURE. 



247 



MaTs 1, 2, 5, 4: étoiles sporadiques plus nombreuses 
que d'ordinaire ; 5, 6, 7, 8, 9, 10, essaims d'étoiles ; 18 
grands météores et étoiles filantes plus nombreuses que 
d'ordinaire. 

Avril -2, G, 10: essaims d'étoiles filantes; 20, 25, 26, 
27,28,29 50, essaims: d'étoiles filantes et étoiles spora- 
diques plus nombreuses que d'ordinaire. 

Mai 1 : essaim d'étoiles filantes ; 13: chutes nombreu- 
ses d'aérolithes; 18: étoiles sporadiques plus nombreuses 
que d'ordinaire; 20, 21, 22, 23, 24, 51 : essaims d'étoiles 
filantes. 

Juin 4: chutes nombreuses d'aérolithes et apparition do 
gros météores; 6; étoiles sporadiques plus nombreuses 
que d'ordinaire; 9; gros météores; 12; chutes nom- 
breuses d'aérolithes ; '20 : étoiles sporadiques plus nom- 
breuses que d'ordinaire ; 22 : gros météores. 

Juillet 5, 12, 16: gros météores ; 17: nombreuses 
étoiles sporadiques; 18: gros météores et chutes nom- 
breuses d'aérolithes; 20: nombreuses étoiles spora liques 
et essaims rapportés à un radiant; 29: nombreuses 
étoiles sporadiques. 

Août 5: étoiles sporadiques; 4: apparition de gros 
météores; 7, 10, 11, 12,13: apparition de gros météo- 
res, d'étoiles sporadiques et d'étoiles rapportées au radiant 
de Persée, 

Le 10 estime nuit célèbre; 16,25: apparition de gros 
météores. 

Septembre 9 : gros météores et chute des matières mé- 
téoriques ; 10 : étoiles filantes sporadiques; 24 : essaims 
d'étoiles filantes. 

Octobre 1,2,3,4, 5, 6 : étoiles sporadiques; Itl: gros 
météores; 14: gros météores et chutes de matières météo- 
riques; 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 25 : étoiles spora- 
diques ; 24 et 25 grands météores 

Novembre 1, 2, 3,4, 5 , apparition de gros météo- 
res; 12, 13, id.; 14: étoiles du radiant du Lion et étoiles 
sporadiques; 19: étoiles filantes ; 20 : essaims; 28 : étoiles 
filantes ; 29 : chutes d'aérolithes ; 50 : essaims provenant 
de la comète Bicla. 

Décembre 2 : gros météores ; 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 
13, 14: nombreuses étoiles sporadiques; le 8 de, gros 
météores ainsi que le 9 pur ou les étoiles filantes sont très- 
nombreuses sans qu'aucun radiant leur corresponde ; 14: 
chute d'aérolithe ; 19, 21 : apparition de gros météores; 
le 24 apparition de nombreuses étoiles filantes dont le ra- 
diant n'a point encore été déterminé , 27: chutes nom- 
breuses d'aérolithes. 

On peut dire, d'une façon générale, que les étoiles filan- 
tes doivent être observées régulièrement le soir de 9 h. 
à 10 h. cri hiver et de 5 h. à 10 h. en été, mais chaque 
fois qu'on en voit paraître un nombre, il faut prolonger 
la veille. Il laut tenir compte aussi de la présence ou de 
l'absence de la lune dans les régions où les météores se 
montrent. 



CONSERVATION DE LA YIANDE 

Une grave question s'impose de plus en plus aux 
méditations des amis de la civilisation, c'est celle 
de l'alimentation des masses. Il est bien évident que 
plus les hommes se réuniront, se grouperont sur 
certains points du globe, plus ils rendront là le sol 
insuffisant; c'est ce qui arrive pour la plupart des 
peuples de notre vieille Europe : c'est ce qui arrive 



surtout pour nos grandes capitales. A ce point de 
vue, Paris est au premier rang. 

Chaque peuple évidemment agit en cette occur- 
rence selon son génie : le Chinois, lui, tourne la 
difficulté; en présence de la pénurie de certaines 
denrées, il se fait une vie factice et sait s'en passer ; 
le Français, lui, attaque volontiers ta difficulté de 
front. Il sait que si, chez lui, par exemple, la viande 
commence à devenir rarissime, elle est tellement 
abondante en d'autres contrées qu'elle n'y a aucune 
, valeur. Ce qu'il paye trop cher, là-bas ne vaut pas 
j assez. Pénurie d'un côté, surperflu de l'autre, telles 
| sont les situations entre lesquelles il serait si impor- 
tant d'établir une balance. 

Cette question que nous ne voulons qu'effleurer 
ici, fait sentir immédiatement sa haute importance : 
elle correspond, en effet, non-seulement à des be- 
soins considérables, mais encore à un ordre de 
choses rationnel, dont il nous reste à voir encore un 
autre côté défectueux. 

Dans les grandes villes, avons-nous dit, le prix de 
lu viande va «'exagérant chaque jour, non parce 
que la viande diminue de quantité, mais bien parce 
que l'usage s'en généralise et la consommation en 
devient plus considérable. Cependant, c'est précisé- 
ment, dans les grandes villes que la viande se con- 
somme en plus grande quantité par habitant. Les 
exigences d'un travail, rapide et considérable, la 
I facilité d'une réfection complète sous un volume 
I réduit, les préparations froides sont autant de raisons 
, pour vulgariser l'usage de la chair parmi la classe 
travaillante, toujours la plus nombreuse. 

Prenons quelques cliilïres ; la consommation 
moyenne annuelle de viande à Paris, est de 872 
grammes par individu et par jour. C'est insuffisant; 
mais remarquons que dans le reste de la France, 
elle n'est que de 57 grammes dans les mêmes con- 
ditions. 

Telle est la seconde face de la question que nous 
voulions faire envisager. C'est que non-seulement 
la consommation individuelle est insuffisante dans 
les grands centres, mais c'est qu'entre celle-là et 
celle du reste du pays, ou est arrivé à reconnaître 
une inégalité choquante. Faisons la part aussi large 
que nous voudrons à la consommation du pain, des 
légumes, du vin, qui peut être faite en province, 
elle ne compensera pas la différence. 

C'est précisément cette différence énorme qui tend 
chaque jour à s'effacer et qui constitue fatalement, 
sous l'impulsion du plus grand nombre, la disette et 
par suite renchérissement extrême que nous subis- 
sons. 

Le problème, dans sa simplicité brutale, se pose 
donc ainsi : aller chercher dans les pays éloignés, la 
viande qui s'y trouve en trop et y est perdue. 

Comment l'apporter fraîche et saine? C'est ce que 
nous allons réaliser au moyen des appareils à luire 
le froid, dont nous avons parlé précédemment'. Ce 

» Voy. la Salure, n° 63, 15 août 1874, p. 167. 



1HS 



LA NATURE. 



ne sont pas lus procédés «lu conservation qui man- ; La salaison et le boucanage : connus de temps 
quent : il est peu de sujets qui aient autant exercé immémorial. 



la sagacité des chercheurs, et, en même temps, il 
en est peu qui présentent d'aussi multiples solu- 
tions. Cependant, aucun des procédés déjà employés 
n'est parvenu à donner une solution complète à la 
question. 

Les différentes méthodes usitées jusqu'à ce jour 
peuvent être divisées de la façon suivante : 



L'emploi de la congélation et de la glace. 

La de>sication. 

La cuisson. 

L'emploi de l'alcool, du vinaigre, de l'acide sulfu- 
reux, de l'acide phonique, etc. 

L'emploi de la gélatine, de la paraffine, de la fa- 
rine, etc. 





m 



F'g. 1 ■ — Navire-boucherie mi en coupe. — Chargement en vrague. 




Fig. 1. — N'avii'L-bouchrtric . — Multiplication des équipes ou transbordement de la viainl. 1 





N iVw;» ' 



Fig. 3. — Allépc- boucherie. 



L'injection de liquides préservateurs. 

L'emploi du vide ou d'atmosphères artificielles. 

L'utilisation de mixtures préservatrices. 

La fabrication d'extraits, etc. 

Comme on le voit, le froid est déjà employé ; mais 
on peut le dire, il est employé sans mesure, à 
l'aveugle; r.ussi les inconvénients sont-ils nom- 
breux. En Russie, la viande gelée, le poisson gelé 
constituent les objets d'un, commerce considérable : 
malheureusement, il faut utiliser les aliments ainsi 
préparcs encore congelés. Cela tient à ce que la con- 
gélation brise les cellules intérieures des tissus, 
•désorganise, en un mot, la substance animale ou 



végétale sur laquelle elle agit, et, par conséquent, 
la rend très-apte à \\m décomposition rapide lors du 
dégel. 

Ces moyens sont grossiers et inapplicables; il en 
est tout autrement du froid, c'est-à-dire d'un abais- 
sement constant de température suffisante pour em- 
pêcher toute espèce de fermentation, mais incapable 
de produire le gel, c'est-à-dire la désorganisation 
des chairs par les cristaux circulaires de glace inter- 
posés. 

M. Ch- Tellier, l'inventeur de la machine à faire 
le froid industriellement, se propose d'aller chercher 
la vian !e de bœuf à la Plata ou sur les bords de 



LA NATURE. 



249 



l'Uruguay : là où il est au meilleur marché possible 
dans le inonde. Nous passerons sous silence rétablis- 
sement d'abattage qu'il construit là-bas et nous sup- 
posons le bœuf débité eu quartiers tous semblables; 



lesquels les opérations de chargement et de déchar* 
gement peuvent s'opérer par plusieurs endroits à la 
fois, eu multipliant les équipes et sans faire varier 
la température conservatrice des soutes parle trans- 
bordement (fig. 1 et 2). 
dont la cale est subdivisée en huit magasins, dans Cette disposition permet encore, en cours de 



il s'agit de l'amener dans des navires-boucheries 





Fig. t. — Stalle de navhc-bouclipric en cliar^cineut. Fig. 5. — Cojuu eu travers par moitiés et arrimage <!es morceaux. 



route, d'inspecter par les écoutilles les viandes de ] 
chaque magasin, et, de plus, en réduisant les capa- , 
cités à remplir, de permettre d'y établir plus immé- 
diatement l'action 
intense frigorifique. 
Le chargement d'ail- 
leurs ne durerait que 
deux jours par com- 
partiment , et l'on 
pourra toujours aug- 
menter autant qu'on 
le voudra le nombre 
des compartiments 
en chargement si- 
multané. 

]\ T ous montrons ci- 
contre (fig. 4), à une 
plus grande échelle, 
une stalle du navire- 
boucherie en charge- 
ment; on voit les hommes plaçant les quartiers de ] 
bœuf très-semblables sur des dressoirs préparés et se 
démontant de la manière la plus simple. De cette : 
façon l'air froid circule eutre tous les morceaux et i 
assure une conservation dont 1g terme n'est pas , 
connu. 



''^f 




Fig. 6. — Coujie de navire et allège en chargement. 



À ce propos, un très-curieux phénomène s'est pré- 
senté à l'usine d'Auleuil. Uu demi-mouton était resté 
soumis au froid dans la chambre de conservation 

pendant plusieurs 
mois. M. Tellier dé- 
sirant le retirer pour 
une raison indépen- 
dante de la conser- 
vation, le suspendit 
sous un hangar, à 
l'air libre, et l'y ou- 
blia. Or il arriva ceci 
de particulier qu'au- 
cune mouche n'y vi nt 
pondre , que nulle 
putréfaction ne s'y 
manifesta , malgré 
l'élévation de la tem- 
pérature sous le zinc 
qui lecouvrait. Quelle 
est la cause de cette immunité? Est-ce un change- 
ment d'état dans la graisse ou dans les muscles? Tou- 
jours est-il que plusieurs mois après, la chair fut goû- 
tée) nous pourrions citer un de nos plus illustres 
savants de l'Institut qui n'a pas dédaigné de faire cette 
expérience), et elle fut trouvée sans mauvais goût. 



2J0 



LA NÀTU11E. 



Les conséquences possibles, pratiques, de ce fait 
important, sont nombreuses et importantes : des ex- 
périences nouvelles sont organisées pour vérifier les 
conditions de cette singulière conservation. N'ou- 
blions pas de mentionner que la seconde moitié du 
mouton, confiée à l'académicien qui l'a goûtée, s'est 
également conscivée à l'air libre et aussi bien que la 
première. 

La figure 5 est une coupe de la stalle du navire 
qui montre l'arrivage des morceaux dans le sens 
opposé à la figure 4. 11 est utile de faire remarquer 
que le transport de la viande, à Paris par exemple, ne 
peut se faire par le navire-boucherie qui l'apporte : 
il est donc indispensable qu'elle subisse un transbor- 
dement. L'auteur ho prononce pour (pie cette opéra- 
tion ail lieu au Havre, point le plus rapproché de 
Paris par la navigation fluviale, et que ce transbor- 
dement ait lieu sur des allèges spécialement con- 
struites dans ce but. 

Nous donnons (tig. ?>) un croquis de ces allè- 
ges à vapeur qui, en remontant la Seine, amène- 
raient à Paris les viandes dans des compartiments E, 
absolument semblables à ceux des navires-bouche- 
ries. M. Tellier n'ajant point peur d'allonger le 
temps de conservation, puisque celui-ci semble pres- 
que indéfini, ou du moins l'est dans des limites 
bien supérieures à celles qui sont nécessaires pour 
toutes les opérations, préfère de beaucoup le trans- 
port par l'eau à celui par chemin de fer. N'oublions 
pas que la machine à froid marchant constamment, 
la viande n'est soumise a la température ambiante 
que pendant le temps strictement nécessaire à son 
changement de place. Or, nous venons de voir qu'un 
singulier phénomène de conservation s'observe sur la 
viande qui a séjourné un certain temps dans une at- 
mosphère refroidie à un certain degré. l)c ce côté 
donc rien à craindre, puisque les viandes auraient 
séjourne en moyenne de 24 à 25 jours dans les cales 
froides, jour venir au plus près de Montevideo, 

Nous ajouterons, pour terminer, que tous les cal- 
culs, toutes les mesures sont prèles, et qu'on pourra 
quand on le voudra, résoudre, en quelques mois, le 
curieux problème d'apporter d'Australie à Pans de 
la viande fraîche, au prix probalilc de 00 à 70 cen- 
times le kilogramme! Peut-être moins, peut-être 
plus. Cela fait une énorme différence, pour la masse 
du peuple, avec le prix actuel de deux francs! 

A l'usine frigorifique d'Auteuil, M. CI). Tellier a 
installé une chambre à air froid, qui est sans cesse 
maintenue à une très-basse température, au moyen 
de la belle machine que nous avons décrite. On voit 
là les viandes admirablement conservées, et qui se 
trouvent précisément dans les conditions où elles 
seront soumises dans les compartiments des navires- 
boucheries. Tout semble donc démontrer que l'ex- 
ploitation fonctionnera sans entraves; et l'on peut 
affirmer que les résultats obtenus seront considéra- 
bles. Le grand problème de la conservation des 
viandes, un des plus importants que la science ait 
étudiés, nous parait résolu d'une façon complète. 



LES RUINES DE TROIE 

ET LE TRÉSOR DU KOI P1UAM. 

DECOUVERTES l'.ÉCKNTES DU D r SCHLIEMANN. 
(Suite. — Voy. p. 31 et 75.) 

POTERIES DU LA THOADE. 

INDICES DÏ!> Clir.TK RELIGIEUX d'ORIGI.XE AKVEKNE. 

LA GLAUCOPIS ATHÉft'Ê d'hOMÈI'.E. 

Parlons maintenant des poteries exhumées des 
couches préhistoriques de la Troade. Ou en trouve 
de toutes les formes et de toutes les grandeurs, de- 
puis le vase destiné ;*i renfermer les provisions et 
d'une contenance de plusieurs hectolitres, jusqu'au 
rfépas ou coupe ne contenant plus qu'un litre à un 
décilitre. Tantôt fine, tantôt grossière, et mêlée à 
des fragments de cailloux, la pâle en est générale- 
ment de couleur rouge, jaune ou noire. Les objets 
fabriqués à l'aide du tour sont rares et se distinguent 
par l'imperfection du travail, si ou les compare à 
ceux qui ont été faits à la main et polis à l'aide du 
lissoir, dont ils portent les traces ; ces derniers ont 
même un caractère tellement accentué, que M. l'ur- 
nouf, propose de désigner sous le nom do période de 
la poterie lissée, l'époque où ces mêmes vases ont 
été façonnés d'après ce procédé tout primitif. 

Remarquons cependant que ces vases et autres 
objets en argile étaient déjà, pour la plupart, durcis 
au feu par la cuisson. 

L'ornementa lion en était des plus rudimentaircs. 
Pour leur donner une belle couleur rouge, on les 
plongeait, lorsqu'ils étaient à moitié secs, dans un 
lait d'argile de cette nuance, et la partie adhérente 
de ce lait, incorporée à la pâle au moyen du lessoir, 
communiquait à celle-ci un brillant dont l'éclat a 
résisté au temps qui s'est écoulé depuis leur confec- 
tion. Les dessins, quand il y en a, ont été d'abord 
gravés en creux dans la pâte molle, puis les traits ont 
été remplis par un argile blanchâtre, dont le ton con- 
traste avec la nuance du fond primitif. Jamais de 
peinture à la manière des Etrusques. Ce sont tou- 
jours des zig-zagS ou des lignes sinueuses, comme ou 
en voit sur tant de vases retirés des lacs à palan ttes, 
ou des cavernes à ossements de la même époque pré- 
historique. 

Nous avons dit que les formes des poteries étaient 
des plus variées, quelquefois même très-élégante--, 
et cela, chose bien remarquable, dans les couches mê- 
mes les plus anciennes, comme si les premiers artistes 
qui les ont fabriquées étaient réellement plus haLilcs 
que leurs successeurs, ou ceux-ci moins bien rémuné- 
rés que leurs devanciers. Ne serait-ce pas aussi une 
preuve de décadence dans l'art céramique, comme 
dans la civilisation, qui vint remplacer celle qui l'a- 
vait précédée? Plus d'un indice tend à le faire penser. 
Quoi qu'il en soit, nous trouvons dans les ruines 
amoncelées de Ilissarlik, toute la vaisselle culinaire 
que nous rencontrons aujourd'hui chez nos paysans 



NATURE. 



2Ô1 



de la Bretagne et de la Normandie. Les formes oTr nt ! 
avec celles de la poterie de ces deux provinces de sin- 
gulières et bien mystérieuses analogies. Urnes funé- 
raires, vases à provisions, vases à boire, tasses, bouil- i 
loires, marmites à trois pieds, terrines, soupières, | 
assiettes, lampes, vases à parfums; tout l'attirail j 
d'une ménagère est là, représenté par de nombreu- 
ses séries dont l'ensemble ne forme pas moins de 
plusieurs milliers d'objets. Nous nous bornerons à 
signaler ceux qui, soit dans le texte, soit dans les 
planches de M. Schliemanii, 
que nous avons sous les yeux, 
nous ont paru les plus propres 
à attirer l'attention du lecteur. 
En première ligne figure le 
Depas amphikypellon d'Ho- 
mère, lequel, à proprement 
parler , ne formait pas une 
double coupe, mais bien un 
très-grand gobelet conique, à 
lond arrondi, à bord supérieur 
évasé comme le pavillon d'un 
cor de chasse, et muni de deux 
anses latérales de forte dimen- 
sion. Dans les festins dû celte 
éno.nio-, auxquels nous avons 
donné le nom <¥ homériques, 
l' ani phytrion tenant le gobelet 
par l'une de ses anses, buvait 
d'abord une partie du contenu, 
puis présentait la coupe à son 
hôte, qui, la prenant par l'anse 
opposée, la vi dai t tout d un Irai l, 
puis la posait sur la table, en lui donnant pour base 
l'extrémité évasée, c'est-à-dire l'embouchure même 
de la coupe, le faible diamètre et la forme arrondie 
du fond ne lui permettant pas de se tenir debout 
sur cette extrémité. Hem arquons, en passant, que 
ces amphikypella (Bccker mit zwei Ilcnkeîn), ne se 
trouvent que dans les trois couches préhistoriques 
supérieures^elque leurs dimensions vont sans cesse 
en décroissant (d'un litre à un décilitre). Dans les 



Très-henu vase en argile 
de l'nLim. Le couvercle 
royale. 



ques ornaient les cruches qu'ils fabriquaient en figu- 
rant sur leurs parois des seins de femme en relief, 
des boucles d'oreille, et des colliers eu couleur, abso- 
lument comme le font encore de nos jours les fabri- 
cants de poterie émaillée des Dardanelles. 

Il nous reste à dire un mot de certains vases de 
dimensions ordinairement assez considérables, à fond 
plat, à parois ventrues, à col large, portant un cou- 
vercle orné d'une aigrette recourbée, ou bien une 
sorte de cloche cylindrique, à quatre arceaux sur- 
montés d'une anse, le tout dis- 
posé de manière à simuler une 
couronne royale. Une tète de 
chouette, avec sou bec crochu, 
ses deux gros yeux surmontés 
de leurs arcades sourcilières, 
ses deux oreilles plumeuscs, 
orne le col du vase. Sur les 
parties latérales de la panse , 
deux ailes s'élèvent verticale- 
ment ; au-dessous du col sont 
représentés deux seins de 
femme très -rebondis et un 
nombril (ou un utérus), large 
et saillant. Quelquefois le cul 
du vase est orné d'un collier, 
et une sorte d'écharpe est pla- 
cée obliquement sur sa partie 
ventrue. L'artiste a voulu évi- 
demment figurer la déesse A!i- 
n e i vc , 1 a gla u côpis A th en ê d ' H o- 
mère, la divinité protectrice des 
Troycns et de leurs successeurs. 
« Àthénè, dit M. Bnrnouf, dont nous aimons à c'.ter 
les ingénieux aperçus, Athénè fut primitivement l'Au- 
rore à la face brillante ; le mot glaucôph exprimait 
celte idée. Plus tard, le caractère personnel de celle 
conception, s'accusant de plus en plus, suivant la loi 
ordinaire des conceptions religieuses, le même mot 




cuite trouvé dans le trésor 
a la forme d'une couronne 



! , 



Scie en silex. . 

couches les plus inférieures on rencontre des vases à 
boire dans la forme, sinon l;i matière, qni est une 
argile grisâtre el grossière, rappelle nos verres à pied. 
Nous signalerons encore les cruches à long bec re- 
dressé, analogues à celles que M. Em Burnoufatrou- 
vées dans 1 île de Santorin, et semblables, quant à 
l'élégance des contours, à ces carafes de cristal à 
long col et à grande anse qui figurait aujour- 
d'hui sur nos lubies. Les carafes troyennes sont 
parfois accolées deux ensemble ; quelquefois même 
une seule carafe est munie de deux cols juxtaposés 
et terniiués par un bec fortement redressé. Enfin à 
Troie, de même qu'à Santorin, les artistes céraini- 





Carrouscls en terre cuile. 

signifia « un visage <Je chouette » et l'art hellénique, 
avec la civilisation, fit le reste. Les vases troyens ré- 
pondent à lu seconde phase de cette conception ; ce 
sont les premiers documents qui l'attestent, mais ils 
sont complets 1 . » 

Les vases sur lesquels Minerve est représentée avec 
un visage de chouette, no sont pas les seuls indices 

1 Éni. Curnoiif. 



252 



LA NATURE. 



d'un culte religieux chez les peuples qui se sont suc- 
cédé sur remplacement de Hissarlik. Dans les cou- 
ches préhistoriques, mais surtout dans celles qui sont 
situées à une profondeur de 1 ù 7 mètres au-des- 
sous de la surface, on trouve une masse colossale 
« eine colossale Masse)) d'objets en terre cuite, arron- 
dis ou en forme de roue, ces derniers offrant avec 



les fusaîoles des archéologues italiens, de frappantes 



analogies. 



La plupart sont ornés de bizarres dessins ou 
symboles, parmi lesquels le dieu du soleil occupe 
toujours la place centrale. On y voit aussi très-sou- 
vent le Swastika, ou machine à feu de nos premiers 
ancêtres aryens; l'autel du sacrifice, avec ses flammes 







Vases du terre trouvés dans les ruines de Troie, dont l'un est surmonté d'une tète de chouclti!. 



pétillantes ; l'arbre sacré de la vie qui produit la soma ' 
(liqueur sacrée), enfin la rose mystique. Assez fié- i 
quemment l'image du soleil, gravée sur les Tevra- 
cottas (terres cuites), est entourée de rayons, d'étoi- 
les et d'autres soleils levants, diversement groupés, 
mais le plus ordinairement disposés de manière à 
former une croix autour du soleil qui occupe le cen- 
tre du disque symbolique. Quelquefois cinq roses 
mystiques sont rangées en cercle autour d'un soleil 
central. 

Les savantes recherches de M. Scîiliemann, et sur- 



tout celles de M. E. Burnonf semblent avoir démon- 
tré que le Swastika représente les deux morceaux do 
bois que l'on plaçait transversalement, l'un au-des- 
sus de l'autre, de manière à former une croix, et 
dont les extrémités, recourbées à angledroit, étaient 
retenues par quatre clous afin qu'elles ne pussent 
tourner ni d'un côté ni de l'autre. 

Au point d'union des deux pièces était creusée une 
petite fossette dans laquelle, à l'aide d'une corde de 
chanvre mêlé à du poil de vache, on faisait tourner 
rapidement une troisième pièce de bois en forme de 



LA NA.TUUE. 



233 



lance, nommée Pramanlha, jusqu'à ce que le frot- 
tement eût allumé le feu (Agni, ignis), destiné au 
sacrifice. Le père du feu sacré se nommait Twastri, 



c'est-à-dire le, divin charpentier, qui fabriquait le 
Sivastika et le Pramantha, dont le frôlement réci- 
proque produisait l'enfant divin (Agni). De Praman- 




, embouchure 



Vases a deux anses. 
>épas amphikijpelion . 



Idole en ©arbre de la. 

déesse Minerve* .' 






Vases en poterie d'argile lissée trouvés dans les ruinai de Troie. 




Vase rouge, brillant, représentant Mincrre ilienne, atec son 
et son easqtia tonnant le eoat ercle ; 




tha, les Grecs firent, dans la suite, Prométhée, qui 
déroba le feu du ciel pour allumer l'étincelle de 
l'âme dans l'homme formé d'argile. La mère d'Agni 
s'appelait Maya. 



A quel usage étaient employés les objets en tenc 
cuite dont nous venons de parier, et que le docteur 
Schliemann désigne indifféremment sous les noms de 
Terracotta-Kugeln, Carrouseli, Vulcane. Etaieut-ce, 



254 



LA KATLUE. 



comme il le croit, des ex-voto consacrés à Vulcain, ' 
dieu du feu? ou Lien, comme le pense M. Buniouf, 
étaient-ce des amulettes ou des monnaies courantes ? 
La question est restée jusqu'à présent indécise, et '. 
nous ne possédons pas encore les données nécessai- ' 
rcs et suffisantes pour la trancher. 

Outre les vases dont nous avons fait mention, il en 
est d'autres, trouvés à diverses profondeurs (de 6 à 
8 mètres), qui représentent des ligures d'animaux 
parfaitement rceonnaissables. De ce nombre sont 
le bœuf, l'hippopotame, le porc, le serpent cornu, 
l'ne tète de lion a été sculptée très-habilement sur 
une poignée de sceptre du plus fin cristal. L'anti- 
lope, le lièvre, animaux symboliques, figurent sur 
quelques Carrousels. I) r N. Joly, de Toulouse. 

— La suite jiroclmincnttjut. — j 



CHRONIQUE 

Les ascensions «In mont Ri.tnc. — Au mois 
d'août dernier le mont Blanc a été pravi deux fois. M. Al- 
bert Tiçsandier, dessinateur de la JSalwe, membre du 
club Alpin français, a exécuté une magnifique ascension 
dont nous donnerons prochainement le récit à nos lecteurs. 

Quelques jours après un jeune Anglais, M. Marshall, de 
Leeds, voulut gravir le mont Blanc en suivant une route 
nouvelle; sa témérité devait lui coûter la vie. Voici les 
renseignements qui nous sont communiqués à ce sujet par 
un habitant de Courmayeur. 

« M Marshall, de Leeds, est resté plusieurs jours à l'hô- 
tel Royal, à Courmayeur, et nous faisait part de ses plans 
pour prendre une nouvelle roule puir se rendre à Gha- 
mounix par le mont Blanc, comme il avait l'ait récemment 
pour aller de Chamounix à Courmayeur par le pic Triolet. 
Il partit accompagné de deux guides expérimentés, qui l'a- 
vaient déjà conduit dans son dernier voyage et muni de 
t tous les instruments nécessaires. 

Un seul guide revint; les deux autres voyageurs n'étaient 
plus! 

La petite troupe monta par l'ail je Blanche et arriva de 
bonne heure dans l'après-midi au pied du mont Blanc. 
Après avoir gravi une partie du glacier du Fresnav, ils firent 
leurs préparatifs pour y passer la nuit. Le lendemain ma- 
tin ils arrivèrent au » Licier du Brouillard, qui mène di- 
rectement au mont Blanc. Mais après des tentatives inu- 
tiles, et voyant que le passage était impraticable, ils revin- 
rent sur leurs pus pour rejoindre le glacier du Brouillard 
es sûreté, et ils étaient attaches tous les trois ensemble. 
En continuant leur retraite à minuit ù travers le glacier, 
ils tombèrent tons les trois dans une crevasse. M. Marshall 
et le guide Fischer furent tués sur le coup sans prononcer 
une parole, et au lever du jour, le guidy survivant voyant 
qu'il lui était impossible de ramener les corps à la surface, 
fut obligé de les abandonner et de descendre à Cour- 
mayeur. 

li' éruption de l'Etna. — Dans la matinée du 50 août, 
dit la Gazetta <li Ulessina, des colonnes de fumée s'éle- 
vaient dans diverses directions. Tout faùait croire que plu- 
sieurs grands cratères s'étaient formés sur le versant nord 
et que nous assisterions à une des plus imposantes et des 
plus terribles éruptions de Mongibello. Mais, après quelques 



heures, toute la fumée a disparu et elle n'a plus reparu, de 
sorte que l'éruption parait déjà finie. C'est peut-être à 
celte cessation soudaine que sont dues les continuelles 
secousses du sol. Et elles sont fort légères en comparaison 
de celles de Randazzo, Bronte, Linguagiosaa et l'iedi- 
monte. 

Tous les agents de la force publique disponibles dans 
l'arrondissement sont partis pour ces localités afin de gar- 
der le-* maisons, car les habitants dorme nt à la belle éloilc. 
DePiedimonlc, on a envoyé chercher ici des voiles de bâ- 
timent pour en faire des logements provisoires et surs. On 
dit que la maison d'arrêt de Lingunglossa s'est écroulée; 
on ignore encore s'il y a eu des victimes. 

Ce matin, à cinq heures et demie, ajoute un correspon- 
dant; du Journal officiel, nous avons ressenti une forte 
secousse, mais elle a duré très-peu de temps. A deux heu- 
res-, il yen a eu une autre moins forte, mais plus longue. 
U semblait que quelqu'un poussât les portes du dehors. On 
a noté un phénomène singulier: aucun grondement ne 
s'e^t fait entendre cette fois. Habituellement l'Etna prélude 
à ses grands spectacles par de forts grondements qui res- 
semblent a des tonnerres. Cet le fois-ci, il n'en a rien été. 
La pluie de cendres n été très-peu considérable. Seraient— 
ce là des symptômes d'affaiblissement ? 

Une explosion de feu grisou. — Un terrible acci- 
dent a eu lieu dans le pays de Galles, à Plvnliinmogi, une 
des plus importantes houillères de la localité. 

Mardi dernier, Tune d'elles retentissait du bruit d'une 
explosion épouvantable de feu grisou, qui iança des pierres, 
de la (erre, du charbon, etc., par l'orifice des puits jus- 
qu'à une hauteur de 200 mètres. On ignore à quoi attri- 
buer cet accident, car les précautions les plus minutieuses 
avaient été prises pour le prévenir. Aussi Lot, on se porta 
an secours des malheureux ouvriers, et on parvint à les 
faire tous sortir. Beaucoup sont plus ou moins grièvement 
blessé» et sept dans un état désespéré. La pluie a été in- 
tense depuis quelques jours. Il est à craindre que des in- 
filtrations ne se soient produites et quelles aient amené 
un éboulement qui aura laissé échapper une masse énorme 
de gaz. 

S.csvciKbnges. — Le Salut public, de Lyon, nous 
apprend qu'il est déjà question des vendanges; il fait en 
effet, une chaleur propre à la maturation du raisin. Les 
raisins sont noirs et mûrissent également. On commencera 
à vendanger du 10 au 20 septembre. La récolte sera, dit- 
on, abondante, sauf dans les parties basses, complètement 
gelées ; le pris des tonneaux eu témoigne par son élévation. 
Du reste, la récolte de 1874 promet de surpasser celle de 
bien des années précédentes en abondance et en qualité. 
De tous côtés, les nouvelles sont satisfaisantes. 

ACADÉMIE DES SCIENCES 

Séance du 14 septemhr 1874. — Présidence de M. Berthano. 

Eruption de l'Etna. — Le grand volcan sicilien conti- 
nue à gronder et à vomir de la lave. D'après une lettre 
écrite de Messine, en date du 3 septembre, de nouvelles 
bouches se sont ouvertes à l'est du cratère primitif et à des 
distances de 2,500 mètres, 5,000 moires et davantage. 
Dans le nord, de petits cratères se sont formés aussi, mais 
ils sont beaucoup moins importants. 



LA NATURE. 



2J>5 



Action de l'acide carbonique sur le sanij. — lt résulte 
des expériences de M. Mathieu que la coagulation sponta- 
née du sang extrait de la veine et abandonné à lui-même 
est exclusivement due "a l'action de l'acide carbonique con- 
tenu dans l'air. En présence de ce résultat, il devient né- 
cessaire d'expliquer comment l'acide carbonique, si abon- 
dant dans le sang noir, ne le coagule pas dans la veine 
même ; c'est ce que l'auteur fait en remarquant que le gaz 
n'est pas libre dans le s:mg vivant, mais emprisonné au 
contraire dans les globules. 

Machine pneumatique. — Par un perfectionnement très- 
simple, M. de Las JlarisiiKis fait de la machine pneumatique 
à mercure (Voy. p. 24-i) un instrument très-commode, il 
consiste en deux ballons contenant du mercure et commu- 
niquant par des tubes flexibles, ensemble et avec, le réci- 
pient a vi 1er, Un mécanisme permet d'élever et d'abaisser 
alternativement les ballons et, d'après l'auteur, le vide 
obtenu, est très-supérieur à celui qu'on réalise autrement. 

Effluves de (leurs de colchique. — Une bien curieuse 
observation est signalée par Jl. Isidore Pierre, professeur à 
la Faculté des sciences de Caen. Elle consiste tout simple- 
ment à approcher le doigt, mais sans la toucher, d'une 
fleur de colchique d'automne. Presque instantanément la 
peau prend la teinte verdàlre et livide caractéristique du 
cadavre. Toutefois la plante ne donne ce résultat qu'au mo- 
ment où elle est en pleine floraison ; quelques heures après 
aucun effet anal >gue ne peut plus être observé. Quant à la 
matière qui teint la peau, M. Pierre n'a pu, vu sa petite 
quantité, que l'étudier superficiellement. Elle lui parait 
liquide et différer complètement à cet égard du pollen, 
avec lequel, néanmoins, elle doit être émise parles an- 
thères au moment de la fructification, il y a là un sujet 
intéressant de recherches, d'autant plus que, suivant tou- 
tes probabilités, ce fait n'appartient pas en propre au col- 
chique et doit être présenté également par d'autres fleurs. 

Vanille artificielle. — Déjà nous avons dit comment 
deux élèves de M. Hoffmann convertissent le suc propre 
du pin en principe odorant de la vanille. Le célèbre chi- 
miste annonce aujourd'hui que les auteurs de la décou- 
vert»! ont monté une usine et que leur industrie nouvelle 
est florissante. Un arbre de dimension ordinaire donne 
assez de liquide pour que la vanilline produite représente 
une valeur de 100 francs, et le bois n'est aucunement al- 
téré. Il est permis de prévoir le temps où la vanille natu- 
relle sera complètement remplacée par le produit nou- 
veau. 

Vapeurs niti'êtises de jus de betteraves. — Depuis très- 
longtemps on a remarqué, lors de la concentration des 
jus de betteraves, le dégagement de vapeurs hypoazoti- 
ques. M. Maumenée, que ce dégagement préoccupe depuis 
de nombreuses années, en propose aujourd'hui une explica- 
tion étayée par des expériences directes. Le jus contient 
un nitrate d'ammoniaque qui, sous l'action de la chaleur 
perd une partie de sa base et devient acide. Le nitrate 
acide, à son tour, si l'ébulhtion est continuée assez long- 
temps, se décompose suivant une formule bien connue et 
dégage soit de l'hypoazotide soit du hioxyde d'azote qui, 
au contact de l'air reproduit les vapeurs rousses. 

Un nouveau phylloxéra. — Les journaux du Midi 
étaient tous pleins ces derniers jours de la découverte 
faite par M. Liechtenstein du phylloxéra ailé, à la surface 
des feuilles de vigne. On remarquait en même temps que 
le terrible insecte, sous sa forme parfaite, recouvrait les 



feuilles de beaucoup d'autres végétaux, et spécialement 
celles du petit chêne à kermès, si abondant autour de 
Montpellier. C'est au point qu'il y avait lieu dd se deman- 
der si le phylloxéra ne choisit pas cet arbre pour y accom- 
plir quelque métamorphose ou quelque fonction particu- 
lière. M. Balbiani, étudiant les choses de très- près, 
reconnaît que, si le phylloxéra est réellement apparu sous 
sa forme ailée à la surface des feuilles de la vigne, il est 
mêlé d'une quantité innombrable d'un autre insecte, 
phylloxéra aussi, mais tout a fait inoffensif, et qui est spé- 
cialement attaché au chêne qui vient d'être cité. Le savant 
naturaliste en fait le phylloxéra Lichlensteinii, en l'hon- 
neur de l'observateur qui l'a signalé le premier, sans tou- 
tefois le reconnaître. Cette nouvelle acquisition de l'ento- 
mologie porte à trois le nombre des phylloxéras dès 
maintenant décrits. Outre le phylloxéra va&lalrix spécial 
à la vigne, on connaît en effet celui du chêne pédoncule 
qui n'exerce aucun ravage. 

Victoire du sulfo -carbonate de potassium. — Le sulfo- 
carbonate de potassium proposé, comme nos lecteurs le 
savent bien, par M. Dumas, pour détruire le phylloxéra, 
vient d'être expérimenté en grand à Cognac par M. Mouil- 
lefert. Une dissolution au centième, absolument in offen- 
sive sur la vigne, tue en moins de vingt- quatre heures 
tous les phylloxéras et les œufs en contact desquels elle 
parvient. M. Dumas saisit l'occasion pour annoncer qu'il 
est arrivé à préparer le précieux sel dans des conditions 
d'économie absolument inespérée. Le procédé consiste à 
agiter une dissolution aqueuse de sulfure de potassium 
avec du sulfure de carbone en proportion voulue : la 
combinaison se fait peu à peu, et le sel est absolument 
pur et dépourvu de sulfure comme le prouve le beau pré- 
cipité rouge qu'il donne avec les dissolutions plombiques. 

Coaltar ei phylloxéra. — Le coaltar ou goudron de 
houille essayé, il y a déjà trois ans, aux environs de Nî- 
mes par M. Petit, a donné contre le phylloxéra des résul- 
tats tellement satisfaisants que la Société d'histoire natu- 
relle de Lyon, sous l'impulsion de 31. Duclaux, pense 
qu'on peut avec celte matière construire une sorte de for- 
tification souterraine inexpugnable pour le parasite. On 
séparerait le Beaujolais, aujourd'hui menacé, des régions 
du Midi en imbibant sa frontière avec du goudron, et, 
suivant toute apparence, aucun phylloxéra ne la franchi- 
rait. On peut espérer, parait-il, qu'on passera dans cette 
circonstance de la théorie à la pratique. 

A ce sujet, il. Dumas fait remarquer que la Bourgogne 
n'est pas seulement menacée du côté du sud : il faudrait 
par là G ou 7 ans pour que le fléau arrive. Elle l'est aussi 
par Paris, et les ravage-; peuvent être beaucoup plus pro- 
chains. Elle l'est par Paris à cause de la funeste curiosité 
d'une foule de personnes, qui se sont permis d'apporter 
ici des phylloxéras recueillis da,ns le Midi et cela, bien en- 
tendu, dans un but scientifique. Il y a là un danger très- 
réel auquel on n'a pas fait assez attention, et qu'il impor- 
terait de conjurer par tous les moyens possibles. Il est 
décidé que le ministre sera informé de cet état de choses 
et invité à agir. 

Cause de la prise du plâtre. — Tous les chimistes 
savent qu'on explique le phénomène si remarquable de la 
prise du plâtre, par la production de cristaux de gypse 
qui se feutreraient ensemble d'une manière solide. Celte 
explication, répétée partout, est cependant loin d'être satis- 
faisante, et cela de l'aveu de tout le monde. M. L:indrin, 
dans un travail des plus intéressants, rattache le pheno- 
1 mène à ceux que présentent les dissolutions salines sur- 



256 



LA NATURE. 



saturées, et il insiste sur les modifications que la prise du 
plâtre peut subir par le fait de son mélange avec de la 
chaux vive. Avec une proportion convenable de cette terre, 
on arrive à obtenir des plâtres durs et solides, appelés 
certainement à des applications importantes. 

Stamslas Meusier. 



L'HÉLICE AÉRIENNE 

HUE ÉLECTRIQUEMENT. 

L'hélice aérienne est un organe qui permet de re- 
cueillir très-avantageusement la force motrice déve- 
loppée par un courant électrique dans un moteur 
électro-magnétique. Il est facile de s'assurer par une 
expérience très-simple que laquantité de mouvement 
varie très-rapidement avec la quantité d'électricité 



engendrée. On peut le faire avec une pile-bouteille, 
attelée à un moteur de l'ordre le plus simple. A 
mesure que l'on enfonce le zinc dans le liquide exci- 
tateur, on voit le mouvement de l'hélice s'accélérer. 
Si on laisse le zinc stationnaire on ne tarde pas à voir 
que le mouvement de l'hélice se ralentit, à cause de 
l'épuisement des couches de liquide en contact avec 
le métal. Si la pile-bouteille était pourvue d'un tube 
à insufflation, on verrait l'influence de l'agitation se 
manifester aussi facilement qu'avec un fil de cuivre 
que l'on fait rougir. 

Avec une hélice de 30 centimètres de diamètre et 
une machine motrice composée de trois aimants pe- 
sant chacun moins d'un kilogramme, nous avons ob- 
tenu cinq tours par seconde avec six éléments Pog- 
gendorf de petite dimension équivalant à six élé- 
ments Giove. La vitesse de rotation allait en s'accé- 




Hélice aérienne mue par l'électricité. — Appareil di: .M. W. de Formelle. 



Jérant avec le nombre des éléments dans une 
proportion très-forte : \ élément, 1/2 tour; 2 élé- 
ments, \ tour: 3 éléments, 2 tours; 4 éléments, 
7) tours; 5 éltratiits 4 tours; G éléments, 5 tours. 
On a avec une hélice et une machine donnée, le 
moven de reconnaître à quel taux s'est élevée la force 
effective d'un courant donné. On peut arriver à une 
"rande exactitude en comptant le nombre de tours 
de roue constatés pendant une minute avec un vélo- 
cimètre. On peut encore adapter un compteur à la 
machine. 

L'influence de la grandeur des ailettes, de leur 
inclinaison se montre d'une manière très-facile à re- 
connaître. Les moteurs électro-magnétiques sont 
donc un excellent moyen, si l'on possède une pile re- 
connue constante, po.ir étudier l'influence de toutes 
ces conditions si complexes sur la rotation effective. 
Les divers moteurs électro-magnétiques peuvent être 
comparés de la sorte beaucoup plus facilement qu'a- 
vec un dynamomètre. 



Un problème très-intéressant à résoudre serait de 
déterminer quel poids de pile et de machine il fau- 
drait, pour mouvoir une hélice de 50 cent, à 1 mètre 
de diamètre avec une vitesse de 5 à 6 tours. C'est ce 
qu'il a fallu employer à Woolwieh pour que l'aéros- 
tat de M. llowdler éprouvât un déplacement vertical 
sensible, son hélice étant mue par deux hommes. Je 
n'ai point assez d'éléments pour professer à cet égard 
une opinion définitive, mais mon avis provisoire est 
que cet effet peut se produire avec un poids moindre 
qu'on ne le supposait. Bien entendu je ne m'occupe 
en ce moment que du déplacement dans le sens ver 
tical et nullement de la translation horizontale dans 
laquelle il n'y a rien à faire qu'avec des ballons 
allongés et des machines motrices à vapeur analo- 
gues à celles qui ont été expérimentées par M. Henry 
Gilfard. W. de Fos vielle. 

Le Propriétaire-Gérant : G. Xissasdier. 

Cuuui:il. — Tv. et s'.er. Je Ciiuti:. 



K« G[) — 2G SEPTEMBRE 1874. 



LA NATURE. 



237 



L'EXPOSITION DES INSECTES 

M. Ducuing a inauguré l'exposition de l'orangerie 
dos Tuileries par un discours remarquable, dont 
nous reproduisons quelques passages : 



« Les insectes dont l'homme se sert sont unes, a 
dit l'orateur. En négligeant les insectes tinctoriaux 
qu'on peut remplacer, nous ne comptons dans les 
espèces utiles que l'abeille et le ver à soie. 

L'abeille, qui ne produisait, il y a quelques années» 
que 17 millions, donne aujourd'hui 25 millions, 




Hérisson. 




l.rzard \ci't. 








Rainette. 






Taupe. 




Uiliou. 




ROBBlgnol. 



S, 






à& 



Chauve-souris. 



Collection de M. Dillcm à l'exposition des insectes. — Quelques destructeurs d'insectes. 



grâce aux encouragements que nous avons prodigués 
aux producteurs et à la vulgarisation que nous avons 
faite des bonnes méthodes d'élevage, 
î* lonct. — 2" srmcslrc. 



Lever à soie donne un produit brut évalué à 150 
millions. 
Eh bien ! l'homme ne connaît aucun moyen cer- 

17 



258 



LA NÀTUKK. 



taia de préserver ces précieux auxiliaires des mala- 
dies qui les déciment. 

En regard, nous comptons par milliers les espèces 
nuisibles. Et l'homme, impuissant à protéger le* 
êtres qui le servent, est également impuissant à 
combattre efficacement les êtres qui le ruinent. 

Tel est, messieurs, l'état de la situation actuelle de 
l'entomologie. 

Les infiniment petits de la création nous rappor- 
tent moins de 200 millions ; ils nous coûtent envi- 
ron 500 millions y compris les ravages tin phylloxéra. 

Il nous faut regagner sur eux 300 millions par an, 
pour rétablir à notre avantage l'équilibre des dégàls 
et des services. » 

M. Dueuing a terminé son discours par des ren- 
seignements très-curieux sur le phylloxéra et sur 
l'étendue de ses ravages. 

Les galeries de l'exposition se divisent en trois sec- 
tions ; sériciculture, apiculture et insectologie géné- 
rale. On y voit les insectes nuisibles aux arbres, aux 
bois, aux plantes de toutes sortes, aux animaux et à 
l'homme; ou y trouve aussi les ustensiles, les ou- 
tils, etc., propres à leur destruction, et une nom- 
breuse variété de tous les insecticides connus. 

La collection la plus remarquable est certainement 
celle qu'a exposée M. Diilou. Dans plusieurs compar- 
timents vitrés, on voit d'abord, parfaitement empail- 
lés, les animaux qui détruisent les insectes nuisibles; 
nous reproduisons ci contre quelques spécimens de 
la collection Dillon. Dans d'autres boîtes, sont ran- 
gés méthodiquement les insectes nuisibles, où l'on 
suit leur développement, où l'on considère les résul- 
tats de leurs ravages ; c'est ce que nous examine- 
rons avec quelques détails dans notre prochain ar- 
ticle. 

— la suite prochainement» — 



>o< 



CONGRÈS INTERNATIONAL 

DES MÉTÉOROLOGISTES A VlEJXlSE, 

Dans les dernières années de sa vie Maury appe- 
lait de tous ses vœux une conférence semblable à 
celle de Bruxelles, dont il avait été le j romoteur, et 
destinée à donner à la météorologie générale ) a forte 
impulsion que la météorologie maritime avait reçue 
de lui, ainsi qu'à élargir encore l'horizon de cette 
science, en l'unissant à l'économie sociale par la 
statistique comparative de la production agricole. 11 
avait développé ce programme dans son dernier dis- 
cours prononcé à Saint-Louis (Mississipi), dont une 
traduction faite avec notre collaborateur M. E. Mar- 
gollc, a figuré parmi les documents adressés au Con- 
grès de Vienne, la première des remuons internatio- 
nales qui doivent le réaliser progressivement. 

L'absence de la France, provenant en grande par- 
tie des perturbations dues à nos derniers désastres, 
était à cette réunion l'universalité si désirable, mais 
nous devons dire que l'espoir de sa participation fu- 



ture a été exprimée et que sa place a été courtoise- 
ment réservée dans le comité permanent nommé 
pour veiller à l'exécution des décisions prises et 
pour préparer les sessions suivantes. D'autre part 
l'abstention n'a pas été complète de notre côté, car 
à la réunion de l'Association française pour l'avance- 
ment des sciences tenue à Bordeaux en 1872, la sec- 
tion de météorologie a donné des réponses soigneu- 
sement étudiées aux questions formant le programme 
du Congrès dont nous allons passer les priucipales 
résolutions en revue. 

Nous sommes d'abord heureux de constater que la 
question de riutroduction des mêmes unités de me- 
sure dans tous les pays a fait un grand pas par l'a- 
doption des propositions suivantes, émises par 
M. Jelinek, directeur de l'Institut central météorolo- 
gique de: Vienne: 

1 J L'emploi des mêmes unités de mesure est 
désirable aussi bien pour les observations que pour 
les publications ; 

2" Le Congrès exprime sa conviction que parmi 
tous les systèmes de mesures existantes, lu svslème 
métrique est celui qui a le plus de chance d'être gé- 
ralemcnt adopté; 

5" Le Congres regarde comme très-désirable, s'il 
n'était, pas] possible d'introduire dès maintenant une 
mesure unique, de ne plus employer que la mesure 
métrique et la mesure anglaise( pour le thermomètre 
l'échelle centigrade et celle de Fahrenheit) ; 

4" Toutes les dispositions propres à conduire à l'u- 
nité métrique doivent être encouragées. 

La réserve relative à l'échelle de Fahrenheit a été 
faite par M. l'obcrt Scott, directeur du bureau météo- 
rologique de Londres, qui toutefois donne depuis 
quelque temps déjà dans ses remarquables Quaterly 
Wcdthi'.r Rc.pnrls les observations et les moyennes 
en mesures métriques à côté des mesures anglaises. 
I 11 nous semble cependant qu'il serait facile d'arriver 
j à un accord général, en considérant que le seul avan- 
tage du thermomètre Fahrenheit, où la température 
qui correspond à la glace fondante est de 52°, ré- 
side dans ce qu'où n'a jamais besoin pour les froids 
ordinaires d'employer le signe — , ce qui est, au 
contraire, fréquent, dans le système centigrade. Xe 
pourrait-on pas adopter le thermomètre ictracenti- 
grade de M. Wulferdin, qui évite généralement l'em- 
ploi du signe négatii? 11 s'agirait simplement d'a- 
baisser le zéro de l'échelle centigrade de 40° en 
conservant toujours les mêmes points fixes, la tem- 
pérature de la glace fondante et celle de la vapeur 
de l'eau bouillante, et en laissant par suite intacte la 
valeur du degré centésimal. A ces points correspon- 
draient dorénavant 40° et 140°. L'échelle convena- 
blement étendue embrasserait en outre l'ensemble 
j des dilatations du mercure à l'état liquide, depuis 
0°, température de la congélation, à 400°, tempéra- 
ture de Fébullitioii de ce métal, circonstance qui mo- 
tive l'adjectif tétracentigrade. 

lui réponse à la question relative aux indications 
delà direction du vent, le Congrès a considéré comme 



LA NATURE. 



259 



suffisant le nombre de seize rurnbs de vent et a adepte 
la désignation, anglaise pour les quatre principaux: 
N., E., S., W. La vitesse du vent sera mesurée par le 
nombre de mètres parcourus par seconde. Les brises, 
dont la vitesse est inférieure à un derni-mètre par 
seconde, doivent être considérées comme du calme. 
Les signes suivants ont, élé adoptés pour les hydro- 
météores et autres phénomènes: 



A l'égard de leur intensité les phénomènes de- 
vront être distingués par les chiffres et 2 placés 
en exposants. Le brouillard ne doit êlre marqué 
que quand il enveloppe l'observateur. Il ne doit pas 
être désigné simplement par son signe, mais ou y 
joindra le degré d'opacité de l'atmosphère. 

F. ZcilCUER, 
— La suite prochainement. — 



O Pluie. 

f2 , Orage. 

<\ i Eclairs de chaleur. 

Grêle. 

Grésil. 
^^ Brouillard. 



V 

4> 



Gelée blanche. 

Rosée. 
Givre. 
Verglas. 

Averse de neige. 



Aiguilles de glace. 



^y* , Vent fort. 



© 


Couronne solaire. 


o 


Halo solaire. 


CD 


Couronne lunaire 


uv 


Halo lunaire. 


s~\ 


Arc-en-cie!. 


^ 


Aurore boréale. 


oo 


Brouillard sec. 



LES PEAUX-ROUGES CIVILISÉS 

L'Ausland vient de publier de très-curieux docu- 
ments sur la situation nouvelle de quelques tribus 
Peaux-Uouges, aux États-Unis, et qui sembleraient 
démontrer que ces peuplades sauvages sont parfaite- 
ment susceptibles de se civiliser, contrairement à ce 
que l'on croit généralement. On sait qu'en 18159, 
après des conflits terribles avec les Indiens, le Con- 
grès a établi une commission pour régler les affaires 
de ces Peaux- Rouges et pour leur trouver dans le 
Par-West, un vaste emplacement qui leur serait 
abandonné et où ils pourraient vivre à leur gré, en 
s'eiwarreant toutefois à ne plus venir troubler de 
leurs pillages, les pays occupés par les blancs. On 
mettait à leur disposition des machines agricoles et 
des métiers, ou leur fournissait tout ce qui pouvait 
leur donner le goût d'une existence agricole et d'une 
vie sédentaire. 

Les Cherokees, célèbre tribu indienne, résident 
aujourd'hui sur ce territoire, au nombre de 18,000. 
Les Cherokees conservent leur indépendance, admi- 
nistrent leurs affaires eux-mêmes et seront comptés 
au nombre des citoyens des États-Unis, le jour seule- 
ment où il leur conviendra de s'unir volontairement 
à la grande famille américaine. 

Un grand nombre d'autres tribus indiennes ont 
suivi ce bel exemple, les Choclaws et les Clricka- 
saivs, se sont portés vers le nouveau territoire qui 
leur était offert, au nombre de 24,000. Les Pata- 
wotoonies sont devenus citoyens des États-Unis, il y 
a quelques années. 



Ces faits démontrent que la modération, l'entente 
cordiale sont capables de conduire à de grands résul- 
tats, et que les luttes acharnées, ou dévastatrices, ne 
résultent souvent que de regrettables malentendus, 
ou de questions de rivalités personnelles entre les 
représentants de nations assez égarées pour abandon- 
ner leur destinée à un chef absolu. D'autres tribus 
indiennes aux États-Unis, se sont refusées à toute 
entente ; elles errent dans le Texas et le Nouveau- 
Mexique où elles se signalent par des forfaits. Mais 
la civilisation les considère à juste titre connue des 
bêtes fauves et les écrase sans merci. 

Il est bon d'ajouter que ce que nous venons de 
dire se rapporte surtout à des races de Peaux-Rouge» 
qui sont mélangées, dans lesquelles le sang indien 
ne coule plus aussi pur. Le Peau-lîonge pur sang, et 
c'est précisément celui-là qui habite encore certaines 
régions du Texas et du Nouveau-Mexique, suit irré- 
sistiblement son instinct, qui le pousse à la vie 
nomade, à la chasse, à la guerre, et 1. en traîne dans 
un combat acharné contre les blancs et les pion- 
niers de la civilisation. La lutte est inégale, et le 
Peau-Rouge pur saug disparaît devant la marche des 
Visages-Pâles. 

LA GÉOLOGIE DU CANADA 

Dans un pays en cours d'exploration conuuerAmé- 
rique, et où le désir de découvrir des richesses miniè- 
res excite le zèle des chercheurs, Ja géologie appli- 
quée a pris place au rang des sciences pratiques. Les 
nouveaux arrivants s'occupent même de rechercher 



200 



LÀ NATURE. 



les trésors que peut renfermer le sol, avant de penser 
à le cultiver. 

Le gouvernement des Etats-Unis a placé la géologie 
au niveau d'une science officielle en instituant une 
commission permanente, qui a réalisé déjà de nota- 
bles découvertes, sous la direction de M. llayden. Le 
gouvernement provincial du Canada a agi de même; 
il a réuni depuis 1845 toutes les observations four- 
nies par les membres de la commission et celles des 
explorateurs particuliers, en rapports annuels, qui 
produisent un volumineux travail. 

Ou a formé, avec tous les échantillons recueillis 



un musée à Montréal, dont les collections ont pris 
mainlenant une réelle importance. 11 est divisé eu 
deux section-;: la première est consacrée à la géolo- 
gie économique; on y trouve des spécimens de ro- 
ches et toutes les substances qui peuvent être utili- 
sées dans l'industrie. La seconde est réservée à la 
paléontologie canadienne; les fossiles sont systéma- 
tiquement catalogués par groupes, se suivant les 
uns les autres dans l'ordre de formation strati gra- 
phique, en commençant par les plus anciennes. Dans 
chaque groupe la classification est faite suivant l'or- 
dre de leur développement, en commençant par les 




Zoopliyles fossiles 'découverts par la Commission géologique du Canada. 

i,Petraria canadvnsis (Billings). — 2. Columnaria aloeolala ((îoldfuss). — IV Stenopora fibrosa (Goldfuss). — i. Stromotopora 
ntijosa (H:)ll). — '6. ilichelina convexa (D'Orbigny-). — 6. Haimeophyllum ordinatum (Billings). — 7. Favistella stellata, coupu 
(Hall). — 8. Diphyphylum archiaci (Bi!ling>). — 9. Syriagopora macluera (BJUiugs). — 10. Aiveoliteii labiosa rBjlling.-). — 11 Sy- 
ringopora pertkgam (Billings).— \'l. Aulopora cornuta (fthiugs). — 13. Favorites basaltica iGolilluss). 



structures les plus simples, ou les plus basses; en 
s 'élevant ensuite jusqu'aux plus compliquées. 

Le nombre des fossiles catalogués au musée àt 
Montréal s'élève à plus de 1,500; de plus, il en 
reste au moins autant qui attendent des renseigne- 
ments pour être classés systématiquement. Une par- 
tie notable des types les plus curieux a été publiée 
dans les rapports séparés. Nous y avons choisi, parmi 
les zooplntes, les sujets les plus curieux, qui ont été 
groupés dans la gravure ci-dessus. La plupart sont, 
des espèces inconnues sur l'ancien continent. 

On sait que les zoophytes sont des animaux d'une 
organisation très-simple , qui présentent presque 



toujours, soit dans leur corps lui-même, soit dans 
leurs appendices, une disposition rayonnante qui les 
fait comparer à des plantes. J. Ghiakd. 



><>< 



NOUVEAU 

FOURNEAU A HUILE MINÉRALE 

On sait que M. Gh. Sainte-Claire Doville, avant ses 
expériences sur le chemin de fer de l'Est, avait, avec 
le concours de M. Dupuyde Lôme, appliqué sa grille 



LA NATURE. 



261 



verticale pour la combustion du pétrole, au chauf- 
fage de la chaudière à vapeur de 60 chevaux du yatch 
le Puebfa. Il élait résulté de ce:» essais la conviction 
qu'il serait très-facile de remplacer rapidement, dans 
le lover des bateaux à vapeur, le chauffage au char- 
bon par le chauffage au pétrole et récipro piement, do 
telle sorte que les navires faisant les voyages de l'A- 
mérique du Nord, pourraient lirùler du charbon à 
l'aller et du pétrole au retour. Cette transformation 
.serait précieuse pour la Californie qui possède des 
terrains bitumineux et plusieurs gîtes pétrolifères, 
heureusement situés au bord de la mer. L'emploi du 
combustible liquide y serait d'une importance d'au- 



tant plus grande, que, pour alimenter le travail de 
ses usines et le service des grandes lignes de stea- 
mers qui la relient au Japon, à Shanghaï et à tout 
l'extrême Orient, la ville de San Francisco est obligée 
d'importer à un prix très-élevé le charbon, dont 
cette partie de la côte est dépourvue. 

La grilledeM.Ch. Sainte-Claire Deville s'applique, 
non-seulement aux locomotives et aux navires à va- 
peur, mais à tous les appareils de chauffage ; aussi, 
pendant le siège de Paris, des grilles construites sur 
ce modèle ont permis, au moment où la houille 
est venue à manquer, de brûler l'hui'e lourde de 
houille, soit pour faire marcher la machine à vapeur 




Fourneau à huile minérale pour laboratoire ut tra\aux de bijouterie. 



île la manufacture de tabacs, dont les moulins étaient 
employés à moudre la farine, soit pour chauffer les 
fours à réverbère où l'on fondait le bronze destiné à 
la fabrication des canons. 

Cette grille est constamment employée depuis plu- 
sieurs années dans le laboratoire de l'Ecole normale 
supérieure pour chauffer et maintenir pendant des 
jours entiers, à une température constante, les appa- 
reils où l'on veut produire des réactions qui exigent 
le concours du temps et d'une température très- 
élcvée. 

Enfin, M. Wiesnegg, lit-on dans le nouveau Dic- 
tionnaire de chimie de M. Wùrtz, constructeur d'ap- 
pareils pour les laboratoires de chimie, a appliqué 
la grille de M. Deville à un petit fourneau portatif à 



moufle M (voy. liguic ci-dessus), pour les travaux de 
la bijouterie et de la petite orfèvrerie. On peut d'ail- 
leurs remplacer le moufle par des creusets C ou par 
un tube transversal D en terre ou en porcelaine, dj 
manière à employer ce fourneau pour la plupart des 
opérations de la chimie par la voie sèche. L'huile 
lourde de pétrole ou l'huile du gaz contenue dans un 
réservoir R arrive par le tube T aux robinets ret r' 
d'où ils arrivent au tube F de la grille. 

Le pétrole ne laissant pas de cendres, on n'a pas à 
craindre la perte des matières employées dans le cas 
ou le creuset viendrait à se briser ; on retrouve la 
matière intacte dans la partie inférieure de l'appa- 
reil. La dépense dans ce fourneau serait d'environ 
20 centimes par heure. 



262 



LA NATURE. 



S lin LE MODE 



DE REPRODUCTION DU PHYLLOXERA. 1 

Les études que je poursuis avec ardeur depuis six 
ans sur les mœurs du phylloxéra, viennent d'être 
couronnées de succès. Je sais où viennent se trans- 
former et s'accoupler ces myriades de pucerons, qui 
iront dans un mois envahir nos vignobles. Ils sont à 
notre portée et faciles à détruire sans beaucoup de 
frais. 

Aujourd'hui, ils essaiment tout comme les abeilles 
ou les fourmis. Des insectes ailés sortent de terre en 
nombre inouï (500,000 par hectare et par jour, d'a- 
près une grossière estimation), ils se dirigent vers les 
garrigues. Lu ils se posent sur le chêne kermès 
(QuercitS Coccifcra, la garoullle en langage langue- 
docien), et ils y déposent des œufs de deux dimen- 
sions, gros et petits. De ces œufs sortent des petits 
insectes aptères, sans suçoir, mâles et femelles, qui 
s'accouplent immédiatement. 

Il me reste à découvrir comment le produit do cet 
accouplement, qui est sans aucun doute la mère fon- 
datrice des colonies de l'année prochaine, retourne 
au vignoble; je continue donc mes recherches. 

En attendant, il est facile debrùler et détruire des 
milli.rds «le ce petit insecte en flambant les touffes 
de gurOuilles qui bordent nos vignobles. C'est un ar- 
brisseau sans valeur aucune; anciennement, il four- 
nissait le kermès {Lacanium vermilio). iluis cet in- 
secte a disparu et a été remplacé par d'autres cou- 
leurs dans le commerce. Il y aurait urgence à 
appliquer le remède, car le phylloxéra ne se met 
ainsi à notre portée qu'une fois par an. 

Les époques peuvent varier suivant la température 
et les expositions. A Luncl, les œufs éclosent déjà. A 
Sainte-Auuès, la ponte commence à peine. A Grave- 
son, elle est en pleine activité. 

J'appelle œuf ce que pondent les insectes sur le 
chêne-, mais il serait plus juste de dire chrysalide, 
puisqu'il en sort un insecte parfait et non une larve. 

Véritable Protée, le phylloxéra vastatrix offre des 
métamorphoses si singulières qu'il renverse toutes 
les données de la science entomologique ; il com- 
mence par un œuf, il finit par un autre œuf; mais ce 
n'est pas ici dans une lettre, qui ne doit être que la 
simple indication d'une destruction facile de notre 
ennemi, que je puis exposer le peu que je sais encore 
de son histoire si compliquée. Je craindrais de fati- 
guer l'attention , et je me résume. 

J'affirme aujourd'hui que les phylloxéras ailés se 
réunissent tous en septembre (dans notre région) sur 
les touffes de chêne kermès. Ils y subissent leur der- 
nière métamorphose, et s'y accouplent. Il est facile 
de les détruire alors en brûlant ces arbrisseaux de 
nulle valeur au moment où ils sont couverts de puce- 
rons. LlCHTENSTEIIV. 



1 Extraîl d'une lettre adressée à JI. le ministre de l'agri- 
culture et du commerce 



LE MUSÉE DE SAIAT-GEMAIN 

(Suite et fin. — Voy. p. 129.) 

I L'homme n'avait plus de progrès à faire dans l'art 
de façonner et de polir la pierre, quand il découvrit 
le métal. 

Quel est le premier métal découvert par l'homme? 
L'or sans doute, car c'est presque le seul qu'on 
trouve à l'état natif; mais ce métal, aujourd'hui si 
précieux, était alors bien inutile. C'étaient des ali- 
ments et des outils pour s'en procurer, des réalités 
enfin, qu'il fallait, et. non des emblèmes. 

Les instruments nécessaires, c'est le bronze qui les 
lui procurera. Ou voit au Musée de Saint-Germain 
comment les hommes recueillaient cette précieuse 
matière première de leur industrie. Ils chauffaient 
le minerai de enivre de façon que les parties de 
métal qui s'y trouvaient à l'état natif, se séparaient 
de la masse sous forme de métal fondu. Tel est le 
seul mode d'extraction, bien grossier et bien primitif, 
qui fut longtemps usité. 

L'homme trouva-t-il du premier coup l'airain, ou 
commença-t-il, comme les sauvages Américains, par 
se servir du cuivre rouge? Hien ne nous autorise à le 
croire, et l'on peut affirmer que le règne du cuivre, 
s'il existe, fut court. L'homme ne tarda pas à con- 
naître cet admirable alliage (9 parties de cuivre et 
1 d'étain) qui convenait si bien à ses moyens et à ses 
besoins : le bronze est à la fois d'une fabrication si 
aisée et d'un usage si commode, qu'encore aujour- 
d'hui, on ne saurait rien trouver de meilleur. Sans 
doute, le fer et l'acier l'emportait sur lui, mais ils 
«ont d'un travail très-diflicde, et ce n'est que par un 
art très-raffiné qu'on peut lui donner toutes les formes 
et tous les degrés de consistance. Le bronze est d'ail- 
leurs, avec l'acier, le seul métal pouvant offrir deux 
degrés très -diffère ut s de dureté, par une opération 
inverse, il est vrai. Hefroidi brusquement, il est mal- 
léable, martrlable; refroidi lentement, il devient sec 
et cassant, et, par suite, les angles en sont résistants 
et tranchants. 

Le bronze, en outre, l'emporte décidément sur 
l'acier, par une autre qualité : il est très-lacile à fon- 
dre et à couler dans les moules. Assurément, si les 
hommes de l'âge de pierre taillée avaient connu le 
bronze, ces artistes passionnés qui sculptaient 
l'ivoire avec tant d'amour, nous auraient laissé des 
productions nombreuses de leur faune et de leur 
flore, des indices précieux de leur civilisation. Mais, 
nous l'avons dit, l'art par excellence, celui qui se 
propose de reproduire la vie et le mouvement, le 
grand art est mort ; et cette flamme, une fois éteinte, 
ne se ranimera plus. Les hommes de bronze ne con- 
naissent d'autre ornement aux mille instruments 
qu'ils savent fabriquer, que de froides décorations 
géométriques : ce sont des lignes droites ou courbes, 
tantôt ondulées en spirale ou en zigzags, tantôt pa- 
rallèles, enlacées ou quadrillées. 

Quoique le Musée de Samt-Germain contienne deux 



LA NATURE. 



2o3 



ou trois collections d'objets en bronze provenant de 
tumulus, on peut dire que presque tous les débns 
que nous possédons de cette époque nous viennent 
des lacs de Suisse et de Savoie. On sait comment a 
été faite la découverte des précieux dépôts que ces 
lacs recelaient : la neige et la pluie ayant été très- 
rares en Suisse dans le cours de l'année 1853, les 
lues de c;.s pays baissèrent bien au-dessous de ce 
qu'on avait vu depuis deux siècles, et mirent à dé- 
couvert d'antiques pilotis presque ensevelis sous la 
vase et soustraits sans doute à l'action du temps par 
cet enduit protecteur. Dans ce limon, on trouva 
avec étonuement un grand nombre de débris du tra- 
vail humain, dus instruments en os, en pierre po- 
lie, mais surtout en bronze ; des poteries, des os 
d'animaux domestiques, même des débris de vête- 
ments et de filets. 11 était évident qu'à une époque 
reculée, ces lacs avaient été peuplés de villages con- 
struits sur pilotis, et habités par des hommes sachant 
sans doute travailler le bronze, mais ne jouissant 
encore que d'une civilisation très- peu avancée. 

Plusieurs de ces habitations lar-ustres datent 
même de l'âge de la pierre polie. Dans celles-ci, on 
ne trouve pas de vestiges d'airain : tous les instru- 
ments sont en pierre ou en os. Les pilotis se ressen- 
ti nt de l'imperfection de l'instrument : ils sont gros- 
sièrement et péniblement taillés, non équarris, et ne 
s'avancent guère loin des bords du lac. 

Les habitations lacustres ont été tort en usage pen- 
dant les derniers âges antéhistoriques. Depuis que 
l'attention a été éveillée sur elles par les découvertes 
des Suisses, on en a trouvé d'autres, non-seulement 
dans leur pays, où l'on connaît déjà deux cents vil- 
lages lacustres (et l'un deux, Vurgen, s'appuyait sur 
40,000 pilotis), mais encore dans tous les pays où il y 
a des lacs : en Savoie, en Irlande, eu Suède, en Nor- 
vège, etc. 

C'est la guerre qui décida les Vcnètesà planter les 
premiers pilotis de Venise. Nul doute que les hom- 
mes de l'âge de bronze, en se condamnant à un ha- 
bitat aussi incommode, n'aient eu également pour 
but de se soustrr.ire au mal quia toujours tourmenté 
l'humanité. Hérodote raconté que, pour se protéger 
contre leurs ennemis, les Pélasges Pœonicns, alliés 
aux Troyeus contre les Grecs, construisirent leurs 
maisons sur des pieux très élevés enfoncés dans un 
lac : <i On posait des planches jointes, et ce pont très- 
étroit était le seul passage qui y conduisît. Les habi- 
tants plantaient autrefois ces pieux à frais communs ; 
mais dans la suite, il fut convenu qu'on en apporte- 
rait trois du mont Orebas à chaque femme qu'on 
épouserait ; et la polygamie est en usage dans ce pays. 
Chacun sur ces planches construit sa cabane. Une 
trape bien jointe conduit au lac. Ils attachent leurs 
enfants avec une corde pour qu'ils ne tombent pas 
à l'eau. Au lieu de foin, il nourrissent leurs animaux 
domestiques avec du poisson, si abondant dans ce lac, 
qu'en y descendant un panier, on le retire plein de 
poissons. » Et, d'après M. Lubbock, les pécheurs de 
ce lac vivent encore aujourd'hui dans des huttes 



construites sur l'eau, comme du temps d'Hérodote. 
Telle est, chez ces peuples stationuaires, la force de 
la tradition que vingt siècles n'ont pu l'ébranler. 

La plupart des habitations suisses ont péri par le 
feu. 

Il était naturel, en effet, que ces constructions, 
faites uniquement eu bois, et très-rapprouhées les 
unes des autres, finissent par l'incendie. C'est à 
cette circonstance que nous devons d'en connaître 
si bien les restes, car le feu conserve merveil- 
leusement ce qu'il ne détruit pas. Les morceaux 
de filet, de toile grossière, les pilotis eux-mêmes 
se seraient rapidement pourris dans l'eau, si le 
feu, en les carbonisant plus ou moins, ne leur eût 
permis de se conserver plusieurs milliers d'années. 
Les céréales (orge, millet et blé, point d'avoine 
ni de seigle), les fruits (pommes, noisettes, glands), 
les graines (framboises et mûres, destinées, pense 
t-on, à fabriquer une boisson fermentée), auraient 
germé sous l'influence de l'eau, si le feu, en les 
tuant, ne leur avait assuré une durée infinie. 

Il est. :idmir;ihle qu'on ait pu reconstituer toute 
la vie de ces peuples par quelques débris, qu'un 
regard superficiel jugerait absolument informes. On 
voit, par ce qui précède, qu'ils étaient agriculteurs, 
puisqu'ils avaient le froment; on a retrouvé les mor- 
tiers dans lesquels ils le broyaient, les pierre; sur 
lesquelles ils le cuisaient ; bien plus, on a le pain 
qu'ils fabriquaient ainsi. 

Et ces toiles, ces filets, noircis par l'incendie, que 
le Musée nous montre étalés avec soin entre deux 
verres ! nous avons les peignes avec lesquels on cardait 
le lin, les quenouilles et les fuseaux avec lesquels on 
le filait; et, si nous ne possédons pas tout le métier 
à filer, du moins en avons- nous quelques parties. 

Nous savons, parles ossements d'animaux qu'on 
a trouvés dans le lac, qu'ils avaient des animaux do- 
mestiques; mais les os d'animaux sauvages sont 
beaucoup plus nombreux, surtout dans les stations 
de l'âge de la pierre. Nous voyons ainsi que la chasse 
leur fournissait encore une ressource importante. 

L'art du potier avait fait de grands progrès; h s 
pots de toute grandeur (mais de forme à peu près con- 
stante), prouvent qu'ils étaient habiles à façonner la 
terre, et qu'ils savaient la cuire convenablement. 
Comme tout ce qui nous vient de cette époque, ces 
vases ne présentent que des ornements géométri- 
ques, semblables à ceux dont les Australiens cou- 
vrent leurs armes. Encore ceux-ci, si peu artistes 
qu'ils soient, joignent parfois à ces décorations 
linéaires quelque tentative de dessin. Chez les habi- 
tants des lacs, on ne trouve aucune velléité de ce 
genre, si infructueuse qu'elle ait été. Ainsi, ces peu- 
ples, civilisés d'ailleurs, étaient, sous le rapport de 
l'esthétique, au-dessous des derniers des hommes 

Et pourtant, les objets en bronze qu'ils nous ont 
laissés montrent que, si chez eux le génie artistique 
était peu développé, les arts utiles étaient arrivés à 
un certain degré de perfection. Ou a retrouvé les 
moules dans lesquels ils coulaient le bronze en lui 



*2Gi 



LA NATURE. 



donnant des formes variées. Parmi les instruments 
ainsi fabriqués, nous notons surtout des épées et des 
poignards remarquables par leur courte poignée, et 
des haches, mûmes généralement d'un talon pour en 
faciliter l'emmanchure. Plusieurs de ces haches, 
d'une époque plus récente que les autres, étaient 
destinées à constituer des ex voto aux divinités 
d'alors. Dans les premiers temps ces haches étaient 

semblables aux haches de service, ___. _ ___. 

seulement un peu moins solides 
et moins usées. Mais, la foi dimi- 
nuant pou à peu, on voulut en 
quelque sorte tricher les dieux; 
on fit ces haches moins grosses, 
inoins bien travaillées , et d'un 
métal de qualité inférieure. Enfin, 
on en vint à ne leur donner plus 
que 5 ou 6 cenli mètres de long. 

Ils fabriquaient beaucoup de 
parures en bronze, tant pour eux- 
mêmes que pour leurs chevaux, 
à qui ils pendaient do grandes 
plaques de métal destinées à faire 
du bruit en se heurtant l'une 
l'autre. Pour eux-mêmes et pour 
leurs femmes, ils faisaient des 
bracelets assez semblables tantôt 
à ceux qu'on porte en Egypte, 
tantôt aux bonheurs qui sont à la 
mode chez nous; des broches, des 
épingles à ressort (épingles à nour- 
rice d'aujourd'bui) , des pande- 
Joqucs, des boucles d'oreille, etc. 

L'âge du fer commence à peu 
près avec l'histoire, et l'on peut 
affirmer, sans audace, qu'il ne 
finira qu'avec elle. Les hommes 
■qui surent pour la première fois 
extraire du sein de la terre ce 
précieux métal, sont les Gaulois, 
et ils l'obtenaient, tel à peu pies 
que le connurent les P»omains. Le 
Musée nous montre un modèle 
des forges primitives, restituées 
d'après ce que nous savons. On 
voit que le procédé alors suivi 
pour produire le fer était celui 
qui est encore très-répandu en 
France sous le nom de méthode 
catalane. Le fer ainsi obtenu était 
livré au commerce sous forme de 
saumons allongés, faciles à transformer par le mar- 
telage. 

Le fer se rouille, comme on sait, très-facilement, 
bien différent en cela du bronze, que l'oxydation 
n'attaque guère. Aussi les objets en fer sont-ils gâtés 
par leur séjour dans la terre, et faut-il des conditions 
très-fa\orables pour qu'ils nous parviennent en bon 
état. La tourbe est exceptionnellement conservatrice 
de tous les objets que le contact de l'air détruit. 




C'est elle qui nous a conservé dans le lac de Neu- 
chàtel des agrafes en fer, des haches, quelques épé es 
gauloises et leurs fourreaux; elles ont été si parfai- 
tement garanties de toute altération, qu'elles sont 
encore pointues et tranchantes. Un grand nombre 
d'épées et de haches, fort détériorées, ont élé trouvées 
dans les cimetières gaulois voisins du camp deChàlons. 
Le bronze servait encore à faire des armes, mais 
dès cette époqueil était surtouteon- 
sacré à l'usage que nous lui avons 
conservé, et qu'il gardera dans 
tous les temps, c'est à dire à 
l'ornementation. Ce sont des bra- 
celets travail lés avec goût, des tor- 
ques, sortes de colliers en métal, 
le plus soment contournés en spi- 
rale, que les Gaulois aimaient beau- 
coup à porter. Plusieurs de ces 
torques sont en or. On a trouvé 
aussi des fibules (épingles desti- 
nées à agrafer les vêtements) d'une 
façon toute particulière, le plus 
souvent accouplées par une chaîne 
de bronze d'un fort beau travail, 
etc. 

Les vases de cette époque sont 
faits au tour; ils sont bien tra- 
vaillés, bien cuits, mais ne por- 
tent jamais que des ornements 
géométriques. Leur forme, qui est 
toujours la même, est loin d'être 
gracieuse, comme elle le sera sou- 
vent après la conquête romaine. 

On trouve fréquemment dans 
les tombeaux de celte époque des 
rouelles en bronze, en argent ou 
en plomb, qui sans doute étaient 
dues à la piété du temps, proba- 
blement des amulettes analogues 
à nos médailles de dévotion. 

La religion qu'avaient les Gal- 
lois est très-imparfaitement con- 
nue. Le musée de Saint-Germain, 
en donnant quelques éléments du 
problème, montre en même temps 
l'ignorance où nous sommes sur 
ce point important de l'histoire de 
nos pères. i\ T ous voyons plusieurs 
moules d'autels (postérieurs évi- 
demment à l'arrivée des Romains), 
portant des inscriptions qui pour 
nous sont des énigmes. Qui connaît la déesse Lahé, 
le dieu Sexarbor, le dieu Edelat, la déesse Epona, la 
déesse Divona, etc.? Tous ces dieux avaient pourtant 
des adorateurs fervents, car presque tous leurs autels 
sont pourvus de troncs, et il est vraisemblable que 
ces troncs ne restaient pas vides. 

C'est une erreur très-répandue que de regarder 
le coq comme l'enseigne des Gaulois. Nos pères 
avaient choisi un animal beaucoup plus noble que 



Poignard des centurions de l'armée romaine. 
(Musée de Saint Germain.) 



LA NATURE. 



2G5 



cet oiseau de basse-cour, et en somme aussi ulile 
à l'homme. C'est le sanglier qui leur servait de 
signe de ralliement; gracieusement façonne, il était 
usité comme enseigne et juché au bout d'une 
hampe. Le musée de Saint-Germain contient d'ail- 
leurs un grand nombre de petites statues de bronze, 
représentant ce curieux sanglier gaulois. On le 
trouve en outre gravé sur les autels de plusieurs 
des divinités incon- 
nues que nous signa- 
lions tout à l'heure. 
Quant au coq, que 
le roi Loi ils- Philippe 
a voulu mettre dans 
nos armes, son im- 
portation en Gaule 
n'ii pas précédé le 
christianisme : c'est 
en effet le coq de 
Saint-Pierre que 
nous voyons encore 
sur nos églises ; ce 
serai t une erreur que 
de regarder comme 
un insigne national 
ce. qui n'est qu'un 
-emblème religieux. 
On remarquera 
sans doute au mu- 
sée de Saint-Germain 
des moulages de di- 
verses pierres tom- 
bales gauloises, pro- 
venant presque tou- 
tes du musée d'Au- 
tun. Ces pierres nous 
montrent, qu'après la 
conquête romaine , 
des corps de métiers 
se sont constitués 
parmi les artisans 
gaulois , et qu'on 
avait coutume de 
mettre sur les tom- 
bes des morts les in- 
signes de leur pro- 
fession. Ainsi, sur le 
tombeau d'un archi- 
tecte on a sculpté en 
bas-relief un homme 
tenant à la main une truelle, un marteau et un ci- 
seau, tandis que sur le bord de la pierre sont gravées 
une hache et une scie; sur le tombeau d'un débitant 
de boisson, le défunt est représenté un pot dans une 
main et un verre dans l'antre, et ainsi de suite. On 
remarquera avec intérêt combien toutes ces têtes 
ont déjà une physionomie française; toutes ont dans 
le nez, dans la bouche, dans le front, dans tout le 
visage, l'expression qui caractérise nos compatriotes, 
«t les distingue des autres hommes et particulière- 




Légio.mairc romain. (Mu c ée de Saint-Germain. ) 



ment des Romains. On peut voir aussi, sur ces bas- 
reliefs et sur plusieurs autres, que les Gaulois avaient 
deux costumes, l'un flottant et ressemblant un peu 
à celui des Romains; l'autre plus original ; le torques 
au cou, une blouse ouverte par devant et croisant 
sur la poitrine avec une large ceinture; enfin, les 
Gaulois portaient notre affreux pantalon, et même 
ils le portaient collant. Comme les Romains, ils sus- 
pendaient l'épée à 
droite, sans doute à 
cause du bouclier. 

Le musée de Saint- 
Germain contient de 
nombreux docu- 
ments sur les Ro- 
mains. Mais nous 
n'allongerons pas co 
travail, déjà trop 
éten-hi, par une des- 
cription détaillée de 
ces antiquités, qui 
sont généralement, 
connues. Nous atti- 
rerons seulement 
l'attention sur une 
trousse très -com- 
plète de médecin- 
oculiste; on admi- 
rera tous ces petits 
instruments de chi- 
rurgie, soigneuse- 
ment incrustés du 
nacre. 

On verra avec in- 
térêt des restitutions 
de machines de 
guerre : l'onagre , 
sorte de fronde gi- 
gantesque; la cata- 
pulte, fondée sur le 
même principe que 
l'arc, etc. Ces mo- 
dèles , construits à 
l'occasion de l'His- 
toire de César, don- 
nent une idée satis- 
faisante des machines 
dont nous trouvons 
la description dans 
les anciens auteurs. 
L'une de nos gravures représente nie des pièces 
les plus précieuses du musée de Saint-Germain. C'est 
un poignard, que portaient seuls les centurions et les 
tribuns militaires de l'armée romaine. On n'avait 
trouvé sur les monuments romains que les dessins 
très-imparfaits de celte arme appelée parawnium. 
On en possède aujourd'hui deux exemplaires. L'un., 
fort dégradé, a été acheté trois mille francs par un 
musée de Londres; l'autre, dans un parfait état de 
conservation, est à notre musée. La poignée et le 



2G6 



LA NATURE. 



fourreau de cette arme, d'ornement plutôt que de 
combat, sont eu bronze ; la lame était eu acier. 

Enfin, nous reproduisons une restitution certaine- 
ment très-exacte de l'équipement du légionnaire 
romain. On reconnaît, dans ce vêlement léger et 
élégant, dont toutes les parties ont été imaginées, 
pour la défense, l'esprit éminemment pratique des 
Romains; au contraire, les Gaulois affectaient, par 
pure bravade, d'affronter le combat la poitrine dé- 
couverte, et d'aller, pour ainsi dire, au devant des 
blessures. A ces vaines démonstrations d'héroïsme, 
les Romains préféraient la gloire de vaincre. La lète 
protégée par un casque de fer, le corps abrité der- 
rière un large bouclier de cuir, l'épéo au côté droit 
et la lance à la main : ainsi marchaient ces hommes 
qui eurent le rare bonheur de mettre la force au 
service de la civilisation. J. Bertji.lon. 



S$K 



LES RKOEN'tS MODKLES 



D'ARMES A FEU DE L'INFANTERIE 

(Suite et fin. — Voy. p. 34, 75 et 151.) 
FUSIL MAUSER (I'rcwe). 

Ce fusil est un dérivé du fusil Dreyse, dont il diffère 
cependant assez notablement (fig. i). 

La noix porte un coin à rampe hélicoïdale correspon- 
dant à une échancrure de même forme taillée dans le 
cylindre mobile et qui vient s'y loger au départ du coup. 
Comme au fusil Beaumont, la rotation du cylindre a pour 
effet, par la pression de la surface hél.c;ïdale sur le coin 
de la noix de bander le ressort à boudin du percuteur. 
In ramenant en avant la partie mobile, la face verticale de 
la noix vient buter contre la gâchette. L'obstacle opposé 
par celle-ci permet, en laissant le ressort tendu, de tournée 
le cylindre jusqu'à l'instant où l'écliancrure se trouve en 
lace du coin, ce qui rend le départ du coup possible à la 
seule pression exercée sur la détente. 

REJ1LNGT0N (Sukde et -Norwéoe, Danemark, Espagne) . 

La fîgure 2 représente le fusil à l'armé. Le chien est 
maintenu dans cette position par le bec de la détente en- 
gagée dans un des deux crans taillés sur sa partie infé- 
rieure formant noix. Le tonuerie est ouvert pour permettre 
l'introduction de la cartouche. Cette opération terminée, 
on fait pivoter la culasse mobile en la saisissant par sa 
saillie quadrillée, jusqu'à ce que sa face antérieure vienne 
fermer le tonnerre. Le bec du levier G obéissant au res- 
sort b vient s'engager dans la gorge de celle fausse culasse 
et par sa pression en assurer la fixité. À la fin de ce mou- 
vement, le bec d a dépassé la saillie e du chien, dont la 
chute est dès lors possible. Il suffit pour amener ce résultat 
d'appuyer sur la détente. Le bec de celle détente élaiit 
dégagé du cran de l'armé, le chien sollicité parle ressort 
F vient s'abattre sur le percuteur. On peut également con- 
duire le chien à l'abattu en le soutenant avec le pouce en 
même temps qu'on exerce une pression sur la détente. Le 
tnien ainsi abattu assure la fermeture du tonnerre, par 
l'obstacle qu'il oppose à la rotation de la fausse culasse. 

Le coup parti, le chien est reconduit à l'armé. Puis on 
ouvre le tonuerie eu appuyant sur la tète quadrillée de 



la lète mobile. Pendant ce mouvement de rotation en 
arrière, le tire-cartouche, dont un crochet est engagé dans 
un évidement latéral de la fausse culasse, prend un mou- 
vement dans le même sens, entraînant avec lui le culot de 
la cartouche consommée. 

PEABODY (Suisse). 

Manœuvre. — Le fusil étant à l'armé, appuyer sur la 
détente pour dégager le chien qui vient s'abattre sur le 
percuteur Celui-ci, libre dans son logement, obéit au choc 
et vient à son tour frapper sur le bord de la cartouche qui 
est à amorce périphérique et produire ainsi l'inflam- 
mation (fig. 3) . 

Pour tirer à nouveau, faire pivoter le levier A en l'a- 
baissant et en le poussant en avant, ce qui entraîne un 
mouvement de rotation en arrière des deux tètes e de ce 
levier logées dans deux encoches convenablement taillées 
du bloc 11. Le bloc est entraîné à tourner autour de son 
pivot b jusqu'à l'instant où l'entrée du canon soit entière- 
ment découverte en face do l'évideuient a. A la fin du 
mouvement, le bloc vient heurter une des branches de 
l'extracteur dont la seconde branche rejette alors hors du 
tonnerre l'étui de la cartouche brûlée. On retire l'étui et 
l'on introduit une nouvelle cartouche. 

Pour fermer le tonnerre, on imprime au levier de ma- 
nœuvre un mouvement inverse à celui qu'on vient de 
décrire. 

Le mouvement du bloc est limité par un frein C, sorte de 
levier articulé en d et portant à son autre extrémité deux 
entailles de farine convenable pour s'appuyer dans ses 
deux positions extrêmes, sur un rouleau I) dont l'axe est 
fixé aux parois de la boite de culasse. 

FtML H; -M1Y-31AUTIM (Axgleteuke). 

La ligure 4 représente l'arme dans la position de la cu- 
lasse ouverte, pour permettre l'introduction d'une nouvelle 
cartouche. Le percuteur B vient d'être ramené par la lame D 
à sa position extrême, malgré l'effort exercé sur lui pnr 
le ressort à boudin qui se trouve comprimé entre l'épau- 
lementi) et le bouchon à vis K. Celte laine elle-même est 
retenue par la tète de la détenle venue sous l'action de 
son ressort, et par l'intermédiaire de la gâchette, se lo^er 
dans un cran taillé dans sa partie inférieure formant 
noix. 

Pour fermer le tonnerre, on rabat en arrière le levier 
C, dont l'extrémité vient se fixera ressort dans un logement 
taillé dans la crosse. Ce levier est terminé dans le haut 
par deux branches II presque invisibles dans le dessin, em- 
brassant toutes les deux la culasse mobile et pénétrant 
dans deux entailles de celte culasse contournées convena- 
blement pour les positions d'ouverture et de fermeture. 

Pour faire feu, il suffit d'appuyer sur la dé lente pour 
en d 'gager le bec du cran de la noix. La lame D cesse de 
s'opposer à la détente du ressort à boudin, qui vient alors 
projeter en avant le percuteur et produire ainsi l'inflam- 
mation de la cartouche. 

En ramenant en avant le levier C, les branches 11 font 
abaisser la culasse mobile, et le lalon du levier pousse en 
arrière la lame I), dont l'effet est de tendre le ressort à 
boudin. Avant la fin de ce mouvement, la culasse mobile 
elle-même en s'abaissant, vient heurter la branche G du 
tire-cartouche, dont l'autre branche projette hors du canon 
l'étui de la ca douche brûlée. 

L'appareil de sûreté consiste en une petite lame non 
visible dans notre dessin, et qu'une petite tête placée en 
dessous de la sous-garde, en avant de la détente, permet 



LÀ NATURE. 



2G7 



d'engager dans une cnfalllc de la gâchette, pour en ar- 
rêter le mouvement. 

FUSIL WERDER (Bavière). 

Le fusil étant à l'armé ainsi que l'indique la figure 5, la 
pression sur la détente en dégage le Lee du cran de dépari 
taillé à la partie inférieure du chien formant noix. ; celui-ci, 
sous l'action du ressort h, vient frapper le percuteur et 
produire ainsi l'inflammation de la cartouche. 

Pour ouvrir le tonnerre, on pousse ensuite en avant la 
fausse détente H, dont l'éperon c, cessant de soutenir un 
autre éperon b de la culasse mobile, permet à celte culasse 
sollicitée par le ressort F, de s'abaisser en découvrant l'en- 
trée du canon. 

A la fin du mouvement, la partie inférieure de la culasse 
niobile est venue heurter la lame o de l'extracteur dont 
les branches verticales ont rejeté hors du canon l'étui de 
la cartouche brûlée. 

Après avoir introduit une nouvelle cartouche, on ramène 
en arrière la tète du chien. Le galet f f.xé au chien vient 
relever la culasse mobile à la position do fermeture. En 
même temps, le téton g do ce même chien vient par son 
choc sur le bec de la fausse détente donner à la culisse 
mobile l'appui de l'éperon c. 

Le chien possède uu cran de sûreté d, auquel on l'amène 
parles moyens ordinaires. 

FUSIL WŒRNDL (Autriche). 

La figure 6 représente le fusil dans la position de la 
culasse ouverte, après l'introduction de ht cartouche. 

l'our fermer le tonnerre, on fuit tourner le barillet 
; ut<>ur de son axe en le saisissant par l'oreille a. La partie 
pleine du cylindre vient alors fermer l'ouverture du canon ; 
en même temps que l'arrière du percuteur vient occuper 
le point où f nippera le chien à l'instant du tir. 

Dans les deux mouvements d'armer ou de fermer le 
tonnerre, le prisme d, pressant par sa tranche le ressort e, 
vient à la fin de chacun de ces mouvements reposer sur 
ce ressort par l'une ou l'autre de ses deux faces planes. 

Lorsque la culasse est ouverte, la tranche antérieure 
du barillet ne joint pas hermétiquement la face corres- 
pondante du canon, l'our obtenir une fermeture hermé-' 
tique du canon, on a fixé entre la face postérieure du ba- 
rillet et le prisme d, un coin non représenté dans la 
figure, afin de, mieux faire voir les formes du barillet et 
du prisme. Les deux faces correspondantes du barillet et 
du coin sont taillées duns le même sens en surface héli- 
coïdale d'un pas très-faible. De cette sorte, le mouvement 
de rotation du barillet détermine à la manière d'une vis 
tournant dans son écrou, la progression de ce barillet vers 
le canon et par suite le serrage aussi parfait que possible 
des deux pièces l'une contre l'autre. 

FUSIL ALBI.NI-ttuANDLlN' (Belgique). 

Le tonnerre s'ouvre et se ferme en faisant basculer la 
culasse mobile autour de son axe, à l'aide d'un bouton 
fixé au côté droit de cette culasse et que le dessin ne 
pouvait par conséquent représenter. Après l'introduction 
de la cartouche, on rabat eu arrière la culasse mobile 
pour lui laire occuper la position indiquée par la figure 7 et 
dans laquelle elle est maintenue par le bouton 5, qu'un 
ressort à boudin fait pénétrer dans une encoche du crochet 
à bascule D. 

Le chien est dépendant d'une platine construite dans le 
mode usuel. A sa tète est articulé un pêne d dont l'action 
sur te percuteur a amène l'inflammation de la cartouche. 
Lorsque le chien est conduit au cran de sûreté, le pènn 



est engagé dans la culasse mobile dont il assure la fer- 
meture. 

FUSIL WETTEïtLl (Suisse). 

L'arme venant de faire feu, la croisière II du percuteur 
est engagée par le haui et par le bas dans les parties les 
plus profondes de deux échancrures de la virole attenante 
au levier de manœuvre G (l%-8). Ces échancrures sont rac- 
cordées aux faces pluies de la partie postérieure de celte 
virole, par des rampes correspondant à deux plans inclinés 
taillés en sens inverse sur les deux branches de la croi- 
sière. 11 s'ensuit qu'en soulevant le levier G, ces rampes lonl 
reculer de toute leur profondeur la Croisière qui, dans 
ce mouvement rétrograde bande contre le bouton du fond, 
le ressort à boudin enroulé sur le cylindre de culasse 
mobile. La partie antérieure de la virole porte deux ren- 
forts, qui se trouvent en cet instant en face de deux rai- 
nures de même section de la boite de culasse- Il est dès 
lors poss-iVe de ramener en arrière à l'aide du levier lu 
cylindre mobile et d'ouvrir le tonnerre. 

Ce mouvement en arrière produit plusieurs résultats ; 

l 8 Le tir cartouche a, lié au cylindre mobile par une 
goupille susceptible de se déplacer longitudinalcment 
d'une petite quantité, n'est entraîné par le fond de la 
rainure qu'il occupe que lorsque ce cylindre possède déjà 
une vitesse acquise. Il entraîne ainsi plus facilement l'ex- 
traction de l'étui de la cartouche consommée. 

En second lieu, dans le mouvement en avant du cylindre 
pour fermer le tonnerre, le retard dû à la même cause, 
qu'éprouve à nouveau le tire- cartouche, lui permet de 
saisir par son crochet le culot de la nouvelle cartouche 
avant son introduction dans le canon. 

2° L'extrémité inférieure de la croisière formant noix 
franchit la tête de la gâchette contre laquelle elle devra, 
dans le retour en avant, appuyer par son cran de l'armé. 

5° La tète de la branche L du levier coude LK de 1 auget 
vient, sur la fin de son mouvement, heurter le fond de la 
rainure creusée dans la partie inférieure du cylindre 
mobile pour son passage. Ce choc fait basculer le levier, 
dont l'autre branche K soulève l'auget I, mobile de haut 
en bas dans la coulisse qui lui est ménagée derrière l'en- 
trée du canon. La partie supérieure de l'auget rejette 
au dehors l'étui de la carlouc-lic consommée, taudis que sa 
portion médiane amène une nouvelle cartouche en face de 
l'entrée du canon 

La fermeture du tonnerre a lieu en poussant toujours à 
l'aide du levier G le cylindre mobile en avant. L'extré- 
mité de ce cylindre appuie sur la cartouche pour l'intro- 
duire dans le canon. La fourche à pointes I, susceptible 
d'un faible glissement dans les deux rainures latérales du 
cylindre mobile, vient afdeurcr le fond du culot de la 
cartouche. Vers la un de ce mouvement en avant du cy- 
lindre mobile, la tète du levier L de l'auget vient heurter 
lo fond postérieur de sa rainure, ce qui entraîne le repla- 
cement de l'auget dans sa position primitive, où il vient 
recevoir du magasin une nouvelle cartouche. 

Le cran de l'armé de la croisière est venu joindro la 
léte de gâchette qui s'oppose à son départ. On peut alors 
tourner le levier G à droite. Les paliers de la virole quit- 
tent les faces de la croisière, qui se trouve alors avoir ses 
parties inférieure et supérieure exactement en face des 
parties les plus profondes des entailles de la virole. 

Pour faire feu, ou appuie sur la détente qui dégage la 
gâchette du cran da l'armé. Le cylindre du percuteur sous 
Faction du ressoit à boudin qui se détend vient alors 
frapper sur la fourche, dont les pointes agissant sur la car- 
touche en déterminent l'inflammation. 



2C8 



LA NATURE. 



FUSIL WINCHESTER (États-Unis). 
Le fusil étant a l'armé comme l'indique la figure 9, si 
l'on agit sur la détente pour la dégager du cran taillé à 
l'avant et à la partie inférieure du chien, celui-ci obéit 



à l'action du ressort N et vient, en frappant la tête du per- 
cuteur, produire l'inflammation de la cartouche. 

Pour charger et armer à nouveau, on fait basculer en 
le ramenant en avant le levier pontet 11. Ce mouvement 
incline en arrière la brandie It de ce levier, entraînant 




F.ff 1. — FUSIL MAL'SEU. — M. Boite du culasse. — B, Canon. — C. Cy- 
lindre mobile. — 1). Tète mobile. — E. Percuteur. — F. Noix; m, saïampc 
hélicoïdale. — C. Écrou du percuteur. ■ II. Cachette et son ressort. — 
I, Détente. — K. ;jecleur. 



: ^ 



Fis. 2. — FUSIL KEVINfiTO.N. - A, Catiun. — B. Fausse culasse. -- C. Chien. 

— II. Sous-garde. — E. Déleiilc-gnchclte. — F. tiessoil du chien. — 
C. Levier de gâchette. — a. Percuteur. — b. IScssort du levier de. g.-i- 
eliclle. — c. I.çvjcr tic détente. — d. Bec inférieur de la fausse culasse. 

— t- faillie antérieure du chien. 



^' : 




Fig. 3. _ FUSIL PfcABODY. - A- Levier de manœuvre. — B. Bloc fermant 
le tonnerre. — C. Frein. — D. Rouleau d'appui du frein. — E. Extrac- 
teur de la cartouche. — F. l'oreu'.eur, — a. Évidcnient pour llutroiluc- 
tion de la cartouche. — b. Pivot du bloc. — d. P.vot du frein. — e, Tùte 
du levier. 




tig. S.— FUSIL WEIiDEIi. — A. Canon. — B. Boite df. culasse. — C. Culasse 
irwhiîc. — '"■ Chien. — E. Pont reliant les platines latérales. — F. Ressort 
de la cuksîo mob.le. G. nétonlc. —H. Fausse détente. — K_. Extrac- 
teur. — o. Percuteur. — 6. Éperon de la culasse mobile. — c Kperon de 
de la fausse détente. — d. Cran de sûreté. — e. Cran de-départ. —/'.Galet du 
chien. — j. Téilon du chien pour maintenir b fausse délente. — ft. Ressort 
du eliiin. — t. Articulation de la culasse mohile. — 0. Heurtoir. 




Fig. t. - FUSIL HENRY" MARTINI. - AA. Culasse mobile. — B. Percuteur. 
— C. Levier de manœuvre. — D. Lame de tension du ressort du per- 
cuteur. — E. Gâchette. — F. Détente. — G. Extracteur. — U. Branche du 
levier pour le relèvement de la culasse mohile. — I, I. Boite de culasse. 




Fig. 6. - FUSIL WEUNDL- - A. Canon, -, B. Barillet, -C. Chien. - D. Em- 
placement du coin serrant le barillet. — a. Oreille du barillet. — b. Axe 
du barillet. - c. Percuteur, — d. Prisme extérieur de l'axe du barillet. — 
e. Ressort. — f, j. Logements pour le tir, cartouche. 



en même temps par l'intermédiaire de la pièce k deux 
autres leviers I situés de part et d'autre d'une lame infé- 
rieure de la culasse mobile et articulés avec elle. Par 
suite, la culasse mobile et le percuteur mobile qu'elle 
enferme sont aussi entraînés en arrière, en même temps 
que l'étui de la cartouche consommée dont le culot est 



saisi par le crochet a de l'extracteur. Vers la fin de ce 
même mouvement de bascule du levier pontet, le levier 
li de l'auge t, ayant même articulation que lui, reçoit sur 
son talon l'effort d'un talon correspondant du levier pon- 
tet, qui le lait pivoter et lui l'ait relever son extrémité 
antérieure. I/auuct obéit à es mouvement et monte ver- 



la nature. 



2Û9 



ticalement dans l;t coulisse qui lui est ménagée pour ame- 
ner une nouvelle cartouche au-devant de l'ouverture du 
canon, en même temps qu'il vient fermer à l'aide de sa 
cloison intérieure l'entrée du magasin, et retenir la car- 
touche suivante. 

Ce mouvement achevé, on fait basculer le levier pontet 
en sens inverse. La culasse mobile ramenée en avant, 
pousse par sa tranche antérieure la cartouche dans le canon 
et vient engager le crochet «le l'extracteur en avant du 



culot de cette cartouche. Le percuteur glissant librement 
dans la culasse mobile est maintenu à la distance conve- 
nable pour que ses deux pointes percutantes latérales ne 
puissent qu'effleurer le culot du la cartouche. Le levier 
pontet, par un talon convenablement taillé, agit sur un 
talon correspondant du levier, et fait redescendre l'augct L 
qui reçoit une nouvelle cartouche aussitôt que l'entrée du 
magasin est dégagée. Eugèhe Guillemm. 




Fi g. 7. — FUSIL ALBlNl BliA.Mll.lN. — A. Canon. — B. Boîte île eu- 
b5St\ — . C. Fausse culasse. — II. Ciochel à ias 1 ulo. — I'. Culasse 
mobile. — I'- Bague de charnière. — G- Ciden. — o. f'ei cul<-ur. — 
//. Boulon Je fermeture. — c. l'ivot de cul.issc rr.oi ilc. — d. Pino du 
chien. — e Articulation du |'êuj 



F-K. 8. — l'L'SU. WfcnTCKU (A répélitioiO. — Boite de culasse. — B. Virole. — C. Manchon 
— D. Bauclian. — E. Cyhndre. — F. Percuteur. — G. Bouton du levier de \irole. — 
H. Cr lis: ère du percuteur. — I, I. Auge t. — h, I., Levier a deux bronches de l'augct. — 
M. Extrémité de. la croisière formant noix. — a. Tire-cartouche. — b. Clavette d'arrêt du 
tire-cartouche. — C. Crampons de la hoile de culasse. — d. Iienfurls de la virole. — 
t. Tourelle ù ï jointes. 




Fi?. 9 —FUSIL HENRY-WIXCUESTER (A répétition). — A, A, A. Boîte de culasse. — B. Canon. — C. Culasse mobile.— D, Percuteur. — E. Chien — 
H. D(Hente-g:iChGile — G. Auget. — H. Levier pontet; h, sa brancha intérieuie. — I. Béni leviers symétriques articulés à la culasse mobile.— K Deux 
leviers intermédiaires entre le levier pontet et la culasse mobile. — L. Levier de l'aujjot. — M. lîessort portière pou" fermer l'entrée du magasin après 
l'introduction de la cartouelie. - — N. Uc-ssurt du chien. — . a. Extracteur. — £t. Tampon du ressort du magasin. — i- Hossoft de détente-gâchette. — 
n- Talon du levier pontet. 



CHRONIQUE 

Descente aérostatique de M. Sivel, au milieu 
du détroit du Sund. — M. cl madame Duruof, les 
deux intrépides aéronautes maintenant célèbres, ont été le 
jouet des vagues pendant environ deux heures et il est in- 
contestable que, si le vent avait été plus fort ou le capi- 
taine du Grand-Charge moins hardi et moins diligent, ils 
auraient trouvé la mort dans les flots. 11 est donc néces- 
saire de dimimiuuer le danger des descentes en mer, et 
pour cela il faut se mettre à la recherche <fe moyens effi- 
caces. Nous pouvons eu présenter un très-simple qui a 
reçu la sanction de l'expérience. 11 est de M. Sivel, qui a 
opéré une trentaine de descentes heureuses en mer, tant 
dons la Méditerranée que dans la Baltique. M. Sivel laisse 
tomber à la mer un cône en toile dont la base ouverte est 
formée par un cercle en bois, où se trouvent fixées des 
cordes qui se réunissent à l'extrémité du yuide-rope. Ce 
cône se remplit d'eau quo le ballon ne peut soulever. Si lo 
délestage produit par la perte de poids dans l'eau du cône 



et du guide-rope n'est pas suffisant il jette du lest et l'aé- 
rostat remontant, reste au-dessusde la niera l'état de cap- 
tif. Les voyageurs peuvent alors attendre tranquillement 
qu'un navire vienne les recueillir ou que la dérive les porte 
vers une terre. — M. Sivel veut-il remonter dans l'espace, 
il lire une cordelette attachée au fond du cône, et le ren- 
versant comme un filet à papillons il force l'eau à s'en échap- 
per. 

Le passage suivant, d'une lettre adressée par M. Sivel à 
M. J. Grocé Spinelli, montrera de quelle façon un sauve- 
tage s'exécute en mer, à l'aide du système dont nous ve- 
nons de parler : tt Le 19 du mois dernier je cherchais en- 
core à traverser le Sund. J'étais parti de Copenhague avec 
un vent de nord-ouest, et j'espérais atterrir en Suède, mais 
vers le milieu du détroit il varia au nord. Ayant trois passa- 
gers, je ne crus pas devoir tenter la traversée de la Baltique. 
Aussi, ouvrant la soupape, nous descendîmes si rapidement 
que la nacelle s'enfonça d'unpk'd et demi dans l'eau, pour 
remonter de nouveau. Mais grâce au cône-ancre le ballon 
resta captif, et nous pûmes attendre, sans dériver beau 



270 



LA NATURE. 



coup, l'arrivée dos bateaux. Une heure après la descente 
deux bateaux-pi'ots et {rois bateaux de pèche avaient pris 
nos amarres, mais le ballon pous-é par le vent entraînait 
avec lui toute celte flotille. C'est alors que faisant approcher 
un bateau bord à bord avec la nacelle, j'y fis liansborder 
les passagers; après quoi, grâce à la carde de sûreté, j'ou- 
vris le ballon qui se dégonfla instantanément et s'abîma 
dans la mer au moment où je sautais moi-même dans une 
barque.» 

montre kilométrique ou podomètre. — Le po- 
domètre est destiné à mesurer le chemin parcouru par un 
piéton. Il se porte habituellement soitdans la poche du gilet, 
dans le gousset du haut de préférence, soit dans la cein- 
ture ou après une boutonnière; le crochet attaché a l'an- 
neau doit prendre l'omcrture de la poche, ou être fixé 
de façon que l'instrument occupe toujours la position 
verticae. Quoique ne se remontant jamais, le podomètre 
fonctionne dès que le piéton qui le p rte fait un pas, et il 
accélère, ralentit, arrête ou reprend sa marche en même 
temps (jue lui. Pour avoir des divisions plus claires, le ca- 
dran a été gradué seulement en 12 kilomètres, mais l'ai- 
guille peut recommencer indéfiniment le tour du cadran. 
Si l'on désire s'assurer si l'instrument est réglé, dit le jour- 
nal les Mondes, il faut parcourir une distante déterminée, 
un kilomètre par exemple, et voir si l'aiguille a bien mar- 
qué une division; si elle fait moins, il faut donner de l'a- 
vance au podomètre en tournant la vis de réglage à gau- 
che; si, au contraire, elle a fait plus, il faut tourner la vis 
à droite, soit la serrer, afin de donner du retard. La vis 
de réglage est celle qui se trouve eu bas, presque entiè- 
rement en vue, et dont la tête est. firmes par un carré, afin 
de pouvoir la manier avec une clef de montre. Pour ne 
pas avoir à se souvenir où était l'aiguille au départ, on peut 
sans inconvénient la tourner à la main, à droite nu à gau- 
che, pour la ramener à zéro. Pour marcher sans que le 
podomètre fonctionne, il suTil de le porter de telle façon 
que l'anneau cesse d'être en haut. 

Photographie ma t'oiwl de la mer. — Le docteur 
Ncumajcr vient de présenter à la Société de géographie de 
Berlin ùn appareil photographique destiné à déterminer lu 
température et les courants à de grandes profondeurs de 
1 Océan. 

L'invention se compos 1 dune boite en cuivre fermée 
hermétiquement, et munie extérieurement d'un appendice 
icssemblant à un gouvernail. A l'intérieur se trouvent un 
thermomètre et une hou. sole vide, mais avec, un comnos, 
enfermés chacun dans une case en verre renfermant des 
traces de gaz azote. L'appareil est complété par une petite 
batterie électrique. Quand on fait descendre l'appareil at- 
taché à une corde de sondage, l'action du courant sur le 
"ouvcniail lui fait prendre, une direction parallèle, et la 
direction du courant est ainsi indiquée par la position rela- 
tive de la boussole, de l'aiguille et du gouvernail. Le ther- 
momètre indique la température avoisinante. 

Afin de fixer ces indications, on dispose convenablement 
une feuille de papier photographique près des cases en 
verre contenant les instruments. Alors, au moment voulu, 
on fuit passer un courant électrique à. travers le gaz azote 
contenu dans les cases, ce qui produit une lumière violette 
très-intense et capable d'agir chimiquement sur le papier 
photographique, pendant un temps assez long pour repro- 
duire sur le papier les ombres de l'aiguille et de la colonne 
de mercure. Au bout de trois minutes, paraît-il, l'opéra- 
tion est terminée, oo n'a qu'à remonter l'appareil et à en 
retirer le papier. (Les Mondes.) 



BIBLIOGRAPHIE AÉRONAUTIQUE 

C'est un grand regret que les relations des voyages en 
ballon exécutés pendant le siège de Paris n'aient pas été 
recueillies et publiées; au point de vue scientifique, on 
aurait tire les phi; précieuses indications de ccl'o série 
longue et ininterrompue d'ascensions. 

La fatalité a pesé sur ceci, comme sur tant d'autre cho- 
ses; les documents sur le service postal pendant le sié< r c 
avaient été rassemblés dans le château de l'Etoile, près 
de la porte Maillot, qui fut incendié par les obus, pen- 
dant la commune Celui qui avait recueilli ces rappoi ts, 
M.Feilh't, mourut près jue subitement un peu plus tard. 
Aujourd'hui, plusieurs de ces aéronaules improvisés sont 
morts; d'autres, marins pour la plupart, sont partis pour 
les pays lointains 

A la place de l'œuvre officielle d'ensemble qui devait se 
faire, il faut se contenter de relations isolées, publiées ça et 
là. Notre rédacteur en chef, le premier, a raconté ses cam- 
pagnes aéronautique- et résumé ee'les de ses collègues dans 
son intéressant volume : En ballon*. M. de Clcrval a 
réuni en brochure une dizaine de cela ionsd'abord publiées 
dans les feuilles de province 8 ; notip collaborateur, VVilfrid 
île l'nnvielie, a traité le même sujet dans un volume ré- 
cemment interdit par la commission de colportage s , puis 
sont venus les récits isolés, Louis Paul, le ballon- poste le 
Varmenlier. [Patrie, du 1 M mars 1871, épuisé); Rolîer, 
En ballon de Paris en JSorvége, voyage delà V/lle-d'Or- 
léans {Monde-illustré 1872 73) ; Janssen, vovaire du Yolta 
(Comptes rendus de. l'Académie des sciences, '21 août 1874) 
reproduit dans h*, tome IV des Etudes et Lectures sur l'as- 
tronomie, de notre collaborateur Flammarion*. ,•■ 

Ensuite les brochures séparées, Dagrori : Voyage du 
Ni^pce* (extrait des Mondes); Alfred Martin, vrr.aife du 
Jules-Favre , de Paris à ltelle-Ile-cn-Mer " ; Cézanne, 
vojage du Eulton 7 (extrait des Annales des ponts et 
chaussées); enfin, le dernier venu do Paris à Tournai en 
5 heures, Iris 1 oire du ballon-poste le Louis-Blanc, par son 
aéronaule E. Farcot 8 . 

Est-ce tout? non sans doute; d'autres relations ou do- 
cuments ont probablement été publiés, et nous serions 
reconnaissant à ceux qui nous feraient savoir, au bureau 
du journal, les titres et noms d'auteurs et d'éditeurs des 
volumes et brochures, les dates et titres des journaux où 
nous pourrions trouver des articles sur ce sujet. 

Cu.AllLliS BoISSAY. 

ACADÉMIE DES SCIENCES 

Séance du 21 septembre 1871. — Présidence de M. Beuîisahd. 

Séance extrêmement pauvre, finie avant quatre heures, 
et consacrée presque tout entière à la question du phyl- 
loxéra. 

i En billion! pendant le siège de Paris, par Gaston Tis- 
saudier. Dentu, éditeur. 

* Les ttalluns pendant te siège de Paris, par G. de Cler- 
val; YViitelier, éditeur. 

s Les Ballons pendant le siège, pur W. de Fonvielle; bu- 
reau de V Eclipse. 

* Gauthier- Villai s, éditeur. 

8 La Poste par pigeons-voyageurs : bureau dos Mondes, et 
photographie Dagrou. 

8 Sept heures cinquante minutes en ballon; Lacroix el 
Yerboekhovcn, éditeurs. 

T Relation d'un voyage aéronautique; Dunod, éditeur. 

8 Lechcvalier, éditeur. 



LA NATURE. 



271 



Sulfocarbonale de baryum. — A plusieurs reprises 
déjà, nous avons appelé l'attention de nos lecteurs sur le 
sulfocarbonale de potassium, proposé par il. Dumas con- 
tre le phylloxéra, et nous avons mentionné dans notre 
précédent article un procédé économique propre à la fa- 
brication industrielle de ce sel désormais précieux. Ce 
sulfocarbonale est tellement soluhle, si déliquescent que, 
pour l'obtenir à l'état cristallisé, il faudrait évaporer les 
liquides dans le vide et les y maintenir. Cette circonstance, 
qui peut augmenter le prix de Iran-port, a engagé 
AI. Paul Tliênard à rechercher si d'autres sulfocarbonates 
ne posséderaient pas des propriétés différentes, et il a 
obtenu un résultat satisfaisant avec le sel ban tique. En 
versanl peu à peu du sulfure de carbone dans une solu- 
tion aqueuse de sulfure de baryum, on observe la produc- 
tion du sulfocarbonale de baryum qui, relativement peu 
soluble, se précipite en très-grande quantité sous la forme 
d'une poudre cristalline jaune. Il s'agit maintenant de 
savoir si la baryte pourra, au point de vue de la santé de 
la vigne, être impunément substituée à la potasse, et c'est 
ce que des essais spéciaux pourront seuls apprendre. 

Mœurs du phylloxéra. — Ile produisant une assertion 
qu'il avait publiée dans le Messager du Midi, et à laquelle 
nous avons fait allusion précédemment, M. Licbtenstein 
émet lavis qu'à certaines époques le phylloxéra vaslalrix- 



quitte 



e et va pondre sur le chêne à kermès. Pour 



expliquer comment ce résultat peut se produire, l'auteur 
est conduit à admettre que les femelles pondeuses sont 
ailées. Ur, dans un mémoire que M. Dumas analyse au- 
jourd'hui d'une manière très-intéressante, M Balbiani 
montre que celte supposition est tout à fait contraire à 
tout ce que l'on sait : toutes les analogies fournies par les 
insectes voisins du phylloxéra sont également contraires à 
celte manière devoir. Chez les pucerons, on connaît bien 
la mère fondatrice des colonies : elle est aptère. Il en 
e.-t de même aussi chez le kermès dont les ressemblances 
avec le phylloxéra sont si frappantes. Et non-seulement 
cette femelle est dépourvue d'ailes, mais les premières gé- 
nérations auxquelles el!e donne le jour sont dans le même 
cas. Ce n'est qu à l'époque où la nourriture commence à 
manquer à une population devenue progressivement très- 
dense, que les individus ailés apparaissent, chargés d'aller 
répandre l'espèce ailleurs, en donnant naissance à de rares 
femelles, aptères comme les premières, mais douées d'une 
prodigieuse fécondité, tl est certain que le phvlloxora de 
li vigne doit offrir des phénomènes identiques, observés 
déjà, si on se le rappelle, par AI. Balbiani lui-même sur 
le phylloxéra du chêne pédoncule. 

Encore le phylloxéra, — Parmi les innombrables piè- 
ces relatives au phylloxéra et déposées sur le bureau, 
M. Dumas en signale quelques-unes d'intérêt très-diverses. 
l'n propriétaire de l'Hérault songe à essayer l'action des 
lus de tabac, jusqu'ici détruits dans les manufactures de 
l'Etat, et le ministre des finances demande si celte matière 
est réellement efficace. La commission dite du phylloxéra 
a, parait-il, des expériences en train clans ce moment 
même aux environs de Bordeaux, relatives précisément à 
ce sujet. La réponse sera prochainement donnée. 

L'autre jour, le coaltar ou goudron de houille faisait 
merveille; aujourd'hui il est en baisse. 51. Mouillefert, qui 
répète aux environs de Cognac les essais dont M. Petit se 
flatte d'avoir tiré si bon parti à Nîmes, n'arrive à rien de 
décisif, et l'on se demande s'il n'y avait pas quelque exa- 
gération dans les annonces premières. 

Un auteur, évidemment imbu du sens pratique, propose 



de couvrir toutes les vignes de France de châssis vitrés et 
de faire brûler du soufre dessous. Ce monsieur, dont le 
nom n'a pas été prononcé, doit être quelque vitrier dis- 
tingué désireux d'étendre le cercle de ses affaires. 

Plus digne d'intérêt est l'en semble des mesures prises 
par 51. Malher, préfet de Saône-et-Loire. Le phylloxéra 
n'est plus qu'à trois ou quatre kilomètres des limites du 
département. Le préfet a détendu absolument toute im- 
portation de ceps, raisin, touilles, échaîas, etc., provenant 
du pays infesté ; il a chargé des commissions et des sous- 
commissions de surveiller les frontières avec le plus grandi 
soin de façon à pouvoir si c naler les premiers symptômes 
du mal s'il vient à éclater ; enfin, il a fait tirjr à un nom- 
bre immense d'exemplaires une excellente notice, avec 
planche coloriée, décrivant l'insecle et ses ravages, et que 
l'on a répandue dans les mairies, écoles, cafés, fermes, etc., 
avec la plus grande profusion. Nul doute que ces intelli- 
gentes mesures ne produisent un excellent résultat. 

Danger des alliages de plomb. — Sous le nom de va- 
ses d'étain on emploie journellement des ustensiles formés 
d'un alliage où le plomb entre dans une certaine propor- 
tion. L'étamage des vases de cuivre est dans le même cas. 
Or, un chimi -te très-distingué, 51. Fordoz, reconnaît que 
les liquides salés enlèvent à cet alliage une quantité très- 
sensible de plomb et deviennent par conséquent anti-hygié- 
niques par le seul fait de leur contact avec eux. Celle re- 
marque est très-applicable aux mesures dites d'étain dont 
on se sert pour transvaser les liqueurs vineuses, dont l'a- 
cide tarlriquc agit sur le métal alors même qu'il ne con- 
tient que 10 de plomb contre 90 d'étain. 

Matières colorantes de la garance. — C'est dans l'usine 
de 5151. Thierry et Mieg, à Mulhouse, que 51. llosenstlnel 
a soumis la garance à l'intéressante étude dont 51. Dumas 
indique les principaux résultats. Les matières colorantes 
qu'on peut tirer directement ou par altération de la ga- 
rance se réduisent à quatre qui sont: l'alizarine, la pur- 
purine, la pseudo-purpurine et la purpurine hydratée. 
Contrairement à ce qu'on a pensé, la garance renferme 
seulement l'alizarine et la pseudo-purpurine. La purpurine 
et la purpurine hydratée sont des produits dérivés, "es 
quatre substances contiennent d'ailleurs la même quan- 
tité de carbone et dTiydrogène et ne diffèrent que par la 
proportion d'oxygène. 

Mouvement des plantes. — Les bigtiomacées et les 
scropliularinées contiennent des plantes dont les stigma- 
tes sont irritables, c'est-à-dire exécutent des mouvements 
à la suite d'une irritation. M. Eckel constate que si l'on 
agit sur l'une des deux lames stigmatiques d'une pareille 
plante, l'autre lame subit l'action et se rapproche de la 
première. Dans chaque lame, la face interne, couverte de 
papilles, est plus irritable que l'autre. Quant à la cause du 
phénomène, l'auteur la fait résider dans des trachées qui 
s'épanouissent dans le tissu cellulaire constituant la masse 
principale de l'organe et quijoueraient,aumoinsen appa- 
rence, un rôle analogue à celui des nerfs des animaux. 
En effet, vient-on à coiper ces trachées, les stigmates sont 
véritablement paralysés et restent inertes malgré toutes 
les tentatives d'irritation. Ce résultat, complètement nou- 
veau, va sans doute ouvrir à des recherches, déjà très- 
intéressantes, un champ imprévu à explorer. 

Stanislas .Meunier. 



272 



LA NATURE. 



LE PONT ROULANT A SAINT-MALO 

11 n'est pus rare do voir, dans les ports de mer, 
des passes étroites, qui servent aux navires, d'entrées 
dans des bassins, contraindre les habitants de la loca- 
lité à faire un très-long détour, pour se rendre d'un 
bord de cette passe à l'autre. C'est ce qui existait en- 
tre Saint-Malo et Saint-Servan. Ces deux villes se 
touchent presque; elles ne sont séparées qtie par 
un bassin, mais pour se rendre de l'une à l'au- 
tre, il faut faire le tour entier d'un port considé- 



rable, Un pont ordinaire ne peut pas être établi, lu 
où circulent des navires à hautes mâtures ; M. Leroycr 
architecte de Saint-Malo, a résolu le problème de la 
traversée de la passe, par un système de pont rou- 
lant très-ingénieux que notre gravure représente au 
moment de la marée basse. 

Une plaie-forme rectangulaire est ajustée sur 
une charpente de fer qui repose &ur des roues ; celles- 
ci glissent sur des rails solidement fixés au fond de 
la passe. « De chaque côté de la plate-lorme, dit 
M. Léon Creil, à qui nous empruntons ces rensei- 
gnements, trouvent place chevaux, voitures attelées 




.Lo pout roulant de Suiiit-Servaii à Saint-Jlulô, Vue à marée basse. 



et marchandises ; au milieu est un wagon fermé et 
confortablement installé pour les personnes qui dé- 
sirent être assises et se mettre à l'abri de lapluie, du 
vent ou du soleil ; à chaque, extrémité enfin se trouve 
une partie couverte et réservée aux fumeurs et les 
passagers qui désirent rester au grand air. Le prix 
du passage est de cinq à dix centimes, suivant la 
place. L'embarquement sur le pont est des plus fa- 
ciles ; en eifet, on entre de plain-pied sur la plate- 
forme, qui est ? la hauteur des quais, et c'est égale- 
ment de plain-pied que l'on en sort, car elle ne 
change pas de niveau pendant la traversée. Le pont 
roulant ne fonctionne pas seulement à marée bas.-e, 
niais aussi à marée haute, et cela sans le moindre 
danger, attendu que la charpente qui le supporte, 
très-solide et ayant naturellement subi toutes les 



épreuves réglementaires, a été construite de façon à 
présenter le, moins de résistance possible à la mer, 
au courant qu'elle coupe transversalement et aux 
coups de vent qui sont assez fréquents dans ces para- 
ges au moment des équinoxes. Aussi le pont roulant 
de Saint-Servan a-t-il rapidement conquis la faveur 
publique, et les habitants des deux villes ne prennent- 
ils plus guère d'autre voie pour se rendre de l'une à 
l'autre, à toute heure du jour, à marée haute comme 
à marée basse et quel que soit l'état du temps. » 

Le pont roulant est mis en marche par des cordes 
(pli s'enroulent autour de cabestans, et qui le tirent 
à sa partie inférieure. 



Le Propriétaire-Gérant : G. Tissaxwer. 
Cofbeil, l)|». clstér. de Ciiktb. 



V 70. — 5 OCTOBRE 1874. 



LA NATURE. 



273 



POIS DE MOMIE ÉGYPTIENNE 

Dans des fouilles opérées en Egypte, un savant dis- 
tingué, M. le général Anderson, a découvert plu- 
sieurs sarcophages contenant d'anciennes momies 



égyptiennes remontant à plusieurs milliers d'années. 
A côté de l'ane de ces momies, il a trouvé quelques 
pois desséchés qu'il a eu l'idée de faire semer à Guer- 
nesey au retour de son curieux voyage d'exploration. 
Un au après, trois de ces pois de momie, avaient, 
produit deux petils plants, au moyen desquels il fut 




l'ois de momie. Tige provenant de pois trouvés dans un ancien sarcophage égyptien. (D'uprés nature. 



possible de couvrir, l'année suivante, un champ tout 
entier. Quelques-unes des tiges qui atteignirent une 
hauteur de plus de deux mètres, présentaient une 
grosseur tout à fait extraordinaire. Les fleurs obte- 
nues étaient d'une fraîcheur délicieuse, et de cou- 
leur blanche et rose. La tige de ces pois égyptiens est 
digne de fixer l'attention des botanistes, car elle offre 
une disposition particulière. Au sortir de terre, elle 
!• année. — ï*scm;slre. 



i est assez mince, mais elle va sans cesse en s'élargis- 
[ sant à mesure qu'elle s'élève, de sorte qu'il est né- 
cessaire de lui donner un tuteur. 

Les cosses sont groupées les unes à côté des autres 

vers l'extrémité supérieure de la plante, au lieu 

d'être régulièrement distribuées, le long de la lige, 

1 comme cela se présente dans les pois ordinaires. 

M. Gardner, après avoir examiné ces pois de mo- 

18 



274 



LA NATURE. 



mie croit qu'ils appartiennent 5 la même famille 
que les pois ordinaires de nos jardins, mais ils consti- 
tuent une variété spéciale qui les distingue de toutes 
les autres, La forme particulière de leur tige, la dis- 
position des fleurs sur une zone circulaire dans le 
liant de la plante, sont les caractères distinetifs les 
plus saillants. 

On a expérimenté les qualités du n "niveau pois de 
momie, comme aliment; il ressemble au pois gris 
commun, d'après M. Baron, jardinier en chef du jar- 
din de la Société d'horticulture île Chiswick ; d'après 
d'autres dégustateurs, il aurait au contraire un goût 
exquis et pourrait remplacer les petits pois les plus 
délicats. ÎN 'est-ce pas ici le as de répéter encore une 
fois, qu'il n'y a pas à discuter sur le goût? 



L. L 



HEltITIEil. 



LA. POPULATION DE LA TERRE 

Depuis déjà deux siècles on essaye de supputer la 
population de la terre, et, [tendant longtemps, les 
évaluations ont été purement arbitraires, fondées sur 
de simples conjectures sans base méthodique. Dès 
1672, Uiceioli attribuait déjà à la terre un milliard 
d'habitants, dont cent millions pour l'Europe, cinq 
cents pour l'Asie, cent pour l'Afrique, deux cents 
pour l'Amérique, cent pour l'Océanie. Sauf pour les 
deux dernières parties du monde, dont la population 
était exagérée, Uiccioli avait peut-être deviné plutôt 
que calculé assez juste; mais son total était si abso- 
lument hypothétique que, quelques aimées plus tard, 
en 1685, Yossius le réduisait arbitrairement de moi- 
tié, et, sur les cinq cents millions d'habitants dont il 
peuplait notre monde, il n'accordait que trois cents 
millions à l'Asie et seulement trente millions à l'Eu- 
rope ! 

Ces oscillations se perpétuent : au siècle suivant, 
Struyck ne donne encore à notre globe qu'une popu- 
lation d'un demi-milliard, en 4740; pendant que 
Sùssmilch, en 1761, la porte à un milliard quatre- 
vingts millions. 

Après les guerres de la fin du siècle, en 1804, 
Volney essayant de serrer la question de plus près, 
donne des chiffres fractionnaires au lieu de nombres 
ronds; mais, entraîné par les exagérations supposées 
de ses prédécesseurs, il tombe dans l'excès inverse 
et diminue beaucoup trop la population de la terre, 
qu'il évalue seulement à 457 millions (Europe, 142; 
Asie, 240; Afrique, 50; Amérique, 20; Océanie, 
5 millions d'habitants). Malgré leur précision appa- 
rente, ces chiffres étaient beaucoup trop faibles, 
comme les déterminations ultérieures positives l'ont 
prouvé; mais pendant longtemps, ils influent sur l'es- 
prit des statisticiens et des géographes qui sous-éva- 
luent tous les chiffres. Malte-Brun, en 1 810, accorde 
seulement encore 640 millions d'habitants à la terre, 
et Balbi, en 1838, n'élève pas le chiffre au-dessus de 
757 millions. 

Cependant, d'une part, la paix règne, le travail 



et l'industrie se développent, la population s'accroît 
rapidement; de l'autre, tous les gouvernements d'Eu- 
rope et d'Amérique font exécuter dans les métropoles 
et les colonies des recensements de plus en plus 
exacts; les récits des explorateurs nous permettent 
de nous faire une idée moins incomplète de la po- 
pulation de l'Afrique; enfui, les voyageurs, les mis- 
sionnaires et les consuls se procurent le résultat des 
recensements faits en Asie (pour l'établissement des 
taxes) par les gouvernements indigènes. Aussi, en 
1843, Berghaus sort enfin du cercle vicieux où l'on 
tournait depuis le commencement du siècle, et donne 
1,27'J millions d'habitants à la terre (Europe, 29(5; 
Asie, 652; Afrique, 275; Amérique, 47; Océanie, 
2 millions d'habitants). Toutes les recherches récen- 
tes ont confirmé l'exactitude générale des chiffres de 
Berghaus, un peu forts seulement pour l'Afrique et 
l'Kurope. S'il y a çà et là des diminutions, l'ensemble 
de la population terrestre augmente sans cesse. En 
1859, Dieterici l'évaluait à 1,288 millions. M. Behm, 
qui s'occupe spécialement de ces questions, l'a fixée 
à 1,550 millions en 1800; aveu M. Wagner, il l'a 
trouvée de 1,377 millions en 1872; enfin, eu 1873, 
ces deux savants statisticiens allemands l'évaluent à 
1,591 millions d'habitants, dont 500,550,000 en Eu- 
rope, 798,220,000 en Asie, y compris la Malaisie, 
205,300,000 en Afrique, 84,542,000 en Amérique, 
4,438,000 en Océanie. 

Maintenant, si l'on tient compte de la préoccupa- 
tion constante de MM. Behm et Wagner de ne pas 
exagérer, du soin qu'ils ont pris de réduire le chiffre 
de la population partout où des épidémies ou des 
guerres ont semblé le rendre nécessaire; si l'on 
ajoute que, dans beaucoup de pays où le peuplement 
est rapide, les recensements dont les résultats ont 
été totalisés remontent déjà à quelques années; en- 
fin, qu'un certain nombre de marins et autres voya- 
geurs, ainsi que d'individus habitant des points dif- 
ficilement-accessibles, échappent au dénombrement, 
on jugera que la population totale de la terre, au mi- 
lieu de la présente année 1874, peut être fixée à ql'a- 
touze ceht millions d'êtres humains, dont huit cent 
millions, plus de la moitié, habitent l'Asie, plus de 
trois cent millions l'Europe, plus de deux cen's mil- 
lions l'Afrique, cinq millions l'Océanie, et le reste, 
près de quatre-vingt-quinze millions, l'Amérique. 

La population terrestre atteindra probablement au 
moins le chiffre d'un milliard et demi à la fin du 
siècle. Il n'y a qu'à se réjouir de cette progression, 
preuve d'une augmentation de bien-être et de durée 
de la vie moyenne, et source à son tour d'un surcroît 
de prospérité, car Leuwenliœck calculait déjà, en 
1722, que si toute la terre était peuplée et cultivée 
comme les Pays-Bas l'étaient à cette époque, notre 
globe nourrirait plus de treize milliards d'habitants. 

INous pouvons croître et multiplier suivant l'ordre 
divin, qui est l'expression d'une loi naturel le, {abonne 
Cvbèle, aima jiarens frugum, maler virum, allai- 
tera tous ses enfants. Chaules Boissay. 

— La suite prochainement. — 



LA NATURE. 



273 



L'HOME AUTOMATE 

M. le docteur Mesnet a récemment appelé l'atten- 
tion des médecins et des physiologistes sur un cas 
des plus curieux soumis à sou observation. 11 s'agis- 
sait d'un jeune homme qui, dans la dernière guerre, 
avait eu une portion du pariétal gauche enlevée par 
une balle sur une étendue de 8 centimètres environ. 
Une hémiplégie droite avait été la conséquence de 
cette blessure; elle avait peu à peu disparu. Le ma- 
lade exerce la profession de chanteur dans les con- 
certs. Ce jeune homme est sujet depuis quelque 
temps à des crises qui durent de vingt-quatre à qua- 
rante-huit heures, pendant lesquelles il présente des 
pbénoniènes tout à fait extraordinaires. Il semble 
qu'on soit à côté d'un véritable automate. Il se pro- 
mène continuellement, mâchonnant sans cesse et 
fronçant la peau du front; il paraît absolument 
étranger à tout ce qui l'entoure. Il ne prononce pas 
une parole, marche droit devant lui. Quand il ren- 
contre un obiîtuclc, il s'arrête, l'explore de lu main 
et cherche à passer à côlé. Placé dans un cercle, il 
s'arrête à chaque personne, essaye de passer dans 
l'intervalle fermé par les mains réunies, puis revient 
eu arrière, se heurte à la personne voisine et recom- 
mence son manège, tout cela sans donner le moindre 
signe d'intelligence, comme s'il était en état de som- 
nambulisme- U est absolument analgésique; on peut 
traverser la joue avec une épingle, l'enfoncer dans 
la peau des doigts, lui donner des secousses électri- 
ques fort violentes sans qu'il mauifeste"la moindre 
sensation. Cependant il n'y a pas d'anesthésie, et, ce 
qui est fort remarquable, c'est qu'en le mettant en 
rapport avec certains objets on détermine chez lui 
toute une série d'actes corrélatifs à la sensation ainsi 
éveillée; c'est ainsi que, si ou lui met une plume 
sous la main, il cherche de l'encre, du papier, et 
écrit une lettre fort correcte dans laquelle il parle 
très-intelligiblement de diverses affaires qui le con- 
cernent. Trouve- t-il sous la main une feuille de papier 
à cigarettes, il cherche son tabac dans sa poche, 
roule fort adroitement sa cigarette, prend sa boite à 
allumettes et allume sa cigarette. Vient-onà éteindre 
l'allumette au moment où il l'approche du papier, il 
en cherche une autre, et cela jusqu'à ce qu'on le 
laisse allumer lui-même sa cigarette. Au moment où 
l'on éteint l'allumette, si l'on vient à en approcher 
une autre préalablement enflammée et qu'on met à 
la place de celle qui a été éteinte, il est impossible 
de le déterminer à allumer sa cigarette avec une al- 
lumette étrangère ; il se laisse brûler les mousta- 
ches sans faire aucune défense, mais n'use pas du 
feu qu'on lui présente. On peut substituer au tabac 
contenu dans sa poche de la charpie hachée; il en 
fait une cigarette qu'il allume et fume sans paraître 
faire aucune attention au goût de la charpie brûlée. 

Parmi les expériences variées imaginées par 
M. Mesnct, il en est une qui est particulièrement cu- 
rieuse. Nous avons dit que cet homme est (hauteur 



de concerts. On place des gants sous sa main ; il les 
met aussitôt, puis cherche du papier. Ou lui donne 
une feuille roulée comme un papier de musique ; il 
se redresse, se pose et se met àchauter. 

Il semble, en un mot, que la sensation tactile pro- 
voquée chez lui soit le point de départ et comme l'é- 
chappement d'une série d'actes corrélatifs à cette 
sensation initiale, acte qu'il accomplit automatique- 
ment sans les laisser dévier de leur succession habi- 
tuelle et régulière. 

Notons enfin, que dans ce singulier état, ce malade 
vole tout ce qui est à sa portée; s'il touche quel- 
qu'un, il tàte le gousset et, invariablement, détache 
la montre qu'il met dans sa poche, où on la reprend 
aussitôt sans qu'il oppose la moindre résistance. La 
crise passée, il n'a aucune mémoire de ce qu'il a fait 
et redevient parfaitement raisonnable. 

On comprend toutes les questions qui, en pré- 
sence d'un pareil fait, viennent s'offrir aux réflexions 
du médecin et du psychologue. Comment caractéri- 
ser un pareil fait? Quelle idée peut-on se faire de-î 
modifications fonctionnelles du système nerveux? 
L'intérêt est tout aussi grand pour le médecin lé- 
giste. Evidemment, au moment de ces crises, un pa- 
reil sujet est absolument irresponsable. .Mais com- 
ment se renseigner en pareille circonstance? 

M. Mesnct prépare sur ce sujet curieux un mé- 
moire, qui sera évidemment d'un très-vif intérêt 1 . 



>C>< 



L'EXPOSITION DES INSECTES 

(Suite et fia. — Voy. p. 257. ) 

Quand on jette les yeux sur les innombrables in- 
sectes exposés aux regards des visiteurs, avec les 
résultats de leurs dévastations, on reconnaît la jus- 
tesse des affirma! ions de M. Ducuing; on voit, en effet, 
que dans ce monde des petits, le mal l'emporte de 
beaucoup sur le bien. Est-il nécessaire d'ajouter que 
nous donnons ici un sens relatif à ces expressions, 
car chaque être subit fatalement ici-bas, la grande 
loi du combat pour l'existence; la vie de l'un ne 
peut être entretenue que par la mort de l'autre. Nous 
ne parlerons donc que du mal et du bien, au point 
de vue de l'homme. 

Les insectes nuisibles abondent; ils existent par- 
tout en armées innombrables, qui s'élancent à la 
conquête de la vigne, du bois, des forêts, des fruits, 
des moissons. Les insectes utiles sont rares. Passons 
rapidement eu revue quelques-uns des premiers, en 
parcourant la belle collection de M. Dillon. 

Voici d'abord la chenille du Machaon (Voy. gra- 
vures ci-contre) qui, en juin et septembre, dévore le 
fenouil et la carotte ; les chenilles des Bombyce, 
Paon de nuit, des Vanesse, Paon du jour, que nous 

j 4 Journal des connaissances médicales, — De l'automa- 
| Usine de la mémoire et du souvenir, par le D r E. Mesnet; 
bcwlnuc in-8°. — Imprimerie F. Nul teste et C'". 



l 276 



LA NATUKE. 



représentons à l'état de papillon, s'attaquent à nos 
plantes potagères et à nos arbres fruitiers. La pyrale 



de la vigne fait aussi de graves ravages dans nos vi- 
gnobles 1 . Voici laZy^ètie Suitoinide, dont la chenille 




Chenille du papillon Machaon. 




Papillon Machaon. 




Chrysalide du Machaon. 



*&v .niât- 




Boiuhyce , petit paon de nuit. 





Pyrale de vigne. 




Vanesse, paon du jour. 




Zygcne sjntomulc. Sirex géant. 

I xposition des insectes. — Quelques insectes nuisibles. 



vit aux dépens du trèfle et delà luzerne, et le terri- nord de l'Europe. Les mandibules de ces insectes 

ble Sirex, dont la larve perce les bois des arbres ' ont une force qui dépasse tout ce que l'on peut ima- 

verts, y creuse des canaux et y vit. des années entie- | , Voy fa Natur6i n . Wf 5 septembre 1874 . lea Maladies 

res. Les Sirex abondent dans les forêts de sapin du ' de la vigne, p. 218. 




Lucane cerf-volant. Courtilièro. 

Quelques insectes nuisibles. (Collection Dillon.) 




Fourmi-lion . 






Piépre du fourmi-lion. 




Larve de 
fourmi-lion. 



Cieindèle. Abeille mâle. 

Quelque» insectes utiles. (Collection Dillon.) — Exposition des insectes. 



278 



LA NATURE. 



giner. En 1857 M. le maréchal Vaillant a présenté à 1 
l'Académie des sciences, des balles coniques de plomb 
qui avaient été percées par les larves du Sirex ju- 
vencus. La larve du Sirex géant, dont nous donnons 
la gravure, a fait les mêmes dégâts dans les balles de 
plomb de l'arsenal de Grenoble. 

Parmi les plus terribles ennemis du bois, nous 
représentons lesLaniies et les Soolytes, dont M. Dillon 
a exposé bs ravages parfaitement caractérisés. M. Ju- 
les Benoît a montré récemment aux visiteurs de 
l'Exposition, la larve vivantedu Capricorne, analogue 
à la Lamie; on la voyait perforer avec acharnement 
l'intérieur d'un tronc de peuplier. Le Lucane, cerf- 
volant, peut être encore cité parmi les insectes dont 
les larves détériorent les bois, et vivent dans les vieux 
troncs de chêne. On le trouvait autrefois en abon- 
dance sur les chênes de la mare d'Autcuil, pendant 
les chaleurs de l'été. 11 n'habite plus guère aujour- 
d'hui le Lois de Boulogne transformé. 

Parmi les échantillons de bois dévorés par les in- 
sectes, et exposés à l'Orangerie des Tuileries, nous ci- 
terons les beaux tableaux envoyés par le directeur 
des fonderies de Roniilly-sur-Andelle (Eure). Ils con- 
tiennent des morceaux de troncs de peupliers, cri- 
blés d'ouvertures creusées par les larves, et qui ne 
permettent plus à l'arbre de se tenir debout. Lu pla- 
çant dans les orifices ainsi pratiqués du coton imbibé 
de benzine brute, les larves sont asphyxiées; si l'on 
bouche l'ouverture avec du ciment, on porte remède 
à ce fléau, d'une façon complète. 

Une de nos gravures représente l'hydrophile, qui 
n'est généralement pas très-connu comme insecte 
nuisible, et qui figure dans la collection de M. Dillon. 
La larve de l'hydrophile mange les œufs de pois- 
sons. Un autre de nos dessins donne l'aspect de la 
Courtilière, qui, armée de sa formidable scie, ronge 
les racines de la plupart des plantes potagères. 

Nous avons dû nous borner a choisir quelques re- 
présentants de ces dévastateurs. Jetons les yeux à 
présent sur les insectes utiles qui figurent pour une 
large part à l'Exposition. Nous reprcsentonsle fourmi- 
lion, sa larve et la façon dont il tend son piège aux 
fourmis et à d'autres petits insectes. Nous avons élevé 
nous-niême un fourmi-lion ; rien n'est plus curieux 
que de voir l'insecte, guetter au fond de l'entonnoir 
de sable qu'il a creusé, la victime qui va s'offrir à 
lui. Un insecte passe-t-il près de l'orifice conique, 
le fourmi-lion agite le sable au fond de l'entonnoir 
où il est enfoui, détermine un éboulemcnt qui 
entraîne la victime dans les pinces du patient chas- 
seur. 

La Cicindèle est encore un utile insecte qui vit 
dans les bois sablonneux et détruit les larves des 
insectes. Linnée a appelé la Cicindèle « le tigre des 
insectes; » elle protège singulièrement, en effet, la 
plupart de nos forêts. On sait que la Cicindèle se 
caractérise par une odeur très-prononcée analogue à 
la rose ou à la jacinthe. 

Nous ne dirons rien de ce qui est relatif aux abeil- 
les, si ce n'est que l'Exposition renferme un grand 



nombre de modèles de ruches fort intéressants pour 
les apiculteurs. Nous ne nous étendrons pas non plus 
sur les vers à soie, et leurs produits ; contentons- 
nous de mentionner la belle collection de M. Bigot 
(de Ponloise) , qui a réuni des Bombyx-Yama-Maï et 
leurs produits, et celle de mademoiselle Cou mil de 
Lavergne, qui a exposé de fort beaux échantillons 
de cocons, de soie, etc., provenant des vers à soie du 
mûrier. 

Le phylloxéra est grandement représenté à l'expo- 
sition des insectes. M. Millet a publié des cartes fort 
intéressantes qui montrent les progrès du dévelop- 
pement du phylloxéra, en France, depuis dix uns. 
Sur une série de cartes, on voit marquées en rouge 
les régions phylloxérées; le rouge-grandit peu à peu, 
à la façon d'une tache d'huile. Citons aussi les des- 
sins du phylloxéra du chêne, fort bien étudiés, par 
M. le directeur Rosier, qui a constaté les ravages de 
cet insecte à Klostcrneuburg (Autriche). 

Terminons ce rapide exposé, en mentionnant la 
Mygale vivante, exposée par M. Goudolo (de Sures- 
nes). Cette araignée formidable, qui excite la curio- 
sité des visiteurs, a dévoré son compagnon. Elle pro- 
vient d'Haïti, où elle est la terreur des oiseaux- 
mouches. 



LE TUNNEL SOUS-MARIN 

ENTRE LA FKANCE ET L 'ANGLETERRE, 

Nous avons déjà appris à nos lecteurs, que ce 
grand projet du chemin de fer sous-marin, entre Ca- 
lais et Douvres, est sorti du domaine de l'étude pour 
entrer dans la voie de la réalisation 1 . M. le duc De- 
cazes a soumis à lord Derby, ministre des affaires 
étrangères de la reine d'Angleterre, une convention 
diplomatique à l'égard de cet immense travail, et il 
est probable que le cabinet tory, recevra ces ouver- 
tures d'une façon favorable. Les fonds nécessaires à 
l'exécution des derniers travaux préparatoires, et qui 
s'élèvent à la somme de deux millions, sont souscrits 
par MM. Rothschild, André, Léon Say, Michel Che- 
valier, etc., membres du comité de la nouvelle So- 
ciété. 

On concevra que les hommes émitienls qui se sont 
mis à la tète de cette gigantesque entreprise, dont 
l'exécution nécessitera une dépense totale d'environ 
200 millions de francs, ne l'ont pas fait sans que le 
succès ne soit à peu près certain. Le projet défi- 
nitif, actuellement arrêté, est basé sur les investiga- 
tions récentes de deux ingénieurs anglais, MM. .John 
Hawkshaw et Brunlees, qui, par une série de sonda- 
ges patients et laborieux, ont démontré que le fond 
delà mer entre Calais et Douvres, est constitué par 
un massif de craie, dont le percement ne présente pas 
de difficultés sérieuses. Nous sommes heureux de 
pouvoir offrir à nos lecteurs la primeur des cartes et 

! Yoy. la Nature, 1 er semestre 1874 : le Chemin de fer 
sous-marin, r, 412. — Yoy. n*66, 5 septembre, p. 214. 



LA NATURE. 



279 



des diagrammes, dus aux savants in- 
génieurs anglais; ces documents Irès- 
précieux sont publiés ici pour la pre- 
mière fois. 

MM. Ilawkshaw et Brunlees, ont jeté 
partout la soucie au fond du Fas-de- 
Calais, comme l'indique la carte ci- 
contre (p. 281) où chaque chiffre re- 
présente en mètres la profondeur du 
détroit. La sonde employée était cylin- 
drique , et creuse à sa partie infé- 
rieure ; elle pénétrait comme un em- 
porte-pièce dans le fond marin, et la 
partie de la roche ainsi introduite 
dans le cylindre, y était maintenue 
par un ressort d'acier, qui permettait 
à la matière d'y entrer, mais l'empê- 
chait d'en sortir. La sonde remontée 
n bord du navire explorateur, donnait 
l'épaisseur de la couche d'eau, et 
rapportait un échantillon de la roche 
du fond- La sonde, sur un grand 
nombre de points, est revenue avec 
des fragments de craie; ces points 
sont marqués en noir sur la carte ; on 
voit que la roche calcaire se rencontre 
partout entre Calais et Douvres ; on 
voit en outre que suivant cette ligne la 
profondeur de la mer va en augmen- 
tant régulièrement de 20 mètres en- 
viron à 49 mètres et demi , profon- 
deur maximum. Sur d'autres points 
la sonde a ramené de l'argile; sur 
d'autres enfin, elle est revenue vide ; 
MM. Ilawkshaw et Brunlees eu ont 
conclu que le fond dans ces régions 
devait être tapissé de galets où le 
cylindre métallique s'enfonçait libre- 
ment sans rien broyer. 

Après ces travaux de sondages, il 
était indispensable d'étudier avec tout 
autant de soin, la nature de la forma- 
tion géologique à différentes profon- 
deurs dans le sol. Des forages ont été 
exécutés en Angleterre et en France, 
jusqu'à des profondeurs de 150 à 166 
mètres. Le diagramme de la page 280 
donne le résultat de ces investiga- 
tions, et montre la coupe des cou- 
ches sédimenluires superposées sur le 
rivage de Calais comme sur celui de 
Douvres. En Angleterre la craie blan- 
che se rencontre immédiatement ; elle 
forme une couche d'une puissance de 
plus de 80 mètres. Kn France, on ne 
la trouve qu'après avoir traversé un 
lit de sable gris, un banc d'argile, de 
gravier et de sable, dont les puis- 
sances sont de peu d'importance ; on 
la rencontre à 25 mètres environ au- 



■ :■:■ 



... ., i.r, J 



' 




dessous du niveau de la mer; sa puis- 
sance est de î)7 ra ,04. Les résultats des 
sondages, confirmés par ceux des fo- 
rages sur les côtes, démontrent donc 
que l'eau de la mer dans le détroit du 
Pas-de-Calais, repose sur un fond de 
craie, d'une grande puissance et que 
le problème de la communication 
sous-marine entre la France et l'An- 
gleterre consiste à perforer un tunnel, 
dans ce massif calcaire, exactement 
comme On l'a fait pour le Mont-Cenis, 
comme on l'exécute aujourd'hui pour 
le Saint-Gothard. 

On sait, par les ouvrages de cer- 
taines mines, que le travail de gale- 
ries sous-marines peut être exécuté 
sans danger. M. l'ingénieur Charles 
Bergeron, qui a déjà attaché sou nom 
au grand projet du chemin de fer 
sons-marin, en cite des exemples dans 
l'intéressante brochure qu'il a écrite 
à ce sujet. 

Dans son traité d'exploitation des 
mines, publié en 1778, l'ingénieur 
anglais Pryce, dit : « La mine de Iluel 
Cock s'étejw sous la mer à près de 
150 mèl/is de distance, et en quel- 
ques endroits il n'existe pas plus de 
5 mètres d'épaisseur de roches entre 
Je fond et les galeries, de telle sorte 
que les mineurs entendent le bruit 
des vagues venant du large de l'Océan 
se briser au-dessus de leurs têtes. Ils 
entendent aussi le bruit des galets 
roulant au fond de la mer avec un 
bruit de tonnerre. On eut quelque- 
fois l'imprudence d'exploiter les filons 
jusqu'à 1"',20 seulement du fond 
de la mer. Les ouvriers n'eurent qu'ac- 
cidentellement à anèter les infiltra- 
tions d'eau salée se faisant jour au 
travers la pierre, et ils y parvenaient 
avec des étoupes et du ciment. » 

Ainsi l'exécution d'un tunnel dans 
un banc calcaire sous-marin» n'offre 
rien qui soit propre à faire craindre 
des dangers d'infiltration. Restt» la 
question du système employé pour le 
forage. Il y a vingt ans, avec les pro- 
cédés connus, il aurait fallu plus de 
seize ans pour percer les 34 kilo- 
mètres qui séparent, en ligue droite 
et suivant le tracé adopté, la France 
de l'Angleterre. Aujourd'hui, quand 
les puits seront forés et qu'il ne 
s'agira plus que d'ouvrir le tunnel, 
il ne faudra guère plus de deux ans. 
L'art de forer les roches a fait récem- 
ment en effet, des progrès immenses 



280 



LA NATURE. 



surtout depuis le percement du Mont-Cenis et du j 
Saint-Gothard. Un ingénieur anglais, M. llrunton, a , 
encore perfectionné l'outillage du forage; il a ima- 
giné une machine remarquable qui accomplit, des 
prodiges, pour percer les roches tendres, comme le 
calcaire; c'est elle qui ouvrira à la vapeur l'accès 
de la roche de craie du Pas-de-Calais. 

Nous publierons prochainement des renseigne- 
ments complets sur la machine Jîrunton ; niais nous 
devons auparavant donner quelques détails sur le 
tracé adopté pour le tunnel sous-marin. Le profil 
en long que nous reproduisons ci-contre (p. 279) 
montre que le tracé part de la rive française (entre 



Sangatte et Calais) et se dirige en ligne droite à l'est 
"de Douvres, vers la haie de Sainte-Marguerite. Deux 
puits de 130 mètres do profondeur seront creusés 
en France comme en Angleterre; ils s'étendront 
jusqu'à deux galeries d'écoulement où les eaux du 
tunnel, légèrement en pente , se réuniront. Des 
pompes à vapeur devront extraire constamment les 
eaux recueillies au lond de ces puits. La machine 
Bnmtoti percera d'abord une galerie de 2"\10 de 
diamètre. Cette galerie sera ensuite élargie et maçon- 
née de telle sorte qu'elle atteigne 8 mètres de lar- 
geur sur Ù de hauteur ; le chemin de fer que l'on y 
construira sera à double voie. Le nivellement du 




Tuits de sondage, forés eu Angleterre et en France, pour l'étude de la formation géologique. 



tunnel présente, au milieu du Pas-de-Calais, un 
point de partage, avec une pente de ra ,370 par kilo- 
mètre, vers les puits creusés en France et en Angle- 
terre. A uue distance de 5,000 mètres de chaque 
puits, le tunnel remonte une rampe de O m ,0125 par 
mètre, pour se relier d'une part au chemin de fer du 
Nord et de l'autre au South-Eastern. Le tunnel sera 
creusé à une assez grande distance du fond de la 
mer; l'épaisseur minimum du banc de craie qui 
l'en séparera sera de 60 mètres environ. Le mode de 
ventilation n'est pas encore complètement arrêté; 
mais plusieurs systèmes ont été proposés, qui permet- 
tent d'obtenir avec certitude une aération énergique. 
Il n'est pas inutile, après ces détails sommaires, 
d'examiner quelle sera la rémunération du capital 
employé a cette entreprise formidable. C'est encore 
M. l'ingénieur Bergeron, que nous prendrons pour 



guide dans cette question d'un haut intérêt. « Il est 
parfaitement reconnu que toute interruption dans 
la continuité d'un voyage nuit au développement du 
trafic, en augmentant les frais de transport, en rai- 
son des inconvénients de transbordements obliea- 
toires. » Quand les wagons de voyageurs et de mar- 
chandises, pourront, être transportés d'une seule 
traite, du Paris à Londres, il est certain que le mou- 
vement des trains entre l'Angleterre et le continent 
s'accroîtra dans uue proportion considérable. Actuel- 
lement le nombre des voyageurs qui traverse la 
Manche, est de 55 50, 000 par an. Mais chaque an- 
née, depuis fort longtemps déjà, on a constaté que 
l'augmentation du nombre de voyageurs était de 
3 pour 100. D'après cette progression, en 1880, lors- 
que le tunnel pourra être termine, les voyageurs se 
compteront annuellement au nombre de 500,000. 



2S2 



LA NATURE. 



M. Bergeron admet que ce chiffre sera facilement 
doublé par la facilité des communications. La tra- 
versée en bateau à vapeur coûte aujourd'hui \ francs. 
Les voyageurs seuls fourniront donc tous les ans une. 
recette de 1U millions de francs. D'après des calculs 
analogues on arrive à une recette loi aie presque 
égale pour les marchandises à petite et à grande vi- 
tesse. Dans ces conditions, les actionnaires pourraient 
recevoir 10 pour 100 de leur argent. 

Gavj'os Tissa.ndiek. 

*— La suite proclinineiniint. — ■ 

CONGRÈS INTERNATIONAL 

DES MÉTÉOUOI.OGISTKS A VIENNE. 
(Suite et fin. — Voy. p. 258.) 

1/ensemhle des conditions d'un bon établissement 
de télégraphie météorologique se trouve dans le rap- 
port d'une commission dont les conclusions ont été 
volées par le Congre-:. Elles ne sont au fond que cel- 
les du Bureau météorologique de Londres que noua 
avons fait connaître dans une étude précédente (voir 
les n ' 31 et 55). Nous ajouterons seulement la 
mention d'une proposition additionnelle que M. llolf- 
mayer, directeur do l'Institut météorologique de 
Copenhague, a ainsi formulée : « Il me paraît de la 
plus haute importance de donner le matin, aussitôt 
que possible, les renseignements météorologiques. 
Ne faudrait-il pas recommander de baser ces rensei- 
gnements sur les observations faites le soir précédent ? 
Si un institut central, bien situé, pouvait recevoir 
chaque soir les dépèches télégraphiques d'un nombre 
suffisant de stations européennes, pour en déduire 
un aperçu des conditions météorologiques, le résumé 
pourrait être distribué dans la nuit ou le malin de 
bonne heure aux différents systèmes nationaux, et il 
pourrait être immédiatement utilisé par sa compa- 
raison avec les dépêches du matin des différentes sta- 
tions appartenant a'i réseau spécial. Les systèmes 
nationaux n'obtiendraient pas seulement ainsi un 
meilleur aperçu de la situation et des variations des 
grands maxima et minima barométriques, mais par 
une telle concentration des observations du soir, cha- 
que système isolé pourrait aussi se contenter de télé- 
grammes du matin, provenant d'un cercle plus limité 
de stations, tandis que maintenant chaque Institut 
météorologique est forcé d'étendre sa correspondance 
télégraphique bien au delà des frontières de son pays 
pour avoir une connaissance suffisante des conditions 
atmosphériques. Les télégrammes des stations étran- 
gères et éloignées parviennent si irrégulièrement et 
si tard que les aperçus diurnes du temps et les an- 
nonces de tempêtes ne peuvent être publics que 
vers midi et quelquefois plus lard, tandis qu'ils 
pourraient être prêts au moins deux heures plus tôt 
s'ils ne dépendaient que des télégrammes venant d'un 
cercle plus restreint. » On peut rattacher à ce qui 
précède l'adoption par le Congrès d'une résolution 
proposée par le représentant des Etats-Unis, le géné- 



ral Albert J. Myer, demandant qu'en vue de la con- 
struction des caries synoptiques générales, une ob- 
servation météorologique simultanée soit faite cha- 
que jour dans le plus grand nombre possible de 
stations sur le globe. 

Le Congrès a émis un vœu pour l'installation dans 
chaque pajs d'un bureau d'échange pour les publi- 
cations, sur le modelé de celui qui existe à l'Institut 
Smilhsonien. 11 a voté ensuite la formation d'un 
comité permanent pour assurer l'exécution de ses dé- 
cisions et pour préparer la réunion des Congrès fu- 
turs. Ce comité pourra se compléter en cas de sortie 
d'un de ses membres et se renforcer par l'adjonction 
de deux membres nouveaux. Celte augmentation 
éventuelle réserve à la France la possibilité de pren- 
dre part aux travaux. Les membres du comité, nom- 
més au scrutin secret, sont MM. Brulms, Buys-Ballot, 
Cautoni, Jelinek, Mohn, Scott et Wild. M. Buys-Ballot 
a été choisi comme président. 

Le Congrès a décidé en outre que ses membres 
devront exprimer aux gouvernements le vœu qu'a- 
près trois années, un nouveau Congrès international 
puisse se réunir. Il a déclaré très-favorables aux pro- 
grès de la météorologie les mesures suivantes: 

a L'installation, sur des pics de montagnes élevées, 
de stations météorologiques fixes pourvues d'appa- 
reils enregistreurs. Le comité permanent a été spé- 
cialement chargé d'examiner s'il n'y a pas lien de 
demander la formation d'un fonds international pour 
ériger et entretenir des observatoires dans des con- 
trées el des îles éloignées. 

b L'organisation d'essais sur la possibilité de faire 
des observations prolongées avec des ballons captifs. 

c L'érection de stations météorologiques dans tes 
hautes latitudes boréales et australes, notamment au 
Spitzbci'g. 

d L'érection de nouvelles stations complémentai- 
res sur la côte nord de l'Afrique, et une publication 
régulière des observations faites dans les stations déjà 
existantes sur cette côte. 

e Vax égard à l'utilité qui eu résultera, tant pour 
la science que pour la navigation, une organisation 
plus complète des stations de Turquie et notamment 
de l'Observatoire central de Çonstantinople. 

/"Le maintien de la station d'Athènes et la publi- 
cation de ses observations. 

Le Congrès déclare enfin que la fondation d'un 
Institut international pour les questions météorolo- 
giques, est éminemment utile et désirable. Le comité 
permanent est chargé d'étudier toutes les questions 
qui se rapportent à cet Institut et de dresser un pro- 
jet d'exécution détaillé. 

Mous ajouterons la mention d'une intéressante de- 
mande, adressée au Congrès, d'instructions relatives 
à l'établissement d'un sytème de stations météorolo- 
giques sur les cotes de la Chine, par M. Campbell, 
secrétaire de l'inspection des douanes maritimes de 
ce pays, au nom du directeur, M. Ilart. La commis- 
sion chargée de les rédiger a eu pour rapporteur 
M. Robert Scott, qui après a voir donné les indications 



LA NATlïllE. 



283 



nécessaires pour le choix des instruments, fait res- 
sortir la grande importance de l'introduction de la 
météorologie télégraphique en Chine et recommande 
à l'organisateur de s'inspirer des conseils des météo- 
rologistes expérimentés qui dirigent des systèmes 
iuialogues, comme le général Myer à Washington, 
M. iïlaiidford, directeur du réseau météorologique du 
Bengale à Calcutta, M. Me! dru m, secrétaire de Ja 
Société météorologique de Maurice. Les quatre sla- 
tations de premier ordre devront être Shang Haï, Pé- 
kin, llong-kong et Àmoy, ia première devenant station 
centrale. 

L'euseinble des travaux du Congrès météorologi- 
que et l'esprit amical qui a régné dans ses discus- 
sions nous fait bien augurer de l'avenir de ces réunions 
et de la féconde influence qu'elles exerceront, sur le 
progrès de la météorologie. Nous devons rappeler que, 
ce Congrès s'est tenu au moment où l'épidémie cho- 
lérique sévissait à Vienne. La conscience avec laquelle 
les délégués ont cependant accompli leur mission 
prouve leur dévouement à la science. L'un d'eux, l'é- 
ininent astronome italien Dotlati, a été atteint pen- 
dant le cours des séances, ha météorologie fait en lui 
une très-grande perte. Il était le principal promoteur 
des recherches qui la rattachent au milieu cosmique 
et lui ouvrent par là de nouveaux et brillants hori- 
zons. F.ZcRClIEft. 



LES REINES DE TROIE 

ET LE TRÉSOR DU ROI PRIAM. 

DECOUVERTES RÉCENTES DU D r SCHLIEMANX. 
(Suite et lin. — Voy. |i. 185, 193 et 250.) 

VALAIS ET TRÉSORS DE PRIAM. ARMES DES DÉFENSEURS 

DE PKRGAME. 

L'archéologue éminent dont nous consignons ici 
les principales découvertes, a rencontré, à une pro- 
fondeur de 7 à 10 mètres au-dessous du sommet de 
la colline, un grand édifice, qu'il croit avoir été le 
palais de Priant; une rue pavée de larges dalles, les 
deux portes Scées, encore subsistantes et parfaite- 
ment conservées ; enfin, la fameuse tour d'Ilion, où 
Priant, accompagné de la belle Hélène et des anciens 
de la cité, pouvait contempler l'armée troyenne et 
l'armée des Grecs, rangées l'une à côté de l'autre, 
au pied de la citadelle de Pergame, au moment où 
elles avaient résolu de terminer la guerre par un 
combat singulier entre Paris et Ménélas. 

Il faudrait un plus grand espace que celui dont 
je puis disposer, pour faire connaître ici, dans leurs 
intéressants détails, les fouilles du savant voyageur. 

Qu'il me suffise dédire que c'est dans cette partie 
de la colline, et non loin du mur d'enceinte, qu'il 
a trouvé ce qu'il appelle le trésor de Priant, trésor 
d'un prix infini pour l'histoire, si toutefois il est bien 
démontré, comme nous le croyons, qu'il est parfai- 
tement authentique. 



Sans parler des poteries, qui sont ici d'une forme 
et d'un caractère tout différents de celles que l'on 
rencontre dans les couches plus profondes (de 10 à 
10 mètres), nous signalerons, parmi les objets en 
pierre, trouvés à la profondeur de 7 à 10 mètres, 
des scies et des haches polies en diorite; parmi les 
objets en bronze, des lances, des épées, des poignards, 
des haches de combat, deux boucliers (àsmç ôp^otM 
EfTo-a), semblables à ceux qu'Homère a décrits dans 
l'ihade, c est-à-dire ovales, aplatis, présentant, au 
centre, une saillie en forme d'ombilic (ô'^a/oç), 
entourée d'une rainure, et, à la circonférence, un 
rebord haut de quatre centimètres. On sait que ces 
bouchers étaient recouverts de plusieurs peaux de 
bœuf superposées. 

Les casques eux-mêmes ont été retrouvés sur la 
tète des guerriers qui les portaient. Bien qu'ils soient 
le plus souvent brisés, on y reconnaît, do la manière 
la plus certaine, le vâïos, où le guerrier troyen pla- 
çait son aigrette (là-foç imcwpiç), ainsi que les deux 
pièces principales dont il se composait. 





Armes, pointes de lances en cuivre des ruines de Troie. 

Citons, parmi les objets en argent, des jattes et 
des gobelets d'un beau travail; et, au nombre des 
objets d'or dus coupes élégantes, des bandelettes de 
tête, des diadèmes faits avec des chaînettes recou- 
vertes de feuilles d'olivier imbriquées, et portant, à 
leur extrémité libre, des idoles multiples de Minerve 
ilienne. 

Des pendants d'oreille d'une rare élégance, et rap- 
pelant ceux des Assyriens, ou ceux que l'on trouve 
dans les hypogées d'Egypte; des anneaux, des ba- 
gues, des bracelets, indiquant de très-petites mains ; 
des perles d'or ou d'électron 1 pour colliers; des 
épingles à cheveux ou pour manteaux ; enfin, des 
boutons doubles en or, semblables ou du moins ana- 
logues à ceux dont nous nous servons pour fermer 
nos manchettes, complètent cet arsenal de la co- 
quetterie, que les anciens, moins anciens qu'elle, 
appelaient déjà tout un monde (Jilundus muliebrisU 

1 Alliage d'aivcni et d'or. 



281 



LA NATURE. 



Mais l'objet, sans contredit, le plus remarquables 
qu'on ait trouvé dans lo trésor do Priant, est une 
coupe en or pur, du poids do 600 grammes. Cette 
coupe, en forme de saucière, est inunie de deux anses 
latérales, et présente deux embouchures opposées 
l'une à l'autre. Pur la plus étroite, l'amphytriou 
goûtait le vin avant d'offrir la coupe à son hôte, qui 
appliquait scs lèvres à la plus large. C'est là le vrai 
dîna; ùpfv/.\>inyiov désigné par Homère. 

Tous les vases, tous les bijoux dont nous venons 
de parler, ont été rencontrés sur le mur dVnccintc, 



à quelque distance des portes Scées et du pa- 
lais do Prkm. Ils formaient un tas cubique, d'où la 
conclusion tonte naturelle qu'ils étaient renfermés 
dans une caisse en bois de même forme, dont on a 
même trouvé la clé de bronze: non loin delà un cas- 
que brisé, peut-être celui du malheureux qui a suc- 
combé, en voulant mettre eu lieu sur les richesses du 
roi. 

Nous venons de nous étendre avec une certaine 
complaisance, sur les merveilleuses découvertes de 
M . Schliemann. Quelque authentiques qu'elles soient, 




Objets en or et en argent du trésor de Priarri, dont une coape en or pur, à deux anses, pesaat 600 grammes. 



elles ont cependant fait naître des doutes dans l'es- 
prit de certains critiques enclins au scepticisme. De 
ce que les fouilles n'ont mis au jour aucun objet en 
fer, on a voulu que le savant archéologue américain 
n'avait pas eu sous les yeux les ruines de l'antique 
cité troyenne : car l'auteur de V Iliade parle une ou 
deux fois d'armes ou d'objets en fer. L'objection, je 
l'avoue, n'est pas sans valeur. Mais ne sait-on pas 
avec quelle rapidité le fer se détruit dans le sol, et 
ne pouvons-nous pas admettre que celui dont il est 
question dans Homère a subi le même sort ? Nous 
n'avons pas même besoin de revenir à cette hypo- 
thèse; car l'ensemble des documents fournis par 
M. Schliemann donne un haut degré de probabilité, 
pour ne pas dire une certitude entière à l'opinion 



qui place la ville de Troie sur la colline de Hissarlik. 

Le trésor de Priant surtout a donné lieu à des 
critiques un peu vives dont nous ne voudrions pas 
nous faire l'écho. Un de nos archéologues-paléonto- 
logistes les plus érudits a même été jusqu'à préten- 
dre que le récit de M. Schliemann, relatif à ce trésor, 
est plein d'invraisemblances et d'impossibilités. 

Malgré la réponse, aussi digne que péremploire, 
du célèbre auteur des fouilles troyennes, j'admets, 
si l'on veut, ces invraisemblances, ces impossibilités, 
en ce qui concerne le récit incriminé par l'auteur de 
l'article inséré dans la llevue anthropologique de 
Taris (t. III, n° 1, p. 172). Peu nous importe de 
savoir comment M. Schliemann a procédé pour dé- 
blayer et enlever le trésor à l'insu de ses ouvriers, 



LA NATURE. 



235 



occupés alors à prendre leur repas du matin. Ce 
qu'il est essentiel de bien constater, c'est l'existence 
réelle des objets ligures et décrits dans l'ouvrage 
dont nous venons de donner une idée sommaire au 
lecteur. Or, ces objets sont si bien une réalité que 
le gouvernement turc en revendique la propriété 
devant la justice, afin d'en enrichir son musée de 
Constantinople. De quel droit donc peut-on révo- 
quer eu doute les assertions si précises de M. Schlie- 



matin, et, par cela même, celles de M. Em. Burnouf, 
qui a plusieurs fois assiste" aux touilles de 1 eminent 
archéologue, qui a longtemps étudié sa collection, 
qui en a vu, touché et décrit les richesses princi- 
pales dans le remarquable article cité au commence- 
ment de notre Compte rendu? De quel droit suspec- 
ter la bonne foi, la probité scientifique d'un homme 
dont les travaux ont été exécutés au grand jour, ont 
duré des années entières et ont donné des résultats 





»^^5i 





boucles d'oreilles en or, .ornement de tête, et cellier en jserle d'ô? 
do trésor de fmm . ... '■ ,,"...'.: .'.':."•:.. .. " '.;\ .. .•-.,.: ,'..' 



qu'il est facile et permis de contrôler à tous ceux qui 
voudront visiter la collection Scbliemann, ainsi que 
l'ont fait M. Emile Burnouf, directeur de l'école 
française d'Athène; M. le comte de Vogué, ambassa- 
deur de France à Constantinople; M. Barthélémy 
Saint -Ililaire, membre de l'Institut de France; 
M. G. F. Newton, directeur du musée britannique de 
Londres, tous personnages bien connus, dont per- 
sonne assurément ne sera tenté de mettre eu doute 
la compétence ou la véracité. Leur témoignage una- 
nime est une garantie plus que suffisante d'authen- 
ticité, et nous croirions leur faire une grossière in- 
jure» si nous insistions daxautage sur ce point délicat. 



Quoi qu'en ait pu dire une critique plus ou uioiiia 
bienveillante, il n'est donc pas vrai que le Trésor de 
Priant soit apocryphe : il n'est pas vrai que les 
ruines de Troie ont péri : « Etiam périsse ruinœ. » 

Un antiquaire aussi heureux que zélé, un savant 
qui, dans l'intérêt de la science, a fait un noble usage 
de sa fortune, nous a montré ces ruines, plusieurs 
fois amoncelées, avec les trésors préhistoriques 
qu'elles renferment. Il a étalé à nos yeux émerveillés 
les armes, les instruments et ustensiles de toute 
sorte (eu pierre, en argile, eu os, en métal) ; les 
vêtements, les objets de parure des Troyens d'Homère 
et de leurs prédécesseurs; il nous a initié, en quel- 



286 



LA NATURE. 



que sorte, à leur vie intime, à leur industrie, à leurs j 
arts, à leurs croyances religieuses, à leurs rites funé- 
raires, et en nous rappelant plus d'une fois les beaux 
Ycrs de l'Iliade, qui donnent à ses importantes dé- 
couvertes le cachet d'une indéniable authenticité, il 
nous a remis en mémoire cet hommage mérité, 
adressé par la Musc moderne au cl i antre divin de la 
colère d'Achille et des malheurs de Troie. 

Brisant des potentats In couronne, éphémère. 
Trois mille ans ont passé sur (a cendre d'Homère, 
Et, depuis lroi.> mille ans, Homère respecté 
Est jeune eneur de gloire et d'iuimorlnhlc. 

IV N. Joly, de Toulouse. 



CHRONIQUE 

Eruption «le lave ù l'île tle la Réunion. — Le 

21 juillet 1874, le critère de la Réunion a vomi, pendant 
vingt-quatre heures, des torrents de lave incandescente. 
Ces flots brûlants roulaient en fleuves de feu sur les pen- 
tes rapides de la montagne; ils s'écoulaient en cascades 
gigantesques formant un des spectacles lis plus grandioses, 
et les plus effrayants qu'il puisse être donné d'admirer. Le 
(louve de lave avait une largeur de 200 mètres environ, et 
il ne tarda pas à s'étendre jusqu'à 12 kilomètres aux envi- 
rons, pour s'arrêter non loin du rivage de la mer. Au-des- 
sus de cette immense traînée de lave, des trombes d'air 
chaud, des tourbillons de vapeurs et de poussière, re- 
muaient l'atmosphère et complétaient, d'une façon terrible 
ce grand tableau de la fureur des éléments. 

Le cyclone du 7 septembre danw 1 Atlantique. 

— Le steamer la Ville-de-Paris , parti de Brest le 29 août 
1874, pour traverser l'Atlantique, a été saisi le 7 septem- 
bre par un cyclone d'une violence épouvantable. Le navire 
a été attiré au centre du vent tournant, et il est resté pen- 
dant 12 heures dans ce cercle de tempête, désordonné*-. 
Les flots de, l'Océan, atteignaient une hauteur prodigieuse et 
se jetaient avec, un fracas terrible sur le pont de la Ville- 
dc-Paris ; quant à la force du vent elle atteignait une 
puissance extraordinaire. Tout ce qui était sur le pont fut 
arraché; la cabine du capitaine fut balayée d'une seule 
pièce avec tout ce qu'elle contenait: cartes, papiers, chro- 
nomètres, etc.; la passerelle démolie ; les rampes, les trin- 
gles de fer, les cuivres arrachés, tordus, roulés, brisés, 
comme des fétus de paille ; des embarcations emportées 
et leurs supports rompus ; les ventilateurs enlevés, et jus- 
qu'au fanal planté au grand mât, à 00 pieds de haut, qui 
a été arraché par l'eau. Un matelot fut jeté à la mer par 
une lame et un officier cul la jambe cassée par le choc- 
dune vague furieuse. Grâce à l'énergie du capitaine Dan ré 
la Villc-dc- Paris put sortir du tourbillon et atteindre 
New- York non sans de graves avaries. 

Le typhon du îl A Îlong-Kong. — Le cyclone 
dont nous venons de parler n'est pas le seul qui ait fait 
sentir son action, sur la surface terrestre, pendant le mois 
de septembre. Le 22, un typhon, vent tournant analogue 
au cyclone, a balayé les environs de Hong-Kong, comme 
Ta récemment annoncé une dépèche. Huit navires ont été 
brisés, coulés ou jetés à la côte, beaucoup d'autres ont 
disparu. Un grand nombre de maisons ont été renversées. 
On évalue le nombre des morts à un millier. Les perles 
sont immenses. 



Corps étranger» dans l'estomuc. — La Répu- 
blique du Midi assure que l'Hôtel-Dieu de Montpellier pos- 
sède à l'heure qu'il est un pendant de l'homme à la four- 
chette, qui a fourni tant de pâture aux chroniqueurs 
parisiens pendant plus d'un mois. Cette fois, il ne s'agit 
plus d'une fourchette, mais d'un thermomètre qui aurait 
été avalé dans un moment de fièvre chaude par un mal- 
heureux pensionnaire de l'hôpital. On sait qu'il n'est pas 
rare de voiries élèves de nos hôpitaux déposer sur les lits 
des malades des thermomètres qui leur servent a. chaque 
instant pour mesurer et comparer les diverses tempéra- 
tures des sujets qu'ils traitent. C'est un de ces instruments 
oublié par mégarde, sur le lit du malade en question, que 
ce dernier aurait avalé. 

Empoisonnement par le tlion. — On nous signale 
un cas d'empoisonnement assez curieux, et sur lequel la 
science aura à procéder a d'utiles investigations. Quatre 
personnes habitant la rue Canonge ont été prises de très- 
violents symptômes d'empoisonnement après avoir mangé 
une friture de thon. Un médecin, le docteur A..., appelé 
en toute hâte, a pu arrêter cet accident, qui n'aura pas de 
suites graves. Mais jusqu'ici il lui a été impossible d'assi- 
gner une cause certaine et bien définie aux symptômes nlt- 
servés sur ses quatre client?- Le thon n'a jamais été et 
n'est pas un poisson vénéneux. Tout ce qu'on peut suppo- 
ser, c'est que l'animal dont la chair a produit d'aussi fâ- 
cheux effets avait absorbe et mangé d'antres poissons vé- 
néneux, et (pie les suis capables de troubler la santé de 
l'homme se trouvaient encore dans l'estomac de l'ani- 
mal. 

Un docteur en médecine japonais. — On sait 
combien sont rapides les progrès que ne cesse de faire le 
Japon, dans la voie de la civilisation ; on n'ignore pas non 
plus combien sont doués d'intelligence les habitants do, ce 
beau pays. En voici un exemple que nous citent les jour- 
naux allemands. Un jeune Japonais, fds d'un médecin du 
Mikado, âgé de vingt-sept ans, et qui avait déjà fait le ser- 
vice de médecin au Japon, pendant une guerre, vient d'ê- 
tre promu, en Allemagne, au grade de docteur eu méde- 
cine après avoir passé ses examens avec beaucoup de succès. 
Suivant la coutume, il a adressé sa demande d'admission 
en latin et le doyen de la Faculté où l'élève avait étudié 
pendant neuf semestres, lui a répondu dans la même lan- 
gue, disant: « Susum salo, tu as fait un long chemin; 
tu es devenu un des nôtres et tu as obtenu le grade de doc- 
teur. Mais auparavant, il est nécessaire que tu prêtes ser- 
ment. » Ce que le candidat a fait sur le champ, mais en 
ometlant le paragraphe final, qui ne s'accorde pas avec sa 
religion. Auparavant, il avait défendu sa thèse, intitulée : 
Des différents genres de dyssenterie chez les enfants, et 
quatre propositions médicales, en se servant de la langue 
allemande. 

I,e vin et la science. — Lors du magnifique dîner 
olfert par M. Kuhlmann, aux membres de l'Association 
Française, le commandeur Negri, représentant l'Italie au 
Congrès de Lille, a, comme nous l'avons dit précédem- 
ment, porté un toast fort spirituel. Voici les paroles qui 
ont particulièrement excité la gaieté : « Quelle est l'origine 
de cette grande civilisation que nous admirons en France? 
Messieurs, c'est le vin. — Vous savez dans- quel état 
étaient vus ancêtres quand les Romains sont venus dans la 
Gaule. Je ne l'oserais pas dire devant vous* mais Jules- 
César a parlé pour moi, Tacite a parlé, et mieux encore 
Velleius-l'aterculus, qui a vu les choses de près, parce que, 



LA NATURE. 



287 



commandant une légion romaine, il était sur les lieux, 
tandis que Tacite écrivait à Rome. Les Romains ne sont 
pas venus avec des philosophes, avec des écoles et des 
sciences; ils sont venus avec des armes et ont planté la 
vigne d'Italie et de Grèce. Les Gaulois ne faisaient pas 
bonne mine aux Romains dans le commencement, niais, 
peu à peu, ils ont savouré le vin, ils ont imité les Romains 
et, pour rester tout seuls à boire, ils les ont chassés de 
leur pays, très-peu poliment. Dans ce vin, vous avez puisé 
les sciences, la verve, etc. t 

1. Alsace-Lorraine en 1873. — La présidence su- 
périeure à Strasbourg, a publié, vers la fin de l'année \ 875, 
la première livraison des Slati&tische Mitthcilwujen ùber 
Elsuss-Lotherùngcn (Documents statistiques sur r Alsace- 
Lorraine). Le nombre total des habitants de l'Alsace- 
Lorraine est de 1,517,494, sans compter les militaires. 
Cette population est répartie en 55(3,475 ménages habi- 
tant 205,609 maisons. La province est gardée |>ar 52,000 
hommes (environ le treizième de l'armée allemande sur ! 
le pied de paix). Il y a, en Alsace-Lorraine, 1,223,161 ca- : 
Iholiques, 250,098 protestants, 2,823 adhérents à d'autres 
sectes, 40,812 juifs. 

Suspension delà vie chez les mollusques. — 

Un naturaliste américain, nous dit M. Victor Meunier dans 
une de ses demi ires Chvoniques scientifiques, raconte 
([n'ayant acheté quatre ou cinq helix laetca (vulgairement 
colimaçons), qui manquaient à sa collection, il les mitdans 
l'eau pour les nettoyer. Ces mollusques avaient passé par 
les mains de deux marchands chez lesquels ils étaient res- 
tés plus de quatre ans exposés au sec et à la poussière. 
Aussi M. Gaskaiu (c'est le nom de ce naturaliste) ne fut-il 
pas médiocrement surpris de voir l'une des hélices re- 
prendre vie et sortir de l'eau. Curieux de suivre cette ob- 
servation jusqu'au bout, il plaça le revenant sous une clo- 
che de verre et lui fournit une bonne provision de con- 
combres et de choux. Six mois après une trentaine de 
petits colimaçons rampaient sur la cloche. Un an aprèsees 
nouveaux venus avaient tous les caractères de l'hélix lac- 
tea. L'auteur cite quelques autres cas de suspension de la 
vie chez les mollusques. Le plus remarquable est le sui- 
vant: Lue Unio (coquille bivalve) d'Australie fut enfermée 
pendant 231 jours dans un tiroir parfaitement sec ; au 
bout de ce temps on la plongea dans l'eau : elle vivait. A 
son arrivée à Soulhamplon, 498 jours après qu'on l'avait 
tirée du marais natal, elle fut de nouveau mise dans l'eau 
où elle rouvrit ses valves et reprit le cours d'existence 
d'un mollusque sans tête. Ceci nous donne occasion de 
dire que la difficulté de conserver les huîtres dans l'eau 
n'est pas, en certaines circonstances du moins, aussi grande 
qu'on le croit généralement. M. Hamon rapporte en effet 
que, se rendant pondant un été très-chaud de Cancale à 
Roeheiort, il laissa à Nantes une manne d'huitres qu'il 
avait entamée. Dix-sept jours après, repassant par cette 
dernière ville, il retrouva ses huitres fraîches et saines, 
quoiqu'elles eussent passé ce temps hors de l'eau dans un 
panier; voulant compléter l'expérience, il rapporta une 
partie des mollusques à Cancre, et les plaça dans un parc 
où ell'îs prospérèrent. 

Sondages dans le Pacifique. — Le vapeur Tus- 
car or a estparti de San-Francisco, il y a environ un an, pour 
faire des sondages en vue d'un câble à établir avec le Ja- 
pon. La première tentative faite de Cape Flattery, a 
été abandonnée parce que la saison était trop avancée, et 
des sondages ont été pratiqués au large de la cote, de Cape 



Flaltery à San Diego. De ce port, le Tuscarora a fait roule 
pour ilonolulu, toujours en sondant. D'IIonolulu,il est allé 
à Yokohama, par l'île Bonin. La plus grande profondeur 
d'eau sur cette ligne est de 5,287 brasses. Deux lignes ont 
été commencées delà côte du Japon, mais abandonnées à 
cause de la grande profondeur de l'eau. La troisième ligne 
a été reconnue praticable. Une ligne a été expérimentée à 
l'île Roorile, lune des Aléouticnncs, de là à Oonalaska, 
enfin à Cape Flallcry. La plus grande profondeur rencon- 
trée sur cette ligne est de 6,000 mètres environ. 

JL 'Immigration aux l'itstts-Unis. — Le mouve- 
ment qui pousse vers l'Amérique les populations laborieu- 
ses de certains pays de l'Europe, loin de se ralentir, a 
reçu une impulsion nouvelle depuis trois ans. Ainsi, d'a- 
près l 1 Economiste, français, il est arrivé aux Etats-Unis, 
pendant les trois dernières années, 1,397,437 émigrants, 
c'est-à-dire, 465,812, en moyenne, par an. Ces chiffres 
dépassent de beaucoup ceux des périodes précédentes, 
comme le prouve le tableau suivant: 

Le nombre des émigrants arrivés aux Etals-Unis a été: 

Du 1" octobre 1819 au 30 septembre 1830. 176,475 

Pour les 10 ans finissant en 1840 640,085 

Id. id. 1850 1,768,175 

Id. id. 1800 2,873,180 

Id. id. 1870 2,810,569 

Pour les trois années. . . 1873 1,397,437 

C'est un total de 9,665,916 émigrants pendant une pé- 
riode de cinquante-quatre ans et demi. < 

La progression est, comme on le voit, rapide et con- 
stante. La Grande-Bretagne envoie 37 et demie pour 100 
de l'immigration annuelle; l'Angleterre a donné, en 
1873, 60,600 émigrants; l'Irlande, 75,848; l'Ecosse, 
13,008; le pays de Galles, 868. 11 est débarqué dans les 
ports de l'Union 133,141 sujets de la Confédération alle- 
mande du Nord, soit 32 pour 100 du chiffre lofai. Le 
reste (30 et demi pour 100) se compose d'éléments pro- 
venant de presque tous les pays du inonde, y compris la 
Chine, dont le contingent s'est élevé à 18,154 émigrants. 

L'immigration française a augmenté d'une manière sen- 
sible depuis la guerre franco-allemande; il est arrivé, 
l'année dernière, 10,813 Français contre 3,879 en 1869. 
L'Italie a fourni 7,475 émigrants, cinq fois le chiffre de 
1869. L'immigration russe, polonaise et danoise s'est ac- 
crue considérablement; elle a atteint 11,448 en 1875 
contre 4,170 pour les quatre années précédentes. On con- 
state, au contraire, une diminution presque de moitié dans 
l'immigration suédoise qui, de 24,224 en 1869, est tom- 
bée à 11,351 en 1873; on attribue ce fait à ce que les 
Suédois ne peuvent supporter la température des mois 
d'été dans les diverses régions de l'Amérique du Nord, 
opinion qui nous parait, du reste, fort contestable. 



ACADÉMIE DES SCIENCES 

Séance du % septembre tS7-i. — Présidence de M. Beiitiund. 

L'Académie n'a pas eu de séance aujourd'hui. La perte 
immense que les sciences viennent de faire dans la per- 
sonne de M. Élie de Beaumont, secrétaire perpétuel de la 
célèbre compagnie, valait bien, qu'en signe de deuil, on 
refusât de s'occuper de quelque sujet scientifique que ce 
soit. JL Bertrand, président, s'est donc borné à rappeler 



LA NATURE. 



que c'est lundi dernier, au moment même où l'Académie 
se réunissait, que t'illustre géologue succombait loin de 
Paris à un mal suivit. Ses funérailles ont eu lieu vendredi, 
à Saint-Thomas d'Aquin. MM. Dumas, Sainte-Claire De- 
ville et Daubrée ont [iris successivement la parole au nom 
de l'Académie. Les trois discours ont été publiés. 

Stanislas JIliCNIER. 



RAISIN BLANC MODIFIÉ EN RAISIN NOIR 

Un cultivateur des environs de Paris nous a mon- 
tré récemment un cep de vigne des plus curieux, 
au point de vue végétal ; 
il porte une grappe de rai- 
sin blanc, dont un certain 
nombre de grains, réunis 
en un grapillon, sont tout 
à fait noirs. Ce phéno- 
mène a déjà été observé 
quelquefois, et M. Carrière 
notamment l'a décrit avec 
quelques détails. Nous 
emprunterons au savant 
horticulteur les renseigne- 
ments qu'il a publiés à ce 
sujet. « Sur un des sar- 
ments d'un cep, à Colom- 
bes, il se développa une 
grappe de raisin très- 
belle, longue de 15 cen- 
timètres. Los deux gra- 
nd Ions supérieurs por- 
taient des grains noirs, 
taudis que le reste portait 
des grains blancs. » 

Ces phénomènes se rat- 
tachent en horticulture au 
dimorphisme ou au di- 
chroïsme. « Nous nom- 
mons dimorphisme, dit 
M. Carrière, le phéno- 
mène qui fait que, sans 
cause connue, il se déve- 
loppe sur l'une ou sur 

l'autre partie d'un végétal, un bourgeon dont la 
forme diffère de ceux que porte normalement ce 
végétal. Ainsi, le hêtre commun produisant un ra- 
meau à feuilles laciniées; le Podocarpus Koraiana 
produisant une branche dont les ramifications sont 
verticillées et étalées au lieu d'être simples, fasti- 
giées, éparscs, et dont les feuilles sont distiques, au 
lieu d'être disposées alternativement autour des 
branches ainsi qu'elles le sont normalement, sont 
des faits de dimorphisme... Nous nommons di- 
chroïsme un fait exactement semblable au précé- 
dent par le fond, mais qui, au lieu de porter sur la 
forme des objets, porte sur leur couleur. Ainsi 
l'Œillet Flon, qui est à fleurs rouges, développant 
un rameau d'aspect el de formes semblables au type, 




Une grappe de raisin blanc portant un grapillon de raisin noir. 



mais produisant des fleurs blanches, est un fait de 
dichroïsme. » 

Le dimorphisme et le dichroïsme qui comprend 
la modification du raisin blanc en raisin noir, dont 
nous venons de parler, ont une importance considé- 
rable dans la nature. « C'est la conséquence de cette 
grande loi, en vertu de laquelle tout tend à se 
modifier; leur action est incessante, et l'on peut 
la regarder comme un des grands principes univer- 
sels. » 

Parmi les observations les plus intéressantes de 
dimorphisme et de dichroïsme de la vigne, nous 
citerons encore celle qui a été faite par M. H. Bous- 

chet (de Montpellier), il y 
a quelques années. « J'ai 
eu l'occasion, dit ce viti- 
culteur , de remarquer 
dans ma collection de vi- 
gnes, à la Calmette, un 
fait des plus curieux sur 
trois greffes d'une variété 
espagnole, qui m'est ve- 
nue de la collection du 
Luxembourg et que j'ai 
reconnue pour être notre 
Morastet noir. Un du> 
trois ceps a porté, à ma 
grande surprise, des rai- 
sins noirs d'un côté, tout 
à fait semblables à ceux 
de Morastet et sur un 
coursou opposé, mais tou- 
jours sur le même cep, 
des grappes blanches, d'un 
aspect tout autre que ce- 
lui qu'aurait pu produire 
un Morastet blanc, et 
un feuillage de forme et 
de couleur très-différen- 
tes... » 

On voit que ces faits, 
quoique rares, ont pu 
cependant être observés 
avec altention.il se pour- 
rait qu'ils se soient pré- 
sentés plus souvent qu'on ne suppose, mais que 
l'ignorance de cultivateurs ait empêché de les signa- 
ler à l'attention des botanistes. Notre gravure donne 
la représentation à peu près exacte du phénomène 
de dichroïsme, que nous avons signalé au début de 
cette notice. La grappe était assez volumineuse et 
d'un fort bel aspect; ses grains étaient dorés par le 
soleil et arrivés à un état de maturité complet. Le 
grapillon noir se trouvait à la partie supérieure de 
la grappe. Il formait un singulier contraste à côté 
des autres grains blancs, sur lesquels il se déta- 
chait. 



Le Propriétaire-Gérant : G. Tissaxdiek. 

Cor.ni-.li.. Ixi'. ftstor. de Ciûri. 



-\ 8 71. — 10 OCTOBRE 1874. 



LA NATURE. 



289 



UNE ASCENSION DU MONT BLANC 1 

Ce sont doux habitants de Chamonix, le docteur 
Paccard et le guide Jacques Balmal, qui pour la 
première fois foulèrent du pied le sommet du mont 
Blanc. La cime du géant des Alpes, jusqu'alors inac- 
cessible, fut prise d'assaut par ces hardis voyageurs, 
en août 4786. 

Le professeur de Saussure, alors à Genève, apprit 
la nouvelle de cette glorieuse entreprise, et il voulut 
aussi la tenter sur le champ. Mais les pluies et les 



neiges l'obligèrent à remettre" son ascension à l'an- 
née suivante. Il pria Bal mat de l'avertir lorsqu'il 
jugerait le temps favorable. Au mois de juillet 1787, 
Saussure rencontra, à Sallanulie, Jacques Balniat, 
qui venait de réussir une deuxième ascension le 5 du 
même mois et qui s'était fait accompagner cette fois 
par deux de ses amis. 

Saussure, plus que jamais enflammé du désir de 
gravir le sommet du grand massif alpestre, se rendit 
à Chamonix. « J'étais décidé à attendre jusqu'à la 
fin de la saison, raconte-t-il, plutôt que de manquer 
l'occasion favorable; il vint enfin ce moment si 




Ascension du mont Blauc. - Lt Mont maudit, vu du pieu dos Cosses, à 43U0 mètres, d'altitude. (D'après nature.) 



désiré et le 1 er août 1787 je me mis en marche, ac- 
compagné d'un domestique et de dix-huit guides qui 
portaient mes instruments de physique et tout l'atti- 
rail dont j'avais besoin. » 

A la fin de la première journée il lit placer une 
lente et coucha à 779 toises au-dessus de Chamo- 
nix; le troisième jour seulement, après bien des 

* Le club Alpin français m'a fait l'honneur de me con- 
fier le soin de conduire la première caravane alpestre, qu'il 
a organisée sous les auspices de son président, M. Cézanne. 
Nous ne parlerons pas ici do notre voyage, dont le récit nous 
entraînerait dans de trop longues descriptions, mais nous 
croyons que le lecteur lira peut-être avec quelque intérêt 
l'histoire de notre ascension au sommet du mont liliinc, exé- 
cutée le 27 août 1874, quelques jours avant le terrible sinistre 
dont il a été précédemment parlé. (Yoy. la Nature, n° G8. — 
19 septembre 1874, p. 25». ) " A. T. 

!* mm. «— ï* semestre. 



peines et mille souffrances, il arriva enfin à la cime 
tlu mont Blanc. 

Aujourd'hui les temps sont bien changés et l'as- 
cension est loin d'être aussi pénible. Au lieu décam- 
per au hasard dans les rochers, on arrive, le premier 
jour, aux Grands-Mulets, à 3,050 mètres. Là, dans 
une cabane bien abritée, une servante vous donne à 
dîner et vous offre un lit pour vous reposer des pre- 
mières fatigues. 

La traversée du glacier des Bossons est une des 
parties la plus curieuse de l'ascension ; les séracs 
par lesquels il faut passer, les immenses crevasses 
que l'on franchit à grand'peine en font une première 
étape assez pénible. De Chumouix aux Grands- 
Mulets il faut environ 7 heures de marche, mais le 
paysage glacé que l'on parcourt, les beautés incom» 

19 



290 



LA ISA TIR K. 



p ambles que l'on aclnrire, font oublier les fatigues 
du voyage. 

De toutes parts s'offrent aux regards des grottes 
tapissées de stahictit.es transparentes; çii et là des 
cascades disparaissent au milieu de crevasses dont le 
fond est couleur d'azur; des séracs aux silluu ;tles 
bizarres cachent souvent la vue du ciel ; l'isolement 
complot et le silence de ces lieux désolés que trou- 
blent seulement les craquements des glaces donnent 
un charme indéfinissable à ce monde extraordinaire. 

J'arrive aux Grands-Mulets avec deux amis qui 
m'ont accompagné et mes guides. ÎNous prenons 
quelque repos. Une dame parisienne est là avec son 
fils; elle vient de tenter l'ascension du Mont-Blanc; 
mais la respiration lui a manqué au pied des bosses 
du Dromadaire; elle est revenue sur ses pas. Plu- 
sieurs dames ont cependant, cette année, réussi leur 
tentative, trois Anglaises et une Espagnole entre 
autres ont eu la force d'atteindre le but de leur 
désir. 

Mes compagnons, qui ne devaient m'accompagner 
que jusqu'aux Grands-Mulets, me quittent bientôt 
pour redescendre à Cliamonix. Ils se rattachent 
ensemble avec leur corde en me souhaitant un heu- 
reux voyage. Je les vois disparaître dans les glaces et 
les neiges des l'ossons. 

Tout semble m,' annoncer le succès de mon entre- 
prise. Un coucher de soleil féerique commence à 
éclairer les neiges du Mont-Blanc. Le dôme du Goû- 
ter resplendit au milieu des rayons ardents; des 
nuages d'or dominent comme d'un diadème la vallée 
de Cliamonix. Nous nous trouvons bientôt envelop- 
pés dans une vapeur brillante d'où se détachent les 
séracs des Bossons et les roches granitiques qui les 
entourent. 

A deux heures du matin mes guides sont debout, 
et je m'affuble de tous les ornements qui me sont 
réservés : des lunettes vertes sur les yeux, un passe- 
montagne sur la tète et deux tartans anglais qui 
m'enveloppent entièrement, des guêtres, des sou- 
liers ferrés, achèvent mon équipement; le froid 
commence déjà à se faire sentir dans les cabanes, 
mais il sévit encore plus rigoureusement au dehors. 

Nous nous attachons, mes guides et moi, avec une 
corde passée autour de la ceinture et nous partons 
enfin, éclairés par une lanterne. La nuit est com- 
plète, les cimes du Mont-Blanc seules sont argentées 
par les derniers rayons de la lune. 

Le paysage offre un aspect vraiment fantastique. 
Ces immenses pentes de neige dont les dimensions 
semblent s'exagérer par la demi -obscurité de la nuit, 
ces crevasses énormes à droite et à gauche de notre 
chemin ajoutent à l'aspect mystérieux de la monta- 
gne; le silence est interrompu par le guide qui pioche 
dans la neige pour nous faciliter la route et tailler 
des marches afin de gravir les pentes rapides. Après 
deux heures de route nous arrivons au grand plateau 
dfx les premières lueurs du jour apparaissent. 

Le froid augmente sensiblement, aussi malgré no- 
tre fatigue, nous ne pouvons nous reposer. Nous 



marchons bien lentement cependant, les petites sont 
si raides, que je suis forcé do m'arrèter constamment 
pendant quelques secondes, afin de reprendre ha- 
leine. Je suis essouflé comme un coureur après une 
course rapide. 

Arrivé au pied des Bosses, à 4300 mètres d'alti- 
tude, je commando une halte à mes guides afin d'at- 
taquer nos provisions et de prendre quelques forces. 
Malheureusement tous nos aliments sont gelés; le 
pain, la viande sont durs comme des morceaux de 
bois, le vin tourné par le froid, de sorte que notre 
déjeuner se réduit à quelques gouttes d'eau-de-vie. 
Avant de me remettre en route, malgré le froid ri- 
goureux, je prends un croquis du paysage incompa- 
rable qui s'offre à mes yeux (voy. gravure ci -contre) ; 
la silhouette bizarre du I\l ont-Maudit domine d'im- 
menses plaines de neiges sillonnées de crevasses; un 
ravin énorme à nos pieds et quelques roches graniti- 
ques forment comme des contreforts à ces éternels 
monceaux de neiges. 

Bientôt nous commençons notre dernière étape : 
nous gravissons les Bosses; elles forment une crête 
fort étroite et de chaque côté une pente presque à 
pic nous isole complètement du reste de la montagne. 
A nos pieds s'étendent de larges crevasses, de sorte 
que nous marchons avec prudence, car le moindre 
faux-pas pourrait nous entraîner dans les abîmes 
glacés. 

En passant ces crêtes de neige, on nous voit de 
Cliamonix, et nous entendons le canon qui est tiré 
en notre honneur. Ce salut sympathique me fait 
éprouver une vive joie, comme à tous les touristes 
qui ont passé par ces chemins. Saussure a ressenti 
le même, sentiment comme il le raconte lui-même : 
« Mes regards, dit l'illustre voyageur, furent pour 
Cliamonix et le prieuré, où je savais ma femme et 
ses deux sœurs, l'œil fixé au télescope, suivant tous 
mes pas avec une inquiétude trop grande sans doute 
mais qui n'en était pas moins cruelle, .l'éprouvai un 
sentiment bien doux lorsque je vis flotter l'étendard 
qu'elles m'avaient promis d'arborer au moment où, 
me voyant à la cime, leurs craintes seraient au moins 
suspendues. » 

A la hauteur de 4400 mètres la respiration com- 
mence à devenir quelque peu haletante et pénible, 
mais je supporte sans trop de douleur l'effet de la 
raréfaction de l'air. Mes deux guides m'observent à 
ce moment et me disent que souvent les voyageurs, 
à cette altitude, prennent un teint particulier, par- 
fois leurs yeux se troublent et les forces leur man- 
quent; il faut alors les hisser àgrand'peine jusqu'en 
haut, ou redescendre, suivant le degré d'énergie de 
l'explorateur. C'eût été pour moi une grande dou- 
leur que d'être obligé de rétrograder. 11 m'est arrivé 
d'atteindre en ballon des hauteurs à peu près égales 
à celles du Mont-Blanc sans être incommodé; mais 
l'ascension en montagne, lente et pénible, ne res- 
semble en rien à celle que l'on exécute si vite et 
sans fatigue dans la nacelle aérienne. 
Nous arrivons enfin au sommet du Mont-Blanc, à 



LA NATURE. 



291 



4,810 mètres d'altitude, où le plus sublime panorama 
s'ouvre à nos yeux, par un ciel pur et limpide. 

Jusqu'à perte de vue le soleil illumine du côté de 
la France, les cimes neigeuses des Alpes ; du côté de 
l'Italie quelques petits nuages courent au sein de 
l'atmosphère et s'arrêtent en forme de panaches 
sur les pics et les aiguilles. Les Apennins, les 
Alpes-Maritimes, les Alpes suisses et le Jura se 
perdent dans le bleu du ciel et dans une lumière 
incomparable, ainsi que le Mont-Rose, le Cervin, le 
Ilolliorn, les pics et les monts qui nous étaient déjà 
familiers, le Buet, le Jardin des Marmottes, les Ju- 
rasses, le Cramont, le Brevent, etc. Le lac de Ge- 
nève apparaît comme une large émeraude posée sur 
des vapeurs. On ne peut se lasser d'admirer ce spec- 
tacle; sauf les vues aériennes que l'on admire en 
ballon, rien ne peut se comparer à de pareilles 
splendeurs. Le froid seul m'oblige à m'arracher à 
cette contemplation ; après un quart d'heure au 
plus, ce splendide diorama va disparaître à nos 
yeux. Il faut descendre dans la vallée... 

Le soir j'étais revenu à Chamonix, heureux: d'avoir 
planté mon pic, au sommet du Mont-Blanc, au nom 
du nouveau club Alpin français. 

Albert Tissandibr. 



U TERRE FRANÇOIS-JOSEPH 

Les efforts faits par les Américains pour arriver à 
la conquête du pôle Nord ne pouvaient laisser les 
Austro-Hongrois indifférents. En 1872, il se forma à 
Vienne une société semblable à celle que notre cher 
et malheureux Gustave Lambert avait organisée à 
Paris. 

On décida d'armer une expédition pour faire le 
périple de l'Océan glacial le long des côtes de l'Asie. 
Quoique cette partie du globe soit marquée sur nos 
cartes, les géographes ignorent complètement son 
contour. L'on ne possède, sur les régions situées à 
l'orient de la Nouvelle-Zemble jusqu'à la mer de 
Behring, que des récits inexacts et fabuleux. 

On lit choix du vapeur Teghettoff, que l'on plaça 
sous le commandement de deux officiers déjà accou- 
tumés aux explorations arctiques, le lieutenant de 
vaisseau Weyprecht et le sous-lieutenant Payer. 
L'état-major comprenait deux ofliciers de la marine 
impériale, un mécanicien-chef et un médecin. 

Deux capitaines marchands, un. Autrichien et un 
Norvégien s'étaient engagés comme maîtres d'équi- 
page; on avait choisi les matelots parmi les plus ro- 
bustes et les plus capables de la marine autrichienne. 
Enfin on avait eu l'idée d'adjoindre à l'expédition un 
guide des Alpes et un chasseur de chamois, ainsi 
qu'un certain nombre de chiens très-robustes pour 
mener les traîneaux. 

Le- départ eut lieu au mois de juin 1872 à Brème. 
Après avoir touché à Tromsoë, les Austro-Hongrois se 
rendirent à la Nouvelle-Zemble, où l'on reçut de 



leurs nouvelles par un des organisateurs de l'expédi- 
tion qui les quitta au moment où ils devaient s'en- 
gager dans des régions inconnues. Depuis lors on 
cessa d'entendre parler du Teghettoff. 

Tout à coup, au commencement de 1 874, le bruit 
se répandit que le Teghettoff avait fait naufrage sans 
avoir pu parvenir au détroit de Behring et que son 
équipage devait errer sur les côtes de la Nouvelle- 
Zemble. M. Smith, riche ethardi explorateur anglais, 
qui va tous les ansse promener dans les mers glaciales 
avec son sloop à vapeur la Diana t partit de Dundee pour 
aller à la recherche des naufragés. Mais avant que la 
Diana fût de retour à Tromsoë, on vit revenir les 
Austro-Autrichiens à bord d u schooner A : i colas, capi- 
taine Fédor Varonin. lis avaient été ramassés sur les 
glaces de la Nouvelle-Zemble après avoir éprouvé des 
aventures très-extraordinaires et fait une grande dé- 
couverte absolument inattendue. 

Le TegkettQffét&it un steamer de 220 tonneaux et 
de 75 chevaux de force, ayant assez de charbon dans 
sa cale pour marcher pendant près de 1,000 heures 
avec une vitesse rie fi à 7 nmnrls. Cependant il avait 
été saisi par les glaces et entraîné vers le nord avant 
d'avoir pu se dégager. Il était ainsi parvenu en face 
d'une terre haute couverte de montagnes et de gla- 
ciers et avait été obligé d'hiverner au large, par 79°, 61 
de latitude et 50° de longitude orientale. 

Les marins avaient employé l'aimée 1875 à recon- 
naître cette terre qui est très-longue, couverte de 
hautes montagnes et presque entièrement dépour- 
vue de végétaux et d'animaux. Les roches sont 
toutes constituées avec de la dolerite et' les glaciers 
qui recouvrent des sommets élevés de 5 à G, 000 
pieds ont un développement prodigieux. Cette terre à 
laquelle les Austro-Hongrois ont donné le nom de 
François-Joseph, s'étend sur plus de 10 degrés de 
longitude. Elle s'élève jusqu'au 83 e degré de longi- 
tude boréale, c'est-à-dire un degré au nord des ré- 
gions océaniques où est parvenu Parry. Elle dépasse 
la latitude des découvertes du capitaine Hall dans le 
fond de la mer de Baffin. Le cap qui la termine du 
côté du nord, a été exploré par les navigateurs. 

On ne s'était jamais autant approché du pôle bo- 
réal dont on n'«st plus guère qu'à 7 degrés. 

Le cap se trouve dans un Océan dont on ne con- 
naît pas les limites, mais on ne saurait dire s'il 
s'étend jusqu'au pôle ou si au nord de l'île François- 
Joseph ne se trouve point une autre terre encore in- 
connue. Ce que l'on sait, c'est que les bois flottés 
sont très -rares dans ces parages, et que la glace ne 
parait pas avoir été charriée par des courants venant 
de l'extrême nord, mais avoir été formée surplace. 
Le minimum de froid a été très-rude, le thermo- 
mètre est descendu à bord du Teghettoff jusqu'à 50° 
centigrades au-dessous de 0. U était encore plus ri- 
goureux sur l'île François-Joseph. Cependant l'équi- 
page, en deux ans de campagne, n'a perdu qu'un 
seul homme, le mécanicien Otto Krisch, mort de la. 
phthisie. 

W. DE Fo.WIELLE. 



292 



LA NAITRE. 



L'IXSTITUT DU FER ET DE L'ACIER 

MEETING DE BAIIR0W. 

« Barrow est la plus récente de toutes les nouvelles 
cités modernes. » 

Telles sont les paroles prononcées par le duc do 
Devonshire à un banquet qu'il a offert le 2 septem- 
bre dernier, avec les directeurs de la Compagnie des 
aciers Hématite de Barrow, aux membres de l'insti- 
tut anglais du fer et de l'acier. 

En 1846 Barrow ne possédait qu'un seul cottage 



sur le bord delà mer, et dans le port il n'y avait 
qu'un seul bateau pêcheur. Dix ans plus tard c'était 
une ville de 3,000 habitants; en 4871 la population 
s'élevait à 50,000 ; elle ne lait que s'accroître depuis. 
Les immenses hauts fourneaux, qui produisent par 
an 180,000 tonnes de fonte en gueuse, ont été con- 
struits à l'origine par MM. Schneider, Il umay etC' c ; 
ils sont, maintenant rallachés à la fabrique d'acier 
Bessemer, et cette énorme propriété appartient à la 
compagnie Hématite des mines de fer et d'acier de 
Barrow, qui produit 2,000 tonnes d'acier par se- 
maine et emploie de 5 à 0,000 ouvrieis. 




Vue d'ensemble des hauls-fourneuiu de Barrow pendant la nuit. 



On voit encore à Barrow un grand nombre de 
chantiers, scieries à vapeur, chantiers de construc- 
tion de navires, moulins à vapeur, et nombre de 
fabriques pour travailler le chanvre, les fils de fer, 
les machines à vapeur, etc., etc. La cause principale 
de cette prospérité si rapide est due à la grande dé- 
couverte de M. Bessemer de la coti version de la fonte 
en acier. 

Le principal meeting a eu lieu à l'ilôtel-de- Ville de 
Barrow. La grande salle avait été richement décorée 
cl on pouvait y admirer de magnifiques spécimens 
d'hématite locale et d'autres minerais. 11 y avait en- 
tre autres de beaux échantillons de schiste avec des 
modules de minerai de fer et une variété de mine- 
rais de la mine du parc qui se trouve dans la localité, 
et dont la propriété est de pouvoir se fondre avec 



moitié moins de peine et de dépense que d'autres 
espèces de minerais généralement très-estimés. Des 
spécimens de minerai d'une mine voisine, la mine de 
Stank, parurent d'une qualité égale et même meil- 
leure que la plupart de ceux qu'on trouve dans d'au- 
tres districts. Quelques rognons contenaient près de 
70 pour 100 de fer, et le rendementque l'on obtient 
habituellement ne dépasse pas 60 pour 100. On avait 
exposé une nouvelle forme d'anémomètre, pour in- 
diquer la force du tirage des cheminées. M. Isaac 
Lowtl liait Bell, présidait l'assemblée du fer et de 
l'acier et était assisté par le duc de Devonshire, lord 
Frederik Cavendisb, sir James Ramsden, John Jones 
Esq, J. T. Smith Esq. 

Des communications furent faites par M. Wurz- 
burger, sur la géologie de la côte occidentale; par 



LA NATliME. 



293 



M. Charles Smith do Barrow sur le minerai et le fer 
en Suède, et par M. T. Wrightsou sur un nouveau 
système du hauts-fourneaux. 

A la fin du meeting les membres visitèrent les fon- 
deries d'acier de la Compagnie Hématite de fer et 
d'acier deBurrow à Ilindpool. La première chose qui 
s'offrit à leur vue fut la salle où se font les rails de 
chemin de fer; rien de plus intéressant que de voir 
les procédés qui transforment un énorme lingot d'a- 
cier en rails parfaits, coupés à la longueur voulue 
par une scie à vapeur. 

Les visiteurs passèrent ensuite dans une autre 



partie de l'établissement où se fait la même opéra 
lion, mais au moyen de laminoirs. La facilité avec la- 
quelle les machines pouvaient agir dans des sens op- 
posés et par conséquent l'augmentation de rapidité 
avec laquelle les rails pouvaient se produire, excitèrent 
une grande admiration. Les visiteurs examinèrent en- 
suite les appareils à faire l'acier, les hauts- fourneaux 
et les convertisseurs de M. Bessemer, au moyen des- 
quels on change la fonte en acier fondu. Les gra- 
vures que nous donnons de l'intérieur de la fabrique 
d'acier, représentent le foyer d'un des fourneaux et 
l'aspect général des hauts-lourneaux la nuit. 




Partie inférieure d'un haut-fourneau a Barrow. 



Les membres du meeting visitèrent les chantiers 
je construction de navires et assistèrent au lance- 
ment d'un nouveau bateau à vapeur. La cérémonie 
était célébrée par Lady Frederick Cavendish, qui 
donna le baptême et appela le nouveau bâtiment du 
nom de Lismore. L'n des pi us grands attraits du chan- 
tier est actuellement l'immense vapeur en fer the 
AnchoHa, qui une fois terminé et lancé, sera sans 
aucun doute, un des plus beaux bâtiments delà ma- 
rine marchande. 

On a remarqué particulièrement l'aspect général 
de Barrow qui, vu du canal, est tout à fait saisissant: 
les grandes cheminées et les hauts-fourneaux en 
flammes de Hindpool forment un fond rougeàtre d'où 
se détachent, d'une manière très -pittoresque, les na- 
vires qui flottent sur la mer. 



Les 900 baraques des ouvriers, dans File de Bar- 
row, construites pour abriter une population qui 
s'accroît avec une rapidité sans précédent, sont en- 
core une des grandes curiosités de la ville et doivent 
être visitées par tous les voyageurs. 

La fabrique de chanvre attira également l'atten- 
tion des membres du meeting. La Compagnie importe 
annuellement, dans ses propres navires directement 
de Calcutta, 10,000 tonnes de matière brute, et em- 
ploie à peu près trois mille bras. 

Le Devonshire-Dock de Barrow est le plus grand 
des docks connus, achevé actuellement. Il couvre 
une étendue de terrain de 12 hectares, a vingt pieds 
de profondeur et 2,500 pieds de magasins en façade. 

Le dock liamsden, que l'on construit sera encore 
d'une dimension plus considérable. 



204 



LA NATURE. 



Chaque côté des docks est bordé d'un chemin de 
fer et possède des grues hydrauliques et tous les en- 
gins nécessaires au chargement et au déchargement 
des navires. 

Rarement les meetings de l'Institut du 1er et de 
l'acier ont offert un si grand intérêt que cotte 
année. 

— ^^ 

L'ASSOCIATION BRITANNIQUE 

pour l'avancement des sciences. 

Session de Kflfast. 

(Suite et fin — Voy. p. 242.) 

M. Tyndall, dans sou discours d'ouverture du Cou- 
grès, a fait du poëme de Lucrèce, la hase de la 
science moderne. Il se livre à l'apologie de l'ato- 
misme systématique et, après avoir développé lon- 
guement les évolutions de la théorie des atomes, il 
appelle l'attentiou de ses auditeurs sur un écrivain 
anglican du dix-hui liane siècle, l'évoque Butler, 
auteur des Analogies delà religion. 

M. Tyndall cite l'opinion de cet évêque, qui a luit 
remarquer que notre corps n'a pas plus de rapports 
avec notre âme que les objets environnants, et il 
expose longuement les raisons qui lui font préférer 
l'opinion de l'évêque Butler à celle de Lucrèce, dont 
il se déclare cependant le disciple. Mais M. le prési- 
dent Tyndall n'a mentionné l'opinion de l'évêque 
Butler, que pour y trouver quelques arguments en 
faveur de l'atomisme, et il cherche à profiler des 
arguments qu'il découvre ainsi pour expliquer com- 
ment des atomes matériels peuvent arriver à perce- 
voir des idées. C'est par les vibrations des molécules 
du cerveau que l'auteur paraît vouloir résoudre celle 
difficulté. Ce point établi, M. Tyndall retrace le ta- 
bleau des doctrines transformistes et de l'évolution, 
et ébauche l'histoire de la création d'une façon ana- 
logue à celle que l'on peut trouver dans le livre de 
Hœckel. 

L'explication sommaire de ces nouvelles doctrines 
seit de préface à un exposé de la théorie de l'équi- 
valent mécanique de la chaleur et de la conserva- 
tion de l'énergie, telle que Mayer l'a donnée. L'ora- 
teur passe ensuite à l'analyse de la théorie de 
Spencer, philosophe anglais, qui a essayé de déduire 
les conséquences logiques de la grande découverte 
du médecin allemand. Spencer s'efforce de montrer, 
par des arguments irrésistibles, que c'est le déve- 
loppement du tact qui est arrivé à constituer l'intel- 
lect par un travail d'évolution et de différenciation, et 
il termine par une explication de l'origine de la vie. 
Le discours de M. Tyndall, qui manque parfois 
de clarté, a été d'une longueur extraordinaire. La 
lecture en a duré plus de trois heures. 

Parmi les communications nombreuses des mem- 
bres du Congrès, nous choisirons celles qui offrent 
un intérêt particulier. 

La comète de Coggia a donné lieu à des discussions 



fort intéressantes, auxquelles)!. Iluggiusct M. Loc- 
kyer ont successivement pris part. Ce dernier astro- 
nome ayant observé l'astre avec le grand télescope de 
Newal, a eu les honneurs de la séance. Chacun vou- 
lait savoir ce qu'il avait pu observer avec un instru- 
ment aussi magnifique dont, jusqu'à ce jour, l'on 
s'est si rarement servi. 

M. Symmonds a dunué lecture du rapport du Co- 
mité des pluviomètres, qui est parvenu à constater 
des faits d'un très-haut intérêt. L'année exception- 
nellement pluvieuse, 1872, a été suivie, en 1 875, par 
une année exceptionnellement sèche; de sorte que 
la quantité d'eau recueillie en 1875 n'a pas été la 
moitié de celle qu'on avait réunie l'année précédente. 
Depuis deux siècles, que l'on a commencé des obser- 
vations pi u vio m étriqué s en Angleterre, on n'a ja- 
mais constaté une si grande abondance de pluie. 

M. Robert Scott, directeur du service météorolo- 
gique, a annoncé qu'il mettait à la disposition de l'As- 
sociation tous les pluviomètres que le gouvernement 
avait étahlis en Irlande. VI. Zambra a mis sous les 
veux delà section un nouveau thermomètre pour re- 
lever les températures des mers profondes. 

M. Glaisher a donné lecture de son rapport au nom 
du Comité des météores lumineux. Le savant astro- 
nome a décrit les recherches dont les radiants des 
étoiles filantes ont été l'objet. Il a constaté que les 
météores filants semblent parcourir les mêmes roules 
célestes que les comètes; mais évidemment les ob- 
servations sont encore trop peu nombreuses pour que 
les conclusions puissent être considérées comme dé- 
finitives. Le capitaine Tupman, un des voyageurs qui 
sont partis pour observer 1 le passage de Vénus, ne 
reconnaît pas l'existence de moins de 102 radiants. 
Le plus grand météore de l'année a passé au-dessus 
de l'Autriche, et a éclaté en faisant entendre un 
bruit très-distinct. Sa hauteur, mesurée par la pa- 
rallaxe, a dépassé cent kilomètres lors de sou appa- 
rition. Ce bolide paraît avoir laissé des dépôts de 
soufre qui ont été retrouvés dans des lieux où leur 
présence n'avait point encore été signalée. C'est la 
première fois qu'un phénomène de ce genre a été 
constaté. 

Le discours du docteur Brown, président de la 
section de chimie, eut pour sujet principal la théo- 
rie des substitutions et l'influence que les théo- 
ries dynamiques exercent sur le développement de 
la chimie. Les conclusions du savant professeur à 
l'Université d'Edimbourg ne s'éloignent pas beau- 
coup de ceins de son collègue, le révérend Jellet. 
Toutefois, le docteur Brown est loin de considé- 
rer la doctrine de Berzélius comme épuisée, et 
il fait, à propos de la théorie électro-chimique des 
réserves analogues, mais plus explicites encore que 
celles que l'on a pu constater dans le discours de 
M. Wurtz à la session de Lille. 

La section a voté une somme de 100 livres de sub- 
vention à la Société chimique de Londres, qui publie 
un journal mensuel de tous les faits chimiques in- 
téressants ayant paru en dehors du Hoyaume-Uni. 



LA NATURE. 



295 



Les autres parties des travaux de la section ne se 
prêtent pas à une analyse sommaire et n'offrent qu'un 
intérêt technique dont il nous est impossible de nous 
occuper ici. 

Nous ne pouvons entreprendre de résumer tous 
les mémoires intéressants qui ont été présentés aux 
diverses sections, car l'activité scientifique a été pro- 
digieuse cette année. Jamais les séances n'ont été si 
longues, si nombreuses, si Lien suivies. 

Mais nous croyons devoir dire quelques mots 
du discours du professeur Huxley, sur l'hypothèse 
que les animaux sont des machines et sur son 
histoire. Le savant professeur, avec un talent d'ex- 
position qui a excité une admiration universelle, 
cherche à ressusciter la célèbre doctrine carté- 
sienne, et môme à l'étendre jusqu'à l'homme. Quoi- 
qu'il ne l'énonce peint expressément, on peut dire 
que Huxley est fils spirituel de De la Metrie, et 
que les conclusions de l'homme-machine ne l'ef- 
frayeraient point. M. Huxley fait un éloquent appel 
à la tolérance universelle en -faveur des doctrines 
dont le but est toujours louable et utile, puisqu'il 
consiste à rechercher et à connaître lu vérité. 



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SUR LE MODE 

DE REPRODUCTION DU PHYLLOXERA ' 

Quel implacable ennemi que cet insecte dévorant. 
A. quelles conjectures n'a-t-il pas donné lieu sur ses 
métamorphoses, à quelles contradictions n'expose- 
t-il pas les savants qui se consacrent à son étude? A 
peine 51. Lichlcustein a-t-il publié ses observations 
sur les phylloxéras ailés qu'un autre phylloxeriste, 
non moins compétent, M. Balbiani, vient renverser 
ces théories nouvelles. « La lettre de M. Lichteti- 
stein, dit M. Balbiani, a principalement pour objet 
de montrer que les phylloxéras abandonnent les vi- 
gnobles à certaines époques, pour aller poudre sur 
les chênes à kermès des garigues du Midi, les œufs 
destinés à donner naissance aux individus sexués. 
J'ai déjà combattu ces vues de 51. Liehtenstein. Sa 
lettre actuelle n'apporte aucun l'ait nouveau à l'ap- 
pui de l'exactitude de ses observations*. » Api es 
avoir combattu l'explication relative au phylloxéra 
ailé, M. Balbiani prétend que le phylloxéra du chêne 
n'a aucun rapport avec le phylloxéra de la vigne, et 
voici ce qu'il dit à ce sujet : 

« Parmi les arguments au moyen desquels j'ai 
combattu la prétendue identité admise- par M . Lieh- 
tenstein entre les phylloxéras des vignes et ceux 
que l'on trouve sur les chênes à kermès, j'ai cité la 
dissemblance des individus ailés rencontrés dans ces 
deux conditions différentes d'habitat. Je puis ajouter 
que depuis j'ai pu constater entre les individus 
sexués eux-mêmes, parfaitement développés, issus 

i \ y. page 202. La Kature, n* 69, 20 septembre 1874. 
* Comptes rendus de l'Académie des sciences. Séante du 
21 septembre 1874- 



de ces insectes ailés, des variations non moins évi- 
dentes, en rapport avec leur différence d'origine. 
J'en dirai autant de ces individus ailés à forme un 
peu anormale, que l'on rencontre chez plusieurs 
phylloxéras mêlés aux individus normaux, et qui 
avaient été considérés d'abord comme étant des 
mâles par M VI . Planchon, Liehtenstein et Riley. J'ai 
eu l'occasion de les observer chez plusieurs espèces 
et d'en étudier l'organisation interne. Je me conten- 
terai de dire ici que ce ne sont pas des mules, et 
qu'ils ne remplissent même aucun rôle physiologi- 
que particulier dans les phénomènes de reproduction 
chez ces insectes, mais qu'ils ont tous les caractères 
d'individus femelles, à organes générateurs atro- 
phiés comparables, à un certain point, aux neutres 
des abeilles et des fourmis, û 



LA TELEGRAPHIE OCÉANIQUE 

La plus brillante conquête du télégraphe électri- 
que est l'empire de la mer. Le cable atlantique a 
couronné une entreprise poursuivie pendant douze 
ans, avec persévérance et ténacité. Nous dirons les 
difficultés que présentait la solution de cet intéres- 
sant problème, les moyens gigantesques qu'il a mis 
en œuvre; nous décrirons les procédés delà trans- 
mission, différents de ceux qui conviennent à l'ex- 
ploitation des ligues terrestres. Pour rendre com- 
plète cette étude, nous donnerons un aperçu des 
communications sous-marines qui, à ce jour, sillon- 
nent, le monde. 

Le début de la télégraphie sous-marine remonte à 
l'an née 1850. 51. Urett immergea le premier entre 
l)ou\res et le littoral français, un simple fd de cui- 
vre recouvert de gutta- percha, long de 50 kilomè- 
tres. Cet essai, qui ne fut pas couronné de succès 
(le lil se rompit après l'échange de quelques si- 
gnaux), fut repris en \ 851 ; un conducteur plus ré- 
sistant, cuirassé de fer, fut posé entre Douvres et le 
cap G riz-Nez, près de Calais. 

En 1854 se forme une compagnie anglo-améri- 
caine, sous le nom de « Société du télégraphe de 
Londres à New-York. » Les opérations de cette com- 
pagnie se bornèrent à la réunion de Terre-Neuve au 
continent américain par un câble de 1G0 kilomètres. 

En 1850, nous retrouvons une nouvelle société 
constituée en Angleterre par MM. Cyrus Field, llrett, 
Whitehouse et Ch. Brigbt, sous le nom de Compa- 
gnie transatlantique. C'est à elle que revient l'hon- 
neur d'avoir établi le premier trait-d'union entre les 
deux mondes. 

Les gouvernements anglais et américain accor- 
daient une subvention do 350,000 francs par an, pen- 
dant la durée effective de la communication, et of- 
fraient leur concours pour les études et la pose. Cette 
dernière opération fut décidée pour l'année suivante. 

Les points d'atterrissement choisis furent la baie 
de la Trinité, sur la côte orientale de Terre-Neuve,, 



296 



LA N AT LUE. 



et Valentia sur la côte occidentale de l'Irlande ; la 
distance, suivant l'arc de grand cercle, est de 3,100 
kilomètres. 

Quant à la profondeur de la mer entre les deux 
points, les sondages firent reconnaître qu'à partir de 
la côte de l'Irlande, le fond s'abaissait progressive- 
ment; à 200 kilomètres, on atteignait la p lolondeur de 
1 ,000 mètres. Là le sol marin s'incline brusquement 
pour descendre à 3,200 mètres. Puis, sur une lon- 
gueur de 2,500 kilomètres, c'est-à-dire jusqu'à 400 
kilomètres de Terre-Neuve, les fonds restent entre 
5,000 et 4,500 mètres. Cet espace, baptisé par le 
commandant, Maury du nom de plateau tclëqraphi- 
que, est revêtu d'une boue visqueuse devant former 
un lit assez doux pour le conducteur qu'on allait lui 
confier ; relativement à des profondeurs pouvant aller 
jusqu'à 16,000 mètres, cette désignation est justi- 
liée. On prépara 4,000 kilomètres de câble, pesant 
2,500 tonneaux et ayant coûté G millions de francs. 
La moitié de cette cargaison fut embarquée sur le 
vapeur anglais Agamemnon et l'autre moitié sur la 
fréga te aruéricai no le Nia gara. Los dviux bâtiments par- 
tirent ensemble de Valentia le 5 août 1857 ; le troi- 
sième jour, le cable se rompit, par des profondeurs 
de 5,600 mètres, on en avait dévidé 000 kilomè- 
tres : c'était un premier échec. On revint en Angle- 
terre. 

Une seconde campagne fut décidée pour l'année 
suivante : on prépara dans cebui, 50(J kilomètres de 
cable neuf. 11 fut ensuite convenu que les deux, na- 
vires chargés de lil par! iraient du milieu de la dis- 
tance, chacun de leur côté, l'un vers l'Irlande, l'au- 
tre vers Terre-Neuve, afin d'abréger de moitié la 
durée de l'immersion. L'expédition quitta Plymouth 
le 10 juin 1858; le mauvais temps relarda les na- 
vires, qui ue furent que le 20 au rendez-vous assi- 
gné. Trois tentatives successives furent infructueu- 
ses; on laissait encore celte fois 500 kilomètres de 
table en pâture à l'Océan. 

On repartit le 17 juillet, les deux: navires se re- 
trouvèrent réunis le 28, par un temps magnifique. 
Le 5 août, les deux extrémités étaient amenées à 
terre, l'une à Valentia, l'autre à Terre-Neuve. Les élé- 
ments étaient domptés : un enthousiasme inouï salua 
des deux côtés de l'Atlantique la nouvelle de cet. 
événement. Mais cette joie devait être de courte 
durée; après la transmission des messages de félici- 
tation, et de quelques dépêches péniblement arra- 
chées à un conducteur très-défectueux, on n'en tira 
plus rien. Le résultat financier de l'entreprise restait 
déplorable. 

Nous voici au mois de septembre 1858, avec une 
cruelle déception. Les auteurs seuls ne désespéraient 
pas ; il savaient que tout était à perfectionner : fa- 
brication du câble, machine de pose, transmission 
des signaux. 

Les capitalistes ne partagèrent leur foi qu'après 
six ans de sollicitations. Nous nous retrouvons en 
1864. Dans l'intervalle, plusieurs tentatives deins 
d'autres directions, et une vaste enquête prescrite 



par le gouvernement anglais eu 1801 vinrent celai- 
rer la question. Dans cette enquête furent entendus 
tous les électriciens, ingénieurs, fabricants, qui 
avaient assisté aux opérations précédentes, ou 
s'étaient occupés de télégraphie sous-marine. 

Un nouveau modèle de câble fut adopté; le choix 
des matériaux et la fabrication furent entoures de 
soins particuliers, qui n'avaient point été apportés 
antérieurement. La résistance et l'isolement du con- 
ducteur furent mesurés avec une précision inouïe. 
Le câble avait un diamètre de 27 millimètres, il pe- 
sait 900 grammes par mètre dans l'air et 370 dans 
l'eau : il pouvait supporter, sans se rompre, une 
tension de 7,800 kilogrammes. Au mois de mai 1805, 
on en possédait une longueur de 4,500 kilomètres, 
pesant 4,000 tonneaux. 

li fallait trouver un bâtiment pour cette masse, 
on renonçait à la division sur deux navires. Le Great- 
Eastern reposait inutilement dans la Tamise, il fut 
rapidement approprié à celte nouvelle destination. 
Trois grands puits étanehes en tôle, de 17 mètres de 
diamètre et do plus de G mètres do profondeur, 
furent disposés pour recevoir le câble. Le Greal- 
Easlern partit au commencement de juillet, sous le 
commandement du capitaine Anderson. 

Notre vignette représente ce magnifique bâtiment 
sous voiles; la coupe qui est donnée au-dessous est 
suffisamment expliquée par la légende qui l'accom- 

P»g ne - 

Nous continuons le récit de l'expédition. Le 24 

juillet, 155 kilomètres de câble environ avaient été 
immergés, lorsqu'on constata subitement une dimi- 
nution sensible de l'isolement. L'ingénieur, M. Can- 
ning, se décida à relever le câble pour trouver le 
point défectueux. 11 eu fallut relever 18 kilomètres; 
cette opération laborieuse dura vingt-quatre heures. 
On trouva le câble traversé diamétralement par un 
morceau de fil de 1er, qui avait pénétré dans l'enve- 
loppe de gutta-perolia et atteint le conducteur en 
cuivre. On coupa la partie défectueuse, on fit une 
soudure et on se remit en roule. Cinq jours se pas- 
sèrent sans encombre ; les inquiétudes qu'avait fait 
naître le premier accident commençaient à se cal- 
mer, quand, le 29 juillet, 1,500 kilomètres étant 
immergés, une nouvelle perte plus sérieuse que la 
précédente se déclare. On procède au relèvement et, 
au bout de neuf heures, on trouve encore un fil de 
fer pointu qui traverse le câble. L'accident réparé, 
on remet le cap sur Terre-Neuve. Le 2 août, un nou- 
veau défaut est signalé par le galvanomètre employé 
à mesurer le courant; on commence le relèvement, 
mais un accident survenu à la machine oblige à 
stoper; le câble, soumis à une tension énorme, se 
rompt et tombe au fond de l'Océan. On est à 
1,100 kilomètres de Terre-Neuve, par des profon- 
deurs de 3,700 mètres. M. Canuing essaya eu vain 
de draguer le conducteur au fond de l'Océan. Au 
dire des ingénieurs anglais, le câble fut quatre fois 
saisi par les grappins du Great-Eastern; quatre fois 
la corde qui tendait le grappin rompit avant de 




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298 



LA NATURE. 



l'amener à la surface. Ayant épuise toutes les cordes 
dont il pouvait disposer, M. Canning se résigna à 
regagner l'Angleterre, après avoir soigneusement 
relevé la position où gisait l'extrémité du fil et 
l'avoir marqué par des bouées. 

Tel est le réeit succinct de la catastrophe de 1805. 
Mais on s'était vu si près du but, qu'elle n'inspira 
point de découragement. Nous verrons dans la suite 
de cette notice que le succès vint bientôt récompen- 
ser tant d'efforts. - Cil. BONTEMPS. 

— La suite prochainement. — 



DE L'OSTRÉICULTURE EN CIME 

Les huîtres se trouvent en grande quantité sur 
toutes les côtes de la Chine, où elles sont désignées 
sous les différents noms de Ilao, Mao-ly, Ly-ko, Kou- 
pin, etc. Les espèces en sont nombreuses et variées. 
Les unes, grosses et larges, ont la forme dite dapen- 
Ltiuo-kan g-mou d'un pied de cheval (ma ty) 1 ; d'autres 
sont petites comme celles d'Ostendo; il y en a qui 
sont allongées (yeu-ly), ou entièrement rondes (hai- 
mao-ly) ou ayant la partie antérieure près de la char- 
nière, très-développéc, et toujours couverte de pe- 
tites pierres ou de sable adhérent à la coquille (chc- 
niao-ly). Dans la province de Fokien, une petite 
espèce nommée Tch in-tchou~hao (huître à perle) est 
très-recherchée pour la finesse de son goût. Dans la 
province du Kouang-tong, j'ai reconnu également 
quatre espèces différentes d'huîtres et qui n'existent 
pas, je crois, en Europe. Les Chinois ont sur la na- 
ture et lu reproduction de l'huître en général des 
idées fort confuses. Les uns prétendent que toutes 
les huîtres de la mer du Nord, jusqu'à une certaine 
latitude, ont l'ouverture de leurs valves toujours 
rongée vers l'est; tandis que l'ouverture des valves 
des huîtres du midi est tournée vers l'ouest; d'au- 
tres soutiennent que la direction de l'ouverture des 
valves sert seulement à indiquer le sexe de l'ani- 
mal ; d'autres disent que les huîtres mâles sont 
faciles à reconnaître par la forme très-étroite de la 
coquille près de la charnière. Enfin, deux natura- 
listes célèbres du temps des Ming, Ly-Hie-tchin et 
Tchin-tchang-ky, après avoir cherché à démontrer 
dans leurs ouvrages que tous les êtres créés par le 
ciel sont divisés en mâles et en femelles, concluent 
en affirmant que l'huître seule fait exception à cette 
loi, qu'étant d'une nature inerte, la réunion de l'yn 
avec le yang ne peut avoir lieu, et que toutes les 
huîtres sont mâles, pouvant se reproduire sans le 
concours d'un autre sexe. C'est pourquoi on leur a 
donné le nom de Mao-ly. Cette dernière idée est. cu- 
rieuse et ne s'éloigne pas considérablement de celle 
que la science moderne a adoptée au sujet de la gé- 
nération des huîtres. 

Ce qui est plus extraordinaire, c'est que les ostréi- 

' Nous avons donné le même nom à certaines liuilres qu'un 
minse daiis le midi. 



eu Heurs chinois, en général, ignorent complètement 
que les huîtres pondent des œufs à une certaine 
époque de l'année, que ces œufs éclosent dans leur 
sein d'où sortent 1 à 2 millions de larves vivantes, 
et que ces larves sont munies d'un appareil transi- 
toire de natation, qui leur permet de se répandre au 
loin et d'aller à la recherche d'un corps solide où 
elles s'accrochent et se fixent. On se demande alors 
comment ils ont pu arriver à faire ces pares d'élevage 
et d'engraissement, dont l'origine certainement re- 
monte à une époque bien antérieure à celle où cet 
art fut, suivant Pline, inventé chez les lîomains par 
Sergius Orata. La réponse est, bien simple. Suivant 
leur habitude, ils ont employé d'une manière ration- 
nelle la méthode expérimentale à laquelle ils ont dû 
tant de découvertes utiles, et qui est sans contredit 
la meilleure pour faire faire aux sciences naturelles 
des progrès sûrs et rapides. 11 est probable que les 
premiers éleveurs furent des pêcheurs qui, avant 
mis des pierres dans des endroits où ils avaient l'ha- 
bitude de jeter leurs filets, furent Irès-surpris de 
voir un jour ces pierres couvertes de naissain apporté 
par les courants sous-marins, et qui se transforma 
ensuite en excellentes huîtres. Us placèrent alors 
d'autres collecteurs et étudièrent les meilleurs 
moyens pour donner au naissain les facilités de se 
fixer et de se développer. Tel fut sans doute le com- 
mencement de cette industrie qui aujourd'hui rend 
tant dû services au commerce et à l'alimentation pu- 
blique dans l'extrême Orient. 

Voilà les règles que l'on suit maintenant eu 
Chine quand on veut construire un parc. On 
cherche un endroit sur la eôte, près de bancs 
d'huîtres, à l'embouchure naturelle d'une rivière 
ou d'un fleuve, où l'eau est légèrement saumâ- 
tre et qui soit exposé à l'action cle la marée ainsi 
qu'à celle de courant, d'une force suffisante pour 
renouveler l'eau autour des animaux sédentaires 
sans nuire à leur vitalité. Le terrain doit être 
autant que possible de sable et d'argile. Un fond 
trop vaseux est dangereux pour les huîtres ; de 
même que s'il est trop maigre, l'engraissement est 
beaucoup plus lent. 11 faut que la couche d'eau qui 
couvre les huîtres à la basse mer soit assez épaisse 
pour qu'elles ne se ressentent pas de l'action directe 
du soleil. Cet endroit doit être aussi à l'abri des 
grands vents et surtout des typhons qui, dans ces 
pays, font tant de ravages. 

Quand le choix du lieu est fait, à la cinquième 
lune, c'est-à-dire en mai ou en juin, on "y jette quel- 
ques pierres, des tuiles, des débris de faïence, de 
porcelaine ou des coquilles d'huîtres, et, l'année 
suivante, à la même époque, on relève ces collec- 
teurs afin de s'assurer si à leur surface se trouvent 
quelques huîtres. Si ce premier essai a donné des 
résultats satisfaisants, on construit le parc; dans le 
cas contraire, on cherche un autre endroit, ou bien 
l'on transporte dans le même lieu des huîtres de 5 
ou 4 années avec leurs collecteurs, autour desquels 
on dispose un grand nombre d'autres collecteurs, eu 



LA NATURE. 



299 



tenant complu de la direction des courants. Duuze ! 
mois après on relève ces collecteurs pour voir si l'on 
a été plus heureux. 

Les parcs se ressemblent presque tous. Quand un 
lieu a été reconnu propre à l'élevage des huîtres, on 
le nettoie et on y place les collecteurs destinés à re- 
cueillir et à fixer le naissain. Les tuiles sont rare- 
ment employées comme collecteur; ce n'est que 
dans des cas très-rares, par exemple, lorsque le fond 
du parc est entièrement de sable et très-solide. On 
fait presque toujours usage de pierres assez grosses, 
de forme rectangulaire, et qui sont disposées régu- 
lièrement à une petite distance l'une de l'autre, de 
manière à former une sorte de pavage. Près de 
Mingpo (Tchckiang), j'ai visité un parc dans lequel 
les pierres, au lieu de reposer directement sur le sol, 
étaient fixées avec du ciment sur un mur de deux 
pieds de hauteur, assez solides pour résister à l'ac- 
tion de la marée et des courants. 

Dans le parc de Uen-kang, qui se trouve en face de 
Maeao, le sol est couvert d'une couche de pierres de 
granit, de forme rectangulaire, distancées les unes des 
autres de 10 à 15 centimètres, et ayant 50 à 40 cen- 
timètres de longueur sur autant d'épaisseur et de lon- 
gueur (voy. fig. <i). Avant de se servir de ces pierres, 
qui sont taillées grossièrement, on les passe au feu afin 
de détruire tous les germes nuisibles qui pourraient 
se trouver à leur surface. Chaque mois, un certain 
nombre de ces pierres est relevé; on enlève avec soin 
la vase ou les herbes et on les remet en place. Entre 
les interstices des pierres, quelques éleveurs jettent 
des coquilles de vieilles huîtres. Le parc de Hen- 
kung, dont je viens de parler, a environ 400 mètres 
de longueur sur 200 de largeur; la profondeur 
moyenne de l'eau est de 1 brasse à 1 brasse et demie. 
Le fond est de sable et d'argile. - 

La direction des courants est nord et sud (fig. 1). 
Au sud se trouvent des bancs d'huîtres naturels, si- 
tués près do l'île de Taipa, l'eau, légèrement sau- 
màtre, est entretenue ainsi par une branche de la 
rivière de l'ouest, qui vient du sud-ouest. 

Les huîtres de ce parc sont magnifiques comme 
grosseur 1 , et deviennent tellement grasses que la 
couleur et la forme de l'animal sout entièrement 
(mangées après un certain temps. Quand elles sont 
parvenues à cet état d'engraissement, à la fui de la 
deuxième ou troisième année, on les détache des 
pierres qui en portent chacune 50 ou 40, on les 
ouvre et on les fait dessécher. Cette opération se fait 
deux fois par au, en avril et en septembre, et jamais 
pendant les mois de mai, juin, juillet et août. 

Pour relever les pierres, on se sert d'un instru- 
ment composé de deux longs bambous, liés entre 
eux par une corde, à l'extrémité desquels sont fixées 
deux pattes en fer formant tenaille, et qui permet- 
tent de saisir les pierres en dessous, sans toucher aux 

Beaucoup d'elles sont vertes et acquièrent une saveur un 
peu piquante. Les Chinois ont cjassé les huîtres de ce parc en 
huîtres blanches et huîtres rouges ; les huîtres vertes appar- 
ti"iiiicut à la première de ces espèces. 



huîtres qui se liuuveiit sur la partie supérieure 

(«g- 3). 

Les huîtres, une fois détachées des collecteurs, 
sont recueillies dans de grands paniers, puis elles 
sont lavées sur le Lord de la mer et ouvertes au 
moyen d'un instrument en fer, composé d'une tige 
se terminant à l'extrémité supérieure par un crochet 
très-pointu, et dont l'extrémité inférieure forme 
ciseau. Lorsque les huîtres ont été détachées des 
pierres, celles-ci sont remises en place et les co- 
quilles jetées dans la mer. On en conserve un certain 
nombre pour faire de l'engrais ou de la chaux. 

Quand cette première opération est terminé, on 
dispose les huîtres par couche dans les paniers, on 
les saupoudre do sel et on les transporte à l'établis- 
sement où ou leur fait subir les préparutions sui- 
vantes. 

On les met dans trois grands bassins en fer qui 
sont encastrés dans les cavités d'un fourneau en bri- 
ques, ayant trois portes par lesquelles on introduit 
le combustible nécessaire pour la cuisson. La hau- 
teur de ce fourneau est d'environ i m ,20 sur 1 mètre 
de largeur et 2 mètres de longueur. Un autre plus 
petit attenant au premier, à sa gauche, est employé 
pour la préparation de la sauce dite hao-yeon ou 
huile d'huître. 

On fait bouillir les huîtres pendant une demi- 
heure ; puis on les retire des bassins et on les expose 
au soleil sur une claie en rotin, qui repose sur une 
grande auge en briques ayant 2 mètres de longueur, 
l ra ,10 de largeur et 0"',35 de hauteur, dans laquelle 
on peut faire du feu quand le temps est couvert. Les 
huîtres sont considérées comme suffisamment dessé- 
chées quand leur poids a été réduit de moitié. On 
peut les garder ainsi cinq à six jours. Quand ou veut 
les conserver plus longtemps, c'est-à-dire plusieurs 
mois, on les fait sécher sur un feu modéré pendant 
deux heures environ, où on les expose au soleil pen- 
dant deux jours. La réduction du poids est alors des 
deux tiers. Ainsi préparées, elles perdent entière- 
ment leur forme primitive. Elles ressemblent à un 
ch impignon desséché et leur nuance, qui tout d'abord 
était blanc de lait, devient brune. Quant à l'odeur, 
elle est rance et môme un peu putride. 

Les Chinois mangent peu d'huîtres fraîches. Ils 
prétendent que c'est un aliment un peu froid pour 
l'estomac. Le Pentsao-kang-mou dit que l'huître a 
un goût légèrement doux et en même temps un peu 
>alé ; qu'elle ne contient aucun principe dangereux, et 
que c'est un excellent mets pour les personnes dont 
la constitution est affaiblie. Il recommande, quand 
on les mange crues, d'y ajouter un peu de gingembre 
et de vinaigre; mais il ajoute qu'elles sont bien 
préférables cuites. 

La consommation des huîtres desséchées est très- 
considérable en Chine. Leur prix varie suivant les 
années. En 1875-74, la première qualité valait 
28 tacls (226 fr.) les 65 kilogrammes ; la deuxième 
qualité, 22. taels (176 fr.). Quelquefois la première 
qualité se vend 17 tuels, si la récolte a été très- 



500 



LA SATIRE. 



abondante. J'ai essayé plusieurs fois de goûter à ce 
mets national ; ruais j'ai dû y renoncer chaque lois, à 
cause de l'odeur rance 
de ers huîtres sèches 
que rien ne peut faire 
disparaître 1 , et qui est 
due sans doute à une 
certaine fermentation 
de l'aninial qui, comme 
on le sait., entre si ra- 
pidement en puti exac- 
tion. 

ha sauce d'huître 
(tao-yeou) est assez 
bonne et pourrait être 
utilisée dans nos pays. 
Voici conirnent elle se 
prépare. Quand les 
huîtres ont été reti- 




Fiy. 1. — Carte des parcs aux huîtres de lien îi;uig. 



rées des trois bassins 

dont j'ai parlé plus haut, on prend l'eau qui en pro- j vinces, sont employées par les habitants pour eu 



sulfate et de phosphate de chaux. Ils les font calci- 
ner, soit en les mettant sur le feu enveloppées d'ar- 
gile, ou bien en les 
plaçant dans un vase 
avec un peu d'eau et 
de sel. Quand la co- 
quille a [iris une cou- 
leur rougeâtre, ils 
l'écrasent et eu font. 
une poudre nommée 
mao-ly-feu, qu'ils ad- 
nniii.-lront eu cas de 
fièvre, inappétence, in- 
flammation de la peau, 
tumeur et boutons de 
toute espèce. 

Les coquilles des 
huîtres fossiles, qui 
sont très - nombreuses 
dans certaines pro- 




l''ig. 2. — Pierre chargée d'huîtres pruieiiaut du parc de Ve-Ly, district de 
Hiang-i'han-hieii, province du Kouang-ton. (A côté de la pierre sont deux 
Irullrcs du mémo parc, S: ces de trois ans et demi à quatre ans. Une d'elles 
a été ouverte pour montrer la forme de l'Jiuîlre.) 



vient, ou remplit lu quatrième bassin et on la fat 
bouillir jusqu'à ce 
qu'elle soit réduite 
à moitié. On continue 
ainsi jusqu'à <e que 
l'eau des trois bas- 
sins soit épuisée. Ou 
obtient ainsi une 
sauce noirâtre et 
dont, le goût est très- 
appréciédes Chinois. 

Cette sauce se vend 
40 à 50 francs les 
(55 kilog. Souvent on 
la falsifie eu lui ajou- 
tant de l'eau de mer, 
du sel et du soya. 

Les huîtres sont 
non-seulement re- 
cardées par les Chinois connue un de leurs meilleurs 
aliments, mais ils s'en servent également connue 
agent thérapeutique. Ou trouve dans 
le l'en-tsao-kang-inou que si l'on 
met une huître sur le feu avec sa 
coquille et qu'on en recueille l'eau 
dès qu'elle s'ouvrira, cette eau est 
excellente pour adoucir la peau et 
faire disparaître les taches de rou- 
geur. Les médecins cliiuois tirent 
également parti des coquilles qui, 
comme on le sait, sont de véritables 
carbonates calcaires avec un peu de 

1 Avant de faire cuire les luùircs, je les 
ai fait mettre pendant plusieurs heures 
dans de l'eau tiède, mais leur odeur n'a pas 
changé, et, chose bizarre, l'eau dans la- 
quelle avaient séjourne ces huîtres est 
devenue très-verte. L'analyse de cetle eau 
sérail curieuse à opérer; j'ai cru remarquer qu'elle contenait 
une substance trcs-coirosivc. 




faire des murs (mao-ly-lsean) ou de l'engrais. 

L'ostréiculture 
donne en Chine les 
meilleurs résultats. 
Ainsi le propriétaire 
de l'établissement de 
llen-kang gagne en 
moyenne par an de 
7 à 8000 taels, en 
déduisant les dé- 
penses qui s'élèvent 
de 1500 à 2 000 taels. 
Son personnel se 
compose cou linuelle- 
meut de 8 hommes, 
à raison de 55 taels 
par mois, qui sont 
employés principa- 
lement à veiller sur 
la propreté dit parc, et à faire la chasse aux nom- 
breux ennemis qui, en Chine comme en Europe, 
s'acharnent après les huîtres, tels 
(jue bigorneaux, perleurs, oursins, 
étoiles de mer, etc. Mais ceux qui 
passent ici pour les plus dangereux 
sont : 1° deux coquillages, dont l'un 
nommé tchou-mou-lo , espèce de 
buccin (purpura) qui est muni, dit- 
on, d'une glande pouvant sécréter 
un liquide visqueux qui, pénétrant 
dans les valves entr 'ouvertes de 
l'huître, la met entièrement à la 
disposition de son ennemi ; '2° un 
poisson que les pêcheurs appellent 
chatig - yn - yu ' (poisson à tète 



Fig. 5- — Instrument chinois pour retirer 
les pierres des parcs aux huîtres. 



1 Ce poisson est une espèce de raie de 
la famille d,es myhobatcs. Il est possible, 
que le même poisson se trouve en France et soit une des 
causes principales de la destruction de certains bancs d'iiuilrcs 



LA NATURE. 



501 



d'aigle), qui, m'a t-on assuré, perce l'huître et 
l'avale; 3° une algue marine de la famille des 
Floridces, de couleur rougeâtre, qui, à certains 
mois de l'année, apparaît sur les côtes et peut, en 
quelques jours, détruire tout un parc si l'on ne 
veille pas sur elle. Mais ce que les éleveurs redou- 
tent par-dessus tout, c'est une trop grande abon- 
dance de pluie qui, en dénaturant la composition de 
l'eau, fait que les jeunes huîtres meurent en très- 
grande quantité, sans qu'il soit possible d'y remé- 
dier. D'un autre coté, si la sécheresse est extrême, 
les huîtres en souffrent parce qu'elles sont privées 



d'une partie des infusoires qui leur servent de nour- 
riture et dont le mélange des eaux douces avec l'eau 
de mer favorise le développement. Les Chinois pré- 
tendent aussi que la valeur saline de l'eau, qui varie 
suivant les saisons et les années, doit être étudiée 
avec soin quand on choisit un terrain, et que sou- 
vent un excès de chlorure de sodium, survenant tout 
à coup dans les eaux qui baignent les parcs, leur fait 
beaucoup de mal. 

Les perturbations atmosphériques, les orages vio- 
lents, les typhons ont également une influence mar- 
quée sur l'élevage des huîtres. Comme on le voit 




Fig. -4. — Parc aux huîtres de Hen-Kang, près Je Maeao. — Coupe et plan. 



les causes de mortalité ne manquent pas; néan- 
moins presque tous les ostréiculteurs chinois réus- 
sissent, et, pour les encourager, le gouvernement 
les a exonérés d'impôts. 

Le rivage de la mer et les eaux qui le baignent 
jusqu'à une certaine distance appartiennent, en Chine 
au propriétaire riverain. De sorte que si l'on veut 
construire un parc dans tel ou tel endroit, il faut 
s'adresser à ce propriétaire avec qui on passe un bail 
de dix, vingt ou trente ans. 

L'emplacement du parc de Ye-Iy, dont je joins ici le 
dessin d'une pierre chargée d'huîtres (fig. 2), et qui 
a environ 2000 mètres de longueur, a été loué par un 
temple de bonzes 2 10 francs par an pour 30 ans. Ce 
parc rapporte dans ce moment à son heureux loca- 
taire de 28 à 30,000 francs par an. A l'expiration du 



bail, qui aura lieu celte année, le prix de la location 
atteindra sans doute des proportions en rapport avec 
les bénéfices annuels. 

Les éleveurs d'huîtres, ainsi que je l'ai dit plus 
haut, ne payent pas d'impôts; mais ils sont obligés, 
chaque fois qu'ils font une récolte, de donner une 
certaine somme, dont le montant varie, aux em- 
ployés du mandarin ilu district dont ils achètent 
ainsi la protection permanente. 

Comment se fait-il qu'en France cette industrie, 
dont les progrès sont si intimement liés à la question 
de l'alimentation publique, n'ait donné jusqu'à pré- 
sent que des résultats assez peu satisfaisants pour 
que quelques personnes eu doutent encore. 

Nos huîtres seraient-elles moins fécondes qu'en 
Chine? ou bien par hnsard nos eaux ne convien- 



302 



LA NATURE. 



draicnt-elles pas à leur élevage, de même que notre 
climat? Ces suppositions ne sont pas probables. Je 
crois plutôt que cela tient à ce que les différentes 
méthodes que nous avons employées jusqu'à présent, 
quoique émanant de la plus haute science, n'étaient 
pus basées sur la connaissance approfondie de la na- 
ture et de ses lois, et que nous en sommes encore à 
chercher ce qu'il conviendrait de faire pour mar- 
cher d'un pas bien ferme et rapide. Quand on lit 
tous les rapports qui ont été écrits sur les parcs 
d'Arcachon, de Maronnes, de l'île de Ré, etc., on 
est peiné de voir que partout nous en sommes encore 
aux essais, aux tâtonnements, tandis qu'eu Chine 
l'ostréiculture, depuis des milliers d'années, fournit 
à l'alimentation publique une de ses plus précieuses 
ressources, et que l'huître, ce mollusque si hygié- 
nique et si savoureux, est devenue le met de tout le 
monde. N'y a-t-il pas encore là quelque chose à em- 
prunter à la vieille expérience de ce peuple si ob- 
servateur et si pratique? Le fonds est ce qui nous 
manque le moins. Sur nos côtes se trouvent un 
grand nombre de plages qui ne demandent qu'à être 
fertilisées. Ilàfons-nous donc de les utiliser, en ap- 
pliquant à leur culture des procédés dont la supé- 
riorité est garantie par plusieurs milliers d'années de 
succès. P. Dabry de Thiersast, 

Ciiisul de France en Chine. 



><~ 



CIN.0XIQUE 

Crémation. — L'enterrement a le triste inconvénient 
an point de vue hygiénique, de contaminer le sol, l'air et 
l'eau» sans aucun avantage en retour. Le développement de 
la population el l'extension croissante des villes ne peuvent 
le rendre que plus dangereux et impraticable. Aussi est- 
il question de le remplacer par la crémation dos corps. Un 
essai inirénicux vient d'en être fuit à Bruxelles par M. Mol- 
sen, dans son laboratoire. L'appareil, rapporte le journal 
les Mondes > se compose tout simplement d'un tube métal- 
lique assez grand pour contenir le corps à incinérer, et 
recouvert d'une grille métallique à sa partie supérieure. Un 
bac on chemise en tôle l'enveloppe entièrement, et le dé- 
î asse en haut de plusieurs centimètres. L'intervalle étant 
complètement rempli de charbon, qui s'allume et brûle 
rapidement par le courant d'air qui s'établit, on introduit 
le corps à incinérer par la partie inférieure du tube dès 
que le foyer est embrasé. Un chien de 5 kilog. a été réduit 
en cendres en une heure dans ce foyer, avec quelques frag- 
ments d'os blanchâtres: un autre de 10 kilog. 400 gr. en 
yne heure et demie, sans avoir dégagé ni fumée ni odeur 
quelconque à l'extérieur. Toutes les parties s'échappant de 
la combustion sont brûlées, en effet, par le foyer supé- 
rieur place au-dessus de la grille. Il y a pourtant un desi- 
deratum à ce procédé. Un muscle de 1,500 grammes, pris 
à l' avant-bras d'un cheval, ne s'est pas consumé dans ce 
fover. Il n'était que peu entamé après une heure. En se 
carbonisant à l'extérieur, il en résulte une enveloppe pro- 
tectrice qui empêche la combustion de se propager. En 
raison de ce succès, la Société des sciences médicales et 
naturelles de Bruxelles s'est engagée, dans sa séance du 
15 avril dernier, à faire les frais et les démarches néces- 



saires pour faciliter l'exécution de la crémation facultative. 
après un triple examen des cadavres, pour s'assurer qu'il 
n'y a pas eu crime, meurtre ou empoisonnement, et tous 
les renseignements cliniques sur le cours de la maladie. 
L'est une précaution utile, mais suffira— t— clic toujours pour 
prévenir toutes les réclamations ? 

Chemin fie fer *Ic Mcry-sur-Oîse. — Los études 
relativisa rétablissement du Chemin de fer de Méry-sur- 
Oise sont poussées avec la plus grande activité, l'adminis- 
tration désirant être à même de soumettre au Conseil mu- 
cipa], lors de sa session d'octobre, t'avant-projet concer- 
nant le tracé, avec l'indication du prix de revient de la 
construction de la voie. Les études entreprises en ce mo- 
ment comprennent l'examen de deux tracés différents, 
dont l'un emprunterait le chemin de fer du Xord jusqu'à 
Ermont, pour aller rejoindre directement Méry; le second 
tracé, partirait des buttes Montmartre et traverserait en 
ligne droite le territoire de Saint-Ouen et de Cenncvillicrs, 
pour aller franchir ensuite la Seine à Epinay, au moyen 
d'un pont à proximité de la route nationale n" 17, el de là 
se diriger, à travers Engbien et Ertuont, sur Méry. On es- 
père qu'avant peu les travaux commencés seront assez 
avancés pour que le Conseil général des ponts et chaussées 
puisse se prononcer sur le choix du tracé. L'administration 
supérieure n'a pas voulu, du Teste, paraître désintéressée 
dans une question qui touche à un si haut point la popula- 
tion parisienne ; aussi vient-elle de désigner M. [lu- 1, in- 
génieur des ponts et chaussées, attaché au service des 
eaux et égoûts delà ville de Paris, poursuivre les études 
entreprises el adresser le rapport qui devra être soumis au 
iOnseil général des ponts et chaussés. 

Nouveau puvsifje. — Un entrepreneur, dit la Revue 
industrielle, vient d'être autorisé à faire construire à 
Liège, à titre d'essai, et pour l'expérimenter, un pavage 
d'un genre tout nouveau en fonte de fer. C'est le quai 
d'Avroy qui a été choisi pour cette expérimentation, et 
près de la rue Sainte-Véronique, sur le macadam, entre 
la voie pavée et le railway du chemin de fer américain, on 
établit depuis avant-hier ce pavage nouveau système. Voici 
en quoi il consiste : on forme d'abord un lit de maçonne- 
rie sur lequel on répand une couche d'asphalte et c'est 
dans ce bitume que l'on pose les pavés en fer qui ont qua- 
tre centimètres d'épaisseur. C'est une nouvelle invention 
dont, par l'essai qu'en en fait, les qualités pourront être 
appréciées ; il faut que ces qualités soient bien supérieures 
pour être en rapport avec la dépense que doit nécessiter 
l'établissement d'un semblable pavé. 

Les •secrétaire!* perpétuel» de l'Académie. — 

L'institution des secrétaires perpétuels de l'Académie des 
sciences date de l'ancienne Académie, qui pourtant n'en 
possédait qu'un seul. Les plus célèbres secrétaires de l'Aca- 
démie sont, pour l'ancienne, Fontcnelle, Mairan et Condor- 
cet. Les prédécesseurs de M. Ehe de h\ aumont sontDelam- 
bre et Arago. — Arago et Elie de Iteaumont ont tenu la 
fonction pendant près d'un demi-siècle. Quant à Fonte- 
nelle, qui mourut centenaire, son secrétariat a duré plus 
de soixante ans. 

Phares de l'Angleterre et des £iais-U«Is. — 

On sait l'importance extrême des phares pour les naviga- 
teurs : nous donnons ci dessous quelques chiffres faisant 
connaître le nombre de ces monuments pour les deux na- 
tions chez lesquelles la marine a acquis son plus grand 
développement. — Grande-Bretagne et Irlande. Sur les 
côtes de l'Angleterre et de l'Ecosse on compte 178 phares; 



LA NATURE. 



303 



on en trouve 58 en Irlande et 6 dans les îles normandes, 
soit un total de 242 phares. Comme en France, ces phares 
sont fixes ou à feux variés (à éclipses ou à éclats) ; les 
feux sont blancs ou rouges ; il y a en outre trois feux verts 
sur les côtes de Kent, d'Essex et du Lincolnshire. Les 
phares dont la portée est la plus grande sont ceux de 
Barra-Head, dans les îles Hébrides, et du cap Wrath, au 
nord de l'Hune : ils sont visibles, paraît-il, jusqu'à 50 ki- 
lomètres. — États-Unis. Les phares et fanaux sont au 
nombre de 591 sur les côtes des Étals Luis; il y a en 
outre 55 signaux de brumes fonctionnant par la vapeur ou 
l'air chaud; de plus, pour le jour, 505 balises et 2858 
bouées aident au navigateur à reconnaître les côtes qu'il a 
en vue. Le nombre des feux nouveaux allumés pour la pre- 
mière fois s'est élevé à 29 pour l'année qui se termine le 
1" juillet 1875. 

BIBLIOGRAPHIE 

La lunette astronomique horizontale, par M. A. Laussedat, 

1 broch. ii i-8°. 

Rendons à César ce qui appartient à César, et rendons à 
M. Laussedat l'honneur de l'invention de la lunette hori- 
zontale, que Foucault a appelée le aider o&lal. Le savant pro- 
fesseur des Axis et Métiers revendique l'invention de la 
lunette astronomique horizontale, avec dos preuves si com- 
plètes à l'appui de cette revendication, que le doute n'est 
plus possible sur l'origine do ce bel appareil. 

Notes sur les paratonnerres , par M. Melsens, membre de 

l'Académie de Belgique, 1 broch. in-8*. 

La question des paratonnerres a fait un pas considérable 
à Bruxelles. Car nous voyons, d'après la notice que ce sa- 
vant nous a communiquée, que les paratonnerres placés 
sur l'Hôtel de Ville, et sur les Halles centrales ont été sou- 
mis à des vérifications soigneuses. Ces opérations ont été 
faites aussi bien a l'aide de l'électricité de tension qu'à 
l'aide do l'électricité voltaïque. Le travail de fil. Meisens 
sera lu avec intérêt par tous les physiciens. 

ACADÉMIE DES SCIENCES 

Séance du 5 octobre 1874. — Présidence de M. BEnTnANn 

Passage de Vénus. — - Jusqu'ici les diverses expéditions 
envoyées pour observer le grand phénomène astronomi- 
que du 8 décembre prochain ont suivi régulièrement leurs 
cours. Cependant une dépêche arrivée le 5 octobre à Paris 
a donné une vive inquiétude, quant au sort de M. Jans- 
sen et de ses compagnons. Cette dépêche, datée de Hong- 
Kong , 2 octobre et traduite à Singapoore, portait: 
« Eprouvé un typhon, rade de Hong-Kong. Désastre per- 
sonnel et matériel, sauf réparation. » Immédiatement on 
télégraphia à Singapoore pour avoir une explication de cette 
phrase obscure, et voici la réponse reçue hier soir et qui 
fait cesser toute crainte : « Eprouvé un typhon, rade de 
Hong-Kong, désastre. Personnel et matériel saufs. Repar- 
tons. » Il y a lieu de supposer qu'à l'heure qu'il est nos 
compatriotes naviguent vers Yoko-IIama, but final de leur 
voyage. 

Ascension aérostatique. — Un voyage d'un genre dif- 
férent, exécuté tout récemment par M. Tissandier, a fourni 
entre autres résultats curieux une obseï ration d'optique 
sur laquelle M. Dumas appelle tout spécialement l'attention. 
Le ballon, après avoir fourni son étape et descendant se 
trouve, séparé du sol par un nuage qui lui masquait abso- 



lument la terre et ce qu'elle portait. Toutefois cet obstacle 
n'était pas opaque pour les personnes situées au-dessous et 
qui virent parfaitement le ballon de façon à lier conversa- 
tion avec les aéronautes et à leur prêter une utile assis- 
tance pour la descente. Le fait, très-facile à expliquer, 
n'avait pas été observé dans des circonstances aussi re- 
marquables. Il rappelle l'effet dos glaces platinées dont on 
fait des cloisons enlre des locaux éclairés et d'autres plus 
simples, entre un magasin par exemple et l'arrière-bouti- 
que. Opaques pour quiconque est dans la lumière, elles sont 
au contraire transparentes pour celui qui setrouve derrière 
et on en fait chaque jour de nombreuses applications. 

Cristallogénie. — Nous avons analysé précédemment 
une note où M. Gemey montre qu'un cristal d'alun oetné- 
drique jeté dans la solution sursaturée d'alun détermine la 
formation d'octaèdres, taudis que dans le même liquide un 
cristal cubique donne lieu à la production de cubes. M. Le- 
eoq de Boisbondrant, contrairement à l'auteur, ne pense 
pas que cela résulte de ce que ces n'îslaux, de forme dif- 
férente, sont produits par le petit germe introduit dans la 
solution. Pour lui, celle-ci contient à la fois divers sels à 
différents étals d'hydratation, dont l'équilibre varie de l'un 
à l'autre et qui suivant les conditions de l'ébranlement 
qu'ils ressentent, restent en dissolution ou se précipitent. Il 
y a là, comme on voit, une question de mécanique pleine 
d'intérêt mais extrêmement délicate. 

Corps explosifs. — C'est un ensemble déconsidérations 
analogues qui ressort de l'étude faite par JIM. Houx et Sar- 
raud, de l'explosion des corps détonants. Ils distinguent en 
effet deux ordres d'explosion de ces corps. Le premier est 
produit par l'inflammation directe, l'autre par l'explosion 
précédente d'un corps sympathique, si on peut dire, avec 
celui qu'on étudie. Ce corps, qu'ils nomment exploseur, 
varie avec la matière exploitée. Pour la nilro-glycérine 
c'est le fulminate de mercure. Pour la poudre à canon il 
ne suffit pas d'un exploseur, il faut la nitro-glycérine mise 
en branle par le fulminate. Dans ce cas, les effets crois- 
sants de la poudre équivalent à quatre fois ceux qui se 
produisent à la suite de son inflammation pure et simple, 

Frigorîfère. — Comme son nom l'indique, c'est une 
machine à faire du froid. Elle a pour inventeur Jl. Ch. Tel- 
lier, et M. Bouley, dans un rapport des plus élogieux, dé- 
crit longuement le mécanisme et les bons effets de ce nou- 
vel appareil qui a été précédemment décrit par la Nature. 
L'éther métbyiique est l'agent frigorifique, et le principe de 
son action rappelle jusqu'à un certain point, celui qui sert 
de base à la machine Carré. SI. Tcllier s'en sert surtout pour 
avoir de l'air à zéro qu'il injecte dans une grande cham- 
bre, où il place des matières qu'il veut réf. oidir. Ce sont 
surtout des viandes et autres substances altérables. Les 
effets de conservation sont vraiment surprenants. La viande 
perd une partie de sou eau et se recouvre d'une mince 
couche sèche qu'il faut enlever au moment où on en fait 
usage, mais elle résiste complètement à la putréfaction, 
et cela indéfiniment. Du gibier faisandé, s'arrête dans son 
travail de décomposition. Bien plus, la vïande ainsi traitée 
peut ensuite être longtemps exposée à l'air sans rien 
subir de particulier. Un gros gigot de mouton, retiré de 
la chambre froide, fut conservé, par M. Bouley, pendant 
• les trois mois les plus chauds de l'été, et il ne fit que se 
I dessécher un peu, sans manifester le moindre commen- 
cement de putréfaction. 

Analyse spectrale. — Un petit appareil, très-simple et 
de nature à rendre de grands services, est présenté par 
M. Dumas, au nom do deux de ses élèves. Il a pour objet 



SOi 



LA NATURE. 



l'analyse spectrale des dissolutions salines. Le liquide en 
expérience s'écoule en goullelelles uniformes le long d'un 
des fils de platine à l'extrémité duquel éclate l'étincelle 
[l'induction. L'examen au speelroscopo montre les raies 
ilu sel dissous, aussi longtemps qu'on le désire el permet 
l'élude de solutions même très-pauvres. M. Lockyer qui a 
étudié l'appareil en est, dit-on, enchanté. 

Phylloxéra. — Comme d'ordinaire, un énorme tas de 
lettres arrivées de tous les points de la France, concerne 
le phylloxéra. On y voit entre autres nouvelles que le ter- 
rible fléau a passé le Jura et se prélasse à Genève; mais 
en échange on apprend avec plaisir que le ministre, se 



rendant aux vœux de l'Académie, est résolu à empêcher 
autant que possible, le transport de toute substance phyl- 
loxéréc. Un curieux résultat est signalé par l'un des hom- 
mes qui doivent dans celte matière avoir le plus d'autorité. 
Il consiste en ce que des phylloxéras, transportés artifi- 
ciellement sur des racines de vignes saines, ne détermi- 
nent pas ia maladie d'une manière permanente. 11 en 
résulte que le mal exige des conditions non encore dé- 
terminées. L'auteur de l'observation est M. Delonnc, l'au- 
teur de la découverte première delà maladie phylloxérique 
alors que la cause en était inconnue. 

Stanislas Meunier. 




Feuillage de quatre ormes imitant la sMIioueltc d'un cheval. 



CURIEUX ASPECT 

DU FEUILLAGE DE QUATRE ORMES 

On a souvent remarqué la singulière ressemblance 
que présentent quelques pierres, et surtout celles 
qui sont dues à clés dépôts aqueux, avec des êtres 
vivants. Le hasard seul intervient dans la production 
de ces bizarreries de la nature, qui ont le privilège 
de toujours exciter la curiosité. Dans les grottes de 
stalactites, il ne manque généralement pas de for- 
mations calcaires, qui offrent assez exactement l'as- 
pect d'un \isage humain ou d'un animal. Au milieu 
dos montagnes, le profil de certaines proéminences 
du sol rappelle parfois l'image d'une figure vivante. 
Mais l'observation de faits semblables a rarement été 
laite sur le feuillage dos arbres. 



Un grand nombre de curieux se rendent actuelle- 
ment entre Datehet et Wraysburg, en Angleterre, 
pour admirer quatre ormes, dont le feuillage réuni 
a pris l'aspect d'un cheval, quand on le regarde dans 
une certaine direction. Notre gravure donne lidèle- 
ment le profil de ces ormes. Les branches des quatre 
ormes se sont pour ainsi dire soudées entre elles; 
elles se replient légèrement vers la droite et imitent 
le profil de la tète du cheval; les quatre troncs en 
forment les jambes. Il va sans dire que la nature 
seule a présidé à cette singularité; les ormes en 
question sont très-ci evés et la main de l'homme n'y 
a nullement exercé son action. 



Le Propriélairc-Gcrant : U. Tissanuikh. 



Cobli.il. — mmiutuii du Cu.i». 



>'■ 72. — 17 OCTOBRE 1874. 



LA NATURE. 



505 



ÉLIE DE BEAUMONT 

La mort de l'illustre secrétaire perpétuel de l'Aca- 
démie des sciences est une perte irréparable peur la 
science française, car le nom d'EIie de Beaumont, 
suivant l'expression de M. Dumas, « personnifiait 
dans tous les pays civilisés et parmi toutes les na- 
tions, la géologie elle-même, dans son acception la 
plus sûre et la plus 
haute. » 

Elie de Beau- 
mont naquit au 
cliàteau de Canon, 
dans le Calvados, 
It; 4 25 septembre 
1798; le lieu qui le 
vit naître, devait 
être aussi celui où 
il allait s'éteindre;, 
soixante seize ans 
après, presque jour 
pour jour. 11 afallu 
une extraordinaire 
puissance de tra- 
vail , jointe à une 
pénétration peu 
commune, pour 
que cette longue 
carrière fût mar- 
quée de concep- 
tions si importan- 
tes , d'observations 
si originales, d'in- 
novations si har- 
dies et de résultats 
si imposants. 
Comme la plupart 
des grands esprits, 
que le génie doit 
féconder , Élie de 
Beaumont, dès les 
premières années 
de son apparilion 
dans le monde 
scientifique, avait 
attiré sur lui les re- 
gards, par ses belles facultés intellectuelles. On le voit 
sortir au premier rang de l'Ecole polytechnique, où il 
a été admis en 1817, pour entrer à l'École des Mines, 
où pendant plus de cinquante ans, il doit tenir une 
place si glorieuse. On le suit dès ses premiers pas 
dans les défilés des Vosges, où le jeune ingénieur, dont 
l'activité physique ne le cède eu rien à l'activité mo- 
rale, parcourt les vallées et les monts pour étudier les 
terrains de grès et publier bientôt un remarquable 
mémoire 1 marqué au sceau d'une remarquable éru- 
dition, et d'un sens pratique élevé. On le retrouve 

1 police sur les mines de fer et les forges de Froment et 
Je liathau (Vosges) — Annales des mines, 18'2'2. 

2 e aunée, — 2* semestre. 



bientôt en Angleterre, où il visite avec son collègue 
Dufrénoy, les grands établissements métallurgiques 
d'Outre-Manche, et réunit les matériaux d'un grand 
travail qui restera comme le modèle des descriptions 
savantes et techniques 1 . 

Au moment où le jeune ingénieur terminait avec 
éclat ses dernières études, le conseil de l'École des 
Mines venait de recevoir un exemplaire de la nouvelle 
carte géologique d'Angleterre, et résolut de faire 

exécuter pour la 
France une œuvre 
analogue. Dufré- 
noy et Élie de 
Beaumont, fuient 
adjoints à Brochant 
de Villiers pour en- 
treprendre cette 
tâche immense, 
dont le voyage en 
Angleterre était en 
quelque sorte la 
préface. Les deux 
ingénieurs allaient 
édifier un des plus 
importants monu- 
ments de la géolo- 
gie moderne. i\on- 
seulement la carte 
géologique de 
France donne pour 
la première fois 
l'ensemble des ter- 
rains de notre pays, 
mais dans le cha- 
pitre d'introduc- 
tion de cette œuvre 
magistrale, on peut 
lire des pages élo- 
quentes, où le ca- 
ractère des popu- 
lations est relié à 
la nature du sol, et 
où le rôle prépon- 
dérant de la France 
est exposé en un 
style puissant*. 
La géologie posi- 
tive, comme la chimie, comme la physique expéri- 
mentale, est née d'iiier : c'est à peine s'il y a un siè- 
cle que l'histoire de la terre est assise sur des bases 
certaines. Le nom d'EIie de Beaumont restera tou- 
jours marqué au premier rang des illustres novateurs 
à qui l'on doit des notions précises sur la formation 
de l'écorce terrestre. Cuvier, dès le commencement 

1 Voyage viétallurgùjue en Angleterre, ou Recueil de 
mémoires sur le gisement , l'exploitation et le traitement 
des minerais d'étain, de cuivre, de plomb, de zinc et de 
fer dans la Graitde-Iirelagne, par Dul'reinoy et Elie de Beau- 
mont; in-S°, avec allas, 18:27. 

* Explication de la carte géologique de France, t. I. - 
Paris, 184t. 

20 , 




Élie de Beuumout, mort le 21 septembre 1874. 



SOS 



LA NATURE. 



de ce siècle, avait l'ait revivre les cires fossiles, dont 
les ossements étaient entassés pêle-mêle clans lns ter- 
rains tic Montmartre. 11 fournit à la science la date 
relative de leur formation en montrant qu'ils étaient 
déposés dans des terrains tertiaires, au milieu des 
couches neptuniennes. Elie de Beaumont porta son 
attention sur les chaînes de montagnes plutotriques, 
et démontra qu'elles avaient été soulevées après la 
formation des sédiments qu'elles ont emportées 
dans leur ascension, et avant celle des couches 
horizontales qui existent dans leur voisinage. Les I 
leçons d'Elic de Beaumont ont largement con- , 
tribué à définir les notions de la classification dos 
terrains, divises en érnptifs et sédimenlaires, et à 
propager les doctrines de l'école des révolutions du 
globe, inaugurée par Cuvier. Klie du Beaumont ad- 
mettait que dans l'histoire de la terre, comme dans 
celle de l'humanité, il y a eu des époques de révolu- 
tion et de calme. II affirmait que les montagnes 
étaient le produit d'un soulèvement brusque, violent 
de l'écorce du globe, et que ces soulèvements, for- 
midables cataclysmes, avaient causé l'extinction d'ê- 
tres organisés auxquelles de nouvelles espèces avaient 
succédé. On n'ignore pas que tous les géologues, n'ad- 
mettent plus aujourd'hui ces doctrines, et qu'une 
autre école compte dans son sein quelques-uns des 
plus illustres savants de notre temps. Cette école re- 
pousse l'hypothèse des révolutions brusques, elle 
explique la succession des êtres, par des transforma- 
tions lentes et graduelles, la formation de l'écorce 
terrestre par des causes lentes, analogues à celles dont 
nous étudions l'action à notre époque, alléguant que 
l'accumulation continuelle de petits effets peut pro- 
duire à travers les âges des résultats immenses. 

Quoi qu'il en soit de ces doctrines, Elie de Beau- 
mont, dès les débuts de sa carrière, avait toujours porté 
son attention sur les reliefs de l'épiderme terrestre ; 
il s'était demandé si le désordre apparent qui sem- 
ble présidera la direction des chaînes de montagnes 
ne radiait pas une loi de symétrie, qui aurait présidé 
à leur édification. 

Dans les terrains sédinientaircs déposés jadis au 
sein des eaux, or. rencontre parfois des interruptions 
brusques; les mineurs, dans les couches de houille 
par exemple, observent souvent des lacunes dans le 
gisement; après avoir perdu la houille, ils la rencon- 
trent, au-dessus ou au-dessous. Ces accidents sout 
désignés sous le nom de failles; ils déterminent une 
dénivellation analogue dans les couches qui a voisi- 
nent la houille, et l'on considère le terrain comme 
ayant été abaissé en bloc d'un côté de la faille. Ces 
mouvements subits ont donc ouvert dans les sédiments 
des fentes, que les eaux intérieures, ont pu remplir 
après coup, pour y déposer des substances variées 
et former ce que les géologues désignent sous le 
nom de filons. L'étude de ces filous a conduit Wenier 
à démontrer que dans un même groupe, tous les fi- 
lons de même âge sont parallèles. Cette importante 
loi géologique, toujours vérifiée depuis Werner, s'ap- 
plique- t-el le aux montagnes? C'est ce problème au- 



quel Klie de Beaumont consacra ses études et ses 
observations; c'est, celte question qui allait conduire 
le grand géologue à la théorie du réseau pcntagonal. 

Elie de Beaumont devait voir que les montagnes ne 
sont pas des aspérités distribuées au hasard à la sur- 
face du globe; l'observation put l'amènera décom- 
poser un assemblage de montagnes, en une série de 
chaînons orientés dans un certain nombre de di- 
rections. Si chaque district montagneux, est xepré- 
seutc par des lignes droites tracées suivant les divers 
cliaîuoiisdont elles donnent la direction, si semblable 
opération est exécutée sur toute la terre, un fait ca- 
pital apparaît. 

Pour une même contrée, toutes les directions pa- 
rallèles pont de la même époque géologique, et sont 
la conséquence d'une même opération des forces na- 
turelles. Si, en outre, on mène parle centre de chaque 
groupe de montagnes des droites parallèles à tous les 
chaînons, on aura autant de bgues qu'il y a eu de 
révolutions en ce point. Chacune d'elle figure, les re- 
liefs du sol, dus à la même cause et formés à la même 
époque. 

Si, guidé par ces premiers faits, on jette les veux 
sur l'ensemble des montagnes, si l'on considère le 
globe tout entier, il est impossible de continuer à 
prendre pour guide le parrallélisme. En effet, sur la 
surface spliérique, les ligues droites vont être rem- 
placées par des grands cercles, qui ne sauraient être 
parallèles sur toute leur étendue. Elie de Beaumont 
lut donc conduit à donner au parallélisme mie défi- 
nition nouvelle, sur laquelle nous ne saurions in- 
sister sans entrer dans le domaine de l'algèbre. Pour 
le grand géologue, des chaînons sont parallèles à un 
même grand cercle, si l'arc de grand cercle per- 
pendiculaire au milieu du chaînon est aussi perpen- 
diculaire au grand cercle. Celui ci devient le grand 
cercle de comparaison du système des montagnes. 

Pour vérifier cette généralisation si nouvelle, si 
hardie, Elie de Beaumont est obligé de recourir au 
calcul qui peut seul donner la direction d'un grand 
cercle sur toute, l'étendue de la surface du globe. Son 
esprit essentiellement mathématique le conduit à ap- 
porter d'innombrables vérifications à la loi qu'il a dé- 
voilée. Pour étudier les relations d'angles fournies par 
les accidents du sol, il faut tracer sur la sphère des 
réseaux réguliers de grands cercles, ou de leurs mail- 
les fondamentales. Mais la maille doit être une figure 
régulière telle qu'elle puisse paver la sphère, comme 
le triangle équilatéral , le carré et l'hexagone ré- 
gulier peuvent paver le plan. Le triangle et le pen- 
tagone jouissent seuls de cette propriétésur la sphère. 
Pour des raisons toutes géométriques, que nous ne 
saurions développer ici, Elie de Beaumont choisit le 
pentagone. Les systèmes de montagnes connus sont 
représentés par des cercles du réseau, et ceux de ces 
cercles qui n'en représentent point, servent en quel- 
que sorte de jalons à des accidents géologi pies dont 
les relations, ainsi mises en évidence, avaient jusque- 
là échappé aux investigations de la science. 

La nouvelle théorie a été vigoureusement attaquée 



LA SATURE. 



307 



et les naturalistes lui ont reproché d'être mathéma- 
tique; mais une doctrine perd-elle de sa valeur, 
parce qu'elle ne peut pas être comprise par tous, et 
parce que ses mérites ne sont appréciés que d'un 
petit nombre d'esprits érudits? Il ne serait pas im- 
possible d'ailleurs de vulgariser la doctrine d'Elic de 
Beaumo'it en la dépouillant de ce qu'elle offre d'ardu, 
en la présentant surtout sous la forme de cartes, où 
les coordinations peutagonales apparaîtraient mani- 
festement. On verrait alors se développer la pensée 
du grand maître, qu'il a si bien exprimée. « Dans ce 
vaste ensemble de caractères par lesquels la main du 
temps a grave l'histoire du globe sur la surface, les 
montagnes sont les lettres majuscules de cet im- 
mense manuscrit, et chaque système de montagnes 
en constitue un chapitre. » 

Les œuvres tout entières d'Elie de Beaumont sont 
empreintes de ce même caractère de précision et de 
profondeur que l'on rencontre dans sa conception la 
plus saillante. Elles ont imprimé à la géologis mo- 
derne, une impulsion dont l'effet ne se perdra jamais. 

Elie de Beauuioiil avait reçu tous les honneurs 
qu'un savant peut ambitionner ; mais son génie, son 
autorité scientifique les lui avaient conquis, sans qu'il 
ait. jamais rien demandé. « 11 était doué, dit M. Du- 
mas, de l'esprit le plus droit, du cœur le plus ferme 
et de l'âme la plus haute. Personne ne fut jamais plus 
fidèle dans ses amit es'. » 



L'ARCHIPEL DES YITI OU FIDGI 

Dans l'Océan pacifique méridional, entre le 15" et 
le 50 e parallèles sud, à 1,990 milles de l'Australie 
orientale et à 1 ,200 de la partie nord de la Nouvelle- 
Zélande, le marin rencontre un groupe de 312 îles 
ou îlots. C'est l'archipel des Yilî, ou des Fidgi, pour 
lui laisser le nom que lui donnent les insulaires du 
groupe voisin de Tonga. Découvertes dès d 646, par 
Abel Jannsen Tasman, le grand navigateur hollan- 
dais (es Fidgi sont toutefois restées à peu près in- 
connues jusqu'à l'exploration célèbre de l'Américain 
Wilkes (18 10-1842), que devait compléter à quinze 
ans de distance, le capitaine Denham, de la marine 
britannique, croyons-nous. Elles viennent d'être an- 
nexées à l'empire colonial déjà si vaste de la Grande- 
Bretagne, à la suite d'une série d'événements, qui 
ne manquent pas de quelque intérêt en eux-mêmes, 
mais dont le caractère a été avant tout politique. 
Aussi les négligerons-nous pour offrir de suite à nos 
lecteurs une esquisse de ce qu'est cet archipel envi- 
sagé sous le rapport de son aspect physique, de sa 
faune et de sa flore, de son climat, de sa population, 
de ses ressources et de ses produits naturels. 

Toutes ces lies sont enceintes d'une barrière de 
corail et, quoiqu'il n'y existe plus de volcans actifs, 
elles ont une origine évidemment plutouienne , 

1 Comptes rendus de l'Académie des sciences. — Séante 
du 28 septembre 1874. 



comme l'attestent la présence de vieux cratères, 
l'abondance des sources chaudes, des scories et des 
laves refroidies, de même que des tremblements de 
terre assez fréquents. Leur sol est très-accidenté, 
et sur les plus grandes se dressent des montagnes 
dont l'altitude va jusqu'à -4000 pieds anglais, dans 
celle de Viti-Levu, et dont les croupes, comme les 
cimes, sont recouvertes d'épaisses et vastes forêts. 
Leur flore affecte un caractère nettement tropical : 
sur quelques points toutefois, les acacias, les ca- 
suariuas, les metrosideros rappellent h flore austra- 
lienne. C'est dire que la végétation des îles Fidgi est 
luxuriante. Leur faune, au contraire, est des plus 
pauvres. Les seuls animaux domestiques connus des 
indigènes étaient le cochon, le chien et les volailles. 
Les Seltlers européens ont introduit le mouton, qui 
paraît devoir prospérer ; quand au bétail à cornes, il 
n'en a point été question jusqu'ici. Parmi les autres 
quadrupèdes, le rat est le principal et abonde. On 
ne rencontre qu'un petit nombre d'oiseaux, dont le 
perroquet est le plus commun. Les lézards et les 
grenouilles représentent tes reptiles, et le gigantes- 
que Macroloma Héros, long d'une dizaine de pouces 
(anglais) environ, est le plus remarquables des insec- 
tes. On ne parle ni des araignées, ni des moustiques 
qui pullulent. Eu revanche, les eaux soit marines, 
soit fluviales se trouvent extrêmement peuplées et, 
chose singulière, le requin fréquente volontiers ces 
dernières. On recueille beaucoup de Trepang ou 
biche de mer (Holothuria edulis) et de tortues. 
Ad. -F. de Fontpertuis. 

— La suite prochainement. — 



><>< 



OBSERVATIONS SIR LES GRÊLONS 

QUI SOKT TOMBÉS A TOULOUSE PENDANT L'OBAGE 
DU 28 JUILLET 1S74. 

L'année 1874 laissera de bien tristes souvenirs 
dans les fastes de l'agriculture, à raison des nom- 
breux orages, accompagnés de grêle, qui ont causé 
d'épouvantables désastres dans plusieurs du nos dé- 
partements. 

Le 21 juin dernier, uu de ces orages éclatait si- 
multanément dans l'Isère et le Hhône, et produisait 
des grêlons dont beaucoup atteignaient le volume 
d'une grosse noix et même d'un œuf de poule. 

Dans la nuit du 27 au 28 du même mois, un 
orage non moins désastreux s'abattait sur le dé par- 
lement de l'Hérault, et anéantissait en quelques 
minutes l'une des plus belles récoltes que l'on eut 
vues de mémoire d'homme. D'après des évaluations, 
qui n'ont malheureusement rien d'exagéré, la perte 
en vin seule serait de cinquante millions de francs 1 . 

Toulouse devait aussi payer son tribut au fléau 
dévastateur. 

Le 28 juillet dernier, vers 8 li. 1/2 du soir, une 



1 Voy. t'a toiture, u g du 25 juillet, p 425. 



508 



LA NATUHE. 



grêle affreuse, accompagnée d'une pluie torrentielle, 
de gigantesques éclairs et d'un vent très-violent, 
tombait sur notre ville et sur les campagnes envi- 
ronnantes, et y occasionnait des ravages considéra- 
bles, des dégâts épouvantables dont on a pu trop bien 
mesurer l'étendue. 

Fruits de toute espèce, notamment des raisins qui, 
jusqu'à présent respectés par Y oïdium, semblaient 



nous promettre une recolle vraiment exceptionnelle; 
feuilles, Heurs, branches d'arbres violemment sépa- 
rées du tronc, nombreux cadavres d'animaux, d'oi- 
seaux surtout, tués par la grêle, jonchaient le sol et 
attristaient la vue. Je ne parle pas des réverbères de 
nos rues brisés, des vitres sans nombre cassées, des 
tuiles réduites en fragments sur les toits de nos de- 
meures particulières et de nos édifices publics, des 





F]g. 1 etî. — Grêlons k noyau unique, enveloppés de couches concentriques, transparentes. On voit autour du noyau les pi-olougc 
ments en rayons tuberculiforraes qui leur donnent l'aspect d'une fleur radiée. (Grandeur naturelle.) 



■■=■,'< ■■:■'"■■ ' ■■«-'■■<- "■"-;■■,■ ■■ ;-l"vvi * 






Fig. 3, 4 et o. — Auiros grêlons, à noyau unique, avec des bulles d'air et des grains de poussière ou de 9able. (Grandeur naturelle. 



gouttières qui Jïltraioiil l'eau à travers nos plafonds. 
Mon but n'est pas non plus de suivre l'orage du 
28 juillet dans sa marche capricieuse, sévissant ici 
avec fureur, là, c'est-à-dire à quelques cents mètres 
de distance, ne causant absolument aucun dommage. 
Je veux seulement consigner ici quelques observa - 
tions que j'ai faites, en examinant soit à l'œil nu, 
soit à l'aide de la loupe ou du microscope, les volu- 
mineux grêlons que tout le monde à Toulouse a pu 
voir, et dont la grosseur insolite et les formes bizar- 
res ont vivement frappé* l'attention publique, 



Les dimensions d'un grand nombre d'entre eux ne 
dépassaient pas le volume d'une noisette, d'une noix 
ou d'un œuf de pigeon; mais plusieurs atteignaient 
la grosseur d'un œuf de poule et même davantage. 

D'autres, recueillis immédiatement après leur 
chute, formaient des agglomérations que je ne peux 
mieux comparer qu'à ces conglomérats pierreux dé- 
signés par les géologues sous le nom de poudingues. 
Us n'avaient pas moins de 7 ou 8 centimètres de lon- 
gueur, sur h ou 5 de largeur, et leur poids dépas- 
sait encore, 12 heures après leur chute, 50 ou C0 



LA NATURE. 



309 



grammes. Ces masses glacées se distinguent en ce 
qu'elles renferment dans leur intérieur, qui est 
transparent comme du cristal, des noyaux multiples 
opaques et d'un blanc laiteux, dont le volume égale 
ordinairement celui d'une cerise ou d'un gros pois- 
chiche. De nombreuses bulles d'air, des grains de 
sable et de poussière plus nombreux encore, et quel- 
quefois des débris informes de végétaux enlevés par 
les vents, peut-être même par une sorte d'attrac- 



tion électrique, s'observent à la surface ou dans 
l'intérieur de ces poudingue» aériens; mais j'y ai 
vainement cherché celte foule de spores, ces germes 
invisibles, dont les panspermistes peuplent, gratui- 
tement je crois, l'atmosphère. 

La fusion spontanée des grêlons, soigneusement 
lavés, a laissé au fond du vase qui tes contenait une 
poussière fine et abondante ; mais cette poussière,je 
le répète à dessein, ne m'a fait voir au microscope 





Fig. 6. — Gréions agglomérés, encore couverts de leur enve- 
loppe transparente. (Grandeur naturelle.) 



Fig. 7- — Aulrc agglomération de gréions, dont les noyaux ont 
clé mis à nu par la fusion de leur enveloppe. (Grand, nat.) 




fie, 8. IJne portion do grêlon vue, au microscope, 

grossie 50 fo.s. 







j 



AP Si -s 



.,-■ :-', 



'O' 



Fig. 9 — Poussier.; obtenue par la fusion des grêlons, 
grossie 300 fois. 



que des particules inorganiques, sans la moindre 
trace d'un germe quelconque, nettement caractérisé. 

(Voy.Ûg.9). 

Examinée à l'aide du même instrument, la partie 
glacée qui entoure le noyau central, présente une 
structure qui offre elle-même un aspect cellulaire, 
c'est- à-dire qu'elle semble composée de petites la- 
melles microscopiques, de forme polygonale ou plus 
ou moins arrondie et d'une transparence telle, que 
plusieurs couches de ces lamelles superposées s'a- 
perçoivent facilement quand on fait varier le foyer de 
la lentille objective. De là, l'aspect plus ou moins 
semblable au tissu cellulaire végétal. 



Comme on pouvait s'y attendre, les noyaux opa- 
ques ont résisté à la fusion plus longtemps que la 
glace transpare nttt qui les enveloppait. Le 29 juillet 
à 9 heures du matin (12 heures après leur chute), 
quelques-unes des agglomérations offraient des 
noyaux complètement à découvert, ou du moins 
n'adhérant plus au reste de la masse ou entre eux, 
que par une faible portion de leur périphérie. Alors 
ils ressemblaient à de vraies concrétions stalagmiti- 
ques. Les figures 5, 6 et 7 donnent une idée exacte 
de cette singulière conformation. 

Sur d'autres grêlons à noyau unique, ce noyau est 
entouré de couches concentriques onduleuses, les 



34Ô 



LA NATURE. 



unes légèrement opaques, les autres d'une transpa- 
rence parfaite (h'g. 1, 2, 5). 

Jamais je n'ai aperçu, soit dans les noyaux, soit 
dans leur enveloppe, de cristaux réguliers vraiment 
dignes de ce nom. Quelquefois des sortes d'aiguilles 
des dentelures tuberculiformes , s'échappaient eu 
rayonnant de la périphérie- du noyau contrat, s'éten- 
daient dans la partie transparente, et rappelaient 
ainsi l'imago, d'une fleur radiée (Yov, fig. 1 et 2). 

L'absence devrais cristaux réguliers dans les grê- 
lons que nous avons observés, semblent donner rai- 
son à la théorie qui attribue la formation de la grêle 
non -seulement au refroidissement subit de l'eau en 
vapeur qui constitue les nuages, mais encore et sur- 
tout aux mouvements tumultueux que les tourbil- 
lons aériens, ou les attractions et répulsions élec- 
triques impriment à ces masses congelées, en voie de 
formation. Or, on sait que le calme parlait est une 
dos conditions nécessaire à toute cristallisation. 

Du reste, je n'ai nullement l'intention d'aborder 
la partie théorique du phénomène qui nous occupe. 
Les dilïmulléo d'explications sont grandes, à eu juger 
par le grand n'ombre des théories proposées. Celle 
de mon savant collègue. M. Dagiuii, professeur de 
physique à la Faculté des sciences de Toulouse, m'a 
paru l'une des plus ingénieuses; je crois devoir la 
faire connaître aux lecteurs. 

J [ Les nuages à grêle, dit M. Daguin, sont formés 
par la rencontre de deux vents opposés, l'un venant 
du nord, l'autre du midi. Ces nuages sont fortement 
électrisés. Le froid nécessaire à la congélation des 
particules d'eau est dû, suivant l'idée heureuse de 
M. Tessan, à l'expansion du nuage, provoquée par la 
répulsion électrique des particules d'eau qui le com- 
posent. Ces particules glacées sont ensuite ballotées 
et soutenues dans le nuage par les tourbillons d'air 
qui résultent de la rencontre des deux vents contraires, 
et par les attractions et répulsions qu'elle.* éprouvent 
de la part des différentes parties du nuage, dlect ri- 
sées d'une manière inégale, ou même d'une manière 
contraire. Quand les grêlons passent dans une partie 
où domine le vent chaud, ils se recouvrent d'une 
couche de glace transparente ; quand ils passent dans 
une pat tie très-froide, la vapeur se condense en 
forme de givre ou de glace opaque 1 . 

Des grêlons d'une forme analogue à ceux qui sont 
tombés sur Toulouse, ont été plus d'une fois obser- 
vés à Lvon, à Grenoble, à Montpellier et même à 
Toulouse, où M. Boisgiraud en a vu de la gros- 
seur d'un oeuf de poule, qui étaient tombés dans 
cette ville, le 8 juillet 1834. Quanta leur poids, il 
dép.isse souvent celui que nous avons nous-mème 
constaté. On cite des grêlons, ou plutôt des agglomé- 
rations de grêlons qui ne pesaient pas moins de 1 ou 

kilogrammes, et même davantage. M. le docteur 
Puyvarge m'assure qu'il a recueilli, sur la place du 
Capilole, deux grêlons agglutinés qui pesaient en- 

1 Mémoires de V Académie des sciences, inscriptions cl 
belles-Mires de Toulouse. 5" série, t. I, p. 157, année 1857 



semble plus de 150 grammes. On conçoit que de 
pareilles masses aient pu, en tombant, briser des 
tuiles épaisses de 1 ou 2 centimètres, des pots de 
Heurs, etc., et même, dit-on, percer les plaques de 
côté formant la toiture des abris destinés à proté- 
ger, contre le soleil ou la pluie, les chauffeurs de 
locomotives. 

La présence d'une grande quantité de sable et de 
poussière dans les grêlons que nous avons soumis à 
l'examen microscopique, ne semble-t-ello pas indi- 
quer que les nuages où ils ont pris naissance, n'é- 
taient pas Irès-élevés au-dessus de la surface de la 
terre. On sait que M. le professeur Leeoq, de regret- 
table mémoire, a vu la grêle des nuages au sein des- 
quels il se trouvait, dans une de ses ascensions sur 
le Puy-de-Dôme, tomber en abondance sur l'un du 
ses pics inférieurs, tandis que le sommet du Grand- 
Pny ne recevait pas un seul grèlou. 

Les grêlons, dont il s'agit, étaient gros comme des 
noisettes, animés d'une grande vitesse horizontale, 
et tournaient rapidement sur eux-mêmes. 

Quant au bruit qui précède la chute de la grêle, et 
qui ressemble quelquefois à celui que produirait nu 
escadron de cavalerie en marche, il ne serait pas dû, 
d'après M. Leeoq, au choc réciproque dos grêlons, 
comme on l'admet généralement, mais bien à une 
espèce de sifflement résultant de leur marche extrê- 
mement rapide au sein des airs. 

D r N. Joly, de Toulouse. 



LA CHAMPAGNE DR L'EAU-DE-VIE 

Les vignobles des Charcutes fournissent la ma- 
tière première d'un commerce sans rival dans le 
monde entier, et le nom de la ville de Cognac, qui 
centralise la production des meilleures eaux-de-vie 
de vin que l'on connaisse, est voué à \me célébrité 
cosmopolite. Au moment où le fléau du phylloxéra 
commence à atteindre ces contrées privilégiées, et 
menace leur avenir d'une manière redoutable, il 
n'est peut-être pas sans intérêt de présenter le ré- 
sumé de quelques observations prises sur place. S' 
on estime beaucoup et à juste titre le produit, or. 
ignore généralement, son histoire hors du pays. C'est 
1 eau-de-vie qui a fait la richesse des Charcutes, et 
une partie de leur sol, si l'on est obligé de renoncer 
pendant quelque temps à la culture de la vigne, ne 
donnera que de médiocres récoltes, sur des terres 
calcaires à humus peu profond, et dans un pays sans 
bétail, puisque la vigne ne demande que peu d'en- 
grais. Aujourd'hui on ne saurait s'imaginer combien 
les vignes ont enrichi les habitants des campagnes. 
On rencontre nombre de paysans, possédant plu- 
sieurs centaines de mille francs, et chez qui le cos- 
tume et les habitudes frugales ne feraient pas soup- 
çonner une véritable opulence dans notre pays à 
fortunes si divisées. C'est que le" commerce des eaux- 



LA i\ A TU HE. 



511 



de-vie a tous les peuples pour tributaires, et, par 
l'exportation universelle, reste indépendant de toute 
crise locale. La guerre désastreuse dont nous sortons 
n'a nullement empêché sa prospérité, et l'imbécillité 
populaire accusait les gros négociants d'avoir peur 
et de sauver à l'étranger les barriques amoncelées ■ 
dans leurs chais, quand il s'agissait simplement de 
la livraison des commandes du dehors. 

C'est le terroir qui fait l'eau-de-vic, c'est-à-dire 
qui ajoute au glucose des raisins certains principes ! 
destinés à parfumer le liquide alcoolique et à lui 
donner un arrière-goût exquis, tandis que de légères 
doses d'essences infectes rendent impotables le même 
liquide provenant des betteraves ou des pommes de ! 
terre. Mous devons donc, avant tout, indiquer les 
limites géographiques des terroirs à eau-de-vie. Elles 
ne peuvent se préciser rigousement sur une carte 
et varient souvent d'un vignoble au vignoble voi- 
sin; c'est la dégustation des courtiers parcourant 
les campagnes pour les achats qui établit la princi- , 
pale classification, Elle est en rapport, d'une ma- , 
uièro générale, avec les conditions géologiques dos ! 
couches superficielles du terrain. La Grande-champa- ■. 
(pie, d'où provient Texcel len te liqueur dite fine-cham- 
pagne, est comprise entre le Né et la Charente d'une | 
part, et d'autre part une ligne sinueuse allant sensi- 
blement de la .Madeleine ù Jarnac; Ségonzac en est 
à peu près le centre géographique. Elle renferme la 
partie méridionale de l'arrondissement de Cognac, 
c'est-à-dire les coteaux qui, entre Ségonzac et Barbe- 
zieux, courent parallèlement à la Charente, et for- 
ment une bande continue jusqu'à la rivière du Né. 
La partie composant les territoires de Blanzac , Ar- 
chiac, Echcbrune, Pérignac, sont de la Petite-Cham- 
pagne. Le sous-sol est toujours calcaire , et appar- 
tient surtout aux couches friables de la craie supé- 
rieure (étage campauien de Coquaud) caractérisées 
par ïOstrea vesicularis. Dès que le sous-sol se mé- 
lange d'argile ou de >able les eaux-de-vie prennent 
un goût moins fin. 

La Petite-Champagne est comprise entre le Né, 
la Charente, la Seugiie et son affluent le Trèfle. On 
peut lui donner, comme limite extrême, Barbezioux 
au sud, Jurignac à l'est; elle rejoint la Charente vers 
Monac, comprenant Saint-Même, Ghâteauneuf, Mula- 
ville, Nonaville, Saint-Médard, etc. Le terroir est 
surtout formé par les couches crayeuses, inférieures 
aux précédentes, et constituant l'étage santon ien de 
Coquand, ayant pour fossile diagnostique le Micras- 
ter brevis. Le commerce admet des catégories va- 
riées dans les eaux-de-vie de petite Champagne, et 
nomme moyenne Champagne la qualité intermédiaire 
entre lu grande et la petite. On reconnaît tout de 
suite, dans ces noms, l'étymologie campus, nous in- 
diquant des territoires cultivés eu vignes et en 
champs de temps immémorial, probablement dès 
l'époque gallo-romaine, dont les restes monumen- 
taux se rencontrent fréquemment; tous les villages 
ont des églises romanes, autre indice d'une ancienne 
extension de l'homme civilisé. 



La production des eaux-de-vie amenant des béné ■ 
fices toujours croissants, on eut l'idée de défricher 
les terrains encore boisés. De ià le nom général de 
bois (bons bois, moyens bois), donné aux autres par- 
ties du territoire des Charentes, sur lesquelles on 
brûle, c'est-à-dire on distille les vins destinés à la 
préparation des eaux-de-vie. Les régions ainsi dési- 
gnées se trouvent surtout sur la rive droite de la 
Charente, et leur sol est principalement formé par 
les calcaires compacts, à hippurite et à caprines, de 
la craie inférieure, par des calcaires de l'oolithe su- 
périeure (terrain jurassique), et enfin par des dépôts 
sableux et argileux superficiels de l'époque tertiaire. 
Dans cette classification les premières des eaux-de- 
vic de seconde qualité sont celles des Border ies (les 
bords des Cliampagnes et des Bois), comprenant les 
petites et les grandes Borderies. Les caux-de-vie des 
fins bois se vendent au reste presque aussi cher que 
la petite Champagne. On comprend, dans les Borde- 
ries, Crouin et Javresac, qui sont contre Cognac; 
Suint-Laurent, Chérac, Louzac, Saint-André, lîiohe- 
mond, partie de Cborvcs et do Saint-Sulpico. En 
allant en décroissant dans la qualité de l'eau-de-vie, 
on nom me pays-bas une plaine gypsense qui s'étend 
depuis les carrières de plâtre de Moulidars jusqu'à 
iVatha; pays-haut la partie septentrionale (peu im- 
porte l'altitude) de la région précédente, reposant sur 
le calcaire portlandien, s'éteudant jusqu'au Poitou, 
comprenant Bredon, Neuvïc, Rouillac, Vaux, Hier- 
sac, etc. Le bocage ou bois éloigné donne les eaux-de- 
vie au delà de la Seuguc et hors des limites de la carte 
du cru de Cognac. Ce sont des eaux-de-vie de moindre 
qualité, ayant un goût peu agréable comme la plupart 
des caux-de-vie du Midi. Il faut citer encore les eaux- 
de-vie d'Aunis, dites de Sui gères, à goût prononcé 
de terroir, celles des îles de Ré et d'Oléron, où les 
vignes fumées au warech donnent au produit une 
saveur spéciale. Nous n'avons pas besoin de dire que 
la fraude cherche souvent à travailler ces eaux-de- 
vie inférieures, de manière à les faire passer comme 
provenance du cru de Cognac. 

La nature du sol étant la cause principale sinon 
exclusive de la qualité du produit, ou comprend 
qu'on a donné un grand nombre de dénominations 
aux sous-sols des vignobles, et qui ont un grand 
intérêt au point de vue de la vente de la terre. Ou 
appelle hanche tout sous-soul crétacé (craie grise 
marneuse). De bonnes terres à vigne sont les terres 
de groies appartenant au terrain crétacé, ou plutôt 
à un mélange des roches du terrain crétacé (étages 
de la craie inférieure) et des roches jurassiques su- 
périeures, constituant des couches de petite épais- 
seur. Les terrains tertiaires se rencontrent aussi 
dans les Charentes et se nomment terres de varen- 
nés. On les divise : 1° en varennes proprement dites, 
terres argilo-calcaires, avec cailloux calcaires; 2° eu 
doucins, terres argilo-siliceuses, avec cailloux sili- 
ceux; 3° en brizards, terres argileuses, humides, 
imperméables, où les vignes restent très-mouillécs 
en hiver. Je voudrais croire que les vignes plantées 



:12 



LA NATURE. 



dans les brizards ne seront pus attaquées par \uphyl- 
luxera, malheureusement ces vignes gèlent souvent. 
Les eaux-de-vie rapportent un tel bénéfice qu'on a 
mis de la vigne partout, môme dans des sais de 
prairie peu propices, une récolte sur trois suffisant 
à indemniser le propriétaire. Enfin les terres de bri 
et les terres franches appartiennent au terrain d'al- 
luvion. Maurice Girard. 

CAAERNE DE LA FONTAINE 

AUX ÉTATS-UNIS (vir.GIKIE) . 

Bien que d'une moins grande étendue que les 
grottes Mammoth, Weyers et autres célèbres caver- 



nes rangées parmi les plus admirables curiosités na- 
turelles des Étals-Unis, la Fountain cave, récem- 
ment explorée, située dans le comté d'Àugusta, 
dans la Virginie occidentale, est remarquable par la 
singularité de ses formations qui sont dignes de l'in- 
térêt des géologues et dos touristes. Nous reproduisons 
une série de dessins exécutés d'après nature et repré- 
sentant les points les plus importants, qui donneront 
un aperçu des caprices auxquels la nature s'e?t li- 
vrée dans les détours de cette grotte. 

11 ne nous est malheureusement pas possible de 
figurer l'éclat dos incrustations et la multitude de 
formes des stalactites et des stalagmites; mais le lec- 
teur pourra se représenter parla pensée ces ornements 
calcaires polis «k brillants comme des pierreries. 




L'homme penuu. La statue de Pompéï. 

Curiosités de la nouvelle Grotte de la fontaine, aux Etals-Unis. 



Stalactites superposées. 



U ne des parties les plus frappantes de l'intérieur 
de la grotte est Panel Hall (la salle aux panneaux), 
remarquable à la fois par sa grandeur et les dépôts bi- 
zarres formés sur le plafond et sur les murs par l'eau 
qui s'égoutte du rocher; Jeffersoris Tobacco Barn 
(la grange à tabac de Jefferson) captive l'admiration 
des visiteurs, elle est ainsi nommée à cause d'une cu- 
rieuse rangée de stalactites, ressemblant à du tabac 
qu'on aurait pendu sur une perche pour sécher. 
The Tanner y (la tannerie) a reçu son nom des sta- 
lactites qui tombent du plafond et qui ressemblent à 
une énorme pièce de cuir. 

The hanging Man (le pendu) est une stalactite qui 
ayant près de sept pieds de long est suspendue à en- 
viron 10 pieds au-dessus du plancher. D'après le 
dessin que nous en reproduisons , elle ressemble 
beaucoup à un corps humain pendu. 



Pompcys statue (la statue de Pompéï) est utio 
très-belle formation blanche, d'environ deux pieds de 
liant, sur un piédestal de 12 pieds. Quand elle est 
éclairée convenablement elle rappelle l'aspect d'une 
statue surmontée d'un casque et vêtue à l'antique. 

Le groupe de stalactites superposées représenté 
sur un de nos petits dessins est d'environ 30 pieds 
de haut, et forme encore un bel ensemble. 

The Elfs'Bath, le bain des Elfes est une série très- 
pittoresque de bassins remplis d'une eau vive lapins 
pure ; c'est bien là qu'on peut s'imaginer que vien- 
nent s'ébattre les Elfes et les Gnomes dont on parle 
dans les contes fantastiques. 

Bien qu'on soupçonnât l'existence de cette caverne 
depuis plusieurs années, elle n'a été découverte que 
depuis peu. Elle est située à 19 kilomètres deStaun- 
tou, sur le chemin de fer de Ghesapeake et Ohio. 



LA NATURE. 



513 



Sou accès a été rendu très-facile et on peut l'ex- 
plorer jusqu'à une grande distance de l'entrée. 

Si le continent américain offre aux géologues un 
grand nombre de richesses naturelles analogues à 
celles que nous venons de décrire succinctement, 
l'Europe est aussi très-abondamment pourvue de 
grottes et de cavernes , où les stalactites donnent 
naissance à des ornements capricieux. Dans les Pyré- 
nées, il existe quelques belles grottes de stalactites; 
il s'en trouve môme où les dépôts aqueux sont for- 
més d'oxyde de fer, et de composés métalliques où 
le chrome et le nickel entrait dans une proportion 



importante. La grotte du Chat, notamment, près do 
Bagncres-de-Luchon, est digne d'être signalée : uno 
eau ferrugineuse, suintant de ses parois, depuis des 
siècles, y a formé des masses mamelonnées d'oxyde 
de fer, déposé en couches minces irisées qui ont des 
nuances bleues, violettes, roses, du plus remar- 
quable aspect. Quand on pénètre dans cette grotte > 
éclairée par un feu de paille, les stalactites appa- 
raissent avec l'éclat de pierres précieuses, et se parent 
de nuances foncées, d'une incomparable fraîcheur. 
La grotte d'Anliparos, dans l'archipel grec, d'abord 
visitée et décrile par le naturaliste Tournefort, a été 








Nouvelle grotte Ue stalactites, aux Etats-Unis. — Viie d'ensemble de la Salle aux Vanneaux . 



fréquemment explorée; elle est trop connue pour que 
nous ne croyions devoir nous borner à la mention- 
ner. La grotte du Han, enBelgique, non loin de Givet, 
est certainement encore une des plus étonnantes mer- 
veilles de la nature. Elle est peut-être moins célèbre 
que celle d'Antiparos, mais elle offre an touriste des 
beautés qui captivent son admiration. Celte grotte, 
située dans la province de Namur, est composée de 
vingt-deux salles différentes , garnies d'ornements 
calcaires incomparables, qu'il faut avoir vus pour 
s'en l'aire une idée précise. 

On sait que les stalactites et les stalagmites, gé- 
néralement formés de carbonate de chaux, sont dus 
à des eaux naturelles qui tiennent en dissolution le 
calcaire à la faveur d'un excès d'acide carbonique. 
Une goutte d'eau qui suinte sur le plafond de la 



grotte, y perd son acide carbonique en 'excès , et le 
carbonate de chaux se dépose. A. travers les siècles, 
les dépôts s'accroissent peu à peu jusqu'à former des 
masses de pierre de dimensions considérables. — Il 
nous a été parfois donné d'observer de petites stalac- 
tites qui avaient pris naissance dans des ruines, dans 
les souterrains d'anciens châteaux. La pierre à bâtir 
fournit à l'eau de pluie le carbonate de chaux, et 
celle-ci le dépose plus loin sous forme de petites 
stalactites. 

La nouvelle grotte que nous venons de décrire peut 
être placée à côté des plus remarquables curiosités 
des Etats-Unis, déjà si riches en raretés. Aussi le 
Scientific american nous rapporte-t-il que les tou- 
ristes qui la visitent sont, chaque jour, plus nom- 
breux et plus empressés. L. Lhéritjer. 



zu 



LA KATURE. 



LOCOMOTIVE SANS FUMÉE ET SANS FEU 

Bien qu'il soit d'usage de parler du caractère pri- 
mcsautier des Français, nous ne savons vraiment s'il 
no serait pas plus vrai de dire que îa France est l'un 
des pays où la routine fleurit le plus complètement. 
Depuis un demi-siècle par exemple, il n'est pour 
ainsi dire pas d'invention utile qui ait été appliquée 
sérieusement dans notre pays avant d'être usuelle 
et commune, nous ne dirons pas seulement en Amé- 
rique, la terre de toutes les hardiesses, mais en An- 
gleterre et en Allemagne. Ces réflexions, qui sont 
M'uiment attristantes, nous venaient dernièrement à 
l'esprit en lisant quelques rares décrets de conces- 
sion de tramways à Paris, Lille, le Havre et Mar- 
seille d'une part, tandis que nous venions de parcou- 
rir un journal américain 1 , d'autre part: il s'agissait 
dans ce dernier de l'emploi sur les tramways d'une 
machine à vapeur de nouvelle espèce qui nous a paru 
présenter un intérêt réel» Une note sur le même 
sujet, publiée dans les Annales, par M. l'ingénieur 
eu chef Malézieux, si compétent sur toutes les ques- 
tions qui se rapportent au nouveau monde, nous 
fournit l'occasion d'insister quelque peu sur cette 
invention nouvelle. 

Nous n'avons pas besoin de faire ressortir les avan- 
tages réels et l'économie qui résultent de l'emploi 
des tramways : ces chemins de fer des rues, traînés 
par des chevaux, présentent sur les voitures la dou- 
ille supériorité d'une plus grande rapidité et d'un 
moindre nombre de chevaux nécessaires à l'exploi- 
tation. Aussi, à l'étranger, les tramways se rencon- 
trent fréquemment : sans parler de New-York et de 
Vienne qui sont, paraît-il, sillonnées de cars roulant 
sur des rails, nous dirons que, dans un voyage en 
Belgique et en Hollande, nous en avons trouvé ré- 
cemment à Bruxelles, à Liège, à Louvain, à Anvers, 
à Gaild, à Rotterdam, à la Haye, sans parler des 
villes que nous n'avons pas traversées et qui peuvent 
en posséder. 

Mais les tramways ne doivent probablement pas 
être, indéfiniment traînés par des chevaux, et, comme 
pour les chemins de fer, la substitution de locomo- 
tives mues par la vapeur aux moteurs animés aura 
vraisemblablement lieu dans un temps assez res- 
treint. Les avantages de cette substitution sont évi- 
dents et nous n'en citerons qu'un, celui de pouvoir 
proportionner constamment le nombre des voitures 
eu circulation à l'aflluenee des voyageurs sans èlre 
obligé de nourrir, pendant la semaine, une coû- 
teuse cavalerie qui ne doit trouver d'emploi que les 
dimanches et jours de fête. Cette idée a frappé plu- 
sieurs personnes et ne tardera pas à être mise en ap- 
plication sur le tramway de Uueil à Marly et à Bou- 

» ival ". 

Mais, il faut bien le dire, l'emploi de machines à 

vapeur mobiles dans les rues d'une ville présente de 
Journal of tke Franklin Insl'Uute. Décembre 1873. 



sérieux inconvénients: la crainte d'S incendies par 
les flammèches qui s'échappent du loyer quoi qu'on 
fasse, la fumée que l'on n'a pas encore réussi à brû- 
ler, les accidents résultant de la peur que causent, 
en général, aux chevaux la vue et le bruit des ma- 
chines à vapeur. Ces inconvénients, qui n'existent 
pas pour une route tracée dans la campagne, sont 
au maximum dans les grandes villes où la circula- 
tion des voitures est fort active. L'effet de ces ma- 
chines sur les chevaux est une des raisons pour les- 
quelles, à Paris, on a restreint aux heures de nuit 
l'emploi des rouleaux à vapeur destinés à compri- 
mer le macadam dans les grandes artères. En An- 
gleterre, par des raisons analogues, le parlement a 
interdit la circulation des véhicules à vapeur sur les 
voies publiques, sauf de dix heures du soir à six 
heures du matin. 

La machine locomotive do ut nous voulons parler 
supprime complètement les inconvénients que nous 
avons signalés, et rien dès lors ne peut s'opposer à 
sa circulation à toute heure du jour et de la nuit. 
Avant de donner la description sommaire de cet ap- 
pareil, nous croyons devoir rappeler quelques prin- 
cipes de physique élémentaire. 

On sait que dans les conditions ordinaires, à l'air 
libre et au niveau de la mer, l'eau entre en ébulli- 
tion à une température fixe qui a été prise pour le 
point 100° du thermomètre centigrade; on sait aussi 
que le point d'ébullilion s'élève à mesure que la 
pression supportée par l'eau va en augmentant ; 
mais, dans tous les cas observés jusqu'ici, c'est-i- 
dire dans des limites fort étendues, quelle que soit 
la pression, on a toujours trouvé une température 
produisant l'ébullition, et réciproquement. Ceci posé, 
qu'arrivera-t-il si l'on chauffe de l'eau dans un vase 
fermé hermétiquement? Lorsque la température aura 
atteint 100°, une certaine quantité de vapeur se for 
niera par suite de l'ébullition, mais ces vapeurs aug- 
menteront Ja presssion dans le vase, le point d'ébul- 
lition dépassera 100°, et la production de vapeurs 
s* arrêtera, à moins que, par une nouvelle élévation 
de température, on n'atteigne le point d'ébullilion 
correspondant à la nouvelle pression : les mêmes cir- 
contanecs se reproduiront alors, et à chaque fois on 
n'arrivera à obtenir l'ébullition qu'en emmagasinant 
dans le liquide une nouvelle quantité de chaleur. 

Supposons qu'on ad atteint amsi une température 
de 200°, et que le vase soit disposé de manière à ne 
pas subir de refroidissement, ou du moins à ne pou- 
voir se refroidir que d'une manière insensible. L'eau 
restera à 200° et la vapeur conservera la même pres- 
sion; mais si l'on vient à laisser échapper une cer- 
taine quantité de vapeur, la pression diminuera, et, 
bien que la température n'ait pas changé, l'ébulli- 
tion aura lieu : il y aura donc, de nouveau, augmen- 
tation de pression jusqu'à ce que l'ébullition s'ar- 
rête; une nouvelle prise de vapeur amènera les 
mêmes effets, ébullition, production de vapeur, 
augmentation de pression, arrêt de l'ébullition. En 
outre, chaque production de vapeur sera accomp;w 



LA a A TU RE. 



315 



gnée d'une perte de chaleur qui se traduit par un J 
abaissement de température du liquide, abaissement j 
d'autant plus considérable que la quantité de vapeur 
qui s'échappe est plus grande. ' 

On conçoit facilement que si une pareille chau- 
dière est mise en communication avec le corps de 
pompe d'une machine à vapeur, la vapeur qui s'é- 
chappera sera susceptible de l'aire mouvoir le piston. 
Seulement, à chaque coup de piston, la pression de 
la vapeur diminue avec la température de l'eau, et 
la machine s'arrêtera lorsque, par suite de la sous- 
traction de chaleur, la pression sera devenue insuffi- 
sante. La machine fonctionnera évidemment d'autant 
plus longtemps que la température initiale sera plus 
élevée et la quantité de liquide plus considérable. En 
réalité, il faut tenir compte aussi du refroidissement : 
par le contact avec l'air, refroidissement qu'on peut 
beaucoup diminuer, mais non pas annuler complè- 
tement. 

La locomotive du docteur I.amm, qui fonctionne 
actuellement entre la Nouvelle-Orléans et le bourg 
tli». Carrolton, comprend une chaudière et deux corps 
de pompe munis de pistons dont les tiges mettent 
en action les roues motrices : la chaudière a ù m $0 
de diamètre et 2 ,n ,70 de longueur, elle est au trois 
quarts remplie d'eau, ses parois sont en tôle d'acier 
de m ,006 d'épaisseur, elle est recouverte d'une cou- 
che non conductrice de plaire, cendres, charbon de 
bois, etc., et solidement bourrés sur une épaisseur 
de .O^jOS, recouverte de bois et d'une tolc mince. 

Les cylindres et le mécanisme moteurs ne diffè- 
rent pas de ceux d'une locomotive ordinaire. 

A la station de départ, il y a un générateur à va- 
peur qui sert à remplir la chaudière de la locomotive 
d'eau chaude à chaque voyage. Le remplissage de la 
chaudière dure à peu près quatre minutes : la pres- 
sion do l'eau est de 8 1/2 atmosphères et la tempéra- 
ture de 175° environ. Le trajet, aller et retour, est 
de 15 kilomètres environ : il s'effectue avec une 
vitesse plus grande que celle des chevaux, et la ma- 
chine peut traîner jusqu'à (il) voyageurs ; après une 
heure, à peu près, la locomotive est revenue à son 
point de départ, la température de l'eau est descen- 
due à 155°, et la pression, qui n'e&t plus que de 
5,5 atmosphères, est très-suffisante pour faire mou- 
voir la machine. 

Comme nous l'avons dit, cette machine fonctionne 
à la Nouvelle-Orléans : depuis six mois qu'elle est 
en service régulier, il y a parait-il une économie de 
70 pour 1 00. C'est là une expérience sérieuse, et elle 
parait de nature à être méditée : nous voulons espé- 
rer 1 qu'elle appellera l'attention des personnes com- 
pétentes. Par sa nature, cette machine ne peut cer- 
tainement pas remplacer les locomotives sur les lignes 
de chemin de fer; la puissance à développer, la vitesse 
à atteindre ne peuvent s'obtenir que par une dépense 
considérable de vapeur; niais sur les lignes de tram- 
ways, les exigences sont moindres, les distances plus 
laibles, et la machine du docteur Lamm peut être 
d'une grande utilité. C. M. Gabikii. 



UNE PROMENADE AÉRIENNE 

Dans la dix-neuvième ascension aérostatique que 
j'ai exécutée le 24 septembre 1874, avec mou frère 
MM. W. de Fonvielle, Lucien Marc, Cohendet et Co- 
rot, ingénieurs, il m'a été donné de faire un cer- 
tain nombre d'observations qui me paraissent offiii 
quelque intérêt au point de vue météorologique. 

Au moment du départ, qui a eu lieu à l'usine à 
gaz de la Yillette à 11 h. 55, Je ciel était couvert de 
nuages gris; mais à la surface du sol l'air était as- 
sez limpide. Ces nuages étaient très-rapprocliés. Ju- 
mai s dans aucun de nos voyages aériens nous n'eu 
avons rencontré à si faible distance de la terre; notre 
nacelle, en effet, s'y trouva plongée à l'altitude de 
150 mètres. A 500 mètres, elle s'échappa de leur 
partie supérieure. Un ciel bleu, un soleil ardent 
s'offrirent à notre vue. Le massif de vapeur prit l'as- 
pect d'un plateau circulaire, d'un blanc éblouissant, 
et dont la surface était formée de mamelons arrondis. 

Pendant trois heures consécutives, l' aérostat fut 
maintenu au-dessus de cet amas de nuages. Son om- 
bre, comme nous l'avons déjà décrit, était entourée 
d'une auréole aux sept couleurs du spectre. Du côté 
du ?oleil les nuages avaient une teinte jaune très- 
appréciable. 

Le courant où nous étions plongés, se dirigeait 
vers le nord-est ; les nuages marchaient un peu plus 
vers l'est, comme notre corde traînante, longue de 
180 mètres, a pu l'indiquer : quand sa partie infé- 
rieure plongeait dans la masse des vapeurs aériennes 
cllcs'inclinailscn&iblement, exactement commesielle 
eût été baignée dans un cours d'eau. Cependant la dif- 
férence de vitesse et de direction n'était pas considé- 
rable, car notre ballon, en passant la couche de 
nuage, y avait pratiqué une ouverture qui se révélait 
par une tache grise, et un relèvement des nuées. Cet 
indice ne fut pas perdu de vue pendant toute la du 
i'ée du voyage. 

Notre voyage aérien s'exécuta à trois niveaux dif- 
férents, de 1,600 mètres à 1,200, de 1,200 mètres 
à 800 et de 800 à 550. 

Près des nuages la température était de 24° centé- 
simaux, à 1,600 mètres elle était de 21° ; dans la 
région moyenne de 1,200 mètres, vers 1 h. 30, le 
thermomètre s'éleva à 28°. Le thermomètre à boule 
mouillée marquait alors 21°, 

Le soleil était tellement ardent que nous fûmes 
obligés de nous couvrir la tête de nos mouchoirs. Eu 
nous rapprochant des nuages, nous sentîmes une 
vive impression de fraîcheur. 

A 2 h. 50 l'écran de nuages nous cachait entière- 
ment la vue de la terre, mais des voix nombreuses 
que nous entendîmes, nous indiquèrent que nous 
étions vus distinctement de la surface du sol, les 
nuages étaient par conséquent opaques de bas en 
haut et transparents de haut en bas. il nous fut pos- 
sible de demander des renseignements à des specta- 
teurs invisibles pour nous et qui nous apercevaient. 



316 



LA MATURE. 



Sur notre demande ils nous dirent où nous étions, et 
nous apprirent que le vent était faible à terre. 

Nous opérâmes l'atterrissage dans d'excellentes 
conditions à Nogeon , près Acy-en-MuItien (Oise), à 
40 kilomètres de notre point de départ. Le courant 
supérieur, qui nous avait entraînés, avait donc une 
vitesse très-moderco de 13 kilomètres environ à 
.'heure 1 . 

Notre descente aérostatique fut accompagnée d'un 
épisode assez curieux qu'il ne nous avait pas encore 
été donné d'observer d'une façon si remarquable. Dès 
que l'aérostat se trouva en vue de terre, le gibier des 
environs fut saisi d'une terreur épouvantable; les 
compagnies de perdreaux notamment, volaient affo- 
lées, en s'éloignant du ballon, comme d'un centre 
répulsif. Quand un peu plus tard, nous étions occu- 



pés à dégonfler l'aérostat, avec l'aide de nombreux 
habitants de la localité, les lièvres eux-mêmes mani- 
festèrent leur épouvante, en courant dans toutes les 
directions et jusqu'au milieu des assistants. Parmi 
ceux-ci les chasseurs ne faisaient pas défaut, aussi 
quelques lièvres furent-ils impitoyablement fusillés 
presque à bout portant. Nous avons souvent remor- 
qué dans des ascensions précédentes, que lorsque l'on 
•passe en ballon à une faible distance de bois ou de 
forêts, les oiseaux, et surtout les corbeaux se sauvent 
à tire d'aile, aussi vite qu'ils peuvent voler. Il est fa- 
cile de remarquer que les oiseaux observent très-bien 
ce qui se passe dans l'atmosphère; si un aigle, un 
vautour, ou quelque ennemi semblable vient à pla- 
ner, même à une altitude élevée, on les voit immé- 
diatement saisis d'effroi, jusqu'à une assez grande 



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MiÊiSmÊBm 




Voyage aérien vxé< uié I.: 24 sept embi u I S7 4 



distance. Comment ces petits êtres, ne verraient-ils 
la masse sphérique qui descend du ciel ? Ils la consi- 
dèrent probablement comme un oiseau de proie gi- 
gantesque qui va les dévorer. 

Les animaux, et l'homme lui-même, se méfient de 
l'objet nouveau qu'ils ne connaissent pas; il n'y a 
pas si longtemps que les aéronautes sont accueillis à 
bras ouverts, et il ne faudrait pas remonter bien loin 
dans le passé, pour citer des exemples de voyageurs 
aériens que des paysans ignorants ont roué de coups 
à leur descente du ciel, comme s'ils avaient voulu se 
défaire de quelque génie malfaisant. On pourrait à ce 
sujet rapporter un très-grand nombre d'histoires au- 
thentiques, dont l'énumération serait longue. Le 
drame le plus terrible que nous puissions mention- 
ner est celui dont la forêt de Leicestcr, en Angle- 
terre, a été le théâtre, il n'y a guère plus de trente 
ans. Un aéromiute, nommé Youngs, y avait opéré sa 

1 Comptes rendus de l'Académie des sciences. — Séanr o 
du 5 octobre 1874. 



descente; il fut bientôt entouré de forestiers gros- 
siers et ignorants, qui s'approchent d'abord avec ef- 
froi du globe aérien. Tuis, excités par quelques fa- 
natiques, ils se mettent à lancer des pierres à l'au- 
dacieux qui descend du ciel ; ils se jettent sur lui, 
le terrassent et le laissent à moitié mort au milieu 
d'un carrefour, tandis que d'autres de leurs compa- 
gnons mettent le feu à la nacelle et enflamment le 
ballon tout entier. Grâce au ciel, le temps d'une 
telle barbarie est passé ; nous pourrions en prendre 
pour garant l'hospitalité cordiale et sympathique 
qui nous fut offerte à la belle ferme de Nogeon. 

Gaston Tissàndier. 



BATIMENT A VAPEUR « LE BESSEMER» 

Il y a longtemps déjà que le public a appris la 
nouvelle de la construction d'un navire à vapeur des- 



LA NATURE. 



517 



tiné à mettre un salon suspendu à l'abri du roulis et 
du tangage. L'auteur du système dont on a si fré- 
quemment parlé depuis deux ans, est l'illustre ingé- 
nieur M. Ressemer, l'éminent inventeur à qui l'on 



doit le convertisseur de la fonte en acier. Les feuilles 
anglaises viennent de nous apprendre que le nouveau 
navire qui a pris le nom de son inventeur, a été ré- 
cemment lancé à la mer dans le porl de IIull, et 




...... 



Appareil construit pour l'élude du mécanisme du navire à vapeur le Bessemer. 



que l'expérimentation définitive ne tardera pas à 
être réalisée. 

Une foule considérable qu'on n'évalue pas à moins 
de 20,000 person- 
nes, assistait à cette 
opération, qui s'est 
effectuée dans les 
meilleures condi- 
tions. Le lancement 
a eu lieu à cinq 
heures, à la marée 
haute. Le Besse- 
mer présente un as- 
pect curieux, quoi- 
que sans beauté, 
avec ses extrémités 
basses, son centre 
très-élevé , et ses 
deux paires de 
roues à aubes. lia, 
dans son état ac- 
tuel, à flot, un ti- 
rant d'eau de 7 
pieds 5 pouces; le 

poids additionnel qu'il aura à recevoir le fera enfon- 
cer encore de 3 pouces. Sa ligne de flottaison actuelle 
justifie exactement les derniers calculs de ses con- 
structeurs. 

Le steamer à salon le Dessemer ressemble beau- 




Goupc du navire le Bessemer, montrant la position du salon quand le bateau 

est incliné. 



coup à un bâtiment cuirassé à tourelle. La poupe et 
la proue ont la même forme. Il mesu.e550 pieds de 
bout en bout à la ligne de flottaison. Le fameux salon 

«uspendu , de 70 
pieds de long, est 
au centre ; les ma- 
chines qui font 
mouvoir les deux 
paires de roues sont 
disposées à chacune 
des extrémités de 
la partie élevée et 
centrale du bâti- 
ment. Il sera cu- 
rieux de voir quel 
effet éprouveront 
les passagers se te- 
nant sur le pont 
de ce salon restant 
toujours de niveau 
au milieu du bâ- 
timent soumis au 
roulis. 
Le Bessemer 
pourra marcher mdilféremmcnt par l'avant et par 
l'arrière. L'intérieur du salon suspendu mesure 
21 mètres de long, 11 de large et 6 de haut. Ce 
grand salon n'est pas encore terminé, mais la dé- 
coration, piraît-il, en sera somptueuse. Il est bien 



LA NATURE. 



éclairé et la ventilation en est parfaite. II faudra en- 
core deux mois pour achever Ta ménagement inté- 
rieur du bâtiment; ce n'est qu'alors qu'il pourra 
être amené dans laTamise et faire son excursion d'es- 
sai. A cette époque, on est sûr d'avoir une mer assez 
rude pour mettre à l'épreuve ses qualités. 

Nous n'entrerons pas dans les détails techniques de 
la construction du Bcssemer. Le principe que l'in- 
venteur a mis en pratique est très-simple. 11 consiste 
à suspendre une grande caisse formant salon au cen- 
tre du navire et à lui permettre de tourner sur un axe 
chaque fois que le navire s'incline. M. Ressemer a 
d'abord étudié le nouveau système au moyen d'un ap- 
pareil que nous représentons ci-dessus, et qui s'ex- 
plique de lui même. 

CHRONIQUE 

Le mètre international. - La commission inler- 
lalionale du mètre, avant de se séparer, a décidé que la 
section française serait chargée exclusivement de l'adop- 
tion des résolutions qu'elle a prises et dont plusieurs entraî- 
nent des difficultés matérielles très-grandes. Elle a créé 
une section permanente chargée d'assister la section fran- 
çaise de ses conseils. Cette section doit Se réunir tous les 
ans le 6 octobre. La seconde réunion vient d'avoir lieu ré- 
cemment. La section permanente a rendu hommage nu 
zèle et à l'habileté déployés par M. Tresca, sous-direeleur 
du Conservatoire des Arts et Métiers. Les séances qui se 
sont tenues au Conservatoire ont offert le plus grand inté- 
rêt scientifique. 

Le lingot de platine, dont nous ayons annoncé la fusion, 
a été soumis à l'opération du laminage. Mais celte opéra- 
tion ne peut s'effectuer sans donner au platine iridié une 
sorte de trempe dont il est prudent de se débarrasser, car 
elle peut nuire à la dilatabilité. Cette trempe ne peut être 
détruite que par un recuit suivi d'un très-long refroidisse- 
ment. Mais pour être efllcacc le recuit doit avoir lieu à 
une température tellement élevée que l'hydrogène contenu 
dans la flamme se combine avec le platine incandescent. 
Cette occlusion s'est réalisée malgré les précautions les 
plus minutieuses telles que de mettre les règles de platine 
dans des moufles en chaux. L'affinité du platine pour 
l'hydrogène est si gt ande qu'on ne peut empêcher une com- 
binaison. La surfine se couvre alors d'une série de petites 
ampoules visibles au microscope mais qui ne portent pas 
préjudice à la netteté des traits. Du reste, entre deux maux, 
la commission internationale a agi sagement en choisissant 
le moindie. 

I.a fléwrc de» bois. — A propos de l'exploration 
française en Birmanie, le Journal officiel publie de curieux 
détails sur la lièvre des bois, qui vient d'enlever plusieurs 
personnes de l'expédition, y compris le capitaine Fau. La 
fièvre des bois n'est autre chose que le typhus. Cette ma- 
ladie, qui frappe les indigènes de terreur, nous a enlevé, 
à Luang-Prahang, dans la vallée du Cambodge, le 10 no- 
vembre i&GO, un autre voyageur français, Henri Mouhut, 
le premier qui ait signalé à la France les ruines d'Ang cor, 
dont M. Delaporte vient de composer le musée de. Com- 
piègne. Le docteur Thorel, qui était attaché comme méde- 
cin à l'expédition française «lu Mé Kong, décrit cette ma- 
adie dans ses Notes médicales recueillies au cours de 



l'exploration. Il a pu l'étudier sur deux personnes de la 
commission dont il faisait partie. L'un des malades fut 
assez rapidement rétabli à la suite de l'administration quo- 
tidienne d'une haute dose de quinine (SO cenligr.); l'autre, 
à qui Ton réduisit la dose (GO centigr.), après les deux pre- 
miers jours, tomba le quatorzième jour dans un état déses- 
péré. La somnolence et la surdité étaient complètes ; il 
fallait le remuer pour lui faire ouvrir les yeux: on le 
croyait sur le point d'expirer vers la fin du quinzième jour 
lorsque, trompant la surveillance de son gardien, il alla Sl! 
jeter dans le fleuve. On put le retirer assez à temps; mais 
il avait pris, suivant ses intentions, un bain froid presque 
complet. Ce bain le rétablit avec une rapidité extraordi- 
naire. 



ACADÉMIE DES SCIENCES 

Séance du 15 octobre 1874. — Présidence de M. Ueiitiiaxh 

Lépidotus tertiaire. — Les lépidotus sont des poissons 
abondants aux anciennes époques géologiques, mais qui 
semblaient avoir disparu dès la fin du terrain crétacé. Tou- 
tefois Agassiz, dans son grand ouvrage sur les Poissons fos- 
siles, cite quelques vestiges extraits des marnes de calcaire 
grossier et qui semblent présenter tous les caractères des 
véritables lépidostés. Depuis cette publication diverses 
trouvailles analogues furent faites de plusieurs côtés. Gra- 
ves en mentionne qui proviennent de la glaucome inférieure 
du département de l'Oise. M. Paul Gervais a signalé des 
restes de lépidotus à Cuise-Lamo te, près de Compiègne, y Be- 
ley, près deSoissons, et à Muirancourt.près de Koyon, dans 
les ligniles inférieurs où ils sont associés aux ossements si 
caractéristiques du Crocodilus depressifrons. Aujourd'hui, 
le même savant paléontologiste signale la découverte faite 
par M, Vasseur, aux environs de Gisors, d'un riche gise- 
ment fossilifère situé au même niveau que les précédents 
et contenant comme eux d'innombrables débris, tels que 
deux écailles el ossements des poissons qui nous occupent. 
11 résulte de l'étude à laquelle le professeur du Muséum a 
soumis ces trouvailles que le lépidotus tertiaire possède 
tous les caractères essentiels de ses congénères plus anciens 
et spécialement l'intéressante cl exceptionnelle disposition 
de ses vertèbres. Celles-ci, au lieu de présenter un corps 
bi-concave comme c'est le cas pour la majorité des pois- 
sons, sont concaves seulement sur la face postérieure et 
légère me ni convexes sur l'autre. 

Théorie du timbre. — On sait que M. Hclmhollz a for- 
mulé récemment une théorie du timbre qui a reçu l'assen- 
timent des physiciens. 

Dans un sentiment de, justice, auquel on applaudira sans 
doute, M. Résal vient revendiquer en faveur de Monge 
l'honneur de celte théorie. Certes la science n'est d'aucun 
pays; toutefois il ne peut pas ne pas nous être agréable 
d'apprendre qu'une découverte importante appartient non 
pas à un Prussien, mais à un Français. 

Nouveau chronomètre. — L'éleclro-diapason à période 
variable, dont il a précédemment fuit connaître la construc- 
tion et le mécanisme, semble à M. Mcrcadier, constituer un 
excellent chronomètre. 

Œuvres de Scheele. — Une nouvelle qui intéressera les 
amis des sciences et les chimistes en particulier, est don- 
née par M. Berthelol, qui annonce qu'on s'occupe avec la 
plus grande activité de publier les oeuvres complètes de 
sfcheele. On y joindra une correspondance inédite, échan- 



LA NATURE. 



319 



gôe entre Selieeleet Berguiaiin, cl qui offre, dit-an, une 
gronda importance pour l'histoire de la chimie. Une liste 
de souscription à cette, belle publication est déposée au se- 
crétariat de l'Académie. 

Tourbillons, trombes et taches solaires. — Revenant 
sur un de ses sujets favoris, M. Fayc s'étonne que malgré 
ses efforts de deux années entières, les astronomes qui 
s'occupent du soleil n'aient point admis sa théorie lourbil- 
lonnaire des taches solaires. Aussi recommence-t-U sa 
démonstration sous une nouvelle forme, destinée celle 
fois à faire la lumière dans les esprits les moins préparés. 
Suivant lViuleur, ce qui cause le retard dont il se plaint, 
c'est la compétence incomplète de tous les savants qui 
étudient soit l'astronomie, soit la météorologie en matière 
de tourbillons, et qui les empêche de comparer les divers 
laits auxquels M. Faye attribue la même cause. D'ailleurs 
s'il revient aujourd'hui sur ce sujet, c'est à cause de l'acti- 
vité nouvelle dont l'étude ùu soleil est l'objet en ce moment. 
Partout en effet on s'anime extrêmement à cet égard. En 
Angleterre les découvertes s'ajoutent sans cesse aux décou- 
vertes; aux Etats-Unis on construit des instruments colos- 
saux pour observer le soleil à tous les points de vue-, à 
Berlin on va fonder un Observatoire spécial destiné à l'é- 
tude de notre n:;lro central et on eu confiera lu direction 
à M. Kirchboff, etc. Partout... excepté en France! Si c'est 
une raison pour M. Faye de reproduire ses arguments, 
c'est un motif aussi pour (pie nous revenions nous-mêmes 
en quelques lignes sur les idées de l'ingénieux académi- 
cien. 

Ayant en vue l'étude du soleil, commençons par exa- 
miner ce qui se passe dans un cours d'eau horizontal. Yina 
loi générale apparaît tout de suite qu'on peut formuler en 
disant: « .Si dans un cours deau horizontal, il se pro- 
duit, par suite d'une cause persistante quelconque, des 
différences de vitesse entre des filets liquides contigus, 
il se manifeste par cela même des mouvements gyratoires 
dont l'axe est vertical et dans lesquels le liquide est en- 
traîné jusqu'au fond pour remonter ensuite tumultueu- 
sement sur les côtés. » — En second lieu, on reconnaît 
que les tourbillons dont l'origine vient d'être définie sont 
nettement délimités par une surface géométrique, surface 
dont la courbe génératrice n'a d'ailleurs pas été déter- 
minée jusqu'à présent. — Le mouvement est constam- 
ment descendant quel que soit le sens de la rotation. — 
Enfin le tourbillon est entraîné par le courant comme un 
corps flottant et en conservant son axe vertical. 

Maintenant, si le liquide tourbillonnant rencontre le fond 
du cours d'eau, il travaille et affouille. Il consomme ainsi 
une partie de la force vive du courant, et il en résulte de 
nouveaux mouvements tourbillonnants qui se propagent de 
toutes parts. De pareils travaux d'affouillement, et parfois 
a l'inverse, d'alluvionriement, ont été constatés dans les 
dépôts arénacés de la période quaternaire, ce qui montre 
comment l'étude des tourbillons louche à tout et offre par 
conséquent de l'intérêt. En jetant de la poussière sur l'eau 
qui tourbillonne, on la voit entraînée au fond et remonter 
autour de l'entonnoir, d'un mouvement tumultueux. Xa- 
vier de Mai sire qui s'est beaucoup occupé de ce curieux 
sujet d'expérience, recouvrait l'eau d'une couche d'huile 
et voyait le liquide léger descendre dans le tourbillon sous 
forme de couche mince et remonter en bouillonnant tout 
autour à l'état de gouttelettes. 

Mais tout cela n'est pas spécial aux liquides. Dans un ou- 
vrage italien, traduit en françaisdepuis plusd'un siècle, Ven- 
tari a bien soin de faire remarquer queles tourbillonsqu'ou 
observe dans les rivières ont leurs analogues exacts dans 



l'atmosphère. Il eu résulte que les tourbillons atmos- 
phériques [trombes, etc) devront être de forme conique, 
travailler sur le sol qu'ils rencontreront, etc. De plus, à 
tout ce que les trombes donnent comme reproduction des 
tourbillons des rivières, elles ajoutent un fait que les pre- 
miers n'indiquaient pas, à savoir qu'un tourbillon né dans 
des régions supérieures agitées peut se propager dans des 
couches calmes sous-jacentes. Car les trombes apparaissent 
parfois lorsqu'il n'y a aucun vent à la surface du sol et 
elles exercent néanmoins alors des ravages considérables. 
Elles montrent aussi que les couches supérieures, en des- 
cendant, peuvent amener sur le sol une partie au moins 
delà basse température de leur gisement originel; car 
elles déterminent à la surface du cône une condensation 
de vapeurs, qui rend le phénomène visible. 

Enfin, observons le soleil. Nous y constatons l'existence 
de courants parallèles inégalement rapides et il eu résulte 
forcément que des tourbillons doivent s'y produire à 
chaque instant, Or, les taches, comme nous l'avons déjà 
dit en d'autres occasions, offrent tous les caractères de nos 
trombes. Elles sont concaves, coniques et enveloppées dans 
une sorte de gaine nuageuse due à la condensation des 
vapeurs profondes par l'action refroidis saule du courant 
descendant venant d'en haut. Et de même que les trom- 
bes ont ajouté une notion à celles formées par les tour- 
billons, de même les taches en ajoutent encore une à celles 
données par les trombes : c'est le retour tumultueux vers 
les régions supérieures des fluides aspirés par l'entonnoir. 
Sur le sole 1, ce retour donne lieu à l'incomparable phé- 
nomène des protubérances 

Comme on voit, tout cet ensemble, est des plus sédui- 
sants. Ajoutons qu'un observateur américain, M. Lûnglet, 
a commencé à en vérifier directement l'exactitude. S'il se 
confirme, nous y applaudirons pour notre part d'autant 
plus volontiers, qu'il apportera un argument nouveau en fa- 
veur de l'opinion d'après laquelle les phénomènes géolo- 
giques et météorologiques qui ont leur siège sut les divers 
astres de notre système, sont complètement comparables 
et soumis aux mêmes lois. Stasisi.as Meunier. 



LES PREMIERES LOCOMOTIVES 

Il vient d'être queslion précédemment (voy. p. 31 i) 
des dernières modifications apportées à la locomo- 
tive. 11 nous a paru curieux de rapprocher, de ces 
perfectionnements nouveaux, les premiers modèles 
employés il y a environ cinquante ans. 

Bien que les tramways et les machines fixes aient 
été usités à une époque assez reculée, il n'y a qu'un 
demi-siècle que le premier voyage en chemin de fer 
a été effectué en Angleterre. Le 27 septembre 182o, 
George Stephenson conduisit sa machine Locomo- 
tion, appelée aussi Puffing-Bilty, sur le chemin de 
fer de Stockton et Darlington. Il alla de Briisselton à 
Stock ton, et parcourut en cinq heures la distance 
de vingt milles, ce qui était considéré à cette épo- 
que comme une vitesse prodigieuse, La machine 
continua à marcher chaque jour, et, bien qu'elle ait 
eu souvent besoin de réparations, elle rapporta à ses 
propriétaires le premier dividende des clieinins de 
1er qui s'éleva à 2 1/2 pour 100. Locomotion, qui 
fut construite sous la surveillance directe de Stephen- 



520 



LA NATURE. 



son, pesait huit tonnes et n'avait qu'un seul tube (il I comme pompe, près de Crook, jusqu'en 1857, pui* 
y a des machines qui en ont cent aujourd'hui). On on la renvoya à l'usine de Shildon où on la Jit re- 



lui fit subir quelques modifications par la suite, afin 
d'avoir une plus grande force. Elle marcha parfai- 



tement pendant trente ans. On l'employa ensuite Nord, à Darbngton. 



mettre dans son état primitif: elle est placée au- 
jourd'hui sur un piédestal, à la station du chemin du 







îiiippipiiiilll 

La première locomotive [Locomotion) eouiuuae en 1S-23, pui G. Sidptieiison. 




La première locomotive à sii roues (Je Hoyal George). 



Les trois machines qui vinrent ensuite furent 
llope, Black- Diamond et Diligence, toutes sortant 
de l'usine de MM. Steplienson. La cinquième ma- 
chine que posséda la Compagnie, la seule qui exis- 
tait alors, fut le Royal-George, la première con- 
struite à SUihSon. Elle fut dessinée et construite par 
feu Timothy Hackworlh; c'était la première ma- 
chine qui eût six roues ayant quatre pieds de d\a- 
mèlreet un axe d'environ dix pouces. Elle avait un 



double tube, produisait de la vapeur plus 4 vite que 
les précédentes, et marchait à une vitesse effective 
de neuf milles à l'heure. Les plaques tournantes et 
autres outils modernes n'existaient pas encore. Telles 
sont les conditions difficiles dans lesquelles les pre- 
mières locomotives furent construites. 

Le Propriélaire-Gcranl : G. Tissandier. 
Cou mil. — Typ. et »tér. de Crkti. 



>• 73 — 2-i OCTOBRE 1874. 



LA NATURE. 



321 



LE WAGON GIFFAHD 

Nous avons parlé précédemment des expériences 
auxquelles le nouveau wagon à suspension perfec- 
tionnée, a été soumis à Lille et à Paris 1 . Nous com- 
pléterons aujourd'hui les renseignements que nous 
avons fournis à nos lecteurs, en leur donnant la 
figure exacte du nouveau système. 

Notre gravure, exécutée d'après une photographie, 
monde que M. Henri Giffard a résolu le difficile 
problème qu'il étudiait, en isolant la caisse où sont 
placés les voyageurs, en la rendant complètement 
indépendante du châssis, de manière à la transfor- 



mer eu nue sorte de hamac. Mais il lallait éviter d.<. 
tomber dans l'inconvénient d'un balancement sensi- 
ble, et pour supprimer celui-ci, il était indispensable 
de produire des frottements savamment combinés. 
Le système de ressorts construits par M. Giff.ird, se 
compose de grandes lamelles métalliques superpo- 
sées et entre lesquelles sont fixées des tiges métalli- 
ques qui les isolent les unes des autres. Cette dispo- 
sition est répétée à chaque extrémité de la voiture. 
La caisse du wagon est ainsi pendue aux ressoi ts par 
l'intermédiaire de deux pièces de métal que notre 
gravure représente. 

Dans les expériences qui ont été exécutées à Lille 
et à Paris, on a constaté que le mouvement de lacet, 




T.e nouveau wagon & suspension perfectionnée de M. l'ingénieur Henri CiffiirJ. 



c'est-à-dire le mouvement de va-et-vient horizontal, 
si fatigant, si pénible pour les voyageurs, était com- 
plètement supprimé. Il n'y avait plus -qu'un loger 
balancement vertical, qui cessera d'exister quand on 
aura quelque peu resserré les vis de la suspension. 
On se trouve donc assis dans ce wagon aussi tran- 
quillement que dans un fauteuil; on peut y lire, y 
écrire, y travailler commodément, et employer uti- 
lement de longues heures, actuellement perdues, 
pendant le cours des grands voyages. 

Le wagon Giffard coûte plus cher que les wagons 
ordinaires, il est d'un poids plus considérable; mais il 
ne serait pas impossible de l'employer d'abord comme 
classe supplémentaire, où les places seraient d'un 

1 Voy. ii° GG et G7 de la Sature, 5 cl 12 septembre 1874, 
p 213 et '238. 

ï" année. — 2 e semestre. 



prix un peu plus élevé. Il nous paraît certain que 
l'accueil qui sera fait par le public au nouveau sys- 
tème, contribuera puissamment à décider les com- 
pagnies à l'adopter peu à peu, au fur et à mesure 
des besoins. Le wagon Giffard ne va pas larder en 
effet à être attaché régulièrement à un train express, 
où tout le monde pourra l'essayer. 

Ce wagon perfectionné, si ingénieux et si pratique, 
est le résultat d'études théoriques très-compliquées 
sur les ressorts, qui n'avaient jamais été construits jus- 
qu'ici, dans des conditions mathématiques bien élu- 
cidées. 

Au moment où M. Bessemer, va supprimer le mal do 
mer sur un navire anglais, félicitons-nous de voir en 
France 31. l'ingénieur II. Giffard, nous préserver des 
oscillations pénibles du transpont sur les voies ferrées. 

21 



522 



LA NATLT.E. 



LES ÉTOILES FILÂMES 

L'observation des ctoiks filantes remonte aux épo- 
ques ks plus reculées. Presque tous les poètes de 
l'antiquité font allusion à ce phénomène. Mais toutes 
les recherches faites alors, généralement mêlées aux 
croyances populaires, aux superstitions de tous gen- 
res, ne donnèrent aucun résultat capable do fixer un 
point de départ. Aussi faut-il arriver jusqu'à la fin du 
dix-huitième siècle pour avoir sur ces curieuses appa- 
ritions, quelque» notions d'une certaine valeur. 

Le? Chinois possédaient, il est vrai, un grand nom- 
bre de documents; mais suivant les lois du pays, ne 
pouvant les faire connaître qu'après l'extinction de la 
dynastie régnante, leurs études restèrent longtemps 
ignorées. 

Les systèmes explicatifs des météores filants se 
réduisent à deux principaux ; le système cosmique 
et le système terrestre. Dans le premier, on regarde 
les étoiles filantes comme complètement indépen- 
dantes de notre planète. Dans ic second, au contraire, 
elles sont essentiellement des productions de notre 
globe ; et dans les deux cas, cependant, ou admet 
que le phénomène se passe dans notre atmosphère. 

L'hypothèse cosmique est la plus ancienne. C'était 
en effet l'opinion des épicuriens qui, regardant ces 
météores comme de "véritables étoiles, supposaient 
que le monde arrivé à un grand état de vétusté s'é- 
croulerait ainsi entièrement. Quelques philosophes 
voyaient également dans les aérolithes des fragments 
détachés de ce vieil édifice. 

Ce premier système fut généralement adopté et 
soutenu par les astronomes qui le perfectionnèrent et 
arrivèrent à lui donner peu à peu une expression ma- 
thématique. 

Le système terrestre, par opposition, eut pour 
partisans et défenseurs les physiciens, les chimistes 
it les naturalistes les plus habiles. 

Au commencement du dix-septième siècle, on 
trouve déjà une opinion fort curieuse, avancée par 
Kepler. « Les étoiles filantes, disait-il, sont formées 
d'une matière visqueuse enflammée; quelques-unes; 
se dissipent en tombant, et d'autres plus lourdes ar- 
rivent jusqu'à terre. » 

En 1G5G, Halley, propagateur de la doctrine cos- 
mique, faisait provenir ces météores d'une matière 
disséminée dans l'espace, matière qui selon lui, ser- 
vait aussi à la formation des planètes et de tous les 
corps ce lestes en général. 

Avant lui, en 1(111, Ilévétius et plus tard Mas- 
kelyne considéraient déjà les étoiles filantes comme 
de petites masses planétaires animées d'un mouve- 
ment propre, et circulant autour du soleil d'après les 
lois de la pesanteur. 

Eu 1678, Mairan, part'san du système terres liv, 
affirmait le contraire ; déclarant d'une manière pé- 
remptoire que les météores filants ne pouvaient être 
que des produits engendrés au sein de l'atmosphère, 
beccuria, venant affirmer cette assertion, concluait 



qu'ils puisaient leur origine réelle dans l'électricité. 
Enfin, après la découverte de l'hydrogène, plu- 
sieurs physiciens, s'appuyant sur la propriété que 
possède ce gaz de s'enflammer dans l'air, lui attri- 
buèrent non-seulement les éclairs, mais encore les 
aurores boréales et les étoiles filantes. 

Nous arrivons maintenant à 179-i, époque qui fait 
date dans l'histoire de ce phénomène, car à partir de 
ce moment les observa' ions deviennent plus sérieuses 
et surtout plus productives eu résultats vraiment 
scientifiques. A la tète du mouvement se trouve 
Chaldm, défenseur ardent de l'opinion cosmique. Se- 
lon lui, les acrolitl ics étaient des bolides qui descen- 
daient jusqu'à la surface du sol, tandis que les étoiles 
filantes proprement dites étaient des bolides circu- 
lant, à une très-grande hauteur dans l'atmosphère. 
Encouragé par le résultat de quelques expériences et 
désirant vivement voir entreprendre une série d'obser- 
vations sur la hauteur véritable de ces petits corps; 
problème qui assurément aurait mis fin à bien des 
discussions théoriques en permettant d'en apprécier 
la vitesse qui, suivant lui, devait être égale à celle 
de la terre; Clialdni ne tarda pas à voir ses vœux 
exaucés. Quatre an» plus tard (1798), à Gocttingue, 
deux jeunes étudiants Krandes et ileu^emberg se li- 
vraient à ce nouveau genre d'études, en suivant de 
point en point, les instructions données par le sa- 
vant astronome. Couches sur le dos, l'œil fixé au 
zénith, ils observèrent ainsi pendant trois nuits con- 
sécutives. Mais s'apercevant que la base d'opéra- 
tions qu'ils avaient choisie, o'est-à dire la distance 
qui les séparait l'un de l'autre était insuffisante 
pour pouvoir fournir une parallaxe d'une certaine 
exactitude, ils constatèrent bientôt que malgré tou- 
tes les précautions prises, ils ne pourraient obtenir 
rien de satisfaisant. 

Ces débuts, quoique négatifs, firent un certain 
bruit dans le monde savant; cependant tel était en- 
core le préjugé dominant sur le peu d'importance de 
ces étude», au point de vue scientifique, qu'on se 
demandait partout, comment deux jeunes gens d'a- 
venir pouvaient consacrer leur temps à de sembables 
recherches, et, de leur plein gré, passer des nuits 
dans la campagne, pour se livrer à une besogne que 
l'on pourrait parfaitement confiera des factionnaires 
qui auraient eu tout le loisir de s'en o.'cuper. 

Le G décembre de l'aimée suivante (1799) fut re- 
marquable par la grande quantité d'étoiles filantes 
observées par Brandes, pendant un voyage qu'il fai- 
sait à brème. Mais celte apparition, tout extraordi- 
naire qu'elle put paraître, fut loin d'être aussi im- 
portante que celle qui se produisit à Gumana en 
Amérique, dans la nuit du 1 1 au 12 novembre, et qui 
fut spécialement étudiée par de Humboldt et Bon- 
pland. D'après ces deux observateurs, à partir de deux 
heures du malin, des milliers d'étoiles se succédè- 
rent sans interruption et affectant toutes une direc- 
tion régulière du nord au sud. Les anciens du pays 
prétendaient que les grands tremblements de terre de 
1 7b6 avaient été précédés d'une semblable aj pariliou. 



LA NATURE 



323 



Ce phénomène remarquable fut également constaté 
au Brésil, en Allemagne et sur presque toute la sur- 
face du globe, avec cette différence, qu'à Cumana 
seulement, les étoiles filantes semblaient suivre une 
marche particulière, tandis que partout ailleurs, 
elles, avaient été vues circulant dans toutes les direc- 
tions possibles. 

En prenant connaissance des documents améri- 
cains relatifs à ce grand phénomène, on est vraiment 
frappé de la fantaisie et de l'exagération qui régnent 
dans les différents récils; de plus, le résultat con- 
staté par de IJumboldt seul, au sujet des directions, 
perd toute sa valeur scientifique, si on réfléchit qu'à 
son départ d'Europe, il partageait entièrement l'o- 
pinion de plusieurs physiciens qui voulaient que les 
étoiles Milites, de même matière que les rayons de 
l'aurore boréale, allassent comme eux du nord au sud, 
c'est-à-dire suivissent la direction du méridien ma- 
gnétique. 

De 1800 à 1801, des observations nouvelles faites 
par John Farey et Benjamin Rêvant donnent pour 
hauteur des étoiles filante?, une moyenne de 21 
lieues. C'est à cette même époque que Brandes et 
Bengemberg proposèrent l'application des étoiles 
filantes à la mesure des longitudes. De cette grande j 
divergence dans les idées théoriques touchant ce 
curieux phénomène, devaient inévitablement résul- 
ter d'interminables discussions entre les savants 
d'alors. Aussi voyons- nous immédiatement Farey 
produire cette nouvelle hypothèse, que les étoiles 
filantes sont autant de petites lune-: tournant au- 
tour de la terre dans toutes les directions, et péné- 
trant dans notre atmosphère, pendant quelques in- 
stants seulement, aux époques de périgée, Iturncy 
au contraire, prétendre que les étoiles filantes appa- 
raissent en toutes saisons, mais que leur nombre est 
plus grand eu été, en raison de la température. 

Quoi qu'il en soit, la grande apparition de 1799 fut 
le premier cas bien constaté de la périodicité d'un 
flux d'étoiles filantes durant les nuits des il et 12 
novembre. D'après Kacmtz et lloff, qui avaient suc- 
cédé à Chaidui, on aurait vu aussi à cette même 
époque de l'année de fort belles apparitions en 
1815, 1818, 1822, 1831 et 1832. L'apparition 
remarquable de 1833 est également un fait de la 
plus haute importance dans l'histoire de ce phéno- 
mène. La description en a été faite par Olmsteed, pro- 
fesseur à New-Ilaven. D'après lui tous les météores 
paraissaient diverger d'un même point du ciel, la 
constellation du Lion. Un observateur de Boston 
estimait à 10,000 le nombre des météores observés. 

Tous ces résultats, très-curieux, mais plus ou 
moins exacts, avaient attiré l'attention du monde 
savant; les années suivantes, le 12 novembre, de 
nouvelles observations furent entreprises en Amé- 
rique, en Europe et jusqu'au cap de Bonne-Espérance. 
i)ti put ainsi se convaincre que cette immense pluie 
enregistrée par Olmsteed avait entièrement disparu. 

En 1801, Olbers était entré en ligne dans cette 
grande question. C'est lui qui par des calculs et des 



formules qui lui sont propres, prédit pour 1867, le 
retour de l.i grande apparition de 1799 et 1833, re- 
tour que nous avons été à même de constater. Ce 
savant astronome avait donc déterminé une période 
de 33 ans entre chacun de ces grands retours. 

Une nouvelle voie était ouverte aux observateurs, 
qui assurément ne manquèrent pas d'en profiter. On 
ne rêvait plus que retours périodiques. C'est ainsi que 
fut fixée la date du 20 au 24 avril, et enfin celle du 
10 août indiquée par M. Quetelct qui établit aussi la 
différence qui existe entre les étoiles périodiques et 
les étoiles dites sporadiques qui apparaissent tous les 
jours sans lois déterminées. Cette même animée 1835, 
Haïkin profilant de l'abondance des météores, avait 
essayé de les observer à l'aide d'une lunette astrono- 
mique, mais ne pouvant manœuvrer son instrument 
avec assez de rapidité, il abandonna son procédé. 
En 1839, un astronome américain, Mason, entre- 
prit le même genre de recherches ; au moyen de son 
télescope, il arriva à calculer que les étoiles filantes 
apparaissent à 1,800 lieues de hauteur. Or, comme 
toutes les théories admettaient et admettent loujoui s 
que les météores filants ne deviennent visibles pour 
nous qu'en pénétrant dans notre atmosphère, il fui- 
j lait alors, de toute nécessité, assigner celte h auteur 
! si considérable aux couches limites de notre enveloppe 
gazeuse. Vers cette même époque, M. Ermann, qui 
s'occupait beaucoup de ce phénomène au point de 
vue théorique, entreprit, ainsi que M. Quetelct, des 
calculs fort compliques dans le but de déterminer 
l'orbite présumée décrite par les étoiles filantes pé- 
riodiques. Us arrivèrent, appuyés par un certain 
nombre d'astronomes, à considérer ces météores 
comme formant un anneau d'astéroïdes circulant 
autour du soleil, et rencontré par la terre à deux 
époques fixes, le 10 août et le 12 novembre A l'aide 
de cette théorie, qui a prévalu jusqu'en 1867, ils 
pensaient expliquer certains phénomènes très-curieux 
qui sont rapportés dans les nouvelles astronomiques 
de Schumacher. 

Ainsi, par exemple, ontrouve que le 2 8 février 1206 
d'après la chronique de Villalba, le soleil s'obscurcit 
complètement ; cl comme ce phénomène persista 
pendant près de six heures, ne pouvant croire à une 
éclipse, il était plus naturel de l'attribuer à un 
essaim d'astéroïdes passant devant le soleil. Des faits 
analogues, survenus en 1545 et 1771 sont expliqués 
d'une manière semblable. 

Dans tout ce qui précède, nous ne trouvons que 
des recherches, des études faites seulement à cer- 
taines époques de l'année, et la plupart du temps 
en vue d'hypothèses déterminées à l'avance: voilà 
uniquement sur quelles bases la science fondait ses 
théories : il n'est donc pas étonnant de voir ces mêmes 
théories disparaître avec les époques, pour faire place 
à d'autres plus débiles encore. 

Cil APELÀS-COULVIER-G RAVIER, 
Directeur Je l'Observatoire météorique 
du Luxembourg. 
— La suite prochainement. ■— 



52 * 



LA .NATUIIK. 



flottantes, endroits où elles sont rencontrées ; pro- 
1 priétésde l'eau de mer, sous le rapport do l'analyse 
chiniiijiie, de la coloration, du la translucidité; mou- 
vement, ondoyant de la mer, hauteur et longueur des 
I lames, études sur leur propagation ; marées, in- 
La Société de géop rapide vient de rédiger un pro- ' (luenec sidérale, différences dans les hauteurs ei le 
gramme d'études destiné à fournir des indications ! 



L'ETIDE DE LA PHYSIQUE DE LA mu 

AVEC I.E CONCOURS DES SAVIGA.TEURS FRANÇAIS. 




l-'ig. 1. — Jlouéc-Baril pour L'observation «les courants 
de la mer. 




Yig. 2. — Drague de >urtace en toile fine avec îlotieur. 

aux navigateurs, (jui parcourent toutes les mers 
globe accidentellement ou régulièrement. Ce 
programme a surtout pour but de signaler 
les points intéressants sur lesquels les obser- 
vations doivent se luire dais le eouis de la 
traversée. Un grand nombre de marins sont 
témoins de faits qui restent pour toujours 
ignorés du monde savant , à défaut d'une 
publicité spéciale. 

Le nouveau programme, rédigé par une 
commission composée de MM. l'amiral Fleii- 
riot de Langle, Delesse, Cli. Grad, J. Girard 
et II . Tarry, ne comporte que des observations 
élémentaires et de premier ordre. 11 a été 
conçu de façon que MM. les officiers de ma- 
rine de toute position, puissent fournir des 
éléments aux travaux projetés par la Société 
de géographie, sans se déranger de leur ser- 
vice à la mer, ni sans avoir recours à des 
instruments spéciaux. Nous -avons par 
avance que celte collaboration sera une dis- 
traction, pendant les longues journées pas- 
sées à la mer ou en station sur les rades 
étrangères. 

Voici le résumé de ces instructions : no- 
tions générales sur les pays peu connus 
visités accidentellement ; température des 
mers et méthodes d'observations thermom/;- 
triques; sondages sur les plateaux d'atter- 
rage ; courants, moyens de les déterminer; 
contre-courants, moyens de les constata-; 




Kîg. 5. — Bloc de bois portant des indicitions écrites 
destinées à l'étude dos courants. 

renversement ; météorologie , détermination des 
climats, construction des lignes isothermes, tableau* 
divers. 




X 



Fi.';. 5. 
i.yliudre auto- 
clave pour 
puiser de l'eau 
à des grandes 
profondeurs. 



Fis. -t. — Msiyen d'apprécier la hauteur des values. 

ii voit que ce vaste sujet est à peine effleuré et 
que chacun des énoncés est à lui seul une 
spécialité dans l'étude de la physique de la 
mer. Ces questions complexes ne peuvent 
recevoir une solution de quelque valeur, 
que par la quantité des documents recueillis 
sur toutcslesmers du globe et ensuite coor- 
donnés. C'est en compilant ainsi tous les 
journaux du bord que les géographes ont 
dressé des cartes isothermes, isochimènes et 
isobares. Ce n'est qu'à l'aide de renseigne- 
ments innombrables que la météorologie est 
parvenue à indiquer aux voiliers les meil- 
leures routes dans l'Océan. 

Comme il est impossible de songer à 
l'époque actuelle, après nos revers, à solli- 
citer du gouvernement l'organisation d'une 
grande ex; édition scientifique, comme celle 
qui se poursuit actuellement par la marine 
anglaise, la Société de géographie a pensé 
qu'au moyen de la bienveillante collabora- 
tion des navigateurs elle pourrait arriver à 
produire une œuvre d'ensemble , dont la 
vtdeur scientifique serait équivalente aux 
béuéiices d'une expédition spéciale. Les col- 
laborateurs dispersés sur toutes les mers, 
sont, autant de travailleurs séparés, mais 
qui peuvent concourir à la collectivité né- 
cessaire à une telle entreprise. Les Instruc- 
tions aux navigateurs vont être remises 
entre les mains de tous les commandant? de navire* 



LA NATURE. 



3:23 




Fig. fi. — Installation des appareils de sondage, à grande profondeur fit de 
dragage à Lord d'un navire. 



fi, - - 7. — Drague océanique. 



de l'Etat , do paquebots- 
poste, et des longs-cour- 
riers du commerce, au mo- 
ment où ils quitteront le 
port. Le caractère de cette 
organisation étant éminem- 
ment fiançais, on ne s'a- 
dressera qu'aux navires 
portant le pavillon national. 
La Société se réserve la 
l'acuité de récompenser les 
travaux qui lui en paraî- 
traient dignes. 

Si cette entreprise par- 
vient à entrer dans une voie 
tellement pratique, par la 
discipline de l'étude, la 
bonne organisation, et la 
faveur delà classe instruite 
à laquelle elle s'adresse, nul doute qu'elle 
aboutira dans quelques années à d'impor- 
tants résultats scientifiques. 

Nous avons cru devoir accompagner 
notre notice de quelques figures représen- 
tant les appareils nouveaux ou les procédés 
les pins remarquables au moyen desquels 
s'exécute l'étude de la physiquede l'Océan. 
L'observation, très-intéressante des cou- 
rants de surface, s'effectue au moyen d'un 
baril vide formant bouée, et dont la direc- 
tion indique le sens du fleuve marin qui 
l'entraîne (fig. \). On peut encore Jjau- 
donner aux flots un bloc de bois, contenant 
un cylindre servant d'étui à un parchemin 
où l'on a inscrit la date de l'immersion et 
le nom du navire. Les indications portent 
la recommandation de remettre le bloc de 
bois, s'il est trouvé au loin, soit à un com- 
missaire de la marine, soit à un consul 




français à Tel ranger (fig . 7*) . 
Si le marin veut recueillir 
les organismes inférieurs 
qui abondent à la surface 
de l'Océan, il laisse traîner, 
au milieu des vagues, un 
sac conique qui ne tarde 
pas à s'en remplir (Ci^. 2). 
L'estimation de la hauteur 
des vagues, qui offre sou- 
vent un puissant intérêt, 
se fait d'une manière très- 



g. 8.- Appareils divers de sondage. — i. simple lige de simple ; lorsque le navire 

fer lancée à la main. — 2. Piomb de sonde ordinaire. — est dans lecreUX (le la lame, 
S. Sonde à lance. — 4. Tige avec boulil iixc\ — S. Sonde de 
Broo!«c aver l'appareil do déclic. - G. Sondeur Lecoëntrc 
adopté parla marine française. — 7. Soudeur enregistreur 
à déclic, avec compteur et i>oids vaiiaLlc. — 8. Èlectro 



balhomèlre. Sondeur de M. P. 
automatique. 



lie 




l'observateur s'élève dans 
la mâture en A (fig. 4), 

av C . indi LJleU r jusqu'à ce que le rayon vi- 
suel tangent au sommet de 
la lame la plus rapprochée 
du navire en B, soit également tangent à 
l'horizon, où plutôt au sommet de la lame 
qui suit immédiatement celle que l'on con- 
sidère en G. La figure 5 représente un cy- 
lindre destiné à recueillir de l'eau de mer 
à de grandes profondeurs, les figures 6, 7 
et 8 donnent la forme et la disposition de 
différentes sondes ou dragues, dont le mé- 
canisme très-simple s'explique de lui- 
même. Les températures des couches d'eau 
de l'Océan, peuvent être étudiées à l'aide 



du 



thermomètre enregistreur Miller-Ca- 



'ig 9. — Tricrinomclre 
Milici-Casclla pour les 
glandes profondeur- 
luaiitimcf. 



sella (fig. 9) où un indice demeurant sta- 
tion/taire, donne la température du milieu 
où l'appareil a été plongé. On connaît au- 
jourd'hui un grand nombre d'appareils 
analogues, et les instruments de la physi- 
que de la mer se perfectionnent de jour en 
jour. J. Girard. 

Kipporluur de la Commission d'iJtud» 
uc la physique de la mer 



3-26 



LA NATURE 



LES PAYS ÉLECTRIQUES 

Dans le mémoire sur l'électricité météorique que 
nous continuons à résumer 1 , M.Fournet dit: « Il ne 
pout pas être indifférent pour la science de savoir 
s'il existe ou non des pays plus électriques que d'au- 
tres, car indépendamment de l'étrangcté du fait, il 
n'est nullement impossible que, même à de très- 
grandes distances, des réactions météorologiques ré- 
sultent de ces inégales distributions du lluide. » 

Afin d'examiner s'il existe réellement des causes 
de nature à confirma - ces présomptions, M. Fournet 
cite certains effets signalés par les voyageurs. Nous 
reproduisons sommairement les plus remarquables, 
en y ajoutant quelques laits analogues recueillis par 
d'autres météorologistes. 

Dans l'important travail sur l'hydrologie du Mexi- 
que, dont on est redevable à M. II. de Saussure, on 
voit qu'à la fin de l'hiver, sur les plateaux élevés du 
] ays, où la sécheresse devient excessive, la produc- 
tion des étincelles, au contact dus objets, se manifeste 
par moments avec une grande intensité. Cette ten- 
sion électrique se soutient même en pleine saison des 
pluies. Sur les montagnes, pendant de forts orages, 
on a quelquefois entendu une crépitation universelle 
semblable au bruit que produiraient de petites pier- 
railles s'entre-ehoquant. Cette crépitation, fort intense, 
était probablement due au pétillement de myriades 
d'étincelles jaillissant d'un sol rocailleux. M. Four- 
net fait remarquer, comme une coïncidence qui n'est 
pas à négliger, que ces phénomènes se produisent au 
Mexique surtout en mai, août et septembre, c'est-à- 
dire dans notre période la plus orageuse de l'Europe. 

A la lin du siècle dernier, la présence d'une exces- 
sive quantité d'électricité dans l'atmosphère du con- 
tinent américain avait fixé l'attention de Volney. 
« Les orages, disait-il, en fournissent des preuves 
effrayantes par la violence des coups de tonnerre et 
par l'intensité prodigieuse des éclairs. Dans les pre- 
mières occasions où j'eus ce spectacle à Philadelphie, 
je remarquai que la matière électrique était si abon- 
dante, que tout l'air paraissait en feu par la succes- 
sion continue des éclairs; leurs zig-zags et leurs flè- 
ches étaient d'une largeur et d'une étendue dont je 
n'avais pas d'idée, et les battements du fluide élec- 
trique étaient si forts qu'ils semblaient à mon oreille 
et à mon visage être le vent léger que produit le vol 
d'un oiseau de nuit. Leurs effets ne se bornent point 
à la démonstration ni au bruit : les accidents qu'ils 
occasionnent sont fréquents et graves*. » 

D'après M. 13oussingault, dans l'Amérique du Sud 
(province de Grenade), il tonne tous les jours à Po- 
payan ; en mai, il compta lui-même plus de vingt 
journées orageuses. L'extrême aridité des plateaux 
des Andes provoque des effets du môme genre, et 
clans le désert d'Atacama, au Chili, on voit iïéqucm- 

1 \oy. la Nature, n° 67, VI septembre 1874, p. 2"-i. 
* Tableau du climat cl du sol des Etats-Unis d'Amé- 
rique. 



ment des lumières jaillir du sol et les cheveux se 
hérissent. 

A New-York un savant distingué, le prolesseur 
Lroomis, a observé un ensemble de faits très-curieux 
indiquant la présence d'une abondante électricité 
dans l'atmosphère. En hiver, les cheveux sont fré- 
quemment électrisés, et souvent se lèvent droits. 
Pendant la nuit, les tapis épais des salons chauffés 
font quelquefois entendre de petits craquements et 
brillent lorsqu'on se promène dessus. Un objet en 
métal, le bouton d'une porte par exemple, envoie 
une étincelle à la main qui en approche. 

D'après le docteur Livingstone, au printemps, 
époque de îa grande sécheresse, les déserts de l'A- 
frique méridionale sont souvent traversés par un 
vent du nord chaud, tellement électrique que les 
plumes d'autruche se chargent d'elles-mêmes au 
point de produire de vives commotions ; la seule 
friction du vêtement fait jaillir des étincelles. 

Dans une partie de l'Inde anglaise le fonctionne- 
ment des lignes télégraphiques éprouve de singuliers 
obstacles, pur suite de perturbations électriques d'une 
grande intensité. Des orages d'une effroyable violence 
vont jusqu'à fo.idre les fils conducteurs. Ces phéno- 
mènes ne se font pas seulement remarquer sur les 
parties basses de l'Inde. On les retrouve au centre 
des Chats occidentaux, dans les montagnes du («oorg 
où, pendant la mousson estivale du sud-ouest, les 
orages sont souvent d'une rare magnificence. 

Dans son très-intéressant et très-instructif ouvrage 
sur la loi des tempêtes 1 , Piddington cite des faits 
tendant à prouver que les tempêtes et les tourbil- 
lons de poussières de l'Inde sont des phénomènes 
électriques. Le docteur Baddcley décrit ainsi ces tem- 
pêtes de poussière: « En 1847, à Lahore, désireux de 
m' assurer de la nature de ces tourbillons, je plaçai 
en l'air un lil de cuivre, isolé sur un bambou, au 
sommet de ma maison. J'amenai une extrémité du 
lil dans ma chambre et je le fis communiquer avec un 
électromètre à lame d'or et un (il détaché communi- 
quant avec la terre. Un jour ou deux après, pendant 
le passage d'une petite tempête de poussière, j'eus 
le plaisir d'observer le lluide électrique passant par 
vives étincelles d'un fil à l'autre, et alfectant forte- 
ment l'électromètre. Depuis lors j'ai observé, par le 
même moyen, au moins soixante tempêtes de pous- 
sière; elles présentaient toutes le même [ héno- 
mène. 

a Quelques-unes arrivent avec une grande rapi- 
dité. Le ciel est clair; pas un souffle d'air. Vous 
voyez apparaître à l'horizon un banc de nuages très- 
bas. Quelques miuutes se sont passées et le nuage a 
couvert un demi-hémisphère ; il n'y a pas de temps à 
perdre ; c'est une tempête de poussière, et chacun à 
la hâte se précipite dans sa maison pour éviter d'y 
être enveloppé. 

« Pendant la durée de la tempête des rafales sou- 

! Guide du marin sur la loi des tempêtes, par Henry Pid- 
dington, président de lu Cour du marine à CalcuLla ; traduit 
païF.Chardoiiiicuu, enseigne de vaisseau. 



LA NATURE. 



327 



daines ont lieu à des intervalles dans lesquels la J 
tension électrique est à son maximum. Le fluide con- 
tinue à descendre sans cesse par le fil conducteur; 
les étincelles ont souvent plus d'un pouce et émettent 
un sourd craquement. 

o J'ai observé que, communément, vers la fin 
d'une tempête de cette espèce, la pluie tombe sou- 
dain, et qu'instantanément le courant d'électricité 
cesse ou diminue beaucoup. » 

En terminant ces citations, qu'il serait facile de 
multiplier, nous ferons observer, avec Yolney, que 
la chaleur de la saison ou des tropiques n'est pas une 
cause nécessaire de l'abondance du fluide électrique, 
puisqu'il n'est jamais plus manifeste, en Amérique, 
que par le vent froid du nord-ouest, et que, d'après 
les observations des savants russes, il n'est pas moins 
excessif dans l'air glacial et sec do la Sibérie. 

Des foyers électriques paraissent donc exister dans 
les diverses régions du globe Si l'on admet, avec 
MM. Fournet, Maury et l'amiral Fitz-Iloy, que les 
vents généraux sont en rapport avec ces grandes 
sources d'électricité, et en tirent, pour ainsi dire, 
leurs qualités propres, on comprend l'importance 
des observations que nous venons de résumer pour 
le progrès de la météorologie. Ainsi, par exemple, si 
l'électricité de chaque grand courant atmosphérique 
tropical ou polaire, est régulièrement positive ou 
négative, on peut croire, avec l'amiral Fitz-Hoy, que 
les changements de temps qui surviennent au mo- 
ment où l'un ces courants électriques succède à l'au- 
tre, ont, sur une petite échelle, une certaine ana- 
logie avec les changements des moussons. 

D'autre part, 31. Fournet fait remarquer la liaison 
naturelle de ces plicnomèmes avec les météores qui 
se produisent pendant les orages; et même, en cou- 
sidérant les grands mouvements de l'atmosphère, 
avec les aurores boréales. 

Ces aperçus ne sont encore, il est vrai, que d'inté- 
ressantes conjectures, qui ont besoin, pour être con- 
firmées, d'observation- plus nombreuses et plus ré- 
gulières, de nouvelles recherches dans la voie que 
nous venons d'indiquer. EtiE Makgolil. 



>♦< 



LE TUNNEL SOUS-MARIN 

EXT RE LA FRANCE ET L* ANGLETERRE. 
(Suite et fin — Voy. p. £78.) 

On a récemment fait courir le bruit que les négo- 
ciations entamées avec le gouvernement anglais, au 
sujet des autorisations nécessaires à l'exécution delà 
grande entreprise que nous étudions, ne semblaient 
pas prendre une allure favorable. Nous sommes heu- 
reux de pouvoir démentir ces affirmations, d'après 
des renseignements qui nous ont été communiqués 
de source certaine. 11 y a bien quelques objections 
soulevées dans le sein du ministère anglais, mais 
elles ne paraissent pas de nature à se transformer en 



entraves. On a allégué notamment que la surface des 
mers était la propriété de toutes les nations, et que 
nulle législation ne s'est encore préoccupé du sous- 
sol océanique. Le fond du Pas-de-Calais appartient-il 
bien à l'Angleterre et à la France? M. l'ingénieur Bcr- 
geronafait observer avec raison, à ce sujet, que si par 
hypothèse, la Manche venait à sedessécber, la France 
et l'Angleterre ne manqueraient pas de prolonger leurs 
frontières jusqu'au milieu du fond marin mis à sec 
et que nulle puissance ne pourrait a\oir la prétention 
de considérer comme sien, ce nouveau territoire. Il 
parait certain qu'une telle objection ne peut être con- 
sidérée comme sérieuse; mais nous ne nous occupe- 
rons pas spécialement de ces débats qui seront étu- 
diés par des hommes compétents, et nous compléte- 
rons les détails que nous avons donnés sur un des 
plus grands projets des temps modernes, en décri- 
vant la nouvelle machine perforatrice de M. l'ingé- 
nieur Brunton, d'après des documents anglais d'un 
grand intérêt 1 . 

Nous devons rappeler que l'appareil Brunton, dont 
nous donnons une vue d'ensemble (fig. 3), creusera 
d'abord le tunnel en lui donnant un diamètre do 
1 m 10, et que le trou cylindrique ainsi perforé dans 
la craie, sera plus tard considérablement élargi et 
garni d'une maçonnerie. Cette machine a déjà fonc- 
tionné en Angleterre, pour le percement de tunnels ; 
elle donne des résultats très-importants, et dans une 
roche tendre comme la craie, sa marche en avant 
peut dépasser un mètre à l'heure. Il suffirait de deux, 
années pour ouvrir une communication sous-marine 
eutre Calais et Douvres. 

i.a roche tendre est coupée par des disques mé- 
talliques mm, qui accomplissent un mouvement de 
rotation très-rapide, eutraînés circulaircment par deux 
plateaux superposés MM, reliés à l'arbre central A 

(fis- 1 )-. 

Les disques coupants ou decoupoirs sont eu acier 
« ils entament la roche, dit M. Ilawcs, à qui nous 
empruntons ces descriptions sommaires, par une gi- 
ration rapide. Ils ont un diamètre de 10 à 20 pouces 
anglais, sur une épaisseur de 1/2 pouce à i pouce, 
selon la dimension de la machine et la nature du sé- 
diment à peitorer. Leur circonférence est façonnée 
en un coin aigu. Le rayon du cercle décrit par le coin 
de chaque découpoir est moitié du rayon de la gale- 
rie cylindrique pratiquée. 11 en résulte que les deux 
decoupoirs, dans leur révolution, touchent et enta- 
ment la surface entière de la base de l'ouverture 
cylindrique. » 

L'angle sur lequel les disques ou decoupoirs sont 
fixés, quant au plan de la surface du roc, peut varier; 
il est calculé de manière ù produire l'effet le plus 
efficace. 

La machine est animée d'un mouvement de pro- 
gression, qui lui permet d'avancer à mesure que la 
roche est entaillée ; elle glisse sur des rails et est 
soutenue par des bras qui s'appuient en haut et eu 

1 Channel tunnel. — Paper read Orfoyc tke Society of 
arts by lluwcs, cs<j. F. G. S. — Londoii, 1S7J, 



528 



LA NATURE. 



bas do la galerie, et donnent à l'appareil un appui 
lixe et une résistance considérable. 

Notre gravure d'ensemble (fig. 5), ne représente 
pas l'appareil complot ; le dessinateur a du suppri- 
mer le tambour qui enveloppe les decoupoirs et re- 
cueille les débris de la roche, pour les déverser sur 
une toile sans fin qui 
les déverse dans un wa- 
gon. La figure 2 donne 
l'aspect de cette partie 
du mécanisme. Une sé- 
rie d'augets hélicoïdaux 
a a, disposés dans un 
tambour qui reçoit sen 
mouvement circulaire 
par l'arbre A, prennent 
la matière pulvérisée, 
la jettent sur une toile 
T qui glisse sur des rou- 
leaux, et où ils sont 
conduits dans uu wa- 
gon II. 

La machine perfora- 
trice de Brunton, comme 
on le voit, agit automa- 
tiquement, aussi bien 
pour ouvrir le tunnel 
que pour enlever les 
matériaux ; les decou- 
poirs qui entaillent la 
roche , et le tambour 
à augets qui retire les 
débris agissent simul- 
tanément; ces deux par- 
ties du mécanisme sont solidaires. De l'avis de 
tous les ingénieurs qui l'ont vu fonctionner, la ma- 
chine Brunton laisse loin derrière elle tous les 
systèmes précédents ; elle constitue uu progrès im- 
mense, dans l'art tout moderne, d'ouvrir des coin 




Fig. 1. — Sfachiiie Brunton. — Détails des disques ou decoupoirs. 



muni cations entre les peuples, en perçant des routes 
au sein même d.;s massifs géologiques qui sem- 
blaient devoir se présenter éternellement comme 
d'infranchissables barrières. 

Grâce à ce mécanisme puissant ; grâce aux belles 
études déjà anciennes de notre compatriote M. Thomé 

de Gamond, et aux ré- 
centes investigations de 
MM. Uawkshawet Brun- 
lees, une œuvre éton- 
nante, dont l'exécution 
eût été considérée na- 



guère comme chiméri- 
que, pourra être réali- 
sée sous nos yeux mô- 
mes, et menée à bonne 
lin , dans un espace 
de temps très-limité. 
Comme nous le disions 
précédemment, il no 
manque certes pas 'd'en * 
aemis du progrès qui 
suscitent des obstacles 
moraux, à ce projet, 
prêt à vaincre toutes les 
difficultés matérielles . 
11 y a en Angleterre un 
parti inlluent, et rétro- 
grade, qui pousse les 
hauts cris à l'idée d'unir 
les îles Britanniques 
au continent par une 
voie ferrée. Il répand 
l'alarme dans la presse 
politique en disant que la Grande Bretagne va perdre 
sou influence, en perdant son isolement au sein des 
mers qui l'ait seul sa force, sou indépendance et sa 
grandeur. 
Mui> h [dupait dos hommes intelligents et libéraux 



■ 



$®&W2&a£® -jsâSfiâSÊ 




Fiy, i, — Machine Brunton. — Détails du tambour à auget, destiné à enlever les débris de la roche, et à les déveissv dans des wagons 
pjr l'intermédiaire d'une toile sans fin. — (Celle partie de. l'appareil fonctionne eu même temps que les decoupoirs.) 



s'efforcent de tenir tète à celte coalition aveugle et 
passionnée. Nous en prendrons pour garant, les 
belles paroles prononcées à cet effet par M. Ilawes, à 
une réunion des ingénieurs anglais. Après avoir ex- 
posé le projet du tunnel sous-marin, après avoir 
décrit la machine Brunton, après avoir examiné l'en- 
treprise, au point de vue technique, comme au 



' point de vue financier, voici la conclusion de la con- 
férence du savant anglais. 

'( Je ne daignerai pas m'arrèter, messieurs, aux 

' objections suscitées par d'étroites livalités politiques. 

; A ceux qui croient que le tunnel de la Manche qui serait 
si facilement détruit en cas de guerre, pourrait dimi- 
nuer notre influence dans le monde, je ne peux pas 




l'ig, 3. — Vjo d'ensemble de la machiuc Brunton, dosliuûo à la perforatiou du luuiiel sous-mariu entre la Fraucc et l'Angleterre. 



550 



LA NATURE. 



donner d'arguments pour changer leurs opinions. Il 
n'y a malheureusement rien à objecter aux affirma- 
tions soulevées par les préjugés et l'ignorance- Quand 
on considère les îésultatsde la télégraphie océanique 
de la navigation à vapeur et de l'usage du timbre- 
poste à deux sous, on acquiert la conviction que tout 
ce qui accroît nos relations avec le monde, augmente 
la grandeur et la prospérité de l'Angleterre. » 

Gaston Tissandier. 



L'ARCHIPEL DES \ITI OU FIDGI 

(Suite <'t fin. — Voy. p. 307.) 

Le climat des Fidgi passe pour être tout à fait sa- 
1 ubre. Les fièvres intermittentes qui sont le fléau des 
pays situés dans les régions tropicales, y sont abso- 
lument inconnues. La dyssenterieest la seule mala- 
die que les immigrants européens aient à y redou- 
ter. Ce sont précisément ces colons qui l'ont im- 
portée, et elle par ît due à une alimentation par 
trop végétale. Les indigènes sont très-sujets aux 
affections de la peau et à des maux d'yeux ; on 
attribue les uns et les autres, à l'abus qu'ils font 
du Kava } boisson enivrante qu'ils extraient de la 
racine du Peper Methysticiim, et dont les Anglais 
et les Américains de la basse classe ne laissent pas, 
eux aussi, de largement user. 

Lorsque le 8 mai 1840 les vaisseaux du capitaine 
Wilkes accostèrent la petite île d'Ovolau et jetèrent 
l'ancre devant le village de Levuka, des canots se 
détachèrent immédiatement du rivage et se portèrent 
à leur rencontre. Trois ou quatre de ces canots accos- 
tèrent les navires américains, et les hommes qui les 
manœuvraient montèrent à bord. « A première vue, 
dit le docteur Pickcring, l'éminent anthropologiste 
de l'expédition, je ne les distinguai point des noirs, 
et je fus confirmé dans cette cireur par les nègres 
mêmes qui faisaient partie de notre équipage. Mais 
je m'aperçusbientôt de différences notables quant à la 
couleur. » La chevelure des jeunes (idgiennes ondu- 
lante, quoique un peu crêpée, vint confirmer Pickc- 
ring dans cette première impression, et lui apprendre 
qu'il avait sous les yeux une race particulière, qui 
différait à la fois des Polynésiens proprement dits et 
des Australiens. Le type primitif de ces insulaires 
devait être celui des Papouas de la Nouvelle-Guinée 
et on le retrouve encore dans les régions inté- 
rieures. Mais sur les côtes il a été altéré par des 
croisements avec les Polynésiens de Tonga, et ce 
mélange n'a pas modifié seulement les traits phy- 
siques des Iidgiens : il a eu également des effets 
sur leur langage, leurs mœurs, leurs habitudes, 
leurs institutions politiques. Eu définitive, Pickerhig 
fut bientôt frappé de la ressemblance que les Fid- 
giens offraient avec les portraits de Néo-Cal édoniens, 
dessinés par Labillardière, portraits qui accusent uu 
mélange très- prononcé du sang noir et du sang poly- 
nésien apporté dans notre colonie, par un courant 



d'émigration venu de l'archipel do Samoa, suivant 
les uns, des îles Wallis, d'après les autres. Un teint 
d'un noir fuligineux, dont la nuance varie depuis 
l'ocre jaune jusqu'à la couleur chocolat-, des clr- 
veux épais, iloeouncux chez les uns, longs et suscep- 
tibles d'être ramenés en touffes chez les autres ; une 
barbe noire et bien fournie ; un front étroit» un œil 
largement ouvert et suivant la même direction que 
dans la race blanche, mais s'enfonçant davantage; des 
pommettes saillissant plus que chez le blanc et 
moins que chez le noir; un nez épaté et large, des 
lèvres grosses, des mâchoires proéminentes, une 
bouche grande, des dents bien rangées et dont les in- 
cisives sont proclives, tels sont au physique les traits 
caractéristiques des Néo-Calédonicns : ceux des 
Iidgiens sont analogues. 

11 n'est pas besoin de dire qu'il n'existe encore 
aucun recensement de la population fidgiemie, et les 
appréciations des voyageurs diffèrent beaucoup entre 
elles. Gaimard la portait à 70,000 âmes (1827); 
Wilkesà 125,000 (1840) ;Erskine à 500,000(18-49); 
Pritchard et Smythc à 200,000 (1861) ; Thurslon h 
100,000 (1867); Briltou à 170,000 (1870). Nul 
doute, en tous les cas, que l'archipel puisse con- 
tenir et sustenter un million et demi d'habitants, 
tandis que, par un phénomène remarqué dans tous 
les groupes océaniens, où les blancs ont pris pied, 
mais mal expliqué encore en ce qu'il a de géné- 
ral, le nombre des indigènes diminue de jour en 
jour. Quant aux colons lixés aux Fidgi, leur nombre, 
au 1 er janvier 1871, était de 2,0-40. 

Cet archipel semble offrir de grandes perspectives 
à la colonisation : on sait qu'il y existe de vastes 
couches d'une argile de qualité supérieure que les 
indigènes transforment en poteries, et l'on croit à 
l'existence de gisements de cuivre et d'antimoine. Ou 
est certain que le sol y est très-propice aux cultures 
cotonnières. Elles y ont été introduites, il v a déjà 
bien des années, et dès 1859, le coton des Fidgi ob- 
tenait, sur le marché anglais, un prix supérieur eu 
moyenne au coton d'Amérique. Aussi sa production 
s'esl-elle rapidement développée ; tandis q u'en 1 8G4, 
l'exportation n'était encore que de G50 quintaux, eu 
1873, elle s'élevait au chiffre tle 4,500 balles de 
550 livres chacune, soit environ 14,000 quintaux. 
Malheureusement la qualité avait périclité et d'une 
façon notable, puisque la livre ne se vendait plus ù 
Londres que de 13 à 22 deniers, alors qu'autrefois 
cette même livre s'y était payée 26 et même 28 de- 
niers. 

• Dans les parties montagneuses de Pile Viti, le 
caféier vient très-bien ; il en existe déjà de grandes 
plantations que le cyclone de 1806 détruisit presque 
toutes, mais qui ont été reprises. La canne à sucre 
prospère sur un grand nombre de points, et l'onrcn- 
coi.ire le tabac aux abords de ircsquc tous les villa- 
ges indigènes. Enfin les bois d'excellente qualité, 
propres au chauffage comme aux constructions na- 
vales, abondent. La plus précieuse de ces essences 
est le Kaori, ou pin coloimaive (Danwiaravitiensis), 



LA NATURE. 



551 



que les premiers visiteurs de la Nouvelle-Calédonie, 
Fors ter et Cook, confondirent avec ces piliers basal- 
tiques qu'ils avaient observés en Islande, en Ecosse, 
en Auvergne et retrouves dans le groupe océanien des 
Nouvelles-Hébrides. Quelques Kaoris atteignent l'al- 
titude de 100 pieds et offrent, à 4 pieds au-dessus du 
sol, un pourlour de dix-huit. 

Ad.-F. de ïompertuis. 



FOUR A PUDDLER DE CRAMPTON 

Le nouveau procédé de puddlngc mécanique au- 
quel l'ingénieur anglais Crampton a donné son nom, 
excite en ce moment chez nos voisins d'Outre- 
Manche, un enthousiasme que paraissent justifier 
Ls excellents résultats obtenus par son emploi dans 
la métallurgie du fer. 

Le puddlage mécanique se produit par la rotation 
du four; la haute température nécessaire à l'opéra- 
tion est obtenue au moyen d'un mélange d'air et de 
charbon pulvérisé qui brûle en présence du métal à 
puddler. 

Le four se compose d'une chambre unique qui 
contient le métal à traiter et est en même temps le 
siège de toutes les réactions ; c'est là que commence 
et s'achève la combustion, et que le métal se tra- 
vaille. Cette chambre est intérieurement garnie d'un 
revêtement d'oxyde de fer. Elle est formée dune 
double enveloppe en fer forgé, de manière à ména- 
ger un espace où peut circuler un courant d'eau ; un 
robinet à deux voies amène par l'un de ses orifices 
l'eau froide et permet par l'autre la sortie de l'eau 
échauffée. 

Ce compartiment à eau est une des plus impor- 
tantes dispositions de l'appareil , l'action protectrice 
du liquide froid sur le four est beaucoup plus grande 
qu'on ne l'aurait jamais cru. 

A l'avant, le four est en communication avec la 
cheminée voisine par une sorte de tuyau en forme de 
col, mobile autour d'une colonne de fonte, de ma- 
nière à pouvoir s'appliquer sur l'orifice du four. 

Le travail du four est des plus simples. Supposons 
qu'il soit froid, on écarte le col, on remplit le four 
de bois et on met le feu. On rapproche encore le col 
et ou donne seulement del'air jusqu'à ce que la com- 
bustion du bois soit énergique. On commence alors 
à injecter le combustible pulvérisé et on continue 
pendant 40 ou 45 minutes. Le four est au rouge 
blanc et peut recevoir une charge tic métal. Il faut 
pour l'amener à ce point à peu près 200 kilog. de 
charbon et la combustion est parfaite au point que 
tout le charbon esL consumé. 

On introduit alors une charge de 400 à 500 kilog. 
de 1er froid et on injecte de nouveau le mélange d'air 
et de charbon. Au bout de trois quarts d'heure envi- 
ron, le fer est fondu et on imprime au four un mou- 
vement lent de rotation; le fer puddlo se réunit en 



une boule qui est retirée et travaill ;e suivant les pro- 
cédés ordinaires. — On procède alors aux répara- 
lions du revêtement intérieur, on recharge le four 
et le cycle des opérations recommence. 

Dans des expériences faites à Woolwich, pour des 
charges moyennes de 525 kilog! , le temps moyen né.- 
cessaire à une opération complète fut de 1 heure 
31 minutes et on a pu en faire en une journée de 
12 heures jusqu'à neuf opérations avec des charges 
de 450 kilog. 

On attribue la rvmarquablo qualité du fer obtenu 
par le procédé Crampton à l'élévation considérable de 
température produite par l'emploi du mélange d'air 
et de charbon pulvérisé, et à l'ingénieuse disposition 
qui permet de doser à chaque instant le charbon de 
manière à avoir une combustion parfaite. 

In autre point de vue qui nous semble digne d'in- 
térêt, c'est que ce procédé permet Y utilisation di- 
recte ào poussiers et débris de charbon, qui jusqu'ici 
n'avaient trouve d'emploi que dans la fabrica iou 
des briquettes. 1 

LA TÉLÉGRAPHIE OCÉANIQUE 

(Suite. - Voy. p. 295 ) 

L'échec de 1865 fut promptement réparé. On 
était fixé sur les qualités du Great-Eastern; dès le 
retour, les compagnies intéressées se décidèrent à 
poser un nouveau câble et à faire les tentatives 
nécessaires pour repêcher l'ancien, que l'on prolon- 
gerait jusqu'à Terre-Neuve, de manière à établir 
une double communication. 

Le câble laissé au fond de l'eau continuait à être 
expérimenté par son extrémité libre à Valentia, et ou 
constatait que son état électrique n'éprouvait aucune 
altération. Pour établir la communication avecTerre- 
Neuve, on disposait de 2,000 kilomètres do cable 
ancien, et on fit fabriquer 3,500 kilomètres de câble 
neuf. Le Great-Eastern, malgré son énorme capacité, 
était insuffisant pour recevoir tout le câble; la com- 
pagnie logea une partie de l'ancien conducteur 
sur deux steamers qu'elle fréta, YAlbany et la Hed- 
way. Un troisième navire, le William Cory, portait 
le câble d'atterrissement destine à la côte d'Irlande. 
Le Great- Eastern fut réparé et muni d'un appareil 
qui permettait de rendre instantanément les deux 
roues indépendantes l'une de l'autre, de sorte 
qu'en les faisant marcher en sens contraire, le na- 
vire tournait sur lui-même comme un pivot. L'appa- 
reil de déroulement fut renforcé et disposé de façon 
à pouvoir au besoin relever le cable par l'arrière. Un 
•jpparcil de relèvement par l'avant fut installé à 
neuf. 

Le Greal-Eastern, YAlbany et la Medviay furent 
munis de grappins, de bouées et de cordages à la 
confection desquels on apporta le plus grand soin. 

1 La Houille. — Engineering et Ewjincer, de. 



552 



LA NATURE 



Le draguage en effet ne devait, plus être une opération 
accidentelle, il entrait dans le plan de la campagne. 

Nous donnons ci-contre (fig. 1) la disposition d'un 
grappin. Cet instrument, armé de fortes griffes, hau- 
tes de 40 à 42 pouces, est complété par de solides 
ressorts d'arrêt pour retenir captif le câble. 

La figure 2 représente le type d'une bouée, pou- 
vant alléger un poids de 4 0,000 kilogrammes. Elle 
était destinée à supporter la traînée du câble relevé 
du fond de la mer ; d'autres bouées plus petites 
devaient servir h maintenir à la surlacc l'extrémité du 
conducteur, lorsqu'un accident obligerait à faire une 
coupure. 



Le 43 juillet 486(>, le Great-Eastern souda sou 
câble au câble d'atterrissement, préalablement fixé 
à Valentia, puis, accompagné de VAlbany et de la 
Medway, et escorté du navire le Terrible, il fit 
route à travers l'Océan. 11 suivait un chemin paral- 
lèle à celui de l'année précédente, à 50 kilomètres 
dans le sud. L'opération marcha merveilleusement. 
La communication avec Valentia était excellente. Un 
journal lithographie, donnant les nouvel les d'Europe, 
était distribué deux fois par jour aux passagers et à 
l'équipage. Dans la nuit du 18 au 19, il y eut un en- 
chevêtrement de câble dans le réservoir d'arrière, 
mais l'accident fut réparé avec sang-froid et décision. 






^... 




Fig. i. 
Grappin à ressorts. 



■.-- 



Fig- -• — Douée destinée à soutenir les câbles océaniques. 




Fiij. 3- — Câble des fonds. 



Vers le 21, on passa avec une certaine angoisse en 1 
regard de l'endroit où avait eu lieu l'accident de l'an- 
née précédente ; la brise fraîchissait, et le Great- 
Eastern avait de violents ressauts. Mais enfin, le 
27 juillet, on reconnut la terre ; le lendemain soir, le 
table d'atterrissement était p'acé dans l'anse de 
Heart's Content, et la communication se trouvait 
complète. Le fil était dans d'excellentes conditions 
de transmission. Le message du président Johnson 
à la reine Victoria, composé de quatre-vingt-un 
mots, fut transmis dcTerre-?N'euve à Valentia en onze 
minutes. 

Mais le Great-Eastern n'avait pas achevés» tâche. 
Le nouveau câble heureusement posé, il restait à 
retrouver et à compléter l'ancien. Après quelques 
jours de repos, il partit pour son nouveau champ 
de manœuvre ; il s'y trouvait le 12 août avec VAl- 
bany , h Medway et le Terrible. Pendant vingt jours 



cette flottille sillonna de ses grappins le fond de la 
mer dans la région où se trouvait l'extrémité de 
l'ancien câble. Les bouées placées en 18G5 avaient 
disparu ; mais les observations faites, permettaient 
de retrouver la position. Les marins les plus expéri- 
mentés regardaient comme impossible de saisir l'an- 
cien câble par des profondeurs de 5,500 ou 4,000 
mètres et de ramener sans encombre sur le bà liment. 
On y réussit pourtant après vingt jours d'ei'forts et 
de tentatives de toutes sortes. Ce fui un moment so- 
lennel, et qui a laissé une vive impression chez tous 
les témoins de celte opération, que celui où le chef 
électricien embarqué sur le Great Eastern, ayant 
amené à ses appareils l'extrémité du câble repêché 
au fond de l'Océan, indiqua par un hourrah de triom- 
phe qu'il communiquait avec l'Irlande. 

On correspondait non-seulement avec Valentia, 
mais aussi avec Terre-Neuve, au moyen des doux 



LA NATURE. 



Ô53 



câbles renais. Il ne restait plus qu'à compléter le 
table de 1806 ; cette opération fut terminée le 
8 septembre. Ainsi deux fils télégraphiques, formant 
ensemble une longueur de plus de 7,00i.) kilomètres, 
joignaient les deux rivages de l'Atlantique. 

On ne tarda pas à reconnaître combien était heu- 
reuse lu circonstance qui avait déterminé l'établisse- 
ment de ces deux communiai! ions. Dès le mois do 
janvier 18 G7, le câble de 1800 fut rompu par un 
énorme glaçon flottant qui était venu s'échouer près 
du banc de Terre-Neuve. Ce dégât put être réparé 
au bout de quelques semaines. 

Feu de temps après, ce fut le tour du câble de 
1805; la rupture se produisit encore à une faible 
distance do Terre-Neuve: la réparation fut également 
facile. 

tin 18G9, une nouvelle compagnie, la Société du 
câble transatlantique fian- 
çais, réussit la pose d'un 
troisième conducteur entre 
l'Europe et l'Amérique. 
Une fusion s'ont produite 
entre cette compagnie et la 
Société anglo- américaine ; 
par ie concours des deux 
associations, une quatrième 
communication établie en 
1873 est venue assurer 
d'une manière absolument 
fixe les relations des doux 
mondes. Il est probable 
que nul accident ne pour- 
ra désormais les faire ces- 
ser. 

Le tableau suivant in- 
dique la progression ra- 
pide de l'abaissement du 
tarif, conséquence de la multiplicité des conduc- 
teurs. 




F [g. i — Câbla d'aUérisv'incit. 



ANNÉES 


DÉPÈCHE 


SIMPLE 


TAXE l'Ait MOIS 

SUmÉUENTAlKES 


SOMIU'.E MO MOTS 


TAXE 






Pt. 


Fr. 


18(50... 


20 


525 


26.23 


18(37... 


20 


2J5 


1 • i . i 5 


4808. . . 


11) 


131.25 


15.15 


1809... 


1U 


84.40 


8.40 


1870..., 


11) 


57.50 


3.75 



Notons en passant une facilité offerte aux corres- 
pondants par les agences. Lorsqu'un expéditeur est 
en relations habituelles avec un destinataire, un nu- 
méro de convention peut servir à designer tout à la 
fois le nom et l'adresse de chacune des parties ; la 
transmission de ce numéro ne figurant que pour un 
mot dans le compte, laisse au cadre de 10 mots l'é- 
lasticité suffisante. 

Nous parierons maintenant de la construction des 



câbles. Le lil conducteur de l'électricité, Y âme du 
câble est une cordelette de cuivre, formée de sept 
fils tordus ensemble. La plus grande attention est 
donnée à la soudure des bouts de lil avant la torsion, 
de peur -d'augmenter la résistance au passage, par 
suite d'une continuité imparfaite. 11 faut se repré- 
senter l'électricité comme un fluide extraordinaire- 
meut mobile, fourni continuellement au conducteur 
par la source (pile électrique), et dépensant en route 
son énergie intérieure, pour alimenter sa vitesse. 
La conductibilité du conducteur est la facilité rela- 
tive qu'offrent au passage du fluide les pores du métal, 
suivant sa nature et ses dimensions; la résistance 
est la propriété inverse. Dans les manifestations ap» 
parentes du phénomène, les deux notions se confon- 
dent, ce sont deux formes de langage équivalentes 
dont l.i distinction n'a qu'un intérêt théorique. 

Le lil conducteur a be- 
soin d'être isolé, l'eau dans 
laquelle il est plongé of- 
frant un passage facile à. 

l'électricité. Do toutes les 
substances connues, la <jut- 
la-percha est la plus géné- 
ralement employée pour 
confectionner la gaine du 
(il de cuivre. 

Cette substance est un 
suc végétal, que l'on ex- 
trait par incision d'un 
arbre, Y Isonandra-gutta, 
de l'ordre des sapotaoéos, 
très-abondant dans les îles 
de l'Océanie, notamment à 
Java, à Sumatra et à Bornéo. 
Solidifiée à la tempéra- 
ture ordinaire, elta devient 
consistante etsouple, et elle conserve cette propriété 
jusqu'à 10°. A partir de 50° ; elle devient molle et 
facile à mouler ; elle fond à 120°. 

Le caoutchouc serait un meilleur isolant, mais il 
attaque le cuivre ; en outre, il s'altère vers 80°, ce qui 
ne permet pas de le travailler à chaud, comme on 
fait de la gutta-percha. 

Pour former une gaine continue autour de l'âme, 
ou emploie un dispositif fort simple. Imaginez un gros 
tube ou conduit horizontal dans lequel glisse un pis- 
ton : le fil enroulé sur deux tambours traverse vertica- 
lement ce conduit ; l'orifice supérieur a un diamè- 
tre déterminé suivant Pépaisseur que l'on veut don- 
ner à l'enveloppe isolante. La gutta-percha fluide est 
introduite dans le conduit et sous la pression du pis- 
ton, s'échappe par l'orifice supérieur, en s'attachant 
au fil sous forme d'une gaine qui est solidifiée avant 
d'atteindre le haut de l'atelier. 

La gutta-peieha se conserve intacte dans l'eau de 
mer durant un grand nombre d'années; on a retiré 
au bout de douze ans d'immersion des tronçons do 
cable eu parfait état. 11 importe que l'immersion 
ait lieu immédiatement après la fabrication, ou tout 



534 



LA NATURE. 



au moins que lu câble soit conservé dans un Heu frais, 
afin que l'âme ne perde point sa position centrale 
.dans l'enveloppe, qui commence à se ramollir à 30°. 

A des profondeurs où !e câble subit des pressions 
de 500 atmosphères, on pouvait douter de l'isole- 
ment. L'expérience a démontré que la couche su- 
perficielle seule absorbait une certaine quantité d'eau, 
ta pression même complète l'isolement. 

Afin de protéger la gutta-perclia contre les dété- 
riorations qui peuvent résulter de l'opération de la 
pose ou du séjour au fond de la mer, on couvre la 
gaine d'un revêtement de (ils de 1er dont l'épaisseur 
varie suivant la profondeur. Cette armature prévient 
aussi la rupture de l'âme de cuivre que pourrait 
amener un excès dû traction. Une enveloppe de chan- 
vre est interposée entre la gutta-percha et les fils de 
fer extérieurs. 

Par l'immersion, le câble de 1865 perdit plus de 
la moitié de son poids, celui de 1 858 n'en avait perdu 
que le tiers. Pour arriver à ce résultat, on a augmenté 
le volume du câble en recouvrant de chanvre gou- 
diourié les (ils de fer coinpo.su il l'armature. 

Dans le voisinage des côtes, le cable est plus ex- 
posé encore que dans les fonds; il a pour ennemis 
les poissons, les ancres des navires, les vagues. Pour 
qu'il résiste à tous ces assauts, on l'arme d'une dou- 
ble ceinture de fils de fer. 

Nous terminerons celte description par deux des- 
sins (fig. 3 et 4), représentant le câble des fonds et le 
câble d'à tterrisserneuL Cu. LioMEiirs. 

— La suile prochainement- — 



►<w 



CimOMQUE 

Le jardin des plantes- — La nouvelle ménagerie 
des rotules a été ouverte au public la sem.iine dernière. 
Mous décrirons prochainement celle magnifique installa- 
tion, qui n'a pas de rivale a l 'étranger. Si nous devons sa- 
voir admirer les travaux de nos voisins, ne dénigrons pas 
systématiquement la science française, qui produit aus>i~de 
grands résultats et qui en produirait déplus grands encore 
si l'argent ne faisait pas défaut. La nouvelle ménagerie 
des reptiles attire au Jardin des l'huiles un grand nombre 
de visiteurs, et nous espérons que notre Muséum, où bril- 
lent d'un si bel" éclat des collections admirables et uni- 
ques, en ressentira un effet salutaire. La galerie de paléou- 
tolo'de va s'enrichir prochainement du grand éléphant 
fossile que M. Cazalis de Fondouce a trouvé dans le Gard*. 
Le squelette de cet animal tombait littéralement en pous- 
sière; tous les os sont brisés en menus fragments, el leur 
reconstitution exige un travail considérable, une patience 
à toute épreuve, cl une science osiéologique profonde. On 
espère que dans uu an les os existants de ce squelette for- 
midable, qui n'aura pas moins de quatre mètres de haut, 
seront complètement reconstitués. Malheureusement, il n'y 
:i pas une salle libre, pour exposer une telle pièce; lu col- 
lection de paléontologie étouffe dans un local trop étroit et 
mal disposé ; l'espace et l'argent lui manquent compléle- 

1 \oy. la Nature. Deuxième nunéc 1874. Premier semestre. 
Table des matières. 



ment! Il existe en outre au Jardin des Plantes des collec- 
tions d'oiseaux empaillés, qui sont accumulés dans des 
tiroirs, des richesses innombrables de toute sorte, quo 
l'on est obligé de garder dans des caisses. Notre pays n'est 
pas assez pauvre, pour abandonner les trésors dus à son 
génie scientifique dans de méchantes masures qui mena- 
cent de tomber en ruines. S'il veut se relever , qu'il relève 
d'abord les monuments de sa véritable graudeur. 

Les paratonnerres tle Paris- — Plusieurs jour- 
naux ont annoncé que le préfet de la Seine va nommer une 
commission chargée de procéder à l'inspection des para- 
tonnerres placés sur les différents monuments publiis. 
Cette décision serait prise ù la requête des architectes de 
la ville qui auraient coi.slaté qu'un grand nombre de ces 
appareils sont hors de service. M. Greuet, ingénieur- 
électricien, à Paris, constructeur et contrôleur des para- 
tonnerres, a imaginé de diminuer notablement la longueur 
des tiges qui surchargent inutilement les faîtes des édifices 
alin d'augmenter la zone de, protection, ce dont on n'a pas 
besoin quand tous les combles sont garnis de conducteurs. 
Il a de plus adopté le système de cordes en cuivre usité de- 
puis longtemps en Angleterre et dans la marine. Ces pré- 
cautions sont celles qui sont indiquées dans l'instruction 
académique pour la protection des poudrières. Le château 
de M. Mallet, banquier, près de Versailles, est le premier 
édifice public où l'on a einplové ce système. 

l'.vpédliîon de « la Diana. » — Les succès de 
l'expédition austro-hongroise, après tant de traverses, ne 
doivent pas nous faire perdre de vue une entreprise inté- 
ressante, exécutée par la Diana, yacht célèbre par les 
précédents voyages de Smith, mais monté cette fois par 
un autre explorateur. M. Coiggins, marin pensionné pour 
les entreprises polaires, nolisa ce steamer pour un vovage 
à l'embouchure de l'Obi, afin de s'assurer s'il est possible 
d'établir des relations commerciales enirc l'Angleterre 
et les côtes de la mer de Kara. La saison a été exception- 
nellemenl mauvaise pour les explorateurs arctiques. Ce- 
pendant, le 20 juin, la Diana franchissait le détroit de 
\\eigutc sans rencontrer une quantité considérable du 
places. La côte de l'océan boréal était couverte de mousses 
et de fleurs. Ce n'est qu'aux îles Lutke que la Diana ren- 
contra delà glace, et le 1 er août elle jetait l'ancre à l'em- 
bouchure de l'Obi sans avoir eu à lutter contre des diffi- 
cultés exceptionnelles. A l'entrée du fleuve se trouve uns 
barre de sable qui parait très-dangereuse, et des courants 
très-violents rendent la navigation particulièrement pé- 
nible. Les îles marquées sur 1< s cartes sont à une distance 
considérable du lieu que leur assigne la géographie, ci 
d'autres îles basses dissimulées, peut-être par des bancs 
de glaces, ont été omises. M'ajant de provisions que pour 
une année, le capitaine Coiggina n'a pas trouvé prudent de 
pousser sa reconnaissance plus à l'orient, et retraversanl 
le détroit de Wcigate, il a touché à la côte occidentale do 
la Nouvelle-Zemble pour tacher de trouver les 1rs ces do 
l'expédition austro-hongroise. De là il fit voile vers le port 
d Ilammerfort, à peine y étail-il arrivé depuis une heure 
qu'on signala une voile. C'était le JSicItolas, qui avait à 
son bord tout l'équipage du Teghelloff. 

L'accroissement des communications entre 

les nations, — Les chemins de fer du monde entiei 
transportent environ 4 millions de personnes par jour el 
les nouvelles voies ferrées ont migmimté, depuis 6 ans, da 
24,500 milles à 57,500. Le service postal transporte envi- 
ron 5,500 millions de le lires par année, ce qui fait plus 
de 9 millions par jour. 



LA NATURE. 



555 



Les figues télégraphiques, il y a six an», avaient une 
longueur de 50,166 milles géographiques ; elles dépassent 
aujourd'hui 77,000 milles. Une ligne complète part, de 
San Francisco, traverse le continent américain, l'Atlan- 
tique, parcourt enfin l'Europe, laSibiirie jusqu'à l'embou- 
chure de l'Amour aux confins orientaux de l'Asie, (lutte 
ligne se raccorde avec l'ancienne par des embranchements 
avec l'Inde, le Japon et l'Australie. 

ACADÉMIE DF.S SCIENCES 

Séance du Y.) octobre 1871. - Présidence de M. Bertrand 

Dissociation. — Ces Allemands sont décidément peu 
délicats. L'autre jour, M. Iiésal reprenait, pour la rendre 
à Moulc, la théorie du timbre dont se parait M. Ilelm- 
holtz. Aujourd'hui, JI. Debray revendique pour la France 
la découverte des phénomènes de dissociation qu'un 
M. Widmnrm cherche à faire remonter à Milscherlich. 
Voici les faits: Jhlscherhcli mettant du sulfate de soude 
hydraté dans la chambre barométrique constate une chute 
de mercure, et il en conclut qu'on peut parle baromètre 
mesurer la force d'atfmilé d'un sel pour l*eau. Le fait est 
intéressant mais en définitive ce n'est qu'une autre forme 
de cette expérience vulgaire qui permet d'apprécier l'affi- 
nité en question en mesurant la température d'ébullition 
des diverses solutions salines. De là à formuler toute la 
doctrine de la dissociation, due très-certainement à 
M. Henri Sainte-Claire Devillo, il y a excessivement loin, 
et chercher à donner le change sur ce point est, selon 
l'expression même de M. Dumas, une. manœuvre des plus 
hlàmabl s. La théorie de la dissociation est née en France 
et elle n'a nul besoin d'une nouvelle démonstration pour 
exister. 

Condensation magnétique. — Prenez, à l'exemple de 
de M. Lallemand, une grosse barre de fer doux et enve- 
loppez-la dans une hélice d'induction. Le courant élec- 
trique l'aimantera, une arinuture pourra y être retenue, à 
laquelle on pourra même suspendre un poids plus ou 
moins considérable. L'auteur est parvenu a y faire tenir 
li>0 kilogrammes. Cela fait diminuez la charge à ôO kilo- 
grammes et interrompez le courant : contrairement à 
tout ce qu'on enseigne jusqu'à ce jour cette charge encore 
considérable ne tombera pas. Une certaine quantité do 
magnétisme rémanent suffira pour la retenir à la barre. 
Mais si, dans ces conditions, on vient à séparer l'armature, 
immédiatement toute trace de magnétisme disparait ; 
l'armature seule ne peut mèinc plus être attirée parla barre. 
L'auteur s'est assuré que le phénomène qu'il signale prend 
naissance, même quand l'éleclro-aimant est constitué par 
le fer le plus pur et le plus doux ; il annonce de pro- 
chaines expériences sur cet intéressant sujet. 

Spectroscopie solaire. — Trois sujets distincts quoique 
connexes ocupenl M. Secchi, dans un mémoire dont M. Du- 
mas donne une rapide analyse: l'emploi du spectroscope, 
dans l'étude des éclipses, l'existence de l'atmosphère lu- 
naire, la distribution et le nombre de protubérances du 
soleil. 11 a examiné le premier point lors de l'éclipsé que 
tout le inonde a pu observer le 10 de ce mois, en recher- 
chant de quelle manière le spectroscope peut rendre les 
plus grands services, quant à la détermination ou ino- 
meul précis du contact entre deux astres qui s'occultent. 
On peut employer le spectroscope ordinaire, mais en y 
ajoutant un pnsme additionnel ou facilite la recherche 



du point à observer et c'est un perfectionnement qu'on ne 
doit pas négliger. Quand à la précision du résultat, elle est 
sensiblement la même dans les deux cas. 

La question de l'atmosphère lunaire est comme un 
appendice de la précédente, car c'est devant l'éclipsé du 
10 que II. Secchi l'a examiné de nouveau. La netteté des 
phénomènes spectraux, observés lors du contact, a été telle 
que l'astronome romain en a reçu une nouvelle confirma- 
tion dans l'opinion que notre satellite est bien réellement 
dépourvu de toute atmosphère. 

Enfin, en ce qui concerne les protubérances, l'auteur 
adresse un tableau résumant toutes celles observées 
du 20 décembre 1873 au 2 août 1874. La conclusion est 
que durant ces sept mois, le nombre des protubérances 
acte constamment en diminuant d'une manière régulière 
et si considérablement qu'on ne peut attribuer la diminu- 
tion à des erreurs. Eu janvier ce nombre était de 140 ; eu 
juin, juillet et août il descend au-dessous de 100. Peut- 
être ces observations conduiront-elles à la découverte des 
lois auxquelles obéissent ces imposants appendices de notre 
astre central. 

Atlas météorologique. — On se rappelle que sous l'em- 
pire L'Observatoire faisait paraître chaque jour un bulle- 
lin contenant, sur une carte de la Franco ou de l'Europe» 
le tracé des courbes d'égale pression barométrique et di- 
vei ses variations météorologiques. Il en résultait à la fin 
de chaque année un Atlas dont l'utilité était universelle- 
me.it reconnue. La guerre, coin: ne beaucoup d' autres 
choses, a interrompu cette entreprise, et c'est seulement 
aujourd'hui qu'on s'occupe de la reprendre. M. Le Verrier 
dépose sur le bureau do l'Académie le tome V de cette 
belle publication, volume qui comprend les trois années 
1809, 1870 et 1871. Beaucoup de lacunes y seront re- 
marquées, mais l'ensemble est digne du plus vif intérêt. 
Si on s'est pressé de le publier, c'est que les observations 
dont se chargeaient les commissions départementales vont 
être reprises de toutes parts. L'Assemblé nationale a, comme 
on sait, voté des fonds dans ce but et le ministre vient 
d'adresser des instructions aux conseils généraux. C'est à 
ces mêmes conseils que il. Le Verrier a tenu à adresser le 
nouvel Allas, afin de faire bien comprendre atout le monde 
l'importance de l'entreprise qui, à côté de ses avantages 
scientifiques, en présente d'inappréciables pour l'agriculture 
et la navigation. Les commissions départementales ne 
peuvent que recueillir ces observations sans se livrer à. 
aucune discussion, puisque les phénomènes leur échap- 
paient presque immédiatement, en franchissant les limites 
des départements. C'est pourquoi les départements vont 
être groupés en bassins dans chacun desquels une coin- 
mission régionale centralisera toutes les données fournies 
par les diverses commissions départementales. Jusqu'ici, 
I il n'y a de constitué, que deux bassins ou régions de ce 
. genre : le bassin de la Seine auquel M. Belgraud s'est con- 
| sacré, et le bassin su 1 ouest méditerranéen, dont M. Crova, 
' de Montpellier, est l'âme, et qui comprend les départements 
I de l'Aude, de l'Hérault, du Gard, de la Lozère et des Pyré- 
nées-Orientales. Espérons que cette organisation sera pro- 
chainement généralisée. Ses avantages ont été appréciés 
par l'Angleterre, de façon que nos voisins s'occupent de 
Subdiviser la Grande-Bretagne en régions météorologiques 
du même genre. 

Cours d'astronomie populaire. — Puisque nous en 
sommes à des sujets plus ou inoins astronomiques, annon- 
çons que la troisième année du cours public et gratuit 
d'astronoiiiie populaire que professe 31. Vinot, commen- 
cera le dimanche 1" novembre, à dix heures du matin, 



oôG 



LA NATURE. 



dans le grand amphithéâtre de l'École de médecine, pour i 
conlinuer tous 1rs dimanches suivants à la même heure. : 

Analyse de la betterave. — Déjà SI. Violette a fait, cou- I 
naître la composition des cendres de betterave. Aujour- '■ 
d'hui il recherche la distribution du sucre et des matières 
salines dans cette importante racine. Confirmant les éludes . 
de SI. Peligot, auxquelles il apporte «ne valeur nouvelle, ' 
l'auteur reconnaît que si on nnnlvse. successivement dus 
tranches de betteraves, prises à partir du collet jusqu'à 
la pointe, on trouve que la quantité de sucre va constam- 
ment en augmentant. A.11 contraire, la quantité de matières l 
salines va en diminuant, de façon que ces deux ordres de 
substances sont distribués d'une manière absolument 
inverse. Ces résultats in!éres c anls au point de vue physio- ; 



logique paraissent de nature à recevoir des applications 
industrielles. 

Phylloxéra. — Naturellement, le phylloxéra figure 
parmi les sujets traités dans la correspondance. Beaucoup 
de personnes ont prétendu que le phylloxéra n'est pas 
cause de la maladie, mai-; que la vigne épuisée fournit un 
sol favorable à son développement complet. M. Balbiani 
s'inscrit contre cette opinion et il la combat par une 
expérience qui consiste à placer des phylloxéras sur des 
vigne-; épuisées : jamais l'insecte ne s'y fixe et au con- 
traire il attaque vigoureusement la plante saine. Pour lui 
le remède consistant dans l'emploi d'un engrais riche est 
tout à fait illusoire et propre au contraire à faire pi os 
péter le parasite. Stanislas Meunieii. 




L'exulosion de pouilre «lu 3 octobre & Londres. — Vue de la maison du gardien de Hegénl's Park après le sinistre. 



L'EXPLOSION DE POUDRE 

DE « REGEHT's CANAL » A LOSDltES. 

Un bateau chargé de poudre a sauté dans la nuit 
du 1 au 5 octobre, dans le Ileyent's Canal, au lie- 
(jent's Park de Londres. Ce bateau portail plusieurs 
milliers de kilogrammes de poudre et a éclaté avec 
un 1-ruit formidable. La détonation a été entendue 
jusqu'à Woolwich, e'est-à-dire à 15 kilomètres , do dis- 
tance. D'après le témoignage des marins qui mon- 
taient une barque remorquée par le même vapeur et 
qui ont miraculeusement échappé, l'explosion a eu 
lieu en deux temps distincts, séparés par quelques 
secondes. C'est le second choc qui a été irrésistible et 
dont les conséquences se sont fait sentir dans un 
rayon immense. — Le dégât a Ole considérable; des 



ponts entiers oui été pulvérisés, des arbres littérale- 
ment broyés. Notre gravure donnera une idée de la 
> iolerice de la commotion en représentant l'état actuel 
de la résidence du gardien de Régent' & Parti. Cette 
petite maison, quo que située à une assez grande 
distance du lieu de l'explosion, a été à moitié dé- 
truite par l'ébranlement. Grand nombre d'autres 
habitations voisines sont dans le même cas. 

Le 24 septembre avait eu lieu en Amérique une 
catastrophe beaucoup plus terrible au point de vnedo 
la perte dû vie humaine. Lue filature __ devenait la 
proie des flammes à l'ai 1-IU ver, dans l'Etat de New- 
York. 



Le Propriétaire-Gérant : G. Tissandieii. 

(.oiibbil. - T*p. et stér. de Chbt j . 



N 74. — 51 OCTOBRE 1874. 



LA NATURE. 



337 



CO.NSERVATIO:* 



DES ŒUFS DE YERS A SOIE 

PAU I,E FROID. 

Dans sa séance du 7 février i 874, la section d'En- 
tomologie et de sériciculture de la Société des agri- 
culteurs de France recevait une communication fort 
intéressante sur l'application des températures abais- 
sées et constantes à la conservation des graines ou 
œufs de vers à soie, et à leur facilité d'éclosion en 
temps déterminé. La section, sous la présidence du 
marquis deGiuestous, souhaita à l'unanimité de voir la 



prompte application de celte méthode qu'elle regard? 
comme un progrès très-sérieux dans l'art du magni- 
nier, comme un moyen de parer à bien des inconvé- 
nients actuels : la conservation des œufs dans les 
caves lui semble un expédient fort incomplet. 

L'application du froid à la conservation tempo- 
raire ou indéfinie de la graine de vers à soie comporte 
deux sortes d'installation. L'une donne la facilité 
de conserver de petites quantités de graines ; l'autre 
permet la création de magasins cantonaux ou ré- 
gionaux qui peuveut conserver pour compte de tiers, 
jusqu'à 25,000 à 50,000 onces de graine. Dans le 
■ premier cas, que l'on peut considérer comme une 
conservation à domicile, 



appareil se compose d'une- 




HHiiiiiiiiii . ■• ! . . M ': m I - ; . . v. 

Appareil pour la conservation des graines ou œufs de vers J soie par Je froid. 



sorte d'armoire parfaitement isolée et dans laquelle 
se trouve un compartiment métallique entouré d'air 
froid. 

Nous donnons un dessin de cette installation sim- 
ple. Les parois de l'armoire sont doubles et remplies 
de matières isolantes. Un double fond, supérieur à la 
caisse métallique, permet de placer des morceaux de 
glace dont l'eau de fusion passe au dehors et sort par 
un robinet disposé à cet effet. On voit ci-dessus les 
cartons couverts de graines debout dans la caisse ; au 
milieu peut se placer un vase spécial rempli d'eau : à 
côté un hygromètre permet de ne pas dépasser le point 
voulu pour la quantité d'humidité que doit contenir 
l'air confiné : un thermomètre surmonte l'hygromètre 
et sert à vérifier constamment la température. 

Cette machine, à portée de toutes les fortunes dans 
les pays où l'on peut se procurer de la glace, fonc- 
tionne depuis le commencement de l'année où elle a 
reçu 50 mille onces de graines du Chili, provenant 

2* an ncc. — 2* Knieslrc. 



: delà ponte de novembre et décembre 1873. Aucun 
accident n'est survenu depuis 9 mois et M. Cit. Tel- 
lier, l'inventeur, assure que la conservation lui sem- 
ble indéfinie. De temps en temps, et aussi souvent 
qu'on l'a voulu, des échantillons prélevés sur les car- 
tons conservés ont donné de parfaites éclosions dont 
nous avons vu les élevages à l'exposition des insectes 

. qui vient de se terminer à Taris. 

Si l'humidité semblait surabondante, le cylindre à 
jour placé au milieu du compartiment métallique 
recevrait du chlorure de calcium et ramènerait bien- 
tôt l'air au degré de siecîté que l'on jugerait conve- 
nable. Dans ces conditions, la glace ne touche pas la 
graine, l'humidité si funeste aux œufs placés dans les 
caves et dans les glacières est par conséquent rendue 
absolument impossible. 

Malheureusement ces appareils nécessitent l'emploi 
de la glace, comme nous venons de l'expliquer, et 
dans de nombreuses contrées, en province, i) n'est 

22 



OiK 



LA NATURE. 



pas possible de s'en procurer, sinon à des prix oné- 
reux, quoique la vente en soit très-minime. Dans ce 
cas, il conviendrait de créer des magasins régionaux 
qui recevant la graine faite dans tout un rayon du 
pays, la conscr vernit un hiver au moins pour la 
rendre aux éducateur» au moment qui paraîtrait 
propice à chacun d'eux. 

Un magasin contenant 25 à 30,000 onces, présen- 
tant une capacité intérieure de 100 mètres carrés, 
comporterait alors l'emploi d'une machine à faire le 
froid, dont on a donné la description précédemment. 
Cette machine qui coûte 10,500 francs utilise trois 
chevaux de force motrice. 

Si un tel moteur était monté sur un cours d'eau, 
dans un moulin, par exemple, il ne coûterait 
d'autre dépense que la surveillance. L'été, la ma- 
chine pourrait être crnplovée à faire de la glace, qui 
se vendrait très-bien la plupart du temps, le coût 
total de la conservation des graines s'en trouvant 
i>ï isi considérablement réduit. Mais ce n'est pas là 
peut-être le moyen le plus simple d'en tirer parti. 

Supposons que dix propriétaires voisins se réunis- 
sent pour l'achat et l'installation de la machine, ils 
auront chacun la jouissance d'un compartiment de 
10 mètres carrés, dans lequel ils peuvent conserver 
indéfiniment tout ce qui leur conviendra : gibier, 
viandes, fruits, etc., etc., outre leurs graines de vers 
à soie d'une année sur l'autre. Quelle commodité 
pour les éleveurs! Quelle sécurité ! Plus d'éelosion 
hâtive, c'est-à-dire intempestive, quelle que soit l'es- 
pèce que l'on élève; l'éelosionsera graduée à volonté 
et en raison de l'activité du végétal destiné aux vers : 
mûrier, chêne, ricin, etc., etc. Tout devient facile ! 

La Société des agriculteurs avait raison : il y a !à 
un grand progrès. Nous n'avons pas dit toutes les 
ressources qu'il offrira et qui deviendront manifestes 
à inusure que l'on employera davantage cette mé- 
thode si simple et si eificace. 11 y a lieu d'accorder 
des louanges au nouveau procédé de conservation 
des œufs de vers à soie, surtout quand on pense 
qu'une chambrée enlevée par la maladie pourra 
désormais être remplacée presque du jour au lende- 
main. II. DE L,\ BlA.NClIÈliE. 

GRAINES AYANT GERMÉ 

APRÈS r-LUS DE MILLE CI>Q CENTS ANS. 

On a di's exemples âo, graines conservées par ha- 
sard, au fond de l'eau ou dans le sol, pendant un 
nombre considérable d'années, et qui ont levé quand 
elles se sont trouvées tout à coup exposées aux con- 
ditions de la germination 1 . Malheureusement, il est 
rare qu'on connaisse l'époque précise du dépôt, aussi 
le cas suivant est-il un des plus curieux qu'on ait 
jamais constaté*. 

1 Voyez d-i CandolL", Géographie botanique, tome H, p. C24. 
' * Voyez aussi, les Pois de momie égyptienne; la Nature, 
;n« 70, *3 octobre 1874, pnge 273. * 



• M. Théodore de Ileldreich, professeur de botanique 
à Athènes, ayant herborisé autour des mines d'ar- 
gent de Laurium, exploitées par les anciens, raconte 
dans la Gartenflora de M. Regel, de novembre 1873, 
qu'il a vu sortir une immense quantité d'un glaiicium 
dans un espnee d'environ 50,000 mètres carrés, re- 
couvert par trois mètres d'anciennes scories que les 
exploitants modernes ont repris pour en extraire le 
métal perdu par les anciens. La date de l'accumula- 
tion des scories est de 1,500 ans au moins, de 2,000 
ans au plus. 

La papavéraeée ainsi obtenue est, selon M. de 
Ileldreich, une espèce distincte qu'on ne connaissait 
pas, et qu'il nomme Glaueium Serpieri... Une chose 
curieuse est que l'un des pieds avait des fleurs com- 
plètement doubles, ressemblant à des fleurs de trol- 
lius ou d'une grosse renoncule double. On peut pré- 
sumer, d'après cela, que les anciens cultivaient cette 
plante. 

La disparition de l'espèce du territoire grec et 
des pays voisins est encore une chose remarquable. 
M. Boissier, le savant auteur tic la Flora orienta lis, 
nous a affirmé n'avoir pas vu celte forme duus les 
Glaueium actuels, et s'accorde avec M. de Hcldreich 
pour la considérer comme une espèce particulière, 
— dans ce cas, on ne peut pas dire nouvelle 1 . 

Alpij. de C. 



LA 



NOUVELLE MÉNAGERIE DES REPTILES 

AU ML>ÉUM D'HlsTOIliË KATl'IlELLE. 

Le vendredi 16 octobre la nouvelle ménagerie des 
reptiles du muséum d'histoire naturelle ouvrait ses 
portes au public. La veille, les principaux représen- 
tants de la science et du journalisme parisien avaient 
été conviés à visiter le palais destiné aux vertébrés 
inférieurs, reptiles et batraciens. 

L'ancienne ménagerie, établie dans de vieux bâti- 
ments tombant presque en ruines, était depuis nom- 
bre d'années reconnue trop petite et tout à fait indi- 
gne des richesses qu'elle renfermait; c'était là cepen- 
dant qu'avaient été envoyés les animaux les plus 
rares et que pour la première fois en Europe l'on 
avait vu vivants: la grande salamandre du Japon, la 
ménopome, le grammatophore barbu, le trachysaure, 
le moloch, ces deux êLres étranges d'Australie, et 
tant d'autres espèces encore dont il serait, superflu 
de dire ici les noms; c'était là qu'avaient été suivis 
avec tant de soin par À. Duméril la transformation 
de cet animal étrange à tant d'égards, l'Axolotl du 
Mexique; c'était là que les savants auteurs de l'erpé- 
tologie générale, Constant Duméril et G. Bibron, 
avaient l'ait tant d'intéressantes observations, secon- 
dés par Val ée, ce modeste employé qui est venu 
tout à coup manquera l'administration du Muséum, 

' Archives des sciences physiques et naturelles de Genève. 



LA NATURE. 



Oj, 



Les richesses s'accumulaient, et le local devenait 
chaque jour de plus eu plus insuffisant, aussi la créa- 
tion d'une nouvelle ménagerie était-elle chose décidée 
eu principe depuis plusieurs années. Grâce à d'activés 
démarches, grâce à l'estime dont il jouissait et comme 
homme et comme savant, Auguste Duniéril, le digne 
successeur de son père dans la chaire d'erpétologie, 
parvint à obtenir que la création île la ménagerie ne 
restât pas lettre morte. M. André, l'architecte du 
Muséum, tut chargé de dresser !es plans, et le nou- 
veau bâtiment s'élevait de terre sur l'emplacement 
de l'ancien laboratoire de paléontologie, lorsque Au- 
guste Duméril fut subitement enlevé à la science, 
u' avant pu voir menée à bonne fin l'œuvre pour la- 
quelle il avait tant de ibis élevé la voix. M. Blanchard, 
membre de l'Institut, fut à cette époque chargé par 
intérim de la chaire d'erpétologie et d'ichthyologie; 
le savant professeur prit à cœur d'achever l'œuvre 
commencée par son prédécesseur, et l'on peut dire 
que, pendant près de trois ans, i! y consacra tout son 
temps. Mais que de soins, que de démarches avant 
d'arriver à l'achèvement complet du palais, unique 
certainement au monde, qui vient d'être terminé. 
Tout, en effet, était à chercher et à trouver, tout à 
créer non moins artiste que savant, W. Blanchard 
voulait que, non-seulement l'installation nouvelle 
répondît à tous les besoins de la science, mais en- 
core que ces animaux si méprisés, et, pour le dire, 
considérés comme si laids et si repoussants , les 
reptiles, fussent piésenlés au public avec tout le 
charme possible, et qu'à un tableau peu attrayant 
par lui-même, on pût ajouter un cadre qui permît 
de le contempler, sinon avec plaisir, du moins sans 
répulsion. 

Il faut Lien dire que le savant professeur avait eu 
le rate bonheur de trouver près dû lui un artiste 
d'un talent depuis longtemps reconnu, M. F. Bo- 
COUit, attaché au laboratoire d'erpétologie: le bras 
interprétait avec intelligence les ordres donnés par 
la tète, et, c'est grâce à la triple collaboration de 
l'homme de science, de l'architecte et de l'artiste que 
la nouvelle ménagerie a pu être édifiée telle que nous 
la voyons. 

Cette ménagerie forme un long bâtiment surmonté 
d'un éta ,r e à chaque extrémité; ces étages sont re- 
liés entre eux par un long couloir. De grandes glaces 
garnissent le devant et permettent au publie d'aper- 
cevoir les animaux. Une belle statue représentant un 
nègre jouant de la flûte et charmant un serpent se 
trouve près de la porte d'entrée. 

Celle-ci donne accès dans une premièie salle ornée 
d'un vaste bassin élégamment décoré au milieu duquel 
sont des tortues d'eau douce, des émydes. En face, 
et dans la vitrine centrale, se voient les couleuvres 
à collier et vipérine, toutes deux de France; de cha- 
que côté de cette vitrine sont, dans les cages du bas, 
de jeunes émydes, des tortues terrestres, de très- 
jeunes caïmans et crocodiles et quelques couleuvres. 
Des seize vitrines du haut, trois seulement sont ac- 
tuellement occupées par des couleuvres et par des 



lézards des murailles. Ce^ vitrines sont destinées sur- 
tout à renfermer les reptiles de France. 

Ile cette première pièce, le visiteur passe dans une 
vaste salle éclairée par le haut. Trois magniliques 
palmiers la décorent ; dans les bassins, des papyrus 
aux feuilles étroites, des fougères au port élégant; 
dans les cages, des plantes exotiques, des fleurs, des 
camélias, des arbustes au vert feuillage, des plantes 
grimpantes autour des branches où se tiennent en- 
roulés les serpents, des lycopodes cachant les bacs, 
des plantes gra-ses garnissant les abris où se reti- 
rent les animaux qui fuient le jour; partout la lu- 
mière, la verdure et la vie. Qu'il y a loin de cette 
salle à cette pièce si froide, si humide et si triste que 
tous nos lecteurs ont connue! 

Le grand mur du fond, peint d'une couleur agréa- 
ble à l'œil, porte inscrits les noms des fondateurs de 
la science: Aristote, jElien, Ausone, Salviani, Belon, 
Rondelet, J. Ray, Linné, Artédi, Lacépède, Daudin, 
Brongniart, Cuvier, Gcoffroy-Sain'.-Ililaire, Blaiu- 
ville, Dumérit, Bibron, Valenciennes. Le centre de 
la salle est occupé par un vaste bassin divisé en cinq 
compartiments ; c'est là que sont les caïmans à mu- 
seau de brochet de l'Amérique septentrionale, les 
caïmans à points noirs de la Guyane hollandaise, le 
caïman à tète de chien qui habite le Brésil, le cro- 
codile à front large d'Afrique, tous immobiles pen- 
dant de longues heures. Bans le bassin du milieu 
vit une grande tortue de mer, la chélonée couane de 
Cayenne. Dans le dernier compartiment, se voient 
plusieurs beaux exemplaires d'une tortue de terre à 
écailles portant au centre une large tache jaune qui 
s'étend enrayons sur le reste de la surface; cette 
espèce, la tortue radiée, est particulière à Madagas- 
car, d'où on l'apporte souvent vivante à Bourbon et 
au Cap; avec elle se trouvent deux grandes tortues 
au corps déprimé et au long cou, la plalemyde de 
Wagner. 

Si après avoir jeté un coup d'oeil sur les bassins, 
nous revenons vers la salle d'entrée, nous verrons 
dans la première cage vitrée quatre magnifiques boas 
empereur, provenant du Brésil, puisleboa constrictor 
des forêts de l'Amérique du Sud. Vifs et agiles sont 
les lézards ocellés et les lézards verts qui sont près 
de là. La grande cage centrale et la dernière vitrine 
sont consacrées à de magnifiques pythons de Séba, 
cette espèce qu'adorent les nègres de la côte de Gui- 
née; la femelle de près dequatre mètres de longijui 
se voit dans la dernière vitrine est surtout de la plus 
grande beauté, et par sa taille et par la richesse de sa 
robe. Le représentant asiatique du genre, le python 
molure, des lieux bas, marécageux et inondés des 
Grandes Indes, se trouve à côtede l'espèce Africaine. 
Puis se voient la couleuvre plombée des environs de 
Buenos-Avres, la couleuvre gentille qui vit dans la 
même région, l'élaphe de Sarmatie, la couleuvre de 
Holbrook qui habite la Pensylvanie. Sur des plantes 
avec lesquelles ils se confondent par leur teinte, per- 
chent des caméléons aux mobiles couleurs, sur les 
pierres se chauffent des stellions du Levant, facile- 



5-40 



LA NATURE. 



ment reconnaissables à la disposition en verticille 
des écailles épineuses qui garnissent la région cau- 
dale. Se cachant le plus souvent dans l'ombre sont 
des Sauvegardes de l'espèce dite ponctuée de noir, 
ces lézards, aux ongles aigus et acérés, qui passent 
pour prévenir de l'arrivée des reptiles dangereux. 
Puis viennent les cages occupées par les reptiles 
d'Australie, le lézjrd épineux de Sydney, le varan de 
Gould, le £rarnmatophore barbu aux écailles de la 
gorge développées et formant de longues pointes, le 
tracliysaure rugueux, ce curieux animal d'un type 
archaïque plutôt que d'un type actuel, et dont, la 
queue est presque aussi arrondie que la tète, de telle 
sorte qu'au premier abord on serait tenté de con- 
fondre les deux parties. 



Le corps de bâtiment parallèle à celui par lequel 
nous sommes entrés, est consacré aux reptiles veni- 
meux. Le bassin, qui en occupe un des côtés, ren- 
ferme quelques tortues d'eau douce et la curieuse 
matamata à la tète terminée par un appendice qui 
rappelle probablement les lilets pêcheurs de la Bau- 
droie. Contre la fenêtre sont les araignées mygales, 
au hideux aspect; derrière les pierres se cache un 
gecko. Voici la vipère aspic de Fontainebleau, l'é- 
chidnée élégante, le dangereux serpent des Indes 
orientales, les serpents à sonnette dont la queue, 
terminée par des étuis cornés et mobiles, fait enten- 
dre un bruit de cresselle, lorsque l'animal est inquiet 
ou irrité, avertissement pour le voyageur qui parcourt 
les vastes solitudes du Nouveau Monde ; voici le trigo- 




Nouvelle ménagerie des reptiles au Jardin des Plantes. — Galerie des reptilos nuisibles. 



nocéphale enrouleur et le trigonocéphale piscivore, 
plus dangereux peut-être que le crotale et se glissant 
sans bruit dans l'ombre des forêts; puis le naja à lu- 
nettes, le serpent des charmeurs de l'Inde, qui peut à 
volonté dilater son cou , et dont le représentait l africain , 
l'aspic ou haje, a été adoré parles anciens Esvptiens 
comme la divinité protectrice des champs. 

Que le lecteur veuille bien maintenant nous sui- 
vre dans la salle des aquariums. Il y retrouvera les 
salamandres tachetées, les tritons ponctués, les tri- 
tous à crête, les tritons des Alpes qu'il a pu 
observer aux environs de Paris. Le crapaud accou- 
cheur dont le mâle porte, jusqu'à l'éclosion, les œufs 
attachés autour de ses cuisses, est à côté du protée 
anguillard, le curieux animal des cavernes sou- 
terraines de l'Illyrio. Dans la même salle sont le cys- 
tiguate ocellé de Cayenne, le crapaud élevé du Japon, 
le crapaud à oreilles noires de Buenos-Ayres et les 
grenouilles mugissantes des Etats-Unis dont lu voix 



1 a tant d'éclat et de puissance. L'étrange ménopone 

! des Etats-Unis se cache presque toujours derrière les 

I pierres. Les deux grandes salamandres du Japon, qui 

rappellent tant le fossile décrit par Scheutzer sous le 

nom d'homme témoin du déluge, occupent le grand 

aquarium central, près duquel se trouvent de nom- 

, breux axolots, dont quelques-uns sont atteints d'al- 

'■ biuisme, puis les fameux axolots transformés, les 

seuls qui aient encore été vus. S'il jette les yeux sur 

les silures de glanis qui vivent dans un des deux 

; grands bassins destiné? aux poissons, le visiteur aura 

j parcouru bien rapidement, il est vrai, et sans avoir 

eu le temps de faire d'observations suffisantes, Je 

; palais destiné aux reptiles ; s'il veut bien nous pren- 

, dre encore comme guide, nous chercherons à lui faire 

I une autre fois connaître les mœurs de quelques-uns 

des êtres étranges qu'il n'a fait qu'entrevoir. 

I —La lin pruchiunemcnl. — 



LA NATURE. 



541 



EXAMEN MICROSCOPIQUE DES MINÉRAUX 

On a découvert avec le secours du microscope, une 
multitude d'organismes fossiles dans les matières 
meubles : foraminiferes, diatomées, coquillages, res- 
tes paléoulologicjues aussi importants que ceux des 
animaux de grande taille. Les découvertes ont été 
a-sez étendues, à cause île la simplicité du mode de 
préparation nécessaire pour l'exunen; il suffit de 
délayer un dépôt dans de l'eau et recueillir après 
plusieurs lavages telle partie chargée de ces organis- 
mes et de les fixer avec du baume de Canada sur le 
porte-objet. 

Les roches contiennent, dans une autre acception, 
des caractères aussi dignes de fixer l'attention des 
minéralogistes ; mais elles ne se traitent pas de la 



I infinie manière. L'opération qui est longue et déli- 
I cate, consiste à user un petit fragment de l'échan- 
tillon choisi, sur une meule ou une pierre dure 
saupoudrée d'émeri, jusqu'à ce qu'il soit réduit à 
une épaisseur suffisante. La lamelle ohtenue, doit être 
telle, q u'el le satisfasse aux conditions nécessaires à un 
bon examen ; trop épaisse, elle ne laisserait pas passer 
j la lumière requise pour discerner les détails; trop 
| mince, elle pourrait, se briser, ou laisser trop peu de 
matière à examiner. 

Le rodage est assez long; il exige quelquefois plu- 
sieurs heures d'un travail assidu et fatigant. Quand 
une face est suffisamment usée, on retourne le frag- 
ment ; s'il est trop petit pour être pris avec les doigts, 
on colle la face polie sur une molette en verre avec 
du baume de Canada et l'on continue, en ayant soin 
de roder bien parallèlement à la fice déjà travaillée. 





Basalte fel<l-]>alliiquc. 
(Grossissement 20 D. ) 



lY.idiyU: cotitenatil tins cristaux Je mica. 
(Grossissement 20 D.) 



Si le frottement développe trop de chaleur, on évite la 
fu>ion du baume en opérant sous l'eau ou en mouil- 
lant fréquemment. Quand on est arrivé au degré 
d'épaisseur voulu, on termine avec de la potée d'étain 
et on hotte avec du drap fin ; puis la lamelle ohtenue 
est détachée et recollée sur le porte-objet. Les obser- 
vations faites directement sur des minéraux opaques, 
tels qu'ils se trouvent par suite du la cassure, sont 
généralement insuffisantes ; la difficulté de mettre au 
foyer les différentes parties du sujet, le manque 
d'éclairage, la nature amorphe même des roches, sont 
des obstacles à un bon discernement, ils n'existent 
pas quaud on examine des spécimens transparents. 
La première condition dans cet examen étant de bien ! 
voir, il faut choisir un grossissement en rapport avec 
ce que l'on observe ; on est naturellement porté vers 
l'exagération; avant tout, il faut voir distinctement 
et se contenter de la combinaison optique qui llatte . 
le plus la vision. Une amplification de 15 à 50 dia- 
mètres est suffi- an le dans la plupart des circonstan- 



ces; dans ce cas, on ne dénature pas trop les mo- 
lécules ou les cristaux renfermés dans les roches. 

Les ligures ci-dessus, donneront une idée exacte, de 
ce genre d'investigation, jusqu'ici peu pratiqué par 
les niicrographes ; elles ont été dessinées d'après des 
pholomicrographies de sujets préparés par M. Yelain, 
préparateur de géologie à la Sorbonne. Ces spéci- 
mens de roches proviennent d'un voyage exécuté sur 
les côtes d'Algérie. Ou y voit des cristaux de mtca 
coupés dans le sens de la longueur et dans celui de 
la largeur, et du feldspath rempli pareillement de 
cr.staux. Tous les échantillons que l'on étudie i 
sont pas aussi intéressants ; un grand nombre ne 
présentent qu'un aspect amorphe, où l'œil le plus 
exercé ne peut reconnaître de cristaux. Mais il est 
probable qu'il y a, dans la plupart des cas, d'impor- 
tantes observations à faire dans ce mode d'examen 
microscopique. J. Giraho. 



Ml 



LA NATURE. 



NOUVEAU MOYEN D EVITER 

L'INCRUSTATION DES CHAUDIÈRES 

A VAFEUR. 

Le problème d'éviter l'incrustation des chaudières 
est fort important et fort difficile à résoudre, surtout 
pour celles îles navires à vapeur qui ne peuvent em- 
ployer que de l'eau salée. 

Sous trouvons dans plusieurs journaux une indi- 
cation fort intéressante : un des mécaniciens du 
Saint-Laurent, paquebot de la Compagnie trans- 
atlantique (nous regrettons vivement, de ne pouvoir 
donner son nom), oublia en parlant dans un de ses 
bouilleur?, un lingot de zinc, et fut fort étonné au 
retour de ne plus retrouver sou zinc ; il constata en 
outre que le dépôt laissé par l'eau était une simple 
boue facile à enlever au moyen d'un lavage. 

Le mécanicien refît l'expérience àun second voyage, 
et trouva comme la première fois que le zinc dispa- 
raissait, et que le dépôt laissé par l'eau évaporée était 
boueux et non plus solidement attaché aux parois de 
la chaudière. 

Un industriel d'Angers, informé du succès obtenu 
à bord du Saint-Laurent, fit de son côté l'expérience 
et trouva le même résultat. 

Il y a lieu de croire que bien d'autres proprié- 
taires de machines à vapeur feront la même expé- 
rience d'ici à peu de temps, et que la question pra- 
tique sera bientôt tranchée. 

On a déjà donné une explication partielle du fait; 
mais les journaux qui l'ont reproduite, à notre con- 
naissance, ont probablement mal traduit la pensée 
de l'auteur, M. Lesueur, employé des télégraphes à 
Angers. Il est facile de refaire cette explication. 

Le zinc étant placé dans une chaudière en fer 
remplie d'eau, réalise un couple voltaïque; le zinc 
constitue le pôle négatif et ce couple un élément 
«le pile, le fer le pôle positif. Il arrive alors, comme 
dans toutes les piles, que le zinc se consomme, se 
distant, et que le fer est protégé de la dissolution et 
de l'oxydation. 

Sur ce point il n'y a aucun doute, et la disparition 
du zinc est complètement expliquée : la tempéra- 
ture élevée et l'eau coutenue dans la chaudière faci- 
lite uu peu l'action, ou en d'autres termes, augmente 
l'intensité du couple; voilà tout ce que nous croyons 
qu'on en puisse dire. 

Mais la suppression du dépôt solide et de l'incrus- 
tation n'est pas expliquée par là : ou pont dire (pie la 
surface du fer se trouvant préservée de toute rouille, 
ne présente plus lu même facilité à l'adhérence in- 
time du dépôt. On pourrait même ajouter à l'appui de 
cette remarque que, dans les couples de Daniell, le 
cuivre (remplaçant le fer de la chaudière) reste ab 
solument net et biillant, et que dans les couples de- 
Orove aucun dépôt ne salit la surface du platine. 

Nous croyons cependant que cette partie de l'ex- 
plication du fait constaté sur le Saint-Laurent est 



incomplète, et qu'il est à propos de se rappeler ici une 
idée proposée par Davy, et qui est mentionnée dans 
les traités de physique. Davy avait indiqué pour sup- 
primer l'attaque des doublures en cuivre de navire, de 
mettre une plaque de zinc d'une faible étendue sur 
un point quelconque de la surface du cuivre à proté- 
ger. Le cuivre et le zinc plongeant dans la mer con- 
stituaient un couple, le zinc se dissolvait lentement, 
et le cuivre était absolument préservé. Jusqu'ici tout 
se passe comme dans la chaudière à vapeur, mais le 
procédé si simple de Davy a dû être abandonné, parce 
que la surface de cuivre se couvrait très-rapidement 
de coquillages marins et que la marche du navire 
s'en trouvait notablement retardée : les choses se 
passaient donc au point de vue du maintien «le la 
surface de enivre tout autrement qu'elles ne se sont 
accomplies dans les générateurs du Saint- Laurent. 

Si la théorie de M. Lesueur est incomplète, comme 
nous le croyons, elle est loin d'être inutile, car elle 
conduit ii luire remarquer aux praticiens, que le zinc 
est le seul métal à employer dans cette circonstance; 
il va sans dire que l'aluminium est écarté par son 
prix. Tout autre métal, le plomb, l'étain, le cuivre, 
introduits dans une chaudière feraient juste l'opposé 
de ce que l'ait le zinc; il y aurait bien encore un 
couple, mais le sens du courant serait par rapport 
au fer de sens inverse; le fer deviendrait le pôle né- 
gatif, il se rouillerait et se dissoudrait dans l'eau. 

L'expérience vaudrait la peine d'être faite dans une 
vieille chaudière ; on verrait si l'addition d'un mor- 
ceau île enivre dans un bouilleur active d'une manière 
très-marquée l'oxydation du fer et si cette oxydation 
a pour effet de provoquer une rapide incrustation; 
ce serait comme une contre-épreuve de l'expérience 
du Sainl-Laurent. Ai.f. Xuudft-Biuïcuet. 



*$* 



DESCARTKS ET L'AUTOMATISME 

DES ANIMAUX. 

L'un de 3 discours les plus intéressants prononcé* 
au dernier meeting de l'Association britannique a été 
celui du professeur Huxley, dont la presse scientifi- 
que s'est vivement occupée en Angleterre et en Amé- 
rique. Le suj<;t traité par M. Huxley attire la curio- 
sité, car il semble promettre une solution dans ces 
phénomènes singuliers de sagacité et d'instinct chez 
les animaux inférieurs, où l'on hésite à reconnaître 
une faculté de raisonnement. L'adresse, à son début, 
offre un caractère historique; M. Huxley envisage 
les propositions biologiques de Descartes, en met- 
tant en parallèle les idées modernes, qui offrent avec 
celles-ci des analogies plus ou moins importantes. 
Descartes considère les animaux comme des machi- 
nes; un chien, par exemple, ne voit pas, ne. sent 
pas, n'entend pas, mais l'impression qui révèle au 
sensilisme ces modifications ou sensations, provo- 
quent dans le chien", par une réaction mécanique» 



LA NATURE. 



345 



des actes qui correspondent chez nous à ceux que 
nous accomplissons dans la vision, dans l'olfaction, 
dans l'audition. 

Une telle affirmation exige impérieusement l'é- 
preuve expérimentale d'une vérification réelle et 
sensible. Le professeur Huxley parle du cas d'une 
grenouille, dont la portion antérieure du cerveau a 
été détruite. Bans cet état ranimai peut vivre pen- 
dant des années, tandis qu'il est certain qu'il ne voit 
pas et uu'il n'entend pas. Il se tiendra toujours au 
même point, bien que porté contre des ob.-tacles, il 
se détourne el les évite. 11 nagera, il se balancera 
sur une main: évidemment quelque chose traverse 
le nerf sympathique, agit sur le mécanisme de la 
grenouille, sur le système nerveux tout entier, pour 
déterminer chez elle une accommodation convenable. 

Ulïcas plus curieux encore esteelui d'un soldat fran- 
çais blessé au pariétal gauche. Le soldat guérit de celte 
blessure, mais il vit maintenant d'une double exis- 
tence. Durant deux jours par mois, il ne voit, ni ne 
sent plus, et, en réalité il est dépourvu de toute sen- 
sation excepté de celle du toucher. Néanmoins il sait 
éviter les obstacles, il mange (bien qu'il soit absolu- 
ment dépourvu de discernement en fait de goût), il 
accomplit une quantité d'actes, simplement parce 
qu'ils lui sont suggérés, parce qu'ils sont provoqués 
en lui, et, chose plus étrange encore, il révèle dans 
cet état une nature morale particulière ; tandis 
qu'il est habituellement d'une hounèleté à toute 
épreuve, dans son état de crise, il devient un voleur 

fieffé'. 

Après ces deux exemples, sur lesquels s'est étendu 
le professeur Huxley, abordons la conclusion du na- 
turaliste anglais ; elle ne s'accorde pas absolument 
avec celle de Descartes. 

Le professeur Huxley dit: <c Tenant compte du fait 
incontestable que les animaux inférieurs qui, somme 
toute ont, au moins à l'état rudimentaire, un cer- 
veau que nous avons toute raison de prendre chez 
nous comme l'organe du sens intime , nous 
avons lieu plutôt de croire que les animaux infé- 
rieurs, sans posséder cette sorte de sens intime, 
à l'instar de nous-mèrne, l'ont néanmoins dans 
une forme proportionnée au développement relatif 
de l'organe de ce sens, pour ressentir plus ou 
moins nettement les sensations que nous éprouvons. 
Eu d'autres termes, un animal est selon le profes- 
seur Huxley, un automate sensitif, doué de sens in- 
time ou qui a l'instinct de son existence. Ses sensa- 
tions, ses volitions, et ses pensées ne sont que les 
produits et les conséquences d'arrangements méca- 
niques. Lu certain changement moléculaire dans le 
système nerveux détermine une sensation ; les émo- 
tions que celle-ci excitent impriment à leur tour dans' 
le cei veau, des changements, des modifications qui 
constituent les buses physiques, matérielles de la 
mémoire. Ces modifications l'ont surgir les volitions 
qui, chez l'animal, ne seront que des états d'émo- 

* Yoj. la Salure, n" 70. 3 octobre 1874, p. '-^75 



tion qui précèdent ses actions. » L'animal est unema- 
chine consciente, et le professeur Huxley ne ciaint 
pas d'englober l'homme dans les machines vivantes. 
11 ne nous paraît pas nécessaire de réfuter une telle 
doctrine ; nous nous contenterons d'ajouter que le 
professeur Huxley arrive, par une voie différente, à 
un résultat analogue àcelui que le docteur Hammond 
a précédemment atteint dans sa théorie de Y impul- 
sion morbide. 

Un homme commet un meurtre. D'après cette 
théorie d'impulsion morbide, nous défendrons cet 
homme en soutenant qu'il a un dérangement orga- 
nique du cerveau, qui le place dans le cas <( de com- 
mettre, par impulsion, sciemment, un acte con- 
traire à sa raison naturelle et à ses inclinations 
morales. » Cela est du « mécanisme conscient 
purement et simplement. » Il n'y a là auenne inter- 
vention de volonté. La doctrine deîluxley, néanmoins, 
nous conduit pi us loin encore. « L'accusé a dtéinjiirié 
dira la défense, il a frappé, il a tué. La cause qui 
l'a poussé à frapper, a été celle qui lui a fait lever 
le bras pour se défendre, c'est un acte involontaire. » 
Il est évident qu'un tel argument ne saurait être 
admis; mais il nous engage d'après les doctrines 
précédemment énoncées à nous livrer à une investi- 
gation plus profonde sur la question de savoir jus- 
qu'où porte la responsabilité d'un homme pour ses 
actes 1 . 

RÉSULTATS GÉ.\lSrtACX 

DU VOYAGE DU CHALLENGER 

Il nous a été impossible, à notre grand regret, de 
suivre le Challenger dans chacune des ses étapes. En 
effet, il navigue maintenant dans les régions antipo- 
diquesoù les centres de civilisation sont rares. M. Wy- 
ville Thomson ne peut donc communiquer aussi fa- 
cilement avec ses amis d'Europe qu'au commence- 
ment de son voyage. Noussommcs obligés, sans nous 
préoccuper du point de vue en quelque sorte histori- 
que, de grouper les résultats généraux de cette ex- 
pédition mémorable à mesure qu'ils se produisent. 

Une observation faite aux Bermudes est très- 
précieuse parce qu'elle explique le mode de forma- 
tion d'un grand nombre de roches par voie de cimen- 
tation. L'action des sources incrustantes a été mise 
en évidence d'une façon certaine. 

L'eau de pluie contient, comme on le sait, une 
grande quantité d'acide carbonique àl'état de liberté. 
Cette eau tombant sur un sol calcaire le dissout etse 
charge d'une quantité notable de bicarbonate de 
chaux. Mais lorsque l'eau ainsi enrichie de bicar- 
bonate de chaux revient à la surface de la terre, une 
partie de l'acide carbonique qui irétait maintenu que 
par des affinités très-faibles s'évapore. ïl en résulte 
que l'eau laisse un résidu de carbonate de chaux par- 
tout où elle passe. 

' Traduit du ScU'nlific American. » 



41 



LA NATURE 



M. Wy ville Tliomson a saisi, en voie de formation 

■ aux Bermudes, une roche formée avec un sable très- 
lin provenant de débris de coraux triturés par les 
vagues. Ces grains de matière arénacée ont été ac- 

■ cumulés par les vents et fixés sur place par un ciment 
(pie l'eau apporte lentement, constamment. Dans 
quelques siècles la roche aura été consolidée, et les 



pareil de sonde un curieux spécimen d'un beau crus- 
ta ce décapode , ayant tous les caractères de la 
famille des Astacides, mais différant de tons les 
autres types de décapodes par l'absence totale des 
yeux et de toute trace d'organes visuels. Le docteur 
Willemoes-Suhm a examiné avec tout le soin pos- 
sible, cet intéressant habitant du fond de la mer. 



géologues de l'avenir s'ils ont perdu le souvenir de ' J'écris d'après ses notes : 



l'observation de M. Wyville Thomson pourront émet- 
tre à son sujet les théories les plus extravagantes. 
Ce qui accroîtra peut-être leur embarras c'est que 
les dunes ainsi formées sont parsemées de troncs de 
cèdres que le vent a tronqués et que l'eau chargée 
de bicarbonate de chaux pétrifiera certainement. 

Il n'est pas tout à fait inopportun d'ajouter que 
• ces formations Éo- 
Uewies se produi- 
sent sur une grande 
•échelle, car les col- 
lines de sable im- 
palpable en voie de 
f> innation n'ont pas 
moins de 40 à o() 
pieds de hauteur. 
Jules envahissent 
■et stérilisent une 
•centrée jadis fer- 
tile, mais fixes et 
•cimentées, par l'ac- 
tion des eaux sou- 
terraines elles pro- 
tègent l'intérieur 
des terres aussi efli- 
• cacement que pour- 
rait le faire une 
digue artificiel le. 

Dans ce cas la 
nature agit auto- 
matiquement de 
manière à faire ob- 





Fi 



« Le Deidamia leptodactyla, capturé, est un mâle ; 
il a 0' n ,120 de longueur totale et m ,033 de largeur. 
Trois rangées d'épines dorsales, une sur lu ligne du 
milieu et une de chaque côté longent tout le céphalo- 
thorax. L'abdomen est composé de sept segments. 
L'appendice caudal se trouve relié au sixième seg- 
ment. Les Lords latéraux du corps et tous les 

appendices, à l'ex- 
ception de la pre- 
mière paire de pat- 
tes ambulatoires, 
sont bordés d'une 
frange très-belle et 
liès-fino d'une 
teinte jaune blan- 
châtre. Le Deida- 
mia leptodactyla, 
a deux paires d'an- 
tennes, le nombre 
normal. 

« Un fait très re- 
marquable et sur 
lequel nous avons 
déjà insisté est 
l'absence d'yeux 
dans certains ani- 
maux du fond des 
mers , tandis que 
dans d'autres les 
yeux ont un plein 
développement. 
J'ai parlé déjà d'un 



1. — Places de sable desBermudes, en voie «In consolidation par faction des 
dépôts d'eaux calcaires et contenant des iltliris de troncs de cèdres. 



stacle elle-même à un fléau naturel. Nous avons cas où des crustacés, Etltusa yraniilala , ont les 
•déjà parlé précédemment des Pêches du Challenger yeux parfaitement développés dans des couches 



et des curieux animaux recueillis à do grandes pro- 
fondeurs. JN'ous décrirons aujourd'hui deux singu- 
liers êtres marins trouvés à 5,000 mètres environ 
au fond des mers : le deidamia erucifer et le dei- 
■ da m ia le ptoda cty la . 

Le Deidamia erucifer dragué à des profondeurs 
moindres que le Deidamia leptodactyla et dans des 



d'eaux voisines de la surface taudis que dans des 
eaux [dus profondes de 110 à 570 brasse?, les orga- 
nes de la vue existent, mais l'animal n'en est pas 
moins aveugle, les yeux se trouvant remplacés par 
des extrémités calcaires arrondies. Entre autres 
exemples, je citerai un animal pris à 500 ou 700 
brasses de profondeur et dont les organes visuels 



régions plus rapprochées de l'équateur oifre incon- i avaient perdu leur caractère spécial; les yeux étaient 
testablemcnt une organisation plus complète. 11 est i fixes et se terminaient par un rostre pointu et fort, 
facile de s'en convaincre eu comparant les deux for- Il semblerait que nous ayons ainsi observé des rao- 
' clifl cations progresssives qui dépendent apparemment 

de la diminution graduelle de la lumière jusqu'à su 
disparition complète dans les grandes profondeurs. 
D'un autre côté cependant les Munida, à des profon- 
deurs égales, ont les yeux développés d'une manière 
tout exceptionnelle et d'une grande délicatesse ap- 
parente. 11 est possible que dans certains cas, à me- 
sure que la lumière du soleil diminue, la vue devienne 



nies' 

Le Deidamia que représente la figure 2, a été 
retiré du fond de la mer par 21° 58' de latitude 
nord et <H° 59' de longitude ouest. Voici eu quels 
termes M. W. Thomson raconte cette capture: 

« Nous avons [iris dans les mailles du filet de l'ap- 

1 Nous empruntons ces intéressants documents au journal 
«njrlais Nature 



LA NATURE. 



315 



plus pénétrante et qu'à la longue, l'œil soit capable j « L'absence d'yeux n'est pas nouvelle chez les 
de trouver un stimulant dans la lumière plus faible, j Astacides. L'asiacus Pellucidm de la caverne Muni- 
produite par la phosphorescence. ! motb, est aveugle, et cela par la même cause, l'ab- 




i'ig. 2. — Dcubmia Lcptoilactyla. — Kccuciili )>ar la sonde du Uialtenger a éilo moires uc fmAm&ur. 




Fîg. ô. — Di>ii]amia Crucifer. — fl étiré du fond de la mer par un sondage opère a 90 mille- au nord de Saint-Thomas. 

(19'4t' du latitude N. 0.')'7' de lonyiLude 0.) 



sence de lumière dans le milieu où il vit. Mais les ] « Le Deidamia crucifer (iig. 3), continue 
organes de la vue ne sont pas tout à fuit absents; I M. W. Thomson, diffère beaucoup par son apparence 
chez les Deidamia on n'en trouve au contraire abso- générale des autres Astacides que j'ai rencontrés, 



lu ment aucune trace. 



bien toutefois que nous sovons disposés à le classer, 



54 G 



LA NATURE. 



pour h moment à la lin de cette famille. 11 a beau- 
coup d'analogie avec quelques genres fossiles, prin- 
cipalement avec les espèces du genre Eryon. On a 
remarqué déjà que les Deidamia, par leur céphalo- 
thorax aplati, se rapprochent des Palinurides ; ce- 
pendant dans tous les membres vivants de cette 
famille, la première paire de pattes est monodac- 
tyle, tandis que dans les Deidamia elle est dklaclyle. 
Le genre fossile Eryon, fait exception à cette par- 
ticularité chez les Palemirides avec lesquels il a été 
(lassé jusqu'à présent ; il a la première paire de 
membres, didactyle, comme chez les Deidamia. On 
n'a pas pu vérifier encore si l'Eryon avait un appen- 
dice lamellaire à la base des antennes extérieures. 
Si cet appendice est absent, il n'y a probablement 
pas de raison suffisante, pour séparer le Deidamia de 
l'Ervon l . » 



— La suite prochainement. - 



><>< 



LÀ POPULATION M LA TEIllîU 

(Suite.' — Voy. p. i8i.) 
LIMITES DE I.'ilABITAT HUMAIN. 

Malgré la tendance naturelle à la vie eu société, 
la population humaine est cependant assez éparpil- 
lée; le nombre des villes contenant au moins un 
demi-million d'habitants n'atteint pas trente. La 
plus peuplée de toutes, hors de pair avec les autres, 
est l'agglomération loudonnienne qui compte plus 
de quatre millions d'habitants. Quoique Paris n'en 
ait pus la moitié de ce chiffre, c'est cependant très- 
probablement la seconde ville du monde par sa po- 
pulation, car aucune ville chinoise ne dépasse, sans 
doute, un million et demi. En somme, d'après 
MM. Behni et Wagner, la population de toutes h s 
cités peuplées d'au moins 50,000 personnes ne forme 
qu'un total de 70 millions d'individus, c'est exacte- 
ment le vingtième de l'humanité. Ces quatorze cent 
millions d'individus qui vivait sur la terre sont 
très-iti également répartis. L'Europe en nourrit en 
moyenne 505 par mille hectares, l'Asie 145, l'Afri- 
que 68, l'Amérique 20, l'Océanie 5 par mille hec- 
tares. Pour toute Ja terre habitable la moyenne est 
de 102 habitants par mille hectares. Quand on étu- 
die des points particuliers, les différences deviennent 
prodigieuses. Paris compte 237 habitants par hec- 

1 ^ous reproduisons la lftltrc. qui n ô.iâ adressée à Rature 
au sujet des Deidamia : 

« Je remarque dans les communications très-inléicssantcs 
du professeur ^Vyville Thomson, qu'il donne à une espèce de 
crustacécle nom de Deidamia, voir Willemoes Snhm (>. nom 
doit être changé, en ce sens qu'il a été pris déjà dans les 
Arlîculala du docteur Clcmcns eu 1859. I.o docteur Clenu-ns a 
employé cotte dénomination pour une espèce vivante des Spliiu- 
gides de l'Amérique du Nord. C'est pourquoi, je propose de 
le remplacer, pour l'espèce crustacée par le nom de Willu- 
mœsia, en l'honneur de celui qui l'a trouvé, avec les deux 
espèces kptoilactyla et ciucifcr, en prenant la première pour 
lypc. Signé; Ait., lî. Gnons, s 

à Buiïalo, Étals Uni* 



tare (et, dans cette ville l'arrondissement du Temple, 
773 par hectare), tandis que certaines régions de 
l'Australie, le district Cook par exemple, n'en compte 
que 55 pour un million d'hectares, soit 0,000055 
habitant par hectare. Mais en laissant de côté ces 
anomalies opposées, on peut dire que la population 
des contrées fertiles est comprise entre 26 habitants 
par kilomètre carré en Turquie et 173 en Belgique. 
Comme le climat est plus favorable en Turquie qu'en 
Belgique, on peut dire que la différence de densité 
de population est due seulement à la différence de 
civilisation. 

La vie humaine extraordinairement résistante, 
plus que celle d'aucun animal, subsiste partout où 
elle peut s'implanter, jusque auprès des neiges 
éternelles, jusqu'au bord des déserts sans eaux. 

Il y a cependant autour des deux pôles deux vastes 
calottes inégales totalement inhabitées. La plus pe- 
tite, l.i zone déserte arctique, passe à 72° au septen- 
trion du cap Nord; comprend les îles Jean Mayen et 
Cherry, le Spitzbcrg, les terres de Gillis, du roi 
Charles et de François-Joseph, la Nouvelle-Zemble' 
pénètre sur le continent, englobe la presqu'île de 
Taimyr; effleure à 75° le vill.ge d'Oustié-Oulenskoïe, 
la plus septentrionale de l'ancien continent ; contient 
la Nouvelle-Sibérie et la terre de Wraugel; passe à 
travers l'archipel polaire américain; remonte au nord 
du Groenland jusqu'au petit hameau d'Iitah, peuplé 
par les Esquimaux, à l'entrée du Smith-Sound, par 
78° le point habité le plus septentrional du globe* 
redescend jusqu'au 02 en longeant la côte groëu- 
lunJaise occidentale et laissant, par 71°, Uperna- 
wick la station européenne la plus proche du pôle, 
ne remonte, sur la côte orientale, qu'à peine au- 
delà du cercle polaire, par 67°, et comprend enfin 
tout l'intérieur du Groenland et de l'Islande. 

La calotte inhabitée australe est incomparable- 
ment plus étendue, tandis que presque partout la 
limite de l'habitat humain est intérieure au cercle 
polaire arctique, le désert austral dépasse de tous les 
cotés de beaucoup le cercle antarctique et, sur un 
point même, se rapproche du tropique. La ligne de 
démarcation passe à travers l'Atlantique, au sud des 
îles Tristan da Cuuha, clfleure la pointe sud de 
l'Afrique, le cap des Aiguilles, par 55° de latitude 
australe, coupe l'océan Indien au-dessous de l'île 
Saint-Paul, passe au sud île la Tasmanie, s'abaisse, 
par 51° de latitude, au midi des îles Auckland, re- 
monte jusqu'à 27° sud, au-dessous de l'île de Pâques, 
d-ms le Grand Océan, et passe enfin au sud du cap 
Uorn, à 56°, en laissant en dehors la Terre-de-Feu, 
habitée par les Pécherais et, entre cette île et le cap 
Horn, l'île Wollastou, tout récemment colonisée par 
le Cliili, le lieu habité le plus méridional de la terre. 

Outre ces deux immenses régions inhabitées, des 
espaces moindres restent déserts au sein des conti- 
nents. On compte deux de ces déserts arides et des- 
séchés dans l'Afrique méridionale, trois dans le Sa- 
hara, un dans l'intérieur de l'Arabie, trois dans le 
Turkistan, un en l'erse; on remarque encore comme 



LA NATURE. 



547 



ne faisant vivre aucune population le désert de Gobi, 
ceux qui séparent la Mandchourie de la Mongolie et 
de la Corée, l'intérieur du Labrador et les marécages , 
des Sunderbunds à l'embouchure du Gange. 

Partout l'iiomme vit aussi liant qu'il le peut sur j 
le flanc des montagnes. C'est spécialement pour l'ex- 
ploitation des filons miniers, si riches sur les mon- 
tagnes, et pour héberger les voyageurs qui traver- 
sent les cols que des habitations sont établies à ces 
liauteurs. En Europe, le village de Saint- Véran (dé- , 
parlement des Hautes-Alpes) est à une hauteur de 
2040 mètres, l'hospice du grand Saint-Bernard à 
2474 mètres, et les maisons de poste de la route de j 
Sainte-Marie, sur le Stilfser-Joeh (Alpes du Tyrol), à 
2538 mètres. Dans le Nevada (Etats-Unis), Treasure- j 
City atteint l'altitude de 27^3 mètres. Enfin, dans . 
la zone torride la ville de Polosi (Bolivie) se trouve j 
à 4000 mètres, Portugalète (Bolivie) à 4289 mètres, 
la maison de poste d'Apo (Pérou) à 4382 mètres. 
Mais c'est au Tliibet que l'habitat humain atteint les 
hauteurs les plus extraordinaires ; le couvent de 
llaulcest à 4565 mètres, et le village de lentes du 
plateau de Thok-Jalung à 4977 mètres, plus haut 
que le mont Blanc ! Charles Boissaï. 

— La suite prochainement- — 



UNE SÉPULTURE 



■:vi-vu t 



DES ANCIENS TROGLODYTES DES PYRKKEE8 

Dans le voisinage du pays basque et du Béarn, 
entre le gave de Pau et le gave d'Olorou, MM. Louis 
La'let et Chaplam-Duparc ont récemment découvert 
de nouvelles et précieuses reliques des temps pré- 
historiques qui apportent à la science des documents 
d'un haut intérêt. Déjà M. Raymond Poltier a dé- 
voile dans les régions environnantes l'existence d'an- 
ciens camps romains, un peu plus tard cet explora- 
teur a retiré d'une cavité de la Sordc des silex, des 
ossements brisés, et quelques objets en os travaillés, 
actuellement exposés au Musée de Saint-Germain. 
Une autre grotte, située dans la métairie du petit 
Pastou, appartenant à M. Duruthy, présentait la trace 
de cinq loyers superposés, remontant à l'époque des 
anciens Troglodytes. Une nouvelle caverne, conte- 
nant une abondance extraordinaire de silex taillés, 
gisant pêle-mêle avec des ossements brisés de bœuf, 
de cheval, de cerf, de renne, des poinçons, etc., 
allait bientôt augmenter la liste de ces remarquables 
trouvailles. 

Mais celte contrée si riche en vestiges de la civi- 
lisation primitive n'avait pas encore été épuisée par 
ces recherches. Au moment où M. Poltier venait de 
quitter le théâtre de ses travaux, les ouvriers décou- 
vrirent au-dessous du camp principal de Laroque 
(fi g. 1) un nouvel abri qu'ils fouillèrent, et où ils 
mirent à nu d'innombrables ossements humains. Au 

1 Une brochure irï-8° illustrée, — G. "M asson, éditeur, 1874. 



commencement de celte année, MM. Lartct et Du- 
parc, procédèrent à une investigation méthodique do 
cette sépulture. Grâce au concours de M. Duruthy, 
propriétaire du sol, où la grotte a été rencontrée, et 
à l'aide de M. Pottier, les touilles s'exécutèrent avec 
activité. Quelques jours de travail avaient suffi, pour 
mettre entre les mains des chercheurs, un magnifique 
poignard, des amulettes, des débris humains, pour 
dévoiler la base d'un épais foyer sous-jacent à la 
sépulture, auprès duquel se rencontrèrent un crâne 
humain écr.isé, des flèches barbelées, des outils en 
os semblables à ceux du Périgord, un collier de 
dents d'ours et de lion, où des gravures ornementales 
se distinguent nettement, des flèches, des dessins 
de poissons, et d'un phoque parfaitement reconnais- 
sable. Deux étages de débris humains, appartenant 
à deux âges différents, se présentèrent aussi comme 
une double source de découverte. 

La grotte Duruthy (c'est le nom que lui ont donné 
MM. Lartet et Du parc) s'étend sur 8 à 9 mètres de 
long et n'a guère Ljue 2 mètres de profondeur, mais 
il paraît évident, d'après la disposition des couches 
du foyer et le nombre des blocs éboulés, que l'abri 
a été jadis beaucoup plus profond qu'il ne Test au- 
jourd'hui. La plupart des objets qu'on en a extraits 
offrent un intérêt de premier ordre, tne vingtaine de 
dents d'ours sont ornées de figures diverses, gravées 
au silex, dont quelques-unes indiquent une parenté 
avec les primitifs chasseurs d'ours des Pyrénées, et 
les chasseurs de renne. En effet, l'une de ces gra- 
vures repiéscnte une paire de mains ou peut-être de 
gantelets, comparables à ceux que l'on a découverts 
sur des os de la Madeleine. Trois autres pièces offrent 
des sculptures d'animaux, figurant notamment un 
poisson et un \ boque. 

Les restes d'un squelette humain ont été soumis 
à l'examen de M. ilamy. Le zélé collaborateur de 
M. de Quatrefages, dans une des plus importantes 
publications anthropologiques de notre temps (Crama 
ethnica), y a reconnu un des caractères constants de 
la race de Cro-Magnon. Celle première conclusion 
devait être confirmée par la découverte de trente- 
trois squelettes faite dans une autre partie de la 
grotte. Les crânes ont été minutieusement étudiés 
par MM. de Quatrefages et Hamy, et les observations 
de ces savants ne laissent plus de doute sur les ca- 
ractères de la race à laquelle ces débris humains 
doivent être rapportés. 

Les silex taillés, retirés de la grotte de Duruthy, 
forment une collection abondante : les uns sont gros- 
siers et appartiennent aux foyers inférieurs; les au- 
tres, trouvés dans la partie supérieure, sont tail- 
' lés en longs éclats et finement retouchés sur les 
bords. Ils dénotent une industrie très-avancée. La 
figure 5 représente les plus remarquables silex de 
la grotte de Duruthy. On y voit d'abord un couteau 
complet de silex rose, dont la taille, la matière et la 
longueur font une pièce exceptionnelle (n° 1). La 
! mince lame de silex brun représenté par Je n° 2 est 
remarquable par le travail compliqué et délicat de 



348 



LA NATlillE. 



sa taille. Le n° 3 est certainement lu plus belle arme j retouchées et entaillées régulièrement. « Ce qu'il y 
de pierre de la sépulture. Le silex qui la constitue a de particulièrement remarquable dans celte pièce, 



est gris brunâtre, il a été taillé à section triangu- 
laire; une face est polie, et les deux autres faces sont 



c'est que certaines petites facettes a, a, a,* que les 
retouches ont laissé subsister, montrent îles traces 



J-n-i.-.'e 



pfe^ i 




SI. Motte ou lumuliis «le iaroque 

b. Gisement (rcs-riehe en numiaulites, 

■■■ • !; r.ili.-. 

1. Grotte Dura thy. 

S. Grotte du grand Pailo». 

S. Grotte du petit Vst'm- 

*- .. 
S. là. 



Fig. 1. - Plan topojraptiKjnc «les environs de Sordc, dans la valide ilu ga\e d'Oloroii. 



de polissage, ce qui tendrait à démontrer que la pièce 
été préparée par une sorte d'usure préliminaire 



peaux de renne. En 1770, un ouvrage russe nous 
apprend qu'à cette époque les femmes Tchonktsches, 



destinée à faciliter les retouches ondulées et les qui habitent la Sibérie, se servaient pour coudre les 

peaux des nerfs 
de quadrupèdes 



■dents de scie qui 
lui donnent un 
aspect si élé- 
guiit. » MM. Lai- 
te l et Du pare sont 
disposés à consi- 
dérer ce silex 
comme un poi- 
gnard; il aurait 
-été enchâssé dans 
un manche en 
bois, comme le 
poignard de 
pierre égyptien 
do la collection 
Hay au llritish 
Muséum. 

Les Troglody- 
tes auxquels ap- 
partenaient ces débris semblent avoir eu une exis- 
tence et des mœurs tout à fait semblables à celles 
des Esquimaux modernes. MM. Lartet et Duparc font 
un rapprochement ingénieux entre les usages récem- 
ment en vigueur chez les Lapons, les Finnois, les 
Samoycdes et les Esquimaux, et les oui ils de l'âge 
•de pierre des Pyrénées. Quelques-unes dô ces peu- 
plades modernes vivaient encore il y a un siècle dans 
«des caven.es dont ils bouchaient l'ouverture ave • des 




Fig. 2. — Coupe transversale du promontoire imiriinulitique de Sortie. 



et d'aiguilles fai- 
tes en arêtes de 
poisson. A la 
même date, les po- 
pulations Kamt- 
chadales, voisines 
des Tehoukts- 
ch es , n'avaient 
(pie des armes 
eu pierres poin- 
tues et en os ; 
elles vivaient 
dans de grands 
caveaux naturel-', 
contenant plu- 
sieurs foyers, et 
où se trouvaient 
deux ou trois cents habitants. Les Troglodytes des 
Pyrénées avaient les mêmes coutumes, les mêmes 
instruments de pierre; comme les Esquimaux mo- 
dernes, ils reproduisaient sur les. os qu'ils em- 
ployaient les figures des animaux qu'ils chassaient, 
le renne et le phoque. Comme eux aussi, ils 
avaient l'habitude de casser les os pour en extraire 
la moelle, et d'accumuler dans leurs tanières les 
restes de leurs repas. « L'analogie est frappante, 



a. Depuis de transports cuillouleux. 
lili.lttêS. — a. Opllitt?. 



US. Mantes nmnwu- 



LA NATUJtE. 



343 



disent MM. Lartet et Duparc; nous retrouvons dans mais encore les mêmes armes et les mêmes instru- 
its traces laissées pur nos Troglodytes de la Chalosse, nients. » Les peuples des régions boréales seraient-ils 
non seulement l'indication, du même genre de vie, les derniers représentants sur la terre de nos ancêtres 




Fig. 5. — Silex taillés récemment découverts dans la grotte Duiuthy, par MM. Larict et Uuparc. 



troglodytes? Quoi qu'il en soit de ces rapprochements 
curieux, des découvertes préhistoriques de l'impor- 
tance de celles que nous venons de passer sommai- 



primitive de l'homme des faits bien digues d'attirer 
l'attention, et qui jettent chaque jour une nouvelle 
lumière sur les origines encore obscures de l'huma- 



rement en revue, apportent à la science de l'histoire i nité. 



G.VSTON TiSSÀNDIER. 



350 



LA NATURE. 



CHRONIQUE 

La guerre sous-marine. — L'amirauté anglaise 
s'occupe en ce moment d'expériences fuites avec des tor- 
pilles sous-mari ncs portant cent livres de dynamite et pour- 
vues d'un moteur à air comprimé. Lu torpille sous-marine 
doit Liire explosion au moment où elle touche un corps 
dur, à cause d'une capsule qui est placée à l'avant. La force 
motrice est calculée de manière que la torpille puisse 
glisser sous l'eau pendant un mille en ligne droite. Des 
ingénieurs allemands voulaient mieux faire, et conduire la 
torpille à longues guides avec dcsills faisant passer un cou- 
rant et mettant en mouvement un moteur électro-dyna- 
mique. Mais ce procédé a été repoussé comme étant évi- 
demment trop complexe. Le seul moyen de se protéger contre 
de pareils engins de destruction est d'éclairer la mer dans 
la direction où l'ennemi peut s'approcher, en employant des 
lumières électriques d'une grande puissance. 

Télégraphe de poche. — Le Times contient un 
article sur un télégraphe do poche qui paraît être employé 
en Amérique pour causer sans être en tendu au milieu d'une 
foule, en omnibus ou cri chemin de for. Cet instrument 
est un appareil Morse, modifié en ce sens qu'il n'y a pas de 
rouleau ; c'est le choc qui permet de se comprendre à dis- 
tance. 11 y a deux sortes de chocs, le piano remplace les 
brèves et le forte tient lieu de longues. 

Un rival de l'homme a la fourchette- — Nous 
avons signalé récemment l'histoire d'un pensionnaire d'hô- 
pital qui, dans un accès de fièvre chaude, avait avale 
un thermomètre. Mais cet avaleur do thermomètre et 
l'homme à la fourchette, son prédécesseur, sont laissés bien 
loin en arrière par un aliéné anglais, dont voici l'histoire : 

A l'asile des aliénés de Prestwich (Angleterre) est mort, 
le 18 septembre, un malheureux dont la folie consistait à 
repousser toute nourriture et à ne vouloir manger que des 
objets absolument impropres à la digestion. Après sa mort, 
voici ce que l'autopsie a fait découvrir dans son estomac et 
ses intestins : 1,059 petits clous de cordonnier, appelés 
vulgairement caboches, 6 grands clous de 4 pouces de 
long, 19 de 5 pouces, 8 de 2 pouces, 58 de 1 pouce, 39 
œillets métalliques, 5 vis de cuivre, î) boutons de même 
métal, 20 morceaux de boucles, une épingle, 14 morceaux 
de verre, 10 cailloux, 5 bouts de cordon, un morceau de 
cuir de trois pouces de long, un fragment de plomb de 4 
pouces, un poinçon portant la marque d'une fabrique amé- 
ricaine: en tout, 1,841 objets, pesant ensemble 11 livres 
(anglaises) et 10 onces. Est-il nécessaire d'ajouter que les 
faits précédents semblent quelque peu extraordinaires? 
Nous les empruntons cependant à un de nos plus sérieux 
journaux médicaux: la Gazetle hebdomadaire de méde- 
cine. 

La plus grande agglomération humaine. — 

La ville de Londres n'a pas moins de 2;i kilomètres de 
longueur et 15 kilomètres de largeur. Sa superficie, envi- 
ron sept fois plus grande que celle de Paris dans l'inté- 
rieur des fortifications, est de 34,000 hectares. Les rues 
de Londres, mises bout à bout, pourraient s'étendre sur 
le quart du méridien terrestre ; leur longueur totale est 
de 10,000 kilomètres. La dépense annuelle de gaz est de 
10 milliards 400 millions de pieds cubes anglais, dont 
1 ,400 millions sont perdus par diverses causes. Cet énorme 
volume de gaz alimente 490,000 brûleurs, qui consom- 
ment 15 millions de pieds cubes en 24 heures. Le nom- 



bre des églises et maisons de prière s'élève à Londres 
à 1,000. Le nombre des tavernes y est au moins qualre 
fois plus considérable ; on y compte, rn effet, 4,500 dé- 
bits de boissons. La moyenne des individus morts annuel- 
lement par des causes violentes, accidents ou suicides, est 
de 2,608. Le nombre des ivrognes ramassés dans la rue, 
en 18(18, a été de plus de 9,000 dont 4,000 femmes en- 
viron. La police de Londres estime à '23,000 le nombre 
des voleurs qui exercent régulièrement leus fonctions dans 
la grande métropole britannique. 

Ile l'origine •!« guano. — Le docteur llabel, qui, 
depuis de longues années, a exploré les iles où le guano 
abonde et qui a soumis le précieux engrais à une étude mi- 
nutieuse tant au point de vue chimique que microscopique, 
prétend que cette substance n'est nullement formée, comme 
on l'affirme partout, des déjections d'oiseaux marins. « En 
traitant le guano chimiquement, lit-on, à ce sujet, dans le 
Bulletin de la Société d'acclimatation, il a obtenu un ré- 
sidu insoluble, composé d'épongés fossiles, d'animaux 
marins et déplantes marines. D'un autre côté, on sait que 
dans le voisinage des Chiuchas et autres îles à guano, les 
ancres des navires ramènent quelquefois du guano du 
fond do l'Océan. Do ces faits et d'autres encore, le doc- 
leur américain conclut que les dépôts du guano sont le ré- 
sultat de l'accumulation de plantes cl d'animaux fossiles 
dont la matière organique a été transformée eu une subs- 
tance azotée, la partie minérale restant intacte. » 

Emploi de la tourbe pour la fabrication du 
papier et du carton. — M. Yevl-Meyer a présenté 
tout récemment, à l'Association polytechnique de Berlin, 
des échantillons de papier et de carton fabriqués avec la 
tourbe d'une carrière près de Kœuigsberg, et a fait à ce 
sujet une intéressante communication sur l'emploi de cette 
matière au point de vue de la fabrication du papier. Les 
échantillons présentés provenaient d'une usine de Voll- 
prechtsweyer où ils avaient été ohlenus par le directeur, 
M. Stenimle. Le papier et le carton étaient très-solides, ce 
dernier était assez épais pour qu'on pût le raboter et le 
polir. Le papier fait avec de la tourbe pure est de même 
nature que celui que l'on fabrique avec le bois ou la paille; 
il suffit cependant de l'addition de la p. 100 de chiffons 
pour lui donner de la consistance. On \a monter en Alle- 
magne une grande usine pour l'exploitation decette décou- 
verte 



BIBLIOGRAPHIE 

Les ascensions célèbres aux plus hautes monlatpies du 
(jlobe, par Zurcher et Maroollé, 1 vol. in-18 illustré 
— Hachette et C io . Nouvelle édition revue et augmen- 
tée, 1874. 

La Roumanie contempoi aine, nouvelle revue mensuelle, 
publiée sous la direction de M. Frédéric Damé, 1" li- 
vraison, octobre 1874. — Paris, Germer-Bailliere. 

Aventures de M. et M a ' Duruof, racontées par M. W. de 
FonViellE, 1 vol. in-18, avec portraits, gravure et auto- 
graphes. — Paris, A. Ghio, 1875. 

Les îles Philippines, par Gabriel Marcel, 1 broch, iu-8* 
Paris, imprimerie Jules Le Clerc et G 1 *, 1874. 



LA NATURE. 



ACADÉMIE DES SCIENCES 

Séance du 1G octobre "1874. — Présidence de M. DEtiriiisu. 

Occlusion des (jaz par le fil de fer. — Lorsque dans 
les opérations de la tréfilerie, on esl arrive a certains nu- 
méros fiscs, on est dans la nécossilé pour pouvoir continuer 
l'usage de la filière, de recuire le fil de fer. Le recuit se fait 
dans une chaudière de fonte, fermée hcrméliquement afin 
d'éviter autant que faire se peut l'oxydai ion du métal. 
Malgré toutes les précautions, celui-ci est cependant re- 
çu u vert d'une petite couche ncracée dont il importe de le 
débarrasser. On y parvient sans peine par un décapage à 
froid dans de l'eau faiblement acidulée par l'acide sullu— 
ri que. Or, et c'est ici que commence le fait nouveau si- 
gnalé à l'Académie, il arrive souvent qu'après ce décapage 
le métal est devenu tellement cassant qu'il est impossible 
de l'é'irer. M. Sevoz, ingénieur de la Société des forges 
de la Franche-Comté, avant constaté ce résultat curieux et 
voulant s'en rendre compte, s'est aperçu que le métal 
contient alors un gaz condensé. En brisant le fil de fer 
dans l'eau et sous une éprouvetle, il recueillit des bulles 
inflammables et détonant avec l'air. C'est évidemment 
de l'hydrogène ou de l'oxyde de carbone, mais l'auiour ne 
dispose pas des moyens compatibles avec une étude com- 
plète de celte substance. 11 offre de mettre les membres 
de l'Académie à même de continuer l'élude qu'il n'a pu 
que commencer. 

Le phylloxéra à Genève. — Déjà nous avons dit que 
le phylloxéra vient d'être reconnu aux environs de Genève. 
M. Marignne annonce que le fléau y couvait cependant de- 
puis trois ans déjà. Celte nouvelle inspire de justes ré- 
flexions à M. Dumas. Puisque, pense-t-il, dans un pays 
aussi éclairé que Genève, les cultivateurs ont pu rester 
aussi longtemps sans connaître un fait qui les intéresse si 
fort, combien doit-il y avoir de cantons ignorants de la 
Fiance, où le phylloxéra exerce ses ravages à 1 insu de tout 
le monde. SI. Marignac fait remarquer que depuis trois 
ans, l'insecte, sous sa forme ailée, a dû su répandre sur 
une vaste surface, et qu'on doit s'attendre à recevoir bien- 
tôt de tristes nouvelles des différents vignobles de la 
Suisse. 

Le goudron de houille contre le phylloxéra. — Dans 
une des dernières séances, M. Balbiani a fait connaître 
qu'après avoir vu les vignes traitées à Nîmes par le gou- 
dron, suivant la méthode de M. Petit, il avait appliqué le 
même procédé et avec le même succès à des vignes des 
environs de Montpellier. M. Petit exposant ses résultats à 
la commission du phylloxéra, insista sur ce fait que de 
tous les goudrons essayés, un seul déterminait un effet 
constant. C'est celui que donne la distillation des houilles 
delksséges (Gard). M. Dumas demande à quoi ce goudron 
doit son efficacité exceptionnelle. Il le soumit en consé- 
quence à une distillation fractionnée pour étudier suc- 
cessivement les diverses substances ainsi isolées. Cel- 
les-ci se rangent en trois catégories, abstraction faite 
du résidu fixé ou brai sec qui n'offre aucun intérêt: 
!es alcalis, les acides et les hydrocarbures. Les pre- 
miers ont déjà été essayés à Cognac, et on ne leur a 
reconnu qu'une puissance toxique peu considérable. Les 
acides, bien que parmi eux ligure l'acide phonique, ne 
comptent pas non plus parmi les principes les plus éner- 
giques du goudron. Les vrais agents anti-pli ylloxétiques 
figurent dans la série des carbures d'hydrogène, mais, 
tandis qu'à première vue, il semblait naturel d'attribuer 



le plus d'action aux principes les plus volatils, tels que la 
benzine, M.Dumas arrive, au contraire, à reconnaître que 
le goudron de Bessèges doit surtout sa vertu à ce qu'il est 
très— pauvre en benzine et très-riche, au contraire, en car- 
bures peu volatils, en huiles lourdes, pour employer le 
terme industriel. Il en résulte d'abord que l'agriculture 
peut trouvera bas prix et en abondance, dans les usines à 
gaz, des produits précieux pour le traitement des vignes 
malades ; et d'un autre côté que les usines à gaz trouve- 
ront dans ce nouveau débouché le moyen de se défaire de 
résidus sans usages importants et qui embarrassent beau- 
<uiip. 

Ration alimentaire moyenne des populations rurales, 
— M. Hervé Mangon s'est livré, sur cet important sujet, à 
de très-instructifs calculs dont il est dii'ficile, après une 
simple audition, de donner le résultat précis, mais dont 
nous croyons cependant pouvoir présenter le sens généra!. 
La population française représenterait 1,771,000,000 de 
kilogrammes vivants, contenant 2,112,000 d'azote et 
2,394,000 kilogrammes de carbone. D'un autre côté, d'a- 
près les statistiques les plus récentes la totalité des ali- 
ments consommés en une année contient 4,434,000 kilo- 
grammes de carbone et 215,000 kilogrammes d'azote. 
Partant de ces données que la consommation quotidienne, 
par kilogramme vivant, est de 5 gr. 79 de carbone et 
Ogr. 28 d'azote, pour Paris seul, sur lequel la statistique 
s'est exercée tout spécialement, cette consommation est de 
5 gr. 67 pour le carbone et gr. 55 pour l'azote. En ad- 
mettant qu'il eu soit ainsi pour les six villes de France 
dont la population dépasse 100,000 âmes, on trouve pour 
les campagnes 5 gr. 812 de carbone et Ogr. 273 d'azote. 

Ceci une fois admis, M. Mangon estime que cette ration 
est suffisante à l'exercice d'un travail assez modéré, mais 
qu'elle ne peut compenser la dépense nécessitée par un 
travail considérable, car le travail moyen, dans les campa- 
gnes, est lié de la manière la plus intime à la valeur de 
celte ration-, et, d'après l'auteur, ou trouvera toujours 
avantagea augmenter la ration des ouvriers qu'on emploie, 
la quantité de travail effectué croissant beaucoup plus vite 
que la quantité d'aliments consommés. Ces conséquences 
sont grosses certainement d'applications futures dont béné- 
ficiera largement le progrès général. 

Stanislas Miîusiee. 

l 'occultât ion 

DE VÉNUS PAR LÀ LUNE 1 

Je suis parvenu, malgré la lumière du soleil et les 
nuées blanches éblouissantes qui balayaient le ciel 
au sud, à observer ce rare phénomène astronomique 
et à constater les phases d'immersion et d'émersion 
de la planète sur le limbe de l'astre lunaire. 

La lune n'était qu'à son 4 e jour, et n'offrait 
qu'un mince croissant à peine visible ù l'est du so- 
leil. Ycnus offrait dans la lunette un croissant du 
même ordre que celui de la lune, un peu plus large 
relativement, très-visible et nettement dessiné dans le 
champ de l'instrument. L'observation a été faite avec 
une lunette de 4 pouces d'ouverture, munie d'un ocu- 

* Supposant sans doute que ee phénomène ne serait pas 
visible à Paris, l'Annuaire du bureau des Longitude* ne l't 
pas annoncé. 



552 



LA NATURE. 



laire grossissant le moins possible (55 lois seulement.) 
Par suite du mouvement de la lune sur la sphère 
céleste, le disque de la planète Vénus c^t arrivé en 
contact avec elle le 14 octobre, à 3 h. <42 m. 
de l'après-midi. J'étais occupé à examiner ce léger 
et ravissant petit croissant de Vénus, lorsque sou- 



dain je le vis diminuer par son are inférieur «t se 
laisser manger graduellement par le bord obscur 
invisible de la lune s'avatiçant lentement entre lui 
et nous. La surprise fut si grande, quoique je m'at- 
tendisse à celte disparition, que j ; ne songeai pas 
à compter les secondes et que je nie bornai à crier : 




Fig. 1. — Vénus au mo- 
ment du contact avec 
le boni obscur ne la 
mue. 




Fur. 4. — Vénus au mo- 
ment de l'ûnier-ion. 




Fip. i — \ é nus au mi- 

li> h de I'iiiiiiii rsion. 




Fig. 5. — Venu» au mi- 
lieu de l'émersiori. 




Fig, 5. — Vrnus au rlcr- 
nier moment de l'iui- 
(neinion. 




Piir. 6. — Vénus sortie 
du disque liunirc. 



« Elle entre! » Les personnes qui un instant au- î à l'hémisphère lunaire éclairé, on pouvait Paci- 
{laravani avaient admiré Vénus dans le ciel furent | lement comparer sa lumière à celle de la lune et 



fort intéressées à ne plus l'y 
voir, sans qu'on aperçût le 
corps qui l'éclipsait, car c'est 
le côté non éclairé de la lune 
qui s'était avancé, et le ciel 
paraissait d'un bleu laiteux 
égal en intensité des deux cô- 
té? du croissant lunaire. 

L'immersion s'est l'aile net- 
tement sans que la plus légère 
pénombre ait décelé l'indice 
de la moindre atmosphère lu- 
naire. Le disque lunaire in- 
visible coupa successivement 
le croissant de Vénus dans le 
sens indiqué par nos dessins. 
Au dernier moment de l'im- 
mersion on ne voyait plus que 
la corne supérieure du crois- 
sant. 

L'occultation dura \ h. 
14 m.; à 4 h. 5C m., une nouvelle éclaireie parut 
être arrivée juste à temps pour permettre aux 
astronomes de vérifier l'exactitude de leur prédic- 
tion. Vénus se monlra comme un point lumineux 
sur le bord occidental du pâle croissant lunaire, 
et s'en dégagea peu à peu. Elle n'employa pas 
moins d'une demi-minute à sortir tout entière et 
à reparaître dans son intégrité. Ainsi juxta-posée 




Occultation de Vénus par la lune. 



constater qu'elle est incom- 
parablement plus forte. Cette 
énorme différence devint sur- 
tout très- sensible le soir vers 
six heures lorsqu'on put voir 
les deux astres à l'œil nu. 

Après avoir passé derrière 
la lune, Vénus va bientôt 
passer devant le soleil. Par la 
combinaison des mouvements 
planétaires, la lune à elle 
seule aura produit pendant 
le mois d'octobre trois éclip- 
ses , toutes trois visibles à 
Paris : l'éclipsé de soleil du 
10, qui a été fort curieuse, 
l'éclipsé de Vénus du 14, 
phénomène beaucoup plus 
rare, et l'éclipsé totale de 
lune du 25. Les admirateurs 
de la belle science du ciel 
n'auront pas manqué de sujets d'observation, sans 
compter Saturne qui brille actuellement et les 
nombreuses curiosités des constellations d'automne. 

Camille Flammarion. 

Le Propriétaire-Gérant : G. Tissa nw eu . 



1'.oiilku, ( typ. et stûr. du Ciiktb. 



-V 75 — 7 NOVEMBRE 1874- 



LA NATURE. 



363 



LA COMMISSION DE PÊCHE 

AUX ÉTATS-UNIS. 

La diminution annuelle du produit de la pèche 
sur les côtes de l'Atlantique aux Etats-Unis est un 



fait qui préoccupe très- sérieusement le gouverne- 
ment américain. Depuis longtemps, eu effet, on voit 
disparaître une à une de vastes exploitations indus- 
trielles qui vivaient de la pèche. Les côtes améri- 
caines étaient jadis les plus riches de l'Océan; tous 
les documents relatifs aux anciennes pêcheries, toutes 




Quartier général de la commission de ptxJie uui Euns-Uui». — J.e de l'eake fEiai Ou Jljine). 




l.e laboratoire. 



les traditions indiennes en font foi. Elles tendent à 
devenir aujourd'hui les plus pauvres de la mer. En 
présence d'une situation aussi grave, on a résolu 
d'étudier la cause du mal, et de suivre de près la 
marche de la nature. Une commission officielle de 
pèche a été nommés; elle est présidée par M. Spen- 
cer F. Baird, de l'Institut Smithson. Les questions 



î' année. — 2* semestre. 



e 



à résoudre sont évidemment de celles que les recher- 
ches scientifiques seules peuvent éclairer. Aussi la 
commission de pèche est-elle devenue un centre d'ex- 
ploration du fond de la mer, et un grand nombre de 
savants s'y sont joints pour se livrer à des études 
de sciences naturelles, dont quel pies-unes déjà ont 
fourni des résultats intéressants. C'est à ce titre sur- 

23 



554 



LA NATURE. 



tout que lu nouvel établissement est digne de fixer 
l'attention. 

C'est sous ce rapport que nous l'éludierons spé- 
cialement. L'auteur de cette notice a eu la bon ce 
fortune de faire, l'été dernier, une visite au quartier 
général de la commission de pèche des Etals-Unis, 
en compagnie du professeur Morse de l'Etat de Mas- 
sachussetts. La commission s'est établie dans l'île de 
l'eake de la baie de Casco (Etat du Maine) : elle a 
élu domicile dans une construction bien aérée, que 
représente une de nos gravures. La pièce la plus 
importante de rétablissement, c'est le laboratoire que 
les habitants de l'île appellent la maison aux pois- 
sons. M. le professeur Morse me le fit voir dans ses 
détails, il est surtout destiné aux recherches mi- 
croscopiques, et aux dissections qui s'opèrent sur des 
tables, disposées le long des murs. En montant un 
escalier situé dans la pièce voisine, ou arrive dans 
une grande salle où, sur le plancher, se trouvent 
une quantité d'êtres marins singuliers, crabes, crus- 
tacés, etc., destinés à l'étude. 

liais les investigations les plus intéressantes pour 
le visiteur sont celles que l'on effectue sur le petit 
navire le Blue-Light, qui a pour mission de re- 
cueillir les habitants des eaux. I.a crainte du mal 
de nier ne nous fit pas reculer devant un voyage 
sur le Blue-Light, destiné au draguage, et à l'élude 
du monde de Ja mer. C'est un coquet petit steamer 
qui appartient à la vigie des côtes, et qui est com- 
mandé par le capitaine Beardslee. Ce marin distingué 
a imaginé des procédés ingénieux pour les sondages 
qui, opérés dans h s eaux profondes, ne constituent 
point une besogne facile. Il est bien l'homme qui 
convenait à l'important emploi qui lui est confié. 
Nous décrirons donc nos impressions de voyage à 
bord du Blue-Light; "ous parlerons au lecteur d'»6 
captures qui peuvent être faites tous les jours et des 
procédés qui sont mis en usage à cet effet. 

Un groupe de naturalistes est assemblé sur le 
gaillard d'avant; l'hélice pousse le bateau sur des 
laines courtes : les animaux que l'on cherche sont 
au fond de la mer. Il y a donc à bord des instru- 
ments pour balayer le fond de l'océan, pour le ra- 
cler, le ratisser, le fouiller, pour y faire enfin pisser 
la drague. Il faut d'abord s'efforcer de reconnaître 
la nature du sol marin, c'est la première opération 
qui intéresse l'explorateur des profondeurs mariti- 
mes; elle s'exécute très-facilement en pratiquant 
des sondages. La sonde est munie à cet efi'et d'un 
godet à suif, destiné à rapporter à la surface quelque 
fragment du fond. 

Un thermomètre, de construction spéciale, est 
descendu avec la sonde; il a pour but d'accuser 
les températures minima du milieu qu'il traverse. 
Étant donné ces facteurs, la profondeur, la nature 
du sol et sa température, le naturaliste reconnaît 
aussitôt, et par expérience, quels sont les princi- 
paux animaux du monde de la mer qu'il pourra 
rencontrer dans ces profondeurs. 11 est donc possible 
de prédire, avant de les prendre, les espèces de 



poissons ou d'animaux marins qui rempliront les 
filets. C'est là un des grands résultats de la science 



des sondages 1 , 

— La suili: prochainement. — 
— »6* 



C. WïCKOFF. 



SIR WILLIAM FAIRBAIRN 

Parmi les ingénieurs anglais dont les travaux ont 
conduit à une généralisation si complète de l'em- 
ploi du fer qu'on ne voit guère dans quelles circon- 
stances ce métal ne pourrait pas remplacer le bois, 
il faut ci 1er en première ligne W.llifim Fairbairn que 
la mort vient d'enlever récemment à l'Angleterre. En 
même temps qu'il nous semble utile de rappeler les 
travaux et les recherches de cet homme érninent, il 
nous paraît bon de donner un exemple, ajouté à tant 
d'autres, de ce que peuvent la persévérance et l'amour 
du travail- 

"William Fairbairn naquit àKelso, le 19 février 1 789, 
de parents dont la situation était peu fortunée : bien 
que son éducation eût été fort négligée, il présenta 
dès l'enfance des dispositions pour tout ce qui se 
rattachait aux arts mécaniques; aussi, dès l'âge de 
quatorze, ans, il saisit l'occasion favorable de l'érec- 
tion d'un pont à Kelso pour entrer en apprentissage, 
dirions-nous presque, dans les bureaux de M. Hennie 
qui avait fait le projet et qui avait été chargé de l'exé- 
cution de ce travail. Quelque temps après, le jeune 
Fairbairn rejoignit, à Neweastle, son père qui était 
alors chargé de la surveillance d'une mine de houille, 
et, tout eu s'occupant dans la journée de l'exploita- 
tion au point de vue pratique et participant effecti- 
vement aux travaux manuels, il consacrait ses soi- 
rées et une partie de ses nuits à l'étude des théories 
mathématiques et. mécaniques. C'est dans ces cir- 
constances qu'il fit la connaissance de Georges Sle- 
piienson, et le zèle de chacun d'eux à acquérir des 
connaissances nouvelles stimula leur ardeur et les fit 
rapidement progresser. 

Fairbairn, ayant manqué une position avantageuse 
qu'il espérait, se décida à aller à Londres, puis à 
faire un voyage dans le sud de l'Angleterre, dans le 
pays de Galles et en Irlande ; pendant son voyage, 
il gagnait par son travail de chaque jour la somme 
nécessaire pour subvenir à ses besoins matériels. 

En 1816, après un séjour de deux ans à Man- 
chester, Fairbairn avait pu faire quelques économies; 
il ne tarda pas à se marier et commença bientôt à 
travailler pour sou propre compte comme ingénieur. 
Quelque temps apiès, il devenait l'associé de M. Ja- 
mes llillie, à partir de cet instant, Fairbairn vit con- 
stamment sa position s'améliorer et lui donner non- 
seulement l'indépendance, mais même la fortune. 
C'est durant une période de quinze ans, pendant 
laquelle cette association se continua, que, en dehors 
des améliorations constantes apportées par Fairbairn 
aux appareils qu'il construisait, il fut conduit à 

1 Extrait et traduit du Harper's New Moiithly Blagaiine 
de New -York. 



LA NATURE. 



555 



mettre au jour les premiers navires en fer : il con- 
tinua cette spécialité à l'usine de Willwall qu'il diri- 
gea pendant quatorze ans. Plus tard nous le voyons, 
de concert avec Robert Slephenson, construire les 
ponts Brilannia el de Conway, ponts tubulaircs en 
métal; puis, participer à l'établissement des forts 
avec revêtements en fer à SpitUead. C'est à son insti- 
gation que l'ut créée l'association des propriétaires 
de machines à vapeur de Manchester, et c'est lui éga- 
lement qui, dès 1831, proposait l'installation d'un 
système d'inspection des chaudières à vapeur qui de- 
vait donner d'utiles résultats. 

Il convient de signaler, d'autre part, les recher- 
ches expérimentales qu'il fit sur la force des tôles 
et des rivets, sur lu résistance de chaudières à va- 
peur, expériences qui sont restées classiques. En 
outre, '1 présenta aux diverses sociétés dont il était 
membre, dos mémoires, des notes sur les divers 
sujets à l'ordre du jour, travaux importants qui, 
croyons-nous, n'ont pas été publiés à part et qu'il 
faut rechercher dans les procès-verbaux et les Irans- 
uulions de ces sociétés. Ils constituent, dans leur en- 
semble, une œuvre importante. 

Fairbairn avait vu successivement tous les hon- 
neurs lui être décernés : sans vouloir les énumérer, 
nous nous bornerons à dite qu'il était correspondant 
de l'Académie des sciences de France (section de mé- 
canique) depuis 1852 et que, en 1869, sur la pro- 
position de M. Gladstone, il fut créé baronnet. 

Mais en dehors même de ses titres scientifiques, 
la vie de sir William Fairbairn est un modèle qu'il 
convient de citer pour montrer, d'une {'art, quels 
peuvent être les résultats de l'intelligence; pour 
mettre en évidence, eu outre, les honneurs de toute 
nature que les nations qui comprennent l'impor- 
tance du développement, de la science et de l'in- 
dustrie (et l'Angleterre marche en première ligne 
parmi ces nations) savent accorder aux savants, aux 
industriels qu'elles s'enorgueillissent d'avoir vus 
naîLre. C- M. Garigl. 

LES ANCIENS 

OISEAUX DES ILES MASCAREIGNES 

(Suile. — Yoy. p. 10, 59 et 132.) 
LE SOLITAIRE DK l'h.K RODRIGUE. 

Comme leDronte, avec lequel il a d'ailleurs tant 
d'affinités, le Solitaire est une espèce aujourd'hui 
complètement éteinte et dont l' authenticité n'était 
établie, naguère encore, que par le témoignage de 
quelques voyageurs. Cet oiseau , presque aussi 
étrange que le Dodo, dont nous avons parlé dans no- 
tre deuxième article, se trouvait à Rodrigue, petite 
île située dans l'Océan indien, par 19° de latitude 
sud, 'à 300 milles marins à Test de Maurice; c'est 
là que François Léguât, ce voyageur français dont 
nous avons déjà raconté les aventures, eut l'occasion 
fréquemment, pendant un séjour de deux années, 
d'observer ce type ornithologique, si différent de 



ceux qu'il avait eus jusqu'alors sous les yeux, et 
put en faire la description qui est parvenue jusqu'à 
nous. « De tous les oiseaux de cette île, dit Léguât, 
l'espèce la plus remarquable est celle à laquelle on 
a donné le nom dû Solitaires, parce qu'on les voit 
rarement en troupes, quoiqu'il il y en ait beaucoup. 
Les mâles ont le plumage ordinairement grisâtre et 
fcrun, les pieds de coq d'Inde et le bec aussi, mais 
un peu plus crochu. Ils n'ont point de queue, et leur 
derrière couvert de plumes est arrondi comme une 
croupe de cheval. Us sont plus haut montés que les 
coqs d'Inde et ont le cou droit, un peu plus long à 
proportion que ne l'a cet oiseau quand illèvela tète. 
L'œil noir et vif, et la tète sans crête ni houpe. 
Ils ne volent point, leurs ailes sont trop petites pour 
soutenir le poids de leur corps. Ils ne s'en servent 
que pour se battre et pour faire le moulinet quand 
ils veulent s'appeler l'un l'autre. Ils font avec vitesse 
vingt ou trente pirouettes tout de suite du même 
côté, pendant l'espace de quatre ou cinq minutes ; 
ce mouvement de leurs ailes fait alors un bruit qui 
approche de celui d'une crécelle, et on l'entend de 
plus de deux cents pas. L'os de l'aileron grossit à 
l'extrémité et forme sous la plume une petite masse 
ronde comme une balle de mousquet ; cela et le bec 
sont la principale défense de cet oiseau. On a bien 
de la peine à les attraper dans les bois, mais comme 
ou court plus vile qu'eux, dans les lieux dégagés, il 
n'est pas fort difficile d'en prendre. Quelquefois même 
on en approche fort aisément. Depuis le mois de 
mars jusqu'au mois de septembre ils sont extraordi- 
nairement gros, et le goût en est excellent surtout 
quand ils sont jeunes. On trouve des mâles qui pè- 
sent jusqu'à 45 livres. 

« La femelle est d'une beauté admirable, il yena 
de blondes et de brunes ; j'appelle blond, une cou- 
leur do cheveux blonds. Elles ont une espèce de 
bandeau comme un bandeau de veuves au haut du 
bec, qui est de couleur tannée. Une plume ne passe 
pas l'autre sur tout leur corps, parce qu'elles ont un 
grand besoin de les ajuster et de sepoliravec le bec. 
Les plumes qui accompagnent les cuisses sont arron- 
dies par le bout en coquilles, et comme elles sont 
fort épaisses en cet endroit-là, cela produit un agréa- 
ble effet. Elles ont deux élévations sur le jabot, d'un 
plumage plus blanc que le reste, et qui représente 
merveilleusement un beau sein de femme. Elles mar- 
chent avec tant de fierté et de bonne grâce tout en- 
semble, qu'on ne peut s'empêcher de les admirer et 
de les aimer, de sorte que souvent leur bonne mine 
leur a sauvé lu vie '. » 

iSous comprenons que MM. Slrickland et Molville 
aient cité textuellement ce passage, car il est de na- 
ture à montrer la parfaite bonne foi de Léguât et son 
talent d'observation ; on voit évidemment que cette 
description, comme celle du Géant, a été faite surpla- 
ce, ou tout au moins composée d'après des notes re- 
cueillies au jour le jour. Nous voudrions pouvoir re- 

1 Voyages et avanlures de François Léguai. — Londres, 
1720 (2" édit.), p. M. 



556 



LA NATURE. 



produire également tous les détails fournis par Lé- 
guât sur les mœurs du Solitaire, mais faute d'espace, 
nous devons nous borner à en mentionner quelques- 
uns. Léguât raconte, par exemple, que, malgré tous 
ses efforts, il ne put jamais conserver de Solitaires en 
captivité; à peine un de ces oiseaux avait été pris, 
qu'il tombait dans une tristesse morne, versait des 
pleurs et se laissait mourir en refusant toute espèce 
de nourriture. Pour niclier, les Solitaires choisissaient 
une place bien nette, et y déposaient des feuilles de 
palmier, jusqu'à une hauteur d'un pied et demi au- 
dessus du sol, ils ne pondaient jamais qu'un seul 
œuf, qui était beaucoup plus gros que celui d'une 
oie; le père et la mère le cou- 
vaient tour à toUT , pendant 
sept sen. aines, et quand le pe- 
tit était i nfinéclos ils le nour- 
rissaient iurant plusieurs 
mois, jusqu'à ce qu'il put aller 
chercher sa pâture. Pendant 
tout ce temps les parents ne 
souffraient dans le voisinage 
de leur nid aucun oiseau de 
leur espèce; cependant quand 
le mâle était seul à veiller sur 
sa progéniture et qu'une fe- 
melle venait à s'approcher, le 
père n'osait chasser lui-même 
l'étrangère et il appelait sa 
femelle avec de grands bruits 
d'ailes; les femelles agissaient 
exactement de même lorsqu'un 
mâle s'approchait de leur nid. 
Les combats qui se livraient 
en celte occasion étaient sou- 
vent acharnés. Une fois que le 
jeune n'avait plus besoin de 
leurs soins les parents ne se 
séparaient point, et formaient 
toujours un couple parfaite- 
ment uni, lors même qu'ils 
se mêlaient aux autres oiseaux 
de leur espèce. Nous avons sou- 
vent remarqué, dit Léguât, que quelques jours après 
que le jeune avait quitté le nid, une bande de trente à 
quarante oiseaux amenait avec elle un autre jeune ; 
que le premier, avec son père et sa mère, se joignait 
à cette troupe et qu'ils partaient tous ensemble; les 
ayant suivis fréquemment, nous avons constaté que 
plus tard les vieux s'en retournaient seuls ou par 
couples, et laissaient ensemble les deux jeunes; 
ainsi se trouvait conclu un véritable mariage. Ceci 
est déjà fort singulier, mais Léguât rapporte des faits 
plus étranges encore, et, entre autres une particula- 
rité analomique qui n'a peut-être pas été suffisamment 
remarquée. Ce voyageur, dans la véracité duquel 
on peut en général avoir toute confiance, affirme 
en effet, avoir trouvé dans le gésier de tous les 
Solitaires qu'il a examinés , quel que fût leur 
sexe ou leur âge, une pierre aplatie d'un côté et ar- 



rondie de l'autre, qui était assez dure pour servir à 
repasser les couteaux. Cette pierre, qui chez les 
adultes atteignait la grosseur d'un œuf de poule, ne 
pouvait avoir été avalée par l'oiseau, le passage du 
jabot au gésier étant fort étroit ; du reste on en trou- 
vait déjà des rudiments chez le jeune sortant de l'œuf. 
Chose curieuse, la présence d'une pierre dans le gé- 
sier a été signalée également chez le Dodo par plu- 
sieurs voyageurs qui ne connaissaient pas le Solitaire, 
et entre autres par Clusius, Matelicf, Wilhelm von 
West-Zaneu et François Cauche. D'un autre côté sir 
llamon Lest range nous dit que le gardien du Dronte 
que l'on montrait à Londres en 1038 donnait des 
pierres à manger à cet oiseau, 
et sir Herbert compare le 
Dronte à l'Autruche, pour la 
facilité avec laquelle il digère 
des cailloux et des morceaux 
de 1er ; ces deux témoignages 
doivent nous mettre en garde 
et peuvent faire supposer, mal- 
gré l'assertion de Léguai, de 
Clusius, de Matelicf, etc., que 
les corps étrangers contenus 
dans l'estomac soit du Dronte, 
soit du Solitaire, avaient été 
réellement avalés par ces oi- 
seaux pour aider à lu tritura- 
tion des l raines dont ils fai- 
saient leur nourriture *. Le 
Solitaire était en effet un oi- 
seau essentiellement granivore 
et frugivore, car Léguât nous 
dit expressément que lui e'. 
ses compagnons , trouvaient, 
en id.ioiid.anee dos fruits plus 
succulents, abandonnaient vo- 
lontiers aux Solitaires et aux 
Tourterelles, les fruits d'une 
sorte de palmier qu'il appelle 
Plantane. 

La description de Léguât 
est accompagnée d'une figure 
que nous reproduisons ici, et qui malgré sa naïveté, 
ou plutôt à cause de sa naïveté même, doit être 
fort exacte ; du reste les renseignements fournis 
par ce voyageur consciencieux sont confirmés par 
le témoignage de sir Heibert, (pli toucha à Rodrigues 
en 16"27 et qui nous apprend que Diganoys (ou Ro- 
drigue) est une île déserte ou plutôt dépourvue 
d'êtres humains, car ou y trouve en abondance des 
Tortues, des Dodos l et d'autre gibier excellent. 

E. Oustalet. 

— La lin prochainement. — 

1 On s:iit que plusieurs oiseaux granivores, certains galli- 
nacés et les pigeons avalent les grains de sable et de petits 
cailloux. 

1 Sir Iteikrt confond les Solitaires avec les Dodoa (p. Ô41). 




l.c solitaire, il ajm:s Lc^uai. 



LA NATUIi: 



357 



LES ÉTOILES FILANTES 

(Suite. - Voy. p. 322 ) » 

Pour obtenir et posséder des résultais d'une 
grande valeur, il fallait évidemment, et avant tout, 
recueillir des observations chaque jour et à toutes les 
heures de la nuit. Pour entreprendre un travail avisai 
pénible et fatigant, car on sait que ces observations 
ne peuvent se faire qu'à ciel découvert, il fallait 
trouver un homme doué tout particulièrement pour 
ce genre d'étude. C'est à Coulvier-Gravier que la 
science doit cette longue série d'observations quoti- 
diennes ; c'est aussi à ce savant observateur que la 
science doit ces lois intéressantes de la variation ho- 
raire des étoiles filantes; du mouvement de la résul- 
tante du soir au matin, des diverses directions qu'el- 



les affectent, ot enfin ces coïncidences qui existent 
entre la direction de ces corpuscules et celle des 
courants de l'atmosphère; recherches curieuses faites 
avec le plus grand soin, et sur lesquelles s'appuyait 
M. Schiapareih, le savant directeur de l'Observatoire 
royal de Milan, lorsqu'un 18G7 il formulait son inté- 
ressante théorie qui assimile les 11 ux d'étoiles filantes 
périodiques aux diverses comètes connues; théorie 
pressentie par Coulvier-Gravier, lorsque, contraire- 
ment aux idées reçues, alors que l'étoile filante était 
une petite masse planétaire solide, il affirmait avoir 
pu distinguer huit ou dix fois le noyau d'une étoile 
fixe à travers la matière diaphane d'une étoile 
filante. 

Pour compléter ce travail historique, c'est-à- 
dire pour grouper ici toutes les hypothèses émises 
sur ce curieux phénomène, il faut faire connnaître 





Courants inférieurs indiques par les vents. 



Fig. 8. 
Courants supérieurs indiqués par la direction îles étoiles filantes. 



les idées théoriques de Coulvier-Gravier qui, mal- 
gré les critiques de quelques savants, n'en ont pas 
moins un cachet d'originalité et de raison que 
l'observation faite sans idées préconçues ne pourra 
leur enlever. Il est en effet un principe duquel il ne 
faut jamais s'écarter; c'est que les théories, les 
hypothèses doivent reposer sur l'observation, et non 
l'observation sur la théorie. Or, c'est malheureuse- 
ment ce qui se produit dans bien des cas. On ne veut 
pas admettre tel ou tel résultat donné par l'expé- 
rience, parce qu'il se trouve en opposition avec les 
idées reçues, avec, les théories acceptées par la science; 
et e'est ainsi qu'aujourd'hui certains hommes ne crai- 
gnent pas d'affirmer que tout est connu dans ce qui 
concerne ce phénomène, quand au contraire il y a 
encore tant de points obscurs, tant de questions à 
traiter, tant d'observations à recueillir. 

INe se préoccupant aucunement de l'origine ou de 
la composition des étoiles filantes ; Coulvier-Gravier 
s'est attaché de préférence à l'aspect du phénomène, 



et à rechercher les relations qui pouvaient exister 
entre les diverses directions affectées par ces météo- 
res et les phénomènes météorologiques qui suivent 
ces apparitions. Pour lui, que l'étoile filante s'en- 
gendre dans l'atmosphère, d'après le système terres- 
tre, ou qu'elle vienne du dehors, d'après le système 
cosmique, elle n'obéit pas, dans l'atmosphère du 
moins, à un mouvement propre, mais à l'impulsion 
qui lui est donnée par le courant plus ou moins 
rapide qu'elle rencontre. 

Partant de celte hypothèse bien claire, ces météo- 
res indiquent donc la direction et l'intensité des dif- 
férents courants qui les transportent, et qui régnent 
dans les hautes régions de l'atmosphère (puisque 
l'on sait que l'étoile filante n'est visible pour nous 
d'après les théories admises, que lorsqu'elle a pénétré 
dans notre atmosphère). Les étoiles filantes peuvent 
donc être comparées à de véritables girouettes et 
anémomètres qui montrent la direction et la force 
des courants des hautes régions de l'air. 



yjS 



LA NATUIIK. 



Il est maintenant un fuit observé et constaté par 
tous les météorologistes, c'est que, quand des nuages 
fort élevés que l'on désigne sous le nom de Cirrus 
viennent à se former; quelle que soit leur direction, 
si leur mouvement de translation, c'est-à-dire le cou- 
rant aérien qui les transporte, ofïre une certaine 
intensité, on remarque que ce courant après avoir 
influencé en plus ou moins, suivant sa direction, la 
colonne barométrique, devient quelques heures après, 
le vent de terre indiqué parla girouette; en d'autres 
termes ce courant procède par abaissement. 

Or, l'observation des étoiles filantes apprend aussi 
que les courants atmosphériques indiqués par leur 
direction, procède d'une manière semblable. On 
comprend dès lors comment par l'inspection et la 
discussion des diverses directions affectées par les 
météores filants, on peut se trouver immédiatement 
renseigné sur la induré des transformations atmos- 
phériques à venir. Ces courants étant devenus peu à 
peu ceux qui circulent dans la région des Cirrus qui 
eux-mêmes deviennent quelques heures après, comme 
nous venons rlr» l<> clirft, l»>s eonranls qui .soufflent ù la 
surface du sol. 

L'observai ion apprend aussi que l'action de ces 
courants supérieurs indiqués par la direction des 
étoiles filantes, ne commence à se faire sentir sur la 
colonne barométrique, qu'environ 36 ou 40 heures 
après l'apparition de ces signes précurseurs. On con- 
naît donc ainsi, 36 ou 40 heures à l'avance les pre- 
miers mouvements de la colonne de mercure. 

11 est encore dans ce phénomène des étoiles filan- 
tes, un point très-important qui n'avait pas encore 
été relaté jusqu'à nous ; je veux parler des particula- 
rités remarquables offertes par certains de ces météo- 
res qui présentent des trajectoires parfois complète- 
ment recourbées ou simplement serpentantes, que 
quelques observateurs attribuent sans raison à des 
effets de perspective. 

Etudiant depuis longtemps ce genre spécial de 
météores, nous avons émis, M. Coul vicr-Gravicr et 
moi, cette hypothèse très-rationnelle, que ces tra- 
jectoires accidentées sont l'effet d'un courant atmo- 
sphérique très-intense rencontré par le météore du- 
rant le parcours de sa trajectoire ; et venant ainsi 
dévier entièrement ou seulement contrarier sa direc- 
tion primitive. Ce courant hypothétique est desigué 
par nous sous le nom de perturbation. Il joue un 
rôle des plus importants dans la prévision basée sur 
les étoiles filantes. En effet, si durant l'observation 
on n'a pas remarqué de perturbation, la résultante 
ou direction movenue des étoiles filantes est suffi- 
sante pour renseigner sur le beau ou le mauvais 
temps. Au contraire, si des perturbations ont été 
constatées, il faut principalement tenir compte de la 
nature de ces perturbations qui sont alors les seuls 
indicateurs et les véritables signes précurseurs de 
tous les produits météoriques. 

Pour rendre ce résultat plus sensible, prenant une 
période de vhgt années, puis relevant avec le plus 
grand soin, toutes les perturbations observées; d'au- 



tre [art, étudiant les phénomènes météorologiques 
(pli s'étaient produits à la suite de ces curieuses ob- 
servations, je constatais que du 3 e au 4 e jour après 
l'apparition de ces perturbations, le courant régnant 
à terre était identiquement le même que celui qui 
avait été révélé par la direction de ces perturbations. 

Représentant alors les douze mois de l'année par 
douze circonférences concentriquesdonnanlen même 
temps le cercle azimulal des vents; à l'aide de la 
direction moyenne par mois des perturbations obse:- 
vées, je pouvais avec ces douze ordonnées, reliée- 
entre elles par de petits arcs de cercle, présenter 
d'une manière très-claire l'oscillation des courants 
des hautes régions (fig. 1). Agissant de même poul- 
ies vents de terre constatés du 3 e au 4" jour après 
l'apparition de ces signes piécurseurs, c'est-à-dire 
calculant leur direction moyenne par mois, je dé- 
montrais (fig. 2) la parfaite analogie existant entre 
l'oscillation des courants inférieurs et celle des cou- 
rants supéi ieurs indiqués par l'observation des mé- 
téores à trajectoires recourbées ou serpentantes. Ces 
météores renseignent donc à l'avance: 1° sur las mou- 
vements du baromètre ; 2° sur la nature des couran's 
devant remplacer ceux dont nous subie-sons les effet? ; 
les deux problèmes les plus importants de la météo- 
rologie pratique. 

Ces quelques données que je vienr de faire connaî- 
tre, sont les principes fondamentaux sur lesquels 
repose le système météorologique de Coulvier-Gra- 
vier. Je ferai connaître maintenant quelques résultat s 
météorologiques intéressants, déduits de ces obser- 
vations continues. 

Chapeus Coulvier-Gmyier, 

Directeur île l'Observatoire météorique 
du Luinmbourg. 
— La suite prochainement. — 



NOUVELLE MÉNAGERIE DES REPTILES 

AU muséum d'histoire NATURELLE. 

(Suite et fin. — Voy. p. o">8.) 

De tout temps l'imagination populaire s'est plu à 
attribuer aux animaux dangereux ou aux êtres dont 
les formes sont singulières, d'étranges propriétés ou 
de merveilleux pouvoirs ; elle a exagéré, comme à 
plaisir, la taille à laquelle pouvaient arriver ces ani- 
maux et leur a donné le plus souvent d'énormes di- 
mensions. Une sorte d'admiration mêlée d'effroi, la 
superstition s'ajoutant à la crainte, les a fait, chez 
tous les peuples à l'enfance de la civilisation, regar- 
der comme des émanations de la céleste puissance. 

C'est ainsi que le python à la grande taille et aux 
brillantes couleurs a été adoré par les nègres de la 
côte de Guinée, que les anciens Egyptiens ont rendu 
un culte à l'iiaje au subtil venin, que le boa a vu au 
Mexique son image vénérée au milieu des nuages 
d'encens et des flots de sang des victimes humaines. 



LA NATURE. 



55'J 



versés pour honorer le dieu cuel et impitoyable 1 
demandant toujours de nouvelles hécatombes. C'est 
ainsi que l'on a parlé de reptiles à la taille gigan- 
tesque ayant osé s'attaquer aux armées romaines et 
ayant pu arrêter pendant quelque temps les vain- 
queurs du monde, que Ton a doin.é aux espèces ve- 
nimeuses la merveilleuse puissance de fasciner la 
malheureuse victime venant d'elle-même chercher la 
mort et se jeter dans la gueule béante de son en- 
nemi qui l'attire. 

Tels ont été les pouvoirs accordés au représentant 
du python dans le Nouveau-Monde, au boa et surtout 
au boa constrictor (Voy. grav. n° i) que l'on a très- 
souvent décrit comme s'altaquant aux vigoureux buf- 
fles américains et au couguar du Nouveau-Monde. Que 
de récits nous ont fait assister au terrible combat, en- 
tre le monstrueux reptile attendant sa proie près des 
sources où celle-ci vient se désaltérer, et le grand 
mammifère qui, malgré sa force et son agilité, est 
enlacé dans les musculeux replis de son ennemi, peu 
à peu attiré vers l'arbre contre lequel il sera broyé 
diins les mille anneaux du serpent! Que de fois n'a- 
vons-nous pas tous vu représenter le constrictor sus- 
pendu aux branches des arbres, au-dessus de la sur- 
face du liquide et épiant les animaux qui \iendront à 
la source! Exagération de trop crédules voyageurs! 
Le prince de Neuwild, qui a observé le boa au ïlrésil, 
ne l'a jamais trouvé auprès des rivières ni des lacs, 
mais toujours à une, certaine distance dans l'intérieur 
des forêts, sous do vieux troncs d'arbres, dans les 
cavités du sol ou les ai:fractuosités des rochers. C'est 
là que le reptile reste dans une immobilité presque 
absolue dont il ne sort que poussé par l'aiguillon de 
la faim; on le voit alors, enlaçant un arbre de ses 
tortueux replis, parvenir jusqu'à une maîtresse bran- 
che, d'où il se laisse glisser presque jusqu'à terre, 
l'extrémité du corps roulée autour du point d'appui, 
et cherchant à saisir les petits mammifères qui pas- 
seront à si portée : des rats, des agoutis, des cabrai, 
des pacas, parfois des ois aux, sont sa proie habi- 
tuelle. Il ne s'attaque jamais aux grands mammi- 
lères et moins encore à l'homme. On prétend que, 
seul parmi les ophidiens, le boa fait entendre, lors- 
qu'il est irrité, un cri sourd, peu prolongé, comme 
une sorte de grognement, ressemblant au son jars. 
Comme chez tous les serpents, la déglutition se fait 
peu à pou; les mâchoires peuvent sj dilater énormé- 
ment, de telle sorte que l'animal avale une proie 
presque toujours plus grande que sa bouche; on dit 
que le boa, pendant sa digestion, exhale une odeur 
fétide qui se sent de loin. De même que tous les 
serpents non venimeux, il pond des ceufs dont réclu- 
sion est laissée au h isard : ces œufs ont la grosseur 
d'un œuf d'oie; lorsqu'ils viennent d'éclore, les pe- 
tits ont de 12 à 14 pouces de long et sont delà 
grosseur du doigt. Au moment de la ponte ou pen- 
dant le sommeil hibernal, les boas se creuseraient 
des sortes de terriers au pied et entre les racines des 
grands arbres. 

Si les pythons et les bo:is semblent représenter Ja 



force, les crotales donnent certainement l'idée de la 
cruauté et inspirent la crainte par leur vue (n° 7). 
Leur tète large et aplatie, leurs yeux sanglants et 
brillants, le bruit strident qu'ils l'ont entendre aus- 
sitôt qu'ils sont inquiets ou irrités, tout cela in- 
spire l'effroi et glace de crainte. On a dit que par la 
puissance de son regard, le crotale contraignait l'ani- 
mal à s'approcher peu à peu et à se précipiter de lui- 
même dans la gueule du reptile, que l'homme lui- 
même ne pouvait résister à la force magique de sou 
étincelant regard, et que, plein de trouble, bien loin 
d'échapper à la dent mortelle qui va le frapper, il 
serait peu à peu attiré avec une irrésistible force. 
Effets de la crainte qu'inspire le serpent à sonnettes, 
ces récits sont pour la plupart empreints de fabu- 
leux et d'exagération; ils peuvent s'expliquer par le 
sentiment instinctif du danger qu'un faible animal 
doit éprouver en se trouvaut tout à coup en présence 
d'un ennemi dont l'aspect est aussi effrayant. Le cro- 
tale ne se jette jamais sur l'homme que quand il est 
provoqué ou que l'on s'approche de lui à l'époque 
du rut. C'est un animal lent et paresseux qui n'atta- 
que les petits mammifères dont il ne se nourrit 
que pressé par la faim. Il se tient d'ordinaire dans les 
lieux bas et marécageux, au milieu des broussailles 
j et des taillis; comme tous les serpents à mouvements 
spiroïdes, il ne peut grimper aux arbres, ni étran- 
gler sa proie dans ses méandreux replis. Aussitôt 
! qu'il est inquiété ou qu'il voit l'animal qui va lui 
. servir de proie, le crotale rapproche ses plis, s'en- 
! roule sur lui-même et agite ses grelots en signe de 
I colère; quelques instants après, s'appuyant sur sa 
queue qui lui sert de point d'appui, il développe ses 
orbes, et, comme un ressort qui se débande, se pré- 
cipite sur sa victime, la gueule largement ouverte 
et les crochets venimeux dirigés en avant; puis, 
comme certain du prompt clfet du mortel poison 
qu'il vient de déposer dans la plaie qu'il a faite, il 
se retire et se replie, tout prêt à renouveler son atta- 
que. L'animal frappé ne peut d'ailleurs fuir; il tombe 
presque aussitôt; après quelques mouvements con- 
vulsifs, il est saisi d'une sorte de torpeur et d'insensi- 
bilité complète qui paralyse ses forces et en fait faci- 
lement la proie du féroce reptile. Des petits ani- 
maux, des écureuils, des rats, des agoutis sont la 
proie habituelle du crotale. N'ayant pis les mêmes 
habitudes que le crotale durisse, le crotale millet 
serait, dit-on, souvent l'agresseur. Mais bien plus 
terribles sont les trigonocéphales, surtout le trigo- 
nocéphale piscivore, la terreur des nègres occupés 
aux plantations de riz; le mocassin, tel est son nom, 
dont la piqûre est tout aussi dangereuse que celle du 
crotale, attaque ce qu'il rencontre; muet, il se glisse 
sans bruit dans les lieux bas et marécageux, au milieu 
des cultures. 

Au terrible poison, non moins actif que celui du 
Crotale, est le Naja ou serpent à lunettes des Indes 
(n° 3). Contrairement au serpent à sonnettes, dont 
la vue seule révèle la force, le naja, lorsqu'il est au 
repos, a l'aspect d'une iuoffonsive couleuvre. Mais 



r»co 



LA NATURE. 



lorsqu'il est irrita, le Cobra de capello, se redresse 
presque verticalement sur lui-même , la portion 
postérieure du corps reposant seule sur le sol; il 
peut s'avancer ainsi presque droit, la tète élevée et 
horizontalement étendue sur le cou, qui, par le jeu 
de ses côtes mobiles, se dilate rapidement en une 
large membrane sur laquelle se trouve grossièrement 
dessinée l'image d'une paire de lunettes ; prenant 
son point d'appui sur le sol, le naja s'élance eu 
avant, découvrant la pointe de ses cro.liets veni- 
meux. De môme que les Marses, (pie les Psylles de 
Cyrèneet que les Ophiogèues deCbypre, les jongleurs 
de l'Inde et de l'Egypte parviennent à dompter le 
Naja. Kaëmpfer qui, le premier en 1712, à son re- 
tour de la Perse et des Indes, nous a fuit connaître le 
serpent à lunettes, nous a transmis d'intéressants 
détails sur la manière dont ce serpent est dressé. Les 
bateleurs, après avoir irrité le reptile, lui opposent 
au moment où il s'élance pour mordre, le poing 
coiffé d'un vase en terre, contre lequel le serpent se 
meurtrit le museau; la même manœuvre est répé- 
tée jusqu'à ce que le reptile, par peur des coups, 
finisse par éprouver la même frayeur pour le poing 
nu. C'est alors que le charlatan montre le naja en 
public. Tout en dansant, il s'accompagne d'une flûte 
aux sons aigus et monotones; le naja, qui n'ose se I 
précipiter sur son agresseur, suit cependant tous ses 
mouvements, toujours prêt à s'élancer, et c'est ainsi 
que tournant la tète de tous côtés et pivotant sur lui- 
même, les assistants croient que le reptile, dominé 
par le Psylle, exécute des mouvements en cadence. 
Geoffroy Saint-Hilaire le père a vu d'ailleurs en 
Egypte, des bateleurs être assez sûrs d'eux-mêmes 
pour comprimer la nuque du serpent, qui tombe 
alors dans une sorte de roideur momentanée ; M. Na- 
talis Roudot a été témoin du même fait dans l'île de 
Ceylan. 

Le long des rives fréquemment inondées du Wis- 
sissipi se voient de nombreuses troupes de caïmans 
à museau de brochet ou alligators (n° G), les \n\* 
endormis sur de vieux troncs d'arbres flottants, les 
autres à la poursuite des poissons qui abondent dans 
ces eaux, tandis que d'autres encore se reposent au 
soleil ou se traînent dans la vase. Ces bandes sont 
fort bruyantes et font entendre, lorsqu'elles sont in- 
quiétées, des beuglements prolongés. En hiver, les 
caïmans s'engourdissent après s'être enfoncés dans 
la boue et cachés sous les troncs des arbres enfouis. 
La ponte a lieu au mois de juin, la femelle déposant 
au milieu des roseaux, environ soixante œufs qu'elle 
recouvre de terre et d'herbes enlacées et sur lesquels 
elle veille avec soin. Contrairement aux habitudes 
du crocodile, le représentant africain du groupe, 
l'aLigator n'attaque jamais l'homme et se défend à 
peine. 

Le Nouveau-Monde semble être la terre de prédi- 
lection des reptiles, et ses vastes forêts leur demeure 
favorite. Nous avons vu le boa conslrietor enroulé 
autour des arbres à la cime élancée, le crotale at- 
tendant sa victime au milieu des fourrés, l'alligator 



se jouant sur le bord des fleuves ; mais voici encore 
la matamata (n° 9), cachée dans la boue des marais 
la grenouille mugissante (n° 8), se tenant près des 
sources et emplissant les solitudes de son cri bruyant, 
l'iguane (u° 2) sautant de branches en branches à 
la poursuite de sa proie l . 

Il est facile de reconnaître ce dernier animal à b 
grande poche qu'il porte au-dessous du cou et à la 
crête dentelée qui s'étend de la tète à l'extrémité de 
laqueue. Ses ongles longs, aigus et crochus sont 
merveilleusement aptes au grimper; l'iguane, en 
effet, vit sur les arbres et y chas se les insectes et par- 
lois les jeunes oiseaux ; sa nourriture se compose aussi 
de fruits, de graines et de feuilles. Il établit sa re- 
traite dans quelque trou peu profond creusé dans le 
sable. La chair de cet animal est très-redwrehée dans 
quelques légions, aussi lui fait-on une chasse fort 
active 

La curieuse matamata, à la chair succulente a, pour 
le même motif, presque entièrement disparu des 
Guyanes. C'est une tortue de marais au corps telle- 
ment saillant hors de la carapace que l'animal ne peut 
s'y abriter, à la carapace aplatie et hérissée d emi- 
nences pyramidales, à la tète triangulaire terminée 
par une petite trompe, prolongement des narines, au 
cou garni de franges découpées. 

Comme toutes les tortues de marais, la olielydre a 
les pattes à doigts distincts et mobiles, garnis d'on- 
gles acérés; les phalanges sont réunies à la base par 
une peau flexible qui permet à l'animal de marcher 
tout à la fois sur terre et de nager dans les eaux, à 
l'aide de ses pattes transformées alors en rames. Les 
émydes et les plutomys, que l'on voit à la nouvelle 
ménagerie, appartiennent à ce groupe. 

Chez les potamides ou tortues de marais, au con- 
traire, les pattes sont lort déprimées et les doigts 
sont réunis jusqu'aux ongles par de larges mem- 
brane^ flexibles, de telle sorte que les mains et les 
pieds sont de véritables palettes ne permettant plus 
la progression sur le sol. Ce groupe est représenté par 
les triouyx. 

La modification que subissent les pattes est plus 
profonde encore chez les Tortues de mer. Chez celles- 
ci les membres sont aplatis et changés en rame, les 
doigts ne pouvant plus exécuter aucun mouvement 
les uns sur les autres; les membres antérieurs sont 
bien plus longs que les membres postérieurs, la ca- 
rapace est déprimée, tout est fait pour une vie exclu- 
sivement aquatique. 

Certaines espèces sortiraient cependant de l'eau 
pendant la nuit et se traîneraient sur les bords des 
îles pour venir y brouter les plantes marines dont 
elles sont friandes, tandis que d'autres, comme le 
caret et la couane feraient entrer dans leur nourri- 
ture des seiches et des calmars. Toutes les espèces 
xiennentde bien loin sur le rivage sablonneux de 
quelqu'ile déserte, et y creusent pendant la nuit, 
au-dessus de la ligne qu'atteignent les plus grandes 

1 La ménagerie; des reptiles ne possède pn.; l'Iguane ; la fu- 
niillc y est représentée par le Stellion du Levant. 




Quelques reptile» de la nouvelle nidiiugi'i-ie du Jardin des Fiantes. 

1 , Boa •coiislrictor. — t. Iguane. — 3. Scrpenl â lunettes. — 4. Fia einjde. — 3. Tortue comme. — 6. Caïman à museau de brochet. 
7. Serpenta sonnettes. — 8. Giciiouillc tauro.iu. — 9. Tortue niatamata. 



50 2 



LA NATURtf. 



eaux, des fosses d'environ doux pieds, dans les- 
quelles elles déposent jusqu'à cent œufs. Le nid est 
recouvert de sable et l'éclosion se fait par l'ac- 
tion du soleil; deux ou même trois pontes succes- 
sives ont lieu à quelques semaines d'intervalle. Les 
jeunes tortues qui viennent d'éclore, faibles et sans 
écailles, sont bien souvent la proie de? oiseaux car- 
nassiers qui les guettent au passage, ou des voraecs 
poissons, et des crocodiles affamés qui leur font la 
chasse. 

La carapace du caret donne cette matière estimée 
connue sous le nom d'écaillé, la chair de la tortue 
franclie fournit une nourriture saine et succulente, 
tandis que la graisse des espèces à odeur musquée, 
comme la couane, est employée pour préparer une 
huile servant à assouplir les cuirs (n° 5). 

La grenouille mugissante (n° 8) habite les forêts 
de l'Amérique du Nord, la Louisiane, la Nouvelle- 
Orléans, l'Etat de New-York. C'est la plus grande de 
toutes les grenouilles ei sa taille peut atteindre jus- 
qu'à quatre décimètres depuis le bout du museau 
jusqu'à l'extrémité des membres postérieurs ; ceux-ci 
entrant pour près de la moitié dans cette longueur. 
Sa tête csl large et déprimée, sa gueule fortement 
fendue, ses yeux gros et brillants sont très-saillants, 
ses doigts sont tuberculeux à l'extrémité. Cette gre- 
nouille se nourrit de grenouilles plus petites, de 
coquilles, de poissons et de jeunes oiseaux, s'atta- 
quant même, suivant Harlan, aux jeunes canards et 
aux serpents. Lacépède, rapporte d'après Catesby, 
que dans la Virginie on ne détruit pas cette espèce et 
que les habitants des campagnes pensent qu'elle pu- 
rifie les eaux et entretient la propreté des fontaines. 
La mugissante fait entendre un cri rude, éclatant et 
brusque qui, répercuté par la surface des eaux dans 
lesquelles elle se tient et par les anfractuosites des 
rives, s'entend de très-loin, aussi connaît-on la mu- 
gissante sous le nom de Grenouille tauivau, Bull- 
frog. 



LA 



DIRECTION DES COURANTS GÉNÉRAUX 

DE L'ATLANTIQUE 

u'APIlÈS LES RÉCENTES INVESTIGATIONS 1 . 

Les immenses amas d'eau qui recouvrent les deux 
tiers de la surface du globe, sont sujets à une mobi- 
lité constante ; non-seulement la surface est remuée 
par les vents, mais il existe de grands mouvements 
insensibles aux regards, procédant de la différence 
de température des différentes couches liquides. Ce 
grand mécanisme de l'évolution des eaux est bien 
digne d'attirer l'attention, puisqu'il sert à établir le 
système de compensation, au moyen duquel les eaux 

1 Yov. la Rature. TjLtIc des matières de la première an- 
née : Maury et son œuvre. — Table du premier semestre 
1874: J.e Gui I stream, L'Exj édition du Challenger. 



sont alternativement précipitées au fond de l'Océan 
et exposées au contact de l'atmosphère. 

Les courants généraux qui sillonnent la surface des 
mers sont en partie connus, sans qu'on ait pu, jus- 
que dans ces dernières années, déterminer les causes 
qui les régissent. Maury ouvrit à la science physique 
delà mer une voie nouvelle, en plaçant la différence 
de température au premier rang des causes de l'in- 
stabilité des couches de l'Océan. Il supposait que la 
chaleur équatoriale était suffisante pour produire 
une différence telle dans la densité de l'eau, que la 
zone équatoriale devait être le point de départ des 
courants, traversant l'Océan jusqu'aux pôles. 

Le professeur W. Carpenter se basant sur les tra- 
vaux exécutés pendant ses campagnes hydrographi- 
ques dans l'océan Atlantique et dans la mer du Nord, 
à bord du Vorcupine, démontrait expérimentalement 
de quelle façon se faisait la circulation générale à tra- 
vers l'Océan. L'appareil consiste en une cuve oblon- 
gue en verre, ce qui permet d'observer à l'intérieur; 
on la remplit d'eau salée au même degré que celui 
de l'eau de iner et on répand à la surin™ nue solu- 
tion colorée, dont la légèreté spécifique est telle, 
qu'elle ne se mélange pas avec les couches inférieu- 
res. À l'une de? extrémités qji place un morceau de 
glace, retenu par une griffe ; il représente les glaces 
du pôle. A l'extrémité opposée, se trouve une la- 
melle métallique, dont la saillie est chauffée par une 
lampe à alcool ; comme une partie est en contact 
avec le liquide à sa partie supérieure, son échaulfe- 
ment produit une dilatation de la couiho superfi- 
cielle, qui imprime un mouvement vers l'autre ex- 
trémité occupée par le morceau de glace; dès que 
celte petite nappe d'eau éprouve un refroidissement, 
elle est précipitée au fond. En mettant de la sciure 

, de bois en suspension dans le liquide, on voit que le 
mouvement s'établit de l'équatetir de chaleur an 
pôle de froid avec retour au point de départ au 
moyen d'un contre-courant inférieur. 

L'explication des courants généraux par cet anta- 
gonisme du froid et du chaud est exacte dans la théo- 
rie et semble concorder avec l' uniformité et les lois 
mécaniques qui régissent les grands mouvements de 
la nature. Mais les recherches faites sur une grande 

! échelle par les explorateurs du Challenger dont nous 
avons précédemment entretenu nos lecteurs et no- 

| raniment les températures observées dans le bassin 
méridional de l'Atlantique, jusqu'ici inexploré ther- 

I mométriquement, ont bouleversé toutes les prévi- 

I si on s sur la direction des courants généraux. II exis- 
tait un contre-courant inférieur amenant les eaux 

| froides du sud vers le nord, passant sous la zone 
équatoriale, sans qu'il y ait interversion en cet en- 
droit. Nous avons déjà publié les résultats thermo- 
métriques qui ont été obtenus pendant les sondages 
opérés par l'expédition anglaise ; mais en raison de 
l'importance que présentent les conséquences qu'on 
en peut tirer, nous croyons devoir y insister à l'aide 
des nouveaux documents que nous avons pu nous 
procurer à ce sujet. 



LA NATURE. 



;û3 



L'hypothèse que nous venons d'énoncer est ap- 
puyée sur les remarques suivantes : on a constaté 
qu'à une profondeur variable, dans la direction du 
sud au nord, le thermomètre accu-e des tempéra- 
turcs de plus en plus basses, même dans les passages 
de la zone intertropieale. A 180 milles du Cap-Vert, 
à la profondeur de 100 mètres, ou obtenait 12° C. et 
26° à la surface. Près de la cote américaine, à 4,500 
mètres de profondeur, on trouvait \° avec une tem- 
pérature superficielle semblable à la précédente. 11 
résulterait donc de la comparaison de ces deux ob- 
servations faites à grande distance l'une de l'autre, 
que sous cette zone, la décroissance est constante. 

Les courants de surface ne posséderaient qu'une 
faible épaisseur, tandis que dans les couches profon- 
des, la croissance ou décroissance de température 
avait des écarts beaucoup moins rapides. L'expédi- 
tion du Challenger observa dans le courant équato- 
rial, dans un endroit où il portait à l'est, qu'à la sur- 
face de la mer il était animé d'une vitesse de trois 
quarts de mille à l'heure, et qu'à 100 mètres elle 
n'était plus que de ,* ; à loO mètres, clic devenait 
insensible. On serait donc porté à croire que la cou- 
che près de laquelle la rétroversion s'opère, est peu 
profonde. 

Si les eaux provenant des parages antarctiques con- 
servent leur fraîcheur sur une aussi grande étendue, 
celles du bassin septentrional seraient au moins aussi 
froides, si elles avaient. leur source au pôle arctique- 
Mais la croissance graduelle permet de supposer que 
le sens général des courants, ou dans un autre sens, 
<lu renouvellement des eaux, se fait dans une direc- 
tion allant du sud au nord, et non pas del'équateur 
au sud d'un côté et au nord de l'autre. 

Suivant le capitaine Nares, du Challenger, le point 
de séparation de l'affluencc des courants arctiques et 
antarctiques, serait situé aux île Fcroë, où les cou- 
ches inférieures sont plus froides du côté ouest que 
du côté e.4 ; ce qui tendrait à prouver que le courant 
froid antarctique pénètre dans le bassin nord de 
l'Atlantique. 11 prendrait naissance au delà de l'île 
Saint-Paul, passerait le long de la côte du Brésil et 
se confondrait avec le courant équatorial. Il existe 
aussi des relations connexes entre cet afflux 
d'eaux et le gulf-stream ; peut-être même en serait- 
il la cause déterminante? Les observations mon- 
trent aussi qu'il est très-limité, car sou épaisseur 
au large de Landy-llook n'est pas supérieure à 
200 mètres. Ceci justifierait l'opinion des savants 
qui soutiennent qu'il se rompt et se disperse au mi- 
lieu de l'Atlantique en éventail, y perdant tout à la 
lois son impulsion et son excédant de chaleur. 

La différence entre le climat du nord de l'Europe 
occidentale et celui des côtes de l'Amérique du Nord, 
sous les mêmes latitudes est due non-seulement à ce 
fait que nos côtes profitent du mouvement des cou- 
ches superficielles chaudes vers le nord, mais aussi 
de rabaissement de la température de la côte améri- 
caine, produit parle profond courant sous-marin d'eau 
glacée qui la baigne. 



Cette phase nouvelle sous laquelle se présente le 
mouvement des eaux océaniques, est due aux son- 
dages thermométriques exécutés dans le bassin méri- 
dional de l'Atlantique, jusqu'ici à peine exploré dans 
ce sens. Ces sondages étaient l'un des objets les plus 
importants de la campagne scientifique du Challen- 
ger. 



LA TELEGRAPHIE OCÉANIQUE 

{Suite. — Voy. p. 295 et r>ôl.) 

Pour mener à bonne fin l'entreprise de ia télé- 
graphie océanique, il ne suffisait pas de réunir 
beaucoup d'argent, d'armer un grand vaisseau et 
de l'emplir d'une corde précieuse; il ne suffisait, 
pas d'appliquer au déroulement de ce cable et à 
sou établissement en mer profonde les règles de 
l'art le plus délicat. (1 fallait encore créer des mé- 
thodes pour vérifier à chaque instant la qualité élec- 
trique du conducteur, dont dépendait le succès de 
l'opération; il fallait imaginer les instruments de 
transmission pour que le rendement de cette colos- 
sale machine fût en rapport avec ses dimensions, et 
par suite avec la dépense d'établissement. 

Ici nous constaterons un de ces retours curieux 
dans l'histoire du progrès; la science, après avoir 
éclairé la pratique, reçoit de celle-ci des théories 
fécondes. Ce sera l'honneur des ingénieurs électri- 
ciens d'avoir contribué à dissiper le nuage qui planait 
au-dessus des manifestations électriques, de l'avoir 
rendu tellement transparent, qu'on aperçoit déjà par 
des trouées sans nombre la claire lumière de la vé- 
rité. 

Dans l'expédition de 18*>7 les dispositions prises 
pour la transmission des signaux entre la côte et le 
navire avaient été très-défectueuses; après quelques 
jours de marche, il devint impossible de s'entendre. 

Dès 1858, M. W. Thomson construisit un appareil 
très-sensible, le galvanomètre à miroir, que nous 
décrivons plus loin; à partir de ce moment la voie 
fut ouverte à l'expérience. 

L'interruption des communications régulières par 
le câble de 1853 eut lieu le 3 septembre t mais la 
conductibilité restait encore assez grande pour qu'a- 
vec le nouvel instrument on pût télégraphier encore 
quelques mots, jusqu'au 20 octobre; puis aucun 
courant ne parvint. Les causes de cette interruption 
ne furent pas éclaircies; ou a lieu de supposer toute- 
fois que les piles énergiques dont on fil usage hâtè- 
rent la destruction du cuivre dont l'isolement était 
devenu défectueux. 

Pour le câble de 1865, les vérifications les plus 
minutieuses précédèrent rembarquement. Chaque 
pi*id de la longueur totale fut éprouvé en vase clos, 
et soumis à l'action d'une presse hydraulique. L'iso- 
lement et la conductibilité furent mesurés avec pré- 
cision, le cable étant plongé dans l'eau. 

En 1866, on perfectionna encore les essais; ren- 
seignement du malheur avait porté ses fruits. Cu 



564 



LA NATURE. 



s'attacha à formuler des règles pour deviner la na- 
ture du dérangement d'après l'apparence des indica- 
tions du galvanomètre. Les accidents furent rappor- 
tés à cinq causes essentielles : 

1° Une rupture du fil de cuivre ; 

2° Une rupture du cuivre et de la gutta-percha, 
établissant une communication entre l'eau et le mé- 
tal. 

5° Une rupture du cuivre et de la gutta-perclia, 
comme précédemment, mais un imperceptible con- 
tact du cuivre avec l'eau; 

4° Une communication métallique du cuivre et de 
l'armature en fer; 

5' Une fissure dans la gutta-percha, établissant 
une communication entre l'eau et le cuivre. 

Pendant la pose, le cible était ausculté d'une fa- 
çon permanente au moyen du dispositif représenté 
fig. 1. L'extrémité a était en relation avec le câble 
entier d'Irlande, l'extrémité b avec le galvanomètre G. 



La pile II sur le navire se composait de cent clé- 
ments avec sable et sciure de bois. 

Sur la côte, entre le câb'e Ket le galvanomètre G, on 
intercala une résistance artificielle égale à celle d'une 
enveloppedegutta-percbade cinq milles de longueur. 
La résistance d'un mille de gutta-percha à la tempéra- 
ture moyenne de la mer, étant, de 500 millions d'u- 
nités, la résistance \V était donc de 100 millions 
d'unités. Entre W et l'extrémité du câble K se trou- 
vait une dérivation reliée à un manipulateur T, le- 
vier mobile autour de son point milieu. Dans sa po- 
sition de repos, le manipulateur est isolé de la résis- 
tance w moindre que \Y. Lorsqu'on abaisse l'extrémité 
T, h communication à la terre est établie par la ré- 
sistance, w et la plaque E. Entre le point de contact 2 
et la terre est une communication métallique ou- 
verte 3 qu'on pouvait fermer à volonté, afin de re- 
lier directement à la terre le câble K, ci dehors du 
circuit du galvanomètre et de la résistance W. Tant 




Fig. 1. — Système destiné à éprouver le e;U>le pondant sa pose. 



que le contact reliant le manipulateur T à la résis- 
tance w n'est pas établi, un courant positif parlant 
du bord suit.le câble K en prenant la direction Bb K 
à WG' pour aboutir à la terre E, tandis que l'élec- 
tricité négative se perd dans la mer par la plaque E'. 

Mais, outre ce courant qui traverse l'âme de cui- 
vre, un second courant de même sens traverse le 
galvanomètre G' du navire, provenant des dérivations 
qui s'opèrent sur toute l'étendue de la surface de 
l'enveloppe isolante. Ce deuxième courant est sou- 
vent plus intense que le premier. 

Pour apprécier l'intensité de chacun de ces deux 
courants, nous remarquerons que le premier traverse 
la résistance W, qui est de 100 millions d'unités (on 
néglige les résistances relativement faibles des gal- 
vanomètres, de la pile et du fil conducteur). D'autre 
part, la résistance de la gutta-pereba étant de 500 
millions d'unités par mille de longueur, il en résulte 
que pour le câble entier, que nous supposerons long 
de 2,000 milles, la résistance de la gutta-percha est 
de îVJ'ô millions = 1/4 million d'unités. 

Or, les intensités sont en raison inverse des résis- 
tances ; les deux courants sont donc entre eux comme 
jj„; le premier courant est le seul qui arrive au gal- 



vanomètre G de la cote, il n'est que de ^ ô - du cou 
rautdela gutta-percha. Il est vrai que les deux cou- 
rants traversent le galvanomètre G', mais lu part du 
premier dans la déviation do l'aiguille n'est que de 
1/4 pour cent, proportion négligeable. En définitive, 
sur le navire, la déviation de l'aiguille provient pres- 
que exclusivement de l'isolement imparfait de l'en- 
veloppe. Le courant passant du navire à la côte, est 
encore sulfisant pour produire des déviations lisibles 
dans le galvanomètre très-sensible G. 

Les déviations dans les deux instruments G et G', 
distinctes pour chacune, restent constantes tant que 
les conditions de la pile et celles du câble ne varient 
point. Mais si un défaut se produit dans l'isolement 
une partie de l'électricité se perdant par le point dé- 
fectueux, le galvanomètre G reçoit un courant plus 
fort et le galvanomètre G' un courant plus faible que 
le courant normal. 

Pour connaître la distance du défaut, on fait deux 
expériences : on détermine d'abord la résistance du 
fil de cuivre en faisant isoler l'extrémité vers la côte;, 
puis, on avertit le correspondant de conduire à la 
terre directement l'extrémité du câble, ce qui se fait 
en fermant le contact 5 ; on déduit de cette seconde 



LA NATURE. 



ÏG5 




opération une antre valeur de la résistance. Le calcul 
apprend ensuite à combiner ces deux déterminations 
pour en tirer l'inconnue, c'est- à-dire le point où s'est 
produit le dégât. 

L'ne rupture de l'âme de cuivre, sans rupture de 
la gutla-percha, faisant disparaître le courant dans 
le galvanomètre G' de la cote, l'aiguille de celui-ci 
revient à zéro, mais le galvanomètre G du navire 
reste dévié, avec un 
angle moindre, car 
le courant de la 
gutta -percha sub- 
siste pareillement. 
La diminution pro- 
portionnelle du cou- 
rant sert à détermi- 
ner l'endroit où est 
la perle. 

S'il y avait rupture 
totale du câble dont 
le courant se perdrait 
dans la mer, le gal- 
vanomètre du navire 

donnerait une déviation très-forte, celui do la cote 
ne serait plus influencé. 

Nous indiquerons encore comment s'opère la trans- 
mission des signaux, de la côte au navire. Par la 
pression du manipulateur, la petite résistance w rem- 
place dans le circuit la grande résistance W, ce qui 
détermine un changement dans lu déviation du gal- 
vanomètre G du na- 
vire. Au contraire, 
pour transmettre des 
signaux à la côte, le 
navire peut opérer soit 
en intervertissant les 
pôles de la pile, soit 
en modifiant le nom- 
bre des cléments ; tout 
un changement dans 
le régime qui produit 
les déviations nor- 
males est apte à servir 
de moyen de corres- 
pondance , lorsqu'on 
est préalablement d'ac- 
cord sur un vocabu- 
laire, c'est-à-dire sur 

la corrélation du langage avec les déviations des gal- 
vanomètres. 

Nous passons à la description de ces instruments 
qui sont employés aussi à la transmission ordinaire 
pour l'exploitation du câble; l'obligation de ne tra- 
vailler qu'avec les courants les plus faibles, ne per- 
met pas l'emploi des appareils fondés sur la propriété 
des électro-aimants. 

Le principe du galvanomètre à miroir est celte 
règle d'optique, que si un miroir tourne autour d'un 
axe, le rayon réfléchi décrit un angle doublede celui 
du miroir. 




Fig. 2. — Le galvanomètre à miroir. — Appareil dett'uâ à être placé 
à liord. 




L'instrument représenté lig. 2 est destiné à être 
placé abord. Il comprend une grosse bobine de fil 
recouvert ÀB que traverse le courant ; au centre est 
suspendu par un lil de soie un petit barreau aimanté 
très-léger a, portant sur une de ses faces un petit 
miroir ; l'aimant et le miroir ensemble pèsent un dé- 
cigramme. 

En face du galvanomètre, et à une distance d'en- 
viron m ,60, est pla- 
cée une échelle gra- 
duée PQ dont chaque 
division est d'envi- 
ron 1/2 millimètre. 
Le zéro occupe le 
centre de l'échelle; 
au-dessous se trouve 
une flamme fournie 
par une lampe dont 
la lumière traverse 
une lentille et re- 
vient, en traversant 
de nouveau la len- 
tille , marquer son 
image sur l'échelle. — La force directrice est due à 
un gros aimant SN qui entoure les bobines. Lorsque 
aucun courant ne passe dans l'appareil, l'image de 
la flamme occupe le centre de l'échelle; si un cou- 
rant traverse le cadre AB, il fait mouvoir l'aimant a; 
l'image se déplace et vient recouvrir une des divi- 
sions marquées sur l'échelle. Cet instrument, eu 

raison de la faible 
masse de l'aimant, et 
à cause de l'écart pro- 
duit sur l'échelle par 
la plus faible inclinai- 
son du miroir , est 
un des plus sensibles 
qu'on puisse imaginer. 
L'attention qu'il faut 
apporter pour suivre, 
dans une chambre ob- 
scure , les déviations 
rapides du ra\ on lumi- 
neux , cause une fa- 
tigue réelle aux em- 
ployés, la durée du ser- 
vice continu ne peut 
pasdépasser une heure. 
Nous donnons, fig. 3, la disposition de l'appareil 
placé à terre ; il ne diffère du précédent que par le 
mode de suspension de l'aimant. 

H y aurait à dire beaucoup sur les dispositions adop- 
tées dans les postes télégraphiques pour proléger le 
câble et les appareils contre la foudre et les courants 
terrestres, pour activer la transmission en facilitant 
la décharge entre deux émissions successives, etc. Ce 
sont là des détails techniques qui sortent de notre 
cadre. Ch. BoktEMPS. 

— La suite prochainement. — 



Fig. T>. — Appareil destiné* à éire placé a terre. 



:cc 



LA NATURE. 



CHRONIQUE 

In phénomène végétal. — On n pu admirer ces 
jours derniers, chez Chevet, au Palais-Royal, un potiron 
aux dimensions prodigieuses qui attirait un grand 
nombre de curieux. Ce potiron ne pèse pas moins 
de 90 kilogrammes. II mesure 2 mètres 80 centimètres de 
circonférence. On nous a affirmé, quand nous l'avons 
examiné, que nous avions devant les yeux le plus gros 
«les polirons connus jusqu'à ce jour. 

Nouvelles découvertes de silex taillés. — Un 

j.'éolo.ue italien a récemment entrepris des explorations 
du plus haut intérêt dans les monts d'Àlho. Ce savant, dont 
i ous regrettons de ne pas trouver le nom dans le Bulle- 
tino del Vulcanismo italiano, qui nous apprend les ré- 
sultats obtenus, a dévoilé des traces irrécusa! îles de l'homme 
primitif, dans un ancien cratère, près de Monte-Cavo. Il a 
recueilli un grand nombre de haches de pierres et de 
couteaux en silex, d'un travail très-élégant et très-fini. Ce 
cratère a élu autrefois lacustre, et il est à présumer que 
l'on pourra y dévoiler les vestiges de constructions sur 
pilotis. Dans une localité voisine 
on a déterré plusieurs vases étrus- 
ques, no'aminent près de Castel 
Sandolfo, enfouis sous une épaisse 
couche de pierre que l'on appelle 
dans le ywspeperino, parce qu'elle 
contient des grains analogues d'as- 
pect à ceux du poivre. Une autre 
découverte très-intéressante d'ar- 
mes de pierre a été faite récem- 
ment aux Etats-Unis par un collée - 
tionneur distingué, M. L.-G- 01m- 
stead, de Fort Edward, New-York. 
51. Olmstcad a recueilli près de l'île 
de Peorïa, un échantillon unique 
dans son genre que représente la 
gravure ci-contre. C'est une pointe 
rie flèche en silex, qui offre celte 
foune ul> [lèche rie lige Particularité très-remarquable de 
dn pierre taillée en présenter des bords en biseaux 
biseaux. cannelés. Ces cannelures avaient 

sans doute pour effet d'imprimer 
au projectile lancé dans l'air, un mouvement de rotation 
qui lui donnait plus de force et plus de précision. 81. 01m- 
stead croit qu'il n'existe, dans aucune collection, une 
semblable pointe de flèche de l'âge de pierre. 

Université croate. — Le 19 octobre a eu lieu, à 
Agra, capitale de la Croatie, une cérémonie du plus haut 
intérêt el qui a excité un enthousiasme incroyable. Le Ban 
de Croatie MazurawLh a ouvert au nom de l'empereur 
François-Joseph une université croate qui est fondée par 
un décret récent. Le discours de ce haut fonctionnaire a 
* té prononcé en latin et terminé comme au moyen âge par 
les trois exclamations : Vivat, Crescal, Florent. Le nou- 
veau redeur Dominus Mesichs a répondu dans la même 
langue par un discours qui n'a pas duré moins de deux 
heures, et dans lequel il s'est attaché à résumer tous les 
progrès qui ont permis au gouvernement d'établir à Agra 
une université nationale. 

L'université de I'esth, l'université de Prague, l'univer- 
sité de Cracovie, l'Académie des sciences de Hongrie, 
l'Ecole des hautes éludes do Servie, la Société scientifique 
de Servie, etc., elc, s'étaient l'ait représenter à celte céré- 




monie, presque spéciale aux peuples de race slave et qui 
témoignait du réveil de l'esprit national dans les parties 
les plus reculées de l'empire austro-hongrois. P.rmi les 
universités étrangères on ne cite que l'université de Bolo- 
gne, qui prétend à l'honneur d'être la plus ancienne 
du monde. 

Cuir artificiel. — C'est en France que l'on a com- 
mencé à utiliser les déchets de peau pour en faire du cuir 
artificiel; cette industrie trouve maintenant de nombreux 
imitateurs en Allemagne. La fabrication est excessivement 
simple. Les déchels, additionnés de collé, sont façonnés 
dans des cadres, sous forme de plaques carrées que l'on 
superpose et auxquelles on donne de la consistance à l'aide 
de la presse hydraulique. Les tourteaux que l'on obtient 
sont ensuite sèches et laminés'. Il est bien entendu que ce 
cuir ne peut servir que pour des travaux légers et qu'il ne 
peut être employé dans l'eau. A l'exposition de Vienne, 
dit la Revue industrielle, la fabrique de Copenhague avait 
une série d'arliclesmontranl les différentes applications du 
cuir artificiel. Bans celte usine, les déihels sont broyés dans 
de puissantes machines exigeant jusqu'à huit et dix che- 
vaux de force motrice, el réduits à l'état de pulpe ayant 
l'apparence de la laine. Ce produit est mélangé ensuite avec du 
caoutchouc, soumis à l'action de malaxeurs et réduit ainsi en 
une masse épaisse et liquideque l'on coule dans des moules 
en métal. Les tourteaux séchés sont pressés progressive- 
ment jusqu'à 700 kilogr. par centimètre carré ; les feuilles 
ainsi laminées sont enduites d'une couleur claire qui leur 
donne définitivement l'aspect du cuir. Les articles que l'on 
fabrique avec ce cuir sont environ 00 p. 1 00 meilleur mar- 
ché que s'ils étaient en cuir naturel, et leur solidité ne 
laisse cependant rien à désirer. 

L'aquarium de Southport. — Le succès de l'aqua- 
rium de Brighton a déterminé les Anglaisa construire plu- 
sieurs établissements du même genre sur leurs côtes. Le 
nouvel aquarium de Southport est digne de rivaliser aujour- 
d'hui avec celui de Brighton Parfaitement disposé pour l'é- 
tude il est en outre riche parla variété de ses collections. 
Celles des anémones et de.; zoophytes sont surtout remar- 
quables; elles comprennent un grand nombre de ces sin- 
guliers organismes qui ne vivent que dans les grandes pro- 
fondeurs. On remarque, en outre, à l'aquarium de South- 
port beaucoup de crustacés, quatre ou cinq phoques, et 
quelques crocodiles. Le nombre des viviers est de vingt- 
sept ; ils sont tous fermés par des devantures en glace de 
grande dimension. L'eau y arrive au moyen d'une pompe 
mue par deux machines à vapeur. 

Lancement du « Dcutscliland. » — La marine 
allemande, qui était presque nulle il y a vingt ans, se forme 
peu à peu une flotte qui prend déjà de l'importance ; mais 
elle manque encore d'arsenaux et de chantiers de con- 
struction, base de toute puissance maritime. Elle vient 
d'avoir encore recours aux constructeurs anglais pour le 
Deutschland ; ce navire, lancé le mois dernier dans les 
chantiers renommés de SamuJa Brothers, dePoplar, est de 
même que le Kaiser, terminé tout récemment. Construite 
d'après les dessins de M. Ileed, ancien directeur des con- 
structions navales, celle frégate cuirassée mesure 95 mè- 
tres de long, sur 20 mètres de large, et jauge ô,0G3 ton- 
neaux ; elle comporte une batterie blindée, armée de 
8 pièces d'acier se chargeant par la culasse, pesant cha- 
cune 22 tonneaux et de plusieurs autres de 18 tonneaux 
destinés à la chasse. Les plaques de revêtement ont 50 cen- 
timètres d'épaisseur dans la partie centrale de la batterie 



LA NATURE. 



307 



et 24 centimètres seulement aux extrémités pour moins 
surcharger le navire. Les machines sorties des ateliers de 
MM. J. Pennand Sous, de Greonwich, sont de la force de 
1,150 chevaux ; elles consolent en deux machines hori- 
zontales pourvues de condenseurs et de surchaulieurs. Le 
diamètre des cylindres est de trois mètres ; on espère at- 
teindre une vitesse de 14 nœuds à l'heure. Au moment 
du lancement, la marraine, madame la baronne Von Schroet- 
ter, représentant le gouvernement germanique, n'a eu qu'à 
couper un petit cordage, pour provoquer, par cette simple 
opération, le glissement dans les flots de l'énorme masse, 
au milieu des applaudissements qui ont lieu en pareille 
circonstance. 

lue nouvelle initie «l'or. — Lui", lettre deCayenne 
(Guyane française), nous apprend la découverte, faite ces 
temps derniers, de nouveaux gisements d'or, dont l'ex- 
ploitation est facile et surtout peu coûteuse. Quelques-uns 
de ces placer S, récemment concédés par le colonel Lou- 
bère, gouverneur de notre colonie, ont rapporté jusqu'à 
4,000 grammes d'or par mois, soit plus de 100,000 IV.; 
ce qui donnerait, en une année, un produit dépassant 
1 ,200,000 fr. Ces derniers succès aidant, une sorte de fièvre 
s'est emparéede nos colons, et l'on cite même tethautfonc- 
tiormaire qui vient d'envoyer sa démission afin de s'adon- 
ner entièrement à la recherche du précieux métal. Il y a 
là pour notre colonie une véritable source de prospérité et 
de richesses, dont on pourrait peut-être tirer encore un 
meilleur parti, car là-bas les travailleurs sérieux font dé- 
faut. 

La récente éruption de l'Etna. — Le professeur 
Orazio Silvestri a noté, lors de la dernière éruption de 
l'Etna, que des bruits souterrains semblables aux déchar- 
ges d'une artillene formidable se succédaient de deux en 
deux ou trois minutes, et étaient précédés de lueurs et de 
flammes à l'orifice du cratère. Ces bruits et ces lumières, 
d'après M. Silvestri, sont toujours accompagnés de mou- 
vements du sol. Les détonations suivent un crescendo qui 
finit par une éruption de lave traversée par des fumées 
épaisses de vapeurs acides, qui ont une tension suffisante 
pour causer des explosions de matière enflammée sous 
forme de scories, de bombes et de grenaille, que le vent 
emporte au loin. L'intervalle du son à l'éclat de lumière 
donne lieu de croire que la matière en fusion peut se 
trouver à une profondeur de 6*00 mètres. A chaque explo- 
sion, il y avait une perturbation dans la pression atmo- 
sphérique. Tout fait supposer que actuellement le volcan 
est dans une grande activité intérieure. 



>S>< 



BIBLIOGRAPHIE 

La théorie des atomes, dans la conception générale du 
monde, par A. Wurtz, de l'Institut. — 1 vol. in-18, 
Paris, G. Masson, 187D. 

Cet ouvrage comprend le discours d'inauguration, de la 
troisième session de l'Association française pour l'avance- 
ment des sciences, où l'auteur a si brillamment exposé 
l'histoire de la théorie des atomes. M. Wurtz termine son ou- 
vrage par les éloges de Laurent etdeGerhardt etde E, Sou- 
beiran, prononcés à la Société des Amis des sciences, et à 
la Faculté de médecine de Paris. 

Lettres médicales sur l'Angleterre., par le docteur G. Del- 
vaiixe. — l'avis, Germer-Baiilière, 1874. 



Les mines dans la guerre de campagne, par le capitaine 
Picardat. — 1 vol. in-18. Paris, Gauthier- Villars, 187 i. 

Ce livre est un véritable traité de l'inflammation des 
mines et des torpilles. 11 donne l'emploi des préparations 
pyrotechniques, des capsules de dynamite, les moyens d'en- 
flammer les amorces à distance à l'aide de l'électricité ; il 
étudie tous les usages des mines de campagne pendant la 
guerre. 

ACADÉMIE DES SCIENCES 

Séance du 2 novembre 187 i. — Présidence de. M. Rkutcuxd. 

Extinction d'un grand nom. — Le nom de Laplace 
s'est éteint cette semaine. Le fils unique de l'illustre au- 
teur do l'hypothèse cosmique, le général Laplace, vient d-; 
mourir à l'âge de 85 ans, et quoique celui-ci n'ait point 
embrassé la carrière scientifique, les amis des sciences ne 
peuvent accueillir cette nouvelle avec indifférence. Un 
sait que, grâce à une pieuse fondation, le nom de Laplace 
est prononcé dans toutes les séances annuelles de l'Acadé- 
mie : le premier élève sortant de 1 Ecole polytechnique, 
reçoit comme prix ses œuvres complètes. Cette fondation, 
comme le remarque M. bertrand, a déjà eu deux consé- 
quences heureuses. Le premier titulaire fut en effet M. De- 
laimav, et c'est en recevant la mécanique céleste qu'il eut 
l'idée de suivre la voie qui fut si fructueuse pour lui et 
pour l'astronomie. En second lieu, c'est pour pouvoir rem- 
plir les conditions imposées par madame Laplace . 
qu'Arago publia, au grand bénéfice des savants, une nou- 
velle édition très-complétée de l'oeuvre, de l'immortel 
astronome. 

Une communication du ministre de l'Instruction publi- 
que conduit plusieurs membres à signaler toute une série 
de savants illustres, dont les mémoires sont, à l'heure 
qu'il est, disséminés dans d'innombrables recueils, et qu'il 
serait cependant de l'intérêt de la science de trouver 
quelque part réunis. Elle est relative à la collection de do- 
cuments iné.lits sur l'histoire de France, que publie le mi- 
nistère. Presque toutes les pièces concernent les sciences 
purement historiques ; mais on trouve à la fin du volume 
un rapport de M. Blanchard, sur l'état des publications 
intéressant spécialement les sciences proprement dites. On 
verra avec satisfaction, dans ce rapport, que l'État a l'ait 
déjà paraître à ses frais les travaux de Lavoisier, de La- 
grange et de Fresnet. La bonne volonté, ajoute M. Dumas, 
dont l'administration a fait preuve à l'occasion de ces di- 
verses publications a été si complète qu'il serait à désirer 
que l'Académie témoignât son intérêt pour l'œuvre com- 
mencée. Parmi les travaux dont la publication parait le 
plus désirable, M. Blanchard signale les mémoires de Oli- 
vier, spécialement ses anatomies de mollusques qui n'ont 
point été réunies. M. Dumas rappelle qu'à diverses occa- 
sions déjà on a demandé qu'une pareille coordination fût 
faite à l'égard de Cauchy. Pour M. Beithelot, le plus 
pressé serait de s'occuper de Berlhollet et de Gay Lussac ; 
mais, suivant 31. Chevreul, c'est par Proust qu'il laudrait 
commencer. Aussi, le président propose-t-il de nommer 
lundi prochain, une comiuisssion qui verra à mettre un peu 
d'ordre dans ces desiderata de la science. 

Chemin de fer transasiatique. — C'est avec intérêt qu'on 
apprendra le retour de MM. Victor de Lesseps et Stuart, 
chargés, comme on sait, d'étudier le projet de chemin de 
1er qui doit relier les ligues russes au réseau anglo-indien. 
Trois tracés ont été examinés, mais deux d'entre eux doi- 
vent être abandonnés à cause du fanatisme des populations 



368 



LA NATURE. 



dont il faudrait traverser les territoires, et aussi parce que 
le cabinet anglais redouterait des difficultés avec l'Afga- 
nislan. Le troisième projet, celui qui parait praticable, 
consiste à traverser le Kachmir et le Turkeslan oriental. 
Suivant M. Ferdinand de Lesscps, qui transmet ces dé- 
tails à l'Académie, c'est précisément par cette route 
qu'Alexandre serait entré dans l'Inde. D'après Strabon, on 
effet, lorsqu'il quitta Samarcand, il avait l'Inde h sa droite 
lundis qu'il l'avait ù sa gauche au moment où it y pénétra; 
et M. de Lesseps en conclut que le conquérant commença 
par remonter ï'Oxus pour faire en quelque sorle volte-face 
après l'avoir traversé. 

Pour ce qui est des difficultés de l'entreprise actuelle, 
il paraît qu'elles sont Lien moins grandes qu'on pourrait 
le supposer. Les habitants du Kachcmir et du Tuikeslati 
oriental sont loin d'être aussi barbares qu'on pouvait 
le craindre- Le souverain de celle dernière contrée, Yagor- 
leya pour conseiller un oncle, <pij a séjourné longtemps 
en Europe, que M. de Les.-eps a connu à l'onstantinople, 
el qui ett animé des meilleurs sentiments pour les Occi- 
dentaux. A un autre joint 
de vue, et conformément 
aux prévisions d'Elic de 
Deaumonl, la traversée do 
l'Himalaya ne nécessitera 
pas des travaux compa- 
rables à ceux qu'il a fallu 
mener à bonne fin lors du 
percement des Alpes. Du 
reste, il faudra nécessai- 
rement plusieurs années 
d'étude avant de com- 
mencer rétablissement 
définitif de la voie; et à 
cette occasion, M. de Les- 
seps, insistant sur In pé- »£.■... 
riode d'incubation des 
grandes entreprises, an- 
nonce une histoire du 
percement de l'isthme de 
Suez qu'il va publier, et 
qu'il se propose de dédici 
à l'Académie. 

Un nouveau défaut du phylloxéra. — C'est M. Balbiani 
quile révèle. On n'a pas oublié qu'après avoir étudié le 
phylloxéra de chêne, l'auteur a reconnu que celui de la 
vigne présente les mêmes particularités. On lui connaît 
trois espèces distinctes d'œufs : les premiers, ou Œufs 
d'été, donnent naissance exclusivement à des femelles, 
mais à dss femelles qui sont fécondes sans le secours du 
mule; les Beconds, d'où sortent des individus secucs et 
capables de s'accoupler; d autres, eniin, pondus à l'arrière 
saison, et qu'on regardait comme destinés a passer l'hiver 
pour donner lieu au printemps à de nouvelles générations. 
Jusqu'ici on avait pensé que les œufs provenant de femelles 
naturellement fécondes servaient seulement à perpétuer 
la race sur les racines, et que les phylloxéras ailés avaient 
pour mission spéciale d'aller fonder [dus ou moins loin 
des colonies nouvelles. On pensait que ces insectes aériens 
jouissaient seuls de celte faculté, et que les autres, ayant 
épuisé la ratine qui les supportait, devaient fatalement 
périr avec elle. Aussi en détruisant les insectes ailés capa- 
bles de répandre le mal, devait-on penser qu'une fois lo- 
calisé, il se détruirait de lui-même. Or, d'après .M. Balbiani, 
ces belles espérances sont complètement illusoires ; les 
phylloxéras aptères peuvent donner naissance, dans cer- 






•~<ij*' 



Arc-on ciel double observé le 11 septembre 1S74. 



taincs conditions, à des insectes privée d'ailes comme 
eux, mais sexués, et capables par conséquent de retremper 
l'espèce, et de lui donner une vigueur nouvelle. Il est donc 
malheureusement cerlain, qu'on ne peut espérer de voir 
jamais le fléau s'épuiser sur place ; et de plus, l'existence 
de cette régénéra tion souterraine est une circonstance des 
plus fâcheuses pour la pratique agricole. On voit par cet 
exemple combien il est radicalement impossible de rien 
découvrir d'utile pour lu destruction du phylloxéra, tant 
que l'étude scientifique de celui-ci n'aura pas été com- 
plétée. Aussi faul-il applaudir à la création de la serre 
chaude de Montpellier, daus laquelle la vigne et son para- 
site sont observes sans cesse de la manière la plus minu- 
tieuse. Stanislas Meunier. 



ARC-EN-CIEL DOUBLE 

Le 11 septembre, à 5 h. 40 m, du soir, ce phé- 
nomène, comparativement rare fut très-bien vu par 

la foule assemblée au 
golfe des Dames en An- 
gleterre. 

Le dessin ci-contre 
eu donne l'aspect très- 
ex ac t. Mal heu reu sè- 
ment l'embouchure de 
la rivière Eden dont h s 
eaux tranquilles reflé- 
taient la lumière du 
soleil, se trouve très au 
nord du point d'obser- 
vation. 

De là nécessairement 
l'état incomplet du se- 
cond arc-en-ciel. Je n'ai 
pas pu m'assurer si 
quelqu'un avait été as- 
sez heureux pour ob- 
server le phénomène 
q'un point (dus rap- 
proché du Nord d'un mille ou deux, d'où il aurait 
probablement pu le voir dans son entier. 

Tel qu'il a été yu des stations vers l'est de l'île 
Saint-André, le second arc provenant, dans cette di- 
rection, de la lumière réfléchie par l'eau plus agitée 
de la baie, était beaucoup plus large que le premier 
et cela à un tel point, à l'extrémité supérieure de la 
parue visible, que tout spectateur compétent, pou- 
vait être tenté de croire qu'il était convexe au lien 
d'être concave vers le point opposé au soleil réfléchi. 
Il n'a pas été possible de constater si la lumière, 
des portions des deux arcs, visible au-dessous de 
l'horizon élait celle produite directement par les 
gouttes de pluie, ou celle réfléchie par la mer, bien 
qu'il est probable que celte dernière ait été un agent 
puissant '. 




Ci. Tait. 



Nature. 



Le Propriétaire-Gérant : G. Tissandier. 



Comikil. - Typ, et slér. de Cbéi*. 



M- 76- — 14 NOVEMBRE 187 4. 



LA S À TU HE. 



361) 



LES MOAS OU D1KORNIS 

En parlant des espèces qui ont été contemporai- 
nes de l'homme et qui se sont éteintes à une époque 
relativement récente, nous avons lait allusion plu- 
sieurs lois aux Moas on Dinornis de la Kouvelle- 
Zélande, oiseaux de grande taille appartenant à cette 
famille ou plutôt à cet ordre des Brévipenues qui 
comptait jadis un grand nombre d'espèces et qui 
n'est plus représenté de nos jours que par les Autru- 
ches, les Nandous, les Casoars, les Dromées et les 



Aptéryx. C'est lu professeur Oweu qui, le premier, 
reconnut, en 1839, qu'un fragment de fémur décou- 
vert à la Nouvelle-Zélande par M. Rule n'appartenait 
pas, comme on l'avait cru d'abord, à un homme ou à 
un quadrupède, mais provenait certainement d'un 
oiseau du groupe des Autruches ; comme laformede 
cet os, ses dimensions, sa texture, dénotaient d'ail- 
leurs un genre différent de tous ceux de la nature 
actuelle, M. Owen proposa de désigner ce fossile sous 
le nom de Dinornis c'est-à-dire, oiseau gigantesque. 
Depuis lors le savant anatomiste, dans une scrib de 
mémoires insérés dans les Transactions de la Société 




Tarse <le Dinarais ingens, recouvert de cliair et Je peau desséche us, i éccninicnl découvert à Kn obi y -Range s, province d'Oiago 
(Nouvelle-Zélande). — D'après une photographie. v lin quart grandeur naturelle.) 



zoologique de Londres, a décrit et figuré un grand 
nombre de pièces osseuses trouvées successivement 
dans la même région, et a reconnu l'existence de 
quinze espèces de Dinornis, variant de grosseur de- 
puis la taille d'un Cygne jusqu'à celle d'une Girafe. 
Le sternum aplati en forme de bouclier comme chez 
les Brévipenues de la nature actuelle, et présentant 
une échaucrure ou bord .inférieur, de chaque côté 
de la ligne médiane, comme chez les Aptéryx, les os 
de l'épaule rudimei) faire, et l'humérus réduit à une 
simple baguette, annoncent que ces oiseaux étaient 
dépourvus d'ailes, et la structure des os qui n'ont pas 
de cavités intérieures et qui, par conséquent, ne re- 
cevaient pas d'air des poumons par l'intermédiaire 
de sacs aériens, permet de supposer que lacagetbo- 
2" année — 1* seaie^xs. 



racique était termée en arrière par un diaphragme, 
c'est-à-dire par une voûte musculaire qui pouvait 
s'élever et s'abaisser dans les mouvements respiratoi- 
res. La tête était petite et ressemblait à celle de l'Au- 
truche, mais le bec était plus large à la base, un peu 
plus arqué, et terminé par un crochet plus prononcé, 
le col devait être assezélancé,à en juger par le nom- 
bre des vertèbres cervicales, ce qui est en rapport 
avec le développement des membres inférieurs. Ceux- 
ci devaient leurs dimensions, non pas comme chez 
la Cigogne et le Héron, à rallongement du tarso- 
métatarsien, de ce que l'on considère à tort comme 
la jambe de l'oiseau, mais au développement excep- 
tionnel du tibia, c'est-à-dire de la partie que l'on 
appelle vulgairement la cuisse, et qui, dans le Binon 

21 



570 



LA NATURE. 




nis maximus, atteignait \ mètre de long. Le tarse— 
mé ta tarsien était au contraire relativement assez 
court, et, dans une espèce à laquelle on a imposé, 
non sans raison, le nota d'elephantopus, il affectait 
des formes massives qui donnaient à la patte de l'oi- 
seau quelque ressemblance avec le pied d'un pachy- 
derme. Cet os ie terminait d'ailleurs par trois fortes 
poulies auxquelles s'articulaient les phalanges des 
doigts antérieurs, tandis qu'en arrière, à une cer- 
taine hauteur et près du bord externe, il y avait, au 
moins chez certaines espèces pour lesquelles M. Owen 
a proposé de créer le genre Palaptéryx, une facette 
ovale sur laquelle s'attachait un pouce ou quatrième 
doigt. 

Comme nous l'avons dit plus haut, de nombreux 
ossements de Dinornis ont été trouvés à la Nouvelle- 
Zélande dans le cours de ces dernières années. M. J. 
Hector a même eu le bonheur de découvrir, dans 
une vallée de la province d'Olago, un squelette en- 
tier de Dinornis robustus, auquel étaient encore 
adhérents des fragments de chair et des lambeaux de 
téguments avec quelques plumes. Ce squelette fait 
aujourd'hui partie du 
musée d'Yoïk, où il a été 
soigneusement étudié par 
le professeur Owen et par 
M. Allis. Un autre sque- 
lette complet, de Dinor- 
nis giganteus, var. maxi- 
mus ainsi que de nom- 
breux ossements de Di- 
nornis cawarinus , de 

D. didiformis et de D. elephantopus, ont été en- 
voyés également, cette année, par M. le docteur 
llaast, à M. le professeur Alphonse Milne-rJdwards, 
qui s'est empressé; de les déposer dans les collections 
d anatomie comparée de notre Muséum d'histoire 
naturelle, et nos lecteur», en examinant ces pré- 
cieux vestiges, pourront se faire une idée de la taille 
énorme qu'atteignaient quelques-uns de ces oiseaux, 
auprès desquels nos Autruches ou nos Casoars ne 
paraîtraient guère plus gros que des Cygnes 1 . 

D'aj.rès la figure, donnée par M. Owen, du pied de 
Dinornis qui l'ait partie du musée d'York et qui est 
encore revêtu en partie de ses téguments, on savait 
déjà que les doigts étaient couverts de papilles assez 
saillantes, et agglomérées sur certains points de ma- 
nière à dessiner des plaques hexagonales , de 
2 lignes} de diamètre, mais on ignorait si la portion 
de la patte située immédiatement au-dessus présen- 
tait le même aspect, ou bien si elle était, comme chez 
un grand nombre d'oiseaux, revêtue de scutelles im- 
briquées. La découverte qui vient d'être faite à Kno- 
bly Ranges, province d'Otago, de tarses de Dinornis 
ingens, couverts encore sur une grande partie de 
leur étendue de chair et de peau desséchées, permet 
de résoudre cette question, et nos lecteurs pourront 
voir, parla figure que nous publions d'une de ces 

1 Le Dinornis giyanteus avait 11) pieds 6 pouces anglais. 
L'autruche n'a que S pieds 4 pouces. 



pièces remarquables, que chez les Dinornis, le tarse, 
comme les doigts, était presque entièrement revêtu 
de papilles, de consistance cornée; ils apercevront 
aussi, fanant légèrement saillie, le pouce ou doigt 
postérieur, inséré à une certaine hauteur au-dessus 
des autres doigts. Ce dessin, réduit au quart en- 
viron de la grandeur naturelle (le tarse mesu- 
rant 35 à 40 centimètres), a été exécuté d'après 
des photographies que M. Alphonse Milne-Édwards a 
bien voulu nous communiquer et qu'il avait reçues 
le jour même de M. Hutton. Quelque temps aupara- 
vant, le savant directeur du musée d'Otago avait déjà 
envoyé, pour nos collections, un lambeau de chair 
et une douzaine do plumes de Dinornis. Ces plumes, 
qui sont fort légères, et dont la coloration varie du 
brun au roux, sont fréquemment doubles, comme 
on peut en juger par le croquis ci-joint, et ressem- 
blent à celles du Casoar; elles offrent, en effet, à 
côté de la tige principale une tige accessoire moins 
développée; leurs barbules sont dépourvues de bar- 
bicellcs, et soumises à l'rxameu microscopique, pa- 
raissent formées d'une série de cellules dont quel- 
ques-unes seulement ont 



0- /M 



riume Je Dinornis, donnée au Muséum d'histoire naturelle de 
Paris par le Musée d'Otago (Nouvelle-Zélande!. 

(D'après nature.) 



des prolongements laté- 
raux. 

On possède également 
un certain nombre d'œuls 
de Dinornis, qui pour la 
plupart ont. été trouvés 
isolément, enfouis à une 
certaine profondeur dans 
le sol ; quelques uns con- 
tenaient encore des ossements de jeunes Dinornis. 
La coquille , dont la surface externe est devenue 
granuleuse, est d'un blanc jaunâtre et offre des pores 
linéaires fort caractéristiques. Un de ces œufs a été 
rencontré dans des conditions qui m'ritent d'être 
signalées : il était entre les bras d'un squelette 
humain, placé dans une posture assise, et était pro- 
bablement destiné à servir de nourriture au défunt 
dans son voyage de ce monde dans l'autre. 

Celte circonstance, jointe à la découverte faite par 
M. le docteur llaast, en 1870, de Kjôkkenmôddings 
ou débris de cuisine, consistant en ossements de 
Dinornis de plusieurs espèces, brisés et mêlés à des 
os de Phoques, de Chiens et de Mouettes et à des 
fragments dcchalcédoine, d'agathe et de cornaline, 
permet de supposer que ces grands oiseaux ont été 
contemporains des anciens habitants de la Nouvelle- 
Zélande et qu'ils sont tombés sous leurs coups. Le 
gouverneur sir George Grey, qui a fréquemment ob- 
servé d'anciens campements semblables à ceux qui 
ont été signalés par M. llaast, raconte d'ailleurs que 
les Moaris parlent des Moas 1 comme d'oiseaux qui 
étaient bien connus de leurs ancêtres e'~. qui se trou- 
vaient dans les mêmes régions que les Kakapos ou 
Strigops et les Wekas ou Ocydromes. 

E. Ocstalkt. 

1 D'après sir G. Grcy, le nom de Moa est d'ailleurs un m» 
polynésien. 



LA NATURE. 



■71 



LA TÉLÉGRAPHIE OCÉANIQUE 

(Suite el lin. — Voy. p. -î)o, 351 el 3G3 ) 

Après avoir passé en revue les tentatives qui ont 
abouti à l'établissement d'une communication élec- 
trique entre l'Europe et l'Amérique, nous indique- 
rons brièvement les progrès récents de la nouvelle 
industrie télégraphique. 

On peut dire aujourd'hui que le réseau sous- 
marin réunit toutes les parties du monde. L'An- 
gleterre est reliée à la Chine et à l'Australie par 
une série de câbles partant de la côte britanni- 
que desservant, en passant, l'Espagne, le Portugal, 
Gibraltar, Malte, l'Egypte, A don, les Indes, Penang, 
Singapore, Java, l'Australie, la Coehinchine fran- 
çaise, et finissant par aboutir à Hong-Kong. Puis 
viennent des embranchements de Malte sur l'Algé- 
rie et Marseille, des lignes dans l'Archipel grec et 
entre les îles de l'Asie mineure. En Europe, une 
série de câbles directs fonctionnent entre l'Angle- 
terre, la France, la Belgique, la Hollande, le Dane- 
mark, la Suède, la Norvège et la Russie. L'Angle- 
terre est réunie directement aussi à l'Allemagne. 
En Asie, l'Océan est sillonné entre la côte russe et 
le Japon, Shanghaï, A moy et Hong-Kong. Une société 
française pose en 1869 et 1873 deux nouveaux con- 
ducteurs entre l'Europe et l'Amérique; cette com- 
pagnie: a, depuis la dernière date, fusionné avec la 
société anglaise. Une grande ligne exclusivement 
terrestre, excepté dans la traversée de la mer Noire, 
construite par la compagnie Indo-European-Tele- 
yraph, met la Russie en communication avec l'Inde, 
en traversant la Perse, ouvrant ainsi un second dé- 
bouché avec l'Orient. Le groupe de l'Archipel des 
Antilles est rattaché aux États-Unis par Cuba; les 
communications sont prolongées jusqu'à l'isthme de 
Panama d'un côté, et la Guyane anglaise de l'autre. 
Citons enfin la compagnie Brazilian-Submarinc, 
qui vient d'achever heureusement la pose d'un câble 
entre l'Europe et le Brésil par l'intermédiaire du 
Portugal, de Jladère et de Saint-Vincent. Déjà le 
Brésil était relié à Cayenne; lorsque la Guyane an- 
glaise et la Guyane française seront rattachées entre 
elles, un cercle complet enserrera l'Atlantique. 

Dans les entreprises que nous venons de rappeler, 
l'Angleterre s'est créé un véritable monopole. Il est 
juste cependant de rappeler que la France a eu une 
part dans les efforts persévérants qui ont amené le 
succès. La jonction de la France et de l'Algérie a 
préoccupé, depuis 1854, l'administration française. 

Depuis l'établissement d'un câble à six conduc- 
teurs et armés de douze fils de fer, entre la Spezzia 
et la Corse, puis entre la, Corse et la Sardaigne, un 
grand nombre de tentatives ont été faites pour arri- 
ver à relier directement la France à l'Algérie. 

En terminant cette étude, nous indiquerons les 
faits acquis à la pratique sur la durée probable des 
câbles. Cette question intéresse les ingénieurs et les 
capitalistes» Feu M, Robert Steplienson, exprimant 



son opinion personnelle au début de la télégraphie 
sous-marine, voulait que chaque compagnie proprié- 
taire d'un câble fût en mesure de le renouveler au 
bout de huit ans. Quelques câbles ont dépissé cette 
limite ; celui de la Corse à la Spezzia, posé en 1854, 
ne manqua qu'au bout de douze ans; il n'a été ni 
réparé ni repêché. Le câble de Calais à Douvres a 
souvent été réparé et replacé. Celui du golfe Per- 
sique, posé en 186-4, a été réparé aux endroits où il 
touchait des fonds de rochers, il fonctionne encore 
parfaitement. Le câble d'Alexandrie à Malte, posé en 
1808, n'a jamais été interrompu On pourrait citer des 
câbles plus courts qui ont duré de dix à quinze ans. 

Le câble transatlantique de 1865 est rompu de- 
puis le 11 mars 1873; un essai de réparation a été 
tenté l'automne dernier p;;r le Great-Eastcrn, mais 
vainement. Cette tentative a coûté 70,000 livres 
sterlings. Il semble que dans l'opinion des direc- 
teurs de la compagnie le relèvement ne mérite plus 
d'être tenté; si l'on se place à ce point de vue, la 
durée d'un câble atlantique se rapprocherait de 
l'estimation de M. Stephenson. L'année dernière, 
l'occasion s'est présentée de vérifier la résistance à 
la rupture d'une portion de câble de 18G5. Il a été 
relevé près de Terre-Neuve, par 1000 brasses de 
profondeur. On a trouvé une diminution de 30 pour 
100 dans cette résistance. Il faut aussi tenir compte 
d'un autre élément dans les calculs établis en vue de 
prévoir les dividendes qui reviendront aux action- 
naires. La nature du terrain sur lequel repose le 
câble a un effet direct sur l'enveloppe externe. Des 
portions d'un câble, posé en 18G0 entre la France 
et l'Algérie, et repêchées en 1^71 à Minorque, par 
une profondeur de 400 brasses, ont été trouvées 
complètement détériorées; le revêtemeuL extérieur 
en acier et chanvre était semblable à celui du câble 
transatlantique. Le fond était vaseux et uni. 

Le câble de Gibraltar à Falmoulh, posé en 1870 
et réparé en 1874, a été retrouvé éraillé à une pro- 
fondeur de 1000 brasses. Le câble direct espagnol 
fit défaut subitement dans la baie de Discave ; il était 
enseveli sur une longueur d'un mille, à une profon- 
deur de 1300 brasses comme s'il avait reçu le con- 
tre-coup d'une action volcanique. Le fond ctai'. recou- 
vert d'une marne bleuâtre l . On a constaté une autre 
cause d'altération sur les câbles méditerranéens et 
de la Manche. La gulta-pereha a été trouvée à plu- 
sieurs reprises percée de part en part par le travail 
d'un petit animal du nom de teredo, qui pénètre par 
les interstices laissés entre les lils de l'armature 
extérieure. Le remède à ce danger parait être dans 
l'adoption d'une armure mince d'acier continue : 
cette question qui préoccupe beaucoup nos voisins, 
est à l'étude. 

Par les détails que nous avons donné», le leeteui 
se fera une idée de l'importance de la télégraphie 
sous-marine et de l'avenir qui lui est réservé. 

Cu. Bo.NTEMrs. 

1 On sa il que toutes les relu lions s'accordent à attester la 
nature volcanique dos fonds dans ces parages» 



S72 



LA NATURE. 



■-m 



RÉSULTATS GÉNÉRAUX 

DU VOYAGE DU CHALLENGER 

(Suilc et fin. — Voy. p. 313.) 

Les mystères de la vie sous-océanique renferment 
Lien des imprévus, quoique l'on n'ait encore qu'ef- 
fleuré le fond des mers pro- 
fondes. 

Les Scalpella sont un des 
plus remarquables exemples 
des bizarreries du monde ma- 
rin; ils se composent, comme 
on le sait, de deux parties dis- 
tinctes. La première est un 
Capitule formé d'un nombie 
plus ou moins grand de val- 
vules. La seconde est une tige 
plus ou moins flexible , plus 
ou moin? membraneuse à l'aide 
de laquelle l'animal s'attache 
au fond de la mer, sur une 
ruche quelconque. 

Nous reproduisons, d'après 
le journal anglais Nature, un 
individu femelle de la variété 
assi z abondante dans les fo;:ds 
de l'Océan pacifique boréal, et 
que M. Wyville Thomson a dé- 
signé sous le nom de Scal- 
pellum regiitm (fi g. 1). La 
lettre a montre la place où le 
savant anglais a découvert 
deux petits parasites dont les 
fonctions ne pouvaient d'abord 
êlre devinées. Ces deux para- 
sites, dont la taille atteint à 
peine !a centième partie de celle du Scalpellum re- 
gium ne sont pas de gros poux de mer, mais des 
mâles qui sont chargés de leconder l'in- 
dividu femelle sur lequel ils sont attachés 
et dont ils vivent. Quautà la gigantesque 
femelle elle peut héberger un nombre 
considérable de ces mâles, trop petits pour 
être jaloux les uns des autres, car le Scal- 
pellum possède un grand nombre d'o- 
vaires. 

C'est, on en conviendra, un cas nou- 
veau, imprévu de polyandrie, et l'analo- 
mie du parasite ne laisse aucun doute sur 
ia nature de ses fonctions. Un tel attache 
ment n'est pas sans exemple surtout dans 
le genre Scalpellum. Le maie est repré- 




été signalée 



Z3f 





sente sous une forme agrandie dans notre 
gravure (fig. 2). C'est ainsi qu'on le voit 
au microscope. 

L'Ophioglypha, à laquelle M. Wyville 
Thomson a donné le nom de Bullata, est 
représentée avec un grossissement de six diamètres 




M. Thomson n'a pas encore donné de renseignements 
complets et que nous nous bornons à représenter 
exactement. 

Les régions océaniques intermédiaires sont moins 
faciles à explorer; cependant le Challenger a fait 
quelquefois des pêches que l'on ne peut s'empêcher 
de considérer comme merveilleuses. Une des plus 
miraculeuses a 
par M. Wyville Thomson. 

Les produits de la pèche du 
fond avaient été nuls et l'on 
s'apprêtait à recommeucer lors- 
que l'on s'aperçut que dans le 
filet se trouvait un membre 
errant de la famille des Phy- 
80S tomes appartenant au genre 
des Sternoptychides. La sur- 
face de son corps n'avait point 
d'écaillés, mais des surfaces 
hexagones et rectangulaires 
séparées par des lignes sombres 
et couvertes d'un pigment ai- 
genté parsemé de taches bleu 
d'acier. Puis, en quelques eu- 
droits, on voyait des glandes 
destinées à sécréter une lu- 
mière phosphorescente. 

Ce Sternoptycltide était un 
lustre errant dans les régions 
où ne pénètrent jamais les 
rayons du soleil ! Une bande de 
ces poissons courant les uns 
après les autres donne peut- 
être , aux rêveurs de l'abîme, 
une idée de ce (pie doivent être 
lus splendeurs de notre, monde 
stellaire. 
M. W. Thomson raconte qu'il a pris plusieurs de 
ces poissons singuliers, quelque temps après son 
départ des Bermudes. Nous céderons la 
parole au naturaliste anglais : 

« Nous quittâmes les îles Bermudes, 
dit le savant du Challenger, et le lende- 
main matin nous voguions à pleines 
voiles vers Fayal. Dans l'après-midi du 
15 juin, nous étions à une latitude de 
53 41' N. et une longitude de 61° 28' 0., 
à 161° milles de Fayal. Dans la matinée 
du 16 nous sondions à 2575 brasses 
( ï-700 mètres), dans un fond de vase rou- 
gcàtre contenant un grand nombre de 
foraminifères. La température du fond 
était de 1°,5 centigrades. Pour la pre- 
mière fois, eu relevant la sonde vers 5 
heures, nous nous aperçûmes qu'elle 
n'était pas arrivée au fond. Ceci provenait 
sans doute de ce que le navire allait à 
la dérive plus que nous ne pouvions le 
croire. Le filet contenait un magnifique spécimen 



Fig. I.— Scalpellum vgium, recueilli a 5212 mè- 
tres au Tu ml de I' UkmUqiie. 

<1. LojTC îles itiilcs. 



p. 2.— .Mâle lu Scal- 
pellum reqium, vu 
au microsope. 



(fig. 3). C'est un organisme très-délicat sur lequel ' do ces singuliers poissons, dont certaines parties du 



LA NATURE. 



573 



corps sont couvertes de glandes qui produisent une 
sécrétion phosphorescente... Un peu plus loin nous 
avons pris quatre ou cinq de ces poissons, toujours 
en jetant le filet à de très-grandes profondeurs. Je 
ne crois pas cependant qu'ils venaient du fond; je 
suppose au contraire que ces poissons ont été pris 
dans le filet au moment de son passage à travers les 
couches océaniques supérieures, à 200 ou 500 bras- 
ses environ, où il est probable que l'on peut rencon- 
trer, avec un développement important, nue faune 
pélagique particulière... 

a Le mercredi, 18 juin, nous continuions notre 
voyage avec une bonne brise venant du sud-est. 
Dans cette partie de notre expédition, ce qui nous 
frappa surtout , 
ce lut l'absence 
complète d'oi- 
seaux. Il nous 
fallut parcourir 
une longue route 
avant de rencon- 
trer une troupe 
ailée de Tlialas- 
HÏdioma Wilsoni, 
qui venaient vol- 
tiger autour du 
Lateau pour cher- 
cher quelque 
nourriture. Les 
jours se passèrent 
sans apercevoir 
aucun autre ani- 
mal, ni dauphin, 
ni requin, dont 
nous avions vu 
jusque-là perpé- 
tuellement de 
nombreux repré- 
sentants. » 

Une observa- 
tion très -intéres- 
sante des explo- 
rateurs est celle 
qu'ils ont pu faire sur des amas flottants de plantes 
marines, et particulièrement de fucus. 

« On voyait fréquemment flotter à la surface de 
l'eau des herbes marines et des touffes d'espèces de 
Fucus ou F. nodosus, d'une, forme analogue; évi- 
demment croissantes, vivaces et participant des ha- 
bitudes criantes et pélagiques des plantes du Sur- 
gassum. Ces îlots flottants d'herbes marines avec 
lesquels nous sommes à présent très-familiers, at- 
tendu que nous avons presque fait le tour complet 
de la mer de Sargasse, ont de m ,60 à 3 mètres de 
largeur, et quelquefois beaucoup plus. Nous avons 
vu à deux reprîtes différentes des masses de plantes 
marines dont la superficie atteignait certainement 
celle de plusieurs arpents; il est probable que ces 
masses si considérables sont beaucoup plus fré- 
quentes quand on se trouve plus près de leur centre 



Fi g. 3. — Ophiaglypliit bullata, ani mal relire <îu fund de l'Atlantique, 
(Grossissement 6 diamètres.) 



d'origine. Ces Ilots sont formés d'une simple couche 
de touffes plumeuses de la plante Sargassum bacci- 
ferum, non tressées ensemble, mais flottant presque 
indépendantes les unes des autres; elles se trouvent 
suffisamment reliées cependant pour former un fais- 
ceau compact. Chaque touffe a une tige centrale 
brunâtre et très-fine, garnie de petites vésicules blan- 
ches pleines d'air qui lui permettent de flotter à la 
surface Océanique. 

« Après un certain temps, ces vésicules ainsi incrus- 
tées se séparent, et, dans les endroits où il y a beau- 
coup d'herbes, la mer est garnie de toutes ces pe- 
tites boules dispersées. A peu de distance du centre, 
non loin de l'extrémité des branches de ces plantes 

marines, les feuil- 
les sont dentelées 
à peu près comme 
celles de notre 
satde. Les pre- 
mières sont d'a- 
bord brunes et 
rigides, mais à 
mesure qu'on les 
suit le long de la 
branche, on les 
voit devenir plus 
pâles, plus déli- 
cates, et prendre 
une vitalité plus 
active. Les jeunes 
feuilles nouvelles 
et les vessies qui 
les garnissent ont 
un aspect qui of- 
fre quelque ana- 
logie avec les 
Campanulana. 
La couleur géné- 
rale de ces touf- 
fes d'herbes est 
d'un ton olive qui 
varie dans toutes 
ses nuances ; les 
jeunes pousses ont une couleur olive dorée très-ca- 
ractéristique et d'une fraîcheur agréable. Cette cou- 
leur toutefois est très-atténuée par la délicatesse des 
tiges, tachées du blanc vif du polyzoonqui s'incruste, 
et par l'azur des eaux qui traverse cette sorte de 
filet. 

« Ces îles flottantes ont des habitants particuliers, 
parmi lesquels le plus curieux est un petit être 
bizarre, probablement Y Antennarius marmoratus, 
qui ressemble beaucoup à ce que nous appelons eu 
Angleterre la grenouille pêcheuse [Lophius Plscato- 
rius) r et qui est souvent jetée sur les côtes de la 
Grande-Bretagne. Elle est remarquable par la gran- 
deur disproportionnée de la tète et des mâchoires, 
par sa laideur générale et sa rapacité. Aucun des 
spécimens de ces Antennarius d'herbes marines que 
nous avons trouvés ne mesuraient plus de 0" , ,050 de 




371 



LA NA TU II P\ 



longueur. C'est ce petit être qui construit ces singu- 
liers nids d'herbes marines, reliées en paquets par le 
moyen de fils sécrétés et visqueux qui abondent dans 
le Gulfstieam. » 

COLORATION ARTIFICIELLE DES FLEURS 

Quand ou expose des fleurs colorées naturelle- 
ment en violet à la fumée que dégage un cigare en 
brûlant, on voit ces fleurs changer de couleur et 
prendre une teinte verte d'autant plus prononcée 
que leur propre colons était plus vif auparavant. 
C'est ce qu'on voit très-bien, par exemple, s'opérer 
sur les (leurs du Thlaspi, violet ou Iberis umbeliata 
et de la Jullienne ou Hcsperis malronalis. Ce chan- 
gement de couleur est dû à l'ammoniaque du tabac. 
Partant de cette notion, le professeur italien L. Gabba 
a fait une série d'expériences eu vue de reconnaître 
les changements que l'ammoniaque détermine dans 
le coloris de différentes fleurs. Son appareil est des 
plus simples : il consiste eu une assieUe dans la 
quelle il verse une certaine quantité de la solution 
d'ammoniaque connue vulgairement sous le nom 
d'alcali volatil. 

Il pose ensuite sur celte assiette un entonnoir ren- 
versé dans le tube duquel il place les fleurs qu'il 
veut soumettre à l'expérience. En opérant de cette 
manière, il a vu, sous l'action de l'ammoniaque, les 
fleurs bleues, violettes et purpurines devenir d'un 
beau vert ; les fleurs rouge carmin intense (œillets) 
devenir noires; les Manches jaunir, etc. Les change- 
ments de couleurs les plus singuliers lui ont été 
offerts par les fleurs qui réunissent plusieurs teintes 
différentes et dont les lignes rouges ont verdi, les 
blanches ont jauni, etc. Un autre exemple remar- 
quable est celui des fuchsias à (leurs blanches et rou- 
ges, qui, par l'action des vapeurs ammoniacales, sont 
devenues jaunes, bleues et vertes. 

Lorsque le? rieurs ont subi ces changements de cou- 
leur, si on les plonge dans de l'eau pure, elles con- 
servent leur nouvelle coloration pendant plusieurs 
heures; après quoi elles retournent peu à peu à leur 
coloris prini'tif. 

Une autre observation intéressante due à M. Gabba, 
c'est que les fleurs des aster, qui sont naturelle- 
ment inodores , acquièrent une odeur aromatique 
agréable sous l'influence de l'ammoniaque. Les fleurs 
de ces mêmes aster, dont la couleur naturelle est 
violette, deviennent rouges quand on les mouille 
avec de l'acide azotique (nitrique) étendu d'eau. 
D'un autre côté, ces mêmes fleurs, si ou les enferme 
dans une boîte de bois où elles soient exposées aux 
vapeurs de l'acide chlorhydrique, deviennent, en 
six heures, d'un beau rouge carmin qu'elles con- 
servent quand on les place dans un endroit sec et 
à l'ombre, api es les avoir desséchées à l'air et à 
l'obscurité 1 . 

1 Journal de la Société centrale d'horticulture de France. 



a in or os 



DE LA MER INTÉRIEURE DE L'ALGÉRIE 

On sait que 51. le capitaine Roudaire a proposé de 
rendre aux eaux de la mer une partie notable du 
Sahara algérien, de rétablir, par le percement d'un 
canal, la communication qui existait, au temps 
d'Hérodote, entre le golfe de Gabès et la vaste dé- 
pression de terrain qui forme aujourd'hui la région 
des chotts ou marécages salés, au sud de Constan- 
line; on sait qu'il s'agit, en un mot, de créer, à la 
place où elle existait jadis, une mer intérieure qui, 
passant au-dessous de la Tunisie, mettrait en con- 
tact direct le sud de notre colonie avec la Méditer- 
ranée, c'est-à-dire décuplerait sa puissance produc- 
tive et ouvrirait à ses ressources, jusque-là inutiles, 
un magnifique avenir. 

Les conclusions du travail de M. Roudaire ont 
été attaquées dans le sein même de l'Académie 
des sciences, nous croyons qu'il ne sera pas sans 
intérêt de discuter brièvement quelques-unes dus 
données du problème et de répondre, s'il est pos- 
sible, aux principales objections qui lui ont été op- 
posées. Ce sera, d'ailleurs, une occasion de conduire 
notre lecteur au milieu d'un pays étrange et admi- 
rable, pays peu visité parce qu'il est difficilement 
accessible, niais qui laisse dans le souvenir de celui 
qui l'a parcouru une trace ineffaçable. 

Nous n'oublierons jamais l'impression que nous a 
causée la première apparition des régions saharien- 
nes, lorsque nous avons visité Biskra et les oasis des 
Zibans. Le voyage de Biskra est relativement facile. 
Biskra étant le seul point du désert relié au Tell par 
un service de voitures publiques; service bien irré- 
gulier, bien primitif, il est vrai, mais qui, du moins, 
permet à celui qui ne dispose ni de chevaux ni d'es- 
corte d'arriver sain et sauf. Et, non-seulement c'est 
par là que le désert est le plus accessible, mais c'est 
là qu'il se montre avec sou caractère le plus splen- 
dide, qu'il vous frappe de ses plus magnifiques aspect s 
et qu'il se révèle, pour ainsi dire, avec la plus belle 
mise en scène. La grande oasis de Biskra est un ré- 
sumé de toutes les poésies du désert et comme la 
sentinelle avancée de cette contrée immense, patrie 
du dattier, qui s'étend des bords Lrûlants de la mer 
Rouge aux frontières du Sénégal, du pied de l'Atlas 
aux; rives du Niger, de Kïiartoum à Tombouctou et 
de BUkra à Ghadamès; c'est la porte d'un monde 
mystérieux et inconnu, le lever de rideau du vrai so- 
leil et du véritable Orient. 

Nous étions à Constanline au mois d'avril ; nous 
vivions depuis cinq ou six semaines dans celte ville 
extraordinaire, unique au monde. Le démon du dé- 
sert nous tenait, et Constant jne est la première étape 
de cette grande route du Sud qui part de la mer et 
s'enfonce en ligne droite jusqu'au cœur de l'A trique 

« Yoy. la Hature, w C8. — 8 août 1874, p. 147. 



LA NATURE. 



oij 



éqiiatorialc, eu passant par Riskra, Tougourt, Ouar- 
gla, El-Goléah, oa?is du pays des nègres qui a vu, il 
y a un an à peine, flotter ce drapeau tricolore au-des- 
sus de ces huttes en pisé. Nous prîmes, non pas un 
beau matin, mais un beau soir, la diligence qui, 
en trois jours, vous conduit tant bien que mal à 
Biskra. 

Nous ne pouvons songer à ces contrées lointaines 
sans que les principaux aspects de celle route, d'un 
si puissant intérêt pour l'artiste comme pour le sa- 
vant, ne nous reviennent invinciblement à la mé- 
moire. 

En quittant Gonstautine par la porte de la Brèclie 
et en suivant la vallée du Rummcl, on atteint rapide- 
ment la région des hauts plateaux qui, du Tell, vous 
mène par degrés insensibles jusqu'à Batna, subdivision 
militaire de la province, à 1,200 mètres d'altitude 
au centre d'un vaste massif montagneux et forestier 
qui, comme le Saint-Gothard dans les Alpes, est le 
nœud du système orographique de toute la région qui 
enveloppe la future mer intérieure. La ville un elle- 
même est fort maussade; avec ses maisons basses, 
d'une vulgarité uniforme, avec ses larges rues cou- 
pées au cordeau, elle ressemble à une colonie péni- 
tentiaire. Batna cependant mérite toute la curio- 
sité du voyageur et nous y restâmes l'intervalle de 
deux passages de diligence. C'est auprès de Batna 
que se trouvent les célèbres ruines romaines de Lam- 
bèse ; c'est autour de cette petite ville que se déve- 
loppent les plus belles et les plus considérables fo- 
rêts de l'Algérie. C'est là que l'on peut voir encore les 
antiques forêts de cèdres que la hache n'a pas pro- 
fanées, c'est là que Ton rencontre ces retraites sauva- 
ges ces fourrés impénétrables de chênes zènes, de 
pins d'Alep, de luyas, de genévriers et delentisques, 
où le lion fait sa demeure, car le lion, traqué et dé- 
truit, rejeté loin des lieux habités, n'existe plus que 
dans certains centres forestiers inabordables, comme 
les environs de Batna et quelques forêts du district 
de Boue. 

Autrefois toutes les montagnes de l'Algérie étaient 
couvertes de semblables forêts; les cours d'eau, au 
lieu d'être de dangereux torrents, tour à tour débor- 
dants ou desséchés, étaient de paisibles rivières, et 
l'on comprend, eu contemplant du haut du ravin 
Bleu, par exemple, à l'ombre des ramures horizon- 
tales, et comme étagées en stratifications, des cèdres 
gigantesques, ce cercle de montagnes de toutes parts 
revêtus d'un épais et sombre manteau de verdure, 
que l'Afrique ait été la mamelle nourricière du 
monde. 

Après Batna, laissant à droite le haut sommet du 
Djcbel-Tougout ou pic des Cèdres, on monte, à tra- 
vers une région accidentée et boisée, jusqu'au Col 
des Juifs, point de partage des eaux entre le bassin 
méditerranéen et le bassin saharien; puis on descend 
et l'on traverse une seconde zone de plateaux, à pen- 
tes plus rapides que sur le versant nord. Toute cette 
région est d'une désolation farouche qui rappelle lus 
aspects de l'Arabie Pétrée et qui emprunte à la na- 



ture du sol, composé de marnes aux tons éclalants 
une violence extrême. Du Col de Juifs au caravansé- 
rail des Tamarins ce ne sont que pentes arides, ravi- 
nées par les pluies et craquelées par le soleil. Sur ce 
Sol d'argile l'action érosive des eaux a produit de 
véritables phénomènes géologiques; nulle part peut- 
être, ainsi que l'a fait remarquer 51. Charles Mar- 
tins, elle n'a manifesté sa puissance par des effets 
pluscaractériques. Elle a transformé un plateau uni 
en un tissu de vallées profondes, découpées, abruptes 
et aussi accidentées que celles des montagnes dues 
au relèvement et à la rupture des couches. 

La diligence de Biskra suit le fond d'une de ces 
vallées sauvages, chauffées au ronge, roussies et en- 
flammées de tons ardents et salranés, qu'exalté en- 
core l'intensité lumineuse d'un ciel d'indigo. C'est au 
fond de cette vallée du Metlili, qui semble finir en 
cul-de-sac, que s'ouvre, à un brusque détour dj 
la route, l'étroite fissure, trait d'union de deux 
mondes, de deux climats, nous dirions presque de 
deux géographies, qui s'appelle le délilé d'El-Kan- 
J ara et, dans le langage imagé des indigènes, la 
Porte du désert. En quelques tours de roue il se fail 
comme un changement de décor à vue ; l'œil est 
ébloui par l'apparition d'un des plus beaux specta- 
cles qu'il soit donné à l'homme de contempler, la 
vue d'une oasis saharienne. On traverse un vieux 
pont romain et tout à coup le voile se déchire. Les 
deux parois do la faille, ocreuses et taillées à pic, 
forment le cadre. Au delà, étincelle dans le poudroie- 
ment de la Jiimiè e l'oasis immense et immobile, 
c'est-à-dire une forêt de 40,000 palmiers, aux têtes 
gracieusement inégales, traversée par les cascatelles 
d'un torrent. Une bouffée de chaleur sèche vous 
monte au visage : on entre dans le désert. Là, au delà 
de ce rempart de pierre qui semble dire au vent du 
nord : « Tu n'iras pas plus loin », quelque tempête 
qui règne dans la montagne, quels que soient les 
nuages et les tourmentes qui s'y amoncellent, c'est 
l'éternel printemps, c'est le ciel sans nuages, l'at- 
mosphère sans vapeurs, la terre sans ombres ! Tout 
est changé, le ciel, le sol, la végétation, les hommes 
eux-mêmes, leurs mœurs, leurs costumes et leurs 
habitations. 

Ou n'est que dans le petit désert d'Angad, mais l'es- 
sentiel ues aspects sahariens se trouve déjà dans l'oasis 
d'Kl-Kantara. On traverse encore une série d'ondula- 
tions tabulaires, parallèles à la grande chaîne de l'Au- 
rès, la vaste plaine d'El Outaïa, dont un riche indus- 
triel 51. Bolfus, commence à exploiter la fertilité nalu- 
relleavec la culture du coton, et enfin le caravansérail 
du même nom, avant d'arriver au Col du Djebel-Sfa, 
dernier remous de l'Aurès vers le sud. 

Le Col de Sfa, comme le défilé d'El-Kantara, e^t 
un lieu qui mériterait d'être célèbre entre tous par 
la splendeur du spectacle qu'il réserve au touriste. 
Une seule vue dans toute l'étendue du Sahara algé- 
rien peut se comparer à celle-ci, et encore est-elle 
moins étendue, c'est celle que l'on découvre du haut 
de la mosquée de Tougourt. Du Col de Sfa on a un 



576 



LA NATUKK. 



tableau d'ensemble du Sahara, le premier et le plus 
beau qui se puisse rencontrer. 

Un immense arc de cercle, sorte de golfe de cette 
mer de sable, développe aux yeux sa courbe majes- 
tueuse, dessinée par les derniers contre-forts de l'Au- 
rès. Au nord, à droite et à gauche, ".'est un fer à 
cheval étincelanl de montagnes roses et violettes, au 



milieu desquelles l'Amar-Kratldou (la montagne à la 
joue rose), couronné de neiges, trône sur son piédes- 
tal de granit; au sud, c'est l'immensité sans limi- 
tes, un horizon chatoyant d'un jaune liliacé qui 
meurt dans l'opale incandescent du ciel, c'est le jar- 
din du désert, la plantureuse contrée des Zibans, 
terre semée d'oasis comme une peau de panthère de 



, .-. ■■ 




Type do la tribu îles Ou!ed-N.ivls. — Jeune fille îles environs Je Biskra. ( D'après une photographie ) 



ses taches sombres, Onmach, Zaateha, Tolga, Sidi- 
Okba, Cbctma et la reine des Zibans, Biskra, l'oasis 
aux 200,000 tètes de palmiers. 

Mais nos souvenirs nous ont entraîné bien loin ; 
revenons à ia mer intérieure. 

L'oasis de Biskra est située sous le 3o H degré de 
latitude, à 125 mètres au-dessus du niveau de la 
mer. C'est l'un des points les plus chauds du globe, 
le thermomètre y atteint fréquemment 50 ° à l'ombre ! 
Elit offre ceci d'inappréciable pour le voyageur qu'elle 
est, par elle-même et par ses environs immédiats, | 



un résumé des formes caractéristiques du désert et 
que l'on peut y étudier, mieux qu'ailleurs, la flore et 
la faune si originales, la culture et les productions, 
la climatologie et l'hydrologie, des pays sahariens. 
Le sol d'alluvion moderne de toute cette région est 
une terre forte et argileuse d'une extrême richesse 
qui, partout où l'eau vient la féconder, soit par les puits 
! artésiens, soil par les irrigations, se couvre dune 
magnifique végétation. Il n'y a de limite imposée à la 
cul l ure que la présence de l'eau. Avec l'eau, c'est-à- 
dire avec une répartition plus.égale des pluies, modi- 



LA NATURE. 



577 



fiant le régime des rivières, on verrait se transfor- 
mer en jardin toute cette région, y compris l'admi- 
rable vallée de l'Oued-Rir qui lui fait suite, deBiskra 
à Tougourt, et s'acclimater, à l'omLre protectrice 
du dattier, les productions les plus varices, depuis 
les légumes et les fruits fins d'Europe jusqu'aux 
plantes des Tropiques. Le jardin d'accli matai ion de 
Riskra est une preuve décisivede ce que l'on peut at- 
tendre de ce sol lorsqu'il est suffisamment arrosé. 
Entre tous les grands avantages de la future mer in- 
térieure, qui ont été déjà indiqués dans la Nature, 



il n'y en aura pas de plus précieux que cette mo- 
dification du régime des eaux. On voit donc qu'il 
est d'un intérêt immense pour ces contiées, où la 
terre est de première qualité, de voir s'augmenter et 
se répartir plus également la quantité d'eau fournie 
par les pluies. Or ce sont précisément ces districts 
des Zibans et de l'Oued-Rir qui seront baignés par 
l'extrémité orientale de la mer intérieure. 

Diverses objections ont élé" opposées à la thèse sou- 
tenue avec une logique si ingénieuse par M. le capi- 
taine lioudaîre. La plus sérieuse a été présentée par 




Â'h^;: ; /j : ]r 



Irrigation du palmier dans l'oasis de Iiisl.ra. (D'aprè9 une photographie.} 



M. Fuchs, ingénieur des mines, à l'Académie des 
sciences. M. Fuchs, arrivé récemment d'une mission 
en Tunisie, a contesté qu'il n'y eût qu'une barrière 
de sable de 18 kilomètres entre la mer et le bassin 
des chotts ; il a prétendu, au contraire, d'après ses 
propres observations, qu'il existe, entre l'extrémité 
du golfe de Gabès et les bas-fonds, un barrage de 
100 mètres de haut formé de grès et de calcaire, 
qu'il faudrait percer un véritable massif montagneux 
pour donner passage aux eaux et que, dès lors, le 
projet était irréalisable ou, du moins, porterait la 
dépense de 12 millions à 300 ou 400. 

A cela, le capitaine Roudaire répond avec juste 
raison que le point principal à éclaircir est précisé- 
ment celui-là, et que le crédit vote par l'Assemblée 
nationale a pour but de se livrer sur place à une 



étude attentive de la topographie de ces régions. On 
ne peut donc élever équitablement de contestation 
sur ce point tant que le travail n'aura pas été fait. 
Nous ajouterons que les renseignements empruntés 
aux documents historiques nous semblent formels, 
que les observations consignées dans les ouvrages et 
les travaux de MM. Duveyrier, Reniiel, Guérin et 
Pricot de Sainte-Marie, qui ont exploré cette partie 
de la Tunisie et les bords du golfe de Gabès, concor- 
dent avec le témoignage même des indigènes et avec 
les indue! ions du capitaine Roudaire, et qu'enfin il 
se pourrait fort bien que M. Fuchs, ce qui arrive 
constamment en pays arabe, mal conduit par la pa- 
resse et l'insouciance de ses guides, ait visité un point 
du littoral différent de celui qui devra être percé *>t 
assez éloigné de la dépression sablonneuse qu'oui 



,178 



LA NATUUE. 



signalé ces dif érents voyageurs. Quoi qu'il en soit 
d'ailleurs, il convient d'attendre le résultat des étu- 
des que la mission dirigée par le capitaine Roudaire 
sa entreprendre pendant la saison d'hiver. 

D'autres personnes ont prétendu aussi (pie la dif- 
férence de niveau, entre le golfe et les chotts. n'était 
pas aussi considérable que l'affirme le capitaine Rou- 
daire, qu\n tout cas il serait à craindre que la mer 
n'envahit les terres à de grandes distances et que la 
vallée de l'Oucd-Rir, ainsi qu'une partie des Ziban*, 
ne lussent submergées et transformées en marécages. 
M. Roudaire a fait remarquer, à ce sujet, que les 
hypothèses cpii lui sont opposées s'appuient sur des 
nivellements très-sommaires, très-approximatifs, exé- 
cutés au baromètre, et Ton sait que les erreurs de 
cet instrument peuvent facilement faire varier les 
cotes de niveau de i>0 à 30 mètres, ce qui, dans 
l'espèce, est la profondeur même des dépressions; 
qu'au contraire son raisonnement a pour base un ni- I 
veau minutieusement exact, celui du signal deChegga, 
au bord du choit Mcl-Rir, mesuré avec l'instrument 
de précision qui a servi à M. Bourdaloue pour faire 
le nivellement général de la France. De plus, les 
bords du chott Mel-Rir, de ce côté, se relèvent brus- 
quement, ce qui permettra d'établir à peu de frais 
des ports et des m millages. 

M. Cosson, qui s'est fait un nom dans le monde 
savant par ses études approfondies sur la flore de 
l'Algérie, attaque aussi le projet par des considéra- 
tions d'un ordre tout dilférent, mais qui nous sem- 
blent très-facilement réfutables. 

D'abord, selon lui, les eaux salées s'infiltreraient 
dans les couches profondes du sol et, remontant par 
l'effet de la capillarité, viendraient détruire la cul- 
ture du dattier, la plus grande source de richesse 
du Sahara. Cette éventualité n'est pas à craindre 
parce que (et sur ce point de minutieuses expériences 
ont été faites) la couche de terrain qui sépare la 
surface du sol des nappes aquifères des puits arté- 
siens, provenant des réservoirs de l'Aurès, est abso- 
lument imperméable et que, d'après les nivelle- 
ments du capitaine Roudaire, elle se trouverait 
au-dessous du niveau de la mer. On sait d'ailleurs, 
que dans quelques localités et notamment à Gabès, à 
quelques mètres de la mer, on creuse des puits qui 
fournissent de l'eau douce. Ensuite M. Cosson re- 
doute pour le dattier, qui demande, comme on sait, 
pour fructifier à avoir la tète dans le feu et le pied 
dans l'eau, un changement de climat. Théorique- 
ment, l'objection peut paraître spécieuse, mais il est 
évident que, si cette mer, de 100 lieues de long sur 
20 de large environ, peut changer les conditions 
hygrométriques de l'air, elle ne sera pas assez grande 
pour modifier la température du Sahara. Sur les 
Lords de la mer Rouge et du golfe de Gabès le dat- 
tier prospère et donne d'excellents fruits. 

On a dit enfin que le canal de déversement des 
eaux de la mer, eût-il 100 mètres de large, ne four- 
nirait qu'une quantité d'eau à peine supérieure à la 
quantité enlevée annuellement par l'évapo ration qui, 



sur la surface totale des chotts, serait de 28 milliards 
de mètres cubes. A cette objection, M. Roudaire nous 
semble avoir répondu victorieusement; mais il fau- 
drait, pour exposer ses arguments, un espace dont 
nous ne pouvons disposer. Nous ferons seulement 
remarquer que les chotts se composant d'une suite 
de dépressions inégales, s'empliront successivement 
et que, par conséquent, l'évaporation n'aura prise à 
la lois que sur de beaucoup moindres surlaces, éva- 
poratio i qui, du reste, sera compensée en partie par 
les pluies. 11 est néanmoins certain qu'il faudra un 
temps fort long, peut-être 10 ans, pour amener les 
400 milliards de mètres cubes d'eau nécessaires à 
équilibrer le niveau entre les chotts sahariens et la 
mer Méditerranée. 

Pour nous résumer, notre conviction intime est 
que, non-seulement cette grande œuvre est possible, 
mais qu'elle s'exécutera dans un temps prochain et 
qu'elle est appelée, tant au point de vue militaire 
et politique qu'au point de vue agricole et commer- 
cial, à donner un essor immense au développement 
de notre grande colonie. Elle a pour elle l'appui du 
gouverneur général actuel et l'opinion de la majo- 
rité de ceux qui, comme nous, ont pu étudier du 
près les ressources d'avenir de celte France afri- 
caine et qui ont foi dans ses destinées. 

Louis Go.nse. 

LES FOSSILES 1 

Depuis le jour où l'homme a, pour la première 
fois, soulevé l'épidcrme terrestre pour y creuser des 
sillons et pour y tracer des chemins; depuis l'époque 
où il a su pénétrer dans le sein de l'écorce superfi- 
cielle, soit pour y dérober l'eau potable, soit pour 
ravir aux entrailles du sol la pierre à bâtir ou le 
minerai, il a dû mettre en lumière l'existence des 
pétrifications et des coquilles. Comment pourrait-il 
en èlre autrement, puisque les débris d'animaux et 
de plantes, les empreintes de fougères, les restes 
d'ossements, admirables témoignages d'anciennes 
formes organiques, se montrent au milieu de tous 
les terrains sédimcnlaircs, plus ou moins bien con- 
servés dans la matière minérale. Croirait-on cepen- 
dant que les premiers découvreurs de ces fossiles 
étaient bien plutôt portés à les considérer comme 
des reliefs bizarres, dus à une cause fortuite, à un 
hasard inexplicable, qu'à les regarder comme les 
incontestables vestiges d'être disparus? 

Il n'a jamais manqué toutefois d'esprits clair- 
voyants qui ont protesté contre un tel aveuglement. 

SirCh. Lyell nous rapporte que le livre sacré des 
Indous, le plus vieux lhre du monde, écrit huit 
cents ans avant l'ère chrétienne, renferme déjà un 
bel exposé des évolutions successives dont Jes êtres 

1 1 vol, iu-18, illustré de 133 vignettes, par G. ïissandicr. 
— Librairie Hachette et C'". — Nous publions un chapitre et 
deux gravures de ce volume, qui v.i paraître inœssiiiimcut. 



LA NATURE. 



579 



vivants ont été l'objet à travers les âges. V auteur de 
cet antique ouvrage attribue la création première à 
un être infini devant lequel il se prosterne, à un es- 
prit sublime qui donne au monde son entière exten- 
sion quand il est éveillé, qui l'anéantit au contraire 
quand il s'endort. Par une telle alternative d'heures 
de veille et d'heures de repos, celle puissance éter- 
nelle revivifie et détruit successivement l'immense 
assemblage des créatures 1 . N'est-ce pas indiquer, 
sous une l'orme pleine de grandeur et de poésie, les 
transformations de l'organisme, telles que peuvent 
les concevoir les naturalistes modernes? 

Les prêtres égyptiens, d'après Hérodote, n'igno- 
raient pas que les couches inférieures des vallées du 
IS'il abondent en coquilles marines; ils savaient aussi 
qu'on ne manque pas d'en rencontrer à profusion 
quand on creuse les collines qui les environnent. 
Aucun peuple plus que les Egyptiens n'a remué le 
sol pour y élever des temples formidables, pour y 
découper des canaux immenses, nul plus que lui n'a 
dû révéler 1 évidence des phénomènes géologiques. 
Tous les hommes ont, en outre, entendu parler des 
tremblements de terre qui anéantissent des pays 
prospères, des inondations ou des déluges qui sub- 
mergent des villes entières ; comment l'idée des ré- 
volutions du globe ne se retrouverait-elle pas dansla 
plupart des cosrnogonies de l'Egypte ou de l'Orient. 

Eu nous rapprochant des temps modernes, nous 
voyons Pythagore nous parler en termes explicites 
des métamorphoses de la terre; et plus tard, Ovide, 
en ranimant cette doctrine, la complète en quelque 
sorte, par des propositions que ne désavouerait 
aucun savant moderne. Quand le grand poêle s'écrie : 
.« Rien ne meurt dans ce monde, les choses ne font 
que varier et changer de forme... Naître signifie 
qu'une chose commence à être différente de ce 
qu'elle fut auparavant ; mourir, veut dire qu'elle 
cesse d'être la même chose. » Quand il affirme en- 
core que « la terre ferme a été convertie eu mer.... 
que la mer a été changée en terre que des coquil- 
les marines gisent loin de l'Océan*... » ne parlc-t-il 
pas alors non plus en littérateur, mais en savant et 
en vrai philosophe? 

Quand nous lisons dans le Traité des Météores 
d'Aristote, que « les révolutions du globe sont si 
lentes comparativement à la durée de notre vie, que 
leurs progrès sont tout à fait inappréciables 5 , » n'a- 
vons-nous pas la preuve manifeste que l'idée de créa- 
tions antérieures à celle de l'homme, n'était pas in- 
connue des anciens ? 

11 serait injuste d'oublier le nom d'un gratul sa- 
vant grec, Xénophanes de Colophon, le fondateur de 
la philosophie éleatique; cet illustre admirateur de 
la nature avance en termes énergiques que les em- 
preintes fossiles d'animaux et de plantes sont réelle- 
ment les traces d'êtres ayant vécu jadis; il affirme 

1 Instituiez île lu loi hindoue, ou Code de Manou, traduit 
du sanscrit par sir William Jo;.es, 1796. 
8 Métamorphoses d'Oviic, livre XV. 
3 De itelcor,, lib, II, cap, xiv, xv et xvi. 



que les montagnes au sein desquelles on les rencon- 
tre, ont autrefois constitué le fond de la mer. Il ne 
serait pas plus juste de refuser à l'empereur Auguste 
le titre de précurseur de la paléontologie. Le neveu 
du grand César avait ressemblé une belle collection 
de fossiles dans sa villa de Capri. Un peu plus tard, 
Pline le naturaliste n'en parle pas moins dans ses 
écrits, d'ossements aux proportions colossales, qu'il 
attribue à des géants ou à des héros d'un autre âge. 
Malgré ces efforts ih la philosophie naturelle dans 
l'antiquité, malgré ces audaces d'esprits supérieurs; 
pendant tout le moyen âge et pendant les périodes 
brillantes qui lui succèdent jusqu'à la fin du dix- 
huitième siècle, l'opinion dominante fut que ces fos- 
siles, que ces pierrres figurées étaient des jeux do la 
nature, lums naturœ, suivant l'expression des pé- 
dants de ces époques. Quelles sottises n'imaginaient- 
ils pas, ces philosophes aux abois, pour se convaincre 
que l'évidence était l'erreur? N'allaient-ils pas jus- 
qu'à prétendre que les pétrifications étaient des des- 
sins formés par l'action mystérieuse des étoiles sur 
les couches terrestres ! 

Cependant, au milieu du seizième siècle, de cette 
grande époque où parurent les Bacon et les Galilée, 
uit homme doué d'un puissant génie, Bernard Pa- 
lissy, jeta les premières bases de la science des fos- 
siles, et con-truisit les fondations du grand monu- 
ment de la géologie moderne. — 11 semblerait que 
l'artiste ait souvent l'intuition de la nature car, cent 
ans avant Palissy, Léonard de Vinci avait déjà osé 
affirmer que la lente pétrification des débris calcaires 
comme les coquilles des mollusques, était le fait du, 
limon qui se dépose au fond des eaux et englobe peu 
à peu tous ces restes. 

« Le nom de Bernard Palissy est empreint dans 
la mémoire de. la plupart des esprits cultivés; on 
sait qu'il vécut au seizième siècle, qu'il était potier 
de terre et qu'il découvrit le vernis des faïences... 
Mais ce que l'on sait moins généralement, c'est que 
cet homme, sans éducation première, sans aucune 
notion de littérature, sans connaissance de l'anti- 
quité, sans secours d'aucune espèce, à l'aide des 
seuls efforts de son génie et de l'observation atten- 
tive de la nature, posa les bases de la plupart des 
doctrines modernes sur les sciences et les arts, qu'il 
émit sur une foule de hautes questions scientifiques 
les idées les plus hardies et les mieux fondées, qu'il 
professa le premier en France l'histoire naturelle et 
la géologie, qu'il fut l'un de ceux qui contribuèrent 
le plus puissamment à renverser le culte aveugle du 
moyen âge pour les doctrines de l'antiquité ; que cet 
ouvrier sans culture et sans lettres a laissé des écrits 
remarquables par la clarté, l'énergie, le coloris du 
style; qu'enfin cet homme simple et pur, mais puis- 
sant par le génie, fournit l'exemple de l'un des plus 
beaux caractères de sou époque, et qu'il expia par la 
captivité et la mort sa persévérance courageuse et sa 
fermeté dans ses croyances 1 . » 

1 I\ A, Cap. Œuvres complètes de Bernant Palissij. Pa- 
ri*, 1844. 



580 



LA NATUUE. 



Palissy naquit près de la petite ville de Birou, en- 
tre le Lot et la Dordogne, dans un modeste petit vil- 
lage. Ou ignore les détails de sou enfance, mais on 
sait que dès sa jeunesse il se mit à voyager et par- 
courut les Pyrénées, la Flandre et les Pays-Ras, les 
Ardennes et les Lords du Rhin... « En ouvrier no- 
made, nous dit-il lui-même, exerçant à la fois la 
vitrerie, la pourtraicture et l'arpentage, mais obser- 
vant surtout le pays et les curiosités naturelles, par- 
courant les montagnes, les forêts, visitant les car- 
rières et les mines, les grottes et les cavernes. » 

Après s'être établi à Saintes, après avoir consacré 
de longues et pénibles années à la découverte de sa 
belle terre émail lée, Palissy vint à Paris, où il ré- 
solut défaire la démonstration publique de ses théo- 



ries sur les fossiles. Cet humble j otier de terre, qui 
ne savait ni grec ni latin, appela à lui les philoso- 
phes et les savants, et, « à la face de tous les doc- 
teurs, il osa dire dans Paris que les coquilles fossiles 
étaient de véritables coquilles déposées autrefois par 
la mer dans les lieux où elles se trouvaient alors, 
que des animaux et surtout des poissons avaient 
donné aux pierres figurées toutes leurs différentes 
figures 1 . » 

Palissy rassemble les objets nécessaires à ses dé- 
monstrations, il classe avec méthode les cristaux et 
les fossiles qu'il a recueillis dans ses voyages, et 
fonde ainsi le premier cabinet d'histoire naturelle. 
Avec de telles preuves en main, il se sent fort et iné- 
branlable dans ses convictions; il est prêt à résister 




Empreintes de. coquilles fossiles sur une roche calcaire. (Terrain silurien.) 



à l'amertume des critiques, à la jalousie des en- 
vieux, à l'aveugle fureur des ignorants; aussi ne 
craint-il pas de s'écrier fièrement : « Vas quérir à 
présent tes philosophes latins pour me donner argu- 
i4ument contraire 1 . » 

Comment l'illustre artiste n'aurait-il pas acquis 
la plqs ferme conviction, s'il avait ramassé, comme 
cela n'est pas douteux, quelques-unes de ces em- 
preintes que le géologue foule du pied dans toutes 

» Nous croyons intéressant rie reproduire dans sa charmante 
naïveté le titre textuel des œuvres de Palissy : 

DlSCOliltS A II Ni IlUl; LES 

DF, LA NATUMv DES £AIX ET TES FONTAINES TANT NATCI'.EI.LES 

QU'ARTIFICIELLES, DES XBTAl-X, DES SELS ET SALINES, DES l'IEIMEs. , 

DES TERRES, DU FEU ET DES ÉMAUX 

AVEC PLDSIEL'IIS AUTRES EXCEL1 EKTS SECRETS HE CIIOs.ES NATURELLES 

PLUS IN TRAITÉ DE LA MARNE 

POHT UTILE ET MÉCESSAIRE POIMI CXV.J <jU SE BÊLENT DE LACRIGlLTUnE 

LE TOUT DRË5SÉ PAR DIALOGUES EtQIELS SONT INTRODUITS 

LA THÉORIQUE ET LA rRACTIQLE 

l'Ail M. LKRNARÏ TALISSr, I.NVE.VTEL n DES RUSTIQUES FIC UL1.VES DU ROT 

BT DE LA IIOÏNK SA MÈnK. 



les régions du globe? Eu jetant un simple regard 
sur la représentation des pétrifications les pins- 
répandues et les plus vulgaires, ne sera-t-on pas 
slupéf it en songeant à l'aveuglement de ceux qui 
n'attribuaient qu'au hasard seul la cause de leur for- 
mation? 

Bernard Palissy, dans ses œuvres, a choisi la forme 
, du dialogue. Il met en scène deux personnages ima- 
ginaires, l'un s'appelle Théorique, et représente la 
sehol astique; c'est un pédadogue ignorant, indocile, 
qui bien souvent excite la pitié par la sottise de ses 
réparties; l'autre, Practique, renverse sans cesse le 
lourd raisonnement de son interlocuteur. Avec quelle 
verve, quel esprit, quelle agilité, il se plaît à com- 
battre des opinions fagotées à l'avance. Ge livre ini- 
mitable est un des grands monuments littéraires du 
seizième siècle. L'auteur a la passion qui subjugue, 
l'élan de l'innovateur, l'éloquence naturelle d'un 

1 I'uiiloneil.% Histoire de f Académie 



LA NATURE. 



381 



grand esprit : il s'élève souvent aussi haut que Mon- 
taigne. Qu'on en juge par ce passage, que Palissy 
écrit après avoir longuement démontré que les pierres 
ne croissent pas, comme on le croyait généralement 
à son époque : 

« Théorique. — Et où est-ce que- tu as trouvé cela, 
par escript, ou bien dis-moi en quelle école as tu 
esté, où tu puisses avoir entendu ce que tu dis? » 

«Practiqce. — Je n'ai point eu d'autre livre que 
le ciel et la terre, lequel est connu de tous, et est 
donné à tous de connaître et lire ce beau livre; or 
nyant lu en iceluy, j'ai considéré les matières terres- 
tres, parce que je n'avais point estudié en l'astrologie 
pour contempler les astres. » 

En lisant les Discours admirables, on s'étonne de 



la nouveauté, àù la variété des observations de Ta- 
lissy sur la constitution des montagnes et des diffé- 
rents sols, sur l'origine des espèces minérales, sur la 
formation et le mode d'accroissement des pierres, 
qu'il examine sous leurs divers rapports de forme, 
de couleur, de cohésion, de poids et de densité. Les 
cristallisations, les stalactites, les lois pétrifiés, les 
fossiles, la marne, les faluns, rien n'échappe à ses 
recherches, et fidèle à sa méthode habituelle d'inves- 

j tigatîon, il rattache tous les faits recueillis à quelque 
vue générale qui, presque toujours, est la plus di- 
recte et la plus féconde. 

« Quand j'ai eu de bien près regardé aux formes 
des pierres, dit Palissy, j'ai trouvé que nulle d'icelles 

, ne peut prendre lorrne de coquilles, ni d autre ani- 






sy a ajM y 










Ucstaur.itioji d'une cité lacustre, d'après le docteur Kelkr. 



mal, si l'animal même n'a bâti sa forme... Le ro- 
cher qui est tout plein de diverses espèces de co- 
quilles, a été autrefois vases marins, produisais 
poissons. Si aucuns ne le veulent croire, je leur 
montrerai la dite pierre, pour couper broche à toutes 
disputes *. » 

Palissy nous apprend qu'il a fait des observations 
précieuses et des découvertes importantes, surtout 
dans les Ardennes et dans la Champagne. «...J'ai 
fait plusieurs figures des coquilles pétrifiées qui se 
trouvent par milliers es montagnes des Ardennes et 
non seulement des coquilles, ains aussi des pois- 
sons... ayant toujours cherché en mon pouvoir de 
plus en plus les choses pétrifiées, j'ai trouvé plus 
d'espèces de poissons ou coquilles pétrifiées en la 
terre, que non pas des genres modernes qui lubitcnt 
à la mer Océaue. » 

1 Œuvres complètes de Vernard Pulis.y. 



Nous nous bornerons à ces quelques citations, car 
il faudrait rapporter en entier l'œuvre du grand ar- 
tiste; non-seulement il se révèle partout comme sa- 
vant, mais il apparaît aussi comme un profond pen- 
seur, quand il écrit par exemple : « La science se 
manifeste à qui la cherche! )> et plus loin : « On ne 
doit pas abuser des dons de Dieu, et cacher ses ta- 
lents en terre, car il est écrit que le fou cachant sa 
folie, vaut mieux que le sage celant son savoir. » 

Malgré les révélations d'un tel génie, la science 
des fossiles n'est pas encore fondée après Palissy. 
Les œuvres de cet esprit incomparable furent à peine 
connues de son vivant, et les paroles énergiques, 
vibrantes, convaincues du « potier de terre » ne de- 
vaient être entendues qu'un siècle après sa mort! 

Gaston TissAJmiER. 



'.82 



LA NATURE. 



CHRONIQUE 

Changements périodiques du niveau du 
tranil Lac salé (Etats-I'nis). — Le Grand-Lac salé, 
donl les rives ont été occupées en premier lieu par les 
Mormons, est sujet à des variations dont on s'explique en- 
core mal le motif. On vient de placer un rep'jre gradué 
destiné à fournir des éléments de constatation régulière. 
Celte nappe d'eau intérieure est une sorte de réservoir où se 
déversent les eaux des montagnes environnantes. Depuis une 
dizaine d'années, on a constaté une élévation constante. 
Plusieurs repères naturels le témoignent d'une façon irré- 
cusable. Avant 1801, il existait une route reliant Black- 
Rock, petite éminence isolée, qui était de plus de 0,G0cent. 
au-dessus de l'eau ; elle servait au transport des produits 
de salines établies sur ce point. Aujourd'hui, cette route, 
dont on distingue l'empierrement avec des scories do 
charbon, est recouverte de quatre mètres d'eau. 

Les jardins militaires. ■— Le Journal de l'Agri- 
culture a plusieurs fois appelé l'attention sur l'importance 
que pouvaient avoir les jardins militaires dans les villes 
do garnisuii, où se trouvent tant de terrains laissés infer- 
tiles, particulièrement dans les fossés des fortifications. I.a 
Société d'agriculture de Yalenciennes suit l' couvre des jar- 
dins militaires avec sollicitude, et elle vient de décerner 
des médailles aux officiers, sous- officiers et soldats qui se 
sont le plus distingués pour l'entretien des jardins de la 
garnison. Malgré la grande sécheresse qui a sévi cette année, 
grâce aux soins constants apportés à la culture des légu- 
mes de ces jardins, qui sont d'ailleurs tenus avec une pro- 
preté remarquable, ces légumes, quoique plantés sur un 
sol rapporté, pierreux, et par conséquent se desséchant 
très-vite, paraissaient ne pas avoir souffert des circon- 
stances défavorables qui se sont présentées. Ils étaient de 
la plus belle venue et continuaient à donner des produits 
non-seulement très-considérables, mais surtout très -remar- 
quables. Grâce à ce résultat, l'ordinaire du soldat a pu être 
considérablement amélioré, puisque chaque jour on peut 
y faire entrer une quantité véritablement énorme d'excel- 
lents légumes frais qui ne coûtent à l'Élut qu'une dé- 
pense tout à fait insignifiante. L'exemple donné par la 
garnison de Yalenciennes devrait être suivi dans les 
autres villes militaires et notamment à Paris, où se trou- 
vent de vastes terrrains qu'on pourrait facilement trans- 
former en jardins militaires. 

Passage de Vénus. — Nous avons reçu d'Amérique 
des nouvelles qui nous mettent à même de donner, d'une 
manière complète l'organisation des expéditions améri- 
caines. Elles sont au nombre de huit. Cinq sont parties par 
la frégate Swatara pour se rendre à llobait Town, à Pile 
de Kerguelen, à la Nouvelle-Zélande, à Pile Crozet et à 
Pile Chatam. La sixième et la septième ont quitté San 
Francisco pour Nangasakî à bord de la frégate Alaska. 
Une d'elles commandée par le professeur James Watson 
était destinée à Pékin et l'autre sous le commandement 
du professeur Asaph Hall se rendait à Wladivostock en 
Sibérie. Elle comprenait un mécanicien chargé de réparer 
les instruments dans le cas où ils se seraient dérangés. 
Une huitième, commandée par le professeur George David- 
son, du service hydrographique, a quitté également San 
Francisco pour se rendre au Japon, mais son lieu de 
séjour et d'opérations n'était pas désigné. On laissait au 
professeur George Davidson le soin de le désigner. 



La pièce principale de chaque expédition est un grand 
télescope pour les observations photographiques dont les 
astronomes américains s'occupent presque exclusivement. 
Le télescope qui sert à prendre les images est beaucoup 
plus long que celui qui sert aux observations optiques. 
C'est le contraire du système adopté par les autres nations. 
Aussi l'image du soleil, obtenue par les astronomes amé- 
ricains, auia-t-elle des dimensions exceptionnelles. La dis- 
tance focale de ces lunettes a été calculée de telle sorte 
que le diamètre de l'impression n'aura pas moins de quatre 
pour es. 



CONGRÈS INTERNATIONAUX 

BÉR1GIGOI.E ET VITICOLE DE MONTPELLIER. 

Après une inauguration officielle des deux congrès, qui 
a eu lieu le lundi malin, 26 octobre, sous la présidence de 
M. Halna du Frëtay, inspecteur général de l'agriculture cl 
délégué par le ministre, les deux congrès ont élu leurs 
bureaux et réglé l'ordre des séances. A une heure 
M. Drouyn de Lhuys ouvre le congrès viticole par un 
discours Uès-applaudi, et où il retrace dans les termes les 
plus élégants l'historique de la question du Phylloxéra en 
France, rappelant les divers moyens de destruction bien 
positivement reconnus, la submersion, l'ensablement, pa- 
raissant pencher pour une régénération de la vigne par les 
semis et l'emploi de la taille longue fatiguant moins la 
plante. 

AI. G. Bazille, président de la Société d'agriculture de 
l'Hérault, expose l'état actuel de l'invasion phylloxérienne 
dans le Midi de la France. Sa marche dans les plaines près 
de Montpellier, a été assez lente en 1874, mais le mal a 
pris une extension énorme le long de la vallée du Rhône, 
a sauté de Lyon à Genève, et très -probablement olfre 
beaucoup de points d'attaque intermédiaires. Près de 
Montpellier mémo, les vignes sont belles, mais à 5 ou 6 
kilomètres, à partir des communes de Montferrier et de 
Saint Clément, l'attaque est considérable et beaucoup de 
vignes sont détruites. 

M. G. Bazille affirme énergiquement son opinion que le 
Phylloxéra est la cause du mal et non l'effet, opinion que 
partage complètement la commission de l'Académie des 
sciences et que M. Dumas a rendue publique dans sa lettre 
à M. F obères, de Libourne. 11 laut avoir soin, en mémo 
temps qu'on détruit l'insecte, de fortifier la vigne affaiblie 
par les fumures et les bonnes cultures. Les insecticides 
seuls sont insuffisants : il faut y associer une matière d'en- 
grais, comme les sulfures de potassium ou de calcium. Au 
Mas de Sorre, vignoble qui sert aux expériences de la coin- " 
mission départementale de l'Hérault, les vignes traitées a 
la fois par l'insecticide et l'engrais, tranchent par leur 
verdure des autres essais, et M. G. Bazille a les mêmes 
ré:-ultats en grand sur plusieurs de ses vignobles. 

Vient ensuite une communication de 31. Léon Mares qui 
contredit, eu certains points, l'opinion précédente. D'après 
lui les vignes sont atteintes d'une manière très-variable 
par la maladie, selon des conditions diverses. Danscerlains 
terrains toute vigne attaquée est perdue, ainsi danslaCrau 
au plateau de Pujaut, etc. D'autres, au contraire, résistent 
par le fait de terrains spéciaux, ainsi très-sablonneux ; en- 
fin il y a beaucoup de terrains où tantôt les vignes sont 
perdues et tantôt restent vivaces, selon les circonstances 
du sol et les traitements, notamment le sulfure de potas- 
sium uni au sulfate d'ammoniaque, dans les vignobles de 



LA NATURE. 



585 



son frère, M. 11. ilurès, de sorle qu'avec des idées théori- 
ques très opposées, il arrive à la même conclusion que 
M. G. Bazille, l'emploi d'insecticides et d'engrais répara- 
teurs. 11 admet que, les vignes sont prédisposées par des 
causes inconnues et empoisonnées par l'insecte, et qu'il 
faut l'antidote et la fumure fortifiante pour neutraliser 
continuellement son venin. 

M. le docteur Azam, de Bordeaux, présente sommaire- 
ment le résultat d'une enquête sur la situation du Borde- 
lais. Le mal a dû commencer en 1 1 • *. car il est vu par 
ijnelques propriétaires en 18C5 et 1860. Apparu d'abord 
près de Floirac et de Pauilhac, il a marché de l'ouest à l'est, et 
a atteinll'Enlre-deux-Mers, c'est-à-dire la région comprise 
de Bordeaux à Lihourne, entre la Gironde et la Dordogne 
En 1873 le mal dépasse la Dordogne et envahit le Saint- 
Emilionnais, et 70 à 80 communes sont prises ; en 1874 
l'invasion phyllozérienne s'étend à plus de cent communes, 
au sud jusqu'à Langon, au nord en face du Bec-d'Ambez, 
sur une longueur de 100 kilom., puis vers Saiule-Foix. et 
Villefranche en Dordogne. Le mal est presque en entier 
sur la rive droite de la Garonne, une seule petite commune 
est envahie au sud de Bordeaux sur la rive gauche. 

M. Azam affirme que le Sauterne et le Médoc sont in- 
demnes (j'ai de* doutes pour le Médoc), que le mal en 
187 4 est très-élendu, mais encore peu grave, le mal atta- 
quant d'abord les coteaux (j'ai constaté le même fait dans 
les Charcutes, dont l'infection est venue du Bordelais) . 

II n'a pus affecté le chiffre de production du Bordelais ; 
il y a bien eu des récoltes nulles chez certains proprié- 
taires de 1 Enlre-deux-Mers, mais cela est étouffé sous 
le nombre des satisfaits. 

Nous passons ensuite de l'ouest à l'extrémité orientale 
de rinvasion, et M. Schnetzlcr, délégué du comité fédéral 
Suisse, donne quelques détails sur le Phylloxéra aux en- 
virons de Genève. A la suite d'une conférence publique, 
qui provoqua les recherches des propriétaires intéressés, 
trois centres d'attaque, à quelques kilomètres de Genève, 
fuient signalés, et existent probablement depuis plusieurs 
années, dans des terres fortement argileuses, sans que le 
climat et la bonne culture aient encore rien fait pour dé- 
truite la maladie. 11 faut remarquer qu'il y a eu Suisse des 
importations fréquentes de plants américains, mais ce 
sont les vignobles seuls de notre Yilis vinifera qui sont 
attaqués. 

1,'n délégué italien, M. Targîoni-Tozzetti, professeur à 
l'Université de Florence, dit que l'Italie sera probablement 
préservée du côté des Alpes, mais peut-être attaquée du 
côté de la mer; jusqu'à présent il n'y a pas de Phyl- 
loxéra en Italie. Le ministre de l'agriculture avait donné 
l'ordre d'examiner avec soin toutes les vignes suspectes, et 
d'envoyer à Florence leurs racines, pour y être examinées; 
jusqu'au milieu de septembre dernier M.Targioni-Tozzetti 
n'a vu de Phylloxéra sur aucunes d'elles. Nous devons 
remarquer que l'Italie s'occupe beaucoup d'améliorer ses 
vins et nous prépare sur les marchés du monde entier une 
concurrence redoutable, si nous ne parvenons pas à nous 
débarrasser du mal. Maurice Gikard. 

— La suite prochainement. — 

ACADÉMIE DES SCIENCES 

Sétinc ? du 9 novembre 1814. — Présidence de M. Beitthasi). 

Nouvelles de M. Janssen. — Comme complément au 
télégramme dont nous avons l'autre jour donné la teneur, 



M. Janssen adresse de Hong-Kong la relation du cyclone 
qu'il a éprouvé. Sa lettre très- sommaire est heureusement 
complétée par une note de madame Janssen, qui prend su 
part des périls de l'expédition. Le cvclone, dont nous 
avons déjà parlé, suivait à trois jours de distance une 
autre tempête, pareille, mais moins funeste. De l'aveu des 
habitants du pays, rien de pareil ne s'était vu depuis plus 
de quinze ans. Le lendemain, la mer était couverte d'é- 
paves et de corps flottants. Quinze cents Chinois ont dis- 
paru. Un navire espagnol, qui était en rade, a vu périr 
quatre-vingt-dix passagers et tout son équipage. Un grand 
nombre d'autres bâtiments sont également perdus, et l'on 
ne peut sa\oir le nombre total des victimes. La vil.e de 
Hong-Kong est dévastée ; les toits so:;t enlevés ; beaucoup 
de maisons sont écroulées ; les rues sont jonchées de gros 
arbres, et devant ce malheur la population montre une 
résignation admirable et répare les désastres avec activité. 
La lettre de M. Janssen est datée du 26 septembre ; il 
espérait toucher à Yokohama huit à neuf jours plus 
tard. 

Eludes relatives au lac de Genève. — Au nom d'une 
réunion de savants suisses, M. de Candolle annonce qu'on 
s'est mis avec la plus grande ardeur à continuer et à 
étendre les recherches si brillamment commencées par de 
Saussure. Le lae de Genève est soumis à de nombreuses 
séries d'expériences et d'observations destinées à en dévoi- 
ler toute l'histoire naturelle. M. Faure a entrepris des 
sondages dans la partie étroite du lac, de façon à en 
raccorder le fond avec les coupes géologiques voisines. 
Sensible à celle impulsion, l'Ëlal-Major sui-se fait exécu- 
ter des sondages pareils dans tous les lacs du pays. De son 
côté, M . Dufour (de Lausanne) , expérimente le pouvoir réflec- 
teur des eaux du lac dans son rapport avec la température de 
l'air superposé. La transparence des mêmes eaux occupe 
le docteur Forci, qui reconnaît, à l'aide de papiers sensi- 
bilisés, qu'à cinquante mètres au plus en hiver, et à 
soixante en été, la nuit règne sans cesse. L'obscurité doit 
être absolue dans les profondeurs de trois cents mètres que 
le lac atteint au milieu, d'autant plus qu'une fine argile y 
existe en suspension. Le dépôt de celle-ci est d'ailleurs si 
lent que d'après l'auteur elle ne saurait combler le lac 
avant trois cent mille ans au moins. Le même physicien a 
étudié les crues remarquables ou seiches qui sont un des 
traits caractéristiques du lac de Genève : tout à coup un 
vrai petit raz de marée, un mur d'un mètre quelquefois de 
hauteur, s'avance sur le lacet pénètre jusque dans la ville. 
Quant aux êtres vivants que nourrit le lac, leur étude pa- 
rait promettre beaucoup de faits intéressants. On retire des 
grandes profondeurs (de 200 à 500 mètres) de nombreu- 
ses espèces animales: ce sont des vers, des crustacés, des 
mollusques, etc. L'un de ces animaux, une hydaùte, con- 
stitue, d'après M. Gœppert, un genre nouveau. Quelques-uns 
de ces animaux sont privés d'yeux ; les autres, au contraire, 
en ont, comme leurs congénères des régions éclairées, et 
M. de Candolle voit, dans ces observations, un moyen par- 
ticulièrement précieux pour résoudre la grande question de 
l'espèce. Le lac, à l'inverse de la mer, date d'une époque 
relativement récente et géologiquement connue. On peut 
donc espérer d'apprécier la réalité et même la vitesse des 
changements. Ces conditions heureuses sont d'ailleurs, 
comme le remarque M. Paul Gervais, réalisées aussi dans 
les cavernes. Par exemple, le mammouth-cave des Etats- 
Unis contient, dans ses profondeurs, des poissons aveugles 
dont chacun naît avec des yeux développés et qui s'atro- 
phient progressivement. Un dernier fait signalé par M. de 
Candolle est relatif aux variations du niveau du lac de 



334 



LA ISA TU HE. 



Genève constatées par M. Colbdon. Ou trouve, en effet, 
dans le haut de Genève un point situé maintenant à trente 
mètres au-dessus de l'eau, et qui porte les traces mani- 
fcslcs de l'embouchure de l'Arve. tin second lieu, en creu- 
sant les fondations du théâtre, on a retrouvé les traces 
d'un second lit du même cours d'eau, fitué à deux mètres 
nu-dessus du niveau actuel, et qui paraît contemporain des 
Romains, d'api es les fragments de briques qu'on en a re- 
tirés. 

Stànisias MzesiEft. 

L'ÉCLIPSÉ DE LUNE DU 25 OCTOBRE 

Le mois d'octobre dernier aura été décidément 
très favorable à l'astronomie d'observation. Après 
l'éclipsé de soleil du 10 
et l'occultation de Vé- 
nus du 1 î, visibles tou- 
tes deux, l'éclipsé de 
lune du 25 a encore pu 
être observée, malgré 
les brouillards de l 'heure 
matinale à laquelle elle 
s'est passée. 

Si les observations 
astronomiques diffèrent 
beaucoup les unes des 
autres en elles-mêmes, 
elles di fièrent plus en- 
core peut-être par la 
variété des conditions 
météorologiques dans 
lesquelles on est forcé 
de les faire. C'est ainsi 
que pour étudier J'é- 
clipse du soleil du 10 il 
a fallu exposer son vi- 
sage à l'ardeur brûlante 
d'un véritable soleil 
d'été; que pour l'oc- 
cultation de Vénus il a fallu chercher la planète dans 
le ciel^ éblouissant du sud avec des yeux « demi- 
aveugés, et que l'éclipsé de lune du 23 n'a pu être 
suivie qu'au sein d'une atmosphère humide et gla- 
ciale digue des prochaines nuits d'hiver. Mais tous 
ces petits désagréments corporels ne sont rien quand 
un nuage n'arrive pas pour cacher le phénomène at- 
tendu, et quand en définitive on peut faire une ob- 
servation satisfaisante. 

La pleine lune devait entrer à -4 h, 55 m. du ma- 
tin dans la penombre formée par l'atmosphère ter- 
restre autour du cône d'ombre que noire planète 
forme constamment derrière elle à l'oppositedu so- 
leil. Mais la lune était déjà basse vers l'horizon occi- 
dental, et des vapeurs épaisses, des brouillards et 
des traînées nuageuses l'entouraient d'une sorte de 
voile blanchâtre. L'image était loin d'être nette, quoi- 
qu'on distinguât fort bien l'ensemble de la géogra- 
phie lunaire. La montagne blanche et rayonnante 
d'Arislarque{a) brillait juste dans la partie inférieure 



du diamètre vertical du disque, et resta perceptible 
même lorsque cette région fut entrée dans l'ombre. 
Je ne suis pas parvenu à distinger la pénombre. Près 
d'une heure après l'entrée de la lune, à 5 h. 20 m. 
on ne distinguait encore rien. Il eu était de même à 

5 h. 50 m. , et à 5 h. 45 m. la lune parut sensible- 
ment entamée au nord-est, c'est-à-dire en haut et à 
gauche (image droite). Comme elle ne dosait entrer 
dans V ombre même de la terre qu'à 5 h. 51 m., j'en 
conclus que l'ombre de l'atmosphère terrestre n'a 
produit d'effet sensible sur la lumière de la lune que 
lorsqu'elle y projeta ses couches inférieures, épaisses 
et nuageuses. Les couches supérieures de l'atmo- 
sphère ne diminuaient en rien la clarté de la pleine- 
lune (du moins dans les conditions actuelles). 

A 6 heures , notre 
satellite était éclipsé du 
quart environ de son 
diamètre, mais l'ombre 
de l.i terre finissait par 
une teints dégradée, in- 
sensiblement, et non par 
une limite nette et tran- 
chée. Quelques minutes 
après, la ligne d'ombre 
atteignait le mont Aris- 
tarque, et, ens'avançant 
toujours, bientôt après 
aussi le mont Tycho (c . 
On voyait des corpus- 
cules noirs passer en 
tous sens devant l'astre 
des nuits : c'étaient des. 
oiseaux, volant à une 
grande hauteur. 

A fi h. 25 m., le cône 
d'ombre atteignit le mi- 
lieu du disque lunaire; 
mais, arrivé au ï régions 
basses de l'atmosphère, 
| l'astre de Diane sembla s'étendre et s'enfoncer 
! dans un lit de nuées obscures formant l'horizon. 
A 6 h. 30 m. il disparut : l'ombre atteignait alors 
. la mer de la Sérénité et et le mont Manilius {dj. 
| C'est h plus grande phase de l'éclipsé qui ait été 
visible à Paris. Elle est représentée dans le dessin 
ci-dessus. 

Quelques minutes après, à 6 h. 37 m., le sole : l 
se levait radieux à l'horizon oriental. 

Ni la Connaissance des temps, ni V Annuaire du 
bureau des longitudes n'ont annoncé exactement les 
conditions de cette éclipse. L'un l'annonçait pour le 
soir; l'au're supposait que la pleine-lune se levait à 

6 heures du matin! Ces erreurs sont regrettables, 
surtout dans des publications officielles. 

Camille Flammarion. 




I.'dc'ipsc ife lune «lu 23 octobre 1871. 



Le Propriétaire-Gérant : G. Tissa m 1 eu, 

2277 — Cii.iitiL, l\[i. ct&ler. dt Imti. 



N» 77. — 21 NOVEMBRE 18 74. 



LA NATURE. 



LES DÉCOUVERTES AUTRIC MEMES 

DASS LES RÉGIONS POLAIRES. 

La gravure que nous publions, représente, d'après 
la récente carte de Petcrmann, la région singulière 
que les navigateurs autrichiens du Tegkettoff ont 
ouverte à la géographie. 

A droite du dessin se déroule, au second plan, la 
terre de Wilczek ainsi nommée en l'honneur du 
comte de Wilczek organisateur de l'expédition. 



La côte nord-ouest de cette île immense est bor- 
dée par d'immenses glaciers se prolongeant aussi 
loin que la vue peut s'étendre du côté de l'Asie. 
A gauche du spectateur se déroule la terre Zichy 
également consacrée à la mémoire d'un des géné- 
reux patrons de l'entreprise. C'est sur cette im- 
mense terre que se dresse le mont Richthofen élevé 
de plus de 1 ,;^00 mètres et qui par conséquent 
domine toute la contrée. 

Les courageux explorateurs n'ont mis le pied ni 
sur la terre Zichy ni sur la terre AVilczeck, comme il 





Terre du Prince Oscar. 
Terre François-Joseph. — Terre de Zichy. 
Mont Brunn. 



Vue à vol d'oiseau de l'exploration autrichienne. 

Cap Vienne. 

Terre du Prince Hudolph. 

Glacier de SonkLar. 



Terre de Petorniaim. 

Terre de Wilczek. 

Ile de Salm. 



I. Route suivie par les explorateurs en mai 1874, et conduisant au mont Bruun. — ï. Houle suivie en mars 1874, jusqu'au g 
Sonklar, — 3. Route suivie en avril 1&74, jusqu'à la terre du prince Uudulph, eu face le cap Vienne. 



acier du 



est facile de le voir; car nous avons marqué sur la 
neige, la trace des trois expéditions que l'équipage a 
faites en mars, en avril et en mai 1874. C'est l'expé- 
dition d'avril qui a été la plus longue. Elle a mené 
les voyageurs au delà du 82 e parallèle au milieu 
de la mer intérieure qui s'étend au nord des deux 
grandes îles que nous avons figurées. La longue trace 
suivie par les explorateurs est facile à discerner dans 
notre vue idéale à vol d'oiseau. 

Arrivés sur la côte de Pile du Prince Rudolph, les 
voyageurs furent obligés de battre en retraite. On voit 
eu effet, à quelle distance ils se trouvaient déjà de 
leurs compagnons, et du Tegkettoff qui, quoique 
scellé dans la glace, était leur unique ressource. Le 

î* »i>or>. — i* lemeslre. 



navire leur servait d'abri pour se reposer de leurs 
fatigues inouïes et leur fournissait encore des provi- 
sions comme un grand magasin d'abondance. 

Au nord, les marins autrichiens ont aperçu deux 
autres terres séparées par un haut promontoire au- 
quel ils ont donné le nom de cap Vienne, c'est ainsi 
qu'ils ont désigné le point remarquable le plus voi- 
sin du pôle qui ait encore été aperçu. Il se trouve de 
plus d'un degré au delà du 82 e parallèle, cette ligue 
fatidique effleurée déjà par trois explorations, olle 
de Parry en 1827, celle de Jlalle en 1872 et enfin 
celle de Payer en 1874 ! 

A l'orient du cap Vienne paraît se trouver une 
grande île que l'on nomme la terre de Petermanu et 

25 



LA SATURE. 



à l'ouest une autre île que l'on appelle celle du : 
Prince Oscar. 

Le détroit qui sépare les deux terres Wilczek 
et Zichy est obstrué par un grand nombre d'îles qui 
retiennent ks glaçons, lors des débâcles néces- 
sairement très courtes à une latitude aussi élevée. 
Il en résulte que même dans les circonstances les 
pîus favorables, un navire pourra difficilement s'en- 
gager dans ce long détroit et parvenir au nord des 
deux terres "Wilczek et Zichy. (lue fois ce défilé fran- 
chi il est probable cjue l'expédition pourrait pénétrer 
jusqu'au cap Vienne. Les difficultés sont cependant 
si grandes que les chances de pénétrer par le détroit 
de Roberson au moins autant qu'on en peut juger 
d'après le récit des survivants de l'expédition du ca- 
pitaine Hall, sont peut être plus considéra Ides, lien 
de même de celles de trouver une issue par le détrod 
de Behrung. 

Deux des îles qui empêchent d'arriver au détroit 
ont été l'objet d'expéditions particulières, que les 
traces d« notre gravure indiquent encore. Celle qui 
est le plus à l'est est la première qui ait été explorée 
C'e4 par là que les Autrichiens ont commencé avant 
de se lancer dans le grand détroit. Ils y ont parcouru 
un immense glacier auquel ils ont donné le nom de 
Sonklar. C'est par l'exploration de l'île occidentale 
qu'ils ont terminé leur campagne avant de songer 
au retour et à l'abandon du Tegkettoff. 

Cette troisième expédition a eu lieu au mois de 
mai. L'épisode le plus notable de cette course est 
l'ascension du mont Brunn qui n'a pas moins de 
1,000 mètres d'altitude, et du haut duquel la vue 
s'étend à une immense distance du côté du couchant. 
Du haut de ce pic remarquable les explorateurs ont 
pu apercevoir une terre qui se trouvait à 100 kilo- 
mètres à l'ouest. Suivant toute probabilité c'était la 
terre de Gillis, découverte par les marins Scandina- 
ves en 1707. 

L'expédition autrichienne qui a fourni à la physi- 
que du globe une terre inconnue, semble prouver \ 
malheureusement que les difficultés de l'approche du : 
pôle vont en croissant à mesure qu'on pénètre à dc> i 
latitudes plus élevées. 

Le récit que le lieutenant Payer, a publié de la ; 
magnifique exploration arctique du Tegkettoff, en ! 
l'ait foi; car il abonde en description de difficultés 
vaincues et de souffrances endurées, surtout quand 
il parle des longs voyages en traîneaux, exécutés an 
milieu des glaciers abrupts et escarpées. 

Il faut des hommes d'une trempe exceptionnelle 
pour parcourir ces régions glacées, où le thermomètre 
descend à 50° au-dessous de zéro, où l'on ne peut 
vivre souvent que de la chasse contre les ours blancs, 
où l'on est contraint d'affronter et de vaincre des 
l.itigues inouïes, au milieu de glaciers formidables, 
parsemés de crevasses et de précipices. Heureux 
quand ces hommes trouvent la juste récompense de 
leurs efforts, et que la mort impitoyable ne les 
arrête pas au milieu de leur magnifique conquête 
do mordes nouveaux. 



LE PROCHAIN PASSAGE DE TÉNUS 

ET LA MESURE DES DISTANCES INACCESSIULES. 

Toutes les expéditions organisées par les différen- 
tes nations civilisées pour l'étude du prochain pas- 
sage de Vénus sont maintenant arrivées dans leurs 
stations respectives. 

Cette observation simultanée constitue, sans con- 
tredit, l'un des plus grands événements astrono- 
miques du siècle. Il est important et intéressant 
de nous rendre compte de ce fait du passage d'une 
planète entre le soleil et la terre, et de la méthode 
employée pour utiliser ce passage à cette fameuse 
détermination de la dislance qui nous sépare de 
l'astre du jour. 

Nos lecteurs savent que l'orbite de Vénus est des- 
sinée dans l'intérieur de celle de la terre, comme ou 
peut le voir par notre figure i . Le soleil brille au cen- 
tre. V est la planète Vénus en différents points de son 
orbite, T représente la terre eu un point particulier 
de son orbite également. L'examen de cette figure 
nous offre trois points principaux à considérer. Le 
premier est que la planète ne peut jamais paraître 
très-éloignée du soleil. En effet, elle se meut autour 
de lui dans la direction marquée par la flèche; la 
terre circule dans la même direction. Nous nous 
supposons regarder le système solaire d'un point si- 
tué dans l'hémisphère céleste ^boréal. En examinant 
la ligure, on peut remarquer que, quand la planète 
Vénus quitte le point V 1 , elle paraît s'éloigner du 
soleil jusqu'à ce qu'elle arrive au point V 5 , qui est 
le point de sa plus grande élongation. Continuantson 
cours, elle paraîtra, pour un observateur situé sur 
la terre, se rapprocher du soleil jusqu'à ce qu'elle 
se perde derrière lui dans ses rayons. Lorsqu'elle a 
passé le point V", sa distance au soleil paraît aug- 
menter de nouveau jusqu'à ce qu'elle atteigne le 
point V 6 , qui marque sa plus grande élongation occi- 
dentale et à partir duquel elle se rapproche de nou- 
veau du soleil. 

Remarquons maintenant que la distance de Vénus 
à la terre varie énormément, et que la planète pa- 
i ait beaucoup plus grande, lorsqu'elle passe près de la 
terre, que lorsqu'elle en est très-éloignée; en effet, 
elle peut s'approcher jusqu'à 9,000,000 de lieues 
de nous et s'en éloigner jusqu'à plus de 60. Ces dif- 
férentes grandeurs sont visibles au bas de la figure 1 
en même temps que les phases. 

Le troisième point digne de remarque est précisé- 
ment celui de ces phases, qui sont analogues à celles 
de la lune. Comme dans toutes ces positions elle n'a 
qu'un hémisphère éclairé, celui qui est tourné du 
côté du soleil, on s'explique facilement qu'au point 
Y 1 elle soit invisible, puisqu'alors elle tourne vers la 
terre son hémisphère obscur. Dans la position V'elle 
offre un mince croissant; dans la position V 5 elle a 
l'aspect du premier quartier; en V* elle est ronde ; 
en Y 8 elle est un peu échancrée; en V 8 elle offre 



LA NATURE. 



387 



l'aspect de la lune dans son dernier quartier, comme 
nous l'avons vu dernièrement, le jour où elle fut 
occultée par la lune. 

Qu'arrive-t-il lorsque Vénus passe entre le soleil 
et la terre? Nous venons de voir qu'elle est invisible, 
puisqu'elle tourne vers nous son hémisphère obscur; 
nous n'avons donc aucune chance de la voir, à moins 
qu'elle ne passe juste devant le -soleil, comme une 
petite tache noire. Il semble que cela devr.iit arriver 
chaque fois qu'elle se trouve à sa moindre distance de 
nous Comme elle ne met que huit mois pour accom- 
plir sa translation autour de l'astre radieux, et que 
la terre emploie une année pour parcourir la sienne, 
il semble que le phénomène dont nous allons nous 
occuper ne devrait pas être rare. Tous les 584 jours 
il est vrai, la belle planète passe entre le soleil et la 
terre, mais un peu au-dessus ou un peu au-dessous 
du disque solaire, de sorte qu'elle ne se projette point 
sur lui et reste invisible. Pour que la planète passe 
juste devant le soleil, il faut que les centres des trois 
astres : Soleil, Vénus et Terre, se placent sur une 
même ligne droite. Or, par suite de la disposition 
des orbites des deux planètes, ce fait arrive à peine 
deux fois par siècle. 

Les deux orbites suivies par Vénus et la terre ne 
sont pas situées dans le même plan. En d'autres ter- 
mes, nous ne pouvons pas représenter exactement 
ces deux orbites par deux cercles tracés sur une 
feuille de papier. Celle de Vénus, qui est intérieure 
à celle de la terre, est inclinée de telle sorte que, si 
nous la traçons sur une feuille de papier, il nous 
faut supposer qu'une moitié s'élève au-dessus de la 
feuille, tandis qu'une autre moitié descendrait en 
dessous. Ces deux plans passent par le soleil, mais 
ils sont inclinés l'un relativement à l'autre d'un cer- 
tain petit angle (fi g. 2). La ligue d'intersection AB, qui 
passe par le soleil est appelée la ligne des nœuds : il 
lautque Vénus et la terre soient sur cette ligne pour 
que la planète passe devant le soleil. Mais il arrive 
généralement que lorsque Vénus est à sa moindre 
distance de la terre, les deux planètes sont respecti- 
vement en T et en V, de sorte que Vénus passe au- 
dessus du soleil sans être vue. Elle ne passe que deux 
lois par siècle dans la situation favorable. La terre 
occupe le point A eu juin et le point B en décem- 
bre. 

Mais ce n'est pas tant sa rareté que son importance 
uranographique, qui donne à cet événement toute sa 
valeur et toute sa renommée. En se dessinant sur le 
disque lumineux du soleil, la planète Vénus offre 
aux astronomes un moyen précieux de calculer la dis- 
tance qui nous sépare du soleil lui-même. Ajoutons 
maintenant qu'indépendamment de l'intérêt particu- 
lier qu'elle peut nous offrir en elle-même, cette dis- 
tance est la hase de toutes les mesures astronomiques. 
Qu'elle s;)it fausse, tous les chiffres donnés pour la 
mesure cli s distances des planètes, des comètes ou 
des étoiles sont erronés eux-mêmes. Qu'elle soit 
exacte, et nous avons eu mains le mètre du système 
du monde et de toutes les évaluations de distances 



célestes. On s'explique donc sans peine tout le bruit 
qui se fait depuis plusieurs années à l'égard de cette 
intéressante planète, que les astronomes avaient un 
peu délaissée depuis le siècle dernier ; on comprend 
tous les préparatifs entrepris pour distribuer sur le 
globe les meilleurs postes d'observation, de chacun 
desquels on pointera avec la plus grande précision 
possible la route suivie par Vénus sur le disque so- 
laire. C'est par la réunion et par la comparaison 
de toutes les observations que Ton déterminera l'an- 
gle sous lequel la grandeur de la terre serait vue du 
soleil, angle qui donne la distance du soleil à la 
terre, ou, en ternies consacrés, la parallaxe du so- 
leil. 

Examinons d'abord la méthode employée pour la 
i mesure des distances inaccessibles. 

On sait que les mesures des grandes distances et des 
i distances inaccessibles ne se prennent pas directement 
. en portant un mètre, un décamètre, surleur longueur ; 
mais géométriquement, par la formation de trian- 
gles. Cette dernière méthode de mesure, que l'on 
pourrait appeler théorique, est aussi exacte que la 
première, que l'on pourrait appeler pratique et 
usuelle. Il faut môme dire qu'elle est plus exacte 
car elle diminue les erreurs d'observation. Si, par 
exemple, on détermine par la géométrie la distance 
j d'un point de la façade de l'Observatoire à un point 
de la façade du palais du Luxembourg, on peut trou- 
ver un chiffre exact à un centimètre près, quoique 
la distance soit supérieure à un kilomètre, résultat 
qu'on n'obtiendrait pas en portant directement une 
chaîne d'arpenteur le long de l'avenue de l'Observa- 
toire. Il est inutile, d'ailleurs, d'ajouter que la mé- 
thode pratique serait impossible à employer dans les 
cas de distances inaccessibles, et dans ceux où les 
distances dépassent une certaine longueur. Le pre- 
mier qui essaya de mesurer un degré du méridien de 
la France, le médecin Fernel, en 1528, prit directe- 
ment, il est vrai, cette mesure, en comptant les tours 
de roue de sa voiture le long de la route de Paris à 
Amiens, et par une singulière compensation entre 
toutes les causes d'erreurs inhérentes à ce procédé, 
le chiffre trouvé (56,070 toises), ne diffère pas de 
mille toises avec le chiffre donné plus lard par des 
opérations strictement scientifiques. Mais les instru- 
ments de mesure, la trigonométrie et les logarithmes 
ont conduit à i;nc précision incomparablement plus 
grande. Eu 1G6'J, Picard, membre de l'Académie des 
sciences, fondateur de l'Observatoire de Paris, me- 
sura la dis! auce entre Paris et Amiens, c'est-à-dire 
entre le 48 e et le 49 a degré de latitude, en choisis- 
sant d'abord sur le sol une base, qu'il mesura exac- 
tement, et sur laquelle il établit, pour déduire en- 
suite parle calcul la longueur cherchée, un réseau 
de triangles ayant alternativement leurs sommets 
placés à droite et à gauche de l'arc à déterminer, et 
il trouva pour la longueur d'un degré dans cet in- 
tervalle 57,000 toises, qui répondent à ll\, c 212 
mètres. Cette mesure, vérifiée depuis par les géo- 
mètres les plus éminents, a été trouvée exacte, àuno 



LA flATUKK. 



minime fraction près. L'a de ses résultats les plus 
heureux, c'est qu'elle a, pour ainsi dire, préservé du 
néant la découverte de l'attraction. Lorsqu'on 1GG&, 
Newton découvrit l'identité de la pesanteur avec la 
force qui soutient la lune autour de la terre et les 
planètes autour du soleil, il ne put vérifier l'exacti- 
tude de son idée, l'appréciation géographique du d. - 
gré terrestre (49,540 toises) 
étant alors erronée, et la 
loi du carré des distances se 
trouvant fautive, il aban- 
donna tout à fait ses tra- 
vaux. Ce n'est qu'après la 
mesure de Picard , en es- 
sayant si le nouveau degré 
s'accordait avec sa théorie 
qu'il trouva celle-ci parfai- 
tement exacte. De 1G85 à 
1718, la ligne mesurée dr 
Paris à Amiens fut prolon- 
gée d'une part , jusqu'à 
Dunkorque, et do l'autre, 
jusqu'à Perpignan et le mé- 
ridien, qui coupe Ja France 
dans sa plus grande lon- 
gueur , de 8 degrés , fut 
entièrement fixé par un en- 
semble d'opérations à la fois 
astronomiques et géodési- 
ques. Alors un réseau de 
triangles enveloppa du nord 
au sud le méridien central, 
et la carte de France fut 
exactement tracée pour la 
première fois. L'un des ré- 
sultats inattendus de cette 
opération fut de resserrer 

les frontières du royaume, ce qui fît dire à LouisXlV, 
en plaisantant que « Messieurs de l'Académie avaient 
enlevé au roi une partie de ses Etats. » 

Lorsque dans un triangle quelconque, on connaît 
l'un des côtés et deux angles, la longueur des deux 
autres côtés se détermine à l'aide 
de formules algébriques (fig. 5). 
Pour mesurer la distance d'un 
certain point, pris au milieu de 
la campagne au sommet d'une 
tour lointaine, on trace sur le 
terrain une ligne menée du 
point eu question vers un se- 
coud point, duquel on puisse 
voir le premier et la tour. On 
a ainsi trois angles d'un triangle. On mesure les 
deux formés aux deux bouts de la ligne, c'esl-à-dire 
aux points A et B ; le troisième formé par la tour, est 
obtenu par cette même opération. Puis, on mesure 
la ligne faite sur le terrain. Connaissant ainsi les di- 
mensions géométriques du triangle, la distance cher- 
chée s'obtient par un simple calcul. La mesur,: delà 
surface de Paris a été faite, il y a dix ans, par un ré- 





V, 



* v 3 



Fi-. 1. 




Fju, a. 



seau de triangles. Tous les points principaux de 
France et d'Europe sont déterminés aujourd'hui par 
des opérations astronomiques, et l'on en peut trou- 
ver les positions dans la Connaissance des temps. 
Distances et surfaces sont mesurées par des triangles. 
La géométrie a justifié son nom en prenant posses- 
sion du globe terrestre, et nul n'ignore aujourd'hui 

que le diamètre de ce globe 
est de 12,756,466 mètres 
à l'équateur , tandis qu'il 
n'est que de 12,713,110 
d'un pôle à l'autre. Les 
mesures trigonomé triques 
sont du reste les seules em- 
ployées et officiellement 
reconnues. 11 ne peut venir 
à l'idée de personne de 
douter de leur exactitude. 
Or c'est le même procédé 
qui sert à la détermination 
des distances célestes. Il se- 
rait donc d'un scepticisme 
injustifiable aujourd'hui de 
douter de la sincérité et de 
l'exactitude des mesures 
astronomiques, lors même 
que ces mesures nous éton- 
nent par l'audace de leurs 
résultats. 

La lune étant le corps 
céleste le plus rapproché 
de nous, sa distance est la 
première qui a pu être 
exactement déterminée. On 
la connaît depuis deux 
mille ans avec une approxi- 
mation remarquable, et il 
est vraiment impardonnable que tant de personnes 
l'ignorent encore à notre époque. Arislarque, de 
Samos, qui vivait au troisième siècle avant notre 
ère, l'avait évaluée à 55 ou 40 diamètres terrestres. 
L'astronome Hipparque, dans le premier siècle avant 
notre ère, l'estima à 32 dia- 
mètres. En réalité, elle est de 
a 30. C'est au milieu du siècle 

dernier, en 1752, qu'elle fut 
établie définitivement par deux 
astronomes, observant en deux 
points très-éloignés l'un de l'au- 
tre, l'un à Berlin, l'autre au cap 
de Bonne-Espérance. Ces astro- 
nomes étaient deux français, 
Lalande et Lacaille. L'un des côtés du triangle était 
formé par la ligne idéale qui, traversant l'intérieur 
de la terre, joindrait Berlin au cap de Bonne-Espé- 
rance. Les deux autres côtés étaient formés par les 
lignes qui iraient, l'une de Berlin au centre de la 
lune, l'autre du cap au même centre. L'observation 
simultanée faite aux deux stations donna d'abord les 
angles LAZ, LBZ', formés par la lune avec le zénith 



O 



TERRE 

O 



n 



V, 






LA NATURE. 



589 



Z, ensuite les angles LAT, LBT {fig. 4); puis la Ion- { ! L du centre de la lune au centre de la terre. On 
gueur des côtés et, en dernière analyse, la distance t connaît ainsi , rigoureusement , que la distance 



■ 




Fig. S. — Mes 



moyenne de notre satellite est de 96,109 lieues et de 
4 kilomètres. Et cette distance est aussi exactement 
connue que celle de Paris à Marseille. 



esurede ta distance <|ui sépare un point d'un autre point inaccessible. 



Si l'on voulait se servir du même mode d'obser- 
vation pour déterminer la distance du soleil, on n'y 
parviendrait pas. Cette distance est trop grande. Le 








Fig. i, — Jleuire de la distance de la lune & la terre. 



diamètre cnlior de la terre ne lui est pas comparable 
et ne formerait pas la base d'un triangle. Supposons 

que l'on mène de ^ ^ 

deux extrémités dia- 
métralement oppo- 
sées du globe ter- 
restre deux lignes al- 
lant jusqu'au centre 
du soleil, ces deux 
lignes se toucheraient 
tout le long de leur parcours , le diamètre de la 
terre n'étant qu'un point relativement à leur im- 
mense longueur. 11 n'y aurait donc pas de triangle, 




V€N US 



partant point de mesure possible. D'ici à l'astre du 
jour, il y a près de douze mille l'ois le diamètre de la 

terre! C'est r-omme 
si l'on prétendait 
construire un triangle 
cri prenant pour un 
côté une ligne de 
1 millimètre de lon- 
gueur seulement, de 
chaque extrémité de 
laquelle on mènerait deux lignes droites jusqu'à un 
point placé à 12 mètres de distance. On voit fjue 
ces deux lignes seraient presque parallèles, et quo 




590 



LA A AT LUE. 



les deux angles qu'elles formeraient à la base du 
triangle seraient vraiment deux angles droits. 

II a donc fallu tourner la difficulté, et c'est ce qu'a 
fait l'astronome Halley au siècle dernier, en propo- 
sant d'employer pour cette mesure les passages de 
Vénus sur le disque solaire. Cette méthode consiste 
à constater que, pour deux observateurs assez éloi- 
gnés l'un de l'autre sur la terre, Vénus n'occupe pas 
au même moment le môme point sur le soleil, et à 
mesurer la distance de points notés par chaque ob- 
servateur. 

Supposons que deux observateurs soient placés 
aux deux extrémités d'un diamètre terrestre, cha- 
cun d'eux vetra Vénus suivie une route différente 
devant le soleil. C'est là une affaire de perspective. 
Kn étendant la main et en levant l'index verticale- 
ment, il nous masquera tel objet en fermant l'œil 
gain lie et regardant de l'œil droit, et tel au Ire objet 
en fermant l'œil droit et regardant de l'œil gauche. 
Pour l'œil droit, il se projettera vers la gauche; pour 
l'œil gauche, il se projettera vers la droite. La diffé- 
rence des deux projections dépend de la distance à 
laquelle nous plaçons notre doigt. Dans cette com- 
paraison familière, dont je demande humblement 
pardon au lecteur, la distance qui sépare nos deux 
rétines représente le diamètre de la terre; nos deux 
rétines sont nos deux observateurs; notre index re- 
présente Vénus elle-même, et les deux projections 
de notre index représentent les places différentes 
auxquelles les astronomes verront la planète sur la 
surface du soleil. Pour que la comparaison soit com- 
plète, il serait mieux, au lieu d'étendre le doigt, de 
tenir une épingle à grosse tète à une certaine dis- 
tance de l'œil, de telle sorte que sa tète se projetât 
sur un disque placé à plusieurs mè',rcs, puis de 
faire voyager cette tète d'épingle devant le disque, en 
la regardant successivement de l'un et de l'autre œil. 

Considérons un instant les positions respectives 
du soleil, de Vénus et de la terre dans l'espace à 
l'heure du passage. Deux observateurs placés à la 
surface de la terre, aussi éloignés que possible l'un 
de l'autre, ob.-ervcnt Yéuus; pour chacun d'eux, 
comme nous l'avons vu, elle se projette sur un point 
différent de la surface du soleil. Joignons ces deux 
points par une ligne droite. Cette ligne mesure la 
distance qui les sépare l'un de l'autre sur le soleil. 
Maintenant, de ces points abaissons une ligne droite 
qui, passant par Vénus, ira aboutir à chacun des ob- 
servateurs terrestres. Nous vêtions de construire deux 
triangles (fig. 5). 

Le premier de ces triangles a sa b ise sur le soleil, 
formée par la ligne de jonction des deux points. Les 
deux autres côtés vont de ces deux points à Vénus, 
sommet du triangle. 

Le second triangle a également son sommet à Vé- 
nus, mais en sens opposé du précédent. Les deux 
grands côtés vont de Vénus à la terre, au lieu d'aller 
de Vénus au soleil. Son troisième côté ou sa base est 
formé par la ligne qui joindrait les deux observateurs 
terrestres. 



Dans ces deux triangles, la distance rectiligne qui 
sépare les deux observateurs terrestres est connue, 
puisqu'on connaît maintenant les dimensions de la 
terre. La troisième loi de Kepler démontre, d'autre 
part, que les côtés des deux triangles sont entre eux 
dans un certain rapport déterminé, lequel est égal à 
0,57 pour le triangle qui a sa base sur la terre. La 
distance r.ctiligne qui sépare les deux observateurs 
terrestres e^t les 37 centièmes de la ligne de jonc- 
tion, qui réunit les deux points de la projection de 
Vénus sur le disque du soleil. Le problème se réduit 
donc en définitive à mesurer cette ligue de jonction 
au«îi exactement que possible. Supposons qu'on la 
trouve égale à 48 secondes d'arc. Cette valeur prou- 
verait que le diamètre de la terre, vue à la distance 
du soleil, mesu-e 48"x0,57, c'est-à-dire 17"7C. 
C'est précisément là le chilfre cherché. 

La parallaxe du soleil n'est donc autre chose que 
la dimension angulaire sous laquelle on verrait la 
terre à la distance du soleil. Qu'est-ce qu'une se- 
conde d'arc ? C'est la grandeur apparente d'un mètre, 
ou d'un objet quelconque, éloigné de l'œil à 200,255 
fois sa longueur. Un objet qui est vu sous un angle 
de 17 secondes 70 centièmes est donc éloigné de 
l'observateur d'une quantité égale au cluifre que je 
viens de transcrire, divisé par 17,76. Si donc la terre 
vue du soleil sous-tend un angle de 17", 70, c'est 
tpie la distance d'ici au soleil est de ^-fr^-jp, c'est-à- 
dire de 1 1,614 fois le diamètre de la terre. 

ParJon de tous ces chiffres ! Mais, à vrai dire, il 
serait aussi difficile de traiter ce sujet sans chiffres 
que de faire de la peinture sans couleurs. Je n'ai 
donné que l'indispensable, et seulement pour faire 
concevoir l'e>prit de la méthode, car en réalité les 
calculs sont bien autrement compliqués. J'ajouterai 
même qu'au lieu de mesurer la distance qui sépare 
les points de projection, ce qui est assez difficile, on 
tourne encore la difficulté eu transformant l'espace 
en temps, c'est-à-dire en observant avec soin la durée 
du passage et principalement les instants de l'entrée 
et de la sortie de la planète aux différents points 
d'observation. 

Au lieu du diamètre entier de la terre, on exprime 
les valeurs précédentes par le demi-diamètre ou le 
rayon, ce qui du reste ne change rien aux propor- 
tions. Si le chiffre précédent (que j'ai choisi pour 
plus de simplicité) était exact, la parallaxe du soleil 
s'exprimerait donc par le chiffre 8", 8 8, angle sous 
lequel on verrait le rayon, de la terre à la distance 
du soleil. Ku réalité, le chiffre adopté actuellement 
est 8",91, qui correspondu 23,200 rayons équato- 
riaux de la terre, c'est-à-dire 148 millions de kilo- 
mètres. 

Telle est la méthode de triangulation employée 
pour mesurer la distance qui nous sépare du soleil. 
La parallaxe adoptée actuellement de 8", 91 cor- 
respond, disons-nous, à une distance de 37 mil- 
lions de lieues. Il y a encore plus de 400,000 lieues 
d'incertitude sur ce chilfre. C'est cette incertitude 
que l'observation du prochain passage de Vénus, im- 



LA NATURE 



59! 



patiemment attendue par les astronomes de tous les 
pays, doit faire cesser. Avec la précision des mé- 
thodes d'observation que nous possédons aujourd'hui, 
on est assuré d'obtenir par le passage du 8 décembre 
prochain le nombre cherché à IpOO d'approximation, 
c'est-à-dire que la distance de la terre au soleil sera 
mesurée ce jour-là à 75,000 lieues près sur 57 mil- 
lions. Camille Flamwamom. 



>^c 



LA COMISSIO.N DE PÈCHE 

AUX ÉTATS-UNIS. 
(Suite. — Voy. p. 35Ô.) 

Supposons que d'après les indications de la sonde, 
on se soit assuré qu'il faille, pour faire des captures, 
racler le fond de la mer. Nous emploierons à cet 
effet la drague. Cet instrument ressemble à peu 
près à une valise pour le transport des lettres aux 
États- Unis, avec cette différence que celle-ci est fer- 
mée, tandis que l'orifice de la drague est toujours ou- 
vert. Une pareille valise eût été bien efficace au temps 
de Washington, alors que tout ce qui entrait dans le 
filet, était poisson. La drague doit toucher à plat le 
fond pour être traînée l'orifice en avant. Les lèvres 
de cet orifice sont des pièces rigides en fer. A mesure 
que lu drague s'avance, tout ce qu ; lalèvreinférieure 
ramasse, entre dans la boîte; celle-ci n'est qu'un 
treillis protecteur d'un filet intérieur qu'il empêche 
de se déchirer. 

Le grand inconvénient de ces appareils, c'est 
qu'arrivés au fond pour l'exploration, ils peuvent s'y 
accrocher et y rester. La drague emportée pour la 
laineuse expédition du Hassler, avec un bagage con- 
sidérable de lignes et de cordages, lut perdue la 
première fois qu'on la descendit au fond de l'Océan. 
Cet accident causa la plus vive douleur au profes- 
seur Agassiz, qui se promettait de rapporter de son 
exploration monts et merveilles. 

Quand la drague s'attache ainsi au fond du sol océa- 
nique il y a différents moyens connus par les marins 
pour l'en dégager. Si la traction exercée sur la drague 
est considérable, l'une des cordes fixée à l'un des 
coins de l'orifice de la boîte, à dessein plus faible 
<pie les autres, se rompt 11 en résulte que la boîte 
traînée par un seul coin, tourne sur elle-même et se 
dégage. ^ 

La méthode imaginée par le capitaine Beardslec 
est encore très- efficace, fcàlc consiste à tenir en ré- 
serve une certaine quantité de corde lâche, au moyen 
d'une cordelette plus légère que l'on y attache de 
distance eu distance. Lorsque la corde plus légère se 
ompt par l'effort de la traction, les parties lâches 
de la grosse corde entrent en fonction, et permettent 
au navire de s'arrêter. Cette disposition est appelée: 
arrêt pour stopper (eheck-stop). 

Mais nous avons laissé nos naturalistes à la proue 
du navire. Nous disons à la proue, non à la poupe, 



où la drague pourrait singulièrement cèner l'hélice. 
Une petite machine va faire descendre, et ramènera 
tout à l'heure, la corde delà drague ; elle emprunte 
sa force motrice à la machine à vapeur du navire; 
elle exige peu de force, et est très-maniable. 

L'homme qui est près de la roue fait sonner la 
cloche, le mécanicien du navire pousse un levier et la 
petite machine se met à fonctionner et à dérouler la 
corde. Tout cela s'exécute en un clin d'oeil; la cor- 
delette qui maintient la corde lâche de la drague est 
rompue avec un bruit strident, et la corde de réserve 
entre en fonctions. 

Quand la drague a été traînée au fond de la mer, 
on la remonte. Lorsqu'elle rapporte une grosse 
charge — non pas une pierre, toutefois! un rocher, 
comme elle fit l'été dernier, et qui fut exposé long- 
temps comme un trophée au frontispice du labora- 
toire — -mais une bonne prise, l'émotion est générale 
à bord. Que trouverons-nous d'abord dans notre sac? 
se demande-t-on non sans anxiété. Nous y verrons 
surtout de la boue. Auss la première opération con- 
siste t-elle à vider la drague, en jetant son contenu 
sur un tamis, où l'on fait couler un torrent d'eau 
qui entraîne le limon. 

Nous voici arrivés au moment solennel. Les natu- 
ralistes plongent les mains dans l'amas d'herbages 
qui apparaissent après ce premier lavage. Parfois un 
être bizarre se montre aux yeux des spectateurs; il 
est mis en bouteille, en bocal, dans un réservoir ou 
dans un seau. Les premières prises que l'on opéra 
sous mes yeux à bord du Blue Light, furent 
d'ab'ird le concombre de mer et Y orange de mer 
qui justifient leur dénomination par leur similitude 
avec ces fruits de la terre ferme. Aussitôt que ces 
curieux êtres sont recueillis, l'unique précaution 
utile à prendre, c'est de les maintenir dans l'obscu- 
rité, en les entourant d'eau de mer et de glace. L -, s 
ténèbres et le froid sont en effet les conditions de vie 
de ces organismes. On dresse une liste de tous les 
objets pris dans chaque draguage, et vous pouvez 
être certains que des cinquante ou soixante sujets 
divers qu'apporte chaque fois la drague, il n'y en a 
pas une demi-douzaine qui soit connue, et qui ait 
une dénomination déterminée. 

La drague est quelquefois remplacée par le filet, 
dont la forme est conique, et qui a des poches laté- 
rales intérieurement. Une rangée de plombs rem- 
place les formidables râcloirs delà drague, ce qui fait 
que l'on recueille ainsi moins de boue. 

Le filet, bien qu'il balaye le fond, saisit les pois- 
sons mieux que la drague, et la récolte qu'on y 
trouve ressemble davantage à celle d'un filet ordi- 
naire. Si l'on recueille par exemple, un porgy (fig. 1) 
(Slcnotomus argyrops), au milieu de toutes ces for- 
mes étranges, c'est comme si l'on rencontrait une 
vieille connaissance loin du pays natal. 

Le porgy évite les froides régions du cap Cod, et 
dans la baie de Casco, il n'est qu'un visiteur de pas- 
sage. On a fait des efforts désespérés, pour l'y faire 
prospérer, avant que l'art de la pisciculture lût 



8U2 



LA NATURE. 



bien entendu. 
En 1832 les pê- 
cheurs de Bos- 
ton ont apporté 
toute une car- 
gaison de por- 
gys qu'on relà- 
chadansleport. 
En 1855, le capi- 
taine Downesde 
llolrnes'.slloles, 
rendit le même 
service au port 
de I'lymoutli. 
Maisleporgyest 
revenu à ses pre- 
mières amours, 
et fréquente 
les « Choiera 
banks, » pour 
y être la proie 
prédestinée 
des touristes 
à bord des 
bateaux à va- ( 
peur de New- ^? 
York. 

Il serait à 
souhaiter 
pour tous les 
poissons de la 
Nouvelle An- 
gleterre, que le Cory- 
phène (fi g. 2) (poisson 
bleu ) , ou Pomatomus 
saltatrix eut les mêmes 
préventions que le porgy 
contre les côtes abruptes 
et rocailleuses. Cet ogre 
marin a de nombreuses 
résidences, et prend dif- 
férents noms. A New- 
Jersey et à New-Port il 
s'appelle maquereau 
équestre; dans le Mary- 
lamljl prend le surnom 
de tailleur, dans la 
Virginie, c'est le poisson 
vert, dans la Caroline 
du Sud c'est un parve- 
nu. A New-York même 
il n'a pas de nom fixe. 
S'il est jeune , c'est 
un maquereau sauteur, 
pour la même ville. En 
remontant la baied'IIud- 
soil, il passe pour un 
poisson blanc. Qu'un 
poisson blanc puisse 
aussi être un poisson 



Su 




pwnRUflflî : 


W|j»««*-'V*3wA.^*i*Ai 


.'y&A'v,; 


■ 






Fig. 1. — Le port y (Slenolomus argyrops). 




Fig. 2, — Le coryphène. (Poissou bleu.) {romatomus saltatrix) 








Fiç. 3. — L'oie de m ci (Ophitis aineiicanus) 



bleu, un pois- 
son vert, n'est- 
ce pas démon- 
trer par cette 
variété de noms 
combien il est 
important de 
remplacer la 
confusion de 
langage, par des 
noms scientifi- 
ques devenus 
une des néces- 
sités de l'his- 
toire naturelle. 
Quoi qu'il en 
soit, la commis- 
sion de pisci- 
culture a mon- 
tré que le 
coryphèneest 
un des plus 
grands dévas- 
tateurs de nos 
eaux; il dé- 
truit et met 
en pièces, 
dans un es- 
pace de temps 
très-restreint, 
une innom- 
brable quan- 
tité de poissons. Les co- 
ryphènes se mettent par 
bandes à la poursuite 
de poissons qui ne sont 
guère moins gros qu'eux- 
mêmes, ils les «errent 
de près, semblables à 
des loups affamés, et 
laissent partout derrière 
eux des traces de car- 
nages : la mer est rouge 
de sang sur leur pas- 
sage, l'on y aperçoit des 
fragments de poissons. 
Lorsque la victime est 
trop grosse pour la glou- 
tonnerie du coryphène, 
il lui coupe l'arrière- 
train, tandis que la tèlt 
elle reste surnagent. La 
voracité de cet animal 
est telle, assure-t-on, 
que lorsque l'estomac 
est gonllé, rempli, l'ani- 
mal vomit ses victimes, 
pour faire place à de 
nouvelles proies. L'es- 
tomac du coryphène que 




Fig. ;i. — Concombre de iî.a ■J'euias.'a IrvnUjm, 



Fig. à. — Oranjjc de mer (Lopiiothuna (abricû). 





Fig, 6. — Pomme de terre de mrr (Boltenia 
reniformis). 



Fig. 7. — Un nouteati polype [Cerian llius borcalisù 



S9-i 



LA NATUP.E. 



l'on pcclio, est toujours- rempli de poissons, au nom- 
bre quelquefois de In nie ou quarante, soit entiers, I 
soi! eu fragments- ! 

Voilà bien la plus affreuse créai ure qu'il y ait, 
s'e\ilama un marin du Blue Ligh, en retirant l'oie 
de mer (goose fish) (fig. 3). Nul de nous n'y contre- 
dit. Ce poisson n'était pas très-gros, si l'on veut le | 
comparer aux spécimens de Lophius americamis qui 
I è^ent jusqu'à soixante-dix livres : celui qui ve- 
nait d'être pris n'était pas aussi volumineux. Mais il 
avait un aspect monstrueux indiquant la voracité. 

Le lophius est généralement à l'affût sous la vase 
où il se cache, et se tient prêt, à ouvrir sa large 
gueule pour happer ce qui vient à sa portée. Le nom 
d'oie de mer vient peut-ê're, à ce poisson, de la 
l'orme de ses nageoires, semblables à des pattes 
d'oie, mais peut-être aussi ce nom vient-il de la stu- 
pidité de 1 animal, qui se laisse échouer. Si quelque 
naturaliste, à l'âme sensible, le remet à flot, cela 
ne l'empêche pas de recommencer son naufrage. 

L'on ignore généralement que dans nos eaux nous 
iivons un poisson capable de donner des commotions 
électriques. La torpille [Torpédo occidentalis) , pe- 
siint quelquefois jusqu'à soixante livres, est un formi- 
dable Mllflgoniste, dont les secousses assomment un 
homme. Nous ne pouvons ici refuser un témoignage 
de sympathie à un certain chien Yankee devenu très- 
habile à l.i pèche des carrelets et des limandes, qu'il 
happait dans 1"S bas-fonds. Dans une occasion, il em- 
poigna de l.i sorte une torpille. Il reçut une commo- 
tion terrible. Il se mit à hurler longtemps d'une 
manière lamentable, et dès lors il ne put jamais se 
déciiler à retourner à la pèche. 

Tels sont quelques spécimens d animaux que nous 
avons successivement rencontrés dans les explo- 
rations du Blue-Liyht. Mais, pour voir les [dus 
étranges créatures de nos eaux, nous reviendrons au 
laboratoire du quartier général de l'île de Peake où 
sont conservées de véritables merveilles qu'il faut 
admirer au milieu des ténèbres. Commençons d'abord 
parles mollusques. Avons surtout la main légère, 
manions délicatement ces plantes sensitives, qui, 
de nuit sortent leurs cornes et tentacules, dans 
l'eau glacée. La lumière d'une lampe ne les trouble 
pas. Ce Dcndronotus arborescent, par exemple, porte 
incontestablement une végétation sur le dos. 

V orange de mer (Lopholhuria fabricii) et \nCon- 
combre de mer (Pentacla fronclûsa) ont des beautés 
singulières (fig. 4 et 5). La première a toutes les 
riches couleurs et l'aspect général d'une orange 
rosée. La couronne de tentacules qu'elle déploie a 
toutes les nuances délicates de l'œillet. Le concom- 
bre, pris à trente brasses de profondeur, dans la 
baie de Passemaquoddy, était extérieurement d'un 
riche vert foncé, et pré&eute réellement l'aspect d'un 
concombre, six pouces de longueur et dix de circon- 
férence. Le coucombre déploie, pendant la nuit, une 
magnifique couronne de tentacules. Agassiz prétend 
ipie le concombre peut se manger, et a la saveur du 
homard, l' orbes dit que les pêcheurs des îles Shet- 



land classent le-', concombres de mer parmi les 
prishen, ce que nous traduirons par le mot pois- 
son. 

La pomme de terre de mer, ressemble beaucoup 
au tubercule de ce nom (fig. G). La queue ou tige du 
Boite/lia reniformisest pareille à ces racines qui pen- 
dent quelquefois à la pomme de terre. Lue remarque 
particulière à faire quant à cette similitude, c'est que 
celle-ci ne tarde pus à disparaître après la capture, 
et ne subsiste pas après la mort de l'animal. Conser- 
vée dans l'alcool, la pomme de terre de mer perd 
toute sa beauté. 

Le Boltenia offre un intérêt particulier, il porte 
des excroissances semblable? à un feuillage. Examiné 
au microscope, ce feuillage est un groupe d'hydroï- 
des, niasses gélatineuses dont le professeur Agassiz 
nous a dit les étonnantes pérégrinations et transfor- 
mations en Méduses. La chrysalide changée eu pa- 
pillon ne passe pas par des métamorphoses si étran- 
ges. Comme exemples de transformation analogue, 
il y aurait bien d'autres êtres à citer; un polype les 
plus récemment découverts notamment, l'une des 
nouveautés dans les explorations de l'an dernier, 
devient dans sa dernière métamorphose, un être gé- 
latineux armé d'un suçoir par lequel il se fixe à un 
rocher ou à une pierre- 

A propos de polypes, ne perdons pas de vue l'un 
des êtres les plus nouveaux, trouvés pour la pre- 
mière fois par la commission de pisciculture, le Ce- 
rianthus borealis (fig. 7). Le corps de cet animal est 
singulièrement allongé et effilé; il porte mie splen- 
tlide tresse de tentacules, qu'il déploie et agite: les 
tentacules du milieu ou intérieurs sont d'un ton 
châtain clair; ceux de l'extérieur sont d'un rose 
rougeàtre, et les plus longs d'entre eux sont tachetés. 
L'un des spécimens était do huit pouces de lon- 
gueur, ce qui est une grande dimension pour un 
polype 1 . C. Wyckoff. 

— La fin prochuiimiiictil. — 



PRÉSENCE DU CUIVRE DANS LE KIKSC11 

î (Exrra.iEsci s de m. boussungaum.) 

S'il est vrai que la pratique industrielle a parfois 
, éclairé la science pure, il n'en est pas moins mani- 
I feste que les arts chimiques font très-fréquemment 
• fausse route, en mettant en usage des réactions em- 
piriques qui ne sont basées sur aucune expérimen- 
j talion rigoureuse. Les faits nouveaux que M. Bous- 
' singault vient de mettre en évidence sur l'emploi 
de la teinture de gaïac pour apprécier la pureté du 
kirsch, en sont un exemple frappaut. 

Depuis nombre d'années, quand un industriel 
veut reconnaître la pureté d'un kirsch dont il fait 

1 Extrait et trait uit du llarper's new Monllily Magazine 
(te Ncw-Yojk. 



LA NATURE. 



595 



l'acquisition, il l'éprouve en en prélevant une petite ! 
quantité, qu'il additionne de teinture de gaïac. Si la 
liqueur prend instantanément une coloration bleue, 
le commerçant considère le kirsch comme pur ; si 
au contraire elle ne se colore pas, il se refuse à le 
regarder comme un produit loyal et marchand, il 
le rejette comme une substance falsifiée. 

Cependant quelques fabricants, protestaient liau- : 
tement contre cette réaction de la teinture de gaïac, j 
acceptée sans contrôle suffisant, comme un article de 
foi. « Notre kirsch est pur, disaient-ils, et certains 
marchands nous le refusent, parce qu'il ne se colore 
pas en bleu avec la résine de gaïac, mais il est 
réellement exempt de tout mélange; il est fabriqué 
dans des alambics chauffés au bain-marie. Nous 
savons cependant que le kirsch distillé dans les 
campagnes, où l'on fait usage de petits alambics 
chauffés à feu nu, bleuit au contraire dans les 
mêmes circonstances. D où vient cette différence? » 
M. Boussingault s'est chargé de répondre à cette 
question intéressante. Déjà M. Bouis avait démontré 
que la coloration du kirseh par le gaïac provient des 
traces de cuivre apportées par les alambics chauffés 
à feu nu, et que, en présence de l'acide prussique, 
le gaïac constituait un des plus sensibles réactifs du 
cuivre. 

Le savant chimiste du conservatoire, rappelle que 
le kirsch, d'après les dosages de M. Joseph Boussiu- 
gault, renferme toujours de l'acide cyanhydrique; 
il contient eu outre de l'huile essentielle d'amandes 
anières et une petite quantité d'acide acétique. La 
présence de ce dernier acide s'explique facilement. En 
effet, les distillateurs en Alsace considèrent la fer- 
mentation d'un moût de fruits comme terminée, 
quand la Mirfacese recouvre d'une mince pellicule, 
formée de m icoderma vini et de micoderrna aceti. 
Aussilôt que cet indice apparaît, on distille. Mais le 
micoderrna aceti a déterminé la production d'une 
petite proportion d'acide acétique, qui passe avec 
l'alcool pendant la distillation, et qui s'unit avec 
l'oxyde de cuivre dont le chapiteau ou le serpentin 
de l'alambic, peuvent contenir quelques traces. Le 
kirsch formé renfermera donc de l'acétate de cuivre, 
peut-être du cyanure; de l'acide prussique, et il 
prendra instantanément une coloration bleue avec 
la teinture de gaïac. L'eau-de-vie de prunes, qui con- 
tient seulement de l'acétate de cuivre, sans acide 
prussique, bleuit dans les mêmes conditions lentc- 
t cm eut et progressivement. 

M. Boussingault a confirmé ces appréciations par 
des expériences directes. 11 a préparé une solution 
alcoolique contenant une petite quantité d'acétate 
de cuivre (0 gr ,0002). Il y a versé de la teinture de 
gaïac; la coloration bleue, ne s'est manifestée qu'a- 
près deux minutes environ, comme cela a lieu pour 
l'eau-de-vie de prunes. L'huile essentielle d'amandes 
arnères, n'active pas la coloration; l'essence de téré- 
benthine l'accélère sensiblement, l'essence de ber- 
gamote la rend immédiate. 

Enfui M. Boussingault a préparé un kirsch artifi- 



ciel, en aroina'isaut de l'alcool à 55" avec de l'eau 
de laurier-cerise, qui renferme comme on le sait de 
l'essence d'amandes arrières, et de l'acide prussique. 
Il a ajouté 0,0002 d'acétate de cuivre dans la li- 
queur. La coloration en bleu par la teinture de gaïac 
a été immédiate. 

Ces expériences démontrent nettement l'inanité 
de la réaction admise dans le commerce du kirsch, 
puisque pour donner à un kirsch artificiel, l'appa- 
rence d'une liqueur naturelle et pure, il suffira d'y 
ajouter une petite quantité d'acétate de cuivre. 

M. Boussingault a complété ses recherches, en 
dosant le cuivre contenu dans le kirs h préparé par 
les brûleurs alsaciens. 1 litre de kirsch renferme 
0& r ,10 de cuivre, équivalant, à 0B r ,514 d'acétate de 
cuivre. 

Quand on boit un polit verre de kirsch {20 cen- 
timètres cubes environ), on absorbe 0s r ,002 de cui- 
vre métallique, ou gr ,006 d'acétate de cuivre. A 
une si faible dose, le cuivre ne saurait exercer une 
influence funeste; mais le kirsch deviendrait une 
liqueur dangereuse si l'on eu faisait abus. La 
boisson n'a pas de saveur métallique perceptible, 
parce qu'elle est très -alcoolique; M. Boussingault a 
encore facilement démontré ce fait par l'expérience. 
gr ,2;> d'acétate de cuivre dans un litre d'eau, ont 
donné une liqueur d'une saveur métallique désa- 
gréable et persistante; la même quantité de ce sel 
de cuivre dissoute dans le même volume d'alcool à 
55°, a fourni une liqueur n'ayant aucune saveur 
métallique. 

11 résulte de ces intéressantes recherches, que la 
plupart des kirschs alsaciens, contierin nt du cuivre, 
en petile quantité, cela est vrai, mais ils en contien- 
nent : la présence de ce métal est accidentelle, elle 
peut par conséquent dans certaines circonstances 
prendre des proportions plus considérables, et de- 
venir un danger public. Il serait donc prudent d'in- 
terdire la vente de toute eau-de-vie contenant des 
traces de cuivre ; ce métal y serait facilement décou- 
vert par la teinture de gaïac. Si quelques gouttes de 
ce réactif ver.- ée s dans une liqueur alcoolique, don- 
nent une coloration bleue, c'est que la liqueur al- 
coolique renferme du cuivre. 

L'administration ne doit pas tolérer- la présence 
de matières vénéneuses dans les aliments ou les 
boissons, en si faible dose qu'elles s'y rencontrent. 
Elle fait saisir les fruits confits dans le vinaigre, 
auxquels on a ajouté du cuivre pour en rehausser le 
ton, elle interdit la vente des sucreries, et même 
des papiers qui les enveloppent, quand ces matières 
empruntent Jeur coloration à des sels de cuivre, de 
plomb ou d'arsenic. Qu'elle applique donc cette sage 
mesure à la vente du kirsch. AI. Boussingault, sans 
se borner à signaler le mal, a su indiquer le procédé 
pour le reconnaître ; les distillateurs trouveront fa- 
cilement le moyeu d'en éviter la cause. 

fiASTOM TlSS.WMHKvR. 



><>< 



390 



LA X A TU RE. 



LES SONDAGES DE L'OCÉAN PACIFIQUE 

ET I.E CABLE ÉLECTRIQUE DES ÉTATS-UMS AD JAPON. 

Depuis plusieurs années les Américains se préoc- 
cupent de compléter la grande lacune télégraphique 
qui existe actuellement outre le réseau américain et 
le réseau asiatico-européeu terminé à Yokohama. Le 
Tuscarora, frégate à vapeur des États-Unis, a reçu 
la mission de déterminer par des sondages la route 
la plus favorable pour placer un câble électrique 
sous-marin. 

Les commencements de la campagne ne furent 



pas heureux. Il semblait que la solution de la ques- 
tion dût être indéfiniment ajournée, car deux tracés 
successivement essayés avaient conduit à des gouf- 
fres insondables, dans les profondeurs desquels il 
n'eût point été prudent de laisser tomber le câble. 
Nous donnons le profil sous-marin du tracé qui a 
été choisi comme définitif et dans lequel on ne ren- 
contrera aucune difficulté insurmontable, quoique 
la profondeur de l'Océan soit considérable. En effet, 
il est facile de voir qu'elle a deux grands sillons 
dans lesquels la profondeur dépasse 6,01)0 mètres 
et qui répondent l'un, à la passe d'Unmiak, l'autre 
aux passages océaniques situés entre le Kamtschalka 
et la chaîne des îles Aléoutiemics. Mais nulle part 




Carie montrant la place du fultir câble îles F.lals-L'uis au Japon, d'après les sondages du Tuscarora, 



on n'a découvert de fond de roche, quoique les son- 
dages aient eu lieu de 40 en 40 kilomètres. Presque 
partout le fond du Pacifique boréal est formé d'une 
sorte de boue particulière à laquelle les sondeurs de 
l'Atlantique ont donné le nom maintenant classique 
à'ooze. Quelquefois, mais rarement, on a trouvé un 
sable gris noirâtre. Dans le voisinage des îles Aléou- 
tiennes on a pèche des échantillons d'épongé. 

Quoique notre profil semble à première vue dire 
le contraire à cause de la grandeur de notre échelle 
des profondeurs, la pente dans le Pacifique n'est 
jamais supérieure à 1 mètre sur 7, et par conséquent 
très-suffisante pour la bonne tenue du câble. 

Le point d'attache au continent américain sera le 
cap Flattery, extrémité boréale du territoire de 
Washington. C'est là que se terminait le domaine 
de l'Union avant l'annexion récente de l'île Van- 
couver. 



Le câble passant près de l'endroit exploré une 
première fois, en 18G3, se rendra à l'île d'Oula- 
naska, qui est la principale de l'archipel et que le 
volcan Miikouchinsk a rendu célèbre. On y établira 
près du cap Illiouk une station télégraphique. 

D'Oulanaska, le câble se rendra presque directe- 
ment à Yokohama, en passant près de l'île Tanaga, 
dans laquelle se trouve encore un volcan et où le 
fond de l'Océan se relève assez brusquement. 

C'est dans le voisinage de cette île que l'on a dû 
effectuer de nombreux sondages pour éviter de des- 
cendre dans les eaux dont la profondeur dépasse 
3,000 brasses. Le nouveau tracé est supérieur à 
l'ancien qui descendait plus au sud et qui avait une 
longueur de 7,500 kilomètres. La distance est ré- 
duite à 6,000 kilomètres par la nouvelle voie. 

Il est vrai que les difficultés de la pose sont aug- 
mentées parce que les brouillards sont fréquents 



LA NATURE 



597 



dans ces parages. Los îles où les navires peuvent 
relâcher sont presque désertes et n'offrent aucune 
ressource aux navigateurs; mais, avec les moyens 
dont on dispose, on n'a pas sérieusement à craindre 
les accidents dû mer. 

il n'est point inopportun d'appeler l'attention de 
nos lecteurs sur un fait physique d'une grande im- 
portance. Comme on le sait, le courant marin du 
Japon dévie vers hs côtes d'Amérique, vient réchauf- 
fer les îles Vancouver à peu près comme le Gulf- 
slream du golfe du .Mexique vient réchauffer les îles 
Fcroe, quoique d'une fjçon beaucoup plus efficace. 



; Ce grand courant remonte le long des côtes d'Amé- 
rique et vient pénétrer dans la passe d'Unimak. Mais 
il ne tarde pas alors à perdre une énorme quan- 
tité de chaleur, par suite de son mélange avec les 
eaux fraîches descendant des mers polaires vers 
l'Amérique. 

11 n'en est pas de même pour le br:is qui suit le 
grand sillon océanique et qui pénètre directement, 
clans le détroit de Behring, avec une largeur de 
400 kilomètres. Qui sait si ses effets ne se font point 
sentir dans ce bassin où notre regretté Gustave Lam- 
bert voulait se hasarder pour s'élancera la conquête 




Coupu des profondeurs de l'océan Pacifique de l'île Tanuga au cap Fiaitery ^Élais-L'iiis). 



i ,1 1 ...t,.. l .,UJ, 



.,!.. .1-,,-L, 






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.: L_i._! : 



YOKijHwMA 




COUPE TERRESTRE, pi» FOND 0E -L'A WÇ 

'''-'' ■ .... ; ... ......;..: : ;...::....'..: ..'....;.._ .. 



Ù.^...:.Q.':... ■....:.„:'....::..>.:.. -...:.. '.y., '.r'.i'..: .. . <.:.■'■■ .< |n 



Coupe des profondeurs de l'océan Pacifique de Yokohama à l'Ile Tanapa. 



du pôle? 11 est consolant de voir que les explorateurs 
du Tuscarora remettent son projet à l'ordre du 
jour, pendant que les résultats de l'expédition autri- 
chienne dont nous venons de parler précédemment 
ont montré les obstacles que les navigateurs doivent 
avoir à franchir pour s'élever vers le nord, s'ils 
tentent la fortune dans la mer du Spitzberg. 



CONGRÈS INTERNATIONAUX 

SÉIUCICOLE ET YITICOLE DE MONTPELLI ER. 
{Suite et fln. — Voy. p. 382.) 

M. Michel Perret, ingénieur (de l'Isère) expose une dis- 
sertation théorique sur le Phylloxéra. 11 déclare qu'il est 



d'avis de renoncer à tout insecticide, et d'abandonner au 
Phylloxéra tout ce qu'il a conquis {protestations nom- 
breuses). Il propose de constituer dans les vignes, entre 
les sillons, un milieu protecteur, formé à la fois d'insecti- 
cide et d'engrais, où les vignes pourraient développer de 
nouvelles radicelles. Cette théorie, que n'appuie aucune 
expérience, parait médiocrement goûtée par l'auditoire. 
Vient ensuite M. L. Faucon, accueilli avec une faveur 
méritée. Il reprend l'historique de ses remarquables ré- 
sultats de la submersion hibernale qui lui ont permis près 
d'Avignon de régénérer son vignoble. La submersion doit 
durer quarante jours à la fin de l'automne, le Phylloxéra 
élantencoreactif, quarante-cinq jours en hiver, lorsqu'il est 
engourdi. Il faut y joindre de bons soins et une énergique 
fumure ; M. Faucon emploie les tourteaux de colza, soit 
seuls, soit mélangés d'engrais chimiques. La production 
normale de son vignoble était tombée en 1869 de 955 à 35 
hectolitres. En 1874 elle est montée à 1,175 hectolitre?. 



393 



LA NATURE. 



après cinq années de submersion. Les autres vignes, en 
situation non inondable, sont mortes depuis lîtfl, malgré 
trois ans de fumure. 

M. de Ricard, un véritable orateur, avec une exubéian.e 
de gestes et une fougue toute méridionale, se déclare l'é- 
lève et le grand admirateur de M. Faucon. Il a une foi ab- 
solue dans le Phylloxéra cause. C'est du temps perdu, 
dit il, que de parler de dégénérescence, de nature, de 
terrain, de l'utilité des engrais, etc -, oa relardera lu mort, 
voilà tout! 11 a vu des vignes sous l'eau, de décembre 
ea mai, et se portant très-bien. 11 a apporté des perfec- 
tionnements à la méthode de submersion de M. Faucon. 
Celui-ci, par cette méthode, a rendu ses terre argilo- 
eakaires encore plus compactes quelles n'étaient naturel- 
lement, et a négligé de les ameublir. L'élève de M. Faucon 
a prouvé, par expérience sa confiance absolue dans son 
maître, car il a vendu ses vignes en coteaux tt en a acheté 
250 hectares dans les Bouches-du- Rhône et dans l'Hérault 
en plaine, susceptibles de submersion à l'aide des canaux 
d'irrigation 

Il indique les moyens de pratiquer de bonnes submer- 
sions. 11 faut un terrain compact et uni, afin de ne pas avoir 
trop de bourrelets à faire pour retenir- les eaux et dispo- 
ser de beaucoup d'eau, afin d'obtenir une submersion to- 
tale, sans points qui émergent et où peut se réfugier le 
Phylloxéra- Elle doit être bien continue et complète, avec 
une niasse d'eau proportionnée à la porosité du sol. Il 
pense que douze jours suffiront pour les terrains très-per- 
méables. 11 compte se servir des inondahons naturelles du 
Rhône et l'Hérault, les machines élévaloires étant trop 
< miteuses commencera submerger aussitôt après les ven- 
danges, puis multiplier les engrais auxquels les «aux de. 
submersion serviront de véhicule. 

M. Aristide Durnonlexplique que la submersion deviendi a 
possible en plaine dans quatre dépaitemenls, le Vaucluse, 
le Gard, l'Hérault et une partie de la Drôme, par son canal 
projeté de dérivation du Rhône. H permettra de submerger 
80,000 hectares de vignes contenues dans 200,000 hec- 
tares, qui donnent une perte de 5 ù G millions d'hectoli- 
tres par an, si on n'ag'it pas. Aujourd'hui, il ne reste qu'un 
dixième des vignes du Vaucluse sauvées soit par la sub- 
mersion, soit par l'ensablement. Ce canal ira deKimcs à Bé- 
ziers et permettra de conserver le cinquième de la produc- 
tion viticolc de la France. 

M. Millet présente quelques observations au sujet de la 
submersion. Il craint que la vigne n'ait à en souflrir, dans 
la longévité de ses ceps et dans la qualité des vins, que bis 
grlécs printinièrc n'aient une influence plus fàcheus; sur 
des vignes imprégnées d'eau surtout en Champagne et dans 
le nord de la Bourgogne, et enfin que les vastes étendues 
d'eau répandues sur le sol ne puissent avoir des effets fâ- 
cheux pour la sanlé publique. Je dirai ici que M. Boutin 
a fait connaître à l'Académie des sciences que les vignes 
du nord de la Crimée sont immergées tous les hivers pen- 
dant trois mois connue amendement, et se portent très- 
bien. Je suis un partisan très-convaincu de la bonté de la 
submersion, mais je dois dire qu'il n'a pas été répondu 
à toutes les objections de 31. Millet, surtout a celle relative 
à la qualité du vin. Je constate dans les deux congrès de 
Montpellier un auditoire très-impressionnable et un peu 
susceptible, fort bien disposé en faveur des idées qui ont 
cours dans le pays et surtout de leurs auteurs, «nais mani- 
festant certaines impatiences de la contradiction. 

Après que M. le docteur Ménudier, de Sainte.;, eût dit 
quelques mois relatifs à l'extension du Phylloxéra dans 
les Charcutes, M. Monestier, de l'Hérault, expose son pro- 



cédé de destruction, mais a le tort d'indisposer l'auditoire 
en débutant par une attaque contre un absent, M. le baron 
Thénard. « Nous ne devons avoir ici d'adversaire que le 
Phylloxéra ,> dit aussitôt. M. Drouyn de Lhuys. M. Monestier 
cherche à produire une atmosphère toxique autour des ra- 
cines, au moyen de sulfure de carbone mélangé de pétrole. 
et de goudron. Il a, dit-il, opéré sur dix milles souches chez 
M. le marquis de Saint-Maurice, cl le succès obtenu a en- 
gagé quatorze propriétaires voisins, de Saint-Georges, à 
expérimenter son système. Il iuviteâ visiter ses expériences. 

Maurice (ïik\rd. 

CHRONIQUE 

L'n monument à la mémoire tle Frédéric Sau- 
vage. — On a récemment inauguré à Boulogne-sur-Mer, 
un monument élevé à la mémoire de l'illustre in«énicur à 
qui Ton doit la démonstration complète des avantages que pré- 
sente l'hélice comme propulseur sous-marin. Ce monument 
est formé d'une colonne quadrangulaire, qui n'a pas moins 
de trois mètres de hauteur, et qui est surmontée du buste 
del'invenU'ur Boulonnais. Sauvage, né à Boulogne en 1 785, 
est mort en 1857. Après vingt années de travaux per- 
sévérants, et d'efforts multipliés, il lui fut impossible 
faute de ressources pécuniaires, de démontrer la vérité de 
ses assertions, qui devait plus tard apparaître manifeste- 
ment aux yeux de la science. Ruiné par ses travaux vieux 
malade, usé par les méditations Frédéric Sauvage, devint 
fou en 1854. 11 fut recueilli dans la maison de sauté de 
Piepus, où sa grande intelligence s'éteignit peu à peu. Son 
esprit seinblaitert'cr loin delà terre et des humains dont 
il avait à reprocher l'ingratitude. Jusqu'à la fin de sa vie il 
ne voulut avoir d'autres compagnon? que quelques oiseaux 
qu'il nourrissait lui-même dans une volière. Il airnrtit 
aussi à jouer du violon, et quand des sons purs s'échappaient 
des cordes vibrant sous le jeu de l'archet, sa belle tète, 
couronnée de cheveux blancs, se levait vers le ciel, et ses 
veux qui n'avaient pas cessé d'être expressifs, semblaient 
interroger l'inconnu d'un autre monde. 

Sensation galtaiiûiiie. — Au commencement de ce 
siècle, hs physiciens étudiaient, comme on sait, dans tous 
ses détails l'action sur l'organisme vivant des courants 
galvaniques. Parmi les innombrables expériences faites à 
ce sujet, celles qui donnent lieu à la sensation galvanique 
eurent, si l'on peut dire, le plus de vogue. On applique 
«ur la langue, dans l'oreille ou sur les yeux, du cuivre et 
du zinc reliés mélalliqueincnt, et l'on éprouve une excita- 
tion nerveuse toute particulière. La physique, se faisant 
galante, inventa même le baiser galvanique, dans lequel 
le circuit électrique est fermé par le contact mutuel des 
lèvres de deux personnes. Prenant les choses d'une ma- 
! nière beaucoup moins poétique, M. Phipson se demande 
! quelles Suiit les conditions les plus favorables nu dévelûp- 
■ petneutdu petit courant qui produit la sensalion. Il élimine 
l'action chimique possible des métaux oxydables au con- 
tact de nos organes et fait usage de rhéophore en platine, 
lin opérant ainsi, l'auteur reconnaît que le phénomène à 
l'élude émane exclusivement du pôle positif et dure aussi 
longtemps que le contact. Celui-ci, est-il rompu, la sen- 
salion disparaît immédiatement au pôle positif, mais pour 
se montri-r un instant à l'autre pôle; confirmation du ure- 
iniiT fait, puisque la rupture donne heu à un renversement 
du courant. 



LA NATURE. 



399 



la chimie allemande. — En lisant les publications 
chimiques de nos voisins d'oulre-Rhin, bien des chimistes 
instruits, doivent déclarer s'ils sont sincères, qu'il ne 
comprennent absolument rien à ce fuiras germanique. 
."Vous avons eu en France des Guylon de Morveau, cl dos 
La\oisîcr, qui onlcréé une nomenclature chimique, claire, 
simple et marquée au sceau de la logique ; ces fondateurs 
de la chimie ont eu chez nous pour successeurs des Thé- 
nard et des Gay-Lussac, qui ont encore parlé un langage 
intelligible ; ceux-ci ont cédé la place à des savants, qui 
ont continué à tei.ir haut le drapeau de la chimie lrançaise. 
Les Allemands ont changé tout cela ; quand on jette les 
yeux sur le Deutsche chemische Geseîlschaft par exemple, 
on y apprend qu'un certain chimiste a étudié Y acide 
orthoamidocresylparasulfureux, qu'il l'a transformé à 
l'aide d'acide chloi hydrique et de chlorate do potasse en 
trichlororlhotolaquinone ; plus loin l'auteur nous parle de. 
V acide nitrorthocrenylolparasulfureux. Un autre chim'ste 
établit la formule du nitrate d'etlienyldinilrodiphényldia- 
tnine, etc. N'est-il pas temps de mettre un terme à ces 
formules d'un langage vraiment barbare? L'illustre Goethe 
n'avait pas tort quand il a dit dans ses Aphorismes sur 
les sciences naturelles : « Les Allemands ont le don de 
rendre les sciences inaccessibles. » 



ACADÉMIE DES SCIENCES 

Séance du 16 novembre 1874. — Présidence de M. Beiitham). 

Les poissons fabricants d'oxygène. — Lors de rétablis- 
sement de la méridienne, Biol avait constaté que des pois- 
sons extraits des profondeurs de la Méditerranée conte- 
naient dans leur vessie natatoire un air qu'on pouvait 
regarder comme de l'oxygène à peu près pur. Il en lit 
même la découverte à ses dépens, car, pensant avoir 
affaire à un gaz analogue à celui que nous respirons, il 
en disposa l'analyse eudiométrique, sans recourir à des 
précautions spéciales. L'étincelle détermina naturellement 
une explosion bien plus foi te que celle à laquelle il s'atten- 
dait, et l'appareil fut brisé. M. le docteur Moreau, bien 
connu par un grand nombre de travaux relatifs aux pois- 
sons, vient de reprendre le fait signalé par Biol, et de l'é- 
tudier d'une manière complète dans le magnifique établis- 
sement de Concarneau. Sa conclusion est que la vessie 
natatoire est un organe sécréteur d'oxygène pur, et que 
quand on y trouve d'autres gaz, tels que l'azote, ces gaz 
sont dus à des actions accessoires. Pour le prouver, il 
examine des poissons vivant depuis très-longtemps soi.s 
une très-faible épaisseur d'eau, et après avoir reconnu par 
plusieurs analyses la quantité moyenne d'oxygène qu'ils 
contiennent, c'est-à-dire 1G pour 100 environ, du gaz 
vésical, il les plonge au fond d'une pièce d'eau de 7 à 8 
mètres de profondeur. Soumis, dans ces nouvelles condi- 
tions à une pression bien plus forte que précédemment, 
les poissons, pour la conlre-balaneer, augmentent la quan- 
tité de gaz renfermé dans leur sac natatoire. C'est alors 
que l'aulcur les examine de nouveau, et reconnaît que la 
proportion d'oxygène est montée de 16 à 45 et même à 
52 pour 100. Il est clair que la cause de cette augmenta- 
tion réside bien dans une sécrétion d'oxygène. 

Impuretés des eaux de la Seine. ■ — Renversant la mé- 
thode d'analyse pratiquée généralement jusqu'ici et qui 
consiste à rechercher directement dans les eaux les 
matières organiques qu'elles peuvent contenir, MM. Schut- 
zenberger et Gérardin, dosent Toxvgène libre qui s'y 



trouve dissous. Cela revient évidemment au menu 1 , puis- 
que le premier effet de; matières organiques est d'amener 
la disparition progressive du gaz comburant; et cela est 
bien préférable au po'.nt de vue de la précision puisque 
la détermination de l'oxygène peut se faire par des mé- 
thodes très-délicates. Les prises d'eau ont eu lieu depu.s 
Corheil jusqu'à Rouen, et Ion a eu soin, dans chaque cas, 
de mêler h s filets des bords avec ceux du milieu pour 
éliminer de nombreuses causes locales d'erreur. En amo it 
de Corheil, un litre d'eau de Seine contient 9 centime rus 
cubes d'oxygène ; à quinze cents mètres au-dessous, 8,7; 
à Choisy, 7,5; à Port-à-1'Angluis, 8,8; àla pointe d'Ivry, 
9,5, et au pont de la Tournelle, 8. Jusque-là, comme on 
voit, les variations sont extrêmement faibles, mais il n'en 
est plus de même au-dessous de Paris, après que la grande 
ville a déversé ses égouls dans le fleuve: à Anleuil, il n'y a 
plus déjà que 6 centimètres de gaz par litre d'eau ; à Bil- 
lancourt, 5,6 ; au pont de Sèvres, 5,4; à Asnières 5,3 ; 
à Clichy, 4,6; à Saint-Ouen, 4; à Saint-Denis, 2; à 
Epinay enfin, 1. 

Puis, à partir de là, la proportion reprend une marche 
ascendante. ArgeuJeuil donne 1, 4, mais il faut aller jus- 
qu'à Poissv pour retrouver 0, 5, c'est-à-dire pour revoir 
Ja rivière dans les conditions, qu'elle présente, avant que 
l'aris l'ait empoisonnée- Celte expression n'a rien de forcé, 
puisque dans la zone desoxygénée, la vie des mollusques 
est impossible, les plantes aquatiques no peuvent exister, 
et le sable recueilli ailleurs avec soin n'est plus qu'un 
gravier tellement imprégné de matière noire et félide, 
qu'il est impropre à tout usage. Comme le fait remarquer 
M. Dumas, ce résultat était prévu, lors de la construction 
des égouts de Paris, mais, ajoute— t-il, on avait prévu aussi 
que les essais de purification, conduits avec tant de succès 
dans la presqu'île de Gennevilliers seraient étendus sur une 
échelle progressivement croissante. En tout cas, le régime 
actuel ne saurait durer bien longtemps sans que la Seine, 
empoisonnée par l'aris, ne devînt, à son tour, pour lui 
un foyer d'infection des plus dangereux. Espérons que nos 
édiles sauront, à l'instar de nos voisins d'outre Manche, 
prévenir un état de choses si contraire à l'hygiène et à la 
fois si indigne d'une nation civilisée. 

Analyse spectrale. — Le doy< n de la Faculté des 
sciences de iXancy, M. Cho quart, signale l'action qu'un 
aimant exerce sur le spectre d'une flamme donnée. Le 
speclre est-il celui du soufre ou du sélénium, on le voil, 
dès que l'aimant agit, pâlir de plus en plus:, et bientôt 
s'éteindre tout à fait. Est-ce au contraire celui que don- 
nent le ehloie ou le brume, il augmente d'éclat, et ses 
raies se multiplient. L'effet, dit l'auteur, est si subit, qu'il 
a quelque chose de féerique. Qui ne voit combien les con- 
séquences cosmiques d'une pareille remarque peuvent 
être considérables; et, le rapprochant d'autres faits, jus- 
qu'ici bizarres, signalés à diverses reprises, qui ne con- 
viendra que les résultats de l'analyse spectrale des astres 
ne doivent cire acceptés qu'avec les plus grandes réserves 
et dans l'attente constante des changements qu'y pourront 
introduire les découvertes futures? 

Nouvelles de Pékin. — Par une lettre, en date du 
10 septembre, M. r'ieuriet, le chef de notre expédition 
astronomique en Chine, annonce son arrivée à Pékin. 
Parti de Shang-lla'i, le 23 août, c'est le 2 du mois suivant 
qu'il atteignit la capitale de l'empire du milieu. Après di- 
verses hésitations, il choisit pour s'y établir, un terrain 
dépendant de la légation française, et c'est sous l'escorte 
de vrais gendarmes que quatre-vingt-dix coolis portèrent 
à dos pendant cinq lieues et demie de routes défoncées, 



400 



LA NATURE. 



les caisses renfermant les instruments. C'est sur les fon- 
dations retrouvées par hasard d'une antique pagode, qu'on 
construisit les piliers de la lunette méridienne. Notre 
brave compatriote complaît commencer ses observations 
régulières dès le i" octobre. 

Stanislas Meumkii. 

PROCESSIONNAIRES ET SYCOPHANTËS 

Tout lu monde, en France, connaît la chenille du 
bombyx processionnaire, un des ravageurs du chêne 
les plus communs. 
C'est une chenille poi- 
lue, hérissée, qui par^ 
court, eu compagnie 
nombreuse , à cer- 
taines heures et sous 
l'empire de certaines 
circonstances, le 
tronc des chênes 
dont elle dévore les 
icuillcs. Ainai, lord 
que le temps est à la 
pluie , elle descend 
des feuilles supérieu- 
res, et, au lieu de 
rentrer dans le nid 
commun, elle vient 
former au pied des 
chênes d'énormes 
manchons grisâtres 
composés de chenilles 
juxtaposées. 

I.e papillon n'est 
ni beau ni grand, 
gri>, avec quelques 
bandes obscures sur 
les ailes antérieures. 
Eu août et septembre, 
la femelle dépose sur 
les écorces un paqueî 
d'oeufs qu'elle couvre 
sous les poils luisants 
de l'extrémité de son 
abdomen. En mai 
éclosent les chenilles, 

qui filent en commun un nid plus ou moins régulier 
à toile? superposées et enchevêtrées , où elles de- 
meurent tranquilles tout le jour, et d'où elles sortent 
dans l'ordre à peu près invariable où nous les re- 
présentons. Une, deux ou trois marchent l'une de- 
vant l'autre, puis le groupe par trois, ou quatre de 
Iront, s'élargit en masse confuse, peu ou point dis- 
ciplinée à la fin. 

Gare aux hommes et aux animaux qui séjournent 
aux environs de ces dangereux insectes! De toules 
parts les chenilles laissent échapper les poils légers, 
aigus ettrès-roides qui couvrent leur corps : ces poils 
sont emportés soit sur la peau, à la surface de 
laquelle ils pénètrent, produisant une urtioation vio- 




lente, soit dans les poumons par la respiration, où ils 
deviennent la cause de troubles très-graves et même 
mortels. 

Ces chenilles ont des ennemis placés par la nature 
auprès d'elles, mais malheureusement toujours trop 
peu nombreux ! Quand donc saurons-nous élever, 
multiplier certains insectes utiles et les lancer 
contre ceux qui nous nuisent! Il y a là de belles 
études à entreprendre pour un grand bienfaiteur 
de l'humanité ! En attendant, le Calosome syco- 
phante, — un beau coléoplère bleu-violet foncé, avec 

des élytres vert doré, 
chatoyants comme de 
l'or bruni, bordés de 
stries et de points,— 
se charge d'une par- 
tie de la besogne, lui 
et sa larve ; mais 
nous ignorons pour- 
quoi il est si rare, 
et nous ignorons tout 
autant le moyen de 
le rendre plus com- 
mun,... aussi com- 
mun qu'il convien- 
drait! Non-seulement 
l 'insecte parfait at- 
taque les procession- 
naires eu marche , 
niais il les poursuit 
dans leur nid, que lui 
et sa larve savent dé- 
chirer. Nous avons 
représenté une de ces 
larves en train de 
dépeupler un nid de 
processionnaires : 
quand elle sera par- 
venue au terme de 
sa carrière, elle s'en- 
fermera en terre à 
une faible profon- 
deur, y façonnera une 
loge et se transfor- 
mera en nymphe très- 
élégante , d'où elle 
sortira enfin à l'état d'insecte parfait. Connaît-on le 
temps exact nécessaire pour ces diverses métamor- 
phoses? Nous en doutons beaucoup ; mais ce temps 
est considérable pour certaines espèces. C'est pen- 
dant des années entières chez plusieurs espèces voi- 
sines, que la vie semble suspendue dans ces enve- 
loppes immobiles, tandis qu'il n'en est rien, et qu'une 
sorte d'incubation lente s'accomplit, dont nous ne 
connaissons, que de très-vagues linéaments. 

II. DE LA BlAIVCIIÙRE. 

I.e Vropviéluirc-Gèrant : G. Tissànihuil 

t uhli.1l. — T \ p. et slér. de Chktb. 



Proccssiuiiuaiics et Sjxoptiante. 



«• 78- — 28 NOVEMBRE 1874. 



LA NATURE 



401 



LA 



FABRICATION DU MÈTRE INTERNATIONAL 1 

La commission internationale du mètre continue 
ses travaux avec ardeur. La fabrication des règles de 
platine est actuellement en cours d'exécution. Elle 
exigera un temps considérable à cause du soin excep- 
tionnel qu'il faut y apporter. 

Chaque mètre, avant d'être envoyé au Conserva- 
toire, où il est soumis aux dernières vérifications, doit 
subir dans une filière un nombre de passes qui varie 
de \Î>Q à 200. Chacune de ces passes est suivie d'une 
mise an four afin de recuire le inétal, que Ton trempe 



ensuite dan» un bain acide pour le décaper. Ou a 
renoncé à renfermer les règles dans des boîtes de 
chaux qui n'empêchaient point l'hydrogène incan- 
descent d'arriver jusqu'au contact du platine. Le 
recuit a lieu à feu nu. 

Quand les règles de platine ont subi ces opéra- 
tions, elles sont soumises à un nettoyage très-com- 
plet, à un véritable polissage. Cotte opération très- 
délicate, qui s'exécute en frottant le métal, puis en 
examinant sa surface à la loupe, afin de s'assurer 
s'il a acquis un poli suffisant, nécessite une grande 
patience et des soins scrupuleux. Elle a lieu ainsi 
que le dressage définitif et le tracé des traits au Con- 
servatoire des arts et métiers sous la direction de 




Fabrication du aiètre international. — • ïassage à la filière d'une règle de platina. 



M. Tresca, assisté de son fils M. Gustave Trcsca. On 
n'a pas encore commencé à tracer les traits sur au- 
cune des règles de platine, dont quelques-unes ce- 
pendant sont presque terminées. 

L'étirage des barres s'opère à l'atelier que la So- 
ciété des forges d'Audaincotirt (Doubs) possède à 
Paris, rue Àmelot, et qui est dirigé par M. l'ingé- 
nieur Gucldry. 

Cet établissement est particulièrement consacré à 
une fabrique spéciale de chaînes Galle, à l'embou- 
tissage de toute espèce de métaux. On y étire des tu- 
bes sans soudure de chaudières, de presses hydrauli- 
ques» de manomètre, d'optique, etc., etc. 

Nous avons représenté une des bases d'étirage au 
moment où un mètre est en train d'y passer. On 
voit la griffe qui, à l'extrémité d'une chaîne sans 
fin, saisit le bout aminci de la barre pour la forcer 
à traverser la filière. La filière a la forme en X que 
le mètre doit recevoir. Elle est en acier trempé, 

« Voy. la Rature, n" 53, 6 juin 1874, p. 5. 

i'uuée. — ï' se notre. » 



et formée de quatre parties assemblées à l'aide de vis 
que l'on pousse au fur et à mesure de la marche de 
l'opération. Quand les quatre parties se touchent, c'est 
que le mètre est terminé. 

En avant de la filière se trouve le bassin dans le- 
quel on place la graisse servant à lubrifier les sur- 
faces et à diminuer les échauffements. On voit aussi 
dans notre gravure le chevalet sur lequel repose la 
barre au commencement de l'opération. 

Ajoutons que les lingots arrivent sous forme brute 
aux ateliers de la rue Amelot, C'est là qu'on les 
dresse comme ils doivent l'être avant d'être soumis à 
l'étirage. 

Les déchets sont rapportés au Conservatoire et con- 
stamment refondus. Les travaux de la confection des 
mètres internationaux demanderont, comme nous 
l'avons déjà dit, un temps d'assez longue durée, car 
ils sont exécutés avec toutes les précautions néces* 
saires à une fabrication si importante, et dont on ne 
saurait trop féliciter les savants éminents qui les 
dirigent. 

26 



402 



LA NATURE. 



LES ÉTOILES FILANTES 

(Suite et tin. — Voy. p. 322 et 3;i7.) 

Cou 1 vie r -G ravier divise les étoiles filantes en six 
grandeurs principales, résultant de leur plus ou moins 
grande élévation dans l'espace. Or, si on calcule la 
direction moyenne des étoiles filantes appartenant à 
chacune de ces tailles, on arrive à un résultat im- 
portant* 

En effet, la direction des étoiles de l re , 2 e et 5 e 
grandeur, c'est-à-dire les plus rapprochées de nous, 
est toujours nord-sud; celle des météores de 4 8 , 5 e 
et 6 e grandeur, les plus élevées, c'est-à-dire celles 
qui circulent aux limites atmosphériques est au con- 
traire sud-nord. Cesdeux directions générales ne sont- 
elles pas la démonstration évidente des deux courants 
théoriques de Franklin, le courant polaire elle cou- 
rant éijuatorial? 

De plus, si on partage l'année en deux époques 
bien distinctes, l'été et l'hiver, on trouve encore dans 
\ev. indïratinns fournies par la marche des étoiles 
filantes, la confirmation de ce que l'on observe terre 
à terre, dans la direction des courants intérieurs; 
c'est-à-dire qu'en été on reconnaît très-bien la pré- 
dominance des directions nord, et en hiver celle des 
directions sud. 

De ce qui précède, il appert clairement que les 
Cirrus ne doivent pas être regardés comme indi- 
quant la direction des courants supérieurs; et que ce 
que l'on doit considérer comme région des courants 
inférieurs s'étend au delà de ces nuages glacés, qui 
nous indiquent simplement la plus grande hauteur 
que puisse atteindre la vapeur d'eau. 

!1 est enfin un dernier fait météorologique tiré des 
observations de Coulvier-Gravier qu'il est utile de 
relater. Si on divise Tannée entière en périodes de 
quatre mois chacune, on voit que : 1° au premier 
mai, la direction moyenne dus étoiles filantes obser- 
vées en janvier, février, mars et avril, se trouve tou- 
jours placée vers le sud, se rapprochant tantôt 
vers l'est, tantôt vers l'ouest suivant les années et les 
saisons sèches ou humides; 2° au premier septembre, 
la direction moyenne fournie par les observations 
faites en mai, juin, juillet et août, se trouve à l'est, 
remontant plus ou moins vers le nord, également 
suivant les années; 5° enfin au 31 décembre, ou 
trouve la résultante des météores observés en sep- 
tembre, octobre, novembre et décembre, redescen- 
due plus ou moins vers le sud. 

Ceci posé, si, considérant toujours ces mêmes 
périodes de quatre mois, on fait attention que ces 
trois résultantes générales occupent relativement, les 
unes aux autres, la même position azimutale ; 
sr, d'autre part, on remarque que par suite du 
grand nombre d'observations que nous possédons, 
nous sommes à même de connaître la plus grande 
distance angulaire qui peut séparer ces résultantes ; 
on comprendra facilement comment dès le premier 
avril, il est possible de prévoir avec une certaine 



exactitude si l'année qui commence, sera sèche ou 
humide, chaude ou froide. Il est bien entendu que 
dans la discussion des résultats obtenus, il faut tenir 
compte des perturbations constatées. 

Pour terminer cet examen, je ferai connaître main- 
tenant les résultats purement astronomiques qui 
sont sortis de cette longue série d'observations. Je 
vais donc parler rapidement de ces lois importantes, 
immuables, que je signalais plus haut et qui sont la 
base de la théorie coraétaire admise aujourd'hui dans 
le monde entier. 

1° Le nombre horaire des étoiles filantes aug- 
mente du soir au matin. 

Coulvier-Gravier, en dépouillant ses observations, 
s'aperçut bientôt que le nombre des météores, à 
très-peu d'exceptions près, allait toujours croissant, 
et cela d'une manière notable, du soir au matin 
et pour le même intervalle de temps. En grou- 
pant tous ces météores d'après les époques de la 
nuit, il obtint ainsi des nombres moyens augmentant 
d'heure en heure. De plus il constatait que cette va- 
riation horaire se rencontrait à toutes les époques de 
l'année, tant à celles des retours périodiques que 
durant les nuits ordinaires. Voici le tableau de ces 
moyennes : 

HOHBRK BBS ÉTOILES 
HEURE MOTENKE. PAR HEURE. 

7 h ,30™ du soir 3,5 

9 h du soir 3,7 

ffî 1 ou minuit 5,4 

3" matin 7,5 

4\30" du matin 7,9 

2° Appliquant des calculs semblables à la varia- 
tion mensuelle des étoiles filantes, il faisait voir que 
le nombre horaire est à peu près le même pour les 
six premiers mois de l'année, terme moyen 5,4; et 
que le nombre horaire pour les six derniers mois est 
également à peu près le même, terme moyen 8,0; 
en sorte que, sans intermédiaire, le nombre horaire 
passe du minimum 3,4, relatif à l'hiver et au prin- 
temps, au maximum 8,0, relatif à l'été et à l'au- 
tomne. En d'autres ternies, le nombre des étoiles 
filantes se soutient à peu près le même du solstice 
d'hiver au solstice d'été, où il est le plus petit pos- 
sible; et il se maintient à sa plus grande valeur du- 
rant tout le temps qui s'écoule entre le solstice d'été 
et le solstice d'hiver. En d'autres termes encore, on 
voit moins d'étoiles filantes quand la terre va du pé- 
rihélie à l'aphélie, en s'éloignant du soleil ; et on en 
voit le plus, lorsque la terre va de l'aphélie au péri-; 
hélie. 

Cependant le passage ne se fait pas brusquement 
de l'une à l'autre valeur; car si on trace la courbe 
polaire des variations mensuelles, en représentant 
l'année par une circonférence de cercle et prenant 
les nombres mensuels pour rayons vecteurs corres- 
pondants à des angles polaires proportionnels, aux 
temps écoulés, on arrive à une courbe ayant 4 maxi- 
mum, deux grands et deux petits, placés dans les 
quatre saisons de l'année. Les deux principaux ré- 



LA NATURE. 



au: 



pondent exactement aux retours périodiques des 
astronomes pour les 10 août et 12 novembre. 

5° Le nombre des étoiles filantes croît eu raison 
inverse de leur taille. C'est-à-dire que plus les météo- 
res sont éloignés de nous, plus leur nombre est 
grand. 

4° Enfin, la direction moyenne des étoiles filantes 
descend du nord au sud par l'est du soir au matin. 

Il serait évidemment trop long de faire connaître 
ici la série des résultats intéressants qui ont étayé la 
théorie italienne, ainsi que toutes les déductions cu- 
rieuses que Coulvier-Gravier sut tirer de ses nom- 
breux documents. Mais pour faire ressortir les ser- 
vices rendus à la science météorique par ce conscien- 
cieux observateur, qu'il me suffise de dire, qu'avant 
lui, on ne savait réellement pas observer ce phéno- 
mène. Personne n'ayant constaté ce fait capital que 
l'étoile filante descend toujours du zénith à l'hori- 
zon, et décrit généralement sa trajectoire dans la 
partie du ciel diamétralement opposée à la direction 
d'où elle vient, il devait en résulter de toute néces- 
site des observations incomplètes. On ignorait en 
effet que pour observer les étoiles venant du sud 
par exemple, il fallait regarder l'horizon nord; pour 
enregistrer les étoiles venant de l'ouest, il fallait re- 
garder à l'est, et de même pour toutes les autres 
directions azimutales. 

Enfin, je ne crois pas pouvoir rendre un plus bel 
hommage au zèle infatigable et au dévouement de 
cet habile observateur, dont je continue aujourd'hui 
les travaux, qu'en mettant sous les yeux du lecteur 
lu lettre que m'adressait le savant directeur de l'ob- 
servatoire de Milan, au sujet d'une publication que 
nous commencerons incessamment l . 

CuAPELAS-CoULVIER-fiRAVIER, 

Directeur de l'observatoire météorique du 

Luxembourg. 

Observatoire royal de Milan, le 26 juin 1871. 

Monsieur le Directeur, 

J'apprends avec beaucoup île plaisir qu'il y a quelque proba- 
bilité de voir enfin la publication intégrale des observations 
d'étoiles filantes fuites par M. Coulvier-Gravier. Je pense que 
beaucoup de personnes applaudiront à celle idée autant que 
moi. En effet, le peu qu'on a publié des résultats de ces ob- 
servations a été bien utile pour la science. Je n'ai pas besoin 
de rappeler que de la discussion de ces journaux, îl. Coulvier- 
Gravier a tiré, entre autres résultats, la remarquable loi de la 
variation diurne des étoiles lilantes, et que de cette loi est 
dérivée la plus convaincante démonstration de la nature cos- 
mique de ces météores. Il est vrai que les idées de M, Coul- 
vier-Gravier, sur l'application météorologique de ses observa- 
tions, n'ont pas été partagées par tout le monde; pourtant je 
pense que le temps lui rendra justice sur quelque point de ces 
théories, et même là tout n'est pas à dédaigner. Muis en faisant 
abstraction de toute théorie, lts observations en elles-mêmes 
conserveront toujours la valeur qu'on doit attribuer à des 
faits : et les laits sont et seront toujours l'ultima tatio, 
d'après laquelle il faudra juger des théories. Je suis donc per- 
suadé que celte publication sera un vrai service rendu û la 
science des météores, cl j'espère de recevoir bientôt de bonnes 
nouvelles ù ce sujet. En attendant, je vous prie, Monsieur, de 
bien vouloir agréer l'expression de mon respect sincère. 

Votre dévoué serviteur, 

SCBIAPARELLI. 



LA COMMISSION DE PÈCHE 

AUX ÉTATS-UNIS. 

(Suite et Un. — Yoy. p. 3.'i3 et 30 1.) 

On doit aux savantes explorations marines de la 
Commission un grand nombre d'animaux jusque-là 
inconnus. Quelques-uns de ceux-ci nous frappent 
par leur caractère vraiment étrange. Le Spirorbis 
nauliloides est un des plus curieux êtres nouveaux 
de ce monde singulier; c'est un petit ver qui s'ac- 
croche aux plantes marines, aux coquillages, aux 
pierres, etc. Il s'enveloppe d'un tube solide et cal- 
caire, muni d'une élégante guirlande de branchies. 
Il pôrle avec lui ses œufs dans une espèce de panier 
que forme cette guirlande. 

Le Cirralulus grandis, autre découverte de la 
Commission, est un gros ver, muni d'une immense 
quantité de cirrlies, longs, flexibles, rouges ou oran- 
gés, dont ses flancs sont garnis. Il possède la faculté 
de contracter, de rouler, de serrer contre son corps 
tous ces filaments et de changer subitement d'aspect 
de la façon la plus extraordinaire (fig. 1 et 2). Sup- 
posez la longue chevelure d'un Indien, devenant 
instantanément crépue comme celle d'un nègre. 

Celui qui aime les bizarreries pourra se complaire 
dans l'étude curieuse du Cornulus autolytus, lui 
aussi, un ver, mais de trois sexes : mâle, femelle et 
neutre, et chacun des sexes varie d'aspect. L'individu 
neutre est éclos d'un œuf qui coûte la vie à la mère, 
et cet individu devient énorme, jusqu'à ce qu'il 
comporte de quarante à quarante-cinq segments. 
Puis, aux environs du treizième segment se produi- 
sent des excroissances qui deviennent tète, yeux et 
tentacules. Les derniers segments donnent ensuite 
des appendices variés par leur développement, et de 
forme mâle ou femelle. Enfin, ce nouvel animal 
constitué ainsi, mâle ou femelle, se détache des 
segments supérieurs, et prend .sou libre cours. Ce ver 
présente certaines particularités, plus développées 
encore chez d'autres variétés de l'espèce, et qui lui 
donnent un certain air belli jueux. L'animal adulte 
a parfois un vrai faisceau d'armes à ses flancs, armes 
offensives, et de diverses formes. C'est une vraie pa- 
noplie: crochets, droits et tordus, piques de l'Ar- 
kansas, en forme de cure-dents, lances, épées, glai- 
ves, sabre: -baïonnette, voire même baïonnettes à trois 
côtes. L'animal peut se débarrasser par un effort 
d'un de ces engins qui sont susceptibles de blesser 
grièvement ; ce terrible habitant des eaux doit être 
manié avec précaution. 

Jetons un regard sur le nouvel Qclopiis, selon la 
dénomination du professeur Bnird qui l'a découvert 
(fig. 5). C'est un mâle; il y a lieu de croire que la 
femelle est beaucoup plus grosse. C'est une cap- 
ture rare dans nos parages que celle d'un octo- 
pus, et c'est à la commission de pisciculture que 
revient tout l'honneur de celle-ci. Depuis que 
l'énorme seiche de la baie de Fundy a été étudié, 



404 



LA NATURE. 



un grand intérêt s'attache à cette variété nouvelle. 
Il semble que l'octopus nage à l'aide de ses bras, 
mais à l'aide aussi de son siphon, qui peut s'ajuster 
dans toutes les directions, et par expulsion de l'eau 
qu'il contient, faciliter à l'animal le mouvement 
en avant, en arrière, et dans une direction quel- 
conque. 

Avant de quitter le laboratoire apportons notre 
attention à l'espèce 
des parasites. Les gros 
poi-: son s sont tous ac- 
compagnés d'un assor- 
timent spécial do pa- 
rasites , internes et 
externes, attachés, les 
uns contre le corps, 
les autres enfoncés 
dans le tissu cellu- 
laire, et se nourrissant 
de la substance de 
l'animal . Parmi ces 
derniers, nous classe- 
rons le Lernœonema 
radia ta. La le nielle 
est plus grosse que le 
mâle et ressemble sin- 
gulièrement à une 
paire de pincettes vi- 
vantes, niais, ce qui 
pourrait passer pour 
les jambes, constitue 
les ovaires. L'animal 
s'enfouit la tête la 
première dans Jes 
écailles du poisson, 

dont il suce le sang; il choisit principalement le 
hareng cabaretière (Alewise). 

jN'ous signalerons encore parmi Jes curieux ani- 
maux retirés de l'Atlantique par le Blue Light, une 
curieuse anémone de mer (fig. 5), et un singulier 
polype, Lucern ta quadricornis (fig. G), qui subit des 
transformations 
singulières, et se 
métamorphose en 
un animal géla- 
tineux muni d'un 
suçoir, au'moycn 
duquel il s'atta- 
che à des rochers. 
Par ses belles 
recherchessurles 
animaux inver- 
tébrés, le professeur A.-E. Yerrill, de Yale Collège, 
a pris la première place aux Etats-Unis ; nous lui 
devons une très-grande quantité de formes nouvelles 
de la vie dans cette catégorie, et dont quelques-unes 
ont déjà été décrites. Grâce à son obligeance» à sa 
courtoisie, nous avons pu recueillir une abondance 
de matériaux et documents. En réalité tous les gent- 
lemen de la commission semblaient refléter la bonne 




Sig J. - Nouveau ver de mer (Ctr/'atuliis grandit', 
présentant ses filaments étendus. 



Fig. t. — Lo même, eoulrjcUui sou corps et ses filaments. 



et généreuse nature de leur chef de file. Certains 
naturalistes avaient leurs spécialités. Le professeur 
S.-J. Smith, de New-Haveu, s'occupe des crabes, 
des homards, et enrichit singulièrement nos con- 
naissances sur ces crustacés. Dans la première phase 
de leur existence après l'éclosion, les crabes, ho- 
mards, etc., s'appellent Zoé.es. Pour bien étudier le 
Zoée, le microscope est nécessaire, si l'on ne veut 

pas surtout le con- 
fondre avec le cancre 
[Cancer ir roratus). Le 
Zoée a une immense 
paire d'yeux noirs, 
finement réticulés, cl 
qui donnent un sin- 
gulier aspect à l'ani- 
mal, absolument 
trauspaivnt. La tête 
est armée de longs pi- 
quants, dont l'un sur 
ie haut ressemble à 
une corne, et l'autre 
sur le devant, à un 
croc (fig. 4). Le Zoée 
de notr.i dessin est 
déjà d'un certain âge: 
sa longueur est de trois 
seizièmes de pouce. 
Ses mouvements sont 
devenus paresseux , 
comme s'il devait faire 
des peliU. Des con- 
vulsions l'ont pris su- 
bitement , son enve- 
loppe a éclaté, il s'en 
est débarrassé,... il a cessé d'être un Zoée; désor- 
mais c'est un Négalops. 

De loin maintenant, il ressemble à un crabe, mais 
il lui reste encore quelque chose de son premier état 
zoétique. Il va nager pendant cinq à six jours en 
mégalops, peut-être plus longtemps, mais toutefois 

moins que n'a 
fait le Zoée. Un 
nouveau spasme 
le prend , moins 
fort, quoique de 
même nature, son 
enveloppe crève 
encore une lois, 
et voici !e cancre! 
Une conséquence 
importante est 
sortie de cette notion de l'histoire des crabes et des 
homards; elle est exacte sauf quelques variations pour 
un grand nombre de crustacés. Le jeune homard, 
par exemple, n'est autre qu'un Zoée, qui deviendra 
mégalops avant que de se former complètement. Les 
amateurs qui l'an dernier ont sacrifié des milliers de 
dollars pour la construction de viviers, destinés à faci- 
liter l'incubation des homards, ont jeté leur argent 




LA NATURE. 



405 



dans la nier, car les jeunes homards ont pu facile- 
ment s'échapper du pond ou vivier par les ouvertures 
qui laissent passer l'eau de mer. RI. Scth Green, le 
membre de la commission de pisciculture pour l'État 



de New- York fut le premier qui reconnut ce fuit; 
il sut en tirer profit. Il publia une circulaire, il y a 
quelques mois, en y indiquant que pour rendre 
utile un pond à homard, il faut le renfermer dans un 




S* — Houvel octopus. 



Fig. 4, — tuée, mistaeé dans te première plias* <fe son existence. 












F.?. 5. — Aiieru.mo i)« mer. 



treillis en fd de fer, avec des mailles très- serrées. 
Nous n'avons donné qu'un modeste aperçu des 
résultats définitifs de la commission de pêclie. Un 
grand nombre des services qu'elle nous a rendus 
sont indirects, éloignes, difficiles à reconnaître au 



premier aspect. Mais, s'il n'y avait eu d'autres résul- 
tats que d'exciter l'intérêt pour le- monde de la mer, 
et de faire intervenir partout l'Etat, pour protéger 
et conserver les pêcheries, les bénéfices qu'elle aurait 
produits eussent grandement excédé les dépenses 



406 



LA NATURE. 



qu'elle a occasionnées, Mais la commission a fait plus 
encore. Elle a fourni les moyens de développer te 
champ des connaissances et de le cultiver d'une ma- 
nière constante. Dans ce petit nombre d'années écou- 
lées, il a été fuit plus pour la connaissance de la 
structure, des mœurs, de la nourriture des divers 
Irritants de la mer qu'il n'avait été accompli au- 
paravant pendant des siècles. 

La diminution du poisson servant à la nourriture 
do l'homme, dans les eaux des Etats-Unis, a été enfin 
compl élément étudiée. 11 a été prouvé que cette 
diminution ne provient pas du défaut d'animaux 
non vertébrés, dont le poisson se nourrit plus ou 
moins directement. Cette diminution ne provient 
pas non plus d'une infection de l'eau par les fa- 
briques, ni d'un changement dans les habitudes des 
poissons océaniens, changements qui échappent au 
contrôle de la science. Pour prévenir cette diminu- 
tion, pour l'empêcher, il n'est pas besoin d'arrêter la 
marche d'une industrie importante, comme celle de 
la labricatiou du fdet. La cause principale de la dé- 
préciation des pècheties, c'est un usage abusif du iilet 
durant. la saison du frai, c'est aussi la voracité du 
poisson bleu dont nous avons parlé précédemment. 
L'interdiction de l'emploi du iilet [tendant le tiers 
de chaque semaine, durant la saison du frai, les 
bons résultats qu'il y a lieu d'espérer do la propaga- 
tion artificielle du poisson, rendront cm peu d'an- 
nées à nos côtes la prospérité d'autrefois l . 

C. Wyckofp, 

LES SECRÉTAIRES PERPÉTUELS 

DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES, JUSQU'A LA 
RÉVOLUTION FRANÇAISE. 

Lorsque Colbert créa l'Académie des sciences, 
cette compagnie n'était pas destinée comme aujour- 
d'hui à apprécier, à discuter, à juger les travaux des 
savants. C'était avant tout un centre d'études, d'ex- 
périences, de travaux comparables à l'académie del 
Cimento, à la Société d'Arcueil. L'incomparable mi- 
nistre donna à celte réunion de savants un secrétaire 
destiné à leur servir d'organe, à résumer leurs dé- 
couvertes. Le scribe qui fut chargé d'écrire l'histoire 
des travaux des Picard, des Cassini, des Huygens, 
des Mariotte, se nommait l'abbé Duhamel ; il était 
curé de Neuilly-sur-Marne et écrivait en un latin 
que l'on dit fort élégant. Quand il sentit que ses 
forces ne lui permettaient plus de s'acquitter de sa 
mission avec un zèle suffisant, il désigna lui-même 
un littérateur digne delin succéder. Son choix tomba 
sur un neveu do Corneille, qui s'était, sans grand 
succès, exercé à faire des vers dans les journaux 
poétiques du temps, mais qui venait de publier un 
livre admirable de verve, d'esprit, de sagacité, de 
science. Cet homme, déjà mûr, était Fontcnelle. 

* Extrait et traduit du llarper'a new Montkly Magazine de 
New-York. 



À peine Foutenelle avait-il pris possession du fau- 
teuil qu'un grand événement, auquel il ne fut pas 
sans doute étranger, se produisit. 

M. de Pont, hartrain comprit la nécessité de don- 
ner aux sciences françaises une plus vive impulsion, 
afin de pallier les malheurs publics. Il ne pouvait 
mieux faire que de réorganiser, sur une plus vaste 
échelle, l'Académie des sciences qui, pendant ôoaus 
d'existence, avait donné tant de preuves de son acti- 
vité et de l'importance des services qu'elle pouvait 
être appelée à rendre. C'est ce qui produisit la réor- 
ganisation de l'année 1699. En arrivant au Louvre, 
le jour ordinaire de leurs séances, les académiciens 
reçurent communication d'une ordonnance du roi, 
qui augmentait leur nombre, leur donnait des pen- 
sions et les partageait en classes. Il leurétait enjoint 
de se choisir des sujets d'étude aiin de pouvoir tra- 
vailler utilement à l'accroissement de la science. 

Foutenelle fut, jusqu'en 1740, le secrétaire perpé- 
tuel de la compagnie régénérée. Chaque année il pu- 
blia un volume résumant l'histoire de l'Académie et 
les principales découvertes qu'elle avait faites. L'A- 
cadémie parlait latin jusqu'en 1699. A partir de 
cette époque elle parla français, quoique les ouvra- 
ges latins continuassent à être acceptés dans ses re- 
cueils. 

Quand Foutenelle fut mort, l'Académie se trouva 
dans un grand embarras pour combler le vide que 
laissait derrière lui cette grande intelligence. On of- 
frit à do Mairan d'accepter la succession de Foute- 
nelle. Mais Mairan refusa d'abord, avec une modestie 
qui lui fait beaucoup d'honneur, car quoique infé- 
rieur à Foutenelle, c'était un des membres les plus 
estimables de l'Académie des sciences. Sur de vives 
instances, il accepta cependant ; mais pour trois ans 
seulement, afin, disait- il, de donner à l'Académie le 
temps de trouver un successeur à Foutenelle. Quand 
les trois ans se furent écoulés, Mairan proposa de 
nommer M. Grandjean de Fauchy, /ils d'un impri- 
meur de Paris qui, de même que l'abbé Duhamel, 
Foutenelle el Mairan, avait écrit sur les mathémati- 
que» pures, condition considérée comme essentielle 
pour s'acquitter des devoirs de secrétaire. Eu effet, 
comment le secrétaire de l'Académie eût-il rendu 
compte des travaux des géomètres si lui-même il 
n'eût été expert eu analyse? C'est avec raison que 
cette condition fut considérée comme essentielle dès 
l'origine de l'Académie. Grandjean de Fauchy régna 
depuis 1743 jusqu'en 1774. Mais très-affaibli dans 
les derniers temps il s'était adjoint Condorcct qui 
a\ait montré des dispositions précoces en analyse" et 
eu philosophie. Lorsque Grandjean voulut se retirer 
il proposa de donnera Condorcet sa survivance, mais 
il éprouva une vive résistance. A la tête de l'opposi- 
tion se trouva M. deBuffonqui voulait faire nommer 
Sylvain Bailly déjà connu par ses travaux astronomi- 
ques. Condorcet fut nommé grâce à l'appui qu'il 
trouva auprès des encyclopédistes, de d'Alembert et 
de Voltaire. 

Pendant la Terreur l'Académie fut supprimée, ses 



LA NATURE. 



407 



membres dispersés. Condorcet n'échappa à l'écha- 
faud qu'en prenant du poison comme Démosthènes. 
Lorsque l'Institut fut organisé par le Directoire 
exécutif de la République française, l'Académie des 
sciences ne forma plus que la première des quatre 
classes. Elle n'eut plus de secrétaire perpétuel. Son 
bureau se composa de deux secrétaires bis-annuels 
rcéligibles deux fois consécutivement et d'un prési- 
dent éligible chaque année. Les deux secrétaires pri- 
mitifs furent Lacépède et Cuvier. Ce dernier avait été 
nommé secrétaire provisoire, comme étant le plus 
jeune des membres et confirmé dans ses fonctions 
par l'assemblée. \Y. de Fonyielle. 

LES ANCIENS 

OISEAUX DES ILES MASCÀREIGNES 

(Suite et fin. — Voy. p. 10, t39, 122 et 55:».) 
LE SOLITAIRE DE L'ÎLE RODRIGUE. 

Jusqu'uu 1831, tous les effurts des savants de 
la Grande-Bretagne, pour obtenir de la part des 
colons de l'île Rodrigue et des navigateurs égarés 
dans ces parages quelques renseignements sur le 
Solitaire étaient restés sans succès, et l'on commen- 
çait déjà à douter de la véracité de Léguât, quand 
M. Telîair obtint, par l'entremise de M. Eudes, quel- 
ques ossements de cet oiseau qui furent donnés par- 
tie à la Société zoologique de Londres et partie au 
musée Andersonien, à Glascow. 11 est vrai que déjà, 
en 1789, certains os, encroûtés de stalagmites, et at- 
tribués d'abord au Dodo, avaient été découverts dans 
une caverne de l'île Rodrigue, et donnés, en 1830, par 
M. Roquefeuillc, à M. Desjardins, secrétaire de la So- 
ciété d'histoire naturelle de l'île Maurice, qui les avait 
envoyés à son tour à Cuvier. Mais l'illustre paléontolo- 
giste, par une confusion singulière, avait cru que ces 
ossements avaient été trouvés à 1 île Maurice, sous une 
couche de lave, et les avait présentés à l'Académie 
des sciences sans en faire l'objet d'une notice détail- 
lée 1 , lorsque MM. Stricklaud et Melville publièrent 
leur mémoire sur leDronte et le Solitaire, ils cherchè- 
rent à s'entourer de tous les documents relatifs à ces 
deux espèces, ils ne purent retrouver les ossements 
de Solitaire donnés par M. Telfairà la Société zoolo- 
gique de Londres, ils purent en revanche étudier, 
lors de la réunion extraordinaire de l'Association bri- 
tannique à Oxford, en 1847, non-seulement les débris 
conservés à Glascow, mais encore, grâce à l'obligeance 
de M. de Blâinville, les pièces du musée de Paris, que 
M. Milne Edwards voulut bien apporter avec lui en 
Angleterre. Les ossements, consistant principalement 
cm fémurs, tibias et tarso-rnétatarsiens, appartiennent 
certainement à la même espèce, et diffèrent, dans 
leurs "proportions relatives, des restes de Dodo dé- 
couverts à l'île Maurice ; ils indiquent un oiseau à 

. * • Liexreur de Cuvier a été rectifiée dans l'Analyse des tra- 
vail de' ta Société d'histoire naturelle de l'île Maurice 
fô-riincoY, par' M. Desjaruins lui-môme. 



pattes plus allongées, à station plus verticale, et con- 
cordent, par conséquent, avec la description donnée 
par Léguât ; ils présentent du reste, comme ceux du 
Dronte, des caractères qui, d'après MM. Stricklaud et 
Melville, ne se rencontrent que dans le groupe des 
pigeons; aussi ces deux auteurs n'hésitent pas à pla- 
cer le Solitaire à côté des Pigeons marcheurs, dans 
un genre nouveau qu'ils désignent par le nom de 
Pezophaps l . 

Dans ces derniers temps, M. Ed. Newton, auditeur 
général à l'île Maurice, a recueilli un très-grand nom- 
bre d'ossements de Solitaire, qu'il a étudiés avec son 
frère, M. Alfred Newton, professeur à Cambridge, et 
qu'il a décrits dans un mémoire spécial accompagné 
d'un grand nombre de figures*. Diverses pièces os- 
seuses appartenant à la même espèce ont été présen- 
tées, en 1869, par M. Clarck à la Société zoologiquc 
de Londres, et il résulte clairement de l'étude de ces 
précieux débris que l'opinion de MM. Strick'and et 
Melville est parfaitement fondée, et que le Solitaire, 
de même que le Dronte, est un Pigeon, mais un pi- 
geon de Ivpe aberrant. Avec les restes du Solitaire se 
trouvaient des ossements d'au très oiseaux que M. New- 
ton a soumis à l'examen de M. le profiteur Alphonse 
Milne-Edwarcls et qui fournissent de nouvelles preu- 
ves en faveur de la véracité de Léguât. Ce voyageur 
nous parle en effet d'un certain nombre d'espèces 
d'oiseaux qui sont aujourd'hui complètement étein- 
tes, comme le Solitaire, et entre autres de véritables 
Pigeons. 

te Les Pigeons, dit Léguât, sont un peu plus pe- 
tits que les nôtres, tous de couleur gris-ardoise, tou- 
jours fort gros et fort bons; ils perchent et nichent 
sur les arbres et on les prend aisément ; ils sont si 
peu farouches qu'il y en avait toujours une cinquan- 
taine autour de nous quand nous étions à table, parce 

qu'ils avaient pris goûta la chair de nos melons 

nous les appelions nos poules 5 . » Ailleurs il est ques- 
tion à plusieurs reprises des Perroquets : « Cet arbre 
porte un fruit assez semblable à l'olive, et les Perro- 
quets eu aiment beaucoup les noyaux ; » et plus loin : 
« les Perroquets verts et bleus s'y trouvent eu quan- 
tité, surtout de médiocre et d'égale grosseur. » Lé- 
guât cite aussi des passereaux de la taille d'un Serin, 
des Hiboux qui détruisaient beaucoup de rats, des 
Butors aussi gros et aussi bons que des Chapons, et 
enfin des Gelinottes « qui sont grasses pendant toute 
l'année et d'un goût délicat. Elles sont toutes d'un 
gris clair, n'ayant que très-peu de différences de plu- 
mage entre les deux sexes; elles cachent si bien 
leurs nids que nous n'avons pu découvrir, ni par 
conséquent goûter de leurs œufs. Elles ont un our- 
let rouge autour de l'œil et leur bec qui est droit 
et pointu, est rouge aussi, long d'environ deux 

• Strickiand et Melville, The Dodo and itt kindred, p. 54,' 
113 et suiv. 

» On tke Osteologif of Ihe Solitaire. Proc. Roy.. Soc., 1860, 
t. XVI, p. 428 à ioZ, et Philotoph. Tram., 1869, p. 3'27-. 
362; pi. 15 à 24. 

s Voyages cl aventures de François Léguât. — 1708 et 
1720. ' ■' - ' 



408 



LA NATURE. 



puuues ; elles ne sauraient guère voler, la graisse 
les rendant (rop pesantes. Si on leur présente 
quelque chose de rouge cela les irrite si fort 
qu'elles viennent l'attaquer pour tâcher de l'empor- 
ter, si bien que dans l'ardeur du combat on a occa- 
sion de les prendre facilement 1 . » Dans la collection 
qui lui a été envoyée par M. Newton, M. Alphonse 



Milne Edwards a reconnu le sternum et les os du 
torse et du pied d'une sorte de Râle, de petite taille, 
ressemblant beaucoup à l'Ocydrome de la Nouvelle- 
Zélande, et qui lui paraît être l'oiseau désigné par 
Lei-uat sous le nom de Gelinotte; aussi ce savant 
paléontologiste propose -t-il de désigner cette espèce 
éteinte sous le nom d'Erythromaque (c'est-à-dire 




I.e Solitaire restauré (d'après un dessin du cours de M. Milne Edwards au Jardin des Plantes). 



ennemie du rouge), afin de faire allusion à la parti- 
cularité rapportée p;ir Léguât, il. Milne Edwards a 
pu retrouver également, au milieu de ces ossements 
de l'île Rodrigue, des pièces appartenant les unes à 
une Chevêche (Alhene murivora), qui avait les tarses 
plus courts que la Chevêche de Madagascar, les au- 
tres à un Héron à tète massive (Ardea megacephala), 
d'autres à un Perroquet (Psitlacus rodericanus) qui 

1 Léguât, t. II, p. 71 



tenait à la fois des Palœornis et des Loris, d'autres 
à des Tourterelles ( Turtur picturatus de Madagas- 
car et Columba rodericana), d'autres à une Pintade 
{Numida tiarata de l'Afrique centrale). A ces débris 
d'oiseaux étaient mêlés les os d'un jeune porc, d'un 
chat, d'un rat (rat d'Alexandrie) et d'une Roussette 
(probablement le Pteropus rubricollis). Léguât nous 
dit en effet que les Chauve-souris étaient fort com- 
munes à Rodrigue, qu'elles s'accrochaient par les 
pieds aux branches des arbres, la tête en bas, et Pia 



LA NATURE. 



40D 



gré qui visita la même île eu 1761 , lors de son voyage 
pour l'observation du passage de Vénus, nous dé 
peint ces animaux comme étant de la grosseur d'un 
Pigron et ayant la tète d'un Renard. Ces détails s'ap- 
pliquent évidemment aux Roussettes. Quant aux 
Fous, aux Frégates, aux Pétrels et aux Paille-en- 
Queueque nous trouvons parfaitement dépeints dans 



l'ouvrage de Léguât, ils fréquentent encore aujour- 
d'hui les mêmes parages, de telle sorte que mainte- 
nant, grâce aux savantes recherches de MM. Slrick- 
land et Mel ville, Newton et Alph. Milne Edwards 1 on 
peut rendre pleine justice au mérite de cet ancien 
voyageur, et admettre, quelque extraordinaire que 
cela paraisse au premier abord, que File Rodrigue, 










& 



ètmm 




\êÈÊê0kS* 



Squelette du Solitaire (d'après uu dessin du cours de M. Milue Edwards au Jurdia des Hautes 



aujourd'hui presque déboisée et habitée presque ex- 
clusivement par des espèces introduites par les co- 
lons, était jadis couverte d'une riche végétation et pos- 
sédait une faune assez variée. Cotte population, dont 
l'homme a détruit les derniers vestiges, n'était proba- 
blement elle-même que le débris d'une faune plus 
nombreuse, car la nature volcanique de Rodrigue, de 
Maurice et de Bourbon permet de supposer que ces 
îles ne sont que les points culminants d'un ancien 
continent dont les parties basses devaient être recou- 



vertes par es eaux à une époque qu'jl est difficile de 
préciser. Nous avons pensé qu'il n'était pas sans 
intérêt d'exposer avec quelques détails, les efforts 
qui ont été faits dans ces dernières années par les 
paléontologistes, pour reconstituer cette faune à ja- 
mais disparue. E. Oostalet. 

1 Voy. Alph. MilncEdwards, Recherches sur la (aune or- 
nithologique éteinte des lies Mascareignes. — Taris, 1SG6- 
1873. 



410 



LA NATURE. 



• LÀ POPULATION DE LÀ TERRE 

.* ET SA. SUPERFICIE. 

■ " ■ (Suite «t fin. — Yoy. p. 274 et 348.) 

Quelle est la superficie de la terre? Les dimensions 
do notre globe étaient encore si mal connues du 
temps de Newton que lorsqu'il voulut, pour la pre- 
mière fois, vers 1666, vérifier la théorie de l'ai trac- 
tion d'après l'action delà terre sur la lune, par 
suite de l'erreur où l'on était sur la vraie grandeur 
de notre globe, il trouva un chiffre erroné et crut 
s'être trompé dans son hypothèse. Ce ne lurent que 
1rs mesures exactes del'abbé Picard qui lui prouvèrent 
la réalité de sa découverte quand il refit son calcul en 
1 682. Un petit historique très-court sera ici à sa place. 
Ce fn (AI Mamoun, qui le premier ut mesurer, vers 825, 
un degré du méridien dans les plaines de Bagdad. La 
mesure donna, croit-on, 47,188 toises. En 4528, Ker- 
nel trouva pour l'arc de 1° au nord de Paris 56,746 
toises, nombre remarquablement exact, relativement 
à l'imperfection des moyens dont la science dispo- 
sait à celte époque. Snellius, vers 1620, appliquant 
le premier les moyens géométriques à la me>ure de 
l'arc méridien entre Alcniaers et Berg-op-Zoom, ar- 
riva à un résultat bien moins précis en donnant pour 
longueur du degré 55,021 toises; Riccioli, vers 
1650, se trompa Lien plus grossièrement encore, en 
vsens inverse, en augmentant cette longueur jusqu'à 
62,900 toises. 

Enfin, l'abbé Picard, appliquant le premier la 
lunette à la mesure des angles trouva, eu 1769, la 
valeur exacte de l'étendue d'un degré entre Malvoi- 
sine et Amiens 57,060 toises. 

La dimension moyenne de la terre était connue, 
mais quelle était sa vraie forme? 

Les Cassini, mesurant l'arc français entre Dunkcr- 
que et Collioure, de 1683 à 1718, crurent s'aper- 
cevoir que la terre, contrairement à la théorie new- 
loniiiennc, était fusiforme, c'est-à-dire allongée dans 
le sens des pôles. Pour vider la question, sur la pro- 
position de la Condamine, les savants français mesu- 
rèrent de 1735 à 1745 la longueur d'un degré méri- 
dien en Laponie et au Pérou. 

Ils trouvèrent 57,419 toises pour la longueur du 
degré polaire ei 56,737 toises pour celle du degré 
équatorial ; ce qui prouva que la terre est bien apla- 
tie aux pôles, comme Newton l'avait prévu. L'arc po- 
laire fut mesuré à nouveau parles Suédois et trouvé 
égal à 57,196 toises par suite d'une triangulation 
plus exacte faite de 1 801 à 1803. 

Profitant des grandes opérations géodes iques exé-. 
cutées en France et en Espagne pour la détermination 
du mètre, et, dans toutes les contrées civilisées, pour 
la construction des cartes, Bessel, de 1837 à 1841, 
calcula la forme exacte de la terre et lui trouva celle 
d'un ellipsoïde aplati aux pôles d'un trois-centième. 
Depuis, de nouvelles triangulations ont été opérées, 
des arcs de méridien plus étendus ont été mesurés en 



Angleterre, dans l'Inde, en Russie; puis, sentant 
le besoin deserrer la vérité de plus près, on a entre- 
pris la mesure des arcs de parallèle. 

Les savants qui ont établi le mètre aussi bien que 
Bessel, avaient supposé que la terre forme un ellip- 
soïde de révolution, c'est-à-dire dont tous les méri- 
diens sont .égaux; cela était-il vrai? On commençait 
. déjà à en douter quand Otto Struve, en 1 857, pro- 
posa, par voie diplomatique aux gouvernements eu- 
ropéens, de relier ensemble les opérations géodési- 
ques exécutées dans les différents Etats, pour obte- 
nir enfin la vraie forme de la terre. Tous les pays 
répondirent à son appel et dans le nouveau calcul on 
put faire usage de l'arc de méridien de 20° 21' me- 
suré aux Indes ; de l'arc de 22° résultant de la jonc- 
tion de la méridienne de France, de Dunkerque à For- 
me ntera, et de la méridienne orientale d'Angleterre, 
deDunkerque aux Shetlands; et de l'arc méridien de 
25° 20' mesuré en Russie et Scandinavie, du Danube 
à la mer Glaciale. Puis de l'arc français du paral- 
lèle moyen, de Marennes à Fiume, de 15° 52'; 
d'amplitude; do l'arc do Brest à Astrakan de 55°; et 
de celui de Valcntia à Orsk, sur l'Oural, d'environ 
65°. Les opérations partielles furent centralisées, les 
comparaisons des étalons de mesure faites et les 
calculs généraux effectués par le capitaine (îlarke au 
bureau de triangulation d'Angleterre. Il résulte de 
ces calculs, publiés en 1866, que la terre forme 
réellement un ellipsoïde à trois axes inégaux dont 
tous les méridiens sont inégaux. Le méridien maxi- 
mum passe par le Spitzberg, l'Autriche, le détroitde 
Messine, le lac Tchad, longe la côte occideniale 
d'Afrique, et, dans l'hémisphère opposé, coupe le 
Pacifique par son centre et passe par le détroit de 
Behring. Le méridien minimum, perpendiculaire au 
précédent, passe par le cap Nord-Est en Sibérie, le 
Tong-King, le détroit de la Sonde et, dans l'hémi- 
sphère opposé, longe la côte occidentale de l'Amé- 
rique du Sud, passe entre Cuba et Haïii, puis près de 
New-York et de Montréal et enfin par le détroit de 
Smith. 

L'aplatissement moyen est bien de j^, comme 
Bessel l'avait calculé; mais la différence du rayon 
équatorial maximum et du rayon polaire est de j-Jg, 
tandis que la différence du rayon polaire et du rayon 
équatorial minimum est de gfj ; quant aux deux 
rayons équatoriaux, ils diffèrent entre eux de y-jVo. 

En résumé, pendant l'antiquité et le commence- 
ment du moyen âge, la terre, dont on ne connaissait 
qu'une partie, a été considérée par le commun des 
hommes, d'après le premier témoignage de leurs 
sens, comme une surface plate. Quelques esprits 
d'élite cependant avaient, dès l'antiquité, compris 
que la terre était ronde, mais cette vérité ne cessa 
définitivement d'être contestée qu'après qu'on eût 
fait le tour du monde. : 

La terre est alors considérée comme sphérique. 
Newton calcule qu'elle doit être aplatie aux pôles et les 
académiciens français démontrent qu'il en est ainsi. 
Enfin, les mesures modernes viennent de prouver 



LA NATURE. 



41 



que la terre n'est pas en réalité simplement un 
sphéroïde aplati aux pôles, niais un ellipsoïde à trois 
. axes perpendiculaires inégaux. 

Voici leurs dimensions: 

Axe polaire, 12,712 kil. 156 m. — Axe équato- 
rial minimum (par 1 05° 1-4' E. de Paris et 76" 46' 0.) 
1 v 2,7j2 kil. 701 m. — Axe équatorial maximum 
(par 13° 14' B. de Paris et 1 06 " 46' 0.) 12,700 kil. 

588 m. 

Le diamètre équatorial minimum excède du 40 ki- 
lomètres et le diamètre équatorial maximum de 41 
kilomètres le diamètre polaire 1 . 

De ces dimensions On déduit que la circonférence 
de l'équatcur est de 40,069 kil. 905 ni., celle du 
méridien maximum de 40,000 kil. 173 ni., et celle 
du méridien minimum de 40,000 kil. 098 m. — 
Comme il est entièrement impossible d'affirmer la 
réalité de cette petite fraction de 98 mètres sur qua- 
lanle millions, on remarquera que le mètre étalon 
des Archives, devenu depuis l'année dernière le mètre 
universel, est sensiblement égal, dans la limite des 
erreurs d'observation, à la quarante millionième 
partie du méridien terrestre minimum. 

De ces nombres ou déduit encore que le volume 
de la terre, y compris les eaux et en tenant compte 
de la surélévation des terres au-dessus de la surface 
océanique, mais non compris l'atmosphère, est de 
1,082,800,000,000 de kilomètres cubes. Avec l'at- 
mosphère le volume total dépusse onze cent mil- 
liards de kilomètres cubes. On déduit enfin de ces 
dimensions de la terre que sa surface totale est de 
509,942,000 kilomètres carrés, dont 21,073,300 
kilomètres sont occupés par chaque zone glaciale, 
152,598,500 par chaque zone tempérée et enfin 
202,998,800 par la zone torride. 

D'un travail très-éleudu, publié nouvellement par 
M. Iklnnet Wagner 8 , il résulte que la superficie oc- 
cupée par les terres habitables, c'est-à-dire par les 
continents et les îles, y compris les bassins lacus- 
tres et toutes les eaux intérieures; mais non compris 
les terres et îles polaires ensevelies sous les glaces 
(comme le Spitzberg, les terres de Gillis, du roi 
Charles, de Wrangel, de François-Joseph, etc., au 
nord, l'île de Kerguelen, les terres Victoria, d'En- 
derby, etc., au sud), que la superficie de la terre, 
proprement dite, est de 134,813,000 kilomètres 
carrés; d'où l'on. déduit que celle des océans el des 
glaces est de 575,129,000 kilomètres carrés. 

Si l'on ajoute aux terres habitables celles que re- 
couvrent les neiges perpétuelles, on trouve que les 
océans ne submergent que les j^ du globe, niais, 
au contraire, si on tient compte de la superficie 

1 Les capitaines Dcnliam et Hinggoîd ont mesuré dans 
l'océan Atlantique sud et l'océan Indien des profondeurs de plus 
deli kilomètres qui, ajoutées à la hauteur du Gaurishankar, 
hauteur de près de 9 kilomètres, prouvent l'existence de dé- 
nivellations de 2j kilomètres de hauteur totale au moins, dé- 
pnssjjit 1.1 difïéiYiiee du rayon polaire et du rayon équatorial 
maximum. 

8 Die Bevôllicrung der Eide von E. Bchrn und H. Wagner. 
— Gotha, Juslus Perlho : , 1871. 



remplie à l'intérieur des continents par les bassins 

lacustres, on constate que l'eau, soit douce, soit 

salée, soit liquide, soit solide, occupe les trois quarts 

-de la terre et qu'un quart seulement est habitable. 

Nous étudierons comment se répartit cette 
surface de treize milliards et demi d'hectares 
environ occupée par les terres ; mais des chiffres 
abstraits ne signifieraient rien, nous devons donc 
d'abord citer quelques termes de comparaison, en 
commençant par une surface très-petite que le re- 
gard embrasse facilement. Nous choisirons le Champ- 
de-Mars de Paris, dont la superficie est de 46 hecta- 
res; Paris a une superficie environ 170 fois plus 
grande que celui-ci, soit 7,802 hectares; le dépar- 
tement de la Seine est 6 fois plus vaste que son 
chel-lieu, 47,550 hectares; le plus grand de nos 
départements, la Gironde, est 20 fois plus grand que 
celui de la Seine, 974,032 hectares (la plus grande 
de nos îles, la Corse, est un peu plus petite que 
ce dernier département, 874,741 hectares). La France 
est onze cent onze foi* plus étendue que le départe- 
ment de la Seine, et d'autre part sa superficie de 
52,857,305 hectares n'est qu'un peu plus du ving- 
tième de celle de l'Europe, moins d'un milliard 
d'hectares; et un peu plus du millième de celle du 
globe, cinquante el un milliards d'hectares. Nous 
avons dit que le Champ-de-Mars couvre 46 hectares ; 
mais eu ajoutant à sa superficie celle des trois ave- 
nues adjacentes, on trouve que l'espace vide compris 
entre les bâtiments de l'Ecole Militaire et les niai- 
sons des avenues la Bourdonnaye et Suffren, — 
espace que l'on embrasse d'un seul coup d'œil du 
haut du Trocadéro, — a tout près de 51 hectares, 
un billionième de la superficie de la terre; c'est-à- 
dire que la surface totale de notre globe, terre et 
mers, est précisément égale à un milliard de fois 
celle du Champ-de-Mars (les avenues latérales com- 
prises). 

Donc, la France, depuis le traité de Francfort, 
couvre un peu moins de cinquante-trois millions 
d'hectares (c'est-à-dire 5 3 degrés métriques ou grades 
carrés, car ces deux expressions sont synonymes: 
1,000,000 d'hectares formant un carré de cent kilo- 
mètres, ou un grade de côté, ou 10,000 kilomètres 
carrés) . 

Voici maintenant la superficie des cinq parties du 
mo::de en millions d'hectares : 

Europe 1 985 

Asie» 4,480 

Afrique 2,993 

Amérique 3 4,137 

Océanie 887 

Ces superficies comprennent les eaux intérieures; 
h; plus grand de tous les lacs, la Caspienne (plus de 
40,300,000 hectares) n'est pas aussi grand que la 

1 Avec l'Islande et tes Açores, non compris SpiUbcrg. 
* Avec la llalaisie. 

5 Amérique du Sud 1 78 i-, du NorJ 2353 millions d'hec- 
tares, 



412 



LA NATURE. 



France, mais pour juger cette étendue il faut la 
comparer à celle du Léman, le plus vaste de nos 
lacs de l'Europe occidentale, lequel a seulement 
57,780 hectares. La Caspienne est une mer, c'est-à- 
dire que ses eaux sont salées. Le plus grand lac d'eau 
douce est le lac Supérieur qui couvre à lui seul plus 
de 8,300,000 hectares 1 et plus de 25,300,000 hec- 
tares avec les autres lacs du Saint- Laurent, Michi- 
gan, Huron, Ontario, Érié, Saint-Clair (ce dernier, 
le plus petit de tous, étant encore trois fois et demie 
plus grand que le lac de Genève). 

Après les grands lacs comparons les grandes îles. 
En mettant à part l'Australie qui, avec sa superficie 
de 763 millions d'hectares, est assez grande pour 
iormer un continent et le Groenland dont l'aire pré- 
sumée est de 497 millions d'hectares, mais qui 
forme un archipel aggloméré en un seul massif par 
les glaces, plutôt qu'une île unique, la plus grande 
île proprement dite est Bornéo, qui a près de 75 mil- 
lions d'hectares, c'est-à-dire une superficie égale à 
celle de la France et de la Grande-Bretagne réunies. 
La Nouvelle-Guinée vient immédiatement après 
avec 71 millions d'hectares, puis Madagascar avec 
59,200,000 hedares, Sumatra avec 44,200,000 hec- 
tares. 

La Grande-Bretagne, dont nous venons de parler, 
la plus grande île de l'Europe, le plus puissant Etat 
du monde, n'arrive au cinquième rang qu'avec une 
superficie presque moitié moindre : 23 millions d'hec- 
tares. 

Quant à la seconde île qui complète le Royaume- 
Uni, l'Irlande, toute vaste qu'elle soit elle ne se place 
qu'au dix-huitième rang, après les deux grandes îles 
de la Nouvelle-Zélande, les deux grandes îles du Ja- 
pon, Célèbes, Java, Cuba, Luçon, Terre-Neuve, l'Is- 
lande, Iesso et Mindauao. 

Les différentes échelles des cartes constituant un 
atlas faussent notre jugement, et, instinctivement, 
l'énorme espace couvert par le continent d'Asie, par 
exemple, se réduit dans notre esprit, comme pour 
notre œil, aux dimensions de l'Europe. La carte 
d'Europe, que nous connaissons bien, occupant la 
même surface de papier que les autres parties du 
monde, ou est presque invinciblement porté à ad- 
mettre que les superficies réelles présentent la môme 
égalité*. 

On commence à savoir que l'empire insulaire du 
Japon est plus vaste et plus peuplé que le royaume 
insulaire de Grande-Bretagne et d'Irlande, mais se 
doute-t-on que Mindauao, qui ne forme qu'une mi- 
nuscule tache sur la carte d'Océanie, couvre près de 
huit millions et demi d'hectares, un peu plus que 
l'Irlande! 

1 C'est à-dire qu'il est à peu près grand comme l'Irlande. 

* Et il serait désirable qu'il fût exécuté un atlas destiné aux 
enfants, dans lequel toutes les cartes seraient — au moins par 
groupe — dessinées à une échelle identique. Une fois la pre- 
mière éducation de l'œil faite , il n'y aurait plus d'inconvé- 
nient à confier aux adolescents les atlas ordinaires où l'échelle 
des cartes est modifiée en raison inverse de la grandeur dej 
montrées, de façon à ce que le cadre soit toujours rempli. 



Pour les Elats continentaux les rapports ne sonl 
pas moins inattendus. La Corée, qui parait sur h 
carte comme un petit appendice des côtes chinoises, 
est en réalité une presqu'île de dimensions analogues 
à celles de l'Italie. Quant à ce vaste empire Chinois 
dont la Corée est un des tributaires, on sait bien, 
en bloc, qu'il est gigantesque, mais s'est-on rendu 
compte qu'il occupe à peu près vingt fois la su- 
perficie de la France et possède douze fois sa po- 
pulation (425 millions d'habitants). C'est l'état 
politique le plus peuplé du globe, mais ce n'est 
pas encore le plus vaste, l'empire Busse s'étend en 
Europe et en Asie sur une zone double d'étendue, de 
sorte qu'il réunit une superficie quarante fois plus 
grande que celle de la France ! — C'est le plus grand 
empire d'un seul tenant; mais, avec toutes ses pos- 
sessions dont plusieurs, il est vrai, sont purement no- 
minales, l'empire britannique est encore un peu plus 
étendu. La Russie fait flotter son drapeau sur plus 
de deux milliards d'hectares et l'Angleterre, le sien 
sur environ deux milliards trois cent millions d'hec- 
tares, et elle compte plus de 280 millions de su- 
jets. A l'opposé, certaines petites îles perdues dans 
l'Océan ne comptent que quelques habitants, vérita- 
bles Robinsons volontaires. L'île Palmyre, par exem- 
ple, n'a que 5 habitants 1 

Les Etats américains sont également immenses ; les 
États-Unis mesurent une aire de 933 millions d'hec- 
tares, presque autant que 1 Europe, le Brésil 852 
millions (16 lois la France). De faibles pays ont en- 
core un vaste territoire, la République argentine 
est quatre lois, le Venezuela deux fois grand comme 
la France. En étudiant la distribution de ces im- 
menses contrées, si fertiles et si peu peuplées, — 
l'Amérique méridionale tout entière n'a que les deux 
tiers de la population de la France, — on comprend 
que c'est là que l'humanité réalisera son développe- 
ment futur, plus que dans notre Europe où les indi- 
vidus et les peuples se disputent l'espace à ce point 
qu'une grande puissance, comme l'Angleterre, con- 
serve et défend avec un soin jaloux l'île d'IIelgoland, 
qui n'est guère plus vaste que notre Champ-de-Mars 
(elle couvre 55 hectares), et que tel souverain, 
comme le prince de Monaco, par exemple, est fier de 
régner sur 3000 sujets et sur un territoire de 1 ,500 
hectares, c'est-à-dire grand comme le cinquième de 
Paris. Ciîarles Roissav. 



L'HORLOGE MYSTÉRIEUSE 

Cette horloge que le public a remarquée non sans 
étonnemeut à l'exposition des Beaux Arts appliqués à 
l'industrie, est bien faite pour exciter la curiosité. 

En apparence, que voit-on ? Un cadran de glace 
très-transparente, à la surface duquel les deux ai- 
guilles des heures se meuvent dans les mêmes con- 
ditions que dans un cadran ordinaire, mais rien au- 
tre chose n'apparaît ; on cherche le mécanisme qui 
fait mouvoir ces aiguilles; on suppose d'abord qu'il 



LA NATURE. 



413 



-.?, .-.„,: .-• • 



est électrique, parce que le cadran est suspendu 
dans l'espace par deux fils; mais on s'aperçoit bien- 
tôt que ces fils ne sont nullement en contact avec 
les niguilles; on cherche un support quelconque 
dans lequel le mouvement pourrait avoir été caché, 
mais rien ne peut être découvert, le mystère paraît 
impénétrable. 

L'étouuement ne lait que grandir lors iu'on voit ces 
aiguilles libres, fixées sur la glace qui les isole, avoir 
la propriété de tourner dans toutes les directions, de 
se balancer dans leur orbite autant de temps qu'un 
doigt indiscret l'aura voulu, et puis revenir d'elles- 
mêmes, non à l'heure qu'il était, mais bien à l'heure 
qu'il doit être; 
malgré tous dé- 
rangements et 
toutes contrarié- 
lés de quelque 
durée qu'ils 
soient, les aiguil- 
les viennent re- 
prendre leur 
place qui leur est 
indiquée par 1p 
temps et conti 
uuent ensuite 
leur mouvement 
régulier et uni- 
forme . 

Lesaiguillesde 
l'horloge poitent 
elles-mêmes leur 
mécanisme; elles 
constituent , on 
peut dire , une 
balance à leviers 
inégaux, dans la- 
quelle le mou- 
vement d'horlo- 
gerie n'a pourbut 
que de déranger 

l'équilibre , et cette propriété est employée pour lui 
l'aire indiquer l'heure et la minute, ainsi que nous 
allons l'expliquer. 

C'est l'aiguille des minutes qui est la balance ; 
elle est rigoureusement équilibrée. Dans lu boîte 
ronde fixée au talon de cette aiguille, sous l'action 
d'un mouvement de montre qui y est renfermé, un 
poids en platine se déplace autour de la circonférence 
de la boîte. 

Le centre de gravité étant à tout instant déplacé 
par la révolution de ce poids, qui fait un tour en 
une heure, l'aiguille des minutes est forcée de suivre 
ce déplacement, puis au moyen d'une minuterie, elle 
fait mouvoir l'aiguille des heures ; par cette dispo- 
sition les aiguilles sont dépendantes l'une de l'autre 
mais restent indépendantes du mouvement. Si on 
les dérange de moins de trente minutes en avance ou 
en relard, elles reviennent automatiquement toutes 
deux à leur place; si on les fait tourner vivement, 




L'horloge mystérieuse de M, II. Robert, 



l'aiguille des minutes revient à la minute, mais celle 
des heures revient à une heure quelconque. 

D'après le même principe, mais par une disposi- 
tion différente, en laissant à l'aiguille des minutes 
un mouvement faisant faire au poids un tour par 
heure, et mettant à l'aiguille des heures un mouve- 
ment avec un poids faisant un tour en douze heures 
on arrive à ce résultat que les aiguilles sont indé- 
pendantes l'une de l'autre, et qu'en, faisant tourner 
une aiguille dans un sens, et l'autre dans l'autre, 
l'une revient invariablement se mettre à la minute et 
l'autre à l'heure. 

On voit que le mécanisme de l'horloge mystérieuse 

est simple et in- 
génieux; son 
principe n'est pas 
absolument nou- 
veau, et, avant 
M. Robert, on a 
déjà proposé de 
faire mouvoir des 
aiguilles à l'aide 
d'un mouvement 
qu'elles pou- 
vaient contenir 
dans l'intérieur 
du métal qui les 
constituaient. 
Mais M. Robert a 
apporté à ce sys- 
tème des perfec- 
tionnements très- 
importants, il l'a 
présenté sous une 
l'orme élégante, 
et l'a rendu ab- 
solument prati- 
que. 

Chaque jour on 
remonte l'hor- 
loge mystérieuse 
comme une montre, et s'il arrive qu'elle soit sou- 
mise à quelque accident, tout horloger peut facile- 
ment la réparer. 

CHRONIQUE 

L'explosion do Saint-Denis et le nitrate de 
méthyle- — Jeudi mutin, 19 novembre, à 6 h. 30 envi- 
ron une détonation formidable se produisit, à Saint- Denis, 
à l'usine de M. Poirier, fabricant de matières colorantes 
dérivées du goudron de houille. L'explosion fut si intense 
qu'un grand nombre de carreaux furent brisés au loin, et 
jusque dans l'intérieur de Paris même. La presse toul en- 
tière s'est occupée de cet accident, mais sauf de rares ex- 
ceptions, les renseignements qui entêté donnés à ce sujet 
sont tout à fait erronés. La matière qui a fait explosion 
est le nitrate de mélhyle, liquide très-volatil dont le point 
d'ébullilion est à C0' et qui est employé il transformer le 
magnifique violet de méthjl-aniline, ou violet de Paris, en 



AU 



LA NATURE. 



vert lumière. Il nous paraît intéressant de donner quelques 
détails précis sur cette substance peu connue et sur sa pré- 
paralion. 

La production du nitrate de méthvle estassez longue ; elle 
exige quatre joui nées. Le premier jour on mélange de l'a- 
cide sulfnrique avec de l'esprit de bois ou alcool méthvli- 
que, en opérant dans un vase continuellement refroidi 
extérieurement afin d'éviter une trop grande élévation de 
température, qui activerait l'évaporatum de l'esprit de bois. 
Le second jour le mélange ainsi formé esl versé par min- 
ces blets sur du salpêtre ou azotate de potasse ; le nitrate 
de mélhyle prend naissance et distille immédiatement sous 
l'influence de l'élévation de température due à la réaction. 
Le troisième jour le produit distillé est chauffé à air libre, 
et au bdiii-marie, dans un grand réservoir porté à la tem- 
pérature de 50°; des matières étrangères très-volatiles 
sont ainsi éliminées. Le quatrième jour le liquide restant 
dans le réservoir, et qui atteint généralement le poids de 
200 kilogrammes, est recueilli à l'aide d'un siphon dans 
des vases où on le fait digérer avec du chlorure de calcium. 

C'est au moment de celte opération que l'accident a ou 
lieu de la façon suivante. Tandis qu'un ouvrier syphonait 
le liquide, son camarade prit imprudemment une lanterne 
et regarda dans la cuve où il restait encore du nitrate de 
métbyle. Immédiatement le liquide volatil s'enflamma... 
et presque aussitôt une détonation effroyable se fit en- 
tendre pulvérisant toute la partie environnante de l'usine. 
Un des deux ouvriers fut frappé de mort; l'autre vit encore 
mais est grièvement blessé. On ignorait jusqu'ici que le 
liktrale de métbyle fût un composé détonant ; on savait 
qu'il était combustible, mais nul chimiste n'avait soup- 
çonné sa puissance explosive. Nous devons ajouter que dans 
l'atelier même, où s'est produit l'accident, il y avait plu- 
sieurs tourïcs de nitrate de méthyle représentant environ 
un poids de 800 kilogrammes de celte dangereuse sub- 
stance. L'accident s'est produit dans une partie retirée de 
l'usine do M. Poirier, dont les ateliers les plus importants 
continuent à fonctionner malgré cet accident dont les con- 
séquences ont été exagérées. 

Les matières colorantes, produites à l'usine de M. Poi- 
rier, sont, comme nous l'avons dit, dérivées de l'aniline. 
SI. Poirier est un des premiers industriels qui ait com- 
mencé à fabriquer ces magnifiques substances tinctoriales, 
dont on fait aujourd'hui un usage considérable. La fabri- 
cation du violet de methyl-aniline, la plus importante de 
toutes, sert en quelque sorte de base à la préparation des 
autres matières colorantes; les dégâts dus à l'explosion 
n'y ont pas porté atteinte. Elle est organisée chez M. Poi- 
rier avec tous les perfectionnements qui lui ont éle ap- 
portés dans ces dernières années, et s'exécute dm s des 
vases clos émaillés, où l'on fait réagir l'acide chlorliydri- 
que et l'esprit de bois. sur l'aniline. — Nous reviendrons 
sur cette intéressante fabrication. G. T. 

. Création d'une- station sérieicoie dans l' Ex- 
trême-Orient. — Le congres international séricicole de 
Montpellier a émis un vœu important, à la demande de 
M. le marquis de Ginestous, du Vigan, président de la hui- 
tième section (sériciculture-entomologie) delà Société des 
Agricu leurs de France, président du comité agricole de 
l'arrondissement du Vigan, vice-président du congrès in- 
ternational de Montpellier, avec l'assentiment de ces 
diverse» associations. Ce vœu demande : « La création par 
le gouvernement, en Extrême-Orient, soit dans notre co- 
lonie de la Cochinchine, soit en Chine, soit au Japon, 
pa,ys, comme chacun sait, d'origine du mûrier et des vers 
à épie du mûrier, d'une station séricicole pour la régénéra- 



tion en Europe de ce ver et de ce précieux arbre. Cela, 
naturellement, au moyen de productions de graines de 
vers à soie les mieux choisies et de vastes pépinières de 
mûriers les plus convenables, pour les faire parvenir en 
France avec toutes les garanties cl précautions aujourd'hui 
indiquées par la science : bonne aération, emploi des 
meilleurs emballages, des appareils réfrigérants, etc. » Il 
y a lieu d'espérer de bons résultais de cet appel l'ait à 'a 
nature, aux sources, aux lieux à origine, tant du ver àso:e 
que du végétal qui en est inséparable pour sa parfaite ali- 
mentation. 

Nous ne saurions trop applaudir à ce projet important, 
qui est destiné à rendre en Europe l'ancienne prospérité 
de la production de la soie. 

Caractère parasite de l'érysipèle. — Le parasi- 
tisme est certainement une cause de beaucoup de maladies; 
le docteur Lukomsky a publié dans les Yircltow's Arcltiv 
un mémoire tendant à démontrer que l'érysipèle et occa- 
sionnée par des organismes ou spores. Un liquide qui en 
contient, produit une violente inflammation phlegmoneilse, 
quand il est injecté sur un tissu sain; si le même liquide 
en est dépourvu, il nu produit aucun effet. Celte expé- 
rience tendrait à démontrer que cette maladie, dont la 
cause était peu connue, pourrait s'inoculer, comme d'au- 
tres maladies contagieuses. 



*><■ 



CORRESPONDANCE 

LE TÏPllON DE LA MER DE CHINE. — 2*2 SEPTEMBRE I87i. 

... En arrivant à Macaoje remarquai deux phénomènes 
assez curieux. Une vache laitière qui jusqu'alors nous avait 
donnébeaucoup de lait, cessa brusquement de nous en fournir 
la plus petite quantité; ensuite, pendant 5 ou 4 jours, nos 
appartements furent envahis par des nuées de libellules qui 
disparurent le lendemain du typhon. Le 22, le baromètre 
marquait 74° à 7 h. du matin ; à 5 h. du soir il descendit 
à 73,78. A. ce moment un coup de canon, tiré par ordre 
du capitaine du port, retentit dans toute la ville, annon- 
çant l'approche de l'ouragan. Le vent était alors au nord- 
est Son intensité était encore très- faible. De temps à 
autre même, il ne soufflait plus et était suivi d'un calme 
complet; l'aspect du ciel était menaçant à l'est, sur un 
fond cuivré se détachaient de grandes plaques noirâtres en- 
forme d'ellipse; à l'ouest, la teinte était grisâtre avec des 
raies rouges comme du sang ; au sud l'horizon était 
plombé, dans certaines parties ardoisé, tandis qu'au nord, 
on ne voyait pas un seul nuage, mais un bleu azuré qui 
semblait dire à chacun : tranquillisez-vous, la tempête ne 
viendra pas avant un certain temps. La mer était unie 
comme un lac, à peine, si de loin en loin une légère brise 
venait rider la surface de l'eau, dont la couleur, au cou- 
cher du soleil, passa du bleu au vert, puis au rose et enfin 
à l'écarlate. C'était à la fois curieux et effrayant à voir. A 
G h. lèvent fraîchit. Toutes les jonques et barques qui se, 
trouvaient dans la rade gagnèrent le port intérieur ; à 8. h. i 
la pluie commença à tomber et les rafales devinrent de 
plus en plus violentes. Il n'y avait plus à douter de l'ap- 
proche du typhon. le fis aussitôt prendre toutes les pré- 
cautions adoptées en pareille circonstance; les persiennes, 
furent consolidées avec des barres posées en travers et les 
portes fermées avec lesverroux de sûreté. De 8 h. à minuit 
le vent toujours du nord, augmenta progressivement jusqu'à ' 
ce qu'il vienne to..t à coup à l'est. Notre vérandah fut ébranlée 



LA NATURE. 



413- 



immédiatement et toute la maison trembla sur sa base. A 
partir de ce moment, jusqu'à 4 h. 1/2 du malin, ce qui 
s'est passé est presque indicible. Pondant quelque temps 
j'ai essayé de lutter contre la tempête. Nous avons entassé 
armoires, buffets, commodes, contre les portes et les fenê- 
tres qui craquaient sous les efforts violents du vent. Mais 
tout à coup, toute la verandah s'est effrondrée, les toitu- 
res ont été enlevées et nous n'avons eu que le temps de 
nous réfugier au rez-de-chaussée, dans une petite cham- 
bre où nous mettions habituellement nos chaises à porteur. 
Le mugissement du vent mêlé au bruit des cheminées qui 
tombaient ou à celui des tuiles qui pleuvaient littéralement 
sur le sol, le battement des portes, les poutres qui se bri- 
saient, les cris de détresse de nos malheureux voisins dont 
la maison était entièrement écroulée, tout cela réuni était, 
je vous l'assure, effrayant. A 2 h., un de nos domestiques 
chrétiens vint me dire à l'oreille que le ciel était tout en 
feu et que c'était sans doute la fin du inonde. Je sortis 
aussitôt dans la cour et aperçus au-dessus de la maison une 
immense luiur s'étendant dans la direction du nord-est. 
J'avoue que je fus terrifié pendant quelques secondes, ne 
pouvant me rendre compte d'un phénomène aussi extraor- 
dinaire. Mais après avoir observé avec plus d'attention, je 
ne tardai pas à voir les flammes d'un incendie terrible. 

... Nous avons passé ainsi de longues heures dans des 
angoisses mortelles ; enfin, quand le jour commença à 
paraître et que le typhon se fut un peu calmé, nous pûmes 
gagner la seule chambre à coucher qui avait été épargnée 
au premier étage, et toute rnn petite famille épuisée d'é- 
motions et de fatigues put respirer. Quant à moi j'avoue 
que je remerciai mille fois la Providence de nous avoir 
protégés au milieu de tant de périls. J'ai oublié de vous 
dire que le feu avait été mis volontairement par une 
bande de pirates qui ont pillé un grand nombre de mai- 
sons. 

Le '23 au matin, Macao n'était plus, comme le dit le re- 
porter de Hong-Kong Times, que la ville des ruines et 
de la mort. Plus de 4,000 personnes ont péri dans l'après- 
midi ; en allant recueillir le corps d'un mandarin d'une 
canonnière du vice-roi de Canton, commandée par des 
Français, j'ai compté sur la grève, sur un espace de 200 
mètres, environ 280 cadavres. Le gouverneur, le vicomte 
de San Francisco s'est parfaitement conduit. Craignant 
avec raison une épidémie, il a fait brûler tons les cadavres 
en les faisant arroser avec du pétrole ; malgré cela une 
fièvre d'un caractère particulier n'a pas tardé à se décla- 
rer dans la ville qui, en outre, est, depuis le typhon, me- 
nacée de devenir la proie des milliers de pirates chinois 
dont elle était le repaire et qui n'ayant pas grand'chose à 
faire depuis la suppression de l'émigration, se préparent ù 
achever l'œuvre de destruction des éléments... 

V. Dabry de Tiner.sANT, . 
Consul de France en Chine. 

llong-lvonjj, 29 septembre 1874. 



. _ ACADEMIE DES SCIENCES 

Séance du 23 novembre 1874. — Présidence de M. B&rîiumi. 

Election d'un secrétaire perpétuel. — La salle présente 
une animation inaccoutumée. Le public est nombreux et 
4SJ académiciens sont à leur place. 11 s'agit de remplacer 
M. Elie de Beau mont comme secrétaire perpétuel. La liste 
des candidats porte par rang d'ancienneté : 1" M. Faye ; 



2* M. Bertrand. Avant le scrutin, tout le inonde paraît 
fixé sur son résultat. Personne ne doute de l'élection du 
président actuel de l'Académie, et en effet, 33 suffrages 
l'appellent à conserver sa place au bureau qu'il s'apprêtait 
à quitter à la fin de l'année. Son concurrent réunit 13. 
voix, et M. Jamin, absent d'ailleurs, en désigne par un 
bulletin. L'urne recèle en outre deux billets blancs. 

Inondation et phylloxéra. — A plusieurs reprises déjà 
on a préconisé contre le phylloxéra la submersion des 
cépages infectés. Même, on a exécuté aux environs de 
Montpellier des travaux considérables de dérivation, qui 
n'ont pas d'autre objet. Or, tout en reconnaissant reffica- t 
cité évidente de la méthode, M. Masson a voulu voir avec* 
quelle rapidité elle agit. Dans ce but, 30 ceps de vignes' 
phylloxérés étant plantés dans autant de pots à fleurs, 
ceux-ci sont complètement immergés dans un grand bas- 
sin* 24 heures après, l'un des pots est retiré, et soumis à ' 
un examen minutieux. Puis, successivement de 24 heures, 
en 24 heures, tous les autres pots sont soumis à la même, 
épreuve. La conclusion est que, dans le trentième pot. 
seulement, tous les phylloxéras sont détruits, ou, en' 
d'autres termes, que, même dans ces conditions exception- 
nellement favorables, il faut 50 jours de submersion, pour-' 
asphyxier le parasite. Dans la -walique agricole, suivant- 
l'auteur, il faudra 40 jours pour obtenir le même résultat. 

Incendie- — Un teinturier de Puteaux vient de voir dé- 
truire son usine par un incendie. Les ouvriers rapportent 
que le feu s'est déclaré dans des récipients remplis de 
benzine à la suite de la friction réciproque d'étoffes dé 
laine tachées de graisse, et entre lesquelles se seraient dé- - 
veloppées des étincelles él étriqués. Ce récit soulève chez 
M. Balard des protestations énergiques, et il n'est pas 
éloigné de penser que les ouvriers, victimes d'un accident.' 
vulgaire, ont inventé ce récit pour détourner les repro- 
ches. Cependant, l'histoire de la science montre à trop do 
reprises le danger de repousser sans examen le témoignage 
du commun des martyrs, pour que l'Académie ne se mon-' 
tre pas prudente: Mil. Ballard, Bertliclot et Becquerel 
sont chargés d'examiner le fait et d'en dire leur opinion. 

Passage de Vénus. — On apprendra avec satisfaction y 
que l'expédition dirigée par M. André, à destination de . 
>'ouméa, était arrivée le 21 septembre à Sidney, dans les 
conditions les plus favorables. 

Champignons et mucédinées, — Les champignons don- 
nent à l'analyse un certain nombre de principes immédiats, . 
tels que la mannite, la trélulose, etc., dont l'origine n'a- ' 
vait point encore été déterminée. M, Mimtz, préparateur 
du cours de chimie agronomique, au Conservatoire des 
Arts et Métiers, a institué, pour combler celte lacune, une • 
série d'expériences qui lui ont permis de reconnaître lu 
formation, chez les mucédinées, des principes en question 
aux dépens de substances parfaitement définies. Le péni- 
cillium glaucum, par exemple, nourri sur un terrain t'a- ; 
vorable avec de l'acide tarlrique, du sucre, de L'ami- •- 
don, etc., contient beaucoup de munile.. ; ,„ . j 

Effet de trombe. — Les journaux ont décrit les désos-, ' 
lies causés par la récente trombe de La f'oèze. Le direc- • 
teur de la compagnie d'assurances qui dut envoyer ses i 
agents sur les lieux, signale comme particularité retnar* ' 
quable Pétai des arbres brisés par le météore. Ceux-ci, des i • 
chênes d'un diamèlre de 80 centimètres, sont, - réduits on. .i 
faisceaux d'éclats qu'on ne peut mieux comparer qu^i 
des bottes d'échalas licliées par un. bout dans., la terre.' . 

.... „ » T .1 . . J, . , 



416 



LA NATURE. 



L'éeorcc qui les enveloppe est fendue en trois ou quatre 
points, comme sous l'effet d'une énorme pression inté- 
rieure. Nul doute que l'électricité n'ait ici le principal 
rôle, el qu'un choc en retour ne soit la cause de l'explo- 
sion que les arbres ont véritablement subie. 

Stanislas Meunier. 

LA VIPÈRE NOIRE D'AUSTRALIE 

Parmi les serpents à venin, le groupe qui ren- 
ferme les espèces les plus dangereuses est à coup 
sûr celui des Ophidiens solénoglyphes; leurs mor- 
sures sont, en el'fet, presque fatalement mortelles. 

Ces Ophidiens ont des dents aux deux mâchoires : 
les os de la mâchoire supérieure, réduits chez eux 
à une masse solide et arrondie, sont excavés et s'ar- 
liculent de manière à pou- 
voir être mus par un mou- 
vement de bascule; il ré- 
sulte de cette disposition 
que les crochets dont la 
mâchoire est armée, se 
dirigent en avant, chaque 
fois que l'animal veut 
mordre, et rentrent dans 
la bouche lorsqu'elle se 
ferme et que les mâchoires 
se rapprochent. 

Ces crochets sont longs, 
coniques, à pointe très- 
acérée ; leur base, per- 
forée intérieurement dans 
toute sa longueur, forme 
un canal qui aboutit à 
un étroit sillon creusé sur 
la dent. Ce canal sert de 
conduit à l'humeur vé- 
néneuse qui s'écoule de 
la glande lorsque l'arme 

empoisonnée fait une piqûre datis les chairs de la 
victime. La petite ouverture produite de la sorte est 
aiguë, très-déliée; la peau est piquée, non déchirée, 
de sorte que la plaie se resserrant s'oppose à l'issue 
du poison, dont l'action est ainsi assurée. 

Deux familles ont été établies par les natura- 
listes dans ce sous-ordre des Solénoglyphes, celle des 
Crotaliens qui comprend les Serpents à sonnette, les 
Tri gonocép haies, les Lachésis, et celle des Yipériens 
avec les Vipères, les Cérastes, les Echidnces, les Pc- 
liades, les Àcanthophides. 

Ces derniers représentent nos vipères en Australie, 
mais la grande taille à laquelle ils parviennent et la 
puissance de leur venin les rendent bien autrement 
dangereux que nos Yipériens, aussi sont-ils fort re- 
doutés des Anglo-Australiens qui désignent l'Acan- 
thophide cérastin sous le nom de serpent mortel, 
death adder. 

La forme générale est celle d'une vipère, à tête 
plus large que le cou; le dessus du corps est revêtu 




d'écaillés s'imbriquant comme les tuiles d'un toit, 
légèrement carénées et arrondies sur leurs bords li- 
bres. Les dernières écailles de la queue sont petites 
et serrées, comme hérissées et épineuses; la dernière 
écaille est cornée, pointue comme un petit aiguillon, 
et c'est de cette particularité qu'est tiré le nom 
scientifique de l'animal, nom qui veut dire. serpenta 
épine. 

La couleur paraît varier; le ventre e?t, en géné- 
ral, d'un blanc sale avec des taches noires; le dos 
est gris-jaunâtre avec des bandes transversales noi- 
râtres ou d'un rouge briquclc. Le dessus de la tête 
est le plus souvent sans taches, lavé de gris plus ou 
moins foncé; sur les lèvres se remarquent des taches 
blanches alternant avec des taches noirâtres. Les in- 
dividus vus par les premiers observateurs étaient, 
sans doute, d'une teinte plus obscure; ils ont, en 

effet , désigné l'espèce 
sous le nom de vipère 
noire, Black shake. 

Nous ne connaissons 
rien encore des mœurs de 
cette vipère , assez abon- 
dante cependant dans la 
Nouvelle-Galles du sud. 
Merren, qui l'a l'ait con- 
naître en 1790, la dé- 
signe sous Je nom de Vi- 
père enroulante (Schlin- 
gende natter) , ce qui 
porte à croire qu'elle 
s'entortille autour des 
arbres à la façon des boas, 
saisissant ainsi les proies 
qui passent à sa portée, et 
non tapie dans les endroits 
rocailleux et moussus à 
la manière des autres 
Yipériens. L'analogie de 
mœurs avec les mœurs 
des boas, semble aussi indiquée par l'appellation de 
boa antarctique sous laquelle Shaw, en 1794, faisait 
connaître le serpent dont nous parlons. Lesson, lors 
du voyage exécuté autour du monde par le navire la 
Coquille, recueillait l'espèce aux environs de Port- 
Jackson où on la désignait sous le nom de Serpent 
noir; il la nomme Acanlhophide enrouleur. Le nom 
que porte scientifiquement cette vipère, Acanlho- 
phide cérastin, a été employé, en 1803, par Daudin 
pour indiquer l'analogie de ce serpent avec le Cé- 
raste ou vipère cornue d'Egypte et de Perse; ce 
nom, quoique adopté aujourd'hui, consacre une 
erreur dans laquelle est tombé Mcrren; la figure 
qu'il a donnée représente , en effet , une sorte de 
crête saillante au-dessus de l'œil, crête qui n'existe 
pas en réalité chez l'Acanthophide. 

E. Sauvage. 

Ta Propriétaire-Gérant : G. Ttssa-viitrr. 



La Tipère nuire d'Australie. 



Corbxil, typ. et stér. de C»st». 



INDEX ALPHABÉTIQUE 



A 

Abaissement des eaux du bassin delà 
Seine (.Prévision d'), 83. 

— du sud-ouest do la France, 114. 
Académie dos sciences (Séances de 1'), 

15,31,40,03, 79, 94, 111, 127, 1 42, 

159, 1"4, 190, 207, 223, 239, 254, 

210, 285, 303, 318, 335, 351, 3G7, 

383, 399, 415. 
Accroissement des communications 

entre les nations, 334 
Acide carbonique (Son action sur le 

sang), 225. 
Acide chromïque (Son action sur les 

matières textiles), 207. 
Achecn (Royaume d'), 25. 
Aérien (Voyage), J Duruof, 227, 241 . 

— — C. Flammarion, 22". 

— — G. Tissandier,315. 
Aéronautique. La mort de l'homme 

volant, 138, 145, 

— Les machines volantes, 145. 

— Expériences militaires de Wool- 
wich, 158. 

— Excursion aérostatique à IS'cw- 
York, 207. 

Affût Scott pour canons do 18 tonnes" 

84. 
Age de pierre (Outils et armes), 54. 
Agglomération humaine (La plus 

grande}, 350. 
Akkas (Les), C5. 
Alsace-Lorraine on 1873, 287. 
Amour-Daria, 174. 
Ammoniaque et végclation, 40. 

Anahantidés (Les), 193. 

Analyse au chalumeau, 175, 

Analyse spectrale, 303. 

Anchois dans la Méditerrannée (Bancs 

d"), 120. 
Antilope'Beisa, 232. 
Aiigstrom, III. 
Anhidga (L'), 91. 

Appareil pour la fusion du platine, 5. 
Aquarium de Brighton, 180. 

— de Southport, 366. 
Arc-en-ciol double, 368. 
Argile et kaolin, 191. 
Argiles (Analyse des), 174. 

Armes à feu de l'infanterie (Les ré- 
cents modèles des v , 34,75, 154, 2CG. 

Armes romaines du musée de Saint- 
Germain (Expériences sur les), 174. 



Artillerie prussienne, 110. 
Ascension du Mont Blanc (Une), 289. 
Ascensions aérostatiques au-dessus 

de la mer Noire), 30 
Association britannique pour l'avan- 
cement dessiences. Session de Bel- 
fast, 242, 294. 
Association française pour l'avance- 
ment dessciences. Session de Lille, 
154, 186, 203, 213. 
Astronomie populaire (Cours d'), 333. 
Atlantique ( Direction des courants 

généraux de 1'), 362. 
Atlas météorologique, 335. 
Automatisme des animaux (Descartes 
et Y), 342. 



Iî 



Bananier k Paris (Le), 144. 

Baromètres vivants (Les), 174. 

Barrage du Nil,- 188. 

Baleau à vapeur le liessemer, 316. 

Bernard l'Ermite, 80. 

Betterave (Analyse do la), 330. 

Bibliothèque nationale (Le catalogue 

de la), 207. 
Bleu égyptien (Analyse et synthèse 

du), 126. 
Boîs(proccdcde conservation desi, 11) . 
Bolide do Lyon, 9i. 
— de Toulon, 158. 
Boomerang, 228. 



Calcul lithique, 79. 
Cambridge (Lettres de), 78, 91. 
Canada (Géologie du), 259. 
Canal du Gange, 17. 
Canons monstres de Woolyvich. 142. 
Carte orographique de l'Algérie, 63. 
Caverne de la Fontaine, aux Etats- 
Unis (Virginie), 312. 
Cavernes à ossements (Nouvelles, 30. 
ChallengerdansrOcéanaust.ral(Le),58. 
— (Résultats généraux des voyages 

du) 343, 372. 
Champagne de l'eau-de-vie, 310. 
Charbon (Gucrison du), 143. 
Charbons décolorants, 175. 
Chemin de fora rails en-bois, 158. 
, Chemin de fer du Vésuve, 242. 
Chemin de fer de Méry-sur Oise, 302. 



Chemin de fer transasiatique, 307. 
Chenilles (Les ravages des), 178. 
Chercheurs d'œufs, 119. 
Chimie allemande, 3!);). 
Chimie(l.)ictionnairedeM.Wurtz),204. 
Chlorophylle (Propriétés optiques de 

la), 14".'. 
Chronomètre (iNouveau), 318. 
Chumah et Susa, les deux serviteurs 

do Livingstone, 33. 
Coaltar et phylloyera, 255. 
Coffres (Les), 175. 
Comète de Borelly, 173. 

— de M. Coggia, 47, 94, 142, 159. 
173, 174, 191. 

Comètes (Superstitions relatives aux), 
107. 

Commission de pêche aux États-Unis 
(La), 353, 391, 403. 

Condensation magnétique, 335. 

Conductibilité des corps ligneux, 127. 

Congrès international des météorolo- 
gistes à Vienne, 258, 282. 

Congrès séricicole etviticolodo Mont- 
pellier, 382, 397. 

Conservation des pommes, 02. 

— des œufs de vers & soie par le 
froid, 337. 

Constructions sur pilotis dans l'Elster, 

61. 
Corps explosifs, 303. 
Corpuscules sur le soleil, 239. 
Couleurs (Classification des), 175. 
Crapaud (Le), 223. 
Crémation, 222, 302. 
Criquet} dévastateurs, 15, 29. 

CristallisaUonséleçtrO-capilIaires, fil, 

Cristallogénie, 303. 

Croix dans l'atmosphère (Chutede),63. 

Crustacé du fond de la mer (Un nou- 
veau); 67. " 

Cuir artificiel, 366. 

Cyclone du 7 septembre dans l'Atlan- 
tique, 280. 

Cyclones solaires, 159. 

Cynips du chônej 16. 



D 



Découvertes autrichiennes dans les 

régions polaires, 3S5.J 
Dégagements électiiques des supCr- 

fiieies terrestres, 234. 
Dénivellations séculaires, 127. 

26. 



418 



INDEX ALPHABETIQUE. 



Dépeuplement des eaux, 81. 
Descente aérostatique de M. Sivel au 

milieu du détroit de Fund, 269. 
Diatomées (leur rôle géologique), 95. 
Dinornis, 369. 
Dissociation, 335. 

Docteur en médecinejaponais (Un) 286. 
Dronte, 10, 59. 



E 



Eaux courantes (Abaissement des), 83, 

114. 
Eaux minérales, 175. 
Eaux sulfureuses, 191, 
Ecailles de poissons (Les), 37. 
fichasse (L*), 32. 

Echecs ;Mortd'ungrandjoueurd'), 110. 
Eclipse de lune du 25 octobre 18 "4,384. 
Éclipse du soleil en Afrique (avril 

1874), Si. 
Effluves de fleurs de colchide, 235. 
Éléphants de l'armée des Indes (Les), 

209. 
Elie de Beaumont, 305. 
Emotions (Expression des), 70. 
Empoisonnement par le thon, 286. 
Enfants du premier âge (Mortalité 

des), 38. 
Éponges (Les), 238. 
Eiysipèle (Cara ctère parasite do l') ,399 
Éruption de lave à l'île de la Réunion, 

286. 
Estomac (Corps étrangers dans 1'), 286. 
Etna (Éruption de 1'). 254, 3C7. 
Étoiles (Distances des), 1. 

— filantes, 79, 2()7, 322, 357, 402. 

— — (Calendrier des), 24«>. 
Etres des temps primaires, 15. 
Expédition de l'Anlour-Dariâ, 174. 

— de la Diana, 334. 
Explosion de poudre de Regent's ca- 
nal (1'), 336. 

■— de Saint-Denis, 413. 

Exposition des insectes, 238, 257, 275. 

— internationale de Londres, 70. 
Expression des émotions chez l'homme 

et les animaux, 70. 
Extinction d'un grand nom, 367. 
Extrême-Orient (Pays d'), 235. 



F 



Fairbairn (Sir William), 354. 

Faisant d'EIliot, 177. 

Faraday (Le), 207. 

Farallon (Iles), 119. 

Fétidité de l'eau de la Seine, 205. 

Ferments parasitlques (Destruction 

des), 42, 133. 
Fou grisou (Explosion de), 254. 
Feuillage de quatre ormes (Curieux 

aspect du), 304. 
Fibrine soluble, 143. 
Fièvre des bois, 318. 
Flaud, 190. 

Fleurs (Coloration artificielle des), 374. 
Flûte néolithique, 95. 

Forgeage d'un lingot de platine, 46. 

Formosc (L'Ile), 225. 

Fossiles (Les), 378. 

Foudre de juin et juillet, 110, 119. 

Four à puddler de Cramplon, 331. 

Fourneau à huils minérale, 260. 



Frigorifère, 30j. 

Froid (Fabrication du), 167. 



Galles des feuilles du chêne, 16. 

Garance (Matières colorantes do la), 
271. 

Générations spontanées, 195 

Géograpliique(Socicté)de Londres, 78. 

Globigérines (Les), 191. 

Goudron de houille contre le phyllo- 
xéra, 351. 

Gourami (Le), 245. 

Graines ayant germé après 1500 ans, 
S38. 

Grêlons du mois de juin, 110, 125. 

— tombés & Toulouse, le 28 juillet 
1874, 307. 

Grottes pyrénéennes (Vestiges pré- 
historiques), 170. 
Guano, 159, 208. 

— (Origine du), 350. 
Guerre sous-marine, 350. 
Gymnaste aéronaute (Mort d'un), 222. 

II 

Uélice aérienne mue électriquement, 
256. 

Héliogravure (Les progrès et les ap- 
plications do 1'), 199. 

Ilommo-automate, 275. 

Homme-volant(Lamortdel'), 138, 14G. 

Hôpitauxmiiitaires (Logements et),22. 

Horloge mystérieuse, 412. 

Hydrogène (Combinaisons métalliques 
de Y), 150, 179. 

Hydrographique ( Département ) de 
l'amirauté anglaise, 198. 

Hygromètre à cheveu (Nouvelle dis- 
position de 1'), 112. 

I 

Icebergs (Leur débâcle dans l'Atlan- 
tique), 208. 

Imagination (Influence do 1'), 223. 

Immigration aux États Unis, 287. 

Incrustation des chaudières à vapeur 
(Nouveau moyen d'éviter les), 342. 

Incrustations calcaires, 4G. 

Infusoires (Quelques), 239. 

Insectes (Exposition des),238,257,275. 

Institut du fer et de l'acier, 292. 

J 

Jardin des Plantes, 334. 
Jardins militaires, 382. 
Jupiter (Les Satellites visibles à l'œil 
nu), 182. 

R 

Kirsch (Présence du cuivre dans le), 
394. 



Lac do Genève, 383. 

— Timsah. (Le sel du), 63. 

— salé, ses changements de niveau, 
382. 

Lancement du. Deutschland, 3GG. 
Légumiâtes (LesJ, 114. 
Lepidotus tertiaire, 318. 



Liais (Madame), 101. 

Lingot de platine de la commission 

du mt-tre, 5, 15, 46, 401. 
Locomotive sans fumée et sans feu ,314. 
Locomotives (La plus grande des), 207. 

— {Les premières), 319. 
Lunatiques (Un rapport de la com- 
mission des), C8. 

Lunette astronomique de M. Xewal 1 
2IG. 

M 

Machine pneumatique (Une), 255. 
Machines (Utilité des), 223. 

— volantes (Les), 145. 

Mariage à l'électricité aux États-Unis 

14. 
Matières grasses et fonte, 15. 
Mélanges réfrigérants, leurs effets 

physiologiques, 7. 
Mer intérieure de l'Algérie, 79, 111, 

I4T, 208, 374. 
Météorite de Turquie, 159. 
Météorologie(CommissiondeLyon),lft, 

— (Curiosités de la), 63. 

— algérienne, 143. 

Mètre international, 5, 318,401. 
Mine d'or (Une nouvelle), 3G7. 
Minéraux (Examen microscopique de) 

341. 
Moas ou Dinornis, 369. 
Monitors du Rhin, 46. 
Mont Blanc (Ascensions du), 254. 
Montagnes (Les), 140. 
Mortalité à Londres, 15. 

— des enfants du premier âge, 3. 
Mouvement des plantes, 271. 
Musareigncs des Pyrénées, 90. 
Muscarine, 174. 

Musée de Saint-Germain (Le), 126, 202. 







Observatoire d'astrnnnmie physique, 
190. 

— d'Oxford (Le nouvel), 57 
Observatoire aux Etats-Unis, 8. 
Occlusion des gaz par le fil de fer, 351. 
Occultation de Vénusparlalune, 351. 
Oïdium, 127. 

Oiseaux anciens des lies Mascareignes, 

10, 59, 122, 355, 407. 
-- (Protection aux), 162. 
Or à Victoria (Extraction de 1') 120. 
Orages des 22 et 23 juin 1874, 90. 

— du 28 juin, et des 9 et 10 juillet, 
110. 

— des 1 er et 2 septembre, 2 39. 
Orangs-outangs de Bornéo, au Jardin 

d'acclimatation, 49. 

Ornithologie parisienne, 238. 

Orthose sodique, 143. 

Orties (Action du vent sur les), 14. 

Ostréiculture en Chine, 293. 

Ouïe (De Y), 23. 

Outils et armes de l'âge de pierre 
(Restauration des), 54. 

Oxygène (Anniversaire de la décou- 
verte de 1'), 126, 237. 



Paléontologie végétale, 143. 
Pansements à la ouate, 4. 



INDEX ALPHABÉTIQUE. 



419 



Pansement des plaies, 127. 
Papier (Fabrication du), 158. 

— mâclié en Angleterre, 62, 

— de tourbe, 350. 
Paratonnerres, 8(>, 334. 
Passage de Venus {Voy. Vénus.) 
Pasteur (M.), 126- 
Pavage (Nouveau), 302. 
Pays électriques (Les), 326. 
Peaux-Rouges civilisés (Les), 259. 
Poche primitive (La), 81. 
Poste (La\ 126. 

Petrolea, 238. 

Phares aux États-Unis (Les), 104. 

— de l'Angleterre et des États-Unis, 
302. 

Phénol (Distillation du), 204. 
Phénomène végétal, 3GC. 
Phoques à fourrure, 135. 
Phosphate de cliaux (Nodules de), 190. 
Phosphore (Recherche du), 205. 
Photographie solaire, 63. 

— spirite, 94, 

— au fond de la mer, 2*0. 
Phylloxéra vastatrix, 31 , 46, 63, 79, 95, 

142, 158, 159, 175, 191, 208, 232, 

255, 262, 271, 295, 304, 336, 351, 

308. 
Physique de la mer (Étude de la), 324. 
Pile thermo-électrique de M. Glamond, 

19. 
Piles secondaires de M. Planté, 51. 
Pistons dans les machines à vapeur 

(Garniture métallique des), 23. 
Plantations urbaines (Les), 103. 
P latine (Fusion du), 5, 14, 46. 
Plâtre (Cause do la prise du), 255. 
Plomb (Alliages de), 271. 
Podomètre (Montre kilométrique),270. 
Pois de momie égyptienne, 273. 
Poissons fossiles, 115. 

— fabricants d'oxygène, 399. 

— sahariens, 223. 

Pommes (Conservation des), 62. 

Pompe à mercure, 243. 

Pont roulant à Saint-Malo, 270. 

— sur le Mississipi. 230. 
Population de la Chine (La), 210. 

— de la terre, 274, 346, 410. 
Poudre (Combustion de la), 175. 
Poussières atmosphériques (Rôle- 
géologique des), 26. 

Prédictions de l'Observatoire, 174. 

Pnbylov (Iles), 135. 

Priestloy (La statue de), 161. 

Prismes, 223. 

Processionnaires et sycopliantes, 400. 

Promenade aérienrr! (Une), 315. 

Pyrites, mines do soufre (Les), 222 



R 



Radiation solaire (Valeur de la), 47. 
Rage (Moyen de s'en préserver), 14. 



Raisin blanc modifié en raisin noir, 
288. 

Ration alimentaire moyenne des po- 
pulations rurales, 351. 

Reptiles au Muséum d'histoire natu- 
relle (Nouvelle ménagerie des), 338, 
358. 

Réservoirs de Williamburg (Rupture 
des), 62. 

Rinçage ries bouteilles (Danger de la 
grenaille de plomb), 14. 

Rival de l'homme à la fourchette, 
350. 

Roui in, 31. 

Rumination (Mécanisme de la), 191. 



Sang (Transfusion du), 97, 163. 

— (Gaz du), 143. 

Sauvage (Un monument à la mémoire 

de), 398. 
Scheele (OFuvres de), 318. 
Scierie mécanique, 44. 
Scorpion (Le venin du), 151. 
Secrétaires perpétuels de l'Académie, 

406. 
Seine (Impureté des eaux de la), 

399. 
Sensation galvanique, 398. 
Sépulture des anciens troglodytes des 

Pyrénées, 347. 
Sériciculture et viticulture (Congrès 

de), 382, J97. 
Silex taillés (Nouvelles découvertes 

de), 366. 
Société française de navigation 

aérienne, 46. 
Sondages dans le Pacifique, 287, 396. 
Sonde (Nouveau plomb de), 95. 
Soufre (Germes de), 143. 
Spectroscopie, 79. 

— solaire, 335. 
Squales (Amorce des), 80. 

Station séricicole dans l'Extrême- 
Orient, 413. 
Sulfocarbonate do potasse, 255. 

— de baryum, 27 1 . 

Sulfure de carbone et phylloxéra, 63. 



Tabac (Statistique de sa consomma- 
tion en France), 94. 
Taches solaires (Formation des), 47. 
— et protubérances, 78. 

— et changement de niveau des 
grands lacs américains, 123. 

Télégraphe brésilien, 79. 

— océanique, 295, 331, 363, 371. 

— Caselli, 27. 

— Hughes, 107. 

— May er, 211. 

— de poche, 350. 



Télégraphie électrique (Nouveaux 
systèmes de), 27, 107, 211. 

Terre François-Joseph, 291. 

Timbre (Théorie du), 318, 

Tonnerre en boule, 111. 

Tourbillons, trombes et taches so- 
laires, 319. 

— solaires, 223. 

Traite des esclaves dans l'Afrique mo- 
derne, 6. 

Transfusion du sang, 97, 163. 

Tremblement de terre d' Hong-Kong, 
190. 

Triton (Lac), 175, 191. 

Troie (Les ruines de), 183, 195, 250, 
283. 

Mrombe d'eau sur le Rhin, 113. 

Tumulus de Dissignac, 148. 

Tunnel sous-marin entre la France et 
l'Angleterre, 278, 327. 

Typhon du 22 septembre à Hong- 
Kong, 286, 414. 



u 



Université croate, 366- 



Vanille artificielle, 255. 

Vapeurs nitreuses de jus de bette- 
raves, 255. 

Vendanges (Les), 254. 

Vent et orties, 14- 

Vénus (Passage de), 44, 47, 87, 303, 
382, 386. 

Verre (Cristallisation du), 229. 

Viande (Conservation de la), 247. 

Vie (Suspension de la vie chez le» 
mollusques), 287. 

Vigne vaccinée, 239. 

— (Appareil destiné à la préserver 
de la gelée), 30. 

— (Maladie de la), 218. 
Vin et la science (Le), 2R6. 
Vipère (Morsure de la), 142. 

— noire d'Australie, 416. 

Vili ou Fidgi (L'archipel des), 307, 330 
Volant (L'homme), 138. 
Volcan de Kilanéa, 102. 

w 

"Wagon-GiiTard (Le), 238, 321. 
Wagons (Chauffage des), 238. 



Yarkund (Mission anglaise à), 74. 



Zircosyénite do l'Ile deFortaventura, 
239. 



LISTE DES AUTEURS 



PAR ORDRE ALPHABÉTIQUE 



DnnTii.LON 'J.). — La mortalité des enfants du premier âge, I 
38. — Les Akkas, race de pygmees récemment de rou- 
verts dans l'Afrique centrait;, d'5. — Le musée de Saint- 
Germaii), 129, 202. 

Bi.a.nchère (IL i>p. la). — L'échasse, 32. — La pêche pri- 
mitive et le dépeuplement des eaux, 81. — Lue mer in- 
térieure en Algérie, li7. — Les Cofl'iv s. 175. — Les 
Anabantidés, 193. — Quelques infusoircs, '-'3'.). — Con- 
servation des u;ufs du vers h suie par le froid, J137. — 
Processionnaires et sycophantus, 400. 

Blerzy fil ). — Los observatoires aux États-Unis, 8. — 
Les phares des Etats Unis, 104. 

Doissay (Ch.). — Pays d'Extrême-Orient, 235. - Bibliogra- 
phie aéronautique, 270. — La population do la terre, 
274, 3iG, 41U. 

Bontemps (Ch.). — Les nouveaux systèmes du télégraphie 
électrique. Le télégraphe français. Le système Morse. 
— L'appareil Caselli. — Les appareils imprimeurs. — 
Le télégraphe Hughes. — Appareils de M. Mayer. — 
Télégraplio autographique. — Télégraphe multiple, 27, 
107, 211. — La télégraphie océanique, 295, 331, 3(i3, 
37 1 . 

CitAPELAS-CoUkviBR- G ravier. — Les étoiles filantes, 322, 
357, 402. 

Du BiiELiL. — Les maladies de la viguo, 218. 

Flammarion (Camille). — Les distances des étoiles, 1. — 
Une comète visible h. l'œil nu, 47. — Les satellites de 
Jupiter visibles à l'œil nu, 182. — L'occultation de Vénus 
par la lune, 351. — L'éclipsé de lune du 25 octobre 
187 i, 384. — - Le prochain passage de Vénus et la me- 
sure des distances inaccessibles, 380. 

I'oNTi'F.imis (Ad. F). — L'archipel des Vili ou Fidgi, 307, 
33D. 

Fo.NVir.LLE (\V. de). — Curiosités de la météorologie, chute 
de croix dans l'atmosphère pendant une éruption du 
Vésuve; en 1G(J0, Ci. — Exposition internationale de 
Londres, 70. — Lettres do Cambridge, 78, 91. — La 
mort do l'iionime-volant, 138, 14G. — La lunette de 
31. Newall, 216. — L'hélice aérienne mue électrique- 
ment, 250. — La terre François-Joseph, 291. — Les 
secrétaires do l'Académie, 406. 

Fraissimït (A.). — Le nouvel observatoire d'Oxford, 57. 

Gahiel (D* C. M.). — Le canal du Gange: Pont-canal do 
la vallée du Solani, 17. — inauguration du pont sur le 
Wississipi à Saint Louis (États-Unis), 230. — Locomotive 
sans fumée et Bans feu, 314. — Sir William Fairbairn, 
351. 

Garhigou D' F.). — Les poissons fossiles, 115. 

Girai.d Jules). — La mission anglaise b, Yarkund, 74. — 
Los dénivellations séculaires, 127. — La fétidité de 



l'eau de la Seine, 205. — La géologie du Canada, 250. 

— L'étude do la physique de la mer, avec le concours 
des navigateurs français, 3vL — Examen microscopique 
des minéraux, 341. 

Girard (Maurice). — les amorces des squales, 80. — Les 
ravages des chenilles, 17 8. — La Champagne de l'eau- 
de-vie, 310. — Congrès internationaux séricicole et viti- 
cole de Montpellier, 382, 397. 

Gouefroy (L.). — Tumulus ou butte do Dissignac, 18i. 
Gonse (Louis). — A propos de la mer intérieure de l'Al- 
gérie, 374. 

Guillemot (E.). — Les récents modèles d'armes à feu de 
l'infanterie, 34, 75, 154, 206. 

Joly (I) r N.). — Les ruines de Troie, et le trésor du roi 
Priam. — Découvertes récentes du D r Schlicmann, 183 
195, 250, 283. — Observations sur les grêlons qui sont 
tombés a Toulouse pendant l'orage du 28 juillet 1874, 
307. 

Landrin (E.). — Les combinaisons métalliques de l'hydro- 
gène, 150, 179. 

Lktort (Ch.). — La transfusion du sang, 97, 163. 

LhkRItier (L.). — La traite des esclaves dans l'Afrique 
moderne, 6. — Les gréions du mois de juin 1874, 121. 

— Le venin du scorpion, nouvelles recherches du 
D r Joussot de Bellosino, 151. — Pois de momie égyp- 
tienne, 273. — Caverne de la Fontaine, aux Etats-Unis, 
312. 

Lïchtenstkin. — Sur lo modo de production du phyllo- 
xéra, 2G2. 

Marcel (Gabriel). — Le département hydrographique de 
l'amirauté anglaiso, 199. — L'Ile Formose, 225. 

Margollé (E.). — La commission de météorologie de 
Lyon, 18. — Dégagements électriques des superficies 
terrestres, 234. —Les pays électriques, 326. 

Mknault (E.). — Protection aux oiseaux, 1G2. — Le cra- 
paud, 223. 

Meunier (Stanislas). — Académie des sciences, 15,31,46, 
63, 79, 94, 111, Vil, 142, 159, 174, LjO, 207, 223, 239, 
254,279, 287, 303, 318, 335, 351, 367, 383, 399, 415.— 
Rôle géologique des poussières atmosphériques, 26. — 
Restauration des outils et des armes de l'âge de la 
pierre, 54. 

KonDKOF (Ch.). — Les îles Farallon. — Les lions marins. 

— Les oiseaux. — Les chercheurs d'eeufs, 119. 
NiAi'DET-BiiEGL'Eï (A.). — Pi'os secondaires de M. Planté, 

51. — Observation^ sur le paratonnerres, 86. — Nou- 
veau moyen d'éviter l'incrustation des chaudières h 
vapeur, 3i2. 
Oustalet (E.). — Les anciens oiseaux des lies Masca- 



422 



LISTE DES AUTEURS PAU ORDRE ALPHABÉTIQUE. 



rcignes: le Dronte, le Solitaire, 10,59, 122, 355, 407. 
— LesMoas ou Dinornis, 369. 
Piette lEo.). — Découvertes do vestiges préhistoriques 
dans les grottes pyrénéennes, 170. 

IIaui.in (V.). — Abaissement probable du débit des eaux 
courantes du sud-ouest de la France dans l'été et l'au- 
tomne 1874, 114. 

Renard (L.). — L'affût Scott pour canons de 18 tonnes, 84* 

Sautage (D r ). — Le gourami, 245. — La vipère noire 
d'Australie, 416. 

Tait (G.). — Arc-en-ciel double, 368. 

Tkllieb (Ch.). — Destruction des ferments parasitiques 
chez l'homme et les animaux par l'emploi de la cha- 
leur, 42, 133. 

Thiebsant (Dabry de). — Do l' ostréiculture en Chine, 
2i)'J. — Le typhon de la nier de Chine, 414. 

Tissaxdier (Albert). — Une ascension du Mont Blanc, 

Tissandier (Gaston). — Grand appareil du Conservatoire 
des arts et métiers pour la fusion du platine, 5. — Les 
logements et les hôpitaux militaires, 22. — Chumah et 



Susa, 33. — Les deux jeunes orangs-outangs de Roméo» 
au Jardin d'acclimatation, 41). — L'c-xpression des émo- 
tions chez l'hamme et les animaux par Ch. Darwin, 70. 
— Madame Emmanuel Liais, 101. — Une trombe d'eau 
sur le Rhin, 113. — Los machines volantes, 145. — 
L'aquarium de Brighton, 180. — Les progrès çt les 
applications de l'iiéliogravure, 199. — Le voyage aérien 
de J. Duruof, 227, 241. — Lo voyage de nuit en ballon par 
M. C. Flammarion, 227. — Le tunnel soua-marin entre 
la franco et l'Angloterro, 278, 327. — Une promenade 
aérienne» 315. — Une sépulture des anciens troglodytes, 
347. — Les fossiles, 378. — De la présence du cuivre 
dans le kirsch. Expériences do M. Boussingault, 394. 

Wyckoff (G.). — La commission de pèche aux Etats-Unis, 
353, 301, 403. 

Z. (D r ). Les pansements à. la ouate, 4. — Un rapport do 
la commission des Lunatiques de Londres, CS. — Les 
générations spontanées. Nouvelles expériences do M. Oni- 
mus, 195. 

Zcrcher (F.). — Congrès international des météorologistes 
à Vienne, 2ô8, 282. 



TABLE DES MATIÈRES 



N. B. Les articles de la Chronique, imprimés dans ce volume en petits caractères, sont Indiques 

dans notre table en lettres italiques. 



Astronomie. 

Los distances des étoiles (C. Flammarion) 1 

Les observatoires aux États-Unis (H. Bi.ërzy) 3 

L'éclipsé de soleil en Afrique;, 1G avril 1875 34 

Le passage do Vénus eu 1 814 44, 87 

l.'ne comète visible à l'œil nu (C. Flammarion) 47 

Le nouvel observatoire d'Oxford (A. Fraissinet). .. 57 

Les superstitions relatives aux comètes 106 

La comète Cogita 47,91,106 

Les satellites de Jupiter visibles à l'œil im [Ci Flam- 
marion 182 

La lunette de M. Newall {W. de Fonvielle) 21G 

Le calendrier des étoiles filantes 247 

Les Étoiles filantes (Ciiapulas-Coclvier Gravier. . . 

322, 357, 402 

L'occultation do Vénus par la lune (C. Flammarion^. 351 

L'éclipsé do lune du 25 octobre (G. Flammarion). ... 384 
Le proenain passage de Vénus et la mesure des 

distances inaccessibles (C. Flammarion) "386 

Passage de Vénus .' 47, 303, 382 

Formation des taches solaires 47 

Les taches solaires et les passages de Vénus 47 

Valeur de la radiation solaire 47 

Photographie solaire 63 

L*s taches solaires et les protubérances 78 

Étoiles filantes 79 

La comète, de M. Coggia 94 

Comète 142,175 

La comète liorelly et la comète Coggia 173 

Observatoire d'astronomie physique 190 

Queue de la comète Coggia 191 

Étoiles filantes 207 

Tourbillons solaires 223 

Corpuscules sur le soleil 239 

La lunette astronomique horizontale 303 

Cours d'astronomie populaire 335 

l'bysique. 

Nouvelle pile thermo-électrique de M. C. Clamond. 19 
Do l'ouïe. Fonctionnement et mécanisme de cet or- 
gane d'après Helmholtz 23 

Los nouveaux systèmes de télégraphie électrique. — 
Le télégraphe français. — Le système Morse. — 
L'appareil Caselli. — Les appareils imprimeurs. — 
Le télégraphe Hughes. — Appareils de M. Meyer. 
— Télégraphe autographique- — Télégraphe mul- 
tiple (C. Bontemps) 27, 107, 211 

Piles secondaires de M. Planté [A. Niaudet Bue- 
guet).. 51 

Observations sur les paratonnerres (A. Niaudet,... 86 

Nouvelle disposition de l'hygromètre à cheveu 112 



Pompe à mercure 243 

L'hélice aérienne mue électriquement (W. de Fon- 

viei.le) 25G 

La télégraphie océanique (Ch. Bontemps). 295, 331,303,374 

Fabrication du mètre international 401 

Le forgeage du lingot de platine pour la confection 

du mètre international 46 

Spectroxcopie 79 

Conductibilité des coips ligneux 127 

Actions réciproques des courants 127 

Propriété optique de la chlorophylle 142 

Classification des couleurs 175 

Prismes 223 

Machine pneumatique 255 

Montre kilométrique ou podomètre 270 

Photographie au fond de la mer 270 

Note sur tes paratonnerres 303 

Frigorifère 303 

Analyse spectrale 303 

Le mètre international 318 

Théorie du timbre 318 

Nouveau chronomètre., 318 

Les paratonnerres de Paris 334 

Condensation magnétique 335 

Spectroscopie solaire 335 

Télégraphe de poche 350 

Chimie. 

Grand appareil du Gonservatoire des arts et métiers 

pour la fusion du platine (G. Tissandier) 5 

Les combinaisons métalliques de l'hydrogène (Ed. 

Landrin) 1 GO, 179 

Les progrès et les applications de l'héliogravuro 

(G. Tissandier).. 199 

Le Dictionnaire de Chimie de M. Wurlz Î04 

Cristallisation du verre 229 

Conservation de la viande 247 

Nouveau fourneau à huile minérale 2GO 

De la présence du cuivre dans le kirsch. Nouvelles 

expériences de M. Boussingault (G. Tissandier). 394 
Danger de l'emploi de la grenaille de plomb pour 

rincer les bouteilles. J4 

Le lingot de platine 15 

Les matières grasses de la fonte 15 

Incrustations calcaires 46 

L'ammoniaque et la végétation 46 

Procédé de conservation des bois 11 i 

Cristallisations électro- capillaires , 111 

Analyse et synthèse du bleu égyptien 1 26 

Orthose sadique 143 

Fibrine soluble , 143 

Germes de soufre 143 



421 



TABLE DUS MATIERES. 



Sur (e guano 159 

Analyse minêralogique des argiles 174 

La muscarinc 174 

Eaux minérales 175 

Charbons décolorants 175 

Manuel d'analyse au chalumeau 175 

Combustion de la poudre 175 

Eaux sulfureuses 101 

Argile et kaolin 101 

Action de l'acide chrûmique sur les matières textiles. 207 

Composition du guano 20S 

Les pyrites, mines de soufre. 22? 

Vanille artificielle 255 

Vapeurs nitreuses de jus de betteraves 255 

Cause de la prise du plâtre 255 

Sulfocarbonate de baryte 27 1 

Danger des alliages de plomb 27 1 

Matières colorantes d? la garance 271 

Cristallogcnie 303 

Corps explosifs 303 

Œuvres de Scheele 318 

Dissociatiori 335 

Analyse de lu betterave 335 

Papier de tourbe 3 JO 

Occlusion des gaz par le fil de fer 351 

Le goudron de bouille contre le phylloxéra 351 

Cuir artificiel 300 

La chimie allemande 3!)!) 

Sciences naturelles. 

Les anciens oiseaux des îles Mascareignes. — Le 
Dronte de l'île Maurice. — Le solitaire de l'île llo- 

drignes (E. Oustai.bt) 19, 59, 122, 355, 407 

Cynips et galles des feuilles du chêne 16 

Léchasse (II. de la Blanchèrb) 32 

Les écailles de poissons 37 

Les deux jeunes Orangs-Outangs de Bornéo, au Jar- 
din d'acclimatation (G. Tissandiek) 49 

Un nouveau crustacé du fond de la mer. - Nephraps 

Stewartiij W. Mason C7 

Les amorces des squales (M. Girard) 80 

Les Musaraignes des Pyrénées <>Q 

L'Anhinga ;: 91 

Les poissons fossiles ([•'. Gariugoc) 115 

Les phoques à fourrure des îles Pribylov 135 

Le bananier à Paris 143 

Le venin du scorpion. — Nouvelles recherches du 

docteur Jousset de Bellesme (L. Lhéhitiek). .. . 151 

Les Coffres (H. delà Blanchère) 175 

Le faisan d'Elliot au Jardin des plantes 177 

L'aquarium de Brighton (G. Tissandier) 180 

Les globigcrines 101 

Les Anabantidos (H. de la Blaxciiêkeï. 1913 

L'antilope Boisa 232 

Quelques infusoircs (II. de la Blanchère) 239 

Le Gourami (E. Sauvage). . 215 

La géologie du Canada (J. Girard) 25'J 

Poîs de momie égyptienne (L. Lhéritier) 273 

Raisin blanc modifie en raisin noir 288 

T)o l'ostréiculture eu Chine (P. Dadry dk Thiersaxt). 298 

Curieux aspect du feuillage de quatre ormes 304 

Graines ayant germé après 1,500 ans (Alpii. de G.). 33H 
La nouvelle ménagerie des reptiles au Muséum 

d'histoire naturelle 33S, 358 

Examen microscopique des minéraux (J. Girard). 341 
La Commission de pêche aux Etats-Unis (C. Wyckoff). 

353, 391, 403 

Les Moas ou binornis (E. Oustalet) 309 

Coloration artificielle des fleurs 374 

Les foHsiles (G. Tissanuier) 378 

Processionnaires et 8ycophanles(H. dp. la Blanchère). 400 

La vipère noire- d'Australie (E. Sauvagb) 4 1 «J 

Le vent et Us orties M 



Les criquets dévastateurs 1 5, 20 

Les êtres des temps primaires 15 

fiole géologique d'-s Diatomées , 05 

/ es bancs d'anefioin dans la Méditerranée 126 

Paléontologie végétale 143 

Poissons sahariens 223 

Exposition des insectes dans l'orangerie des Tutleriei 238 

Les éponges 23S 

Zircos'i ènite de Vile df Furtuvmtura 23!) 

Mouvement des plantes 271 

IJpidctus tertiaire 318 

Le Jardin des Plaides 334 

Un phénomène vèg< toi 3CG 

l.'aq uarium de Southport . . 3(iG 

L'ic de Genève 383 

Anthropologie. — Sciences préhistoriques. 

Ucstauration des outils et des armes de l'âge do 

pierre(S. Melxjmii) 55 

Los Akkus, race de pygméos, récemment découverts 

dans l'Afrique centrale ;J. Iîhrtillon) 65 

Le musée de Saint-Germain (J. Beutiu.o.v) 12'', 202 

Tumulus ou butte de Dlsfcîgnac 'L. Godrfhoy) 1 48 

Découvertes de vestiges préhistoriques dans les 

grottes pyrénéennes Ed. Pieite) 171 

Les ruines de Troie et le trésor du roi Priam. Décou- 
vertes récentes du docteur Schliemann •; D r N. 

Joly, de Toulouse) 183,195,250,283 

Boomerang 228 

Les Peaux Ronges civilisés 25'J 

Une sépulture des anciens troglodyics des Pyrénées 

(G. Tl.iSANIMEl'. 1 ! 3 i" 

Nouvelles cavernes à ossements 30 

Constructions sur pilotis dons t'Etstcr, près de 

Leipzig (11 

Flûte m olilhiqu • 95 

Nouvelles découvertes de silex taillés 360 

Météorologie. — lMiysique du globe. 

La commi.-sion de météorologie de Lyon (E. Maii- 

GOl.l.É) 19 

lîèln géologique des poussières atmosphériques 

(S . Mcumkii) 20 

Le Challenger dans l'Océan Austral 59 

Curiosités de la météorologie. Chute de croix dans 

l'atmosphère pendant une éruption du Vésuve en 

I (ïfiO (W . de Fonvi elle) 03 

Prévision d'abaissement dos eaux du bassin de la 

Seino 83 

Los orages des 22 et 23 juin 187 i 90 

Nouveau plomb de sonde 9ô 

Le volcan do Kilanéa aux îles Sandwich 102 

[^n& trombe d'eau sur le Hhin. — 16 juin 1874 (G. Tis- 

sandier) 113 

Abaissement probable du débit des eaux cornantes, 

du sud-ouest de )a France dans l'été et l'automne 

1874 (V. Iïaulin) 114 

Les coups de foudre du 10 juillet en Angleterre. ... 119 
Los taches solaires Ct le changement de niveau des 

grands lacs américains 123 

Les grêlons du mois de juin 1874 125 

Les dénivellations séculaires (J. GinAnn) 127 

La débâcle des icebergs dans l'Allant ique 208 

Dégagements électriques des superficies terrestres 

(E. Maugollk) 234 

Congrès international des météorologistes à Vienne. 258, 2S2 

Une ascension du Mont-Blanc (A. Tissanuier) 289 

Observations sur les grêlons qui sont tombés à Tou- 
louse pendant l'orage du 28 juillet 1874 (l) r N. 

Jolv, de Toulouse) , . .. 30* 

Caverne do la Fontaine aux Etats Unis Virginie 

(L. LnÉItiTiEu) , 312 



TAULE DES MATIÈRES. 



425 



L'élude de la physique de la mer, avec le concours 

de navigateurs ,'rançaia (J. Girard) 32i 

Les pays électriques (E. Maucollé) 32G 

Résultats généraux du voyage du Challenger. 343, 372 
La direction des courants généraux de l'Atlantique, 

d'après les récentes investigations 305 

Arc-en-ciel double (G. Tait). 3GK 

A propos de la mer intérieure de l'Algérie (L. Goxse). 374 
Les découvertes autrichiennes dans les régions po- 
laires 385 

Les sondages do l'océan Pacifique et le cable élec- 
trique dos États-Unis au Japon 300 

Le bolide de Lyon 94 

Les orages du 28 juin dans le midi de la France. 110 
Les orages et les coups de foudre des 9 et 10 juillet 

à Paris 110 

Tonnerre en boule 1 1 1 

Météorologie algérienne 143 

Un bolide à Toulon 158 

Météorite 159 

Cyclones solaire* 1&9 

Fausses prédictions de l' Observatoire. 174 

L"S baromètres vivants ' 174 

Le lac Triton 175, 19 1 

Le tremblement de terre d'IIong Kong 190 

L'orage du J au 2 septembre 1874 230 

L'éruption de t'Jitna 2 &4 

Eruption de lave à Vile de la Réunion 580 

Le cyclone du 7 septembre I8ï4 dans l' Atlantique. ■ ■ 280 

Li typhon du 22 septembre à Hong-Kong 28C, 414 

Sondages dans le Pacifique 287 

Tourbillons, trombes et tache* solair.s 31!) 

A lias météorologigue 335 

De l'origine du guano 350 

La récente éruption de l'Etna 307 

Changement de niveau du Lac salé 382 

Idéographie. — Voyages d'exploration. 

La prisE du Kraton dans le royaume d'Atchcen... 25 

Chumah et Susa (G. Tissandieh) 33 

La mission anglaise h Yarkund (J. Girard) 74 

Les îles Farallon. Les lions-marins. — Les oiseaux.— 

Les chercheurs d'oeufs (Cu. Nordiiof) 11!) 

La population de la Chine 210 

L'île Foraiose (Cu. Marcel) 225 

Paya d'Extrême-Orient (Cu. Boissay) 23ô 

La population de la terre (Cu. Boissay'.... 274, 3îG, 410 

La terre François Joseph (W. de Fo.Nvmr.i.i:) 201 

L'archipel des Viti ou Fidgi (An. de Fontpertcis). 307,330 

Carte orographique de l'Algérie 63 

' Séance annuelle de la Société géohrapIti'jUc de Lon- 
dres 78 

L'erpédition de t'Amour-Duria 174 

VétroUa 238 

Les ascensions du Mont lilaw. 254 

Expédition de la Diana 33 i 

La plus grande agglomération humuine 350 

mécanique. — Art de l'ingénieur. 

Le canal du Gange. — Pont-canal de la vallée du 

Solani f) 

Garniture métallique des tiges de pistons dans les 

machines à vapeur 23 

La grande scierie mécanique d'East Hiver. . . .... 44 

Les phares des Étals-Unis (IL Blerzy) 101 

Une mer intérieure en Algérie (IL de la Blanguère'. 147 

Le grand barrage du J\il, près du Caire 188 

Inauguration du pont sur le Mississipi à Saint-Louis 

(États-Unis) (C. M. Gaiuel) 230 

Le chemin do for du Vésuve 242 

Le pont roulant à Saint- Malo, , ,,., 272 



Le tunnel sous-marin entre la France et l'Angleterre 

(G. Tissandier) , , , . , 278, 327 

L'institut du fer et de l'acier. — Meeting de Barrow. 292 

Locomotive suns fumée et sans feu (C. M. Gaiuel. . 314 

Les premières locomotives 319 

Le wagon Giuard 321 

Four à puddler de Crampton 331 

Nouveau moyen d'éviter l'incrustation des chaudières 

5. vapeur (N'ial'd et-Bregoet) Wt\ 

A propos delà mer intérieure de l'Algérie (L. Gonse). 373 

L'horloge mystérieuse 41 2 

La rupture des réservoirs à Wdliamsburg aux États- 
Unis ' 62 

Industrie du papier mâché m Angleterre C2 

Mer algérienne 79, II 1 , 208 

Télégraphe brésilien 79 

Les chemins de fer en bois du Ca?i"d'i 158 

La fabrication du papier. • 158 

La plus grande des locomotives 20T 

De l'utilité des machines 223 

Le wagon à suspension perfectionné de M, l'ingé- 
nieur Ci/fard 238 

Chauffage des wagons 23$ 

Chemin de fer de Méry-sur-OiS'i 302 

Nouveau pavage 302 

Phares de l'Angleterre et des États-Unis 30* 

CMm in de fer transasi aligne 307 

médecine, et Physiologie. 

Les pansements h la ouate et l'hygiène des hôpitaux 

(D- Z.) 4 

Les mélanges réfrigérants, leurs effets physiologiques. 7 

Les logements et les hôpitaux militaires 22 

Lamorta'iitédesenfantsdu premier âge. (J.Beiitii.i.on). 38 
Destruction des ferments parasitiques chez l'homme 
etlesanimaux par l'emploi de la chaleur (Ch.Tel- 

lier) 42, 133 

Un rapport de la commission des lunatiques de Lon- 
dres (D r , Z.) 68 

L'expression des émotions chez l'homme et les ani 

maux par G. Darwin (G. Tissandieu) 71 

La transfusion du sang (Cu. Letort) 97, 163 

Les générations spontanées. — Nouvelles expériences 

de M. Onimus (D\ Z.) 195 

L'homme automate 275 

Descartes et l'automatisme des animaux 343 

Moyen de se préserver de la rage 14 

Calcul lithique 7!) 

La peste 126 

l'ansement de< plaies 127 

Morsure de la vipère. ' 142 

Gaz du sang 143 

Mécanisme de la rumination 101 

Influence de l'imagination 223 

Action de l'acide carbonique sur le sang 255 

Effluves de fleurs de colchide 255 

Corps étrangers dans l'estomac 286 

Empoisonnement par le thon 286 

Un docteur en médecine japonais 286 

Suspension de la vie chez les mollusques 287 

Crèma 'io'i . . 302 

Li fièvre des bois 318 

Un rival de l'homme à la fourchette 350 

Sensation galvanique -. 3!)8 

Caractère parasite de l'érysipète 414' 

Agriculture. 

Protection aux oiseaux (E. Menault) KG 

Les ravages des chenilles (M. Girard) i"jj. 

Les maladies do la -vigne : jaunisse et stérilité' des 

ceps, l'oïdium, insectes nuisibles (Du Bueuil].... 218 

Le crapaud (E . Menault) ... . , , , , , 2t3" 



A26 



TAULE DES MATIERES. 



Le champ d'expérience de destruction du phylloxéra. 
Sur le mode de reproduction du phylloxéra (Lichtens- 

TEIN) 2t.2, 

La Champagne de l'eau- de-vie (M. Girard) 

Conservation des œufs do vers a soie par le. froid (II. de 

Blanch ère) 

Congrès internationaux séricicole et viticolo 

Le phylloxéra condamne, au suvide 

Guerre au phylloxéra 

Conservation des pommes 

Sulfure de carbone et phylloxéra 

Destruction du phylloxéra 

L 'oïdium en 1 874 

Le grand prix du phylloxéra 

Correspondance sur le phylloxéra 

Le phylloxéra et le tabac • 1 59, 

Un apologue sur les nodule* de phosphate de chaux. 

Le phylloxéra lîi, SOS, «133, 

La vigne vaccinée 

Les vendanges 

Un nouveau phyl'oxera 

Sulfo-carbonate de polasse et phylloxéra 

Coattar et phylloxéra 

Mœurs du phylloxéra 

Le phylloxéra à Genève 

Un nouveau défaut du phylloxéra 

Art militaire. — Marine. 



232 

595 

311 

337 

382 

31 

46 

62 

G3 

7!» 

1-27 

142 

1 58 

191 

190 

835 

239 

254 

255 

255 

255 

271 

351 

3(58 



Les logements et les hôpitaux militaires 32 

Les récents modèles d'armes à feu de l'iiifinterio 

(E. Gcillemin) 3'., 75 151, 266 

L'affût Scott pour canons de 18tonnes (L. Renaud). 84 

Nouveau plomb de sonde 95 

Le département hydrographique de l'Amirauté an- 
glaise (G. Marcel) 198 

Les éléphants de l'armée de l'Inde 20!) 

Le bâtiment à vapeur le ïlcsscmer 317 

Les monitors du Rhin 4G 

Artillerie prussienne 110 

Les canons monstres de Woolwich 112 

Expériences sur les armes romaines du musée de 

Saint-Germain 174 

Le Fa-aday... 207 

La gueire sous-marine. . . . , , 350 

Lincement du Deutscliland 36G 

Jardins militaires 382 

Aéronautique. 

La mort de l'hommc-volant (W. de Fonvieli.b),,..., 138 

Les machines volantes (G. Tissandier). 1 45 

L'cnquftte sur la mort de l'homme-volant VV. de Fon- 

vlïLLE) 1 4G 

Le voyage aérien do J. Duruof (G. Tissandier). 227, 241 
Voyage de nuit en ballon par C. Flammarion (G. Tis- 
sandier) --, 227 

L'uc promenade aérienne (G. Tissandier) 315 

A tension aérostatique au-dessus de la mer Noire ... 30 

Société française de navigation aérienne 46 

Les expériences aéronautiques militaires à Woolwich. 158 

Une excursion aérostatique à New- York 20U 

Mort d'un gymnaste a '.lonau'c 222 

Descente aérostatique de M. Sivel, au. milieu du dé- 
troit de Sund 269 

bibliographie aéronautique 270 

Ascension aérostatique 303 

Notices nécrologique». — Histoire 
de la science. 

Madame Emmanuel Liais 101 

La statue do Priestlcy 161 

Llio de Beaumont , - 305 



Sir William Fairbairn (C. M. Camei. 1 354 

1/. Roulin 31 

La moi t d'un grand joueur d'échecs 110 

AngstrSm m 

Anniversaire de la découverte de l'oxygène \2C, 

Ftaud ' l'JO 

Le centenaire de la découverte de l'oxgcne célébré 

en Amérique 237 

fe'j tinction d'un grand nom 307 

Un monument à la mémoire de Sauvage I>98 

Sociétés savantes. — Associations scientifiques. 
Expositions universelles. 

Académie dos sciences. Séances hebdomadaires'^. Meu- 

NiEft) '... la, SI, 

46, 63, 79, 94, 111, 127, 142, 159, 174, 190, 207, 223, 
239, 254, 270, 287, 303, 316, 335, 351, 307, 383, 399, 415 
Exposition internationale de Londres (W. de FOU- 
VIELLE) 70 

Lettres de Cambridge (W dk Fonviei.i.e) 78, 91 

L'Association française pour l'avancement des Scien- 
ces. Session de Lille 154, 186,203,213 

I. Association britannique pour l'avancement des 

Sciences. Session tle Belfast 242,391 

Exposition des insectes 238, 257, 275 

Congrès international des météorologistes a Vienne 

(F. Zuhciieb) 258, 282 

Congrès internationaux séricicole et viiicolo. . 3S2, 397 

Société française de navigation aérienne. 46 

Société géographique de Londres '8 

Université croate 366 

Variétés. — Généralités. 

La traite des esclaves dans l'Afrique moderne (L Liik- 

iutikr) C 

La pêche primitive et lu dépeuplement des f.iiK 

(IL de la Blanchère) 81 

Lettres do Cambridge (W. de Foxvieille) 78,91 

Los plantations urbaines (F. Barillet) 103 

Les légumistes U4 

La fétidité de l'eau de la Seine (J- Girard) 205 

L'explosion de poudre de« llegent's Canal » a Lon- 
dres 336 

Correspondance 30 

Un mariage à l'électricité aux Etats-Unis 14 

Lu m ort alité à Londres 15 

Statistique de la consommation du tabac in France. 94 

la photographie spirite 91 

M. Pasteur. Prix 12.000 francs 126, 127 

L'extraction de l'or à Victoria 120 

Le calalogrte de. ta Bibliothèque nationale 207 

La crémation des cadavres 2'i2 

Une explosion de feu grisou 254 

Le vin et la science 280 

L' Alsace-Lorraine en 1 873 287 

l'immigration aux Etals-Unis 2S7 

Les secrétaires perpétuels de l'Académie 302, 406 

L'accroissement des communication? entr-: les na- 
tions 33 i 

Ration alimentaire moyenne des popidu- ions rurales. 351 

Explosion de Saint-Denis .,,,,, , 413 

llibliographie. 

L'expression des émotions chez l'homme et les ani- 
maux par Ch. Darwin {G. Tissandier) 7l 

Les montagnes, par Albert Dupaigne 140 

Bibliographie aéronautique (Ch. Boissay) 270 

Lf.s fossiles, par Gaston Tissandier 378 

Bibliographie 15, 31, 35') 

L". livre de la Nature, par Fédéric Schugki.deh 30 

Spectres lumineux, par Lecoq de Boisuaudiun .... 20 



TABLE DES MATIÈRES. 



427 



Histoire de la création des êtres orgnniscs } par 

E. H.tiCKEL, , , . . . C2 

Causeries scientifiques, par H. db Padviixe 63 

Mémoires d'un estomac, par le docteur Le Gnos... 94 

La statistique graphique, par M. Lévy 94 

Les mouvements de l'atmosphère et des mers, par 

Marié Davy 127 

Iraitè des paratonnerres, par A. Callaud 142 

Ornithologie parisienne, par Néuée Quepat 238 

La locomoti' n chez les animaux, pur BellPettigkew. 238 

Cours de géologie comparée, par S. Meunikr. » 239 

La lumière et les couleurs, par A. Guillemin 339 

La lunette astronomique horizon 1 aie, //«rA.LAUssiîUAT 303 

hôtes sur les paratonnerres, par M. Melse.ns 303 

La théorie des aloines, par A. Wmtz. . . . » 307 

Les mines dans ta guerre de campagne, par Picardat. 36T 

Correspondance. 

Appareil destiné à préserver la vigne de la gelée (Le 



Brkton) 30 

Lcttrrs de Cambridge. Un scarlct Day. L'Universilé 

(\V. de Fonvieli.ee) 78, 9 ( 

Le typhon du la mer de Chine (P. de Thiep.sant). . 414 
Sur le phylloxéra (Cn. Guelari>, D* Pieiuik) 153 



EU RATA 

Page 47, col. I , ligne 8, au lieu de : Bouquet de la Gregp, 

lisez : ttouquet de la Gr \ e- 
— 250. - 2, — 4, - 



- 303, —2,-9, - 
14, - 



voy. p. 34 et 75, lisez : 

voy. p. 183 et 195. 

plus simples, lisez : plus 

sombres. 

Gcrney, lisez : Gemez. 



FIN DES TABLES. 



2773-81. — Codbïil, rit. etstùi. «iri.