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Full text of "La revue philanthropique 2"

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LA 



Revue Philanthropique 



PARAISSANT LE lO DE CHAQUE MOIS 



PAUL STRAUSS, Directeur 



PREMIERE ANNfiE. — TOME II 

NOVEMBRE 1897 A AVRIL 1898 



PARIS 

MASSON KT C'% EDITEURS 

LIBRAIRES DE l'aCADEMIE DE MfeDECINE 

120, HOULEVAKI) SAINT- r.ERMAIX 

1897 



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DICTIONNAIRE DE L ASSISTANCE 



PREAMBULE 

J'entends, sous ce litre, d^finir les termes employes par tous 
ceux qui trailent des choses de ]*assistance. D'aucuns penseront 
que ce travail est parfaitement inutile ct qu'4 d^faut de T^di- 
tion toujours attendue du dictionnaire de TAcaddmie, celui de 
Littrd, par exemple, y suffirait. S'il ne s'agissait que de rensei- 
gnements lexicographiques, rien ne serait plus exact ; mais tel 
n'est pas, on doit le penser, mon but. 

Le cercle des Philanthropes devient de jour en jour plus 
^tendu, le nombre des personnes s*occupant, ft un titre quel- 
conque, de soulager la mis^re d'autrui, est de m6me plus consi- 
derable; le Parlement fait des lois d'assistance, les unes sont 
appliqudes, d'autres k Tdtude; des revues se fondent; des so- 
ci^t^s se ferment; on crde des <^tablissements, des ceuvres; on 
leur donne un nom, une etiquette. Bref, il y a 1ft, ft Fheure 
actuelle, tout un mouvement d'opinions, d'iddes, de faits dont 
t'assistance est le but. 

Pour y aider, pour le suivre avec fruit, il faut que les 
lennes soient ddiinis et compris de la mfime mani^re; il im- 
porte que le langage technique soit clair, precis et unexpose ft 
aucun embarras. Cela 6videmment va de soi; mais pour couper 
court ft toute objection, j'en veux encore faire la preuve par des 
faits et au moins un exemple. 

Je prends le mot : ii6pital. 



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<; REVUE PHILANTHROPIQUE. 

Littr^ le d^finit ainsi : 1*» Etablissement ou Con regoil gratui- 
tement des pauvres, des infirmes^ des enfants, des malades. (A 
Tappui de ceite definition premiere, il cite une longue phrase 
tir^e de la preface de Tenon, M^moire sur les hdpitaux). 2** Par- 
liculidrementy dans le langage administratif, maison de chartif^ 
etablie pour donner des soins gratuits aux malades indigents ^ 
par opposition a hospice otl on ne regoit pas les malades. 

Littrd nous donne ici un exemple des plus remarquables de 
Tenibarras que peut offrir le mot hdpital; dans sa premiere 
definition gdn^rale, il confond rb6pital et Thospice; dans la 
seconde, plus particulidre, il les s^pare. Cependant, au mot 
hospice^ r^minent lexicographe donne toute sa pens^e it propos 
de la synonymie des deux termes. 

« L'hApital est un asile momentan^ ou Ton cherche la gu6- 
rison d'une maladie; Thospice est un asile perp^iuel ou Ton 
passe tout ou partie de son existence. Cette distinction est 
purement administrative. Autrefois il n'y avait qu'hdpital qui 
s'appliquait k tons les lieux destines i recevoir des pauvres 
malades ou non malades. » 

Au point de vue etymologique, qui est, pour les grammai- 
riens, sans aucun doute, le plus int^ressant, Littrd veut done 
qu'h6pital et hospice ayant m6me radical, hospes, hdte, soient 
synonymes, et c'est avec un certain d^dain des ndcessites admi- 
nistratives qu'il concede la distinction entre les deux termes. 

U faut en appeler de la decision formulae par Littr^ et con- 
siderer que les termes, quoique d'origine commune, s'appli- 
quent k des objets absolument diff^rents. 

Sans aucun doute, dans les temps eloignds de nous, ou 
Tassistance hospitali^re naissait, puis se d<5veloppait, les esprits 
n'dtaient pas fagonn^s & des exigences qu'on tient aujourd*hui 
pour legitimes; ils n'envisageaient que la protection donn^e a 
rindividu sous un toit hospitaller ; les hdtes etaient varies de 
conditions, d*origines; leurs besoins differaient aussi; la com- 
mune maison s'accommodait de toutes ces infortunes. On la 
denommait de n*importe quelle fa^on : YAlbergo de poveriy 
rH6tel-Dieu, ThOpital ou Thospice de la Misiricorde, etc. La 
confusion est alors partout dans les mots et dans les choses et 



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DICTIONNAIIIE DE L'ASSISTANGE. 7 

il n'y a pas lieu dVpiloguer sur les termes usii^s k ce moment^ 
ainsi que le font pourtant maintes commissions administra- 
iives en possession d'antiques fondations de lits d'hospice pour 
les pauvres malades ou non malades. 

Le comity de mendicity de TAssembl^e constituante, dont 
les travaux font date dans Thistoire de Tassistance en notre 
pays, accepte la synonymic des termes; les articles 16 et 18 de 
la loi du 24 vend^miaire an H en sont la preuve (1). 

Dira-t-on que le langage administratif n'est pas encore cr66 
et que les mots conservent leur sens ^tymologique? Soit. Mais, 
malgr^ les progrfes incessants que les lois de la R^publiquc 
apportent a Torganisation de Tassistance^dans les arrdt^s ou les 
lois de 23 brumaire an V, 4 vend^miaire an VI, 24 thermidor 
an VIII, 9 frimaire an XII, on emploie indiff^remment, dans les 
textes les mots h6pital et hospice; on les traite en synonymes. 

II n'y a done, jusqu*ici, en ce qui concerne ces mots, ni lan- 
gage juridique, administratif ou autre et la confusion con- 
sacrde par Tusage et la tradition persiste. 

La loi de 1838 sur les ali^n^s semble commencer une voie 
nouvelle; larticle 24 indique que Ton reconnait Idgalementdeux 
series d'^tablissements hospitallers diflF6rents. C'est seulement 
en 1851 que le langage devient tout k fait precis et la loi du 
7 aoul sur les hospices et hdpitaux fait nettement la difference 
entre les deux sortes d*6tablissements. On ne dit plus comme 
autrefois en 1838 hospices ou h6pitaux, mais on 6crit hospices 
et h6pitaux. 

L'article premier de la loi s'occupe des conditions d'admis- 
sion des malades dans les hdpitaux; Tarticle 2 traite de Tadmis- 
sion des meillards et infirmes dans les hospices. La separation 
est l^galement accomplie. 

U faut reconnaltre qu'elle 6tait faite aussi dans les esprits; 
M. de G^rando (1839), dans son traits de bienfaisance qui fut, 
avec raison Touvrage le plus consults en cettc mati^re et qu*i[ 

(1) Art. 16. — Tout vieillnnl j\f:e de soixante-dix ans, sans avoir acquis de 
(Jomicile, ou reconnu infirme avant fctte 6poque, recevra les secours de slricte 
necessity dans Vhospice le plus voisin. 

Art. 18. — Tout malade, domicilie de droit ou non, qui sera sans ressources, 
^era secouni. ou & son domirilo do fait, ou dans Vhospice Ic plus voisin. 



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8 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

faut encore relire k noire ^poque, ^tablit qu'il y a deux classes 
d'asiles hospitallers et que les denominations d'h6pital et d'hos- 
pice servent h ies distinguer. 

Le langage administratif, dans les circulaires et instruc- 
tions, a consacr6 cette separation depuis cette date memorable 
de 1851, et, k ce point de vue, Littrd a raison. Mais ce n'est pas 
seulement 1& qu'on la constate; elle existe dans tons les ou- 
vrages qui traitent de bienfaisance ou d'assislance; si quelques 
commissions administratives charg^es de plusieurs 6tablisse- 
ments persistent k s'appeler commission des hospices civils, 
c'est par commodity et non par ignorance. 

Dans le monde de la bienfaisance, administratif ou non, la 
separation est acceptee, la synonymic repoussde. II n*y aurait 
done pas de difficultes, tout le monde 6tant d'accord. 

Mais les termes vont de nouveau se confondre ; nous allons 
perdre le benefice d'une clarte qu'on pouvait considerer comme 
definitivement acquise. C'estla loi de 1893, qui va, sans le vou- 
loir assurement, en devenir la cause. 

Elle stipule en son article 3 que toute commune est ratta- 
chee k un ou plusieurs des hdpitaux les plus voisins, et, dans 
Tarticle 4, que le Conseil general deiib^re sur la determination 
et la creation des hdpitaux auxquels est rattachee chaque com- 
mune. 

Le terme h6pital ne devait cependant prfiter k aucune con- 
fusion; il n'etait question que d'assistance aux malades et le 
legislateur n'employait pas d'autre mot qu'hdpital. 

Mais les Conseils generaux se sont departis de cette rigueur 
de langage. Pour remplir la mission qui leur incombait de 
designer les hdpitaux de rattachement, ils ont cru possible dans 
un grand nombre de departements de considerer h6pital et hos- 
pice comme synonymes, et des lors, pour eux, tout est devenu bon 
comme h6pital de rattachement, le grand et le petit h6pital, le 
grand et le petit hospice. Dans plusieurs d^entre eux, tout ce 
qui etait etablissement hospitaller a et6 designe pour recevoir 
des malades; on ne s'estpas preoccupe des distinctions gram- 
maticales que probablement bien des conselllers generaux 
auraient considerees, en Tespece, comme parfaltement super- 



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DICTIONNAIRE DE L'ASSISTANCE. 9 

flues h c6l<5 des int^rfits locaux ou peut-^tre ^lectoraux qui pou- 
vaient dire en jeu. 

A vrai dire, ils ont pour excuse la circulaire du 18 mai 1894. 
Elle disait : « Rien n'emp6che qu'i d^faut d*h6pital, les com- 
munes soient rattach^es k un hdpital-hospice ou mSme k un 
bospice plus sp^cialement r6«erv^ aux vieillards ou infirmes, si 
Facte constitulif de r^tablissement ne renferme pas de clause 
emp^chant d'y adjoindre un service de malades. La plupart du 
temps, en d^veloppant Tinfirmerie de I'hospice, on pourra h peu 
de frais cr^er un quartier d'hdpital qui profitera des services 
g^n^raux de TStablissement existant. » 

L'excuse n'aurait cependant qu'une valeur relative, car 
M. le commissaire du gouvemement disait au S6nat, lors de la 
preparation de la loi d'assistance en mars 1893 (1) : « Je ne 
saurais trop redire combien il importe de laire cesser la confu- 
sion persislante entre les services d'h6pitaux et les services 
d'hospices. 

« II faut pour cela : 1^ appeler chaque ^tablissement de son 
vrai nom (hOpital, hospice ou h6pital-hospice) ; 2® prendre 
toutes dispositions ndcessaires afin que la r^alit^ de son fonc- 
tionncment r^ponde k sa denomination vraie; 3** tendre k ce 
que, dans les 4tablissements mixtes, il n'y ait pas melange, mais 
juxtaposition de Thdpital et de Thospice. » 

La pens6e du gouvernement ^tait done tr^s netle. Les con- 
seils g^n^raux n'en ont pas tenu compte et ils ne se sont pas 
pr6occupds de la denomination vraie k donner k chaque dtablis- 
sement. La faute commise n'est pas seulement grave parce 
qu'elle atteint les malades qui seront envoy^s dans de mau- 
vaises conditions hygi^niques au milieu des vieillards ; mais 
elle Va etendre son eflfet jusqu'4 la bourse m^me de Thospice 
ainsi d^nomm^ h6pital de rattachement. L'article premier de 
la loi de 1851 ne le concemait pas comme hospice, et mainte- 
nant il lui devient applicable. On sait que cet article constitue 
line charge extrimement dure pour les hdpitaux; ils doivent 
recevoir, pour leur propre compte, tous les indigents, sans dis- 

(1} Conseil sup6rieur de TAssistance publique. Rapport de M. le Directeur do 
Tassistance et de Thygiene piibliques. Paris, 55, p. 49. 



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10 HEVLE PHILANTHROPIQLE. 

tinction de domicile, qui tombent malades dans la commune. 

La confusion, que le l^gislateur de 1891 avait fait cesser, va 
done reparaltre, si on n'y prend garde, et plus compliqu^e 
qu'autrefois, puisque des obligations nouvelles sont ndes. Com- 
ment faudra-t-il d^nommer, en effel, un hospice ou pour les 
besoins de Tassistance m6dicale on aura am^nagd, s'il existait 
une infirmerie, crdd de toutes pieces, s'il n'existait rien, un 
quartier d'h6pital? Ne sera-t-il pas devenu un h6pital-hospice? 
Qu'aura-t-il gagm5 a ce changementd'6tiquette? L'honneurcoA- 
teux de recevoir k ses frais les malades que la loi meltait k la 
charge de la commune. Quelques conseillers g^n^raux ont pu, 
le sachant, se servir de ce changement d'6tiquette, pour favo- 
riser les int^r^ts financiers de leur commune, mais d'autres 
(^taient certainement bien ignorants d'une telle consequence. 

Tousceux qui ont souci des budgets publics, des charges des 
contribuables, appr^cieront ce que, derric^re ces querelles de 
mots, il y a de choses graves et s^rieuses. II nous semble, pr^- 
cis6ment, qu'on n'y a pas assez song6 et, comme premier re- 
made, nous voudrions voir appeler chaque chose par son nom; 
ce sera ddji un pas fait, dans le cas, vers un classement m6- 
thodique des ^tablissements hospitaliers. 

Get exemple nous parait topique pour faire comprendre la 
ndcessit6 d'un langage precis en mati^re d*assistance. Ce Ian- 
gage, l^gislateurs, membres des conseils d^bib^rants, adminis- 
trateurs du bien des pauvres, philanthropes et ^conomistes, 
tout le monde doit Taccepter dans sa rigueur, sinon avec la 
confusion dans les mots apparatt le d^sordre dans les fails. 

D' (,. DROLINKAt'. 



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A MONSIEUR PAUL STRAUSS 

Directear de la Hevue Philanthropique, 

l^"" noverabre 1897. 

J'ai salu6 avec joie la naissance de votre Revue. II me 
semble que mieux que tout autre vous saurez, en la ren- 
dant attrayante, vulgariser la plus belle des sciences, celle de la 
philanthropic ; car c'est une science. Bien des gens Tignorent, 
et bien plus encore en ignorent jusqu'aux 6l^ments. C*est par 
une sorte d'A, Bj C, qu'il est n^cessaire de commencer leur 
education encette matidre. 

Savent-ils mftme ce que sont les philanthropes et quelle 
somme immense de travail est accomplie par ceux qui con- 
sacrent leur vieausoulagementdes mis^resde leurssemblablcs, 
qui mettent leur g6nie, leur science au service de Thumanit^? 

Gens de bien, que j'ai eu le bonheur de connaitre, d'en- 
tendre etde comprendre, quej'aimeet que je v^n^re! Vous 
seuls savez arr^ter le torrent toujours pr6t k d^border, et si 
tout k coup vous disparaissiez de ce pauvre monde, quels cris 
effroyables se feraient entendre, que de bras tendus dans un 
suprfin>e appel... Et puis, quelle r6volte! Et quelle h^catombe ! 



II est certain que Ton invente peu de chose dans Torgani- 
sation de I'assistance. 

La misfere des hommes se perp^tue k travers les sifecles el 
les philanthropes ne peuvent que s'ing^nicr k adapter les 
remMes les plus efficacesaux maux dechaque dpoque. 



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12 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

Les distributions debl^ etd'huile qui avaient lieu h Athftnes, 
h Rome et dans la plupart des villes antiques, les distributions 
de riz qui n'ont cess^ de se faire depuis des milliers d'ann^es 
dans les pays orientaux, nc sont pas autre chose que nos bu- 
reaux de bienfaisance. 

On pent, dans eel ordre d*id6es, rapprocher utilement de nos 
oeuvres d'assistance par le travail le capitulaire de 807, ou 
Charlemagne interdit de faire Taumdne aux mendianls valides, 
etd'autres ordonnances, ou se trouve d^cr(5t6e Torganisation do 
travaux publics pour les vrais pauvres. 

Notre soci6t6 frangaise est une vaste famille, qui doit in- 
tervenir lorsque la famille naturelle n'existe plus ou ne pent 
pas agir. 

Le pacte social fait que chaque dtre doitcoop^rer k Tceuvro 
commune qui a pour objet le progr^s et le bien-6tre de tous. 
L'homme a le droit de dire k son pays : « Fais-moi vivre. » Le 
pays lui respond : « Donne-moi en dchange ta force et ton tra- 
vail. » 

L*assistance est due k Tenfant. II a droit k une protection 
enti^re, complete, permanente. La soci6t^ ne doit reculer 
devant aucun sacrifice pour assurer sa vie, sa sant^, lui donner 
r^ducation morale et profcssionelle. 

L'adulte n'a besoin d'assistance que dans les moments de 
crises caus^es par la maladie, le grand nombre d'enfants, le 
ch6mage. 

Dans le premier cas, des soins a domicile ou dans les h6pi- 
taux doivent lui Hve donnas. 

Dans ledeuxi^me cas, il faut venir k son aide par tous les 
moyens, subsides ou refuges pour les femmes enceintes, secours 
d'allaitement. 

Dans le cas de chdmage, un travail doit 6tre mis k sa dis- 
position; mais un travail pen r^mundr^ et une subsistance 
strictement suffisante, afin qu'il ne se complaise pas dans cet 



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LETTRE DE M- BfiQUET DE VIENNE. 13 

£tat et qu'il n'essaie pas de se d^rober it la grande loi sociale 
qui exige que chacun, par ses efforts et son utility personnels, 
contribue au bien-^tre commun. 

Pour les vieillardsy les caisses de retraites doivent 6tre en- 
courag^es et favoris6es. Mais k d^faut de ressources suffisantes, 
TEtat doit 6tre tenu d'assurer leurs derniers jours, soit au 
moyen de secours qui leur permettent de vivre au milieu des 
leurs, s'il est prouv^ que ceux-ci ne peuvent se charger de leur 
entretien, soit en leur offrant le repos dans des maisons ad hoc* 

Quant aux infirmes, incurables et d^g^n^rds de tous genres, 
il est sans doute n^cessaire de leur donner tous les soins et 
toutes les consolations que present Thumanit^. Mais pour la 
doci£t6 ils ne repr^sentent aucun apport; leurs capacit^s mo- 
rales ou physiques m6me d^velopp^es it leur maximum, n at- 
teignent pas celles d'un 6tre normal; leur reproduction est un 
danger. II importe done, tout en ne leur refusant rien de ce que 
rhumanit^ commande, de ne pas s*^garer en leur faveur dans 
des entreprises fort coQteuses et tout k fait al^atoires. 

Les diff^rents genres d'assistance doivent 6tre proportion- 
nfe k rint^rfit social. Celui-ci ne doit jamais 6tre perdu de vue. 

L'enfant est secouru parce qu'il est la vie m6me, Tavenir. 

L'adulte, parce que ses forces doivent 6tre conserv^es pour 
la grandeur et ia prosp4rit6 de la Patrie. 

I^ vieillard, parce qu'il arempli son devoir, contribu^, par 
son travail, ii Tentretien du corps social. 

C*est 1^ Tassistance raisonn^e, telle que T^tat paratt au- 
jourd'hui la comprendre. 

Viennent les oeuvres privies qui secondent puissamment 
Tassistance publique, d^chargent son budget et diminuent le 
paup^risme. 

Cette assistance doit 6tre 6galement' raisonn^e et logique ; 
mais elle permet k tous d'apporter aux infortun6s les tendresses 
du coBur, de p^ndlrer les raisons souvent secretes de leur mal- 
heur et de faire briller, dans leur noir horizon, Tespoir qui ra- 
nime les courages et decuple Teffort. 



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14 REVUE PHILAXTIIROPIQUE. 

Dans ce genre d*assisiance une chose m*6tonne,.c*estle rang 
extr^mement secondaire que les femmes y occupent. Elles sont 
nombreuses les institutions dans les conseils administratifs 
desquelles je cherche vainement des noms de femmes. 

Pourquoi cette abstention deplorable? Pourquoi ne dirigent- 
elles pas? Pourquoi n'apportent-elles pas au moinsleurpart de 
travail et de lumi^re dans toutes les organisations philanthro- 
piques ? 

Les hommes doivent se dire : 

« Comment! les femmes souffrent (^ juste titre) d'etre assi- 
mil^es l^galement aux mineurs^ aux interdits, aux incapables. 
Elles nous reprochent d'avoir ^tabli une ligne de demarcation 
entre les occupations que nous jugeons dignes do nous, et celles 
que nous leur laissons, partage dans lequel nous nous sommes 
octroy^ seulement: le pouvoir, Tautorite, Tintegralitd des droits, 
les emplois, les faveurs, les distinctions, les privileges, les si- 
necures, etc. Mais nous ne leur interdisons pas Tacces de Tas- 
sistance privee ! 11 ne s'agit ici que d'apporter travail et 
devouement. Avouons que la concurrence n'est pas i redouter. 
Pourquoi ne profitent-elles pas de cette porte ouverte et ne don- 
nont-elles pas dans cette voie la mesure de leur valeur? 

« Elles savent pourtant que la collaboration masculine et 
feminine pent seule enfanter le travail parfait. » 

Voil^ certainement ce que les hommes se disent. 

II faut qu'il existe un malentendu et que la plupart des 
femmes croient que tout est pour le mieux dans le meilleur des 
niondes; sans cela elles se mettraient a la tAche. 

Qu'elles sachent que Ton a besoin de leur concours; car les 
femmes qui se sont soumises aux lois de la nature, qui vivent 
dans la famille et pour la famille, peuvent seules avoir une 
comprehension nette de toutes les soufTrances morales ou phy- 
siques et des tresors d'indulgence et de commiseration. 

Que votre Revue leur repute done sur tons les tons qu'il est 
des meres qui meurent de faim, qui sur leurs seins vides pres- 
seiit de malheurcux etres condamnes h la mort. Dites-lcur, 
oh ! ditcs-leur sans vous lasser, qu'il est des femmes dont le 
mari est mort, ou est ft ThOpital, des abandonnees, qui, h la 



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LETTRE DE M- BfeQUET DE VIENNE. 15 

derni^re p6riode de leur grossesse, n'ayant plus la force de 
travailler, sont sans gite, sans pain, sans v^tement. L'enfant 
qu'elles portent en elles endure leurs souffrances ; il est atteint 
d'une faQon cruelle, et pour toujours peut-Mre. Dites-leur qu'il 
y a des malheureux k visiter dans les hdpitaux. Dites-leur que 
dans tons les arrondissements de Paris il faut cr^er et soutenir 
et faire fonctionner par une collaboration constante des cnuvres 
d'assistance par le travail. 

Si elles savaient tout cela, si elles r^ll^chissaient a tout cela, 
les femmes comprendraient que Devoir et Droit sont corri^latifs, 
que le temps est pass^ o£i les oeuvres de Charite ne servaient 
qu'4 faire du prosily tisme, qu'il s'agit maintenant de solida- 
rity, de questions infiniment plus larges et qui sont la vie 
m^me de notre cher pays, que nous aimons et<jui nc pent ^tre 
s6par6 dans nos coeurs de Thumanit^, patrie plus grande 
encore. 

K^alisons le mieuxsur notre domainc terrestre, 61evons-nous 
vers la perfection, cet in^puisable id^al que chacun porte en 
soi. Aspirons k tout ce qui est en haut et tendons les mains k 
tout ce qui est en bas ! 

BfeQUET DE VIENNE, 

Foadatrice de la Soci^tt^ de rAllaitemcnt matcrnet 
et des Refuges - Ouvroirs pour les Kenimos onceiotes. 



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LE RETABLISSEMENT DES TOURS 



Une nouvelle commission a 616 saisie, il y a peu de temps, 
d'une proposition de M. Dulau, d6put^ des Landes, tendant 
au r^tabiissement des tours (1). M. Reinach a combattu vive- 
ment cette proposition et a demands qu'avant de statuer il soit 
proc6d^ a une enqudte auprfes de TAssistance publique, afin 
que le l^gislateur piit 6tre entour^ de tous les renseignements 
n^cessaires. Ce recent d^bat donne un certain caract^re d actua- 
lity k la question du r6tablissement des tours, bien souvent 
agit(5e dans les nombreuses soci6tds qui s'int^ressent aux pro- 
blfemes d^licats de la protection de Tenfance. 

Nous voudrions profiter de cette circonstance pour examiner 
quelles sont les raisons qui sont invoqudes pour et contre 
rinstitution des tours, ce que valent les arguments produits par 
leurs partisans et leurs adversaires, et conclure en indiquant 
quelle parait 6tre la meilleure solution au point de vue 
social. 

(1) Larousse d^finit ainsi les tours : Cdtaient des cylindres convexes d'un 
cdt6, et concaves de Tautre, et qui tournaient sur eux-mdmes avec une grande 
facility. La partie ouverte du tour faisait face k la rue, tandis que Tautre s'ou- 
vrait i rint6rieur d'un appartement. Auprfes du tour et a rext6rieur se trouvait 
plac^e une sonnette. La femme qui voulait exposer son enfant agitait la sonnette 
pour avertir la personne de garde. Aussit6t le cylindre decrivant un demi-cercle 
pr^sentait au dehors son c6l6 concave, et puis, achevant son Evolution, appor- 
tait I'enfant dans Tint^rieur de I'hospice. De cette manifere, la femme qui exposait 
I'enfant n'6tait vue d'aucune personne de Tfetablissement. 

Le tour 6tait aussi quelquefois form6 au moyen dune petite fen^tre, perc6e 
dans le mur d'un hospice, gamie de deux portes : Tune ext6rieure, I'autre int6- 
rieure ; entre ces deux portes se trouvait un petit berceau, et dfes que la d6po- 
sante touchait la porte ext6rieure, une sonnette retentissait qui faisait venir une 
surveillante pour prendre I'enfant. 



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LE RfeTABLISSEMENT DES TOURS. 17 

I. Voyons d'abord quels sont les arguments que Ton peut 
faire valoir pour et centre Tinstitution des tours. 

On peut r^sumer les discussions qui se reproduisent sans 
c^sse & ce sujet, et qui passionnent le public, en disant que la 
question met en conflit les sentiments de g^n^rosit^ et les 
principes de morale. 

D'une part les uns veulent voir adopter le syst^me le plus 
large, de mani^re & ne pas laisser de pauvres petits innocents 
exposes aux consequences dangereuses du ddsespoir maternel. 
D'autre part, les autres ne veulent pas que la gdn^rositd pu- 
blique s'exerce au profit de creatures indignes et au detriment 
de la masse des contribuables. 

Les divers arguments que nous allons rappeler, et pro- 
duits de tout temps pour et contre Tinstitution des tours, se ra- 
minent aux deux id<^es g^n^rales que nous venons d'indi- 
quer. 

Les adversaires des tours reprochent surtout a ce systfeme 
de provoquer aux mauvais moeurs. Le tour, disent-ils, est une 
ressource commode pour les entralnements de la passion . 11 
favorise les calculs de Timmoralit^; il est TauT^iliaire de la se- 
duction. Grftce k lui, la femme n'a plus h s'inquieter des con- 
sequences de ses actes ; elle n'a qu'ii porter son enfant au tour 
pour conserver la marque de Thonnetete. 

A ce grief sdrieux articuie contre les tours, les partisans 
de ce mode d'admission r^pondent que lorsqu'une fille se livre, 
elle ne pense pas aux consequences de sa faute, qu'elle n'y 
pense qu'au moment oti elle se voit enceinte, et qu*8i ce mo- 
ment deux idees se presentent k son esprit: cacher la faute 
ou faire disparaitre Tenfant. I^ suppression du tour lui enlfeve 
la'possibilite de cacher la faute, elle cherche d^s lors.& faire 
disparaitre Tenfant. Elle essaie d'abord de se faire avorter, et, 
si elle ne reussit pas, elle tue son enfant au moment de la 
naissance. Elle recule d'autant moins devant Tinfanticide que, 
si son crime est decouvert, elle court le plus souvent la chance 
de beneficier d'un acquittement. Les avocats ont toujours deux 
bons arguments k faire valoir en mati^re d'infanticide : 1<^ la 
l&chete du pfere, du seducteur, contre lequel la fiUe-mfere 

HEVUE PHILANTHROPIQUE. — II. 2 



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18 REYL'E PIIILAXTHROPIQIE. 

n a aucune action; 2^ la s^v6rit^ de la loi qui oblige k infliger 
au minimum une peine de cinq ans de iravaux forc(^s, peine 
qui parait injuste quand on rapproche ies souffrances e( les 
tortures de la fille-m^re, depuis le premier jowr de sa gros- 
sesse, de Tattitude le plus souvent m^prisable du sc^ducteur. , 

Les partisans du tour appuient )€ur raisonnement sur les 
statistiques qui d^montrent une augmentation constante des 
crimes d'avortement et d'infaflticide depuis Tc^poque dc la sup- 
pression des tours. 

Le grand avantage de Tinslitution des tours serait done, 
d'apr^s ses partisans, de prdvenir les avortements et les infan- 
ticides. 

Les adversaires de Tinstitution contestent cet avantage. 
Dans un remarquable rappoil fait au Gonseil g^n(^ral de la 
Seine en 1878, M. le docteur Thulid a prdsent^ h ce propos do 
judicieuses observations. 11 a fail remarquer que la femme qui 
tue son enfant est celle qui a cachd sa grossesse, qui n'a pas 
voulu 6tre assist^e dans son accouchement et que ccUe-lA n'ira 
pas porter son enfant k Thospice pendant qu'il vit encore, dv 
crainte que les pleurs de son enfant puissent la trahir, do 
crainte que sa faute soit d6couverte si elle ne reprend imm(5- 
diatement son travail habituel. La suppression des tours n'a 
done pas pour consequence, d'apr^s leurs adversaires, de 
pousser aux crime? d'avortoment et d'infanticide les m5res qui 
veulent cacher leur faute, par la raison bien simple qu'il est 
plus sAr de mettre sa main ou sa couverture sur la bouche de 
Tenfant dfes sa naissance, que de traverser les rues d'une ville 
avec un fardeau aussi dangereux pour aller au tour. 

Mais ces observations ne ddsarment point les partisans du 
r^tablissement des tours. lis insistent sur ce fait que, dans les 
grandes vHles, les fiUes-m^res peuvent dissimuler leur gros- 
sesse, sans crainte d'indiscr<5tions comme dans les villages. 

En supposant qu'un docteur, qu*une sage-femme, que des 
inconnus aient su son accouchement, peu lui importe, si T^vd- 
nement se produit loin de son pays. L'essentiel pour elle est 
de revenir dans sa contr^e, dans sa famille sans qu'il reste au- 
cune tra^e de sa faute. Si done elle 6tait certaine de pquvoir se 



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LE RfeTABLlSSEMENT DES TOURS. 19 

d^barrasser de son enfant en le confiant a Tadministration et 
sans s'exposer h divulguer son malheur dans la region ou il 
faut qu'il ne soit pas connu, elle n'auraif. pas recours au 
crime pour faire disparaitre Fenfant qui la g6ne. 

Le syst^me du tour parait k ses partisans de nature k pr^- 
venir des infanticides ou des avortements parce qu'il assure k 
la m&re le secret le plus absolu, sinon dans la ville m^me de 
Tabandon, du moins au loin, \k oh la mfere tient k ce que le 
secret soit rigoureusement gard6. 

Mais les partisans du tour ont des contradicteurs habiles, 
qui soutiennent qu'il ne faut pas exag6rer Timportance que les 
filles-m^res attachent au secret de leur faute. Dans son rapport 
au Conseil sup^rieur de T Assistance publique, M. Brueyre 
affirmait que les cas dans lesquels les mferes se pr^occupent 
d'un secret it garder sont tr^s rares. II les lvalue kip. 100. 

Et les adversaires des tours d^veloppent en outre, k I'appui 
de leur opinion, des considerations puissantes contre le r^ta- 
blissement de cette ancienne institution. 

lis font valoir d'abord que s'il est trop facile de se d6bar- 
rasser de son enfant, des parents pen sympathiques s'empres- 
seront de profiler de la g6n6rosite de Tadministration pour se 
d^charger sur elle du soin d'^lever leur enfant legitime. N'a- 
t-on pas vu en effet, a T^poque oil les tours existaient, des en- 
fants mis k la charge de la charity publique, non pas parce que 
les parents ne pouvaient les clever, mais parce qu'ils les gfe- 
naient pour des raisons plus ou moins avouables? • 

Mais surtout le grand reproche que les adversaires des tours 
formulent contre cette institution, c'est de ne pas r6aliser les 
intentions de ceux qui la d^fendent. Et en effet les partisans 
du tour se flattent de diminuer le nombre des infanticides et 
d'assurer le secret k la m^re. Or Fexpdrience a prouv6 que 
Tinstitution ne pouvait fonctionner sans une certaine surveil- 
lance destructrice du secret que Ton veut garantir. Le tour en 
effet avail jadis, dans bien des cas, servi de botte aux infanti- 
cides. II n'avait souvent regu qu'un cadavre. La surveillance 
s^etait impos^e afin que Ton piit retrouver la personne qui 
avail apporte Tenfant, au cas oil un crime aurait 6te commis. 



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•20 REVUE PHILANTFFROPIQUE. 

La surveillance avait ^16 oi^anis^e surtout & raison du rdle 
abominable jou^ par quelques sages-femmes sans scrupules, 
qui excitaient les filles-m^res 4 Tabandon. Elles percevaient 
une retribution pour porter Tenfant au tour, et souvent elles 
gardaient la retribution, mais n'effectuaient pas le voyage pour 
aller au tour. L'enfant mourait entre leurs mains, et quand 
dies ne trouvaient pas de meilleur moyen de se dcSbarrasser 
du cadavre, elles le d^posaient au tour. Ges abus monstrueux 
avaient necessity une surveillance etroite de la part de la po- 
lice. Mais, avec ring6rence policifere,le secret disparaissait. Du 
jour oil le tour fut surveilie, la m^re ne demeurait plus une in- 
connue pour Tadministration. Loin done de prdvenir les infan- 
ticides et de garantir le secret de la faute, le tour rendait pos- 
sibles et faciles les infanticides s'il n'etait pas surveille, et 
n'assurait aucun secret s'il 6tait espionn^ par la police. Les 
adversaires des tours puisent done dans rexpdrience faite et 
dans les r^sultats obtenus des arguments s6rieux pour condam- 
ner une institution qui a donn^ lieu a des abus monstrueux. 

IL Que faut-il pcnser des divers arguments que nous ve- 
nons de presenter, comme constituant les raisons principales 
sur lesquelles partisans et adversaires des tours fondent leur 
opinion? 

A notre avis,ces arguments doivent faire pencher la balance 
du c6te des adversaires du r6tablissement des tours. 

11 n*est pas k dire cependant que nous approuvions en en- 
tier toute leur th^se. C'est ainsi, par exemple, que nous consi- 
d6rons comme tr^s n^cessairc de garantir le secret de la faute 
k la fille-mfere, et que nous n'approuvons point les adversaires 
des tours lorsqulls disent qu'il ne faut pas exagdrer Timpor- 
tance du secret. Le fait que rares sont les cas dans lesquels les 
m^res, qui abandonnent, d^clarent tenir au secret, ne prouve 
absolument rien; car il donne la proportion desmferes qui d6- 
sirent le secret parmi celles qui abandonnent, ii ne dit pas le 
nombre desm^resqui s'abstiennentd'abandonner parcequ*elles 
tiennent au secret. A notre avis, il est certain qu'un certain 
nombre d'avortemcnts ou d'infanticides se trouveraient annuel- 
lement ^vit^s, si la fille-m5re pouvait confier son enfant k Tad- 



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LE BfeTABLISSEMENT DES TOLRS. 21 

ministration sans avoir la crainte d'etre connue ou recberch^e. 

De m6me, nous ne pensons pas qu'il faille s'arrfiter k Tid^e 
que le tour pourrait servir k recevoir des enfants legitimes, el 
devenir ainsi un moyen de destruction de la famille. S'il y a en 
effet des parents assez d^naturds pour vouloir se s^parer de leurs 
enfants par ^oisme ou par vice^ mais sans y 6tre contraints 
par la mis^re, il vaut mieux pour la soci6t6 que ces enfants ne 
restent pas au contact de semblables parents. Et il est fort pro- 
bable que les enfants que Tadministration recueillera ainsi h 
leur naissance sont de ceux qu'elle aurait dii recevoir plus tard 
comme moralement abandonn^s pour les soustraire aux mau- 
vais traitements ou aux mauvais exemples de leur famille. 

Mais ce qui nous decide contre le rdtablissement des tours, 
c'est I'objection des advcrsaires de Tinstitution, fondle sur Tex- 
p^rience que le tour surveilW ne garantit pas le secret, et que 
non surveilld il pent ne servir que de botte k infanticide. 

III. Et nous arrivons ainsi k conclure avec les partisans des 
tours, qu'il y a lieu de s'occuper des moyens de pr^venir les 
infanticides eu garantissant le secret de la fiUe-m^re; mais, con- 
trairement k eux, nous ne pensons pas que le tour permctte 
d'atteindre le but poursuivi. A notre avis, la meilleure solution 
r^siderait dans la generalisation du syst^me de Tadmission k 
bureau ouvert pratique dans le ddpartement de la Seine. 

En quoi consiste ce syst^me? L'avis dont la teneur suit, 
affiche dans la salle d'attente du bureau de la rue Denfert- 
Rochereau, r^pond clairement k la question : — « Toute personne 
qui pr^senteraun enfant en vue de Fabandon est avertie que des 
questions vont lui etre posdes dans Tinterfit de Tenfant, mais 
qu'il lui est loisible de nepas r^pondre ou de ne fournir qu'une 
partie des renseignements demandes. La production du bulletin 
de naissance ne sera pas obligatoire. » 

La grande difference entre Tadmission k bureau ouvert en 
usage dans le ddpartement de la Seine et la procedure d'admis- 
sion pratiquee en province, est dans la possibilite pour une fille- 
mire de deposer ou de faire deposer son enfant k Paris sans 
foumir aucune esp^ce de renseignement ni sur elle, ni sur lui, 
tandis que, dans les departements autres que celui de la Seine, 



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22 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

radministration refuse d'admettre Tenfant s'iln'est pasr^pondu 
a toutes les questions poshes, et notamment k la question du 
domicile de la m^re. 

Les d^fenseurs de Tadmission k bureau ouvert consid^rent 
que cette procedure est bien sup(^rieure & Tinstitution des tours. 
En effet, peuvent-ils dire, cette procedure a le m6me avantage 
que le « tour )> ; elle a en plus des avantages que n'a pas le tour, 
et elle a en moins les graves inconv^nients des tours. 

L'avantage commun au syst^me du tour et k celui de Tad- 
mission & bureau ouvert, et leur superiority sur la pratique ha- 
bitueile des ddpartements de province, c'est que la procedure 
de Tadmission k bureau ouvert garantit k lafille-m^re le secret 
de sa faute, puisqu'elle lui permet d'abandonner son enfant, 
sans aucune esp^ce d'explications. 

L'avantage special k la procedure de Tadmission k bureau 
ouvert, c'est que cette procedure permet d'ofifrir un secours k 
la m5re, d'insister aupr^s d'elle pour qu'elle n'abandonne pas 
son enfant. Et ce ne pent 6tre qu'un grand bien pour Tenfant 
d'avoir it6 gard^ par sa mfere au lieu d'avoir 616 jeli au tour, 
si la mferc est r^ellement digne des secours qu'on lui offre, et si 
elle n'avait song^ k Tabandon que dans un moment de d^tresse 
et de d^sespoir. 

Enfin, le danger que nous avons signals comme inherent au 
syst^me du tour, c'est-^-dire la possibility de ne remettre qu'un 
cadavre dans le cylindre, ne se pr^sente plus avec la procedure 
de Tadmission k bureau ouvert, puisque la ddposante est obligee 
de presenter Tenfant k un fonctionnaire charg6 de le recevoir. 
Et radministration n'a plus besoin avec ce systfeme de faire inter- 
venir la police secrfete pour surveiller les d6posanles, comme 
die serait obligee de le faire avec le systfeme des tours dans la 
crainte de ne recevoir parfois que des cadavres. 

A tous ^gards done le syst^me de Tadmission k bureau ou- 
vert paratt se recommander au l^gisiateur. 

II y a cependant des adversaires s6rieux, qui formulent des 
objections dignes d'arrcHer Tattention. 

M. Brueyre a pr6sent6 contre Tadmission a bureau ouvert, 
telle qu'elle fonctionne dans le d6partement de la Seine, un 



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LE RfeTABLlSSEMENT DES TOURS. 23 

argument qui pcut ^tre de nature k diminuer l*enthousiasme 
des partisans de ce mode d'admission. II critique la possibility 
pour led d^posants de ne pas produire le bulletin de naissance 
de Tenfant, et il fait observer que c'est ouvrir ainsi la porte h 
toutes les fraudes, k tons les crimes, qu'avaient favorisds les 
tours, que c'est faciliter des crimes de suppression d'etat, de 
changement de filiation, d'abandon d'enfants legitimes. 

La roponse aux critiques dirig^es par M. Brueyre contre la 
dispense de la production de Tacte de naissance est assez facile. 
M. Brueyre pretend que cette dispense pent favoriser des sup- 
pressions d*<^tat. Qu'on se demande si Tobligation de fournir 
cette piece ne pent pas pousser la mire k Tinfanticide, et de 
deux maux choisissant le moindre on pr^fdrera le systime qui 
expose k des suppressions d'etat que celui qui conduit k des 
infanticides. 

Mais ce qui rend I'opinion de M. Brueyre difficile k r^futer, 
c'est que M. Brueyre soutient que la production de Facte de 
naissance n'a pas pour consequence la divulgation du secret, et 
qu on ne peutdis lors lui imputer de pousser k Tinfanticide. 
Kn effet, si la mire est d^signie dans Facte de naissance, c*est 
qu'elle ne tient pas au secret, et si Tenfant est indiqu^ n^ de 
pire et mftre inconnus, la production de Facte de naissance ne 
nuit pas k la mire. 

Le dilemme parait irrefutable. Dans lasiancedul3 mail 892 
k la Soci6t6 internationale d'Assistance, M. Lefort a cependant 
prouv^ qu'il n'^tait pas sans riplique. M. Lefort a r^pondu k 
la thfese de M. Brueyre qu'il pouvait se faire qu'une mire voulAt 
abandonner un enfant k la condition de ne pas voir sa faute 
divulguie, et avoir cependant laissi figurer son nom sur Facte 
de naissance. II est possible en effet qn'k raison de son mitier, 
de ses occupations, elle ne puisse pas riussir ^ clever son enfant 
en bas Age. Elle se rdsoudra k Fabandon. Mais elle lui aura 
peut-itre faitdonner son nom, afin d'avoir un lien qui la rattache 
a lui, qui pourra la decider plus tard k le r^clamer, lorsqu'elle 
aura fait Faveu de sa faute k sa famille, ou lorsqu'elle aura 
trouvi un mari qui veuille accepter Fenfant. Pour Finstant 
cependant, elle pent avoir grand int^rit k ne pas divulguer sa 



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24 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

faute k radministration. Obliger les d^posantes k produire le 
bulletin de naissance serait pousser les filles-m^res k recom- 
mander aux declarants de dire que Tenfant est n^ de p^re et 
m^re inconnus, c'est-i-dire ne leur donner le plus souvent 
aucun etat civil. 

G'est done it bon droit, nous semble-t-il, que le Conseil sup6- 
rieur de TAssistance publiquc a rejet6 Topinion de M. Brueyre 
qui voulait exiger des d^posantes la production du bulletin de 
naissance. 

Mais CO n est pas k dire que les critiques de M. Brueyre ne 
soient pas fondles. 11 eat certain que Tadmission k bureau ou- 
vert pratiqu^e sans production du bulletin de naissance ris- 
quera de faciliter certains crimes ou d^lits, d'augmenter Ic 
nombre des abandons, et par suite d*exigerdesressources p^cu- 
niaires importantes. 

Toute la question est de savoir si, avec ce mode d'admission, 
on pourra diminuer le nombre des infanticides et des avorte- 
ments, et si la perspective de ce r^sultat k obtenir n'est pas de 
nature k faire accepter avec resignation toutes les consequences 
que nous venons de signaler, et qui, pour Atre toutes regrettables, 
f&cheuses, importantes, sont cependant moins dangereuses et 
moins prejudiciables que les infanticides et les avortements. Le 
systeme de Tadmission 4 bureau ouvert est-il de nature Sirem^- 
tlier aux dangers resultant de la frequence des infanticides?Telle 
est en r^alite la seule question que Ton doive se poser, pour 
se prononcer sur le m6rite de ce mode d'admission des enfants 
dans les services des enfants assist^s ? 

Le releve des tableaux de la prefecture de police pendant 
laperiode decennale de 1884 a 1894 donne des chiffres de na- 
ture 4 ebranler la conviction des partisans de Tadmission 4 
bureau ouvert. Et en effet le chiffre des infanticides s'est 
trouve rester stationnaire dans la Seine de 1884 k 1893; il a 
ete en 1893 comme en 1884 de 34 et le chiffre des avortements 
s'est plutdt eleve, passant de 129 a 144. 

Cette statistique ne doit cependant pas decourager les par- 
tisans de la reforme et les obliger a accepter avec resignation 
le maintien du statu quo. Et en effet les stalistiques fournissent 



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LE RfeTABLlSSEMENT DES TOURS. 25 

d'autres constatations de nature k montrer les bienfaits de Tad- 
mission k bureau ouvert. L'une de ces constatations pent i&tre 
puisne dans le rapport deM. ledirecteurdeTAssistancepublique 
au pr6fet de la Seine pour Fannie 1893; il en ressort que le 
nombre des enfants dont les parents ont refus6 de se faire con- 
naitre a consid^rablement augments (il ^tait de 130 en 1884 et 
s'^levait it 238 en 1893), et que la proportion des enfants exposes 
sur la voie pubiique ou dans un lieu solitaire 6tait en 1893 
inf^rieure de moiti^ k ce qu'elle 6tait en 1884. Or ce double 
r^sultat a ^t^ obtenu sans que le nombre relatif des abandons 
au-dessous d'un an ait subi d'accroissement. N'est-on pas, en 
presence de ces chiffres, autoris^ It conclure qu'un certain 
nombre d'enfants eussent 616 victinies du d^sespoir de leurs 
mdres, si celles-ci n'avaient pas eu le moyen de confier leur 
enfant k I'Assistance pubiique sans trahir leur secret ? 

Notre affirmation que la possibility pour les fiUes-m^res de 
pouvoir garder leur secret est de nature k diminuer le nombre 
des infanticides se trouve d'ailleurs pleinement d^montr^e par 
TenquMe de M. le docteur Socquet, lue k TAcad^mie de m^de- 
cine le 14 avril 1891. De cette enqu^te r^sultait en effet que, 
tandis que le nombre des infanticides reste stationnaire dans le 
d^partement de la Seine ou se pratique Tadmission k bureau 
ouvert, ce nombre a au contraire double et triple dans les d^par- 
tements oil les filles-mferes ont le moins de facilit^s pour faire 
I'abandon, double dans le Morbihan, la Mayenne, le Jura, la 
Loire-lnf^rieure, les Hautes-Alpes, triple dans TOrne et les 
Pyr6n6e8-0rientales. 

L'on pent d^s lors conclure de ces di verses statistiques que 
la generalisation du syst^me de Tadmission k bureau ouvert 
apparatt comme un excellent moyen pr^ventif en mati^re d'in- 
fanticide et, s'appuyant sur les raisons que nous avons donn^es, 
le declarer infiniment preferable au systeme mecanique et 
aveugle du tour. 

LtOS MILHAUD. 



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DISPENSAIRES GRATUITS 

POUR LES ENFANTS MALADES 



Jusqu'ii ces derni^l•e8 ann^cs, les mferes indigentes n*avaient 
d'autre ressource pour faire soigner leurs enfants malades que 
de les conduire soil aux h6pitaux sp^ciaux^ soit aux consulta- 
tions gratuites des bureaux de bienfaisance. 

Les h6pitaux sont des ^tablissements jd*assistance qui, mal- 
gr6 leurs imperfections, rcndent h la soci^t^ les plus ^minents 
services. C'est Ik que se Irouvenl, rdunis, les divers modes de 
secours qu'une charit<^ inslruite par Texp^rience de plusieurs 
Slides assure k tousles malheureux; c'est Ih que se concentrent 
les lumi^res d'une science qui est toujours en progr6s pour le 
bien de Thumanit^, c*est 1& enfin que les ddsh^rit^s de la vie 
trouvent un abri sAr et imm^diat contre la faim et la maladie. 

A cdt6 de ces avantages inappr^ciables, les h6pitaux pr^sen- 
tent de nombreux inconvdnients. En premier lieu, les h6pitaux 
sp^ciaux ne sont pas et ne seront jamais assez vastes pour ad- 
mettre tons les enfants qui, sans fetre tenus de garder conti- 
nuellement le lil, n'en r^clament pas moins un traitement 
joumalier et parfois tr^s compliqud. La chose fAt-elle possible, 
cette admission en masse entrainerait des [d^penses qu'aucune 
municipality, si riche qu'elle fiit, ne pourrait supporter, et, au 
point de vue des malades eux-mdmes, ce serait, d*une part, les 
exposer k des dangers de contagion, et, d'autre part, cc serait les 
enlever sans motifs suffisants k la maison paternelle : ce serait 
courir le risque d'affaiblir les liens de famille el de d^sint^res- 



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DISPENSAIRES GRATUITS POUR LES ENFANTS MALADES. 27 

ser les parents de Tun de leurs premiers devoirs, qui est de 
soigner leurs enfants malades. 

A d6faut d'internement (dans les hdpitaux), on avait la res- 
source de conduire ces enfants aux consultations hospitali^res 
extemes ou Sicellesdes bureaux de bienfaisance. Mais les hdpi- 
taux sont et seront toujours forc^ment places dans les quartiers 
excentriques : pour y conduire son enfant, une m^re de famille 
abandonne pendant plusieurs heures son manage, son travail, 
ses aatres enfants : elle le fait une fois, mais elle ne pent renou- 
veler chaque jour un aussi Jourd sacrifice, et alors la maladie 
n^gligSe devient plus grave, se prolonge ind^finiment ou de- 
vient incurable. 

Au point de vue de I'^loignement, les bureaux de bienfai- 
sance prSsentent des conditions plus avantageuses ; mais au 
bureau de bienfaisance, comme du reste k la consultation de 
rhdpital, ce qu'on y trouve est insuffisant pour constituer un 
traitement r6ellement efficace. On y d^livre une prescription 
^rite, au besoin mftme des medicaments; mais ces medica- 
ments ne sont ni appliques ni administr^s sur place, et la negli- 
gence des parents, leur mis^re, leurs occupations incessantes, 
I'indocilite des enfants sont autant de conditions pour qu'a la 
maison paternelle une ordonnance ne soit jamais s^rieusement 
executee. 

On se heurle done de chaque cdte k un ecueil : Thospitalisa- 
iion est une mesure trop coilteuse et impraticable, faute dc 
place ; Tassistance par le bureau de bienfaisance est incomplete 
et insuffisante. 

11 s'agissait de trouver une institution intermediaire aux 
deux autres, qui permit de procurer gratuitement aux enfants 
non alites un traitement aussi complet que celui de Thdpital, 
tout en depensant moins d'argent et en assurant aux petits 
malades la conservation des avantages de la vie de famille. 

Gette institution estle dispensaire. 

Le premier dispensaire cree en France est dft k la genereuse 
initiative de M. le D' Gibert, du Havre (1875) et Ton pent dire, 
suivant Texpression heureuse de M. de Foville, que du premier 
coup il avait trouve la formule du but k atteindre et desmoyens 



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28 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

k employer pour r^ussir. Depuis la creation de son dispensaire, 
tous les ^tablissements du m6me genre, fond^s k Paris, en pro- 
vince ou i r^tranger, Tont 6t6 sur le module de celui du Havre, 
dans des proportions variables suivant les ressources qui6taient 
mises k la disposition des fondateurs, et partout les r^sultats 
obtenus ont 616 aussi heureux. 

Pour donner une definition exacte et precise, on peut dire 
que le but des dtspensaires est de venir gratuitement enaideaux 
infants indiyents^ malades, mats non alitiSj quels que soient 
leur dgey les maladies dont Us sont atteints, leur domicile^ leur 
nationality, par des pansements, des applications dappareils^ 
par r alimentation, et par t administration de medicaments au 
local mSme du dispensaire; de leur assurer de la sorte un traite- 
ment efficace, tout en depensant le moins d argent possible et en 
leur conservant les avantages de la vie de famille. C'est, en un 
mot, le traitement d'une joum^e k Thopital, moins Thospitali- 
sation. 

Situ^s au centre des quartiers habitus par leurs clients, ils 
sont i la port^e des families et, avec une perte de temps mi- 
nime, les m^res peuvent chaque jour y conduire leurs enfants; 
si elles sont emp^ch^es de le faire, unevoisine, une soeur atn^e 
les remplace; d'ailleurs les enfants sontconnusau dispensaire, 
leurs noms et le traitement quails ont k suivre sont inscrits sur 
des fiches : la plupart peuvent venir seuls. Si leur 6tat g^n^ral 
le permet, ils peuvent, tout en se soignant, continuer leurs 
etudes: ils vont au dispensaire avant Touverture et apr^s la 
sortie des classes. 

Ce ne sont pas seulement les enfants A6}k malades qu'on 
pr^sento jila consultation : d'autres, en imminence de maladies, 
y trouvent de pr^cieux secours. Dans les families riches, k la 
moindre preoccupation sur la sante de leurs enfants, les mdres 
font appel ileur medecin, etsouvent, sans avoir de medicaments 
k faire prendre, eiles arrivent, par un regime approprie, k 
enrayer les consequences d*une imprudence ou d'un accident, i 
prevenir le developpement d'une maladie. Toutau moins elles 
calment leurs inquietudes. 

Pour les meres indigentes, le dispensaire tient la place du 



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DISPENSAIRES GRATUITS POUR LES ENFAiNTS MALADES. 29 

m^decin de famille : 1^, elles sont connues, elles >se trouvent 
dans un milieu bienveillant, dies ne sont pas, comme h la con- 
sultation de rhdpitaly un num^ro, et si le m^decin ne juge 
pas qu'il y ait de medicaments k prescrire, il leur donne des 
conseils d'hygifene et leur indique les precautions k observer. 
L*hygifene appliqu^e et la m^decine preventive, qui etaient 
absolument inconnues de la classe ouvri^re, ne sont plus des 
privities de la fortune. 

Organisation des dispensaires. — Parmi les dispensaires, les 
uns sont instalies dans des constructions ddjd existantes, qui 
ont ete appropriees au mieux k leur nouvelle afTectation. Go 
sont d'anciennes ecoles abandonn^es, parfois des boutiques, le 
plus souvent des maisons de secours dont Tadministration de 
r Assistance publique a concede tout ou partie. C'est dans un 
atelier de photographic que M. Gibert a organise son dispensaire 

Les autres occupent des immeubles specialement construits 
en vue de leur destination. 

Parmi ces derniers, celui de M"* Furtado-Heine occupe une 
place Itpart, tantpar les sommes considerables qui y ontetecon- 
sacrees que par la perfection avec laquelle les moindres details 
ont ete prevus et executes. C*est un brillant ideal qu'il faut 
connaitre et dont on pent essay er de se rapprocher, mais il 
sera trfes rare que Ton puisse disposer de capitaux suffisants 
pour realiser quelque chose d'analogue. 

Les avantages d'une construction speciale ne sont pas dis- 
cutables : neanmoins Texperience prouve que des resultats tr^s 
favorables ont ete obtenus avec des installations tr^s modesles ; 
le service est moins commode, les programmes theoriques sont 
moins correctement realises, les soins donnes peuvent etre tout 
aussi protitables. La question dominante n'est pas le local, 
c'est surtout Torganisation du personnel et du fonctionne- 
ment. II y a toutefois un minimum dont on ne pent s'ecarter. 

Locaux indispensables : — Une premifere salle garnie de 
bancs, dans laquelle attendent les consultants et dans laquelle 
aussi .pout se faire Tadministration des medicaments ; — une 
deuxifeme salle pour les contagieux, et il serait fort k desirer 
que dans cette deuxieme salle fussent installees des boxes pour 



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30 BEVUE PHILANTHROJMQUE. 

les divers contagieux, ce qui n'existe nulle pari, — un cabinet 
pour le m^decin, — et enfin une quatrifeme salle, la plus vaste 
possible, pour les pansements, les applications d'appareils, Ics 
injections nasales, oculaires et auriculaires, etc. 

Dttns une partie de cette salle ou mieux dans une annexe, 
il faut pr^voir une installation de bains et douches. 

Ce minimma d'installation se retrouve partout, mais avec 
des variantes. Ainsi i U rue du Terrage (X® arrondissement ), 
le nombre des appareils ft douches est considerable etle nombre 
des douches administr^es plus Mev6 que dans les autres 6ta- 
blissements. Rue de Grim^e, rue Je8]i^Marie-J^go(XIII® arron- 
dissement), le cdt6 baln^aire, mais cette fois sous forme de bains, 
est trfts d6velopp6. Rue Labat, on donnede 20 & 2S 000 bains par 
an. Rue Jean-Lantier (I^*" arrondissement), on acrd^une annexe 
sp^ciale et isol^e pour le traitement de la teigne, une autre 
pour r^glectroth^rapie. Dans plusieurs dispensaires, k cdM du 
cabinet du m^decin, il y a une chambre noire outilMe pour 
Texamen des yeux, du larynx, du nez, des oreilles. 

On comprend que, suivant les ressources du budget et sui- 
vant les tendances des organisateurs, on ddveloppe telle ou telle 
partie du programme que Ton s*est donn^ ; mais, nous Ic r6p(5- 
tons, il y a un minimum au-dessous duquel on ne pent descendre 
sans compromettre les int^r^ts des maladcs. 

La m6me remarque s'applique an personnel. Dans certains 
dispensaires, il y a plusieurs m^decins qui font le service k tour 
de rdle; dans d'autres, un ou plusieurs sp^cialistes pr6tent leur 
concours pour les affections dont ils s'occupent particulii^rement. 

A premifere vue, il semblerait indiqu^ de toujours s'assurer 
le concours d'un m^decin et d'un chirurgien : mais rexp6rience 
a prouv^ que la clientele d'un dispensaire du quartier est avant 
tout mddicale, que les cas de chirurgie qui se presentcnt sont 
g^ndralement de la competence d'un praticien ordinaire, et que, 
pour les operations graves, il sera toujours preferable, si ce n'est 
meme obligatoire, d'envoyer les malades dans les h6pitaux (1 ). 

^ (1) Pour toute operation dune certaine gravite, il faut avoir recours au chlo- 
roforme, c'est-i-dire avoir &. sa disposition un assistant experiments. Pour Tope- 
ration, il faut des aides non moins habilcs ; il faut du linge, un outillage, des 
instruments soigneusement sterilises. Pour les malades non infcrtes, il faut une 



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DISPEJTSAIRES GHATUITS POUR LES EXFANTS MALABES. 31 

Au point de vue du personnel medical, le dispensairc 
Furiado-Heine se distingue encore de tons les autres par la 
lai^eur de son organisation. Cinq doc tears en m^decine sont k 
la t^te d'autant de services spdciaux et k chacun d'eux est attache 
un assistant rempiissant les fonctions dlnterne. C'est encore 
le cas d admirer la lib^ralit^ apportde par la fondatrice dans 
Torganisation de son osuvre, mais c*est aussi celui d'ajouter qu'un 
personnel aussi nombreux n'est nullement indispensable. 

Le personnel d'un dispensaire rdduit au strict minimum 
doit se composer d*un mddecin, d'une surveillante chargde de 
Taider et d'exdcuter sur place ses prescriptions, d*une femmc 
ou d'un homme de service. 

A ce noyau fondamental qui existe seul dans beaucoup 
de dispensaires trfes suivis, on pent adjoindre autant d auxi- 
liaires que les besoins du service le r^clament et qu^ les 
ressources budgdfoires le permettent. La condition indispen- 
sable, c'est que la consultation soit rdguliferement faite tons les 
jours i la m^me heure, que dans une dcuxi^me stance de Tapres- 
midi, certains pansements soient renouvelds et les medicaments 
administrds une deuxi^me fois. Le traitement ainsi organised' 
repr6sente, nous le r^p^tons, celui d'une journde d'hdpital (1). 

Medicaments et mat&iel de traitement. — Le dispensaire 
doit dtre approvisionnd des medicaments, instruments et appa- 
reils ndcessaires pour le traitement des maladies de Tenfance. 
II ne s*agit pas ici de donner seulement des conseils Merits. 11 faut 
faire ce quon pent appeler de la thdrapeutique en action, et 
ex^cuter stance tenante tout ce qui est ndcessaire. Le mddecin 
doit done avoir sous la main un materiel sufiisant, lequel, du 
reste, la chirurgie opdratoire dtant dcartie, n'entratne pas k de 
grosses ddpenses. 

salie d'operation; pour les malades inrcctes, il en faut une autre. Un sujet ({ui 
Tient d'etre chloroformd et op6r6 ne pent ^tre remport6 chez ses parents avaut 
un temps plus ou moins long. En sonuue, vouluir faire de la chirurgie op^ratoire 
dans un dispensaire de quartier, c'est se preparer des difflcultes de toutes sories 
qui DC sont pas en rapport avec les services qu'on pourrait rendre. 

(1) L© fait d'avoir un m^decin unique pr6sente pour les families certains 
avantages : U arrive vite & connaitre tous les enfants, il salt leur histoirc, leiirs 
ant^^dents h^r^ditaires, les maladies dont ils ont 6t6 atteint<, il est au courant 
de la situaUon et des besoins de la famille. 



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32 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

Le choix des medicaments exige la plus s^vfere attention. 
Toute preparation de luxe doit Mre laiss^e de c6te : le point 
important, nous le r6p6tons encore, c'est que les medicaments 
soient administr^s sur place. 

Therapeutique alimentaire. — Dans les classes necessiteuses, 
beaucoup de maladies de Tenfance ont pour cause unique Tin- 
suftisance ou la mauvaise qualite des aliments. II n'y a pas de 
medicaments qui puissent prevenir le mal que fait & un nouveau- 
ne le lait appauvri d'une mere-nourrice dans la misftre ou le 
liquide falsitie que Ton vend a bas prix sous le nom de lait de 
vache : il en est de mfime pour Tenfant plus Age qui en pleine 
croissance manque d'une nourriture suffisamment rep^ratrice. 
Pour combattre la mis^re physiologique, resultat d'une veri- 
table inanition, il n'y a qu'un moyen, donner aux meres nour- 
rices et aux enfants, k titre de medicaments, et sur la prescrip- 
tion du medecin, du lait, de la soupe, de la viande si c'est 
possible, tout au moins de la poudre de viande. C'est ce qui a 
ete vite compris par les administrateurs des dispensaires. 

Depuis uu an, un service nouveau a ete organise dans plu- 
sieurs etablissements (au dispensaire de Belleville, rue du Ghe- 
min-Vert, rue Jean-Lantier, rue Jean-Marie-J6go, peut-etre dans 
plusieurs autres) : la distribution journaliere de lait sterilise aux 
nouveau-nes que leurs meres ne peuvent nourrir faute de lait, 
k ceux qu elles ne peuvent nourrir qu'insufiisamment, aux 
enfants plus ftges atteints de gaslro-enterite par suite de sevrage 
ou de mauvaise alimentation. Ghaque jour, la surveillante dis- 
tribue aux m^res en flacons fermes, laquantite de lait sterilise 
prescrite par le medecin, qui tons les huit jours examine et p^se 
les enfants et note sur une fiche les changements qui se sont 
produits pendant la semaine. Les resultats obtenus ont ete des 
plus favorables et il est k esperer que cette pratique se genera- 
lisera (1). 
^ Statistiques. — Pour toute institution d'un genre nouveau 



(1) Dans un recent article, M. le D' Variot fail remarquer que les crdches et 
les dispensaires semblent tout d^signes pour servir de centres aux distributions 
de lait st6rilis6 que la municipality parisienne a Tintention d'organiser. Nous 
sommes absolument de son avis. 



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DISPENSAIUES GRATUITS POUR LES ENFANTS MALADES. ^3 

dont on veut faire appr^cier la valeur, les statistiques sont in- 
dispensabies. C'est ce qui a ^t^ g^n^ralement compris et orga- 
nist dans les dispensaires. 

Tout enfant nouvellement admis doit avoir une fiche num6- 
rotie sur laquelie on inscrit son nom, son 4ge, son poids, sa 
taille, Fadresse d6 ses parents et celie de son 6cole ; puis au jour 
le jour, on porte les dates des visites, le diagnostic et Tindica- 
tion sommaire du traitement. 

On arrive ainsi k connaitre le nombre des consultants, le 
nombre des cas de telles ou telles maladies, les quartiers et les 
Socles qui en sont particuli^rement atteints, le nombre des 
visites et la dur^e du traitement pour chaque maladie. 

Gr&ceaux conditions de proximity etd'accfes facile des dispen- 
saires, gr&ce h la facility du transport des enfants malades, au 
service joumalier des consultations avec medications imm^diate- 
ment appliqu^es, un grand nombre de maladies aigu^s peuvent 
y ^tre trait^es : bronchites, coqueluches, embarras gastriques, 
ent^rites, etc. Certaines affections ^ marche rapide et souvent 
funeste, les ophthalmies purulentes des nouveau-nes par 
exemple, y sont, plus ais^ment que partout ailleurs, enray^es 
par un traitement ^nergique r^p^t^ matin et (soir. Mais ce sont 
surtout les affections chroniques, toutes celles qui se rattachent 
ii la scrofule, h la tuberculose, h la syphilis, les maladies du sys- 
ibme nerveux, les affections de la peau, les lesions chroniques 
des yeux, du nez, des oreilles, etc., qui trouvent au dispensaire 
des traitements r^uliers et prolong^s que les families n'auraient 
pu se procurer ailleurs. Les h6pitaux, faute de place, n'auraient 
accepts aprfes une longue attente qu'un petit nombre des ma- 
lades : le bureau de bienfaisance aurait donn6 une ordonnance 
le plus souvent inex^cut^e : le dispensaire les traite imm^dia- 
tement, et ainsi de nombreux enfants dchappent h des infirmit^s 
qui les auraient laiss^s pour la vie k la charge de leurs families 
et de la society. 

En presence de ces fails, faciles k constater, on ne pent 
s'^tonner du rapide d^veloppement qu'ont pris des institutions 
sanitaires qui, il y a vingt ans, ^taient encore k pen pr^s 
inconnues. 

RBVUE raiLATTHROPIQUB. ~ U. 3 



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S4 REVUE PUILANTHROPIQUE. 

Depenses, — Parmi les dispensaires, les uns sonl soutenus par 
les municipalit^s, les autres par des particuliers, d'autrcs par 
des associations privies, congr^ganisles ou laiques. 

Leurs modes d'administration et ieurs budgets sont tr^s 
diffirents : cependant si Ton met ft part celui de M"* Furtado- 
Heine qui fonctionne dans des conditions exceptionnelles et que 
Ton peut dire inimitables^ il ressort de I'examen des divers 
comptes rendus financiers que ce mode d'assistance est peu 
coAteux, que la d^pense moyenne est de beaucoup inf^rieure ft 
celle des hdpitaux, el cependant dans un tr^s grand nombre de 
cas, le r^sultatoblenuest tout aussi favorable : de plus, Tenfant 
a eu le double avantage de rester dans sa famille et de n'etre 
expose ft aucun dauger de contagion. 

On peut done dire avec M. le ministre de Tintdrieur (circu- 
laire du 15 septembre 1887): « Crder des dispensaires c'estfaire 
b6n6ficier des milliers de pauvres d'une medication preventive 
prompte et rationnelle ; c'est faire Tdconomie de beaucoup de 
maladies; c*est, en un mot, accroitre le capital de sant6 qui est 
undes principaux aliments de la richesse publique et dela force 
d'un pays. » 

D' J. DUBUJSAY. 

Liste des Dispensaires d^apr^s les dates de fondation. 

1875 Dispensaire de M. Gibert, au Havre. 

1883 (1 •' avril) . Hue Jean-Lantier, 15, I" arroudissement de Paris. 
1883 (15 juillet). Rue de Crimee, 106. Society philanthropique, Xlll* arron- 

dissement. 
i88't — Madame Furtado-Heine, 8, rue Delbet, XI V« arrondisse- 

ment. 
1 887 — M. Ruel, 42, rue Sainte-Croix-de-la-Rretonnerie, IV"arron- 

dissement. 
1887 (t octobre). Rue des Pyrenees, 48. Soci6tephilanthropique,XX«arron- 

dissement. 

1887 — Hue Rodier, 32, CX« arrondissement. 

1888 — Rue Petrarque, 21, XVI* arroudissement. 
1888 — Rue des Cendriers, 45, XX" arrondissement. 

1888 — Rue Labat, t4. Society phiianthropique, XIX« arrondisse- 

ment. 

1889 — Rue de la Jussienne, 2, II" arrondissement. 

1881» — Rue Marie-Jego, 14. Societt'philanthropique,XUI« arron- 

dissement. 



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DISPENSAIRES GUATLITS POUR LES ENFANTS MALAUES. :r, 

1889 ;4 ociobre). Hue Oudiiiot, i, V1I« arrondissement. 

18*11 — Rue Antoine-Dubois, 4, Vl« arrondissement. 

I SIM — Rue Legendre, 132, XVIP arrondissement. 

fHiH — Rue Rennequin, 2t, XVI1« arrondissemenl. 

I8*.»l — Rue Pasteur, 7, XII« arrondissement. 

I8*J2 — Boulevard de Belleville, i24, XX* arrondissement. 

I8;»2 — Rue Saint-Bernard, 35, XIP arrondissement. 

I8U3 — Place du Danube, 2, XIX* arrondissement. 

i89:< — Rue du Terrage, 14, X* arrondissemenf. 

1893 — Rue de Charolais, 26, XII« arrondissement. 

189» — Boulevard d'ltalie, 69, XIII* arrondissement. 

iS*.K'9 — Rue du Cbemin-Vert, 70, XP arrondissemenl. 

189:; — Rue de la Convention, 48, XV* arrondissemeiit. 

1895 — Caisse des Ecoles du XVIIP arrondissement. 

189;* — Rue de I'Equerre, 6, XIX« arrondissement. 

1895 — Rue Pastourelle, 19, IIP arrondissement. 

XHspensaires sp^ciaux pour Enfants tnberculeuz. 

188* 1 4 octobre). Rue de la Tour-d'Auvergne, 17. OEuvre de Villepinte. 

I8t>0 — Rue (le la Bortit*, 31. UEuvre d*Ormesson. 



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L'ASSISTANCE JUDICIAIRE 



SON ORGANISATION *, SON FONCTIONNEMENT ; LE8 R^PORMES A APPORTER 
A LA LOI DU 22 JANVIER 1851 

Qu'on ne s*y trompe pas ! il ne s'agit pas d'assistance pu- 
blique, mais bien de V assistance judiciaire et, tandisque Tassis- 
iance publique donne des secours aux pauvres, ['assistance 
judiciairc, qui en est une des modalit^s, se contente de per- 
mettre aux indigents* i'acc^s des tribunaux. Gr&ce k elle, on 
pent plaider, sans en avoir les moyens ; il suf fit qu'une cause 
soit juste pour qu'on obtienne gratuitement le concours des 
avou^s, des huissiers, des avocats, en un mot de tons les gens 
de robe, de ces gens de robe si injustement d^cri^s, et pour- 
tant si d^vou^s k ceux qui souffrent ! Les magistrats eux aussi 
jugenty avec une impartiality parfaile ; et les causes de Tassis- 
tance judiciaire, m'a-t-on affirm^, jouissent maintenant d*un 
tour de faveur aux chambres civiles. 

L^s6 dans ses int^rfits, tromp^ dans ses afTections, victime 
d'un accident, le pauvre, tout comme le riche, voit ses droits 
reconnus en justice, ses infortunes cesser, son dommage ma- 
teriel r6par6. 11 lui suffit de prouver son indigence pour que la 
machine judiciaire se mette en mouvement, et qu'il assisle, 
sans bourse duller, presque sans d-marche de sa part, k la con- 
secration de son droit. 

J'entends bien que cette situation n*est pas nouvelle, la 
creation de Tassistance judiciaire remontant dejk k pas mal 
d'ann^es ; mais je ne crois pas que son fonctionnement en soit 
bien connu ; il me semble surtout que certaines ameliorations 
sont k y apporter. 



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L'ASSISTANCE JUDICIAIRE. 

N'est-ce pas suffisant pour en parler un peu ? 

Done, c'est la loi du SS Janvier 1851 qui r6g 
ment I'assistancc judiciaire ; cette loi a bien 6t6 q 
inodifi^e, mais pas dans son essence ; elle n'est pas 
plus tout d'une pi^ce, elle a remplac6 d'autres lo 
d6crets et Ton pourra consuller avec int^r^t, pour 
question une id6e complete, les « d^cret du 18 juin 18i 
loi, du 23 mai 1830, 7 aoftt 1850 ; d^crets du 16 ja 
2 mars 1859, 18 juin 1884 ; loi du 15 juillct 1893, a 

En province, le rouage est un peu moins compli 

Prenons Paris pour exemple. C'est, dans les locai 
de justice, un peu plus loin que la onzifemo Cham 
tionnelle, que se tient I'assistance judiciaire. Com 
s occupant sp^cialement de Tassistance : M® Despi 
secretaire Taidant de sa longue experience, M*' Pel 
figures connues au Palais, Tair terrible pour les p 
d'avou^s qui viennent demander des renseigne 
demeurant bons et paternels pour tous ces visiteurs, 
teurs, plus souvent mis^reux qui crient justice ; 
une quantity de scribes. Et, pour tous ces employ^ 
frais de bureaux, pour le chauffage, r^clairage, 
m6s, etc., etc., une somme de 31000 francs vot 
ans, par le conseil general de la Seine. En v6rite, ( 
ici qu'on pourrait parler de r^duire les credits ! 

Six sections s'occupent des demand es d'assistanc 
compos^es chacune de cinq membres, nomm^s Tui 
gistrement, Tautre par le tribunal, les autres par le 
Fordre des avocats, la prefecture de la Seine, la CI 
avoues. Les sections si^gent une fois par semaine 
r6le ; une fois Tan, elles se r6unissent en assembl 
membres des sections ne sont nommes que pour 
jours design^s Tannee suivante ; mais il faut proc 
installation, et tout le monde assiste h cette gra 
m^me M. le procureur de la R^publique et un de se 
Sait-on combien il y eut de demandes d'assis 
ciaire, en Tann^e 1896? 14151 I 6432 furent adi 
renvoy6es k une autre juridiction, au tribunal C( 



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38 REVUE PJIILANTIIIIOPIQLE. 

celui oil la demande aurait du, primitivemenl ^tre port^e; 
2 13t furent abandonn^es ou transig^es et H28 furent rejetdcs 
par les sections. 

Les 6432 demandes qui furent admiscs, furent distributes : 
54i8 au tribunal civil, 218 au tribunal de commerce, 766 
aux diff^renles justices de paix. Je laisse de c6t(^, dans cette 
statist ique, les demandes d'assistance form^es devant la 
Cour par ceux qui perdirent leur procfes en premiere instance 
ct qui, n'ayant pas les moyens d aller, h leurs frais, devant 
une plus haute juridiction, furent quand m6me admis au 
b^n^fice de la gratuity absolue de Tinstance k la Cour, je 
laisse aussi de cdt£, dans mon ^num(§ralion, les demandes 
d assistance judiciaire port6es devant la Cour de cassation, le 
Conseil d'etat, car il faut savoir se limiter. Je me contente de 
rappeler que devant toutes les juridictions — sauf un cas assez 
curieux sur lequelje reviendrai — on pent demander et obte- 
nir Tassistance judiciaire ; que, quand on Ta obtenue, et qu'on 
a gagn(5 son proems, que Tadversaire acham6 vous traine de 
cour en cour, elle vous suit et que,rayant, vous avez le b^nd- 
ficc de la gratuity, non seulement de Tavocat qui s'enorgueillit 
de d(5fendre pour rien la veuve et Torphelin, mais encore de 
layout et mftme de I'huissier. L'assist6 est dispense provisoire- 
ment du paiement des sommes dues au Tr^sor pour droits de 
timbre, d'enregistrement et de greffe, ainsi que de toute consi- 
gnation d'amende, et les actes de procedure faits k sa requ6te 
sont vis(^s pour timbre et enregistr^s en d^bet. 

J*ajoute que Tassistance judiciaire est seulement accord^e 
pour avoir un titre ; qu'elle n'est accord(^e que dans les aflfaires 
liligieuses; je tirerai, tout a Theure, des conclusions de cette 
double observation. 

Quelles sont les pidces que doit foumir celui qui soUicite 
Fassistance judiciaire ? 

La loi du 22 Janvier 1851 est formelle; c'est au procureur 
de la R^publique qu'on expose son cas; on lui adresse : 

1® Une demande sur papier libre, con tenant les noms, pr6- 
noms, profession et domicile du demandeur, et de celui ou de 



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L'ASSISTANCE JUDICIAIRE. 39 

ceux centre lesquels le fulur assists veut agir judiciairement, 
aiasi que I'^nonc^ succinct des fails du proems k engager^ 

2* l-n extrait du r6le de ses contributions ou un certificat du 
percepieur de son domicile constatant qu'on n'est pas impost. 

3® Une declaration attestant que le demandeur est, h raison 
de son indigence, dans Timpossibilit^ d'exercer ses droits en 
justice, et contenant T^num^ration d^taill^e dc ses moyens 
d'existence quels qu'ils soient. 

Le r^clamant affirme la siac^rit^ de sa declaration devant 
le maire de son domicile ; le maire lui en donne acte au has de 
sa declaration. 

Le procureur de la Republique adresse aussit6t la demande 
2i Tassistance judiciaire; un rapporteur est de suite commis; 
dans les trois jours, il convoque au Palais le demandeur, le 
questionne sur sa pretention, lui demande, ayant un pouvoir 
souverain, des explications detaillees sur son cas particulier ; 
puis, le rapporteur adresse une convocation au futur defen- 
deur; il tf^che de s'eclairerde sonmieux sur la difficulte pen- 
dante, il confronte les parties, les concilie si faire se pcul, et, 
quand il a tons les renseignements, il fait un rapport a la sec- 
tion, qui decide, dans la plenitude absolue de son droit, s'il y a 
lieu d'accorder ou de refuser Tassistance, sans expression de 
motifs, ni dans Tun, ni dans Tautre cas. C'est, au plus tard, 
dans le mois, que la decision est rendue, k moins que des ren- 
seignements ne soient demandes aux commissaires de police, 
ce qui augmente un pen le deiai. 

Les decisions du bureau ne sont susceptiblos d'aucun re- 
cours; neanmoins, le procureur general, apr^s avoir pris com- 
munication de la decision du bureau etabli prt>s d'un tribu- 
nal civil et des pieces 4 Tappui, pent, sans retard de Tinstruc- 
tion, ni du jugement, deferer cette decision au bureau etabli 
pris la ixyuT d'appel, pour 6tre reformee s'il y a lieu (art. 12 
de la loi du 22 Janvier 1851), 

L'assistance judiciaire est accordee : la procedure est faite. 

Si Tassiste gagne son proces et que Tadversaire soit con- 
damne aux depens, Tlitat, par les soins de Tadministration de 
renregistrement,recuperera cequ'il a avance; s'il restcquelque 



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4a REVUE PHILANTHROPIQUE. 

chose, les officiers minist^riels; avou^s ou huissiers, se le parta- 
gent; sinon, ils en sont pour leurtemps^Ieur derangement, leurs 
frais. Si le public savait cela, s'il connaissait le nombre consi- 
dc^rable de dossiers d'assistance judiciaire qui encombrent les 
etudes, il serait un peu moins porte k toujours critiquer les offi- 
ciers minist^riels, ii comparer les huissiers &des oiseaux de proie. 

Les huissiers, les avou^s sont mis k contribution par Tas- 
sistance judiciaire ; ils se font un scrupule de suivre avec soin 
les affaires de cette cat6gorie sp6ciale ; ils se montrent, en cette 
matifere, gens de cceur ; je suis heureux deToccasion qui m*est 
offerte, pour le dire bien haut. 

11 est II peine besoin d*ajouter — et ce sera mon dernier 
mot dans ces explications par trop techniques — que Tassis- 
tance judiciaire, une fois accord^e, peut 6tre retiree, si Tas- 
siste revient k meilleure fortune, ou s41 a surpris la decision 
du bureau par une declaration frauduleuse. En ce dernier cas, 
notre homme, qui n'est qu'un vulgaire escroc, est passible de 
peines correctionnelles;et c'est la juridiction repressive qui se 
chargera de lui apprendre qu'on n'essaye pas de voler, sans 
danger, le bien des indigents. J'ai deji vu plusieurs affaires de 
cette nature arriver jusqu'd Taudience publique, et je n'ai pas 
ete desderniers, dans la presse, k applaudir k la condamnation 
du coupable. 

Voilk done Torganisation et le fonctionnement de Tassis- 
tance judiciaire ; tout se passe fort bien & Paris, m6me en pro- 
vince; et, cependant, tout n'est pas parfait dans la loi du 
22 Janvier 1851. Des reformes sont a accomplir; elles sont ur- 
gentes; m'est avis qu'on sen est bien peu preoccup6 jusqu'Ji 
cette heure ; en tons cas, on n a rien fait aboutir. 

Et d'abord, Tassistance judiciaire n'a ete creee que pour 
conferer un titre k celui qui la demande; elle n'est jamais don- 
nee pour aller jusqu'li Texecution de la sentence. 

Expliquons-nous k ce sujet; c'est k mon sens le point le 
plus important; c'est celui qu'il faudrait modifier. 

Je suis creancier de X...; Tassistance judiciaire m'a ete ac- 
cordee; un jugement a ete prononce affirmant ma creance; 



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•>« nwr^v* 



L'ASSISTANCE JUDICIAIRE. 44 

mon d^biteur est solvable, des renseignements pr^is le disent. 
L'huissier de Tassistance se contentera de signifier le juge- 
menl, il n'ira pas plus loin ; il ne continuera pas sa procedure ; 
ilfera quelquefois le, commandement, il n'ira pas jusqu'au 
proems- verbal de saisie ; il n*ex^cutera pas mon d^biteur : il se 
bornera k lui rappeler sa dette ; il ne fera pas rentrer ma 
cr^ance. 

Je suis m^re de famille : je suis vieille, dans la misfere : j ai 
des enfants qui, sans 6tre fortunes, pourraient m'aider en me 
donnant, cbacun, quelques francs par mois, ils refusent de 
venir h mon secours; je les poursuis devant les tribunaux, 
ayant droit it une pension aHmentaire : Tassistance judiciaire 
m'a 6t6 accord^e et ]esjuges ont reconnu le bien fond^ de ma 
demande, ils ont eondamn^ mes fils. L'huissier se bornera k 
le leur dire, k leur signifier le jugement — pour faire courir 
les d^lais — mais il ne les ex^cutera pas, etmoi,malheuDeuse, 
je resterai dans le d^nilment le plus absolu parce que Tassis- 
tance judiciaire est cr66e pour faire obtenir un titre h celui 
qui le demande; elle n*a pas ^t^ invent6e pour permettre k 
celui qui n'a rien et k qui on doit de poursuivre le d6biteur 
jusqu'i ce qu'il ait pay6. A Tassistance judiciaire, on ne con- 
naitpas le proc^s-verbal de saisie, la signification de venle,les 
placards, les affiches, les insertions ; on ne sait rien de cette 
procedure efficace qui fait rentrer le plaideur dans son dA; on 
s'arr^le, k mon sens, au bon moment, car les actes d'ex^cution 
coAtent tr^s cher (chacun variant entre 10 et 13 francs), et, 
partant, Tassist^ n'a g6ndralement pas les moyens de sortir de 
sa poche les d^bours^s ndcessaires; or, sans ces actes d* execu- 
tion, on a des papiers dans sa serviette, on n'a pas un sou dans 
son porte-monnaie. 

L'assiste serait-il m^me reconnu, en justice, crdancier d'un 
individu, ayant des propri^t^s, des maisons, qu*il ne pourrait 
pas rentrer dans son bien ; la procedure de saisie immobili^re 
est la plus longue, la plus coflteuse, et Tassistance judiciaire 
n'est jamais accord6e k personne pour ex^cuter immobili^re- 
ment. 

D'aucuns, ne sachant pas, s'arr6tent Ik, attendant du temps, 



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42 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

de la fortune, des moments plus propices; d'autres, conseill^s 
pardes tiers habiles ou int€ress6s, s'en vont trouver Thomme 
d'affaires qui avancera des fonds et pr^l^vera sur la rentr^e de 
la cr^ance le plus clair des b6n6fices. N'est-ce pas un mal dans 
un pays de democratic, mal que les bons esprits devraient es- 
sayer d'enrayer? 

Les bureaux d'assistance judiciaire le comprennent si bien, 
que ne pouvant pas appliquer la loi qui choque souvent requite 
la plus el^mentaire, ils T^ludent. Dans certains cas, en mati^re 
d'opposition par exemple, de saisie-arr6t, Tassistance judiciaire 
est accord 6e pour, aprds Tobtention du jugement, arriver h une 
execution ; encore faut-il pour que cette faveur soit accord^e 
que celui contre qui {'opposition est mise, soit un employ6 de 
TEtat, d'une grande administration, ou d'un industriel connu 
Tayant depuis de longues ann^es h son service. 

Et, bizarrerie strange, quand leddbiteur entame contre son 
cr^ancierla procedure de la validit<^ de saisie-arrfit, Vassistance 
judiciaire est accord^e au cr^aneier primitivement assists ; on 
consid^re ladifficult^ pendante comme une instance nouvelle et, 
comme Taffaire revient devant les tribunaux,on donne au plai- 
deur malbeureux le nouveau concoursde Tassistance judiciaire. 

11 est a peine besoin d'ajouter qu'en mati^re de jugement 
par defaut, la peremption etant de six mois, Tassiste a le droit 
de faire ex^cuter la sentence qu'il a obtenue. Ce n'est pas pour 
qu'il entre dans ses fonds, qu'on accorde ce droit a I'assist^; 
c'est dans cette pens^e unique, que la loi sur Tassistance judi- 
ciaire veut que les officiers minist^riels eteignent la procedure 
pour faire courir les delais. L'assistd a droit k un titre s6rieux; 
on le lui donne complet. 

Pour ma part — et, si onconsultait les bureaux d'assistance 
j udiciaire, ils seraient k peu pr5s tous de monavis, — j'estime 
qu'il faut elargir, sur ce point, la loi du 22 Janvier 1851, et ne 
pas se contenter de donner un titre ex^cutoire h Tassiste ; il faut 
aller plus loin ot lui permettre, sans bourse d^lier, de rentrer 
dans son bien, de faire ex^cuter par Thuissier le jugement ou 
Tarrfet. Les frais nouveaux occasionn^s par cette procedure se- 
raient pay6s plus tard par le d^biteur rdealcitrant. 



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■ p**7^^h^v ''■ '■'^"^i"^ 



LASSISTANCE JUDICIAIRE. 43 

Je sais bien que des objections se pr^sentent k I'esprit 
d'hommes biea intentionn^s^ qui out 6tudi^ la question, et qui 
h^sitent devant ma proposition. Us disent: Mais souvent l*as- 
sistance judiciaire est obtenue par le demandeur et le d^fen- 
deur; comment voulez-vous qu'on execute quelqu'un qui n'a 
pas le sou? Ou encore : Le d^fendeur qu'oncroit recalcitrant est 
quelquefois un homme dans la g^ne ; si vous donnez k Fassist^ 
le secours de rhuissier, cet officier minist^riel ira souvent 
trop loin et ruii^era le d^biteur. Ma r^ponse sera simple. Je 
dis, d'abord, que si le d^biteur est insolvable, un proc^s-verbal 
de carence le constatera de suite et, \k ou il n'y a rien, le roi 
perd ses droits, selon le vieil adage ; Vassist^ devra se contenter 
de cette Iriste situation. Puis, ai-jc trop k m'apitoyer sur le 
sort de celui qui doit, ne suis-je pas dans Tobligation de 
donner, sans r6sei*ve, mon concours a celui qui a un titrc re- 
connu par justice? 

Entin, pour couper court k toutc difficult^, on pourrait 
completer ma proposition et dire : « Quand I'assistd aura son 
titre, il retournera devant les bureaux d'assistance pour ^tre 
soutenu dans la procedure d'ex^cution ; le bureau seul d^cidera 
si, oui ou non, il y a lieu d'accorder Tassistance judiciaire. » 
L assisti^ aurait droit, ainsi, et k son titre et aux moyens d'ar- 
river a ex6cuter son ddbiteur. 

Voila la premiere rc^forme que j'avais a signaler; elle est la 
plus importante : il y en a d'autres k accomplir. 

J'ai dit plus haut que Tassistance judiciaire n'6tait pas ac- 
cordie en mati^re correctionnelle; le l^gislateur, pour la re- 
fuser, est parti de cette id^e qu'en correctionnelle, il n'y a pas 
de frais. On a seulement bcsoin d'un avocat; or, Tavocat 
d'office est toujours k la disposition du pr6venu malheureux ; 
c'est un des litres de gloire du barreau frangais, de se tenir 
toujours a la disposition de Thomme qui n'a rien, quelque in- 
digne que soit sa situation. Le criminel le plus endurci, le 
traitre lui-mdme n'a qu'Ji s'adresser au b&tonnier etil revolt, 
quelques jours apr^s, la visite d'un d^fenseur, quelquefois 
jeune et obscur, d'autres fois parvenu k la c^ldbritd, toujours 



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44 REVLE PHILANTHROPIQUE. 

pr^t k d^fendre la liberty, I'honneur, les int6r6ts du detenu. 
Mais est-ce sufiisant, et le I^gislateur n'a-t-il pas 6i6, ici en- 
core, sinon induit en erreur, au moins victime de son ignorance 
des lois ant^rieures? En mati^re correctionnelle, il y a le de- 
tenu : c'est bien; mais il y a aussi la partie civile; la partie 
civile est tenue d'exposer des frais : que dis-je? m6me si elle 
triomphe, si elle gagne son proems, il lui faudra payer le Tr^sor, 
sauf lo recours qu'elle a centre la partie condamn^e; si la partie 
condamn^e est insolvable, c'est elle qui paiera tout de sa poche ; 
et, dans bien des cas, beaucoup n'en ayant pas les rooyens, ne 
risquent pas de se porter partie civile dans un d^bat correc- 
tionnel. Or, ici, il n'y a pas qu'une question d'int^rfets en jeu, 
il y a sou vent une question d'honneur k faire trancher par les 
tribunaux; pourquoi done le pauvre h^re ne pourrait-il pas, par 
Tassistance judiciaire, avoir acc^s k la barre correctionnelle, et 
avoir la possibility de faire ex^cuter les decisions rendues par 
la justice repressive? A-t-il ^t^ diHam^, injuria? comment 
voulez-vous qu*il assigne son adversaire, s*il n'a pas le premier 
sou pour payer les frais d'huissier? 

Est-il ouvrier, victime d'un accident; pourquoi ne pourrait- 
il pas, k la barre m6me, k Theure oil I'on juge Timprudent 
qui est cause de ses malheurs, se porter partie civile ? Et s*il 
est malade ce jour-la, s*il ne pent pas se transporter k Tau- 
dience, comment voulez-vous qu*il se fasse reprfeenter par 
des conclusions d'avou^ qui coiltent quelque chose, lui qui 
ne gagne rien dcpuis des mois et qui n*a souvent pas un 
sou vaillant k la maison, de quoi donner la nourriture k ses 
enfants? 

Que dis-je I le pr6venu a-t-il 6i6 condamn^ k des dommages- 
int^r^ts, k la restitution d'une somme qu'il avait audacieuse- 
ment d^rob^c, soit par escroquerie, soit par abus de confiance. 
Comment voulez-vous que la victime de ce m^fait l6vc le juge- 
ment, le signifie, si elle est ruin^e, et que I'Etat Toblige, pour 
arriver k ses fms, k avancer les frais du Tr^sor? 

Je pourrais multiplier les exemples, qui abondent k Tinfini ; 
je n'ai, je Tesp^re, quk montrer le mauvais c6te de la loi, k 
dire quelle en est la raison pour qu une rc^forme intervienne. II 



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L'ASSISTANCE JLDICIAIRE. 45 

est n^cessaire que Tassistance judiciaire soit accord6e aussibien 
en mati^re correctionnelle qu'en matifere civile. 

Je comprends que I'assistance judiciairenesoit pas accord^e 
pour aller au conseil de prefecture ou devant les prud'bommes, 
car, lit, il n'y a ni frais ni droits d'aucune sorte ; je ne com- 
prends pas pourquoi elle n'est pas accord^e en mati^re correc- 
tionnelle. 

Mais poussons plus avant la discussion de la loi du 22 Jan- 
vier 1851 et cherchoos encore les modifications qu'il convien- 
drait d*y apporter. 

L*assistance judiciaire n'est accord6eque lorsqu'onse trouve 
en presence d'un litige ; il faut un diflF^rend entre deux parti- 
culiers, ou une difficult^ sur une question que seule la justice 
peut trancher: telle, une question d'dtat, pour vous permettre 
d'avoir recours k Tassistance judiciaire, en tons cas pour que 
vous puissiez Tobtenir. 

Est-ce suffisant? Je ne le pense pas; notre Code fourmille 
en obligations sp^ciales qui devraient comporter la possibility 
d'avoir le benefice de Tassistance judiciaire, car elles sont quel- 
quefois trfes on^reuses, vous contraignant h passer par les etudes 
d'officiers minist^riels ou d'auxiliaires de justice et, dans ce cas, 
pourquoi ne pasFaccordcr ^celui qui la demande et qui joints 
sa requMe toutesles pieces justificatives? 

Les bureaux d'assisfance judiciaire Font si bien comprisque, 
par faveur sp^ciale, ils Taccordent, outrepassant un pen leurs 
droits, pour la reunion d*un conseil de famille, pour dresser un 
inventaire, pour renoncer Ji une succession, i une communaut6, 
etc., etc., niais ils la refusent quand il s'agit de frais d'actes no- 
taries ; vous allez voir par un exemple, que ce refus, motive par 
le texte mfime de la loi, ne peut pas raisonnablement se com- 
prendre. 

Vous voulez vous marier; vos parents refusent de donner 
leur consentement k la celebration de votre union : pour arriver 
k prononcer le oui sacramentel devant M. le maire, il vous 
faudra faire k votre p^re, k votre mere, des sommations dites 
respectueuses. Or, ces sommations doivent passer par I'etude 
du notaire, non par celle de I'avoue ou de Thuissier. Sait-on 



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J6 REVLE PHILAXTHROPIQUE. 

combien dies coutent? Depuis la loi de 1896, il n y a plus qu'une 
sommation respectueuse ; elle cotkte k peu prts SO francs. On a 
beau s'aimer : ou diable voulez-vous que des ouvri^res qui 
ont du mat 4 avoir des meubles puissent prendre une pareille 
somme? Demandez alors Tassistance judiciaire; elle vous sera 
rei'us6c; on vous rtjpondra qu'il ne s'agit pas ici d'un litige, au 
sens juridHiiie du mot, el vous serez, tr^s poliment, pri6 de 
passer ailleurs. 

Et parce que Tassislance judiciaire ne leur a pas 6t6 accor- 
d6e, je sais des malbeureux qui se sont mis en manage libre, 
augmentant ainsi le nombre d^jk si grand des enfants naturels. 
J'aurais, certes, tort de pousser les cboses trop loin; mais 
ne pourrait-on pas songer un peu k cette situation sp^iale, 
alors qu'on forge tons les jours des lois pour faciliter les ma- 
riages r^guliers et que tant de statistjciens se lamentent dc la 
diminution sensible des enfants legitimes. On me dira que 
c'est une petite cause qui entraine de bien grands effets; pos- 
sible! mais aussi pourquoi ne pas la faire disparaitre? 

Voil^, sur les principes mdmes de la loi, les critiques que 
j'avais k apporter, les objections que j'avais k formuler, les 
r^formes quej'avaisk proposer. 

11 y en a d'autres; elles touchent des points de detail fort 
int^ressants ; qu'on me permelte de les signaler. 

I/art. 8 de la loi du 22 Janvier 1831 porte : « Toute personne 
qui reclame Tassistance judiciaire adresse sa demande sur pa- 
pier libre au procureur de la rc^publique du tribunal de son 
domicile. » 

Qu'entend-on ici par domicile? C'est k ce propos que les 
difficult^s commencent. Kn droit civil fran(;ais,le domicile est le 
si^ge l^gal d'une personne ; c*est son si^ge juridique et, partant, 
fort sou vent fictif. L art. 102 voulant en donner une definition 
precise dit : « Le domicile de tout Frangais, quant a Texercice 
de ses droits civils, est au lieu ou il a son principal ^tablisse-* 
ment. » Quant a la femme marine, de par Tarticle 108, alin^a 1, 
elle n'a point d'autre domicile que le domicile de son mari. 

Comment s'opfere le changementde domicile? I/article 103 
nous r^pond en ces termes : « par le faitd'une habitation rdelle 



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LASSISTANCE JUDIGIAIRE, M 

dans un autre lieu, joint a rintention d'y fixer son principal 
^tablissement. » Et la jurisprudence decide que cette intention 
r^ulte d'une double declaration faite k la mairie du lieu qu'on 
quitte, h la mairie du lieu dans lequel on d6sire venir sMnstal- 
ler, suivie du transfertde Thabitation (Cassation, 23 mars 1875). 

Donc,vous 6tes domicilii en Corse; puis, le pays ne vous plai- 
sant plus, vous venez habiter Paris. Vous ne faites pas la double 
declaration en quittant Ajaccio ou vous aviez votre principal 
etablissement et en venant k Paris ou vous ddsirez vous in- 
staller. 

Enarrivant dans la capitate, vousMes victime d*un accident; 
vous n'fetes pas riche ; vous demandez, pour avoir des dommages- 
int^rMs, le benefice de I'assistance judiciaire. A quel procureur 
allez-vous envoyer vos pieces? Au procureur de Paris ou au 
procureur d'Ajaccio? Votre domicile est toujours a Ajaccio, car, 
pour son changement Ugal, vous ne vous 6tes pas conform^ 
aux prescriptions de Tarticle 103. 

C'est done k Ajaccio qn'il faut vous adresser. Mais, parmi 
les pieces h joindre h la demande, il faut que le r6clamant 
affirme la sinc6rit6 de sa declaration devant le maire de son 
domicile; il lui sera done n^cessairede retourner k Ajaccio pour 
remplir cette formality, sinon Tassistance judiciaire lui sera 
impitoyablement refus^e. 

Notez qu'i Paris les membres du bureau d 'assistance ne 
sent pas tr^s formalistes; ils dvitent, autant que fairc se pent, 
de froisser T^quite et ils ferment souvent les yeux sur les 
exigences Idgales, quand elles aboutissent a Tinjustice; on veut 
qu'on ne dise plus : Summum jusy sitmma injuria; mais, en 
province, on est plus sdv^re; et je sais des bureaux d'assis- 
iance judiciaire, notamment au centre de la France ou « le do- 
micile » est « le domicile » pour le futur assists et ou des 
difticultes sans fin sont cr66es au malheureux qui ne remplit 
pas a la lettre les prescriptions de la loi de 1851. 

Or, ces difficultes arrivent dans des cas nombreux; on pent 
se les imaginer ais^ment; il m'u suffi d'en signaler une pour 
qu'il me soit permis de ne pas insister davantage. Comment 
alors sortir de cet imbroglio? 



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48 llEVUE PUILANTHROPIQUE. 

G'est bien simple; en remplaQant dans le texte de loi le mot 
domicile par le mot residence. 

La r6sidence, lout le monde est d'accord sur ce point, est 
le si^ge r^el, le si^ge de fait de la personne. EUe est au lieu de 
rhabitation [ordinaire de la personne, par consequent, soit au 
domicile, soit ailleurs. 

Et partout, tout se passera, sans discussion, le mieuxdu 
monde avec cette petite modification. 

Vous voulez faire une demande d'assistance; adressez-vous 
au procureur du lieu dans lequel vous vous trouvez; de m6me 
pour la declaration k la mairie, de m6me pour le ceriificat du 
percepteur etablissant que vous n'^tes pas impost. 

Mais, me dira-t-on, vous allez cr^er des abus sans fin. Des 
individus qu'on ne connaitra pas, riches peut-^trc, souvent 
pen interessants, obtiendront ainsi Tassistance judiciaire. 

Je ne crois pas que ce soit \k une objection sdrieuse. Vous 
pourrez d'abord, avant de vous decider, vous bureau d'assis- 
tance, faire prendre des renseignements par le commissaire de 
police du quartjer qu'habite Timp^trant; vous pourrez aussi 
ordopner une petite enqu^te aupr^s des voisins, des camarades 
de travail de Tindividu. 

Vous pourrez enfin... 6tre induit en erreur; mais je pr6fferc 
cela h la situation que vous cr^ez aujourd'hui Ji celui qui ne 
pent pas, h cause d'arguties juridiques, obtenir I'assistance 
judiciaire et qui cependant m^riterait de Tavoir. 

Et puis, quandon vous a tromp^, on est passible du tribunal 
correctionnel. C'est une ^p^e de Damocles suspendue sur la 
t6te du futur assists ; perspective suffisante pour Tcmpfecher de 
mentir... Ji moins qu'il ne soit par trop gredin; en ce dernier 
cas, il vous tromperait tout de m^me. 



Qa n'est pas tout. 

L'article 12 de la loi de 1851 contient, k mon avis, deux id^es 
d'un ordre diif^rent, qui choquent un pen Tdquite et que je 
desirerais voir completer. 

La premifere, c'est que le procureur g^ndral a seul le droit 



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L'ASSISTAKCE JUDltlAIRE. 49 

de faire appel de la decision du bureau d'assistance, qu'ellc 
soil favorable ou d^favorable h celui qui la demande. 

En pratique, leprocureur gdn^ral ne fait appel que lorsque 
la demande d'assistance est refus^e h quelqu'un dont le cas est 
int^ressant. Je voudrais, moi, que cet appel puisse 6tre interjet^ 
par le demandeur et aussi par le d6fendeur. 

Les proems entam^s avec le b^n^fice de Tassistance judiciair^ 
sontquelquefois perdus en justice ;<3elatient^ ce qu'on se montre 
loujours tr^s large pour Taccorder; or cela n'arriverait pas, ou 
cela arriverait moins si le d^fendeur h Tassistance qui n'a pas 
pu convaincre le rapporteur, ou qui n*a pas pu se presenter aux 
convocations revues, pouvait faire appel de la decision, discuter 
k nouveau son cas devant un autre rapporteur, lui apporter 
des pieces nouvelles, se faire entendre de lui. 

De cette fagon on ^viterait h un d^fendeur des frais judi- 
ciaires toujourstrfes coAteux, mdme quandongagne son proems; 
on 6viterait k T^tat des pertes d'argent inutiles ; on ^viterait 
h des Iribunaux charges les pertes de temps qu'exige Texamen 
de ces proems d'assistance qu'on n'aurait pas dH entamer. 

L'article 12 decide aussi que les decisions du bureau ne 

peuvent Mre communiqu^es qu'au procureur de laR^publique, 

jila personne qui a demands Tassistance et k ses conseils. 

Pourquoi les decisions seulement, et pas toutes les pi&ces? 

Pourquoi cette faveur accord^e au demandeur, jamais. au 

d^fendeur? 

Le droit devrait 6tre le mfime pour tons les deux ; j'avoue 
ne pas comprendre la raison de cette difference qui pent 
amener des conflits sou vent fort regrettables; je demande qu'on 
la fasse disparaitre. 

Je voudrais aussi que Fadministration de Tenregistrement 
flit tenue de signifier les jugements par d^faut, d'aller toujours 
jusqu'^ Tex^cution, dans certaines affaires qui concement 
r^tat et la capacity des personnes, bien qu'il n'y ait dans la sen- 
tence aucune condamnation p^cuniaire. Prenons, par excmple, 
un divorce. Un assists obtient le divorce k son profit, le ji|ge- 
ment estprononc^; il est par d6faut,la partie adverse ne s'^tant 
pas pr^ent^e ; Tenregistrement ne veille pas k Tex^cution du 

HKVUB PHILAIfTHROPIQUE. -^ II. 4 



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50 HEVL'E PHILANTHROPIQUE. 

jugementy n'y ayant auc^n int6r^t, puisque aucune coiidamna- 
tion p^cuniaire n*est prononc^e centre le d^fendeur. 

Certains d^lais passent, le jugement est p^rim^ ; Tindividu 
qui croyait 6tre divorce ne Test plus; ilfaut tout recommencer. 
U y a 1& une source de responsabilit^s pour les avou^s; il pour- 
rait y avoir des consequences graves pour ce divorc6 d*un genre 
tout nouveau qui pourrait commettre de bonne foi pourtant des 
delits ou mdme des crimes : des adult^res, des entretiens de 
concubine au domicile conjugal, ou m^me le crime de bigamie. 
Ne devrait-on pas porter remade ft un pareil 6tat de choses? 

Mais si j'abordais T^tude d^taill^e de la loi sur le divorce 
a mettre en harmonic avec les principes de la loi sur ['as- 
sistance judiciaire, je ne sais plus ou cela pourrait me con- 
duire. Qa n'est plus la loi de 1851 qu*il faudrait modifier; ce 
sont les articles 229 et suivants du code civil, dont il faudrait, 
au moins en certaines parties, demander Tabrogation. 

Jed^sirais aussi parlerde la creation d'une caisse sp^ciale 
pour faire des avances aux malheureux qui ont en mains un 
titre de cr^ance qu'ils ne peuvent pas ex^uter, le jugement 
n'6tant pas ex^cutoire et Tadversaire les tralnant devant tons 
les degr^s de juridiction : tribunal civil, Cour d'appel. Gourde 
cassation; c*est Ik un sujet des plus int^ressants, digne d'appe- 
ler, de retenir Tattention de tons ceux que passionnent ces 
questions d'assistance. 

Je pr^f^re, dans cet article, me borner k t'examen de la loi 
du 22 Janvier 1851. 



Avant de terminer, je veux dire un mot des projets de loi 
pr^sent^s aux Chambres sur Tassistance judiciaire, comme aussi 
parler un peu de ce qui se passe k T^tranger. 

II y a longtemps d6jk que les r^formes de Tassistance judi- 
ciaire ont ^t^ mises sur le tapis ; plus on va et plus il semble 
qu'on se d^sint^resse de la question, alors qu*il faudrait plus 
que jamais s'en pr^occuper. Le 24 mai 1878, Jules Favre,frappe 
des difficult^s particuliferes qu'un mineur poiivait rencontrer 
sur sa route au cas ou sa fortune serait ob^r^e, ck*itiquale sys- 



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L'ASSISTANGE JUDICIAIIIE. M 

l^me de protection ^tabli par notre code ; il d^clara qu'il 6tait 

inapplicable aux indigents. De suite le grand orateur d^posa sur 

le bureau du S^nat un projet de loi concernant Tassistanoe ju- 

diciaire.Il voulait qu'on accordftt I'assistance en toutes mati^res 

ei que ses effets fussent 6tendus k Tex^cution des jugements. 

Les id^s ^mises par Jules Favre ^taient excellentes ; on n'en 

comprit pas la grande port6e politique et sociale ; le projet de 

loi erra de commissions en commissions et Jules Favre mourut 

sans rien avoir fait aboutir. 

Plus tard, le 27 mai 1882, MM. EmileBrousse, Louis Blanc, 
suivisde quelques autres collfegues,proposferent une r^forme 
g^n^rale de Tassistance judiciaire. La composition des bureaux 
devait changer d'apr^s eux ; les membres, en grande partie du 
moins, seraient nomm^s par le peuple; des ddlais ^taient im- 
partis pour statuer plus vite sur les demandes; les ouvriers 
victimes d'un accident auraient droit, ipso facto ^ au b^n6fice 
de Tassistance judiciaire. 

En juin [de la mdme ann6e, MM. Million, Antonin Dubost, 
Louis Perra8,etc.,etc.,se pr^occup§rent de cette situation. lis 
avaient surtout en vue Tassistance judiciaire devant Ja justice 
de paix; illeur semblaitquUl 6tait vraiment [on^reux pour Tin- 
digent de porter sa demande au procureur de [la R^publique du 
tribunal de I'arrondissement, de remplir certaines formalit^s par 
trop complexes ; aussi, pour les affaires de la competence des tri- 
bunaux de paix, les auteurs du projet eurent-ils Theureuse inspi- 
ration de cr6er le bureau d'assistance cantonal et, naturellement, 
en ce cas, Tassistance devait s'^tendre aux voies d'exdcution. 

Enfin, en 1891, M. Chollet, que les r6formes judiciaires in- 
t^ressent, voulut, lui aussi, faire aboutir un projet de loi sur 
Tassistance. Frapp6 des lenteurs mises par les bureaux pour 
r^pondre aux diff^rentes demandes qui leur sont adress^es, 
M. Chollet voulut leur impartir un d61ai, sous la surveillance 
du procureur de la R^publique et, pour que les proems de cette 
nature fussent jug^s avec c^l^rit^, il demanda, dans chaque 
tribunal, la creation d'une audience suppl^mentaire pour toutes 
les affaires relatives li des indigents. 

Yuins Merits, peines inutiles I Tons ces projets so sont tratnds 



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L 12 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

I 

de commission en commission sans aboutir et les legislatures 
I ont suivi les legislatures sans qu^aucun d'entre euxaitvu le 

jour de la discussion pubUque. Or^ pendant que chez nous, en 
France, on ne faisait rien sur un sujet pourtantsi int^ressant, 
a Tdtranger, on proiitait de nos travaux et on amdliorait Tassis- 
tance judiciaire. 

En Italic, — ddcret royal du 6 ddcembre 186S, article 3, — 
Tassistance judiciaire est etendue aux actes d'exdcution; on 
pent Tobtenir en mati(*re contentieusc et en mati^re gracieuse, 
c*est-k-dire, sans proems. 

En AUemagne, — ddcret du 6 ddcembre 1865,— la situation 
est la m6me. 

En Belgique, — loi du 27 juin 1881, — lassistance judi- 
ciaire est accord6e on mati^re correctionnelle et en mati^re cri- 
minelle; certes, comme chez nous, la defense des accuses est 
assuree devant toutes les juridictions ; mais aussi, Tindigeht 
pent se porter partie civile et, tons les actes 2l ce relatif sont 
vis6s pour timbre et enregistrds en debet. 

On ne comprend pas que de pareiUes reformes n*aient pas 
ete inserees dans les lois d'un pays essentiellement democra- 
tique comme la France! 

Pour finir, un mot encore sur nos relations, k propos de 
Tassistance judiciaire, avec les nations etrang^res. 

Nous avons des traites diplomatiques avec les puissances 
de TEurope et de TAmerique, qui permettent aux etrangers de 
«lemander et d'obtenirTassistance judiciaire en France; k titre 
de reciprocite, les Frangais qui habitent ces differents pays, 
obtiennent lk-bas,quand ils ne sontpas riches et qu'ils veulent 
plaider, le benefice de Tassistance judiciaire. 

Sait-on, cependant le pays avec lequel nous n'avons aucun 
traite?... Je le donne en cent I... La Russie ! Un Russe etabli en 
France ne peut pas obtenir, chez nous, Tassistauce judiciaire 
et, r6ciproquement, un FranQais etabli en Russie ne peut pas 
Tobtenir davantage. 

N'est-ce pas bizarre et notre Ministre des Affaires etrangeres 
ne pourrait-il pas d'urgence faire cesser une pareille anomalie, 
alors que nos relations avec la Russie deviennent, tons les 



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L'ASSISTANCE JUDIGIAIRE. 53 

jours, plus fr6quentes? La question vaut la peine qu'on la re- 
solve et qu'on se presse. 

Et maintenant, il faut conclure. 

En principe — je n*ai pas h le dissimuler — la loi est fort 
bonne : dans la pratique, elle a donn6 lieu h des difficult^s 
nombreuses, il ne faut pas qu'elles se renouvellent. Qu'on ouvre 
aux indigents la porte toute grande de I'assistance judiciaire ; 
qu'on ne retienne pas d'une main ce que de Tautre on a lair 
de leur oclroycr g^n^reusement. 

La loi a 6t6 cr6de pour donner un titre au plaideur malheu- 
reux ; pour qu'elle soit complete, qu'on foumisse k celui qu'on 
veut obliger, le moyen de se faire [payer; que I'assistance 
judiciaire lui permette d'ex^cuter son adversaire ; le titre c'est 
bien, Tex^cution ce sera mieux. 

L'assistance judiciaire est accord^e devant certaines juri- 
dictions, pas devant d'autres, telle la police correctionnelle.Que 
Tasistance judiciaire soit accord^e pour plaider devant toutes 
les juridictions. 

Qu'on en fasse aussi b^n^ficier les malheureux toutes les 
fois qu'une loi leur impose I'obligation de faire un acte extra- 
judiciaire qu'ils n'auraient pas les moyens de payer : je gage 
que les notaires vis^s par cette r^forme consent! raient de tr^s 
bonne grice k s'y soumettre. 

Qu'on examine enfin ces questions du domicile, de la com* 
munication des pieces au demandeur, de I'ex^cution de toutes 
les decisions rendues au profit d'un assists ; qu'on revise nos 
trait^s avec les puissances ^trang^res; je ne dis pas que de cette 
fagon on aura une loi parfaite, mais j'affirme qu'on aura fait en 
justice des r^formes int^ressantes en faveur des malheureux. 
Ne sera-ce pas de la bonne besogne? 

M«B. MONTEUX, 

Avocat k la Cour d'appel, 
R^dactcur en chef do la revue: Us Prods CiUbres. 



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PLAIDOYER 

EN FAVEUR DES ENFANTS fiTOURDIS ET PARESSEUX 



C'cst une v6rit6 parfaitement 6tablie k I'heure actuelle qu'il 
existe une « mddecine de Tesprit ». On commenced Tappliquer 
aux cas menagants, ne serait-il pas temps de Tappliquer aux cas 
plus b^nins? En thf^rapeutique^ on ne s'occupe pas seulemenl 
du typhus et du cholera, on s'occupe aussi de la rougeole. Je 
demande done que Ton cesse de trailer, par la consigne, les 
enfants ^tourdis et les paresseux. 

lis sont l6gion ; et, jusqu'ici, on les a trainds aux g^monies, 
comme s'ils 6taientde grands coupables. 

Pour les autorit6s compdtentes, un ^colier paresseux est un 
enfant qui ne veut rien faire. Pardon, fetes-vous sAr qu*il pent? 

L'enfant n'est pas plus responsable de ses aptitudes intel- 
lectuelles, que de sa constitution physique. Lui ferez-vous un 
crime de ce qu'il sera lymphatique ou nerveux?... Lui repro- 
cherez-vous la couleur de ses cheveux, ou la nature de sa peau?. . . 
Non, n'est-ce pas? Vous t^cherez d'amender en lui ce qu*il y a 
d'amendable; mais ce sera par un regime patiemment suivi, et 
non par des punitions. 

C'est ainsi que Von devrait agir pour la paresse et T^tour- 
derie qui, k la v6rit6, sont moins des d^fauts qu une disposition 
particuli^re de Tesprit. 

Tous les enfants n'aiment pas I'dtude, et on Tim'pose k tons 
les enfants. G'est une n^cessit^, soit! mais il ne faut pas s*in- 
digner s'ils ne t^moignent pas d'un empressement exag^r^, a 
Faccomplissement d'une besogne pour laquelle ils n*ont aucun 
gout. 



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PLAIDOYER EN FAVELIl l)ES ENFANTS feTOURDIS. 55 

Les maitres, eux, ont librcment choisi la profession — trfes 
aride il est vrai — qu'ils exercent. Rien d'^tonnant k ce qu'ils 
y apportent tout leur cceur. Seulement, ils seraient peut-6tre 
moins z^l^s, si on les contraignait k cultiver la terre, k faire du 
commerce, ou h pratiquer un m6lier quelconque. 

II en va de mdme pour les enfants ditsparesseux, Beaucoup 
de ceux qui b&illent en classe, se montrent actifs et pleins de 
bonne volont^, d^s qu'ils sont hors du lyc6e ou de T^cole. Com- 
bien de z^l^s travailleurs, d'excoUentes m^nag^res ont 6t6 de 
m^diocres ^coliers? Combien d'hommes remarquables ont, 
jadis, 6i6 classes parmi les cancres? 

A cotd des paresseux « de carrifere », il y a les paresseux 
intermittents^ auxquels on tient ce raisonnement : « Ce que 
vous faites parfois, vous pouvez le faire toujours. » 

Mais non, mais non ! Savez-vous si la mollesse momentan6e 
de Tenfanl n'a pas pour cause une pouss^e de croissance, une 
maladie k T^tat larv^, une indisposition dont lui-m6me ne se 
rend pas compte, et qui lui 6te toute Anergic ? 

II y a encore des paresseux qui sont rebelles au travail, uni- 
quement parce que le travail leur est pr6sent6 d*une manifere 
qui ne convient pas k leurs aptitudes. Pour des capacit^s, des 
goikts, des caract^res varies k Tinfini, il y a un programme, un 
seul. Allez!... tons les cerveaux dans le m6me moule... comme 
des briques ! 

L'^minent docteur Th..., dont Tautorit^, en ces sortes de 
choses, est incontestable, me disait, il y a quelque temps : 
« Certains enfants ne retiennent que ce qu'ils lisent, d'autres 
que ce qu*ils entendent. » De sorte qu'un 6colier p&lira sur une 
leqcn, sans en rien saisir; qu'un autre ^coutera attentivement 
la classe et sera incapable d'en rdp6ter un mot, et que tons les 
deux seront punis sansTavoir m^ritd. 

Enfin, j'admets que les enfants en question soient de v^ri- 
tables paresseux, des paresseux sans la moindre excuse; eh 
bien, c'est une cure k tenter, voili tout. Mais croit-on les cor- 
riger en faisant pleuvoir sur eux des punitionsetdes consignes? 
Car la consigne a ceci d'absurde qu elle n'est pas employee 
a r^parer les devoirs et les IcQons manqu^s. L'6l6ve — d'aprfes 



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56 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

le bulletin — doit y accomplir « une t&che correspondant a 
2 heures, 4 heures, etc., de consigne ». Le travail k refaire est en 
surplus; et, s'il n'est paspr^sent^ k Theure, de nouveaux chft- 
timents sont k I'afTilty pr6ts k fondre sur le d^Iinquant. Si bien 
que certains enfants arrivent k doubler, a tripler, une tftche 
d^j& plus que suffisante. 

Or, accabler de travail suppl6mentaire un ^colier qui n'aime 
d^jft pas r^tude, me semble tout aussi logique que de traiter le 
manque d'app^tit par des indigestions. 

L'Angleterre nous est absolument sup^rieure, sinon dans la 
composition, du moins dans Tapplication des programmes sco- 
laires. La consigne y est inconnue « Pour les mauvais devoirs 
ou les lemons non sues, ils sont k refaire ou k rapprendre, mais 
Tenfant n*est point enferm^ k Fheure des jeux ; il n'est astreint 
qu'4 trouver le temps de r^parer celui qu'il a perdu. Priver 
Tenfant du pen d'air qu'il pent respirer dans la journde, parce 
qu*on n'a pas su Cint^esser a son travail, ou qu'il Ta fait sans 
goAt, ou parce qu*il n'a pas pu rester immobile pendant trois 
heures d'dtude, n*est-ce pas faire aveu d'impuissance, et con- 
damner tout un syst^me ? La retenue est, et restera la honte 
des ^ducateurs frangais, qui Tout invent^e et se croient obliges 
de la maintenir (1). » 

En Angleterre aussi, dans ce pays ou Finitiative et la res- 
ponsabilit^ individuelles sont si bien respect^es, on demande 
compte — au professeur, jusqu'd, un certain point — de Fatten- 
tion de ses dlfeves. w Faites un cours int^ressant, leur dit-on, et 
les enfants vous ^couteront. » 

C'est Tapplication de cette id6e si juste et si charmante de 
notre Montaigne : « Je voudraisque Tinstruction filt,pour Ten- 
fant, plaisir de roi el non besogne d'^colicr. » 

Si les programmes scolaires ^taient moins charges, moins 
indigestes, mieux appropri^s aux forces de Tenfant, si Teffort 
qu'on exige de lui dtait moins pr6matur6, il est Evident que le 
nombre des paresseux diminuerait sensiblement. 

Passons aux ^tourdis, maintenant. Au dire des s^v^res p^da- 

(1) Vl^ducation des classes moyennes et des classes dingeanles en Anglelen^, 
pftT Max Leclerc. 



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PLAIDOYER EN FAVEUR DES ENFANTS feTOUR 

gogueSy les ^tourdis sent « des dires qui ne pensei 
sinon it jouer ». 

D'abordy c'est de leur Age; et il n*y a pas lieu d'feti 
que des enfants de 8, 10, IS ans et m^me de plus vieusi 
k jouer. 

Ensuite, Mes-vous surs que lesdits enfants ne \ 
rien? Qu'ils ne pensent pas k la le^on qui les ennuie, 
sible. Mais beaucoup de pr^tendus ^tourdis ne sont qu 
traits, des enfants dont les id6es personnelles s'impos< 
rieusement et ne souflFrent aucun partage. Arrives 
pleins de bonnes resolutions, un mot, un Episode qu 
du cours fait d6vier leur attention, et les voilA lanc^i 
piste autre que celle qu'ils auraient d6 suivre. 

Si on les interrogeait, au lieu de les ahurir par la 
. on serait parfois surpris des id^es que remuent ces jei 
veaux. 

Ceux-14 non plus ne seront pas corrigds par la com 
contraire, la peur des punitions les affolera et lour fe 
ce qui leur reste de sang-froid. 

De tout ceci, r6sulte-t-il qu'on doive laisser lei 

grandir avec leur paresse et leur ^tourderie? Non, cent 

II faut, au contraire, mettre tout en oeuvre pour les { 

d^fauts qui leur feraient grand tort, plus tard dans la 

c'est par un regime tr^s patient et tr^s suivi, etnon par 

de rigueur qui ressemblent presque k de la vengeance 

Je ne fais pas le proems de notre corps enseignan 

n^ral, il est admirable; mais le syst^me d'une grande 

d'enfants, sous une m6me direction et avec un m( 

gramme, ne vaul rien. On ne peut nier non plus qi 

maltres ont beaucoup de savoir, ils n'ont, en revanch< 

connaissance tr^s superiicielle de Ykme et des faculty 

fant. Or faire de Torthop^die morale dans de pareill 

tions, c'est agir comme les rcbouteux qui se m6lent de 

les membres, sans connaitre un mot d'anatomie, et qui 

plus souventqu'ils negudrissent. 

JEANNE LER( 



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CUISINES POPULAIRES 



ET 



RESTAURANTS COOPERATIFS 



Chai^6, Tann^e derni^re, par le Ministere du Commerce* 
d'6tudier TiJtat des questions ouvri^res en Suisse, j'ai 6\6 frappd 
des heureux r^sultats — k iafois moraux.et mat^riels — obtenus 
par les cuisines populaires de plusieurs villes industrielles et 
on particulier par celles de Genfeve et de la Chaux-de-Fonds. 

J'ai voulu rechercher si une institution qui avait — k tous 
les points de vue — si bien rdussi dans un pays voisin du n6tre, 
de m^me langue, de constitution analogue et de moeurs assez 
semblables, ne pourrait pas, a Paris — aprfes avoir ^t6 plus ou 
moins modifi^e suivant les besoins et les circonstances — 6tre 
^galement utile et bienfaisante (1). 

Dans ce but, j'ai ^tudi6 Torganisation et le fonctionnement 
des cuisines populaires et des associations alimentaires k T^tran- 
ger et en France et, apr^s avoir recherche les causes de la deca- 
dence des unes et de la r^ussite des autres, je suis arrive ft la 
conviction que des ^tablissements de ce genre pourraient ren- 
dre de rdels services k la population parisienne, que leur fon- 
dation ne pr^senterait pas de difficult6s insurmontablcs et 
qu'avec une bonne administration et de legferes avances de 
fonds, ils offriraient de tr^s grandes chances de succ^s. 

(1) II y a (Tailleurs en Fram*e des ^tablissements de re f^enrc ou tout au inoins 
d'un genre peu different; les uns n'ont pas rencontre le succ6s; les autres, au 
contraire, comme ceux de Lyon et de Grenoble, sont en pleine prosp6rit6. 



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CUISINES POPULAIRES. 59 

C'cst pourquol j'ai cru int^ressant de faire connaitre aux 
lecteurs de la Revue Philanthropique, — c'est-4-dire aux hommes 
et aux femmes de cceur qui cherchent partout h faire du bien, 
— roi^nisation de quelques-uns de ces ^tablissements, en 
uiilisant les observations que j'ai &i6 k m6me de faire et les 
renseignements qui m'ont 6t6 fournis par les diverses soci6tds 
et associations. 

Mon but et mon espoir seraient de savoir ceux qui auront 
bien voulu lire les lignes qui vont suivre, convaincus comme 
moi de Tutilit^ de Torganisaiion de semblables cuisines ou 
restaurants populaires h Paris et de la presque certitude en 
mdme temps de les voir r^ussir. 

Voici, en pen de mots, Tobjet et le principe de ces dtablisse- 
ments : 

Leur objet est : 

4* De lutter contre Talcoolisme; * 

2* De procurer aux ouvriers, aux employes et a tons ceux 
dont les ressources sont limit^es, une nourriture saine, sub- 
stantielle et k bon march^. 

Le principe sur lequel ils sont bas^s est qu'ils doivent se 
suffire k eux-m^mes, c'est-2i-dire qu'une fois organises avec le 
concours des pouvoirs publics ou de Tinitiative priv6e, ils doi- 
vent n'avoir besoin d'aucune subvention, d'aucun don pour 
fonctionner, rendre des services et pour prosp^rer. 

La somme n^cessaire pour les ^tablir est d'ailleurs peu im- 
portante : dix k vingt mille francs sont suffisants et dans la 
plupart des cuisines que j'ai visit^es, les fonds n'ont pas 6t6 
donnas, mais seulement avanc^s et int6gralement remboursds. 

I. — LES CLISINES POPULAIRES DE GENfiVE 
1** LES DEBUTS 

Le projet de fonder k Geneve des cuisines populaires est du 
a I'initiative de M. Wintsch qui avait longtemps habitfi la Chaux- 
de-Fonds oii, comme nous le verrons plus loin, un ^tablisse- 
ment de cette esp^ce existait depuis plusieurs ann^es et fonc- 



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60 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

tionnait a la satisfaction de toute la population. M. Wintsch 
fit la plus grande propaganda pour faire connaitre Tinstitution 
qu'il avait su appr^cier et pour engager ses concitoyens k en 
cr^er une analogue dans leur ville : il dcrivit des articles dans 
les journaux et dans des revues et fit de nombreuses confe- 
rences, aide d'ailleurs parquelques amis qui, par leur savoir et 
leur devouement, facilitftrent beaucoup Taccomplissement dela 
t&che qu'il s*etait assignee. 

Pour mettre le projet 4 execution, on eut recours h une 
emission publique d'actions de trois francs et Tempressement 
du public a souscrire prouva que Tceuvre etait acceptee et bien 
vue en general. En quelques jours prfes de 5000 actions furent 
souscrites et enti^rement lib6rees. 

Le 6 juin 1889, la Society des Cuisines populairesde Genfeve 
fut definitivement coostitu^e. L'assembiee des actionnaires 
tlomma un comit<5 definitif de vingt et un membres, charge 
de la mise Ji execution et, k la suite des demarclies faites 
aupr^s du Conseil d'Etat en vue d'obtenir un local gratuit, — 
pour les debuts au moins, — un pavilion d'un ancien en- 
trep6t, bien situe au centre de la ville, fut mis k la disposi- 
tion du Comite et les travaux necessaires furent enlrepris pour 
son appropriation. Une commission fut nommee pour s'oc- 
cuper des vivres et une autre pour acquerir le materiel; cette 
demiere se mit immediatement k Tamvre, se rendit compte de 
Tinstallation de differentes cuisines populaires qui existaient 
alors et presenta un rapport etuii projet ; un creditde 1 4 000 francs 
fut vote pour Tamenagement des salles, cuisines, office, etc., 
et pour Tachat du materiel de tout genre necessaire it la mise 
en marche. La commission des vivres, de son cote, organisait 
le service des provisions, et s'entendait avec les fournisseurs 
pour obtenir des conditions avantageuses, tout en se montrant 
inflexible sur la qualite. Pendant ce temps, une autre commission, 
celle des r^glements et du personnel, avait travailie et fait les pro- 
positions suivantes qui furent acceptees : une directrice et une 
sous-directrice, une cuisiniftre et une caissiere,toutes les quatrc 
fournissant un cautionnement ; puis des aides de cuisine et des 
servantes de salles suivantles besoins. 



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CUISINES POPULAIRES. 61 

Les travaux d'installation etd'administration ainsi terminds, 
les cuisines populaires ouvrirent leurs portes le 26 avril 1890 
et, d^s la premifere heure, ainsi que depuis sans aucune inter- 
ruption, le public arriva trfes nombreux. 

Les debuts n'avaient 6videmnient pas 6t6 sans presenter 
quelques difficuU6s; mais celies-ci furent bien vite sur- 
montdes, grdce h la bonne volont^ et au d6vouement de tons 
les membres de la soci^t^ et de tous ceux qui s'6taient int6ress^s 
k cette utile entreprise. 

2** ORGAMSATION 

Examinons maintenant Torganisation de la cuisine de Ge- 
neve et voyohs quelles sont les attributions de tous ceux qui 
concourent k sa bonne marche. 

Le President de la soci^t^ a la direction g^n^rale ; il a seul 
le droit de faire des observations k la directrice, et de lui don- 
ner des instructions; c'est k lui qu'incombe la surveillance 
g^n^rale de I'^tablissement, de la comptabilit^, du mouvement 
financier, etc., etc. 11 signe les mandats sur le tr^sorier et 
contresjgne avec le secretaire les bons de commandes qui sont 
delivr^s par les presidents des difTerentes commissions et ne 
sont valables que rev^tus de ces trois signatures. 

Les/lrfmmts/ra/^Mr^,choisis parmi les membres du comity et 
nomm^s k tour de r6le pour une p^riode donn^e, surveillent 
les salles de consommation et consignent sur un registre spe- 
cial toutes les observations qu'ils peuvent avoir a faire. 

ha Directrice a la surveillance du personnel, des magasins, 
de la lingerie, du materiel, etc. ; elle engage et r^voque, en 
pr^venant le president, le personnel inf^rieur, veille 4 la pro- 
prete et ft la bonne tenue, ft la regularity du service et ft la pre- 
paration des aliments; elle redige les menus journaliers, re(^oit 
les fournitures, etc. Elle a une caisse pour les petites depenses 
courantes qui ne sont pas de la competence des commissions, 
telles que legumes, assaisonnements, servantes supplementaires 
occasionnelles, etc. ; ces depenses sont inscrites sur un carnct 
de bons ft souches, avec les details nece^saires. 



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62 HEVLE PIIILANTIIUOPIQUE. 

La caissiire est charg^e de la vente des jetons et tous les 
soirs, r^guli^rementy elle doit rcmettre Ics esp^ces en caissc 
au tr^sorier qui lui en donne quittance , et a son tour, elle 
donne quittance des jetons qui lui sont remis pour la vente du 
lendemain ; de plus, dans les moments ou son service ne la re- 
clame pas, elle aide dans le restaurant. 

Le personnel des salles, qui se compose d'environ seize em- 
ployes, doit 6tre toujours irhs poli et empressd, s'abstenir de 
conversation avec le public, et il ne peut, sous aucun pr^texte, 
recevoir de Targent des consommateurs qui doivent 6tre mu- 
nis, avant de s'asseoir, des jetons n^cessaires. Chaque servante 
a un jour de repos par semaine et en outre, tous les dimanches, 
le local est ferm^ de deux heures a six heures. 

Les consommateurs J de leur c6t6, ont k leur disposition une 
boite plac^e bien en vue, dans laquelle ils peuvent d^poser 
toutes les observations qu'ils auraient a faire sur la nourri- 
ture, le service, etc., ainsi que sur les ameliorations qu*ils 
croiraient devoir conseiHer. Ils ne doivent pas prendre plus 
d*un demi-litrc de vin par personnc, i) est defendu de fumer 
dans les salles et d'y sojourner une fois le repas termini. 

3° FONCTIONNEMENT 

Les cuisines de Geneve servent a deux genres de clients : 
les uns qui mangent sur place et les autres qui emporteni 
chez eux. 

Voici les diff6rentes consommations offertos dans les salles 
et leur prix : 

Pain (i25 gr.) 0,0R Legumes 0,10 

Fromage (M) gr.). . . . 0,05 Viande (100 gr.) .... 0,25 

Caf^ 0,10 Vin 1/2 litre 0,25 

Chocolat 0,15 — 2/<0— 0,10 

Soupe 0,10 — 1/iO— 0,05 

Pour ceux qui d^sirent emporter, losprix sont les suivants : 

Soupe 1 litre 0,15 L^mes 2 portions. . . 0«15 

— 2 — 0,25 Viande 2 — . . . o,50 

Vinl litre 0,50 



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CUISINES POPL'LAIRES. 63 

Aucun objet n'^tant pr^t6 pour le transport des aliments, 
chacun doit apporter les ustensiles n^cessaires. 

Devant la porte d'entr^e int6rieure se trouvent deux ta- 
bleaux, Tun indiquant le prix des jetons, I'autre le menu 
journalier que Ton ne manque jamais de consulter, car tons 
les jours, il y a plusieurs sortes de viandes, de legumes, de sa- 
laisons, de conserves, etc. 

Les salles sont toujours tenues avec une extreme propret^ ; 
les converts constamment mis d'avance, les tables en marbre 
blanc facile h entretenir, la vaisselle en belle et forte porce- 
laine blanche, et les carafes, verres, moutardiers, cuillers, etc., 
r^partis par place marquee par une chaise ou un tabouret en 
noyer. Si le client le d<^sire, il pent avoir une petite nappe et 
une serviette dont le prix est de cinq centimes chacune. Enfm 
en hiver, plats, bols et assiettes sont chaufT^s, et cela gratuite- 
ment. 

Lorsque le consommateur a choisi la place qui lui convient, 
la servante de sa table vient lui demander ses ou son jeton — 
car on pent ne prendre qu*une seule portion — et lui apporte 
aussifdt ce qu'il desire. On pent avoir pour soixante-cinq 
centimes un diner complet composd de pain, soupe, viande, 
legumes et vin; et m^me, si Ton ne boit pas de vin, on a un 
excellent repas pour cinquante centimes. 

Je puis d'autant mieux Faffirmer, que j'ai plusieurs fois 
mang^ moi-m*me k la cuisine populairo de Geneve. 

4® d6veloi»pement de la soci6t6 

A la fin de Tannic 1891, le local prdt^ gratuitement, et 
d'ailleurs k titre temporaire par TEtat, dut 6tre retir6, car le 
b4timent allait disparaitre pour faire place au nouvel Hotel 
des Postes. On fit d*actives recherches, mais on ne put trouver 
aucun immeuble convenable pour y transporter T^tablissement ; 
anssi^ malgr^ Tavis d'un grand nombre de personnes, malgr^ 
les d^penses considerables qui allaient en r^sulter, et le pen de 
ressources dont elle disposait, la Socidt6 prit une grave resolu- 
tion : elle se d6cida k construire. Elle acheta a la Ville — qui 



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64 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

consentit un important rabais — un terrain situ^ prfes de 
Tancien ^tablissement et quelques g^n^reux philanthropes, 
montrant leur eonfiance dans Tavenir, avancferent sur hypo- 
th^ques les fonds n^cessaires en renongant aux int^rftts du 
capital. 

Lestravaux furent aussit6t commences et act ivement men6s. 
Un pen plus d'une ann^e seuloment aprfes que la construc- 
tion avait 616 d^cid^e, le nouvel immeuble des Cuisines popu- 
laires ouvrait ses portes au public et un joyeux banquet 
d'inauguration f^tait, le 13 mai 1893, cet heureux ^v^nement. 
La foule, d^s lors, n'a cess^ de remplir les salles etd^jk le rap- 
port de 1893 s'exprimait en ces termes : « Quand nous pensons 
« qvik la fin de 1889, nous ne poss^dions que 14112 francs, que 
« sur cette somme 13463 francs avaient 6i6 d^pens^s pour 
<( I'agencement, le materiel, les jetons etque nous sommes entris 
<i en activity avec seulement 469 francs en caisse et qu'au bout de 
\i quatre ans nousavons non seulement amorti tous les fraistTita- 
(( blissementy mats reconstitud notre capital j amasse une reserve 
« de 45 000 francs et assur6 le credit et la bonne renomm^e de 
« nos cuisines, nous pouvons regarder avec joie le chemin par- 
<c couru. » 

L'immeuble qui semblait tout d'abord bien trop vaste est 
devenu au contraire trfes vite insuffisant ; dfes Thiver de 1893, le 
conseil d'administration se voyait oblige d'utiliser le premier 
^tage de la maison et de placer au fond du vestibule d'entr^e 
un escalier int^rieur pour permettre d'ofifrir au public une nou- 
velle salle qui fut plus sp^cialement destin^e aux families. Et 
ce n'dtait pas encore assez : la clientele augmentant toujours, 
il fallul au mois d'avril 1895 ouvrir une seconde pi^ce plus 
grande encore. 

Malgr^ces agrandissements successifs, c'est k peine si Ton 
rc^ussit aujourd'hui h procurer de la place k la foule sans cesse 
plus nombreuse et plus empress^e des consommateurs. Le rap- 
port do 1895 constate que Ton a du recevoir jusqua quinze 
cents personnes en une seule journ^e. Cette affluence vraiment 
extraordinaire ne fait que continuer k s'accroitre sans cesse et 
Ton pent dire que le succfes des Cuisines populaires de Gendve 



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CUISINES POPULAIRES. 65 

d^passe certainement de beaucoup les esp6rances Ics plus am- 
bitieuses de ses crdateurs. 

Pourquoi le succfes des restaurants populaires de Paris ne d^- 
passerait-il pas ^galement les esp^rances beaucoup moins am- 
bitieuses de ceux qui veulent les cr^er? 

Pourquoi une foule toujours plus nombreusc et plus em- 
press^e de consommateurs ne se rendrait-elle pas aussi h. des 
itablissements similaires k Paris? 

II. - LA CUISINE POPULAIRE DE LA GHAUX-DE-FOiNDS 
1® ORGANISATION 

Trfes analogue k Tinstilution de Genfeve, h. qui elle a donn^ 
naissance,la cuisine populai re de la Chaux-de-Fonds, qui existe 
depuis plus de vingf ans, est une des plus anciennes de la 
Suisse. 

C'est aussi une Soci^t^ anonyme; mais ses actions ne 
peuvenl rapporter ni int6r6t ni dividende et son but, unique- 
ment philanthropique est de procurer i la population une 
nourriture saine, abondante, k bon march^ et en m6me temps 
de venir en aide, autant que possible, aux institutions de bien- 
faisance existantes. Les b6ndfices r^alis^s forment un fonds de 
reserve en vue du remboursementdes actions lorsde la dissolu- 
tion de la Soci^td. La dur^e de cette demi^re est d'ailleurs illi- 
mit^e, sous la reserve du cas oil la moiti6 du capital, qui n'est 
que de 7 200 francs, serait perdu. La Ville ay ant fait don des 
locaux, Tautorii^ municipale ddlfegue un de ses membres aux 
stances du Conseil oil il a voix consultative et un de ses contro- 
leurs est chargd de verifier les comptes semestriels. 

2® FONCTIONNEMENT 

Dans ses grandes lignes, le fonctionnement de T^tablissc- 
ment de la Chaux-de-Fonds est analogue k celui des cuisines de 
Geneve. 

II est ouvert k six heures du matin en 6t6, k sept heurcs en 

REVUE PHILAXTHROPIQUE. — II. 5 



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66 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

hiver et ferm6 le soir k neuf heures. Chaque client ne peut y 
boire plus d*un demi-litre de vin par repas et nul alcool, sous 
quelque forme que ce soil, ne peut y Mre vendu. Les prix et les 
portions sont les mfemes qu'i Genfeve, le vin cependant est un 
peu meilleur marchd et les plats de viande ne sont que de 
quatre-vingt-dix grammes au lieu de cent grammes. 

3® DfiVELOPPEMENT DE LA SOCl^Xfe 

Fond6e comme nous Tavons dit au capital de. . 7 200 fr. 

La cuisine populaire de la Chaux-de-Fonds a 
encaiss^ pendant Tann^e 1896 une recette de. . . 144 400 fr. 
donnant une moyenne par jour de 394 francs. 

11 a 616 achete pendant cette p^riode pour. . . 1 1»j 949 fr. 
de marchandises, qui ont produit un b^n^fice brut de 28 TH 1 fr. 

Les frais generaux ayant (5t6 de 15 981 fr. 

il est rest6 comme b^n^fice net de Tannic 1896. 12o30fr. 

Le nombre des jetons vendus pendant Tanncie a ^tc de 
769269; 10311 ont 6t6 distribu^s gratuitement, ce qui donne 
pour Tannic un total de 779 580 et une moyenne de 2 130 jetons 
par jour. En voici d'ailleurs le detail. 



Pain . . . 


loOO'Ja jotons. 


Soupe .... 


74768 jetoDS. 


Legumes . 


. 137975 — 


Cacao et cafe . 


36822 — 


Viande . . 


. 126726 — 


Fromage . , , 


n020 — 


Vin. . . . 


. 219873 — 







En 1896, le nombre de jetons vendus a d^pass^ de 53 i67 le 
nombre do ceux vendus pendant Tannic pr^c^dente. 

Ainsi que le dit le rapport du Conseil administratif, Tinsti- 
tution est bien vue du public et rend de grands services k la 
population. II faut bien dire que le comity se fait une r^gle de 
ne rien negliger qui puisse contribuer au perfectionnement des 
(liffdrents services ou k une sage Economic ; toutes les commis- 
sions remplissent avec zMe leurs devoirs etcherchent constam- 
ment dans la mesure du possible h am^liorer la qualitd des 
diverses denr6es en n'achetant que des aliments de premier 
ordre. Si, par hasard, il arrive que des secondes ou des troi- 
si^mcs fournitures ne sont pas aussi bonnes que los premidres, 



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CUISINES POPLLAIUES. 1,7 

les administrateurs competents avisent imm^diatement pour 
que le fait ne sc renouvelle plus ; les reclamations sont d*ail- 
lours fort rares, surtout si Ton consid^re \o grand nombre des 
consommatcurs. 

La bienfaisancc est lai^ement pratiqu6e a la cuisine popu- 
laire de la Chaux-de-Fonds ; tous les ans, des soupes diles sco- 
laires sent abondamment distributes aux enfanls des ^coles 
dont les parents sont pauvres ou seulement dans la g^ne ; les 
indigents non plus ne sont pas oubli^s et de nombreux jetons 
^ratuits leur sont d^livr^s journellement. 

Enfin chaque ann^e, Noel est c61ebrd avec son arbre tradi- 
tionnel el un joyeux cortege de petits gargonset de petites filles 
remplit les salles oil ils trouvent des friandises^ des jouets et 
des vdtements chauds pour Thiver. El c'est vraiment un rdcon- 
fortant et r^jouissant spectacle que celui deces pauvres enfants 
inviK^s ot fdtes dans la maison des ouvriers et des petits em- 
ployes de la Chaux-de-Fonds. 

Ne voudriez-vous pas aussi, chores lectrices et clicrs lec- 
teurs, voir c^lebrer Noi^l avec son arbre traditionnel autour 
duquel un joyeux cortege de petits gar^ons et de petites filles 
pourraient trouver des friandises, des jouets et des v^tements 
chauds pour Thiver et pouvoir inviter et feter un jour les en- 
fants pauvres de Paris dans les restaurants des ouvriers et des 
petits employes que vous aurez conlribu^ k fonder? 

III. — ASSOCIATION ALIMKNTAIKE DE GRENOHLE 
1® ORIGINE ET DEBUTS 

Vei's la fin de Tann^e 1850, des conseillers municipaux de 
Grenoble ayant appris qu'une association alimentaire existail 
h Gen^ve (1), le maire, qui ^tait alors M. Taulier, <5crivit pour 
avoir des renseignements qu'aussitdt regus il commiiniqua k 
ses collfegues. Une commission fut nomm6e et dmit un avis 

il) L'association dont il s'agil ici n'existe plus el nest par consequent pjis la 
Soci^t^ des cuisines populaires dont nous avons parle au conimcncciuent de cot 
article. 



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68 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

favorable, el le Conseil vota en principe la fondation dc T As- 
sociation alimentaire qui fonctionne encore aujourd'hui. 

Le maire se rendit lui-m6me en Suisse et vit qu'il y avail 
]iL une id^e fSconde qui, pour produire lesplus heureuxrisultatSy 
rC avail besoin que ditre encouragie et aidee au dibut par t ali- 
tor il^ municipale. 

Elle le ful : la Ville mil graluilement un local & la disposi- 
tion de la Soci^W qui s'^tail form^e (1), pendanl que le maire 
h^lail les Iravaux d'appropriation, faisail frapper des jetons et 
achetait & credit lemobilier et les uslensiles n^cessaires. Puis, 
en dehors de ces soins matdriels, il provoquail des souscriptions 
au moyen de placards affich^s sur les murs des b^timents pu- 
blics, tandis que des listes (5laienl port^es h. domicile. II avail 
aussi convoqu6 les presidents el les pr^sidentes des socidt^s dc 
bienfaisance et de secours mutuels pour leur exposer la nature 
et le but de la fondation qu'il poursuivait. On Irouva ainsi tr^s 
rapidement plus de hull cents souscripteurs qui furent r^unis 
le 27 novembre 1850 ft ThMel de ville. Le maire rdpondit a 
toutes les objections qui furent prfisent^es, et fournit tons les 
^clarcissements qui lui furent demand^s el, sur sa proposition, 
on nomma une Commission qui, en quelques jours, arrfeta le 
r^glement provisoire de I'Association et forma le bureau. Le 
9 d^cembre les employes furent nommds, puis le Conseil muni- 
cipal d^cida que si la tentative dchouail apr^s un certain temps 
le budget de la ville ferait face au deficit sauf i la Soci^tt^ ft se 
dissoudre aussit6t ou ft fonctionner ft ses risques et perils (2). 
• Enfin le 5 Janvier 1831, tout dtait pr^l, et un grand, mais 
tr^s modeste banquet, ou se trouvaient representees toutes les 
classes de la population, inaugura gaiement le nouvel etablis- 

(1) G'est le m^me local, dans lequel elle a fait des reparations et des construt- 
tions considerables, que I'Association occupe encore aujourd'hui; mais depuis 
longtemps elle en paye le loyer h la ville. 

(2) Disons de suite que cette Eventuality ne s'est jamais produite, il n'y a eu 
i aucun moment de deficit dans la caisse de I'Association. L'administration mu- 
nicipade n'eut done pas d'avance h. faire. Son appui — sans lequel sans doute 
d'ailleurs rien n'aurait pu Etre enlrepris — fut purement moral. Le mobilier lui- 
mfime fut pay6 au moyen d'un emprunt ouvert panhi les soci^taires et ce der- 
nier, represents par des actions de 5 francs et s'eievanl a 4 500 franps, fut rem 
bourse pen de temps apr^s. 



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CUISINES POPULAIRES. 69 

sement. Ce fut r^ellement un beau tableau que de voir r^unis 
Ji la m^me table, comme des amis et comme des fr^res, des 
-riches et des pauvres, de hauts fonctionnaires el de peiits em- 
ployes, de grands industriels et de simples ouvriers, des dames 
du monde et des femmes du peuple... chacun sentait qu'il ^tait 
\k moins pour diner que pour s'associer k une oeuvre dont il 
n'(5taii pas plus difficile de saisir la port^e morale pour Tavenir 
que d'appr^cier les r^sultats mat^riels pour le present. 

Pourquoi un semblable tableau ne pourrait-il pas, h Paris 
aussi, charmer nos yeux et nos ccBurs? Pourquoi ne pourrions- 
nous pas, dans les cuisines populaires de notre ville, voir aussi 
r^unis k la mSme table, dans un grand et joyeux banquet, 
comme des amis et comme des fr^res, des riches et des pau- 
vres, de hauts fonctionnaires et de petits employes, de grands 
industriels et de simples ouvriers, des dames du monde et des 
femmes du peuple?... 

2** ORGANISATION ET FOKCTIONNEMENT 

L' Association alimentaire de Grenoble est en r6alit6 une 
reunion de personnes qui font preparer leurs aliments dans une 
cuisine commune ; c'est un ^tablissement coop^ratif plut6t que 
philanthropique. En effet, il n'est ouvert que pour ses membres 
soci^taires, tandis que les cuisines de Geneve et de la Chaux- 
de-Fonds vendent k tout venant et k tout passant. Le titre de 
soci^taire s'acquiert d'ailleurs tr^s simplement au moyen d'une 
carte qui coiite vingt-cinq centimes ou un franc par an, selon 
que Ton desire emporterles aliments k domicile ou les eonsom- 
mer dans les r^fectoires. Ceux-cine sont ouverts que de 7 heures 
k 9 heures du matin, de H heures k 2 heures et le soirde 
6 heures a 9 heures, alors qu'ailleurs ils ne ferment pas de 
toute la journ^e et qu*entre les heures du dejeuner, du diner 
et du souper, on pent y manger des mets froids, tels que con- 
serves, charcuteries, viandes froides, etc. 

A Grenoble, le soci6taire porteur de sa carte se pr^sente 
d'abord k un guichet pour y acheter les jetons qui lui sont 



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70 REVUE PHILANTIIUOPIQUE. 

n6cessaires (1) et qui varient scion qu'ils repr6sentent une 
portion de soupe, de viande, de Idgumes, de vin, de pain ou de 
dessert ; ils sont en cuivre et de forme et de couleurs diflf^ren- 
tes; d'un cdt^, ils portent les armes de la Ville avec cet exergue : 
« Association alimentaire » et de Tautre le nom de la denr^e. 

Le soci6taire se pr^sente ensuite k un autre guichet oil il 
donne, en ^change de chaque portion qu'il re^oit, le jeton cor- 
respondant ; mais il ne peut en aucun cas obtenir plus d'un 
demi-litre de vin par repas. 

Tons les aliments sont de premiere quality : le pain et la 
viande sont fournis par un boulanger et plusieurs bouchers 
avec lesquels des marches sont passes et g^n^ralement renou- 
vel^s; la soupe est excellente, les legumes apportes chaque 
matin ou achet^s par grosses provisions, selon les esp^ces, 
sont soigneusement choisis; le vin est bon, enli^rement pur et 
achetd longtemps d'avance. Les desserts se composent de fro- 
mages, de fruits trfes varies cuits ou crus, entiers ou fraction- 
n^s, selon Tesp^ce, oranges, melons, figues, fraises, etc., ces 
derni^res m^me aceompagn^es de sucre. Toul d'ailleurs est 
appr^t^ et servi avec une extreme propret^ et, commo k 
Geneve, 4 Tentr^e de T^tablissement se trouve un grand tableau 
indiquant les mets pr^par6s pour chaque repas de la joum^e. 

II y a deux r^fectoires : Tun est exclusivement r^serv^ aux 
families et aux femmes qui veulent 6tre seules; Tautre, ou les 
consommateurs peuvent se mfiler indistinctement, se compose 
de deux pieces communiquant entre elles par une] grande ou- 
verture. Partout Tair et la lumi^re pin^trent avecabondance 
par de nombreuses fen^tres donnant sur la cour d'entr^e et, 
pendant la belle saison, des pots de fleurs, provenant d*une 
serre construite prfes de Tentr^e, ^gayenl les convives de leurs 
riantes couleurs et de leurs fraiches senteurs. 

3® Dl^VELOPPEMENT DE L*ASS0CIATI0N 

Depuis sa fondation, TAssociation n'a cess(^ de fonctionner 
avec une parfaite rdgularit^ et avec un ^clatant succ^s qui ne 

1 Mais il peut, s'il le pr^f^re, se les procurer d'avance. 



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CUiSlNES POPL'LAIRES. 11 

s'est pas dementi un seul jour. Elle est aujourd'hui dans sa 
quarante-septifeme ann^e d existence et toujours en pleine pros- 
p^rit^. Selon les derniers chiflfres que je poss^de et qui remon- 
tent h Tann^e 1895, la Soci6t^ a r^alis6 un fonds de reserve s'6le- 
vant a 70396 francs, sans compter en outre son mobilier qui a 
coiit6 21 900 francs. Elle a dc plus consacr^, soit en lib^ralit^s 
ou k des oBuvres de bienfaisance, soit en gratifications on secours 
h ses employes 23716 francs et en constructions ou reparations 
pour faciliter et am^liorer le service, une somme de plus de 
30000 francs. 

Quels beaux r^sultats, surtout si Ton songe que FAssociation 
a commencd sans le moindre capital et sans avoir eu kd^bour- 
ser quoi que ce soit. En effet : 

1** Le local avail 6i6 pour les debuts concdd6 gratuitement 
par la Ville; 

2^ Le mobilier et les ustensiles n^cessaires avaient 6t6 
achel^s Ji credit par le maire etd'ailleurs rembours6s bientdt 
aprfes par les soci^taires ; 

3** Le Conseil municipal avait decide qu'il ferait face au 
deficit si Tentreprise 6chouait apr^s un certain temps, Eventua- 
lity qui, comme nous Tavons dit, ne s'est pas pr^sent^e, puis- 
que la Soci^tda au contraire prosp^rE dhs le commencement, 

Ne pourrions-nous esp6rer aussi : 

1^ Que notre Conseil municipal voudra bien conc6der gra- 
tuitement un local pour les debuts des restaurants coopEratifs 
et cuisines populaires de Paris ; 

2** Qu'au moyen d'une souscription, on pourra acheter le 
mobilier et les ustensiles n^cessaires; 

Et 3* que quelque g^n^reux philanthrope voudrait bien 
s'engager k faire face au deficit si la Soci^td k fonder dchouait 
aprfes un certain temps, Eventuality qui, nous en sommes per- 
suades, ne se prEsentera pas. 

CONCLUSION 

Une conclusion est-elle bien nEcessaire ou pluldt no s'im- 
pose-t-elle pas toute naturelle? 



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72 REVUE PHILANTHROPIQLE. 

Pourquoi ce qui a pu 6tre fait dans des villes de moyenne 
importance et aussi difif^rentes que Lyon, Geneve, Grenoble, 
la Chaux-de-Fonds , etc., ne serait-il pas non seulement pos- 
sible, mais m^me plus facile k faire dans une grande ville 
comme Paris? Et ne devrait-on pas aujourd'hui non pas se 
demander si TcBuvre est utile et pratique, mais bien plutdt 
comment il se fait qu'elle ne soit pas depuis ddji bien long- 
temps une r^alit^? 

L'utilit^, jediraim6melan^cessit6 de cuisines populaires ou 
de restaurants coop6ratifs n'a gufere besoin d'etre ddmontrde, 
surtout h des lecteurs et k des lectrices comme ceux de la Revue 
Philanthropique, qui sont tons par principe des convaincus. 

Ces ^tablissements sont par la force mc^me des choses une 
institution de temperances puisque nul ne pent y consommer 
d'alcool ni y boire plus d un demi-litre de vin par repas. Et 
peut-il y avoir un moyen plus simple et plus silr de faire p^n^- 
trer peu a peu dans les moeurs des habitudes de sagesse et de 
sobri6t6? Comme le disait le D' van Corput, membre du S^nat 
beige, au recent Congr^s contre Tabus des boissons alcooliques 
et dans un excellent article de notreiJ^«?M^ (1) : « Cest surtout 
par une alimentation appropriee qu'on pent esperer arriver 
lentement, mais sitrement, a la guirison du vice alcoolique, » 

lis sont aussi une institution de privoyance par la facility 
donn6e aux consommateurs de faire d'avance une provision de 
jelons. On voit souvent des ouvriers, qui autrefois d^pensaient 
le samedi au cabaret leur salair^ de la semaine tout enti^re, 
venir acheter pour vingt-cinq francs de jetons k la fois ; on voit 
des m^res de famillealler faire elles-m^mes ce salutaire appro- 
visionncment, leurs visages exprimant un air de conqu^te, car 
elles se sentent sans inquietude pour le lendemain, et que de 
bonheur dans la s6curit6 ! 

Puis ils sont une institution d'iconomie^ car on n'y prend 
que ce que Ton consomme et ainsi il n'y a jamais de restes. 
Quatre personnes mangeant ensemble peu vent y faire un excellent 
repas pour soixante centimes par t^te et, si elles ne prennent 

(1) Revue Philanthropique, num^ro du 10 aoiit 1891, page 543: Ualcoolisme,ses 
causes m^sologiques, son ex Unction physiologique. 



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CUISINES POPULAIRES. 73 

pas de vin, pour quarante centimes. Que d'economies ainsir^ali- 
s^es qui toumeront ensuite, sous les formes les plus diverses, 
au bien-^tre de Tindividu et de la socidtd tout enti^re! 

Enfin ils sont une institution d' association. lis ressemblent 
— surtout ceux qui, comme T Association de Grenoble, sont 
conQus dans un esprit plus particuliferement coop^ratif — a une 
grande famille, ^ un vaste manage, oil chacun est chez soi, ou 
chacun est son associ^, ou aucun amour-propre ne pent 6tre 
bless^, puisqu'il n'y a ni bienfaiteurs, ni obliges, car le bienfait 
est dans TAssociation mdme et qu'il est Toeuvre de tons. 

Si j*ai omis de parler, — comme il aurait 616 int^ressant de 
ie faire cependant, — d'autres institutions comme de celles de 
Lyon (1) par exemple, qui peuventdtre cities comme desmodMes, 
et si j'ai donn6 des details un pen etendus sur les cuisines popu- 
laires de Geneve, de la Chaux-de-Fonds et sur Tassociation ali- 
mentaire de Grenoble, c'est que, d'un cOt^, j'ai essays d*6trc 
aussi bref que possible etque, d*un autre c6t6, j'ai voulu montrer 
aussi bien que possible les diff6rentes sortes d*^tablissements 
qui peuvent 6tre cr^6s dans le m6me ordre d'id^es. 

Celui de Geneve est plut6t coop^ratif en ce sens que tons 
les b^n^fices y sont consacr^s k am^liorcr Tinstitution etii former 
une reserve en provision des moments difficiles, pour assurer 
la continuity et la prosp^ritd de la Societ(^. 

Celui de la Chaux-de-Fonds est surtout une oeuvre philan- 
thropique, puisque la plus grande partie de ses b^n^fices sert u 
venir en aide a diff6rentes institutions charitables etadistribuer 
des jetonsgratuits aux indigents et aux enfants pauvres. 

Celui de Grenoble enfin est couqu dans un esprit a la fois 
coopc^ratif et philanthropique. Les consommateurs sont exclu- 
sivement les soci^taires de TAssociation, et a ce point de vue, 
il r^pond d'ailleurs peut-Mre mieux aux id6es du jour, — puis 
une partie importante des b^ndfices est consacree k des auivrcs 
de bienfaisance, et de frdquentes distributions de jetons gra- 
tuits montrent qu'on n'y oublie pas les malheureux. 

On pourrait ^videmment apporter h chacun dc ces dtablis- 

• Ij Foodies par MM. Aynard ct Mangini. 



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U REVUE PlULANTHROPlQliE. 

sements ou h un melange d'entre cux toutes les modiiications 
qui paraitraient utiles : il faudrait en particulier profiler des 
exemples donnas par le nouveau restaurant coop^ratif des 
Champs-EIysees. Je crois qu'il ne conviendrait pas k Paris 
d*obliger les consommateurs k aller chercher eux-m6mes leurs 
portions a un guichet; et sans doute il serait bon d'avoir 
unc pi^ce r^serv^e oil, moyennantun supplement de dix cen- 
times, on aurait droit k une nappe et a une serviette. Peut-^tre 
faudrait-il aussi avoir une salle sp6ciale ou plulot des heures 
sp^ciales pour les indigents auxquels des jetons auraient 616 
donnas gratuitement, car, sans cette mesure, il est malheureu- 
sement probable qu'une partie de la clientele s'^loignerait. 
Toutes ces modifications, d'aillcurs, sont des questions de detail 
qui pourront 6tre discut6es plus lard. 

Que ceux qui jugent cette oeuvre utile el realisable et qui 
seraient disposes k s'y inl6resser veuillent bien me le faire sa- 
voir (1), afin que toutes les bonnes volont^s puissenl se grouper 
pour fonder le plus tdt possible k Paris un restaurant coopd- 
ralif ou une cuisine populaire qui, une fois Texemple et Telan 
donnas, no manqueront certainement pas d'etre bientdt imites. 

Lentreprise est, je le r^p^te — et je voudrais esp^rer en 
avoir convaincu les lectrices et les lecteurs de la Revue Philaii" 
thropique : 

1** iminemment utile; 

Et 2** facilement realisable. 

L. D ABARTIAGUE. 



(I) En iirerrivant i la Revue Philanthropigvef 1'20, boulevard Saint-Gerniain. 



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LA POUPONNIERE DE PORCHEFONTAINE 



ET LA 



OlESTION DES CRfiCHES INTERNES 



I 



Peu de questions sont k Tordre dujour autant que celle qui 
va nous occuper. La depopulation de la France est un des 
grands soucis de Theure pr^sente. La preservation des enfants 
du premier Age, chez lesquels la mortality est encore si effra- 
yante, est un des elements les plus directs du problfeme; il 
s'impose k lous les esprits, il inquifete les gouvernants; il soUi- 
cite Tinitiative priv6e. Tel est Tinterfet en jeu, qu*il n est plus 
permis k la routine, k Tignorance, aux pr^jug^s invdteres 
d'entraver Taction commune. On amiliore les races animales, 
ou prime les b6tes les plus saines et les plus belles ; on multi- 
plie les expositions, les concours r6gionaux, les comices; on a 
des tendresses pour r^curie, ratable et la basse-cour ; la nais- 
sance et Televage de I'animal utile sont Tobjet des plus minu- 
tieuses ameliorations : fait-on pour Tospi^ce humaine tout ce 
qui serait necessaire? Faut-il done que Thomme soitmalade, 
infirme ou vieux, pour que Ton songe k lui? La sympathic 
commence aux hdpitaux d'enfants, pour finir aux hospices de 
vieillards. Rien de plus digne assurdment d'attention et de 
soins que les enfants malades : mais combien le deviennent 
faute deces m^mes soins! Combien d'entre eux, n6s pour vivre 
et ayant droit & la vie, disparaissent d^s le premier ftge,comme 



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76 REVLE PHILANTHROPIQUE. 

un capital andanti par Tincurie g^n^rale ! Preserver et pr6- 
venir, y pense-t-on assez? 

Mais maintenons la question dans ses vraies limites. Esl-il 
besoin de dire que nous ne parlons pas ici des enfants des 
classes riches ou aisles? Pourceux-l&, Taffection plus ou moins 
intelligente des parents est una sauvegarde, et, en toutcas, une 
garantie relative. La mfere qui nourrit ou qui pent appeler sur 
lieux une nourrice de choix, qu'elle surveille avec son mddecin 
ordinaire, est la proteclricenaturelle deTenfant. Heureuses les 
mdres qui peuvent garder leurs enfants prfes d'elles ; heureux 
les nouveau-n^s qui ont, sans qu'ils s'en doutent, las6curit^ du 
sein maternel ou du foyer domestique I Encore y a-t-il, m^me 
1^, beaucoup k faire, etc'estune science assez nouvelle que 
rhygi^ne des nouveau-n6s, m£me avec Tallaitement de la 
m^re, et surtout par Temploi recent et si souvent pr^cieux du 
lait st6rilis6 ou maternisc^. 

Mais ce n'est pas de ces mferes-li qu'il s'agit ; ce ne sont pas 
ces nourrissons-li qui ^meuvent et inqui^tent. Oui, le premier 
devoir de T^pouse, de la m^re, le devoir primordial et sacr^, 
c'est qu'elle nourrisse elle-m^me son enfant; son lait est en- 
core son sang ; et, pour obeir k la loi naturelle, elle doit accep- 
ter sans plainte, et m6me avec une joie auguste, les servi- 
tudes, les fatigues, les insomnies, tons Jes sacrifices. Telle est 
Tobligation absolue, et ce n'est pas aux fondatrices ni aux pa- 
trons de la Pouponni^re de Porchefontaine qu'on a besoin do 
le rappeler. 

11 

Mais la rdalit^, en toutes choses, r6pond-elle aux concep- 
tions id^ales de la vie et du devoir? Et d'abord, toute femme 
est-elle apte k nourrir? Quel lait donnerait k son enfant cette 
jeune m6re, fr^le, delicate, parfois maladive, ou trop distraite 
par les veilles et les plaisirs? Demandez-le aux m^decins les 
plus exp^riment6s. Et si la femme est pauvre, si elle vit de 
travail et de privations, si elle ignore le bon air et la saine 
nourrituro, h quel prix nourrira-t-elle Tdtred^j^ ch(5tif? quelles 



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LA POUPONNlfeRE DE PORCHEFONTAINE. 77 

generations pr^parera-t-elle h la France? De quels ^tres peu- 
plera-t-elle le pays de la mis^re? Et nous supposons qu'elle 
pent garder tout le jour son enfant aupr^s d'elle. Mais s'il faut 
le confier, du matin au soir, k la creche externe, dans Tins^cu- 
rite de Taller et du retour, au pdril de toutes les contagions 
ambiantes, et des intemperies de notre climat? 

Nous arrivons k une autre categoric de femmes et de 
m^rcs, de plus en plus nombreuses, non pas pauvres pr^cis^- 
ment, mais de condition modeste, qui vivent, elles aussi, de 
leur travail, parfois plus assujetties que des ouvri^res, et qui, 
par necessity ou par economic, se s^parent de leurs enfants et 
les conficnt aux nourrices mercenaires, bien loin, ^ la cam- 
pagne, pour quel lendemain! Comptez-les dans les grandes 
yilles : domestiques, employees de magasins, femmes de ser- 
vice, concierges, couturi(»res k la joumee, etc. Et qui etonne- 
rons-nous si nous ajoutons les institu trices, les professeurs au 
cachet, toutes les jeunes mattresses de piano, de chant ou de 
dessin, toutes les nouvelles fonctionnaires publiques, cat6gorie 
bien moderne de femmes, auxquelles il n'est pas interdit d'etre 
mferes, et k qui il n'est pas possible de garder leurs enfants? En 
ouvrant au travail des femmes des voies precieuses, en leur 
menageant une place dans certains services de FEtat, notre 
civilisation k oulrance n'a pu tout prevoir, et la natalite se 
heurte k un obstacle de plus. 

C*est alors que reparaissent les nourrices mercenaires, ces 
paysannes rapaces, ces terribles faiseuses d'anges qui, depuis 
un demi-si^cle, ont si bien travaille a la depopulation de la 
Fi'ance. Les chiflfres sont connus et navrants. C'est par cen- 
taines de mille, chaque annee, que les enfants qu'on leur con- 
fiait mouraient loin de leurs parents. Et Ton sait en quel etat se 
trouvaient le plus souvent ceux qu'on leur rendait. La situa- 
lion a-t-elle beaucoup change? Ce sont ceux-1^, les survivants, 
qui peuplent ensuiteles h6pitaux d'enfants et les hospices d'in- 
curables. Trois cent mille enfants sont places tons les ans en 
province, livres a un regime ou tout est suspect, allaitement, 
soins materiels, alimentation prematuree, mepris des prescrip- 
tions les plus simples de Thygiene, sans autre protection qu'une 



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78 REVUE PIIILANTHROPIQLE. 

inspection m^dicale jug^e insufiisante ou [illusoire, de Tavis 
des pli^s consciencieux enqu^teurs. Oserons-nous ajouter quMl 
y a une question de Talcoolisme des nouveau-n6s? On croit 
rdver Ji ce soul mot. Non seulement certaines nourrices, surtout 
en Bretagn© et en Normandie, demandent des forces a Teau-de- 
vic, pour en faire, disent-elles, profiler leurs nourrissons, — et 
la somme d6pens6^ figure au compte des parents, — mais c*est 
souvent aux enfants m^oies qu'elles font boire des boissons 
alcooliques, dont on devine les eflfets ! Ces femmes ont, d*ail- 
leurs, dfes longtemps, des habitudes d'intemp^rance, et c'est 
ainsi qu'il nait des enfants atteints d'alcoolisme congenital, et 
qu'onberce d'une ivresse inconsciente. 

Ainsi, pendant longtemps, en France, point d'autre alter- 
native, hors de Tallaitement maternel, que la creche externe, 
qui ful un progrfes incontest^, et la nourrice vdnalc, inintolli- 
gente, meurtrifere. C est alors qu'estn^e i'id^e de la Pouponntere, 
creche interne, nourricerie module, veritable pensionnat de 
nouveau-n^s, ou des nourrices de choix, internees ellos- 
m6mes, pr^serv^es des influences du dehors, instances dans un 
local construit sp^cialement pour son objet, d aprfes les plus 
r^centes donndes de rhygi(;nc, allaiteraient au sein et au bi- 
beron, selon TAge, leurs enfants et ceux des autres, sous le con- 
trdle incessant d'un m(>decin et la haute surveillance d'un Co- 
mity medical. 

Ce qu*on pouvail craindre, et ce que nombre de mddecins 
redoutaient, c'6tait Tagglom^ration des enfants dans un m6me 
local, ou la contagion des maladies infantiles, si elles 6cla- 
taient, aurait le champ libre et trouverait sur place tons les 
elements d'un trop ample ravage. Mais ces maladies ne naissent 
pas spontandment ; s'il n'y a pas transmission, le premier Age 
en est indemne. Des conditions rigoureuses d'isolement, tout 
contact rendu impossible avec les enfants du dehors dtablissent 
comme un cordon sanilaire, qui 6carte le danger. Six anndes 
d'expdrience ontdonn6 raison a un principe si simple : pas 
une maladie contagieuse n'a s6v\ dans la Pouponni^re de Por- 
chefontaine. C*4tait un probl^me k rdsoudre, une tentative & 
faire : le succfes a ddpasse toute attente. 



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LA POUPONNIERE DE PORCHEFONTAINE. 79 

111 

Le premier essai de creche interne fut fait en 1891, dans 
une propri^t^ priv6e. La maison, faite pour 6tre habitue bour- 
geoisement, pr^sentait une installation d^fectueuse. On y ad- 
mettaii, on y gardait les enfants jusqu'^ cinq ans et au delJi. 
Ce n'^tait pas une nourricerie, mais une sorte de pensionnat 
de la premiere enfance. On reconnut bien vite les inconv^- 
nients et les p6rils de cetle organisation. Les mddecins r(!*cla- 
maient un remaniement complet de I'^tablissemenf . C*est alors 
qu'ime soci^t6 nouvelle se forma par Tinitiative et sous Tinspi* 
ration des deux fondatrices de Toeuvre, M"^*» Georges Charpen* 
tier, pr^sidente, et Engine Manuel, vice-pr^sidente, second^es 
par un groupe de dames passionn^es pour la m6me id^e, asso- 
ci^es avee un d^sint^ressementabsolu dans une pens6e de soli- 
darity matemelle, de bienfaisance et de patriotisme. 

Grftce h des souscriptions et a des dons g6n6reux, on put 
acqu^rir un vaste et beau terrain plants, h Porchefontaine, aux 
portes de Versailles, et y dlever un premier pavilion, quo deux 
autresont suivi depuis« Les plus hauts patronages encourag^rent 
Toeuvre naissante. Un comity medical avait d6cid(5quelechifrro 
de trente enfants par pavilion ^tait un maximum qu^on ne de- 
vait pas d6passer, par prudence pour ce premier essai ; que les 
enfants ne seraient gardes que jusqu'Ji deux ans, c'est-a-dire 
pendant la p^riode de Tenfance la plus difficile k franchir, mais 
celle, en m£me temps, ou les affections contagieuses ne se d6- 
veloppent pas encore ; que nourrices et poupons seraient s6vfe- 
rement internes; que les visiles des parents ne se feraient que 
dans des conditions sp^ciales de surveillance ; qu'ainsi seraient 
surement ^cart6s les dangers des crfeches externes, ofi un 
eourant permanent d'infection pent journellement s'^tablir du 
logis matemel k la crfeche et de la creche au logis. I/instal- 
lation heureuse du premier pavilion eut un plein succ^s. Les 
demandes d'admission aflluorent de toutes parts. Quant aux 
r^sultats, un rapport ultdrieur de la Commission d'hygi^ne 
publique, k la suite d'une exacte enqufite, constata, par la com- 
paraison entre les enfants admis k la Pouponni^re et ccux 



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80 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

qu'on avail dii refuser, faute de place, que, dans le premier 
cas, la mortalitd n'^tait que de 6 p. 100, tandis qn'elle d^pas- 
sait 31 p. 100 dans le second cas. « L'dloquence de ces chiffres, 
^crivait T^minent rapporteur, M. le D*" Bergeron, secretaire 
perpdtuel de TAcad^mie de m6decine, n'a pas besoin de com- 
raentaire. » Lui-m^me, aprfes avoir eubien des doutes au d<^but, 
etait convaincu, etcommuniquait sa conviction. Prot^g^e, aid6e 
dans une certaine mesure par les pouvoirs publics, grdce k la 
sympathique sollicitude du directeur de T Assistance, M. H. 
Monod, et plus tard h celle de M. Peyron, directeur de TAssis- 
tance de la Seine, la Society malernelle ou Pouponniere pari- 
sienney fut reconnue d*utilit6 publique, par d^cret en date du 
21 juillet 1896, sous la seule condition d'6tendre a la moiti6 
des enfants admis la gratuity qui n'^tait jusque-1^ que du 
tiers. C'6tait r^pondre dignement au glorieux patronage des 
deux premiers presidents d'honneur de Tcpuvre, MM. Pasteur 
et Jules Simon. 

11 suffira de r^sumer les statuts de la Societe malernelle 
pour se rendre compte de son fonctionnement actuel. 

L'association, dont le sifege social est Ji Paris, h la mairie 
du Vn« arrondissement, a pour but de cr^er et d entretenir aux 
environs de Paris des etablissements destinds k venir en aide 
aux mferes qui travaillent et ne pen vent clever leurs enfants 
chez elles. On admet les enfants k la Pouponnifere d^s leur 
naissance, et on les garde jusqu'Jt deux ans. Les nourrices, 
choisies parmi les plus saines et les plus robustes, sont g6nera- 
lement recrutdes dans les ouvroirs, refuges et maisons d*ac- 
couchement de Paris; elles entrent ila Pouponniere avec leur 
enfant, qui est entretenu aux frais de la Soci6td ; elles resolvent 
une retribution mensuelle. Elles sont soumises, pour Tallaite- 
ment de leur propre enfant et de Tenfant qu'on leur confie, 
aux prescriptions de la loi Rousscl; seul, le medecin de Teta- 
blissement decide du sevrage et de Temploi du lait sterilise. 

L*association est administrde par un Conseil, dit Comiie de 
direction, compose de vingt et une dames choisies pour trois ans, 
et reeiigibles. 

Le bureau est forme par la presidentc, les deux vice-pr6si- 



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LA POUPONNlfiRE DE PORCHEFONTAINE. 81 

denies^ la secretaire g^n^rale, une secretaire, la tr6sorifere, aux- 
quelles est adjoint un conseil judiciaire. Une directrice est k la 
t6te de la maison, dont elle gouverne le personnel. Deux co- 
mites de patronage, Tun d'hommes, Tautre de femmes, secon- 
dent le Comity directeur. Les enfants de nationality frangaise 
sont seuls rcQUS, sans distinction de culte. Le prix de la pen- 
sion payante est de 40 francs par mois la premiere annde, tons 
frais compris, et de 30 francs la seconde ann^e. Outre la gra- 
tuity reserv^e k la moitie des enfants, la Society accorde des 
bourses et des demi-bourses aux parents qui en fontlademande 
motivde. 

Le Comite medical a pour president d'honneur M. le D' Ber- 
geron et pour president M. le D' Sevestre, m^decin des hOpi- 
taux, seconds par le D' CEttinger. Nous relevons parmi les 
membres de ce comity les noms bien connus des professeurs ou 
docteurs Blache, Boissard, Champetier de Ribes, Charpentier, 
Porak, Ch.Richet, Albert Robin,Theophile Roussel, Paul Segond, 
Terrier, Anselme Weill, Jules Worms. Nous y lisons encore le 
nom de I'illustre et regrett6 Germain S^e. Le service medical 
quotidien est fait par le devout et vigilant D' Parelle, de 
Versailles. 

IV 

Mais il est temps de visiter Tetablissement mdme. Quand 
on se^rend k Versailles par les tramways ou paries cheminsde 
fer de TOuest, rive gauche, on apergoit, non loin de la grille des 
Chantiers, les terrains ou s'eifeve la premiere Pouponnifere 
construite en France. A droite et k gauche du b&timent prin- 
cipal, affecte aux services administratifs et au personnel, et ou 
se trouvent ^galement le parloir des parents et le cabinet du 
mddecin, s'^tendent, rdunis par des galeries vitrdes, les trois 
pavilions actuels, d'aspect gai et riant : ils font avec tout 
I'ensemble des constructions, grand honneur k Tarchitecte, 
M. Jacques Hermant, qui a g6nereusement fait abandon 
h Toeuvre de ses honoraires. A quelque distance, danslejardin, 
s'6l6vent une infirmerie, presque toujours vide, et un b&timent 

REVCE PHlLAjrrHROPIQUE. — H. 6 



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82 REVUE PHILANTHKOPIQUE. 

dHsolement, destine aux enfants et aux nourrices mis en sur- 
veiUance h leur arriv^e. Unebuanderieet divers services acces- 
soires complMent la colonic. Un vasle jardinoflFre aux nourrices 
el aux enfants ses pelouses, ses fleurs et ses ombrages. C'esl 
un spectacle touchant et charmant, d^s les premiers beaux jours, 
de voir au bras de leurs nourrices ou sur le gazon, ou dans de 
petites voitures qui circulent dans les allies sabl^es, tons ces 
enfants sous leur petit v^tement rose^ tandis que leurs parents, 
les jeudis et les dimanches, sont admis k les voir, et peuvent 
juger du bien-Atre et des soins donl ils jouissent. Les t^moi- 
gnages de leur reconnaissance forment d6j4 un dossier qui de- 
viendra Ic livre d'or de I'oeuvre. 

Le spectacle est plus int^ressant encore, quand on pdn^^tre 
dans rintdriour des bdtiments. Et d'abord, dans le vestibule, 
des plaques de marbre portent inscrits lesnomsdes fondatrices, 
des donateurs el, en t^te, ceux des premiers presidents d'hon- 
neur de Toeuvre, Pasteur et Jules Simon. Ce qui frappe, d^s 
Tentrdc, c'est la temperature entretenue, nuit et jour, dans 
toutes les salles, galeries et couloirs que les enfants habitentou 
traversent. Cette temperature varie de 18*> Jl 20<>, selon I'^ge des 
poupons. I/air et la lumi^re sont partout. Les dortoirs des 
enfants et ceux des nourrices sont sdpards par des cloisons 
vitr^es; des salles de bain, de pesage des enfants, de sterilisa- 
tion du lait, faite sur place, le vestiaire, la lingerie, le rdfecloire 
des nourrices, la pharmacie, Tusinepour le chauffage Ji reau,le 
cabinet medical, tout est distribud, amdnagd dans les conditions 
les plus salubros et le confortable le plus ing^nieux. 

La direc trice est secondde par une sous-directrice et plu- 
sieurs surveillantes,*dont les attributions sont distinctes.Nous 
avons iWjk parld du D' Parelle, qui fait sa visite quotidienne 
etdu comiie medical, dont le president, le D"^ Sevestre, inter- 
vient avec un zMe admirable dans tons les cas urgenls, ainsi 
que le D"" OEttinger et le D*" Boissard ; un bulletin medical, redige 
journellement parte D' Parelle, est conlr6l6 et contresigne par 
oux. Ladmission des nourrices et des enfants, retenus, k Tar- 
rivee dansle bAtiment d'isolement, ou lazaret, nVst prononcee 
que sur lour visa, commeaussi leur sorlie. 



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LA POUPONMKHE DE PORCHEFONTAINE. 83 

Plus de cent quinze enfants sont, en cc moment, presents k 
la Pouponni^re, etce chiflfre seraitvite, non pas double, mais 
quintuple, d^cupI6, si les pavilions pouvaient se multiplier au 
grd des demandes! L'insuffisance du premier pavilion construit 
en 1893 et inaugur^ par M. Poubelle, pr^fet de la Seine, et 
M"* Poubelle, avait 6t6 tout aussit6t reconnue. C'est gralce k 
d'actives et persistantes interventions que furent obtenues des 
Ministtoes de Tlnt^rieur et de TAgriculture les ressources n^- 
cessaires k T^dification du second pavilion, dont I'inauguration 
fut faite avec salenmt6 en presence de M"** et de M"" F^lix- 
Faure, des prineipales autorit^s de Seine et de Seine-et-Oise, 
et d'une glite de visiteurs, invites k parcourir Tfitablissement. 

Depuis, un troisifeme pavilion a 6t& 6le\6 et inaugur^, celui- 
Ik pour un objet particulier et une 6preuve digne du plus haul 
int^rfit. On sait que le D*^ Budin, accoucheur en chef de la 
Maternitd, y a organis6 un service de couveuses, destind k rece- 
voir les enfants nds avant terme, et que des soins exception- 
nels peuvent seuls conserver k la vie. Mais dfes que ces pctits 
6lres si fragiles ^taient sortis des couveuses, les nouvelles con- 
ditions atmosph^riques leur (^taient presque toujours funestes. 
FrappcS des avantages uniques que lui ofTrait Torganisation 
int(5rieure de la Pouponni^re, M. le D"^ Budin a eu Tidee de lui 
confier les enfants de ces couveuses, entre la ^rlie de scs 
appareils et la rentr6e definitive k Tair libre. La temp6rature 
de la Pouponni^re et les soins qu'on y donne aux nouveau-n^s 
r^pondaient pr6cis6ment au besoin reconnu d'une sorle do serre 
Iemp6r6e, complement de la couveuse. 

Uid6e6tait bonne. Mais il fallait les moyens de la r6aliser, 
sans confondre les deux categories d enfants. Ungendreux bien- 
faiteur foumit la somme n^cessaire k Fachevement, k lam^na- 
gement et k Tentretien de ce troisi^me pavilion. Les nourrissons, 
amends avec precaution de la Maternity, passent par groupes 
plusieurs mois k la Pouponni^re, etce roulement, ousc renou- 
vellera plusieurs foisparan celte clientele si tendre etsi delicate, 
suffit pour permettre ensuite a ces poupons d'afifronter Tair 
exterieur et de prendre definitivement possession de la vie. 

Ajoutons qu'une statistique speciale a ete etablie pour cette 



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84 REVUE PHILANTIIROPIQUE. 

cat^gorie dc pensionnaires, dont la mortalit^y au d6bul sur- 
tout, pouvaitfetre plus fr6quente,et ne devaitpas sans prejudice 
se confondre avec celle des autres enfants. Le D' Budin Tavait 
compris, et s'^tait pr6t^ spontan^ment k cette distinction. Mais 
tel est d^jile succ^s de cette essai^ que r6cart diminue entrc 
les deux statistiques, et que Ton peut d6j4 prfivoir I'^poque oil 
elles se confondraient sans inconvenient. 

I) y a lieu d'insister aussi, dans ce tableau que nous essayons 
d'abr6ger,surles services que la Pouponnifere rend aux nourrices 
qu'elle emploie. Libre k certaines personnes, plus exigeantes 
sur la nature des mis^res k secourir que vraiment humaines 
et charitables, de s'dtonner qu'on prenne un int6r6t compatis- 
sant aux iilles-m^res. Pour ces esprits timor^s le mot de soli- 
darity reste inintelligible. Les nourrices de Porchefontaine sont, 
en effet, des filles-mdres, mais choisies, hdtons-nousde le dire, 
parmi cellos dont le malheur et Tabandon inspirent le plus de 
sympathie. II y a un devoir social 4 les sauver du d^sespoir, ou 
k les arracher k la degradation irreparable : c'est en leur ensei- 
gnant la materniie qu'on peut y r^ussir, — et qu'on y a r6ussi. 
Les nourrices quittent la Pouponni^re avec leur enfant sain et 
bien portant, et elles emportent un p^cule qui leur permet de 
vivre k Tabri de la misfere en attendant du travail ou un emploi. 
Cinq d'entre ellesj cette ann^e, ont H6 plac^es par les soins du 
comite de patronage ; trois ont regularise leur situation par le 
mariage; enfin trois sont restees k Tetablissement. Ni Tassis- 
lance publique ni les moralistes n'ont k se plaindre de ces 
resultats. Quant aux nourrissons, combien dejJt ont 6t6 sauves ! 

Dirons-nous le regret que laisse, k toutes ces femmes gene- 
reuses dont la Pouponni^re est Toeuvre, Timpuissance ou elles 
sont de repondre k toutes les mferes qui s'adressent k elles? 
Pour assurer une place k Tenfant ne ou k nattre, il faut s'in- 
scrire, il faut attendre ; le plus souvent, il faut renoncer k toute 
esperance. On a dii, avec une vraie douleur, ecarter, parait-il, 
745 demandes d'admission, toutes tr^s dignes d'interfit, la plu- 
part pay antes. « Sauvez mon enfant! » c'est le cri de toutes 
ces meres, Fappel decourage de celles que des deuils ante- 
rieurs ont frappees, ou de celles qui simplement redoutent le 



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86 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

on que les fondatrices de TcBuvre eussent la pens^e d'en tirer 
un b^ndfice? 

On voit en lout cas, par ce calcul, que la lourde charge de 
r^tablissement est produile par la presence des enfants 6lev6s 
h titre gratuit, puisque Ton d^bourse pour ces demiers la 
somme annuelle de 39 420 francs, contre les 14220 francs 
repr^sentis par les nourrissons pay ants. 

Si maintenantron songequela plusgrosse part des frais g6- 
n^raux d'^tablissement ne se reproduira pas ; que le traitement de 
la directrice, du m^decin,dessurveillantes resteront les m^mes 
avec trois ou quatre pavilions, — et plus, — comma avec un 
seul ; que le b&timent de Tadministration, rinfirmerie, le pavil- 
ion d'isolement, loutes les installations accessoires, les planta- 
tions, les cl6tures, n'entraineront gufere de d^penses nouvelles, 
et que des Economies de detail pourront 6tre r^alis^es sur plus 
d'un point,] on 6prouvera moins de surprise et moins d'in- 
qui(5tude. 

II n'en est pas moins vrai qu*un budget] annuel de prfes de 
55 000 francs, c'est une somme, et il faut admirer par quels 
efforts, par quelle ardente propagande, m6me avec le con- 
cours des ministres de Flnt^rieur et de TAgricuIture, du Con- 
seil g^n^ral et du Conseil municipal de la Seine, la Society 
matemelle a pu suffire, sans trop s'engager, k de telles charges. 
Fondations perp^tuelles ou simples, fondations de berceaux 
(que ne les multiplie-t-on pas davantagel), souscriptions an- 
nuelles, dons en argent ou en nature, representations thd4- 
trales, ventes, etc., tout est venu en aide i\ ces vaillantes 
femmes, dont les convictions contagieuses ont fait merveille. 
Eu (^gard k la beauts de ToBuvre entreprise, les d^penses ne 
paraissent m6me pas excessives: car enfin, de quoi s'agit-il? 
D'une creche module, d'un type absolument nouveau en France, 
ou tous les progrfes de Thygi^ne infantile, tons les perfectionne- 
ments d'installation, toutes les applications pratiques de la 
m^decine modeme ont pris place, et ont 6t(5 exig^s. Songe- 
t-on bien k ce que coAterait un pareil nombre d^enfants malades 
dans les h6pitaux, dans les asiles, ou m6me chez les pauvres 
gens qu'il faudrait secourir? Se rend-on bien compte des ^co- 



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JJp.nrr^-^'T'-^' - 



LA POUPONNlfeRE DE PORCHEFONTAINE. 81 

nomies que permettraient de faire dans le budget de TAssis- 
tance publique les mesures preventives qu'on veut appliquer ? 
ce que la preservation des enfants sains k leur naissance retran- 
cherait des d^penses qu'il faut faire pour les tuberculeux, les 
scrofuleux, les rachitiques, les aveugles et les iniirmes de toute 
sorte, qui n'ont ete, le plus souvent, que des enfants mal soi- 
gnis? On pent affirmer hardiment que tout ce qu'on creera, a 
rinstar de la Pouponni^re, pour conserver et fortifier la pre- 
miere enfance, reduira dans des proportions inattendues le 
budget public de la maladie, de Tinfirmite et de la mis^re ! 
C'est une operation arithmetique qu'on pent recommander aux 
gouvernants. 

Le Conseil municipal de Paris, qui a t^moigne ses sympa- 
thies k la f^ouponnifere de Porchefontaine, ne pourrait-il mul- 
tiplier ce type tout autour de Paris, pour la plus grande satis- 
faction de toute une classe interessante de femmes laborieuses ? 
Mais il faudrait propager partout, en France, les nourrice- 
ries modules, les creches internes, les pensionnats de nouveau- 
nes, dansle voisinage de toutes les grandes villes, m^me dans 
les campagnes, partout od Ton voudra combattre Tinfluence 
nefaste des nourrices libres etleur reprendreles enfants qu'elles 
tuent. 

Et pourquoi les medecins de campagne eux-m6mcs, ceux 
qui ont mince clientele, ne prendraient-ils pas un interet direct 
k ces creations? Pourquoi, dans des regions saincs, ou le ter- 
rain scrait k bon marche, la bfttisse economique, le bon lait 
moins coiiteux, n'etabliraient-ils pas, sous leur surveillance et 
m^me a leur profit, comme on fait pour certaines maisons de 
sante, de ces creches internes payantes, dont ils choisiraient 
avee soin les nourrices, oil ils appliqueraient la nouvelle hy- 
^ene des enfants, non pas sur une trop grande eehelle, de peur 
d'abus, mais en faveur de groupes privilegies de nourrissons 
confies k leur vigilance et k leur savoir? Le type existe desor- 
mais. On aurait des hospices d'enfants sains et valides, — le 
terme est i creer ; — on y entrerait parce qu'on so porte bien ; 
on en sortirait sans avoir ete malade : combien une telle nou- 
veauie serait populaire ! Les m6decins, mattres chez oux, peres 



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88 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

nourriciers eux-m^mes en quelque sorte, auraient sur Thygidnc 
de Tenfance une action qu'ils n'ont pas chez les nourrice^ dis- 
pers6es dans les villages ; on les y appelle trop tard, on ne leur 
ob6it pas, on ne croit pas en eux. Mais les r^sultats obtenus 
dans leur ^tablissement frapperaient vite Tattention, et tout se 
ressentirait au dehors de Texemple qu'ils auraient donn6. Quel- 
ques-uns ont commence et Tidde pourrait 6tre f^conde. 

Pour toutes ces mesures, il faut se h&tcr. La mortality des 
enfants du premier 4ge est IJi, toujours menaoante ! Nous lais- 
serons-nous pr^venir et distancer, cette fois encore, par les 
pays strangers? Non seulement la Belgique, la Hollande, TAu- 
triche, TAm^rique m6me, preoccupies de cette grande question 
de rhygi^ne et de la preservation de Tenfance, ont envoy6 des 
deieguis pour etudier Tetablissement de Porchefontaine et crier 
sur ce module des maisons similaires ; mais Tenquite k laquelle 
on se livre dans toute TEurope foumit k la question des docu- 
ments inattendus. 

11 faut lire, sur ce sujet, le rapport |si intiressant et si sub- 
stantiel public, sous le litre modeste de Notes par M. le D*" Henri 
de Rothschild, chargi d'une mission Ji Vienne, k Berlin, i Buda- 
pest, Ji Saint-Pitersbourg, a Moscou. Les immenses et d6ja an- 
ciennes institutions qui prosp^rent dans cette derniire ville, 
au profit de VEnfance malheureiise {et dish^ritee), pour emprun- 
ter k M. Paul Strauss le litre de son beau livre, sont un aver- 
tissement pour la France, en m6me temps qu'un exemple. Que 
la Pouponni^re de Porchefontaine soit, en quelque sorte, la 
maison m5re des nourriceries de demain, et que le sidcle qui 
va commencer bientdt en prisente partout les exemplaires, 
avec cette simple devise de la Pouponniire de Porchefontaine, 
dont Roty a fait un chef-d'ceuvre : « Maternity. » 

LE DOCTEUH X... 



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LES ORIGINES 

DE 

L'INSTITUTION DES CAISSES D'fiPARGNE ^'^ 



L'insiitution des Caisses d'^pargne doit son id^e premiere k 
un Frangais, Hugues Delestre, « Docteur bs Droits, conseiller 
du Roy », Lieutenant-civil au si^ge royal de Langres, en 1610 : 
elle ne fiit mise en oeuvre qu*en 1778, dans la Ville libre de 
Hambourg, d'od elle se propagea d'abord dans quelqiies villes 
d'Allemagne, de Suisse et de Grande-Bretagne ; elle re^ut sa 
premiere incorporation legale en 1816 (13 d6cembre) Ji Boston, 
Massachusetts, iStats-Unis d'Am^rique, et sa premiere loi or- 
ganique en 1817 (l**" aoAt) en Angleterre, et dans cette forme 
elle s acclimata bicntAt dans la plupart des Etats du monde ci- 
vilise ; enfin elle prit un nouvel organisme, le plus simple, le 
plus commode pour le peuple, le plus sAr, par Facte du par- 
lement britannique du 17 mai 1861, qui a cr^^ la Post office 
Savings Bank, la Caisse d'^pargne postale, aujourd'hui ^tablie 
dans vingt-cinq Etats d'Europe, d'Afrique, d'Am^rique, d'Asie 
et d'Australasie. 

La Caisse d'^pargne a 6t6 compl6t6e dans ces derni^res anndes 
par rinstitution des Caisses d'dpargne scolaires, branche auxi- 
liairede r6ducation,6cole d'apprentissage dconomique et moral 
pour les futurs ouvriers ; et par des services annexes tels que les 
Bureaux d'dpargnedes manufactures, de Tarmde et de la flotte. 

L'institution des Caisses d'dpargne est aujourd'hui, surtout 
par ses progr^s depuis vingt ans, Tinstitution populaire la plus 
rdpandue dans le monde civilisd, et la plus importante par le 

1^1) Ce travail forme le premier chapitre de VHistoit'e gin^rale des Caisses 
tf^pargne, dont j'ai r6uni les 616ments depuis plusieurs ann^es au cours de mes 
missions et voyages d*6tude; j'en ai lu un extrait h rAcad6mie des sciences 
morales et politiques. M. 



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90 REVUE PHILANTHROPIQIE. 

nombre des clients qu'elle sert et les sommes qu'elle sauve, Uu 
grand avantage de la morali'16 et du bien-6tre de plusieurs mil- 
lions de modestes travailleurs et de leurs families. Les peuples 
d'Europe et les fitats-Unis comptent aujourd'hui trente-trois 
millions de d^posants dans leurs Caisses d'^pargne, et un 
stock d'^pargnes populaires en d6pdt de plus de vingt et un 
milliards de francs, dont 8357938 d^posants et 3800 millions 
de francs dans le.Royaume-Uni ; et une clientele et un stock 
assez equivalents en France. 

Le livre de 1610 oil nous avons trouv^ Tid^e premiere d'une 
Caisse publique pour recevoir, garder et faire valoir sous la 
meilleure garantie possible les menues opargnes du peuple, est 
un ouvrage des plus curieux : il n'y a point Ik une simple id^e^ 
lanc^e au hasard et en termes vagues; mais Tinstitution y est 
parfaitement dSfinie dans son caractfere, et formulae avec pre- 
cision dans tons ses details administratifs, h ce point que Ton 
croirait lire I'expos^ des motifs et le rfeglement d'une des lois 
brganiques ^dict^es en notre sifecle sur cette mati6rc. Et Ton 
serait port6 k penser que ce livre n'a pas ^t^ ignord de ceux 
qui ont fait, sur les Caisses d*6pargne, le premier r^glement 
en 1778 k Hambourg, et la premifere loi organique en 1817 en 
Angleterre. 

L'ouvrage de Hugues Delestre a 6t6 tellement oublid en 
France durant deux si^^cles et demi qu'il n'est mentionnd dans 
aucun catalogue imprim^ de librairie ou de biblioth^ue en 
France. C'est pendant une de nos missions scientiiiques et ad- 
ministratives, qu'il nous fut signals, en 1867, en Angleterre, 
par un membre du Parlement, lord Derby ; un de ses amis poss6- 
dait un exemplaire de cet ouvrage, probablemcnt achetd k Paris 
pendant la Revolution dans la vente de quelques fonds de livres 
d'anciens convents ou chateaux. 

Le titre porte : 

Le premier Plant (sic) du Mont de Piet6 francois, consacr^ k Dieu, pn'- 
sente k la Heine R^gente (Marie de M^dicis) ra6re du Roy et du Royaume, 

Par Hugues Delestre, Docteur ^s Droicls, conseillerde Sa Majesty, lieu- 
tenant-civil en son sikfie royal de Langres. 

II y a deux avant-propos, Fun a M*^*" rHl'"'™' et Rever"'"'' Cardinal hu 



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LES ORIGINES DES CAISSES D'fePARGNE. 91 

Perron, archey^qne de Sens, Grand-Aalmosnier de France, Tautre a M'"" le 
chancelier de France Messire Nicolas Brulart Sieur de Sillery,'etCM etc. 
Pittas ad omnia utilis est, promissionem habens kujuB vitae et fUturw, 

D. Paulus. 
h Paris, chez Jean Laquehay, imprimeur, rue Judas. 

MDCXI. 
avec privilege de Sa Majesty. 

Le privilfege, imprim6 a la fin du volume, contient les pas- 
sagos suivants, qui rappellenl les hautes missions et charges de 
H. Delestre sous les r^gnes pr6c6dents : 

Par le tires patentes en datte du 20 septembre i610, sign^es par le Roy 
en son Conseil, plus bas Gombaud, et scellees du grand seel en cire jaune, 
Sa Majesty... exhorte et invite Fautbeur de ce traits k mettre par escript 
et en Inmi^re ce qu'il pourra au bien public, bonneur et c^l^brit^ de la na- 
tion Francoise : De quoi Sadite Majesty a bien voulu prendre confiance en 
loy recogneu, par plusiears belles commissions et charges tant deans que 
dehors ce royaume ildMement acquict^es au contentement des Rois defuncts, 
de tr^s-beureose m^moire... Pour ces causes lui ayant accords... 

C'est un fort volume in-4^, de 1 140 pages, bourr^ de cita- 
tions latines, grecques, h^bra'iques m^me, suivant la mode du 
temps, mais d'oii Ton pent extraire une centaine de pages mar- 
quees au meilleur coin du l^gislateur le plus haut de vues, et 
de Tadministrateur le plus ing^nieux et le plus pratique. 

Voici, pour la question des Caisses d'^pargne, quelques 
passages, dontil faut bien se rappeler la date, 1610, car oncroi- 
rait, sauf le style, le livre ^crit d'hier. 

Hugues Delestre propose « le plant d'une Caisse oil un ser- 
viteur ou servante, et tout autre mercenaire qui loue et en- 
gage son labeur par an ou k journ^es (parce que le dire du 
vulgaire est justement pris(5 du jurisconsulte : fragilem esse 
sine peculio pecuniam), s'il veut se servir de la garde du 
Mont, Icelui sera tenu recevoir Targent qu'il lui apportera, 
quand mesme il ne viendrait pas de son travail mercenaire, 
ains de la vente de quelque bien ou d'autre part. Le lui rendra, 
quand il en aura affaire et le redemandera soit le tout en partie 
k sa commodity. Et si encore, lui fera present, h proportion de 
temps qu'il aura us6 de ses deniers, d autant qu'iis lui eussent 
pu raporter, h raison du denier dix sept (5,88 p. 100), d6falquant 



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92 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

seulement le cours d'une huitaine pour les employer, et iine 
autre afin de les retirer et apprester avec plus de commodity. » 

\oilk bien nos regies actuelles, indiqu^es jusque dans les 
details administratifs, jusque dans les dispositions de tr^sorerie 
relatives h Tint^r^t, qui ne commence h courir que quelques 
jours aprfes le d^p6t, et qui cesse quelques jours avant le rem- 
boursement, afin que Tint^rfit porte exactement sur la dur6e 
du temps ou le ddp6t est en placement fructueux. 

En outre des motifs que donne Delestre de cette institution, 
et qui sont les motifs m^mes de T institution actuelle de nos 
Caisses d'^pargne, il en est un assez impr^vu pour nous, mais 
qui parait fort ancien, car le savant conseiller royal invoque 
Tautorit^ de Plalon ; c'est que : « le Mont offrant au serviteur ou 
gagne-joum6e le moyen d'assurer la garde de son petit gain avec 
commodity et avantages de restitution el profit; les maitres 
manqueront de tout pr^texte pour refuser ou delayer (retarder) 
le payement des salaires. » 

11 parait qu'au xvn*^ sifecle en France, certains maitres rete- 
naient les salaires dus, en all^guant que leurs serviteurs ne 
sauraient pas conserver leur argent pour Tappliquer h des be- 
soins utiles et qu'ils le gaspilleraient. C'^lait la pr^voyance 
forc^e k regard des mercenaires, et souvent aussi un calcul de 
la part des maitres. A ces deux points de vue, Delestre con- 
damne avec raison cette pratique: il veut Taffranchissement 
du salaire gagn^ ; il professe aussi que la pr^voyance doit ^tre 
libre, et que par \k seulement elle a toute sa valeur,qui est de 
sauver Targent du mercenaire, du plus modesle Iravailleur, et 
en m^me temps de fortifier la verlu de Thomme en Thabituant 
k r^sister aux mauvaises d^penses par sa propre volenti, dans 
une pens^e de sage pr6voyance. 

A une ^poque oil les ^tablissements de banque sont encore 
rares et incertains, Delestre propose « d'utiliser le Mont pour 
d^p6ts volontaires de quiconque », et « que Tint^rfet servi k ces 
d^p6ts soit seulement le trenti&me denier (3,33 p. 100), c'est-i- 
dire moindre que Tint^r^t servi aux d^p6ts des mercenaires ». 
Et cette difi'^rence d'int6r6t est aujourd'hui aussi ^tablie dans 
certaines Caisses d'^pargne d'Autriche, dltalie et d'Am^rique, 



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w^^-^-tT'-f^'- 



LES ORIGINES DBS CAISSES D'fePARGNE. 93 

oik Ton admet les d^p6ts sans autre limitation qu'un maximum 
assez 6ley6, ddtermin^ de temps en temps, suivant les circon- 
stanccs, par Tadministration de la Caisse. 

a Et ne doubte aucunement, dit Delestre, que maints sei- 
gneurs, ambassadeurs, p^lerins, voyageurs et gents de guerre 
qui aux bonnes occasions s'absentent de leurs maisons ; encores 
plusieurs qui amassent de Targent, k certain effect qu'ils pro- 
jettent de loin, mesme pour acheler quelque terre, fes coffres 
desquels ce qu'ils ont dfjk croupit inutile, sujet h des larcins 
industrieux comme k de violents efforts, ne fassent volontiers 
UD pur, simple et naturel d^post, sous la foi de ce Mont duquel 
ie mur sera d'airain; il n'y a buffet si certain pour la certitude 
de ravoir k sa bonne heure ce que Ton aura d^posd, ou telle 
pari que Ton en demandera, argent qui ne puisse ^tre d^roqu^ 
parsaisie quelquonque. » 

Voilk bien en termes precis et ^tonnamment 6nergiques la 
sAret^ et le secret de nos d6p6ts d'^pargne actuels, et aussi le 
caract^re de valeur insaisissable, reconnu aujourd*hui k ces 
d^p6ts par plusieurs legislations d'Europe et d'Am^rique. 

Seulement aujourd'hui, nos Caisses d'^pargne les mieux en- 
tendues pour Tespiit et le but de Tinstitution, et les plus sage- 
ment r^l^es, ont laiss^ k Tindustrie priv^e, fort bien oulill^e 
en ^tablissements de banque, les d^pftts d'une certaine impor- 
tance; et cela forme aujourd'hui toute une classe de banques, 
dites societ^s de dep6ts en comptes courants, exploit^es par des 
soci6t6s d'actionnaires qui recherchent dans ces operations des- 
benefices; pendant que les depdts des menues epargnes du 
peuple sont seuls rcQus, gardes et geres par des administrations 
gratuites, qui n'ont en vue que le pur interet des epargnants. 

Ainsi, les personnes aisees, capables de discemer et de 
contr6ler un bon etablissement de dep6ts, sont servies par 
les banques privees; et les modestes travailleurs, la plupart 
ignorants et peu aptes k reconnaltre un lieu de toute silrete, 
placent leurs petites economies dans les Caisses d'epargne : 
service d'utilite populaire, qui ne recherche aucun avan- 
tage que Tinterfet des deposants et qui procure la garantie la 
plus haute possible, la plus evidente, celle de TEtat; car la 



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94 REVLE PHILAMUROPIQUE. 

stirel^y tel est le mot fondamental de nos Caisses d'^pargne. 

Et il est fort curieux de lire dans I'ouvrage de Delestre le 
chapitre vi, justement intitule : Les Seurtfs (les sftret^s), ou cet 
habile administrateur organise « les sept seigneurs notables et 
du plus haut rang, qui dirigent le Mont sous leur garantie 
personnelle et sous la garantie du Roy; les baillis-semainiers, 
qui president par semaine a toutes les operations ; les employes, 
qui donnent caution et pen vent 6tre condamn^s a payer quatre 
fois loute somme deiourn^e; les assemblies annuelles oii se 
fait le compte ((inancier et moral) ; les placements des fonds en 
valeurs de la Ville et autres de toutes seuret6s ». 

(]c chapitre, de cinquante-huit pages, malgr^ le fatras de 
citations bizarres, met en puissante Evidence le grand principe 
souverain des Caisses d'^pargnc, la siiret6. 

Hugues Delestre, dans son Plant, qui semble la vraie p^pi- 
nifere de toutes les institutions economiques dont se glorifie 
notre sifecle, propose aussi une caisse des retraites : « Le Mont 
recevrade Targent dont il paiera une rente viagfere au denier 
vingt-sept(3,70 p. 100). » Et dans ce chapitre, on croit lire un ex- 
pos6des motifs et m^mele dispositif des lois modernes anglaises, 
beiges et frauQaises, qui ont organis6 les annuit^s populaires, 
les petites assurances apr^s d^c^s et les retraites populaires 
pour la yieillesse, h c6td et au moyen des Caisses d'^pargne. 

On trouve vraiment dans cet ouvrage dat6del610rid6eetle 
plan de laplupart des institutions d'assislance, de prevoyance et 
m6me d'^ducation, populaires, que nous avons coutume de regar- 
dercommedes ceuvres toutes moderjics, contemporaines : Tassu- 
ranee pour les secoursdemaladie,pourlesfunerailles,ra3sistance 
judiciaire, le patronage de jeunes apprentis,etc. Et tout cela est 
trait6 h. la fois par un administrateur pr6cis dans les details les 
plus intimes d'organisation, de fonctionnement etde contrdle, 
aussi bien que par un homme d'Etat aux vues les plus ^lev^es. 

Ainsi, par exemple, Delestre formule excellemment ce prin- 
cipe moderne de la science administrative, la separation des 
ordonnateurs et des comptables : « Ceux qui manient Targcnt 
n'ordonnent rien, ceux qui ordonnent nc touchent h rien. » 

Et dans un autre passage, il dtablit, avec les vues d'un 



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LES ORUaXES DES GAISSES D'tPARGNE. 95 

homme de g6nie social, cette distinction, qui ne sera bien admise 
dans le monde civilis^ que plus de deux si^cles apr^s, k savoir: 
que les masses populaires se composent de deux ordres de 
personnes tr^s diff^rents, et qu'il faut consid<5rer et trailer par 
des institutions de caract^re tout different : 1° les pauvres 
(orphelins, malades, in(irmes et vieillards sans ressource), 
individus tombds, que la charity publique ou priv^e a charge 
de soutenir; 2° d'autre part, la classe bien plus nofnbreuse des 
modestes travailleurs, des mercenaires^ dit Delestre, des tra- 
vailleurs qui se tiennent debout et qui ne demandent qu'un peu 
d'aide, aide purement morale et ^conomique, non charitable : 
distinction fondamentale des institutions modernes, que nous 
avons un jour exprim^e ainsi, dans un discours prononc^ k la 
Sorbonne en 1867 sur les institutions de pr^voyance et les insti- 
tutions d'assistance, ce qui fut not^ dans la presse et ailleurs 
comme un point de vue qu'on croyait nouveau : A rindigent, 
Fassistance charitable; a fouvrier, faide economigne; distinc- 
tion que le roi Henri IV semblait pressentir, quand il parlait 
aux paysans, non comme k des pauvres, mais comme k des 
travailleurs qu'il voulait aider k amdliorer leur sort, qu*il 
voulait mettre ainsi en ^tat, par eux-m6mes, d'avoir poule au 
pot le dimanche ; — distinction mdconnue en Europe pendant 
plus de deux si^cles; car les esprits les plus ^lev6s de la Revo- 
lution fran^aise (sauf Mirabeau peut-^tre, dont nous aurons k rap- 
peler ci-apr^s les hautes vues de progrfes sociaux), tons nos 
l^gislateurs de cette 6poque de liberation socialo et d aspira- 
tions d6mocratiques, confondirent dans leurs projets de lois 
ou d'institutions toutes les classes populaires, ouvriers el indi- 
gents, dans la classe des pauvres, et ils appliqu^rent k tons les 
membres des classes inf^rieures le mfime traitement, avilissant 
et funestc aux vaillants travailleurs. 

Comment done a-t-il pu se faire que cette onuvre de Ungues 
Delestre soit rest^e lettre morte? Comment s'est 6vanouie dans 
Ic souvenir mdme des hommcs et pendant plus de deux si5cles 
eel admirable plan de r6formes et d*am6liorations socialesqui, 
^videmment n'dtait pas en 1610 Tinvention d'un seul homme 
d'etat, mais r^sumait sans doute les desiderata de plusieurs es- 



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96 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

prils d'6lite, en t6te desquels on pent ranger Henri IV et Sully? 

Get strange ph^nom^ne pent s'expliquer. Des grandes agita- 
tions, autani morales que politiques, qui marqu^rent la iin du 
xvi®si^cle,sortirent un bon nombred'hommesd'Etat]fortement 
tremp6s, \igoureux de pens^e et de ccBur, qui regardaient la 
soci^t^ d'une manifere assez nouvelle : le roi n*6tait pas seule- 
ment le maitre de la nation, c*6tait aussi le pfere de la famille 
nationale, prot^geant, secourant et aidant ses enfants divers 
suivant leur condition et les circonstances. L'esprit d'analyse 
exp^rimentale avait ainsi pr^par^ les hommes d'Etat du r^gne 
d'Henri IV h traitor ce que nous appelons aujourd 'hu i les questions 
sociales, c'est-4-dire les moyens d'am^liorerle sort des diverses 
classes des membres de la famille fran<^ise. Si Henri IV avail 
v6cu sa vie normale, la France aurait vu, sous son inspiration, 
et avec le concours de ses compagnons et compares, nobles sei- 
gneurs et grands bourgeois, organiser toutes ces institutions 
qui auraient li^ les mercenaires aux notables, leurs fr^res ain^s, 
pour am^liorer, fortifier et grandir le peuple travailleur. Un tel 
r^gne, vraiment grand dans la civilisation du monde, aurait 
epargn6 h la France et h bien d'autres nations, de terribles 
secousses, pour le plus grand avantage du progrfes social. Mais 
Henri IV mort en 1610, le gouvernement, pour pr^s de deux 
si^xles, passa aux mains d'hommes d'etat qui ne voyaient dans 
un roi qu'un chef d'arm^e et un mattre de peuple, et qui dans 
ce mot peuple ne voulait m^me plus distinguer rien, et ne 
voyaient qu'une masse hit^rog^ne, od bourgeois, mercenaires 
et indigents resteraient confondus ; le roi, entour^ des seigneurs 
r^duits au rang de dociles vassaux, et au-dessous, tout le 
reste, le peuple, tel fut Fid^al de Richelieu, sous Louis XllI, et 
de leurs successeurs, Louis XIV et Louis XV. A peine aper^oit- 
on comme une lueur de bon sens social sous Louis XVI avec 
Turgot et Malesherbes, et avec Mirabeau. 

Henri IV fut le dernier roi dont le peuple ait port6 le deuil; 
quand Richelieu et Louis XIII, Louis XIV et Louis XV mou- 
rurent, ce fut chaque fois pour la nation comme une d^Iivrance. 

U suffit k Louis XVI de montrer son souci dans les ques- 
tions sociales pour m^riter une bienvenue dans tons les coeurs, 



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LES ORIGINES DES CAISSES D'fePARGNE. 97 

un salut populaire k son av^nement. En 1780, il cr^e une asso- 
ciation qui devait rechercher, faire connaitre et mettre en pra- 
tique tout ce qui pourrait concourir k soulager les besoins 
actuels du pauvre, et lui preparer des ressources pour Tavenir. 
C'^tait comme un sentiment de la n^cessit^ des r^formes sociales^ 
mais sans projets d6finis, eten confondant toujours le peuple 
travailleur dans la classe des pauvres. Cependant, les iddes 
d'6pargnes, de menues ^pargnes, de fructification des petites 
Economies, commencent k se d^gager de ces conceptions ob- 
scures : en 1787, on cr^e un « Bureau d'dconomie », et Feuchfere 
^tablit ensuite la « Chambre d'accumulation de capitaux et 
d'int^rfits composes ». Dans cette tendance aux sages progrfes, 
peut-6tre la France aurait-elle pris sa bonne voie, siMirabeau, 
moins d^ri^ par son pass^ et par ses mceurs, mieux comprisdu 
roi et des plus clairvoyants parmi les puissants du jour, avait pu 
prendre sa digne place, celle de premier. ministre, leader de 
cette Assembl^e natibnale qui, le 3 avril 1791, d^cr^tait les 
honneurs du Pantheon k T^loquent orateur, « k Thomme d'etat 
capable de r6g6n6rer Tempire ». 

Mirabeau, en eflfet, ne fut pas seulement un violent r^volu- 
tionnaire, un terrible riJvolt^ centre les abus de tous les despo- 
tismes : dans les derni^res ann^es de sa vie, on Tentendit ap- 
porter k la tribune des paroles de veritable horn me d'etat, des 
pens^es et des projets d'organisation sociale, comme dans cette 
stance du 3 mars 1791, un mois avant sa mort, quand, k propos; 
de r^tablissement dc la Tontine viag^re et d amortissement 
dite Caisse LafargCy il pronon^a ce discours digne du plus sa- 
vant ^conomiste, du plus sage r6formateur, sur Tam^lioration 
morale etmat^rielle du peuple par les ^tablissements d'^pargne 
et de prdvoyance: 

w Je voudrais que M. Lafarge eilt appel^ aussi son projet 
Caisse des ipargnes. Partout le peuple est k portde de faire quel- 
ques ^pargnes; mais il n'a nuUe part la possibility de les faire 
fructi&er. L'esprit d'^conomie 6tait done presque impossible 
dans le peuple ; il n'en sera pas de m^me quand une caisse des 
^pargnes aura r6alis6 les vceux des bons citoyens. 

« En vous parlant des avantages de Tesprit d*6conomie, 

RIVUE PBILAICTBROPIQUE. ~ 11. 7 



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98 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

comment passer sous silence les bonnes mceurs qui on sont lo 
premier bienfait? La pauvret^ se concilie avec toutes les vcrtus^ 
mais kla pauvret^ succfede Tindigence, la mendicity, et combien 
cet 6tat cruel n'est-il pas voisin de la plus dangereuse corrup- 
tion ? Tout se tient dans Tordre moral. Le travail est le pain 
nourricier des grandes nations ; I'^conomie, jointe au travail, 
ieur donne des moeurs ^ les fruits de cette Economic lesrendent 
heureuses. Etn'est-ce point \k le but de toutes les lois? 

« L'esprit d'^conomie double le travail, parce qu'il en fail 
mieux sentir le prix; il augmente les forces avec le courage. » 

Ainsi parlait Mirabeau^qui, un mois apr5s ce discours, mou- 
rait k V&ge de quarante-deuxans, ayant d6ja bien m6rit^ de son 
pays, et si bien que,le lendemain de sa mort, La Rochefoucauld 
apporta h TAssembl^e nationale un vobu ou Ton parlait des 
« efforts de T^loquent orateur pour les meilleurs moyens de 
r^g^n^rer Tempire », et ou Ton faisait allusion « au deuil de la 
France et de Tunivers, quand la mort frappa cet Am^ricain il- 
lustre (Franklin), dont le nom rappelle k la fois tout cc que le 
g^nie a c< de plus vaste, la libertd de plus actif et la vertu de 
plus atiguste » . 

Avec Mirabeau, cette question sociale semble disparaitre 
sous les questions politiques, et pour longtemps. 

En vain, une loi du 19 mars 1793 indique, dans son article 
13, le projet d'une Caisse nationale de prdvoyance; en vain 
aussi, la loi du 24 pluvi6se an VIU, l''*''loi organique de la 
Banque de France, porte, article 5: 

« Les operations de la Banque de France consisteront... 
4** k ouvrir une Caisse de placements et d'dpargnes, dans la- 
quelle toute somme au-dessus de cinquante francs serait rcQue 
pour Stre rembours^e aux 6poques convenues. La Banque 
paiera Tint^rftt de ces sommes ; elle en fournira des reconnais- 
sances au porteur ou k ordre. » 

Comme il arrive trop souvent en France, il faut attendre 
que rid^e fran^ise de 1610 ait pris racine et port6 fruits k 
retranger, d'od elle nous reviendra, en institution organis^e et 
6prouv6e, en 1818. 

. A. DE MALARGK, 



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CLASSIFICATION DES DEFENSES 

DE L'ASSISTANCE PUBLIQUE DE PARIS 



L'administration de TAssistance publique dc Paris vient de 
faire paraitrc son projet de budget pour 1898. 

G'est un gros volume in-4® raisin de 186 pages, avec unc 
annexe de 92 pages. 

Les provisions de dOpenses s'61fevent k la somme de 
50877997 fr. 50. 

Ce chiflfre de 50 millions est souventcit6, et souventaussi on 
r^p^te que les services rendus ne r^pondent pas k Timportance 
de la somme. 

Cette assertion n'est pas en tons points exacte, par celte 
simple raison que les d^penses proprement dites d'assistance 
publique sont loin de s'^lever au chiffre de 50 millions. 

L'administration de T Assistance publique k Paris a pour 
mission desecourir, soit k domicile, soit dans les ^tablissements 
hospitaliers, trois categories de personnes : 1*» lesmalades; 2<* les 
vieillards et les infirmes;3'' les indigents et les ndcessiteux. 

Quant aux deux autres categories, les alien^s et les enfants as- 
sistOSy ils sont ft la charge du budget dOpartementai, et si I'admi- 
nistration de Tavenue Victoria paye certaines ddpenses pour ces 
services, elle en est rembours^e par le d6partement de la Seine. 
Nous allons done rechercher dans le budget de Tadministra- 
tion de TAs^istance publique quelles sommes sont respective- 
ment depensOes par elle pour chacune des trois categories de 
personnes qu'elle a mission de secourir, et, pour arriver ft d6- 
gager ces depenses, nous devons retrancher du total du budget 
une serie die sommes concernant des depenses etrangferes au 
service propre de Tadministration de TAssistance publique. 

Du total de 50877 997 fr. 50, il faut d'abord defalcjuer une 
somme de 560040i francs montant de depenses d'ordre ou de de- 



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too REVUE PIIILANTHROPIQUE. 

penses faites pour des services publics ou privfe et rembours^es 
par eux. On sait, en effet, que les magasins de TAssistance : 
Pharmacie, Boulangerie, Boucherie, Cave, Approvisionnementy 
Magasin central, vendent des medicaments, du pain, de la 
viande, du vin, des Idgumes, du linge, etc., h divers ^tablisse- 
ments de T^ltat, du D^partement, de la Ville, et Ji certaines in- 
stitutions privies, autoris^es k b6n6ficier des prix avantageux 
resultant d'achats par adjudication et des garanties de bonne 
quality dues au mode de reception de toutes les fournitures par 
des experts que d^signe la Chambre de commerce. 

Du total des d^penses, il faut aussi d^falquer une somme de 
4412439 francs concernant les capitaux ydoni le recouvrement 
implique le remploi, comme, par exemple, les prix devented*im- 
meubles consacr^s a Tachat de rentes sur rEtat.Ce sontlji trans- 
formations devaleursqu'il faut inscrire enrecette etend^pense. 

II faut encore d6falquer une d^pense de 2 343 220 francs, 
correspondant ft une recette %ale, et concernant les services a 
revenus distincts (fondations Galignani, Rossini, Chardon- 
Lagache, etc.). Ces ^tablissements, cr^^s et entrelenusau moyen 
de rossources sp^ciales provenant de lib^ralit^s, sont dirig^s 
par Tadministration hospitali^re, mais leur destination ne pent 
6tre chang^e ; plusieurs d^entre eux sont affect^s li une cal6gorie 
toute particuli^red'infortunes, et ne viennent qu*indirectement 
en aide ft TAssistance publique. Quelques-unes mdme de ces 
fondations ne sont pas destinies aux Parisiens : ainsi, les ma- 
ternity etablies ft Roubaix, ft Mont-Saint- Agnan, a Chalon-sur- 
Sa6ne, en execution des volont^s de M"' Boucicaut. 

II faut enfin d^falquer une somme de 3 350 7G2 francs pour 
des d^penses qui ne concement point des services d assistance 
ft la charge de Tad ministration de I'avenue Victoria, et qui cor- 
respondent d'ailleurs ft des recettes, savoir : 

1 610500 francs pour les ali^n^s des quartiers de Bic6tre et 
de la Salpfitri^re ; 

156 160 francs pour les enfants assist^s de Thospice de la rue 
Dcnfert-Rochereau et de V6cole de r^forme de la Salpfetrifere; 
137 700 francs pour le personnel de la division des Enfants- 
Assislds; 



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DfePENSES DE L'ASSISTAXCE PUBLIQUE DE PARIS. iOl 

591 000 francs pour secours en vue de pr6venir les aban- 
dons d'enfants. 

Ces sommes sont rembours^es k Fadministration de FAssis- 
tance publique, les trois premieres par le D^partement de la 
Seine, et la quatrifeme par la Ville de Paris. 

D'autre part, en vertu de dispositions testamentaires, Tad- 
ministration est obligee de verser 333 375 francs k des cur^s, k 
des tr^soriers de fabriques, a des consistoires Israelites ou pro- 
testants, et 252027 francs pour rentes, fondations, pensions, 
Int^r^ts de capitaux. 

Enfin les exploitations (cultures, vacheries, cantines) entrai- 
nent une d^pense de 270000 francs. 

En cons^uence, si du total du budget, soit 50877977 fr. 50 
on relranche : 

Pour services li revenus dislinclfl. . . . 2343220 \ 

Pour operations d'onlre ii 600 404 i AK^(ifiQ9K f 

Pour capitaux 4412439 I 

Pour divers 3350762 ) 

II ne reste plus que 35171 172 fr. 50 pour les services k la 
chaise de I'administration de TAssistance publique, et pour les 
Bureaux de bienfaisance. 

Cctte somme se decompose ainsi : 

l«»Malades 17470023 

2» Vieillards et inflrmes 7609634 

3« Indigents et n^cessiteux 6380725,50 

31460382,50 

4« D^penses diverses 3710700 

Total ^gal 35171172,50 

1** Malades. 

Les 13162 lits d*h6pitaux entralnent une d^pense de . . 15608704 

Le traitement des malades & domicile coiite 1295030 

Pour les accouchements chez les sages-femraes de la ville, 

on pr^voit une d^pense de 446289 

L^ann^e demi^re, le Conseil municipal a inaugur^ le se- 
cours repr^sentatif du s^jour k rhdpital, pour lequel 

on a inscrit un credit do 100000 

EnQn, aux vaccinalions k domicile, on consacre une 

somme de 20000 

Total 17470023 



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102 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

Le nombre des lits affect^s au traitement des malades scrait 
suffisant, si les hdpitaux n'^taient pas encombr^s de Yieillards 
et d'infirmes, qui, faute de place, ne peuvent 6tre transport's 
dans les hospices. 

2* Vieillards et Infirmes, 

Les 10757 lits que renferment les hospices et maisons de 
retraite k la charge de I'admiDistration occasionnent 

une d^pense de 6072034 

II a ^t^ CT^€ 4088 secours de 360 francs par an, repr^sen- 

tatifsdu s^jour ^Thospice, d'ou une d^pensede . . • 1472000 
^administration de T Assistance puhliqae paye la pension 
d'uQ certain nomhre d'enfants assist^s majeurs et in- 

firmes; le credit est de 65000 

Total 7609634 

C'est surtout les lits d'hospice qui font d'faut, et les secours 
repr'sentatifs ne peuvent supplier au manque de lits, car 
nombre de vieillards, sans famille, ou atteints de graves infir- 
mifs, ne peuvent vivre avec la pension annuelle de 360 francs 
et doivent de toute n'cessit^ 6tre hospitalises. 

3** Indigents et N^cessiteax. 

Les Bureaux de bienfaisance disposent, pour secours an- 

nuels aux indigents, d'une somme de 3867424 

Pour secours temporaires aux n^cessiteux, d'une somme de 2 321 266 

D'autre part, il est d^pens^ pour secours divers 192035,50 

Total 6380725,50 

Le credit de 1 92 035 fr. 50 est affects aux ddpenses suivantes : 

Secours par le pr^fet . 30000 

Secours par le Directeur de TAssistance * 73000 

Secours de route 30000 

Allocations aux fondations Tisserand et Damet. . 20000 

Allocations aux asiles de convalescence d'enfants. 30 000 

Loyer du dispensaire du X\* arrondissement . . 2035,50 

Frais de recensement de la population iiidigente. 7000 

Avec le credit de 3 867 424 francs pour secours aux indigents, 

on pent allouer : 

4000 secours de 20 francs par mois. 

8000 secours de 10 francs par mois. 

2604 secours de 8 francs par mois. 

32284 secours de 4 francs par mois. 



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DEFENSES DE LASSISTANCE PUBLIQUE DE PARIS. 103 

et en plus, une somme de 100000 francs k r^partir entre les 
46 888 indigents, k Toccasion de la F6te Nationale du 14 juillet. 
Le secours de 4 francs par mois ne permet pas de vivre k 
des personnes sans ressources ei presque incapables de travailler . 
Aussi, sur le credit de 2 321 266 francs affects aux n^cessiteux, 
il faut pr^lever une large part pour secours extraordinaires aux 
indigents. II en r^sulte que les sommes dont disposent les Bu- 
reaux de bienfaisance pour secours d'urgence sont absolument 
insuffisantes. 

4® D^penses diver ses. 

Nous rangeons sous cette rubrique les d^penses qui ne se 
rapportent pas imm^diatement aux malades, aux vieillards et 
infirmes, aux indigents et n6cessiteux. 

Ces d^penses s'61fevent k la somme de 3 710 790 francs, savoir : 

Personnel administratif 715900 

Agence des travaux de b&timenl 104200 

D^penses d'impressions, de poste, de frais d'ad- 

judication 185120 

Frais de cours et de concours 42500 

Allocations k des veuves de m^decins 10000 

Expenses d*entretien de TAdministration centraie. 121310 

Total 1179030 

Pensions de retraite et de repos du personnel 

administratif etdu personnel secondaire. . 697200 
Frais de perception du droit des pauvres, de ges- 
tion domaniale, de contributions, et frais 

d'acte et de procedure 460400 

Depenses de personnel et de materiel des Bu- 
reaux de bienfaisance 755825 

Depenses de personnel et de materiel des ^ta- 

blissements de service general 618335 

Total 3710790 

En r^sum^, pout venir en aide aux trois categories de per- 
sonnes a secourir dont elle a la charge, Tadministration de 
TAssistance publique k Paris ne dispose que d'une somme de 
35308872 fr. 50. Nous sommes ainsi loin du chiffre budg^taire 
de 50 millions, et la somme de 35 millions parait bien modeste, 
en regard du chiffre de la population de Paris. 



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VARIETES 



Inaaguration de F Asile temporaire pour les enfants 
dont les mires sont k Thftpital. 

Le 28 octobre dernier, V Asile temporaire pour les enfants dant les mires 
sont d rhdpital a ^t^ inaugur^ en presence de M. le President de la R^pu- 
bliqne. 

Une nombreuse assistance avait r^pondu k rinvitation de la commission 
de patronage. Je nommerai presque an hasard, — ne pouyant nommer 
tout le mondcy — d*abord, M*** Joles Siegfried, pr^sidente, et les membres 
da conseii d*administration ; M"« Frank Puaux, secretaire; M. Oit, tr^ 
sorier; M"^«* Engine Scherer, Gustave Mirabaud, Permolet, MM. Pyrame 
Nayille et Bardac; puis, parmi les invites, MM. Charles Blanc, pr^fet de po- 
lice ; Peyron, directeur de TAssistance publique de la Seine ; Henri Monod, 
directeor de TAssistance publique; Th. Roussel, s^nateur; D' A. J. Martia; 
Bizot, maire du X1V« arrondissement (avec ses adjoints) ; prince d'Arenberg, 
depute; les conseillers municipaux du XIV*' arrondissement; le chef du 
cabinet du pr^fet de la Seine, Charles Goudchaux; M"^** de Selares, Char^ 
ras, L^vdque, Henri Monod, Suchard de Pressens^, de Coppet, Adolphe 
Puaux, Alfred Engel, Dolfus, Sigismond Bardac, etc., etc. 

L* Asile temporaire est une branche tr^s int^ressante de cette (Buvre 
touffue de la CKauss^edu Maine, doniy hi d^jd eu Toccasionde presenter une 
annexe aux lecteurs de la Revue (1). L'QEuvre de la Chauss^e du Maine 
a grandi par additions successives et par essais d'applicalion, au fur et k 
mesure des n^cessit^s. Elle n'est pas une creation de la raison pure ; et 
r« esprit de g6om6ine», je suppose, yaurapris peu de part; mais IV esprit 
de finesse » y a trouv^ quelques-unes de ses plus justes inspirations, — si 
Ton veut bien admettre qu'en s'appliquaut aux oeuvres du sentiment, 
Tesprit de finesse, k la fois, s'inspire de Texp^rieoce et 6maae de la 
bonte... 

L'CEuvre dela Chauss^edn Maine a^t^ fondle en 4871, par M*** Edmond 
de Pressens^, pour venir eii aide aux families des victimes de la Com- 
mune. Le quartier populaire dont elle a pris le nom foisonnait alors de 
toutes les rois^res qui tratnent k la queue des guerres civiles. Une des plus 
navrantes attesta, tout de suite, son urgence et ses besoins. Des m^res de 

(1) Y. les Colonies de vacances, n» du 10 juin. 



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VARlfiTfeS. 105 

famille, charg^es d'eniants, tombant malades, r^sistatent il la souffrance 
et se d^fendaient de l*h6pital, ^puisant leurs demi^res forces dans les 
soordes resistances d'une lutte silencieuse contre cette forme de I'Assis- 
tance sociale qai prend Jam^re, et, pour la gu^rir, jette les enfants k la 
me, k la piti^ du voisinage, ou k la charity publique e t ^ lliospitalite du 
D^pdt. D'un contact permanent avec ces soufTrances — et avec d'humbles 
h^roismesy 4mana presque imm^diatement Tid^e d*an asile temporaire 
pour les enfants dontles m^res devaient se rendre, et d^sormais n'h^si- 
teraient plus k se laisser soigner, r^conforter, guerir 4rb6pital... 

Gela fut tr^s simple au premier moment. La place manquait. Les fonds 
manquaient. Un actif d^fouement se tira d'affaire. J'ai pr^sent^ il y a 
quelques mois M"« Vieux (1) aux lecteurs de la Bevue. M"« Vieux dirigeait 
en ces ann^es de gen^se I'ouvroir, qui est le noyau autour duquel, par la 
suite, tout Tensemble des « OBUvres » s'agglom^ra. Eocourag^e par la fon- 
datrice (M*** de Pressens6), aid^e par les dames patronnesses de Toeuvre, 
M"* Vieux se multiplia. Elteprit sur ses nuits, demanda Taumdne, re^ut 
des b^b^; un beau jour (de Tann^e 1881), un petit dortoir se trouvait 
annex6 sans tapage k I'ouvroir (alors sita^ rue des Fourneaux). 

*< Notre petit asile est en pleiu soleil, disait M"^* de Pressens^ dans son 
compte rendu de Tann^e 1881-1882, bien a^r^, et comptera buit lits... » 
(Test le debut modeste d'une oeuvre qui ne s'en tiendra point aux derniers 
d^yeloppements realises. L'Asile temporaire est aujourd'bui un gracieux 
chalety dont Tarcbitecture delicate s'^rige au fond d'une large cour enso- 
leiliee. L'arcbilecle, M. Augustin Rey, s'est heureusement inspire de c< cet 
asile modeie que nous r^vions depuis si longtemps, dit un rapport de la 
Commission de patronage pr^sidee par M"^* Jules Siegfried;... notre rdve 
est devenu une r^alite. Un vaste et elegant bdtiment,... oil rien ne man- 
quera au point de vue de Tbygifene, s'elfeve... sur le beau terrain qui nous 
a ete concede parl'Assistance publique... » 

Le programme est rempli, rien ne manque, « au point de vue de Tby- 
giftoe ». Or, lliygiene, quand elle applique toutes ses lois, s'atteste par des 
raffinements, etdevient le luxe denossocietes democratiques. Ge luxebieu- 
faisant deploie toutes ses coquetteries, — toutes ses promesses de sante 
physique et morale, — dans les clairs dortoirs, dans la salle de bains, dans 
les salles de jeux, dans la salle k manger, et dans retinceiante cuisine 
de TAsile temporaire. Les petits bancs s*aiignent, pimpants sous ieur ver- 
nis neuf. Les petites tables sont dressees k Texacte bauteur ou Tenfant s'y 
pourra commodement installer. II y a des jouets pour les petits, un par- 
loir pour les meres; et le luxe des nettoyages n'est egaie que par le luxe 
des soins. — L'enfant qui, apr^s un sejour de quinze jours ou de six mois, 
peuimporte, sortira de ce palais des poupons pour rentrer k Tetroit logis 
ou s'entasse la famille ouvriere, Tenfant ne souffrira-t-il point par compa- 
raison, s'il est assez grand pour comparer; par privation, privation d'air, 
privation de bains, privation de lumi^re, privation de jeux dans Tespace et 
dans la clarte,8'il esttrop petit pour faire autre chose encore que de sentir? 

Peut-etre. 

(1) V. tocctl. 



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106 REVUE PHILAXTHROPIQUE. 

Mais ce n'est pourtant pas une raisoB, parce qae la privation doit ^tre 
subie, pour que la privation soit constitute eQ rfegle... Et, au surplus, il 
pent arriver ceci, que la mfere compare elle-m^me, el s'efforce, et appreone 
k Clever Tenfanl selon desm^thodes nouvelles, par la conception de nour 
veaux besoins et de moyens difT^rents. II arrivera ceci encore — ou il pour- 
rait arriver que Tenfant, d^j^ grand, capable de comparaison, revlnt de 
Tasile k la m6re avec le goCki et la nostalgie de la propret^, qui est le grand 
myst^rede Thygi^ne... Par 1&, TAsile temporaire de Tavenue Villemain(l) 
n'est pas seulement une tr^s belle oeuvre d'assistance sociale. II est une 
permanente le^on de cboses. II est le type sur lequel chaque region de 
Paris devrait Hre tent^e de calquer un 6tablissen>ent analoguei—quitte a en 
modifier le plan selon les aptitudes, les ressources et les besoins de la re- 
gion, — cela pour deux raisons : 

Premiere raison, toute de sentiment, si vous voulez, de justice peut-^tre, 
et d' (c assistance » veritable: assistance kla, femme qui soufTre; assistance 
k Tenfant, qui pdtirait; 

Denxi^me raison, d'int^rdt social bien entendu: il est utile k la soci^t^ 

que la femme du peuple regoive des soinsquand elle est matade; il est bon 

qu'elle accepte des soins, et qu'ellene se d^feude point de Thdpital; il est 

bon qu*elle se porte bien, et pour avoir des enfants, et pour soigner les en- 

fants qu'elle a; el il n'est pas moins utile et bon que Tenfanl ne soil pas 

neglige, mdme au profit de la m^re... Je d6die cette reflexion aux ap6tres 

de la campagne contre la « depopulation », el je me borne k rappeier, 

pour conclure, la conclusion de Tallocution prononc^e par M. le President 

de la R^publique k la c^r^monie du 28 octobre : « Mesdames, vous avez 

bien m^rit^ de la patrie ». 

DICK MAY. 

Voici les discours prononc^s par MM. Jules Siegfried et Pyrame Naville, 
au nom du conseil d*administralion : 



DISCOURS DE M. JULBS SIEGFRIED 

AU NOM DU COMSBIL d' ADM Ilf I8TRATI0N 

Monsieur le President, 

Le Conseil d'administration de Toeuvre que nous inaugurons aujour- 
d*hui, m'a charge de vous remercier du grand honneur que vous lui t^vez 
fail en acceptanl d'assister k cetle f6le. Cette journ6e est, en effet, une 
grande dale pour le comity de eel Asile qui veil se r^aliser ainsi un rSve 
qui estle digne couronnemenl de plusieurs ann^es de travaux et de per- 
se v^ran Is efforts. 

La premiere id^e d'un etablissemenl qui recevrail des enfants dont les 
meres sonl malades cbez elles ou k Thdpilal remonle k 1883. G'esl un 
contact journalier avec les femmes de la classe ouvriere qui en fit senlirla 
grande n^cessite. En elTel, dans un menage d'ouvriers laborieux, lorsque 

(1) Avenue Villemain, 39. — L'Asiie temporaire est ouvert aux enfants de tous 
les tulles. 



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VARlfeTES^ 101 

le pire et la m^re sont valides, Iput va bien encore, le travail permet de 
sobTenir aqxbesoins jouroaliers de I'existence, mais qa'une maladie grave 
arrive, maiadie qui force celui ou celle qui en est attaint a aller^ Th^pitaU 
que deviennent les enfants? Les m^decins des bureaux de bienfaisance 
sarent combien est dure k vaincre la resistance des m^res k se s^parer 
des leurs.C'est pour r^pondre k ces angoisses maternelles que quelques en- 
faats furent alors instali^s dans une salle du local de ToDuvre de la Chauss^e 
du Maine fondle au lendemain de la guerre et de la Commune par une de 
ces femmes decceur qui savent, si discrdtement et si noblement, soulager 
et partager les souffrances des bumbles et des petits. En nommant M*** de 
Pressens^, je ne puis m'emp^cber d'^voquer aussi Le souvenir de M. de 
Pressens^, ce r^publicain et ce patriole Eminent qui a consacr^ sa belle et 
forte intelligence et son Eloquence k la defense de toutes les causes nobles 
et g^n^reuses. L'exemple de ces deux vies toujours associ^es pour faire le 
bien a 6U, on pent le dire bien haut, une force et un puissant stimulant 
pour conlinuer la belle oeuvre de fraternity et de solidarity quils avaient 
entreprise avec quelques amis en 1871. 

L'Asile Temporaire de la Ghauss6e du Maine, install^ tr^s modestement, 
rencontra d^s la premiere beure les plus vives sympatbies. Les quelques 
lits dont on disposait ^taient toujours insuffisants. 11 faut dire qu'en fran- 
chissant le seul de I'Asile, les enfants quittaient leurs parents pour retrou- 
ver une vraie m^re en la personne de la directrice, M"* Vieux, que le 
Comit6 est bien beureux aujourd'hui de voir k la tdte de cet ^tablisse- 
ment module. 

En presence des grands services rendus par cette oeuvre k la classe 
ouvri^re, le comity de TAsile d^cida la construction du nouveau et vaste 
local actuel, ^difl^sur ce magniOque emplacement concede g^n^reusement 
par TAssistance publique de Paris. Tout ii Theure, monsieur le President, le 
Gonseil d'administration aura rhonneur de vous faire parcourirce bel asile. 
Vous pourrez juger par vous-mdme de son parfait am^nagement et vous 
fi§liciterez, nous n'endoutons pas, le jeune et intelligent arcbitecte, M. Au- 
gustin Rey, qui a su allier k un sens pratique tr^s modeme un style plein 
de gaiety et de po^sie. Les gens du quartier, m'a-t-on dit, ont surnomm^ 
cet asile « la villa des enfants », c'est un nom vraiment bien tronv^ pour 
celle jolie demeure qui n*6veille avec son jardin (leuri, ses verandas k 
ritalienne et sa fa^de ensoleill^e que des images de vie familiale et 
joyeose. 11 y a quelques ann^es, un membre du comity fit entrer k TAsile 
trois enCants en bas dge dont la m^re.etait appel^e k subir une grave ope- 
ration. Des que le cbirurgien en eut donn^ la permission, la protectrice de 
cette famille se fendit k Th^pital pour voir la malade et lui apporter des 
nouvelles de ses enfants; mais& peine s'approcbait-elle dulit de la pauvre 
femme que celle-ci, dans un dlan de toucbante reconnaissance, lui tendit 
les bras en s'^criant avec des larmes dans les yeux : « Ob! ^merci, merci, 
gr&ce k vous» j'ai pn souifrir en paix ! » 

Ce crt de la femme du peuple courageuse et r^sign^e k la femme 
beoreuse et priviiegiee de la vie, n'est-il pas le plus grand eioge qu'on 
puisse faire de Tceuvre que nous inaugurons [aujourd'bui ? Preserver les 
enfants des dangers physiques et moraux ou les iaissent forc6ment Tab- 



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408 REVUE PHILANTHROPEQUE. 

sence momentan^e de la m^re, et donner A celle-ci la paix dans la soaf- 
france, n'est-ce pas une belle et grande oeuvre, faite poor provoqner non 
■ seulement des dons incessants, mais aussi des creations d'asiles noaveaux 
dans Paris el daos toutes les grandes villes de France. 

En agissant ainsi, nous affirmons de plus en pins cette grande loi de la 
solidarity dont la flnde ce si^cle n'a va encore, nons n'en doutons pas, que 
la lumineuse aurore* 



DISCOURS DE M. PYRAME NAVILLE, 

MKMBRB DU COIfSBIL p' ADMINISTRATION DB L*(EUVRB 

Monsieur le President, 

A la suite de Thistorique si complet qui vient d'etre fait devant tous 
par M. Jules Siegfried de ToBuvre de rAsiie temporaire d'enfants que nous 
inaugurons aujourd'hui, il n'y aurait v6ritablement rien 4 ajouter, sinon 
le renouvellement des plus vifs et sinc^res remerciements que je me per- 
• mets, monsieur le President, de vous adresser au nom des membres du 
comity, d'avoir bien touIu honorer cette f^te de votre presence. Nous 
adressons aussi nos remerciements k M. ie ministre de Tlnt^rieur, M. le 
president da Conseil general, M. le president du Conseil municipal, M. le 
pr^fet de la Seine, M. le pr^fet de police, MM. les maires et adjoints des 
X1V« et XV« arrondissements, qui ont bien voulu ^galement assister en 
personne ou se faire representor a cette c^r^monie, et c'est dans un senti- 
ment de sincere reconnaissance que je viens leur souhaiter la bienvenue 
et les remercier de I'honneur qa'ils nous font. 

II est juste aussi et nous nous faisons un devoir de coeur de reconnaltre 
les inappr6ciables services qui ont ^i€ rendus d ToBUvre par les pouvoirs 
publics dont nouscomptons ici de si nombreux repr^sentanU. 

l/initiative priv^e est bonne et excellente. Elle pent quelqnefois riva- 
liser, dans les heureuz resultats de ses entreprises, avec tout ce que TEtat 
fait de bon dans le domaine de I'assistance et du secours mutuel. Mais le 
mieux n'est-il pas encore. de. voir se joindre, par une union aussi profi- 
table que bien inspir^e, tout TefTort de Tinitiative priv^e k toute la bonne 
volonte des pouvoirs publics, en vue de la realisation d'une oeuvre de fra- 
ternity humaine? 

Or c*est \k le spectacle, monsieur le President, auquel nous vous avons 
convi6 aujourd*hui. Comme Ta rappeie tout ft I'heure M. Jules Siegfried, 
c'est k une haute et gen^reuse initiative individuelle qu'est due Tid^e pre- 
miere de Toeuvre de la Gbauss^e du Maine dont cet Asile est une branche 
ayant pris aujourd'bui sa vie propre. Je me plais, une fois de plus, k 
rendre hommage au nom k la fois grand et modeste de M"^^ de Pressense 
qui ful la veritable ioitiatrice de r(Buvre;d'autres coBurs que la charite ani- 
mait aussi s'unirent k elle, ToDuvre v^cut, grandit, se fortifia, au point qu'il 
devint n^cessaire qu*e11e edt sa maison propre pour ne pas etoulTer dans 
les modestes logis de rencontre qui abriterent ses debuts. 

Cette maison, monsieur le President, vous Tavez sous les jeux, mais je 
me bdte de dire que le moment ne serait pas encore venu de vous la pre- 



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rvv-# 



VARlfcTES. 

senter si nous avioas ^te laiss^s u nos seules forces, ou plut6t k ce 
DOS nombreox amis et souscripteurs. 11 faut beaucoup d*argent poui 
et iant d'oeuvTes aussi yariees qu'u tiles se parlagent Tattention pu 
qae cette concurrence pour Je bieo diminue la part qui revient k < 
groupe qu^teur. Peut-Stre aurions-nous ^t^ forces d'attendre enc 
certain temps, jusqu'i ce que nous eussions r^uni les fonds su 
et obliges de relarder Touverture de cette maison de bienfaisance, i 
n'arions trouv^ en haut lieu un secours et un appui efficaces, qu 
ont permis d'arriyer plus t6t au butpatierament etdepuislongtemp: 
suiyi. 

M. le president du Conseii, ministre de I'agricultureetMM.lesmi 
de la Commission qui collaborent avec lui, ont bien youlu nous fail 
allocation imporlante sur les fonds qui, par leurs soins et conform^] 
la loi, doiyent 6tre distribu^s k des ceuyres de bienfaisance et d'int^ 
blic. M. le s^nateur Jules Siegfried, dont la raodestie airae k passe 
silence les grands seryices qu'il rend k toutes les nobles causes, no 
mettra de rappeler le d^yoiiment infatisable qu'il a consacr^ a 1' 
gr^ce k lui, men^e k bien, et de joindre son nom k celui de M. le 
dent du Conseii et des membres de la Commission auxquels nous s< 
redeyables d'un plus prompt ach^yement de notre Asile. Nous leur 
primoDs k tons notre plus profonde reconnaissance. 

Nous n'oublions pas qu'ayant cette date, dej&, d*autres autorit^ 
avaienti non seuiement t^moign^ de la plus gt^n^reuse bonne volenti 
materiellenrant aid^s de la mani^re la plus efflcace dans I'entrepi 
TediGcation de notre maison k une ^poque oil elle n.'^lait encore 
projet. C'est eneffet k Tad ministration de TAssistance publique et av< 
sentiment dn conseii municipal de Paris, que nous sommes redeyal 
terrain sur lequel nous avons bkii. Chacun comprend Timportance 
telle lib^ralil^. Que MM. les directeurs de I'Assistance publi(] 
M. le president du Conseii municipal et MM. les membres du Conse 
nicipal re^oivent ici Texpression de notre sincere gratitude pour c< 
fait. 

liais ce n*est pas tout. Mes collogues ducomite de I'Asile m'en vou< 
«i j'omeltais de dire bien baut combien ils ont ^tk touches de V 
sjmpathique qu'ils ont rencontre^ chez toutes les personnes auxque 
ont en uu appel a adresser pour recueillir les fonds n^cessaires. 
les mains se sont ouyerteslargement, et c'est d'un coeur kn\n que n( 
nons yous dire merci k tons, g^nereux donateurs, dont je yois ici un 
nombre, et qui lous, presents ou absents, nous avez permis de con< 
bien une entreprise qui n'^tait pas sans difflcult^s. 

M'etais-je tromp6 tout k Theure en yous parlant,monsieur le Pr^ 
des rdsultats bienfaisants auxquels devaieot n^cessairement abouti 
onion loyale et actiye,cette sorte de collaboration latente mais r^ell 
les initiatives privees, les d^vouements individuels d'une part 
bonnes volonles et g^nerosites prolong^es des pouvoirs publics 
part? 

Le comit^ne croirait pas avoir rempli tons ses devoirs s'il ne p 
pas de Toccasion exceptionnelle d*aujourd'hui pour adresser ses pi 



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110 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

cdroB felicitations k Tarchitecte de la maison que nous ioaugurous, 
M. Augustin Rey. Les compliments les plus mentis lui ont d6j46t^ adres- 
9^8 et il lui en sera encore adress^ souvent, sur le bon goAt, la gr&ce, 
]*originalit6 de sa construction. M. Rey s'est montr6 artiste en m^me temps 
que travailleur consciencieux. Des mattres en la mati^re se sont plu a re- 
connaitre les hautes qualit^s d^ploy^es par lui, et YousallcK T0us-m6me en 
juger, monsieur le President, en visitant F^tablissement. 

M. Rey a ^t^, du reste, admirablement second^ dans sa tAche, par 
messieurs les entrepreneurs dont nous sommes heureux de voir piusieurs 
dans cette assembl^e et auxquelsle comity adresse ses roeilleurs remercie- 
ments. Ges messieurs seront recompenses de leur tAche difflcile par le 
sentiment qu'ils ont contribu^ k une bonne et belle oeuvre vraiment d6- 
mocratique. Un seul mot encore. On parle beaucoup de feminisme en ces 
lemps-ci. Eh bien! je ne crains pas de le dire, la creation de cette maison 
d'asile pour enfants est le triomphe du feminisme bienfaisant, le plus 
pratique, le plus digne de tons d'etre encourage et imit^. Sans Tinlassable 
pers^vf^'rance, sans la patience k toute ^preuve, sans Th^roTque obstiuation 
dans le bien des dames qui ont consenli k prendre le patronage de cette 
enlreprise, notre Asile n*existerait pas. Et les dames dont nous avons 
I'honneur d'etre les collogues, nous permettront, en leur nom comme au 
n6trey que dis-je, ellesnous demanderont express^mentde designer parmi 
elles, plus particulidrement notre pr^sidente, M""** Jules Siegfried, et notre 
secretaire, M"* Frank Puaux, comme ayant pris, entre toutes, une part 
considerable, la part la plus importante dans le travail constant, les efforts, 
les peines, soins, soucis, qu'a n^cessit^s raccoinplissementde notre oeuvre. 

C'est k elles qu'est principalement dil notre succ^s flnal et nous leur 
adressons Tbommage de notre respectueuse reconnaissance. 

Les dames du Comite nous permettront de joindre k elles, dans Tex* 
pression de nos sentiments reconnaissants, notre directrice de TAsile, 
.M^>* Vieux, qui depuis tant d'ann^es consacre sa vie, sa sante, ses forces 
et surtout son CGPur, avec le devouement le plus absolu, aux enfants qui 
nous sont conOes. Puisse-t-elle continuer longtemps ce qu'elle a si bien 
commence, pour la prosperite de notre oeuvre commune. 

II nous reste encore a remercier la direction du materiel de la Ville de 
Paris qui a bien voulu donnerson concours. bene vole, ainsi que M. le gou- 
verneur militaire de Paris qui nous a envoye la musique militaire du 103*' 
regiment d*infanterie, ce qui donne a cette rf^union un caractfere patrio- 
tique. 



L'OSiavre budg^taire de la troisi^me R^publiqne en mati^re 

d'assistance. 

DISCOURS DE M. LE PROCUREUR UlalNtRAL RENAUD 

M. le Procureur general Renaud a prononc6 k la stance solen- 
nelle de renlree de \k Cour des Gomptes un important discours sur 
VOEuvre budg^taire de la troisidme R^publique en mati^re, (t assistance. 



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VARli^TfeS. ill 

En raison de sa grande importance et de son exir^e intdr^t, nous 
reprodnisons in extenso ce document : 

Monsieur le premier Pr^ident, 
Messieurs, 

« La R6pablique manquerait k sa mission esseniielle si elle n'^tait de 
plos eo plas le gouvemement de la fraternity ei de la solidarite sociaies. » 

Telies ^taient les paroles prononc^es au mois d'avril dernier, k Tassem- 
bl^e g^u^rale de FUnion du commerce, par Thonorable M. Barthon, mi- 
nistre de I'int^rieur. 

n m'a sembl6 qu'il ne serait pas sans int^r^t de rechercher dans quelle 
mesure les Parlements qui se sont succed^ depuis 1871 avaient compris 
celte mission et quel est au point de vue budgdtaire le chiiTre exact des 
sommes que la troisieme R^pablique inscrit au budget de 1897 pour les 
oeuvres d'assistance et de solidarity. 

D'apr^s le chiffre des credits qui ont 6t^ vol6s, le budget pour Texercice 
i897 se pr^sente de la mani^re suivante : 

En recettes 3 385 704 145 francs; 

En d^penses 3 385 367 484 francs. 

Or, les huit dixi^mes du chifTre total des dSpenses constituent la stride 
remuneration des services g^n^raux indispensables a Texistence m^me de 
la nation et k sa s^curite ; mais ils sont sans profit direct pour les citoyens 
eux-m^mes. Les besoins essentiels auxquels, k ce dernier titre, le budget 
d*une democratic doit pourvoir sont, independamment du perfectionnement 
de routillage national, feducation, Tinstruction et Tassistance publique. 
Ces depenses devralent mdme etre plus largement do tees que les autres, 
parce qu'elles contribuent puissamment au developpement de la richesse 
nationale. 

fin ce qui a trait plus directement aux depenses d'assistance, leur dota- 
tion, encore bien modeste il y a vingt-cinq ans, s'est accrue d'annee en 
annee. De nombreux projets de loi emanes de initiative parlementaire ou 
deposes par le gouvemement sont venus former un ensemble qui morite 
d'occuper dans Tesprit public une place importante, et c'est k cet examen, 
llessieurs, que je vous demande la permission de vou^ convier au- 
joord^ai. 

Parmi les lois d'assistance, une des premieres en date est celle relative 
k la protection des enfants du premier dge. 

Cette loi, qui porte la date du 23 decembre 1874, est due u I'initiative 
du docteur Tbeophile Roussel, alors depute de la Lozere k I'Assemblee na- 
Uonale, aujourd'bui senateur et membre de Tlnstitut. M. Roussel a donnt' 
son nom a cette loi; elle le fera vivre dans la memoire de ses concitoyens 
k raison des bienfaits multiples qu'elle a prodigues k I'enfance. Son but 
est connu de tons. Elle confle k des commissions locales et u des medecins 
inspectears la surveillance des enfants ^es de moins de deux ans, allaites, 
places en sevrage ou en garde hors du domicile de leurs parents. Les de- 
penses qu elle occasionne sont mises par moitie k la charge de TEtat et 
des departements. Elles comprennent les frais d'inspection medicale des 



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412 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

enfants, les indemnit^s k verser aux secretaires des mairies aslreints k de 
nombreux travaux d'^criture concernant la protection infantile* les indem- 
niUs de dSplacement anx juges de paix charges de verifier dans les mairies 
ies registres de la protection, les recompenses accord^es aux noun-ices 
les plus meritautes, et enfln tout ce qui a trait aux imprimis r6glemen- 
taires. 

Lechiffre porte au budget de 1897 pour le service de la protection figure 
(chap. 42 du minist^re de Tinterieur) pour une somme de 840 000 francs. 
A ce credit se rattache celui du cbapitre qui le suit imm^diatement, 
156000 francs, pour secours allou^s aux soci6t6s de charity maternelle et 
aux crdcbes. 

L'application de la loi sur la protection des enfants du premier dge a 
dejii abaisse de 20 k 25 p. 100 la mortality infantile. Mais il faut obtenir. 
mieux encore. On peut se demander, en consid^rant dans leur ensemble 
les differents tarifsmis en vigueur, et notamment celui des bonoraires des 
m^decins inspecteurs dont la surveillance 'm^dicale constitue Torgane . 
essentiel de tout le service, si la modicite des credits n'est pas de nature 
k nuire k Timpulsion decisive qui devrait etre donn^e k ce service, impul- 
sion si desirable et si n^cessaire pour conserver k I'existence de pauvres 
petits etres abandonn^s dans un temps ou le nombre des naissances tend 
k dlmlnuer de jour en jour. 

La depopulation de la France est devenue, en elTet, une des preoccupa- 
tions les plus vives du legislateur. Pour la combattre utilement, on parte 
du retablissement des tours dans les hospices et les 6tablissements chari- 
tables. Ce retabiissement a 6U demand^ au Parlement; s'il est vote, sera- 
t-il un remede efOcace pour exercer une influence serieuse sur la nata- 
lite ? 11 est permis d*en douter, car le mal tient k Torganisation sociale tout 
entiere, &nos lois, k nos moeurs, qui sont une cause de decheance pour la 
femme qui voudrait accepter vail lamment les charges de la maternite. Mais 
il n*en faut pas moins applaudir k tout ce qui serait de nature k enrayer 
ou a diminuer le mal, et, par consequent, au vote erois emis le 12 juin 
dernier par la Chambre des deputes qui a pris en consideration la propo- 
sition tendant au retablissement des lours. 

L*annee meme ou prenait naissaoce la loi sur la protection des enfants 
du premier dge, intervenait, a la date du 19 mai 1874, une loi reglemen- 
tant le travail des eafants et des flUes mineures employes dans I'industrie. 
Gette loi, jugee defectueuse It certains points de vue, notamment en ce qui 
concerne Vkge d'admission des enfants au travail, la duree du travail des 
femmes pendant la nuit, a donne lieu k de nombreuses modiflcations et a 
ete fmalement remplacee par une loi du 2 novembre 1892, qui a regu le 
nom de « loi sur le travail des enfants, des fiUes mineures et des femmes 
dans les etablissements industriels » et qui est devenue « la loi organique 
du travail industriel », 

Les travailleurs qu'elle interesse sont classes en trois categories : les 
enfants sans distinction de sexede douzeou treize ansjusqu*li dix-huit ans; 
les filles ou femmes de dix-huit k vingt et un ans; enfln les femmes ma- 
jeures mariees ou non. La duree du travail pour ces difi'erentes categories 
(dixouonze heures au maximum) varie selon Vkge; le travail de nuit est 



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VARlfeTfeS. 113 

interdil en principe; le travail de jour est coup6 par des repos obliga* 
toires. 

Gette loi da 2 novembre 1892 a ^t^ pr^c^d^e d'ane vaste enqudte faite 
dans toutes les parties du territoire, puis pr^par^e par les discussions et 
les YCBux de la conference Internationale de Berlin, ou la France fut repr6* 
sent^e notamment par MM. Jules Simon et Tolain. Aujourd'hui on peut 
consid6rer comme d^flnitiTeraent acqub les priucipes qu'elle consacre. 

Pour assurer son execution, un service complet de surveillance, de con- 
tr61e et de repression a ^te organist. A la tdte de chaque region indus- 
trielle sont places des inspecteurs justiflant d*une competence technique. 
Leurs rapports, centralists au minist^re du commerce, sont remis h. une 
commission sup^rleure du travail, compos6e de membres eius par le Par- 
lement et de membres d^sigoes par M. le president de la R^pubiique. Puis 
des commissions d^partemen tales rempla^nt les commissions locales cr^^es 
par la loi de 1874 sont nommees par lesconseils gen^raux, avec mission de 
signaler le mode d'ex^cation de la loi et les ameliorations qu'elle pour- 
rait comporter. 

Au budget du minist^re du commerce (chapitre 22) est inscrite une 
somrae de 640000 francs pour assurer Texecution du service, non compris 
celle de 15000 francs (chapitre 21} aiiectee specialement au comite supe- 
rieur du travail. 

Bien des fois s'est pos^e cette question : Comment cette loi estroUe 
appliquee? Les credits alloues sont-ils suffisantsfN'est-il pas k craindre 
que ces lois de 1874 et de 1892, failes uniquemeut en faveur des enfanls de 
la classe ouvriere, ne soient pas de nature h. remplir compietement le but 
que le legislateur a cherche k atteindre ? 

Or, il resulte des declarations memes de la commission superieure et 
des inspecteurs du travail que ces << lois du travail » ne re^oivent qu'uoe 
application incomplete, soit parce que Tinspection n'est pas assez nom- 
breuse, soit parce que les inspecteurs n'ont pas Tautorite sufQsante et les 
facilites necessaires pour les faire observer. 38 p. 100 seulement des eta- 
blissements industriels sont visites; 62 p. 100 ne le sont pas. 

Un des derniers rapports de la commission superieure du travail s'ex- 
prime ainsi : « Sur 286763 usines ou ateliers dontTexistence aete signaiee 
en 1895, les inspecteurs en ont visite 109486, soit 38 p. 100. Le nombre 
des ouvriers qui y etaient occupes s'eievait k 1764181. Ces chifTres reprd- 
sentent 70,57 p. 100 du total des 2 500 000 ouvriers indiques dans le rapport 
de 1874 comme soumis aux lois sur le travail et en moyenne pr^s de 
17 ouvriers par atelier visite. Quant a la question du travail de nuit et 
repos hebdomadaire, les abus ne se produisent guere que dans les petite 
ateliers ct ceux de moyenne importance. II est d'ailleurs souvent impos- 
sible de les constater et de les reprimer, le travail se faisant souvent dans 
an local autre que Tatelier et od Tinspecteur n'a pas libre acces. U fau- 
drait an personnel beaucoup plus nombreux pour saisir toutes les con- 
traventions. » 

Le rapport se lermine par deuxremarques ayant trait aux commissions 
cbargees de veiller k Tapplication de la loi. 

t< Dans six departements seulement les commissions deparlementales 

REVUE PHILA5THR0PIQUE. — II. 8 



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114 REVUE FHILANTHROPIQUE. 

ont 6t^ convoqa^es en i89o. Dans les aulres d^partements elies n'existent 
pas ou sont seulement en vole de formation. 

« Quant anx comit^s de patronage qui doivent dtre ihstitu^s dans 
chaque d^partement en vue de la protection des enfants dans i*industrie 
^tdu developpement de ieur instruction professionnelle, iis ne paraissent 
pas avoir exerc^ jusqu'ici, malgr^ les diligences faites par les pr!§fets, une 
action bien inutile et bien f^conde. » 

Les faits constates dans ces rapports et les consequences qui en d^- 
coulent semblent done d^montrer que Tex^cution de la loi de 1892 laisse h. 
d^sirer sur bien des points, tant il est vrai qae souvent il est moins diffi- 
cile de faire une loi que de Tappliquer. Si TinsufOsance du personnel est 
une des causes du mal, le Parlement, qui a le sentiment des graves int^- 
r^ts mis en jeu par une bonne et complete execution de la loi, n'h^sitera 
pas, le cas ^ch^ant, j*en ai la conviction, k augmenter le credit du 
cbapitre 22. 

Les lois dont je viens de vous entretenir ont, Messieurs, pour objet 
principal et imm^diat la sant6, la constitution physique et le developpe- 
ment des forces de I'enfant. D'autres lois sont venues les compMtei' an 
point de vue de I'Mucation morale k donner k Tenfant; je citerai notam- 
ment celle du 24 juillet 1889, visant la protection k accorder aux enfants 
assist^s ou moralement abandonnSs . 

Sous le nom de puissance matemelle, le legislateur a r^uni I'ensemble 
de tous les droits n^cessaires aux parents pour s^acquitter du devoir 
d*education impost par la nature. Mais cette puissance paternelle perd sa 
port^e et n'a mdme plus sa raison d'etre si le devoir essentiel d^^ducation 
n'est pas rempli. Les parents qui, par de mauvais traitements, ont mis en 
p6ril la sant^ de Tenfant ou qui Font corrompu par le spectacle de Ieur 
inconduile,ont prononce eux-memes Ieur prppre d^ch^ance.En ce cas, les 
droits de la puissance paternelle Ieur sont enlev^s pour 6tre d^l^gu^s k 
TAssislance publique, organe et repr^sentant de TEtal, el Texercice de ces 
m^mes droits passe k Tdtablissement ou simple particulier gardien de 
I'enfant. 

Les enfants ainsi abandonn^s que les administrations d^partementales 
recueillent en assumant k Ieur ^gard les obligations du p^re de famille 
deviennent alors les pupilles de I'assistance et sont conG^s k des nouiTi- 
ciers qui habitent la campagne. Des inspecteurs ei des sous-inspecteurs 
ont k recruter cos nourriciers, k se transporter p^riodiquement dans Jes 
communes ou les pupilles sont places et k constater les soins dont ils sont 
Tobjet. Plus tard, lorsque ces pupilles ayant atteint treize ans r^volus ne 
sont plus astreinls k frequenter T^cole, ils sont places chez des patrons 
(en tr^s grande majority chez des agriculteurs) od ils ^changent Ieur tra- 
vail journalier contre les frais de nourriture et d'entrelien. Des gages Ieur 
sont m^me ailoues la plupart du temps. 

Le service des enfants moralement abandonn^s constitue un service 
departemenlal. 11 est r^gie par les conseils g^n^raux ; les d^penses qu'il 
necessite sonl voices par ces assemblies et le contingent de TEtat dans le 
total des d^penses est flx^ au cinqui^me. Pour ^valuer le contingent 4 
inscrire au budget de 1897, on a pris pour base les d^penses pr6vues dans 



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VAR1£t6S. H5 

les budgets d^parleraentaux de 1896, et comme le chiffre de ces d^peoses 
avail 6t6 lvalue poor 1896 & 25 millions environ (exactement 24 133 896 francs), 
la part contributive de TEtat a ^t^ inscrite au budget pour la somme de 
4900000 francs, k laquelle il convient d'ajouter celle de 985 000 francs pour 
frais d'inspection et de surveillance. 

A la fin de Tann^e 1896, TefTectif total des enfants moralement aban- 
donnas s'elevait au chiffre de 168605. Des inspecteurs au nombre de 94, 
des sous-inspecteurs au nombre de 108, soit 202 fonctionnaires r6tribu6s 
par r£tat. ont mission d'assurer le bon fonctionnement du service et de 
ponrsuivre ainsi le sauvetage de Tenfance en rafTranchissant d'uu contact 
malfaisanl et d'une autorit^ demoralisatrice. 

Tous les moralistes s'accordent h reconnaitre que la corruption de Ten- 
fance abandonn^e est uiie des causes de la criminality. Si plus tard quel- 
ques-uns de ces enfants succombent, TEtat a voulu qoe le condamne, une 
fois sa peine achev6e, pAt rencontrer une main secourable venant lui offrir 
et au besoin lui donner du travail. Des comit^s de patronage se sont 
fond^ dans le but de manager pour le condamn^ Iib6r6 les transitions de 
la prison k la liberie et de lui preparer en quelque sorte par un travail 
jonmalier une convalescence morale. Ces soci6t^s de patronage pour les 
lib^r^s tendenl a se multiplier de jour en jour; elles ne sauraient 6tre trop 
Tivement soutenues et eucourag^es, et le budget de Tint^rieur consacre 
en lear faveur pour 1897 une somme de 120000 francs (chapitre 75). 

L'enfanl avance en kge ; il a besoin qu'on donne k son coeur et k son 
esprit cette assistance morale qui d^coule de toute culture intellectuelle. 
Or, nous savons tous, Messieurs, dans cet ordre d'id^es, combien la troi- 
sieme R^publique a largement dot^ et assis sur des bases in^branlables 
Topuvre de reducation et de I'instruction nationale. 

Ce n'est pas en ce moment le lieu de rappeier, ne fdt-ce que par le 
sommaire, tout ce qui s'est accompli en France depuis vingt-cinq ans pour 
rinstruction de Tenfance. II a fallu en quelque sorte tout cr6er : les bdti- 
ments, le materiel, le personnel et aussi les m6thodes. L'Etat r^publicain 
prend Tenfant d'^e scolaire, de sept k treize ans, et lui donne toute rin- 
struction que pent comporter cet kge, II a cr6e la caisse des ^coles, les 
cours d'adultes, les biblioth^ques scolaires, il a accord^ de larges subven- 
tions aux communes, aux villes, aux d6partements pour les aider a faire 
face aa paiement des annuit^s et au remboursement des emprunts qu'ils 
ont contractus pour la construction des ^tablissements publics d'enseigne- 
ment. Les lib^ralit^s de I'Etat se sont ^tendues k Tenseignement secon- 
daire et a Tenseignement sup^rieur. Des bourses ont 6t^ cr^^es dans les 
lyc^es, les colleges et les ^tablissements d'enseignement primaire supe- 
rieur; en6n, de nombreuses ^coles professionnelles ont ^t6 fondles. 

Aussi, alors que le dernier budget de rinstruction publique vot6 sous 
rEmpire atteignait (budget ordinaire et budget extraordinaire compris) le 
chiffre raodeste de 42806721 francs, le m^me budget pour 1897 s'dl6ve k la 
somme de 194868146 francs, et dans ce chiffre I'enseignement primaire 
el6mentaire figure pour la somme considerable dc 116710020 francs. 

L'enfanl a grandi, il est devenu homme. Voyons comment I'Etat, qui a 
dirige ses premiers pas, soulenu ses premieres ann^es, va continoer son 



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116 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

ceuvre de protection sociale. Nous allons uous trouver en prudence d'une 
organisation complete (soci^t^s de secoars mutuels, caisses d*6pargne, caisse 
nationale des retraites pour la vieillesse, caisses d'assurances en cas d'ac- 
cidents ou de d^c^sj dont les diverses parties abritenl Touvrier laborieux, 
(^conome et pr^voyant, att^nnent les effets du chdmage, les suites de la 
maladie et des accidents et assurent enfln des ressources pour la vieil- 
Jesse. 

Parmi ces multiples combinaisons ofTertes par le l^gislateur pour 
^carter la mis^re et fonctionnant sous la surveillance, le contrdle ou la 
garanlie de I'Etat, beaucoup d'entre elles b6n6ficient dans une large 
mesure des subventions budg6taires. En premiere ligne, il convient de 
placer les soci^t^s de secours mutuels. 

Le but premier des soci^t^s de secours mutuels avait ^t^ I'assurance 
centre les risques des maladies. La retraite n'6tait envisag^e que comme 
une Eventuality heureuse, comme une sorte de prime k Tesprit de pr^- 
voyance offerte par les membres honoraires de la soci^t^ au moyen de 
leurs cotisations. Puis TEtat est intervenn et a manifesto son concours par 
des subventions, des bonifications d'int^r^ts et des privileges fiscaux resul- 
tant de rexon^ration pour la society des droits d'enregistrement et de 
timbre. Un premier fonds de dotation au capital de 10 millions avait ete 
constitue k leur profit d^s 1852. Mais h, mesure que le nombre des soci^t^s 
et du personnel des membres participants s'est accru, le Parlement n'a 
pas h^site k majorer par des credits inscrits annuellement au budget les 
reserves de cette dotation. Une somme de 810000 francs figure au budget 
duminist^re de I'interieur pour Texercice de 1897 (chapitre 11); un second 
credit de 900000 francs est ^galement allouE sous cette rubrique spEciale 
(chapitre 12) : « Majoration des pensions de retraite des soci^lEs de se- 
cours mutuels. » Un pr^l^vement de 180000 francs snr les fonds des caisses 
d'Epargne re^oit une destination analogue, et enfin uu quatri^me credit de 
2 millions est inscrit annuellement au ministere du commerce (cha< 
pitre 34) avec cette mention : « Bonification des pensions de retraite; 
allocation k la vieillesse. » 

En regard de la d^pense relativement considerable qu'elles impose nt k 
I'Etat, ces subventions offrent Tavantage de provoquer k TEpargne et de 
relever la dignity des participants de la society, qui passenl ainsi de la 
categoric des assistes dans celle des prevoyants. 

Le nombre des societes de secours mutuels s*eievait, lors<iu dernier 
recensemenl, au chifTre de 10328, comprenant plus de 1500000 membres, 
chifTre modeste si on le compare a ceiui de i'Angleterre, qui compte sur 
son territoire plus de millions de mutualistes. L'avoir sociid de toutes ces 
societes disseminees sur toute I'etendue de la France s'eieve k plus de 
230 millions; et en une annee les cotisations versees par les membres par- 
ticipants ont depasse le chifTre de 22 millions. 22 millions preieves sou 
par sou sur repargne, k travers toutes les difficultes de la lutte pour la 
vie ! Quelle reponse k certaines declamations ! 

A cette question des societes de secours mutuels se rattache celle des 
retraites ouvrieres, et il faut reconnattre qu*il n'est pas de probieme plus 
intereisant pour une democratic que ceiui qui consiste k preserver de la 



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VARlfeTfeS. 

misere et du d^nuement les derniers jonrs des travailleurs. M. Audi 
d6piit6 de la Loire, s'est vou6 depuis de longues ann^es k T^tude et 
solutioD de ce gros probl^me en y apportant toute la sinc^rit^ d 
amour pour le peuple. 

Le projet de loi dont il a ^t^ le rapporteur et dont la discuss 
occupy plusieurs stances de la Ghambre, cr^e entre les louvriers 
patrons une solidarity qui est de nature ^^tablir entre eux des liens 
muns d'int^r^t et de pr^voyance. Tout ouvrier, employ^ ou servit 
gages qui est dispose k verser k la caisse des retraites peut oblige 
patron k participer pour moiti6 dans le versement dont le maximu: 
fix6 4 4 p. iOO du salaire. Et, r^ciproquement, tout versement du p 
entraine un versement correspondant de la personne employee, q 
patron est autoris^ k retenir sur le salaire. 

D*une telle disposition on voit se d^gager bien nettementl'id^ef^t 
de la pr^voyance. Ed associant ainsi I'ouvrier et le patron k la constit 
des pensions de relraites, la loi a pour r^siiltat direct et imm^diat de 
tribuer k la paix sociale et k Tentente cordiale entre Touvrier et le ps 
Au lieu de se consid^rer comme ennemis, ils comprennent tous deux 
ont des int^r^ts communs qu'un sentiment de mesquine jalousie h 
caches pendant longtemps. Puis cet accord donne naissance k des d^p 
utiles qu'un industriel avis6 et intelligent n'h6site pas k s'imposer, 
eomprend que le pays ne sera ?raiment en mesure d'assurer une pe 
de retraite aux ouvriers que le jour ou la production agricole, indust 
et commerciale aura pris assez de d^veloppement pour amener Taug 
tation des salaires et leur faire alteindre un chiffre permettant r6pa 

Dans de lelles conditions, la pr^voyance est un fait social de la 
haute port^e et on conceit que I'Etat, veritable mutuality sup^rieure, 
pas h§sit6 k accorder un nouveau secours financier aux soci^t6s de sei 
mutuels. La Ghambre des d^put^s, dans sa stance du 4 juin demi 
d^cid^ qu'k Tavenir les soci^t6s de secours mutuels seraient appeli 
b^D^ficier d'un int6r6t dont le taux maximum a ^t6 fix6 ^ 4 i/2 p. 10 
telle sorte que lorsque la Gaisse des d^pdts et consignations, par exei 
servira aux d^posants des soci^t^s de secours mutuels un int^rSt de 
p. 100, le budget de T^tat supportera une bonification de 1 p. 10< 
soci^t^s ne devant avoir k souiTrir ni directement, ni indirectemen 
Tabaissement du loyer de Targent. 

Gette disposition flnanciSre n'a pas ^i6 vot^e sans rencontrerune 
▼ive opposition. Si la mutuality se d6veloppe, ainsi qu'on est en droit ae le 
supposer, les subyentions de TEtat ne seront-elles pas, en efTet, expos^es k 
atteindre un chifTre trop considerable? Ne sera-ce m^me pas un budget 
snppl^mentaire que le pays sera appel6 k supporter et pour lequel on n'a 
pas song6 k cr^er les ressources correspondantes? II y a 1^ un inconnu de- 
vant lequel le l^gislateur u'a cependant pas recul^, taut les sentiments de 
solidarite et de paix sociale que la mutuality a pour effet de d^velopper 
lui ont paru sup^rieurs k un int^r^t financier. 

La loi de finances promulgu^e le 29 mars dernier contient la disposi- 
tion suivante (article 43} : « Apartir du 1*' Janvier 1897, TEtatcontribuera, 
dans les conditions de la loi sur Tassistance m6dicale et conform^ment 



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118 REVUE PHILAXTllROPIQLE. 

anxbar^mes A et B de cetteloi, au paiement de toate pension annuelle 
d'au moins 90 francs et de 200 francs au plus constitute par les d^parteT 
ments et les communes d'accord avec les conseils g^n^raux, en faveur de 
toute personne de nationality fran^aise pri?^e de ressources, incapable de 
subvenir par son travail aux necessit^s de Texistence et soit dg^e de plus 
de soixante-dix ans, soit atteiule d'une maladie ou d'une inArmit^ re- 
connue incurable, sans que le nombre des pensions auxquelies de?ra con-* 
tribuer T^tat puisse d^passer par d^partement 2 p. 1000 dQ la population 
et que cette contribution pour chaque pension puisse ^tre sup^rieure ^ 
50 ft*ancs. Cette pension annuelle sera toujours revocable. » 

La question sociale soulev^e par cette disposition de loi de date recente 
^ ^t^ trait^e par M. le ministre de Tint^rieur dans une reunion des soci^t^s 
mutualistes tenue dans la ville de Rouen au mois de juin dernier. En 
m6me temps elle a donn^ lieu dans la presse k une vive discussion. Le 
fait de venir en aide aux d^sh^rit^s et aux vaincas de la vie constitue-t-il 
une obligation stricte (;t ^troite dontl'Etatne sauraiten aucun cas s'affran- 
chir? Est-il prudent de proclamer si haut Tintervention forc^e de I'^tat? 
Est-il sage d'^veiller tant d'esp6rances dont la satisfaction peut devenir 
difficile et lointaine? 

Si la mutuality est la doctrine commune et aussila commune esp^rance 
de tons ceux qui d^sirent la solution de certains probl^mes sociauz ; si 
elle est par excellence la forme privil^gi^e de revolution sociale, et k ce 
titre dans les traditions du parti r^publicain tout entier; si enfin elle 
constitue et doit devenir de plus en plus un merveilleux instrument d'edu- 
cation morale, c'est k une condition ineluctable ; k la condition qu'on 
u'inscrira pas k sa base la croyance k la toute-puissance de I'Etat. Gar ha- 
bituer les mutualistes k cette id^e qu'il suffit en toute chose de Tiuterven- 
tion de I'Etat, c'est vicier la mutuality elle-mSme, c'est la d^tourner de 
toute initiative, de tout sentiment deresponsabilite et surtoutdu souci per- 
sonnel de la liberie, si utile k repandre et k propager. G'est, de plus, une 
tendance deplorable vers le socialisme d'Etat; et je suis de ceux qui pen- 
sent qu'une nation qui en serait reduite k compter avant tout sur I'Etat 
pour Taccomplissement de ce qui constitue un des devoirs moraux essen- 
tiels de J'individu, le devoir d'assistance et de secours », qu'une nation oil 
les desherites de la fortune se considereraient comme les creanciers du 
Tresor, serait une nation mtlre pour tons les despotismes et absolument 
impuissante k les combattre. 

En pareille matidre, la tdche d'un veritable esprit liberal n'est done pas 
d'etendre, mais bien de restreindre, en la placant, Tintervention de I'Etat 
dans les affaires d'assistance, et c'est en partant de ce principe que, dans 
une question comme celle de savoir ceque I'Etat est tenude faire en faveur 
de Thomme arrive pauvre k la limite de la vieillesse, apres avoir paye sous 
toutes les formes sa dette a la patrie, il est possible de trouver place pour 
une solution moyenne dont la democratic ne pourrait etre que reconnais- 
sante k la Republique. 

L'exemple, du reste, ne vient-il pas de haut? Que voyons-nous dans la 
sphere d'activite et de travail qui nous enloure? Depuis que le regime 
protectionniste est institue, T^tat refuse-t-ii d'intervenir dans des interdts 



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VARlfeTfeS. 119 

oii riniUaUve individnelle et la concurrence libre r^glaient nagu^re \es 
fluctuations de la richesse et des marches? L'Etat intervient, et il le fait 
dans an int^r^t g6n^ral, dans le but de preserver des industries qui font 
partie int^grante de la fortune nationale. Or,n'est-il pas^ident que Tex is- 
tence et la s^cnrit^ des vieux travailleurs constituent ^galement une part 
notable du patrimoine national, et qu'il serait bien injuste et bien cruel 
de r^pondre par an non possumm k des classes laborieuses le lendemain 
du jour oti Ton vote, par exemple, des primes k Tindustrie sucri^re ou u 
la marine marcbande? 

Cette disposition de la loi de finances du 29 mars dernier a <^t^ rappelee 
aux pr^fets par one circulaire du 20 avril 1897 ^manant de la direction do 
['assistance et de i'hygi hue publiques ; puis elle a ^t^ sanctionn^e par Tou- 
verture d'un credit special de 590 955 francs au chapitre 44 du budget de 
rint^neur. G'est done un premier pas fait vers la realisation du voeu 6mis k 
Tunanimite de 572 votants, Je 27 d^cembre 1895, par la Ghambre des 
d^put^ [et ainsi eon^u : « La Ghambre, r^solue k organiser dans le plus 
bref d^lai possible Tassistance des infirmcs et des vieillards indigents par 
la contribution des communes, des d^partemeuts et de r£tat, prend acte 
de la promesse faite par le gouvemement de proposer dans le budget de 
1897 les credits n^cessaires pour jeter les premieres bases de cette organi- 
sation. » 

Gette somme de 590955 francs n'est qu'un credit d'amorce inscrit au 
budget de 1897 ;il faut s'attendre k le voir s'enfler au fur et k tnesure que 
se d^velopperont les id^es d'assistance et de solidarity. Xos ressources 
fiuanci^res sufiiront-elles k pourvoir k des charges si g^n^reusement 
accept^es ? 11 faut Tesp^rer et ne pas perdre de vue que la loi trouvera un 
correctif sufQsant et son juste ^quilibre dansTobligationimpos^e aux com- 
munes et aux d^partements d'assurer, avant I'Etat, une part importante 
dans ces d^penses nouvelles de I'assistance. 

Nous avons encore, Messieurs, k envisager sur bien d'autres points le 
rdlebienfaTsant de I'Etat Une loi de date assez r^cente, puisqu'elle porte 
la date du 15 juillet 1893, a determine le mode de concours de I'Etat dans 
les d^penses de I'oeuvre d'assistance m6dicale dans les campagnes. Aprds 
avoir d^fini le domicile de secours et determine les conditions dans les- 
quelles ce domicile s'acquiert et se perd, la loi a cr^^ un troisi^me domi- 
cile de secours, le domicile national, pour tons les Fran^ais qui n'en ont 
pas d'autre. Aux termes de cette loi, (out individu qui a quitt^ sa com- 
mune depuis plus d'une ann^e et qui ne pent faire la preuve qu'il s'estfix6 
depuis un an au moins dans une autre commune, tombe en casde maladie 
ila charge de I'Etat; de telle sorte que I'Etat prend sous sa tutelle exclu- 
sive, en cas de maladie, toute une cat^gorie nouvelle d'individus consti- 
tuant une population nomade et errante qu'il 6tait tr^s difficile jadis de 
rattacher k un domicile communal ou d^partemental. 

Les d^penses obligatoires de TlStat sont, dans I'esp^ce, de trois sortes : 
1* celles repr^sent^s par les subventions accordt^es aux departements et 
aux communes proportionnellement aux charges qu'ils supportent dans Ic 
service de I'assistance m^dicale; 2® celles occasionn^es par le traitement 
des malades citoyens fran^is n'ayant aucun domicile de secours ; 3<» celles 



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120 REVUE PHILANTHROPIQLE. 

conceFnant les frais d'administration relatifs k Texdcation de la loi. Les 
deux premiers articles de d^penses ^tant soomis & des causes multiples de 
variations, soit parce que I'importance de la popalaiion appel6e k b^n^fi- 
cier de la loi est difficile k fixer, soit parce qu'elle s'accrolt en fait de toos 
ceux que 1e d6faut de traTail, la ruine, la mis^re, la a6cotisid^ration m^me 
ont amends k quitter lear pays d*origine, on ne peutse baser d*unemani^re 
absolae pour en fixer le chiffre sur celui de telle ou telle ann^e. Une cir- 
culaire, en date du 22 juln 1806, a ^t^ adress^e k tous les pr^fets pour leur 
demander de renseigner le Parlement sur les r^sultats adminislratifs et 
sociaux de la loi. Or ces renseignements 6tablissent que le service d'assis- 
tance m6dicale dans les campagnes est une tr^s lourde charge budg^taire 
et que les communes cherchent k s'en affranchir le plus possible. Mai:) le 
Parlement n'en continue pas moins son osuvre de protection sociale et il a 
inscrit an budget de 1897 pour Tex^cution de la loi (chapitre 46) une 
somrae de 1 450 000 francs. Un credit suppl^mentaire de 3 400 francs 
(chapitre 44 : Frais d'administration relatifs k la loi sur Tassistance m^di- 
cale gratuite) a m^me 6i6 vot6 par le S^nat dans la stance du 25 juia 
dernier. 

Rappelons encore que le credit pour remboursement des frais d'assis- 
tance occasionn^s par des individus sans domicile de secours, mais autres 
que ceux qui b^n^ficient de la loi du 15 juillet 1893, a M port6 au budget 
pour lasomme de 150000 francs employee k pourvoir aux frais d*hospita- 
lisation et de transf&rement d'ali^n^s, d'indigents d*origine ^trang^re, de 
vieillards et de malades atteints d'infirmit^s incurables. 

Je signalerai, mais pour m^moire seulement, les subventions que le 
Parlement vote depuis nombre d'ann^es en faveur de I'institution natio- 
nale des sourds-mnets de Paris, de Bordeaux et de Ghamb^ry, de I'insti- 
tution nationale des jeunes aveugles, des asiles nationaux de Vincennes 
et du Y^sinet, de la maison de Gharenton, de I'hospice des Qoinze-Vingts. 

Depuis que le service militaire s'est g^n^ralis^, I'Etat n'a pas h^sit6 a 
accroltre lemontant des secours accord^s aux anciens railitaires. Bn 1876, 
la somme port^e au ministdre de la guerre k titre deallocations de secours 
s'^levait k 3332000 francs. Ai\jourd'hui elle d^passe 5 millions (exacte- 
ment au budget de 1897 la somme de 5 196500 francs). 

De m6me le minist^ de la marine, qui ne pouvait disposer en 1876, k 
titre de secours en faveur des anciens marins, que de la somme minime 
de 112 521 francs, a vu en 1897 le credit port^ k 1 million, sans compter 
les 9161 736 francs forroant la subvention de la caisse des invalides de la 
marine . 

Je signalerai ^galement une augmentation sensible au minist^re des 
Iravaux publics, dans le chifTre des secours accord^s aux agents perma- 
nents de I'administration. De 132 000 francs qu*il ^tait en 1880, le credit 
est mont^ k 250000 francs de 1884 k 1892, et dans ces derniers temps le 
nombre des parties prenantes a pris une telle extension que le Parlement 
a jug^ n^cessaire de doubler le credit et de le porter k 503 500 francs. 

L'article 66 de la loi de finances du 16 avril 1895 avait d^cid^ que le 
credit mis k la disposition du ministre des travaux publics pour bonifier 
les pensions de retraites des cantonniers de T^tat serai t r^parti suivant 



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111.I IP ^,H» J ^-r 



VARlfeTfeS. 

on r&glement d'administration publique. Or, ce r^glemeot a 
la date da 22 f^yrier 1896, et il permet de porter Je chiffre d 
des cantonniers aux deux tiers de lear salaire. 

Anssi an credit de 500 OOa francs figare-t<il au budget de 
qu'il ne d^passait pas 80000 fraocs en 1870. 

Depuis loDgtemps, Messieurs, les pouvoirs publics ont coi 
d^plorant, I'^migration du paysan vers les grands centres. Le 
se d^peoplent au profit des villes, comme si la lutte pour la 
pas aussi p^nible et aussi difHcile. Pourqnoi cet abandon et 
meot? L*Etat aurait*il manqu^ de solticitude pour le paysan 
Anrait-il ni^lig^ de mettre eu oeuvre toutes les mesures propi 
nir sur ]e sol qui Ta vu naltre ? 

Je ne parlerai pas de Textension don nee aux grands trav 
routes, caiiaux, chemins de fer, qui, en facilitant sur tons U 
territoire I'exploitation et la vente des produits, ont accru d 
table proportion la valeur de la terre. Mais des lois sp^ciales 
t^es dans Tint^rdt exclusif de Tagriculture. Au mois de juillet 
'vernement pr^sentait un projet de loi sur le Code rural ; le 
itait promulgate la loi relative & la restauration et k la consi 
terrains en montagne dans le but de prot^ger les plaines cont 
dations. Ind^pendamment de la loi g6n6rale sur les syndicats 
nels da 21 mars 1884 s'appliquant dgalement k Tagriculture, es 
une loi sp^ciale du 15 d^cembre 1888 autorisant la creation 
pour la defense des vignescontre le phylloxera. 

L'enseignement agricole longtemps d^daign^ a 6t^ orga 
larges bases qui foot de Tagriculture une veritable science ; 
6^1es, des ^coles pratiques d'agriculture, un institut agron 
6i€ cr^^s. Une loi du 16 juin 1879 a fond^ une chaire d'agric 
chaque d^partement et nous voyons aujourd'hui chaque d^par 
sMer cette chaire dont les professeurs sont charges de cours 
k r^cole normale primaire et de conferences dans les commu 
importantes. 

Le budget de 1897 est le reflet exact et vivant de ces r6f 
ces am^lioraUoos. Sous la rnbrique de : a Subventions h des 
agricoles, — Encouragement k Tagriculture etau drainage, — 
s^riciculture, — Encouragements k Tindustrie chevaline, — 
pour le traitement et la reconstitution des vignobles de France 
pour pertes mat^rielles causees par les intemp^ries », le budg 
culture dont le chifTre ne d^passait pas 15 millions en 1870 
joard'hai le chifTre de 41 734343 francs. 

Et le Parlement ne paralt pas dispose k s'arrSter dans ce 
question agraire est en ce moment plus que jamais k I'ord 
comportant avec elle la solution de plusieurs probl6mes d61i 
agricole, banques r^gionales, chambres d'agriculture, assui 
taelles agricoles. Dans la derni^re session legislative, les ^choi 
Bourbon ont retenti des brillantes discussions engag^es sur c 
dont la solution s'impose k bref ddlai. Car, en presence des o 
cyclones qui parcourent nos regions les unes apr^s les autres 



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122 REVUE PIIILANTHROPIQUE. 

les maisons, aD^antissantlesr^oltes et ne laissant que ruines et devasta- 
tion derrifere eux, TEtat est impuissant k r^parer lespertes et les deficits 
qu'occasionnent de pareils fl^aux. 11 ne peut apporter qu^un soulagement 
que la, frequence et T^tendue des d^sastres, comme ceux dontcette ann6e 
nous a servi letriste spectacle, rendentA peu pr^s illusoire. 

Dans une grande d^mocratie comme la n6lre, il faut de toate n^cessil^ 
qu'il y ait parity de situation entre Touvrier des villes et [le laboureur des 
champs. Le monde agricoie est par essence plus immobile, plus calme, 
plus difficile k agiter. Raison de plus pour ne pas le payer de belles 
phrases et remplacer les promesses par des r^alites. Or, si nous voulons 
faire quelque chose de pratique et de tangible, trouver le vrai remade a 
des plaintes trop souvent justifiees, c*est encore dans cet 'admirable prin- 
cipe de ^association mutuelle que nous puiserons le moyen de r^soudre le 
probl^me des int^r^ts agricoles. 

Donnons, sans plus tarder, une solution k la question des assurances 
mutuelles agricoles. Sur la demande qu en a faite M. le president du con- 
seil des minstres, un premier jalon a et^ pose pour le budget de 1898. II 
a ^t6 d^cid^, en efTet, que le chapitre 41 du budget de 1898, au lieu de 
s'intituler « Secours pour perle et ^v^nements malheureux », porterait la 
rubrique « Subvention aux assurances mutuelles agricoles contre la gr^le 
et la mortality du bdtail ». N'oublions pas ^galement tous les services 
rendus au pays par les chambres de commerce, et croons k leur image, 
dans chaque arrondissement, des chambres consul tatives d*agriculture 
qui, sous une autre forme que les banques r^gionales, pourront puissam- 
ment aider a la constitution du credit agricoie. 

Je m*arr6te, Messieurs, car je ne voudrais pas d^passer les limites d'un 
discours de rentr^e, et je termine en me demandant quelles sont les 
conclusions qui se d^gagent de cet expose budgetaire. 

II en est une premiere [que personne, je pense, ne songera k me con- 
tester. « Le monde est fatigu6 de voir des mis^rables », s'6criait un jour 
un grand patriote, Godefroy Gavaignac. Gette lassitude g^n^reuse, la troi- 
si^me R^publique I'a ressentie plus qu'aucun autre gouvemement. Qui 
oserait, en efTet, disputer k la troisi^me R^publique la palme dans les 
bienfails g^n^reusement accord^s k Thumanit^ soufTrante et lib^ralement 
octroy^s k la classe si nombreuse de ceux qui ne vivaient que par le tra- 
vail et le labeur de chaqoe jour ? Je viens de prendre Tindividu k tous les 
kges de son existence; je Tai vu nattre, grandir, s'instruire, travailler, 
souffrir et vieillir. Depuis le jour de sa naissance jusqu'au jour de sa mort, 
quelle que soit la condition sociale dans laquelle le sort Ta place, j*ai 
constal^ que T^tat accompli ssait enverslni une partie des devoirs sociaux 
resultant de sa fonction, de ses charges dans la vie. 

Or, il me semble, Messieurs, que Thumanit^ n'est pas appel^e tous les 
jours k contempler un spectacle aussi forliOant et aussi iustructif. GVst 
quelque chose, en effet, n*en d^plaise aux pessimistes, que de pouvoir, 
pendant un quart de si^cle, suivre pas k pas la trace bienfaisante laissee 
par le d^veloppement continu et constant des principes de Tassistance vi 
de la solidarity ! On n'est certes pas arrive k la suppression de toutes les 
plaies, de toutes les niisdres, et ii n'est que trop vrai, helas I que si Ton 



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VARlfeTfeS. 123 

demande k un homme riche ou pauvre : « Sou(rrez-you»? » il y aura, 
aajonrdliui comme hier> presque unanimity dans la r^ponse ! L'Etat sociu^ 
lisle lui-m^me, s'il doit se r^liser un jour, ne supprimera pas la plainte 
qui s'^^ve de tonte existence humaine; plusieurs pensent mdme qu'il la 
rendra plus ftpre c I plus poignante encore. 

Anssi, et c'est une deuxi^me conclusion, ne faut<*il pas pousser jusqu*a 
rextr^me limite ce privilege que TEtat s'altribue dQ faire ie bien et Tau- 
mdne a?ec Targent du budget, c'est-i-dire du contri|)uable? 11 ne faut pas 
lais6er s'^tablir dans ce pays la redoutable et fausse conception de I'felat- 
Providence. Ne nous abandonnons pas aux sp^culaUons^ m^taphysiques; 
il vaut niieux mettre le doigt sui* la plaie et reconnattre franchement et 
loyalement que le mal qui nous mine provient la plupart du temps de ce 
que nous attendons trop de I'^tat et de ce que le pouvqir central nous ap- 
paralt commc une providence chargde de distrlbuer le bonheur et la feli- 
city. 

Pour r^agir contre une si funeste tendance, il faut faire appel k I'ini- 
tiative individuelle, d^velopper la mutuality et I'esprijtde solidarity. Le sen- 
timent bien compris de la solidarity sociale est de nature k montrer a la 
France r^publicaine tout ce qu'il y a de f^cond dans le gouvernement des 
forces de ses enfants. Avec lui et par lui les d^faillances et les aUaques 
sont impuissantes k duller les liens 6troits et les rapports de dependance 
que revolution sociale ^tablit plus fortement de jour en jour entre les 
differentes classes de la soci^t^, colles du pass6 et celles du present. 
Comme si, du reste, Tesprit de classe n'avait pas fait son temps! Comme 
si ce qui flotte aujourd'hni au-dessus des ^paves de I'ancien mond<i et du 
Qouveau n*6tait pas un esprit national r^publicain assez fort pour s'orienter 
sans encombre dans les sentiers de la tolerance et de la liberty ! 

Enfin, et c'est 1^ ma demi^re conclusion, si proclamer les bienfaits de 
la fraternity, de la mutuality, de la solidarity, c'est exalter de beaux et 
nobles sentiments, je crois qu'il est encore mieux de les vivre. Mais dans 
leur pleine sinc^rit^ pratique ces sentiments, qui sont de nature h fonder 
la prosperiti§ et la grandeur d'un peuple, supposent une vertu mallresse 
puisne dans les profondes Energies de T^me. C'est done k cette dnergie in- 
time qu'ii faut recourir! 

Par elle, nous verrons se d^velopper et grandir cos qualit^h de peuples 
forts qui s'appellent llnitiative. Ten durance, Tesprit de sacriQce! Par elle 
avec TelTort personnel et constant de tons les int^ress^s, nous verrons 
noire ch&re France, aux henres des difQcult^s et des perils, surmonter 
tons les obstacles et conserver dans le concert des nations le rang veritable 
qui lui a loujours appartenu ! 



L'lficole des Sages-Femmes de la Maternity. 

DISCOURS DE M. GHARRIN 

L'opinion s'int^resse plus vivement que d'habitude k la question 
des sages-fenunes et des n^^decins accoucheurs; aussi croyons-nous 



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124 KEVUE PHILANTHROPIQUE. 

int^ressant de reproduire le disconrs prononc^ par M. le D' Charrin, 
m^decin de la Maternity, k la distribution des prix aux dl^ves sages- 
femmes de I'Ecole d'accouchement dirigde par M. le docteur Pierre 
Budin. 

Mesdames, Mesdemoiselles. 

Sans avoir un don de divination, j'imagine que parmivous, parmicelles 
du nioins qui airivent au terme de leurs etudes, tout en ce moment doit 
6tre k la joie. — Les unes vont recevoir les prix justement m6rit6s par 
Jeurs efforts, par leurs travaux ; les autres, an peu moins favoris^es, s'ap- 
prStent k user bientOt de ce diplOme conquis gr^ce k une pers^v^rante 
application. — 11 n'y a pas d'ombre au tableau ! Consultez les proc^s-ver- 
baux des examens : ilsvous r^pondront que ia fortune n'atrahi personne, 
qu'aucune ^\h\e n*a ^t^ jug6e indigne de ce titre de sage-femme de la Ma- 
ternity de Paris, titre depuis longtemps d6sir^, vivement ambitionu^ ! 

Dans ces r^sultats, que je proclame avec plaisir, j^aper^ois les conse- 
quences de votre zMe, de votre discipline ; j'y vois aussi ia marque de celte 
mesure a iouer entre toutes, qui a fix^ k deux ans la dur^e de votre s^jour 
dans cette 6cole. 

Je sais fort bien qu'au d^but tout au moins, on a centre cette mesure 
essays queiques critiques : on a parl^, entre antres choses, de carri^res 
rendues plus difficiles! Mais, apr^s tout, m^me dans cette bypoth^se, oti 
seraitle mal? — Tant que nosmoeurs seront ce qu'elles sont, et j'esp^re 
que sur ce point elles ne sont pas k la veilie d'etre boulevers6es, tant que 
I'exercice des professions m^dicales en g^n^ral ne sera pas absolument 
libre, il importera d*entourer leur accfes, leur exercice de toutes les ga- 
ranties possibles ! — Lorsqu'il s'agit d'un pareil recrutement, il est k coup 
siir permis de compter les 61ues ; il vaut mieux cependant les peser, les 
appr^cier : numerantur $ed ponderantur ; la notion de quality I'emporte ici 
sur celle de quantity. 

J'ai entendu, k vrai dire, formnler des accusations de routine, accusa- 
tions difficiles k comprendre en presence de modifications nouvelles; j'ai 
entendu mettre en avant des revendications au nom du progr^s, de ia 
liberty, ou encore pr^ciser des arguments que Ton croit sans r^plique, 
parce qu'ils s'appuient sur Texemple de coutumes ^trang^res! Mais — on 
Toublie trop — autre nation, autre civilisation, autre Education publique 
exigent souvent autre mani^re de faire. — A ceux ou celles qui veulent voir 
dans ces r^glements une atteinte k cette liberty qui paralt autoriser bien 
des conceptions, je r^pondrai que traiter les jours de ses semblables sans 
un contrOle sufQsant, c'est sortir des justes limites de ce qui est permis, 
c'est tomber dans ia licence, dans I'arbitraire ! — Quant aux aulres griefs, 
j'avoue ne pas les comprendre. — Le progr^s n'a jamais consists k reculer ! 
— On ne saurait, enGn, invoquer la routine ausujeldes changements qui 
sont sa negation m^me. 

Remarquez, du reste, qu'on r^glemente toutes les professions. — Aux 
avocats, aux ing^nieurs, k ceux qui s'occupent avant tout de nos int^rdts 
mat^nels, on impose des examens, des coocours; on prend, dans ces 



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VARlfeTfeS. 125 

conditions, nne s6rie de mesures en quelque sorte preventives. — D^s 
lore, commeot comprendre que ceux qui out charge de la vie humaine, de 
sa conservation, de sa sauvegarde aient seuls la faculty de se coniporter 
suivant leur bon plaisir ! 

Yraiment, le moment serait mal choisi ! — Si, & toutes les 6poques, la 
sage-femme a vis4 m^mebut, k aacune p^riode eilen'a eu, pour atfeindre 
ce but, des notions comparables k celles dont elle dispose aujourdliui! — 
Celles qui vons ont pr^c^d^es ont entendu parler de raiasmes, de contage, 
de mali^re peccante, voire d'espritsanimauxl Toutefois, avec leurs contem- 
porains, elle^ out ignore la nature solide, liquide ou gazeuse des agents 
de Hnfection ; elles ont ignor^ leur provenance, leurs habitats, leur genre 
de Tie, leurs modes de fonctionnement, de pullulation, de transport, de dis- 
semination : partant, elles ont dA renoncer k la connaissance rationnelle des 
proc^^s capables de proteger T^conomie contre de funestes agressions. 

Plus heureuses que vos atn^es, k la lumi^re des denudes positives de 
la m^tbode exp^rimentale, qui n'admet que ce qui tombe sous le sens, 
rous saisissez peu a peu ce que sont les 6tres myst^rieux, aptes k engen- 
drer les plus terribles accidents! Vous savez comment ils 6voluent, com- 
ment on les cultive, el, fait capital ! comment on les d^truit I Vous savez 
la conduite k tenir pour ne pas les laisser p^n^trer en nous, ou m^mepour 
entralner au dehors ceux qui ont commence k s'iutroduire, sans avoir 
r^assi cependant k seglisser dans la circulation g^n^rale. Vous savez qu*on 
rencontre ces germes sur la peau, dans le tube digestif, dans des regions 
de Torganisme en communication avec Tair, dans ces parties qui, suivant 
les expressions de CI. Bernard, con tinuent ^apparteniraumonde ext^rieur. 
Vous parvenez k entrevoir les proc^d^s capables de s'opposer au passage de 
ces microbes des surfaces cutan^es ou muqueusesjusque dans Tintimit^des 
tissus. — Ainsi, los notions positives, solides, sdres, permettant d'^viter le 
danger, sont d6}k nombreuses, d^j^ clairement codifl6es : Theure n'est 
done pas venue de laisser libre carri^re aux ignorants. 

Cette heure est d autant moins venue q\x*k ces notions Ib^oriques 
s'ajoutent des donn^es pratiques ! — Antisepsie, asepsie, ou, pour parler 
moins pr^tentieusement, proprete, propret^ exterae, interne, propret6 
scientiOque : voili vos grands moyens ! — Ou vous enseigne m^mea inter- 
roger lejeu de quelques appareils, celui des reins, par exemple, on vous 
apprend k rechercher Talbumine, k conseiller le [regime lact^, k faire 
appeler, en vous guidant sur des Elements de pathologie ici m^me d6ve- 
lopp^s, k faire appeler le m^decin avant tout sans retard. 

C'est qu'on sait le prix du temps, en mati^re de pathologie ; le mal a 
bientdt diminu^ la resistance des tissus; toute atteinte k T^tat normal 
ouvre la porte aux parasites. Or,precis6ment Taccouchement est une de ces 
circonstauces qui, promptement, peuvent amener un instant de faiblesse, 
de receptivity pour Tinfection : il importe k ce moment de surveiller T^co- 
nomie, de la preparer. — Pr6venir, en effet, vaut mieux que gu^rir. — Si 
nous sonunes en pleine saute, notre pouvoir contre les parasites est rela- 
tivement grand; aussi a-t-on pu dire avec raison, au risque de rendre 
jalonx M. de la Palice : « II est difficile de devenir malade, quand on est 
reellement bien portant. » 



I 



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12l» UEVLE PIIILANTIIHOPIQUE. 

Vous le voyez, ce n'esl point k I'dpoque ot les sciences que vous culU- 
vez s'61oignent plus que jamais de rempirisme pur pour se rapprocher 
desclaires, des saines denudes du domaine positif, ce n'est point k cette 
^poque oil il fait bon vivre qaand on s'int^resse k ces sciences ;non, ce n'est 
point & cette ^poque qu'il convient de cesser d'entourer de garanties ieur 
pratique, Ieur acc^ft. 

Ges garanties sent d'autant plus n^cessaires que la plupart d*entre vous, 
Mesdames, Mesdemoiselles, arrivent ici — permettez-moi de Je dire — dans 
une complete ignorance des notions dapprendre; le programme, d'un 
autre c6t^, comporte des sujets ^tendus, [les uns, k coup si!kr, plus impor- 
tants que les autres, sans qu'aucun puisse dtre n^glig^ ; dans ce domaine 
de la biologic il existe des sciences auxiliaires; je me refuse, en d^pH 
d'une nomenclature coasacr6e, k en reconnaltre d'accessoires. 

Rdll^chissoz doncun instant, et vous verrez de suite que deax ann^es sont 
oourtes pour parcourir ce programme, pour acqu^rir des connaissances 
qui vous permetlrant d'affronter sans trembler les situations difflciles, de 
supporter vaillamment les lourdes res{^nsabilit^s, d'^viter ces erreurs 
propres k entralner un arrdt fatal, une irrevocable condamnation!P6n^tr^es 
des moindres details de ce program n(ke, vous parviendrez peut-^tre k parer 
k tons ces accidents dontquelques-uns, secondaires en appare nee, susci tent 
n^anmoins d'interminables infirmites! Celies d'entre vous qui se perfec- 
tionneront sans reldche, celies surtout qui seront attach^es k des services 
d'hdpital, jugeront promptement, en d^pit des efforts r^alis^Sy deslacunes 
de Ieur instruction : on commence k savoir, quand on commence k s'aper- 
cevoir qu'on ne sait rien. 

D'autres considerations militent encore en faveur d'^tudes plus com- 
pletes. — Sous rinfluence d'une pouss^e irresistible qui fait craquer les 
vieux monies de notre civilisation, les femmes r^clament, k Tegoisme de 
Thomme qui se croit seul digne de l^gif^rer, leurs droits aux carri^res li- 
berates, leurs places dans uneserie d'institutions! Au milieu de ce grand 
mouvement vous devez ap prendre sans cesse pour consenervotre situation, 
vous, sages-femmes, qui depuis longtemps occupez un domaine que les pe- 
titesses de la society ont renonce k vous contester, vous qui, depuis des 
annees, connaissez des secrets que d'autres commencent k peine a sender, 
vous dont rinstruction n'est point affaire deluxe, de mode, de caprice, 
mais bien de necessite, de Constance, de profession! 

La science marcbe : s'arr^ter, pour elle, c*est reculer. Aussi, sons peine 
de dechoir, vous prolongerez chef, vous ces periodes d'etudes. 

Vous le ferez au souvenir des jours passes sur ces bancs oil vous aurez 
ignore le vers du po^te : « Notre ennemi, c'est notre maltre... »; |vous le 
ferez au souvenir de cette Maison ou les Mattres, dans la mesure de leurs 
forces, auront facilite votre tdche, ou Tamitie de compagnes plus avancees 
aura assure, affermi, guide Thesitation de vos debuts. 

Vous serez les apdtres de Thygiene, de la propret^ dans tons les sens. 
Vous lutterez centre les pnguges; vous ferez penetrer partout le soleil, la 
lumiere, ces grands hygic^nistes ; vous ferez aerer ces pieces ou s'entassent 
nialades et bien portants, au point de s'auto-intoxiquer. Vous repousserez 
toute alimentation trop solide, trop t6t administree au tube digestif trop 



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VAUlfeTfiS. 127 

delicat des nouveau-D^s. Car ces nouveaa-n^s, comme les accQuch^es, dans 
quelque mesore vons appartiennent. — Sans doate, vous ne devez pas 
oublier les limites impos^es h votre intervention par la sagesse de la loi, 
sagesse qui, h dire vrai, n'est pas immuable! — Maie, d^ji, dans la sphere 
rescrv6e k votre activity, vous pouvez beaucoup. — Vous pouvez, surtout 
par risolement, ^viter la contagion; vous pouvez op^rer de salutaires 
-vaccinations, en particulier dans des pays rebelies a ces pratiques; vous 
pouvez, au sujet des nourrices, donner d'excelients conseils, ^carter une 
foule d*ennuis s^rieux ; vous pouvez, au souvenir des notions de pathologie 
ici m^me enseign^es, pr^venir ou gu^rir bien des maladies, en faisant 
appeler, comme je le disais, le m^decin en temps utile, pour une affection 
respiratoire, digestive, circulatoire, etc. 

A d'autres 6gards, vous parviendrez k rassurer une m^re ^plor^e, qui 
se d^sole a la vue de son rejeton second par l*horreur de convulsions, que 
leur mauvais renom, h^las! fr^quemment justifl^, fait rattacher k la fatale 
m^ningite; vous mettrez (in k ces convulsions parfois accidentelles, dont 
vous saurez d^pister la b^nignite ; vous le ferez, suivant les circonstances, 
en calmant une dentition, en expulsant un tienia, en supprimant une 
^pingie, agents, causes capables, en irritant la peau ou les muqueuses, de 
snsciter des processus reflexes I 

Je parte de consolation, Mesdames, Mesdemoiseiles, parce que, si vous 
devez votre science aux personnes qui s'adressent k vous, vous leur devez 
aussi autre chose : vous leur devez une assistance morale. 

A l*heure ou vons penetrez dans I'intimite des foyers, bien souvent les 
cceurs sont agites; Tangoisse est entree avant vous. — Ou craint des com- 
plications ; on redoute la divulgation d'un secret, principalemenl dans un 
manage m^diocrement uni; Tenfant qui va venir pent staler au grand jour 
lesstigmatesd'une maladieher^ditairejusqne-l&soigneusementcach^e; des 
jalousies se dissimulent peniblement k la pensee du patrimoine que va 
diminuer le nouveau venu, etc. ! 

C*est k ce moment qu'il faut vous souvenir du serment d'Hippocrate : 
%'08 yeux ne doivent rien voir; vos oreilles ne doivent rien entendre! N er- 
gotez pas sur les limites du secret professionnel ; ne faites pas de distinc- 
tions a la facon des casuistes, entre les confidences recues et ce que vous 
avez vous-mSme spontan^mentapercu! Une indiscr<^tion de votre part serait 
le plus odieux des abus de confiance, dont, m6me en mettant de c6te les 
rigueurs de la loi, vous uc tarderiez pas a t^tre pnnies par I'abandon de 
tous : aucune medaille, aucun dipl^me, aucune habilete ne sauraient rem- 
placer le moindre dSfaut d'honorabilite. 

A toutes les families vous devez indistinctement votre discretion, votre 
honn^tet^, votre patience, votre dt^vouement, aussi bien que votre science. 

Assur^ment, de justes honoraires doivent ^quitablement r^compenser 
vos Lotenentions, sans entrer jamais dans ces compromissions ignorees des 
int^ress^ qui, depuis quelque temps, tendent k jeter le discredit sur cer- 
taines professions; la valeur de ces honoraires en aucun cas ne servira de 
mesore a la valeur des soins que vous prodiguerez, sans introduire de 
difference entre le riche et Tindigent. 

Vous ii'avez pas davantage a tenir compte du rang, du caracttTC de la 



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128 REVUE HHILANTHROPIQUE. 

naissance, k savoir, pour le rejeton, a d'illustres parents s'il doit son ori- 
gine, ou si dans le vulgaire obscur quelque sort Ta piac^, d'autant qu*4 ce 
point de vue nombre de pr^jug^s devraient avoir fait leur temps! Enquoi, 
d'ailleurs, ou pourquoi I'enfant du libre amour meriterait-il moins votre 
bont^, votre soUicitude que cet autre issu d'une union d^cid6e par le poids 
deTor plus encore que par la sinc^rit^ou la d^licatesse des sentiments? — 
On voit des femmes repousser un petit-fils, parce qu'il est n6 d'une jeune 
m^re que leur fils a cboisie, au lieu d*accepter docilement Th^riti^re que 
leur s^che cupidity d^sirait lui imposer : je ne sais rien de plus hypocrite, 
de moins matemel! 

Souvenez-vous, d'ailleurs, que, si par hasard il se rencontre des mis^res 
indignes d'estime, il n'en est pas qui puissent exclure la piti^ ! — La tole- 
rance, Tel^vation an-dessus des mesquineries humaines, le d^sint^resse- 
ment : voiU quelques-uns des caract^res qui doivent signaler tout 6tre 
jug^ digue de porter secours k ses semblables dans les moments difficiles. 
— Si parfois la justice sociale intervient autour de vous, n'onbliez pas que 
la recherche des coupables n'entre point dans votre rdle. — Pour vous, en 
un mot, il n'y a que des m^res ou des nouveau*nes, et cela en toute cir- 
constance, comme en toute circonstance, in^me et surtout dans les temps 
les plus tiM)ubl^s, rh6pital, pour le m^decin, ne contient que des malades. 

En adoptant cette ligne de couduite, vous rencontrerez plus d'uu 
obstacle ; vous trouverez, en revanche, votre recompense ! 

Quelques-unes, si la clientele leur sourit, arriveront k la fortune, forr 
tune que je vous souhaile k toutes, bien qu'eile n'alleigne pas le plus 
souventles proportions de celle du financier! — Quelques autres, un peu 
plus nombreuses, connaltront ces amities solides, profondes, qu'engendrent 
seuls les services de la nature de ceux que vous rendrez : par-ci, par-14, 
la reconnaissance se manifestera, juste assez pour prouver qu'eile ne se 
r^duit pas k un vain mot! — La plupart n'auront d'autre satisfaction que 
celle du devoir accompli, et c*est quelque chose en toute situation, en par- 
liculier dans la v6tre ! 

II y a peu d'ann^es, sur 2000 femmes venues ici pour accoucher, des 
centaines parfois succombaient ! Aujourd'hui, ces d^c^s se chifTrent par 
quelques unites ! De ces nombreuses m^res que les d^couvertes modernes 
permettent d'arracher k ces premieres atteintes du mal, la plupart auront 
de nouveaux enfants. 

I^ science k coup siir ne salt pas supprimer la mort; toutefois, cette 
simple constatation, nette, Jumineuse, plus eioquente que de longues 
demonstrations, car rien n'est plus fort que Tarithmetique — cette simple 
constatation revendique pour cette science le pouvoir de reculer I'dge 
moyen,de faciliter la repopulation, grave probleme de Theure pr^sente! 

Croyez-vous done qu'il n'y a aucun m^rite, aucune joie, aucune fierte, 
kHre appelee k concourir k une pareille oeuvre? Or, c'est ik precis^ment 
4a destin6e qu'ouvre d^sormais devant vous le dipl6me conquis en ce jour! 
II vous conf&re le droit, le pouvoir, Tobligation de gu^rir si cette guerison 
est possible, de soulager quand on ne pent pas davantage, de consoler 
toujours! 

Mesdames, Mesdemoiselles, je termine en m'excusant, en me reprochant 



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VARlfiTfeS. 

cetrop long discours ! — Vous dtes impatientes de vous apparte 
pletement, d^Boitiyement, et voici que, jalouse de ses droits, 
tradition vous retient encore pour vous adresser les derniers cons( 
voas rappeler, au milieu de voire allegresse, les devoirs qui voc 
bent, les responsabilit^s qui vous atleadent! Le sort m*a d^sij 
faire entendre, dans ce concert de joie, quelques notes s^v^rc 
jeunesse aimable, insouciante, saura, je I'esp^re, ne pas m'en vov 



Instmotions sor la oonsommation du Lait, 

R^DIG^BS PAH MM. P. BUDIN, GOMBY, MIQUEL, ROUX ET P. STR. 

Le lait, aliment si precieux lorsqu'il est consomm6 au momen 
tir^ da pis de la vache saine, peut 6tre dangereux s'il est foumi 
vache malade ou si des microbes s*y ajoutent. 

Ges microbes peuvent venir de la vache elle-m4me (vache at 
taberculose, fi^vre aphteuse, etc.) ou dtre apport6s de Text^rien 
poufsi^res adh6rentes aux vases, par Teau qui sert k les laver, 
d^veloppant dans le lait, ils Talt^rent; introduits dans le tube 
ils d^terminent parfois Tapparition d^accidents tr^s graves , tel 
diarrh^es des nourrissons et le cholera infantile. 

U est done n^cessaire de d^truire ces microbes pour avoir un 
meat inofTensif. Le chauflfage est actuellement le seul moyen pi 
efRcace pour atteindre ce but. 

Les precedes de conservation du lait par V addition de substances 
coDstitQent des pratiques frauduleuses et souvent dangereuses 
sant^ des consommateurs. lis doivent Hre rejet^s. 

les procidis actuels de rifrigiration du lait offrent des avantages 
veiUr son aUiration et faciliter son transport^ mais ils ne constitue> 
moyen de st^ilisation de ce liquids alimentaire. 

La pasteurisation^ telle qu*on la pratique pour le vin et la bidre, & 
le ehauffage une seule fois a une temperature voisine de 60 degris, e 
uinte pour dHruire les germes nuisibles contenus dans le lait . Tc 
mode de chauffag-e, comme la rifrig^ation, peut itre utilise pour f 
transport dans certaines conditions favorables, 

Quand le lait doit Hre consomnU dans les vingt-quatre heures, il 
wit chauffi a 100 degrispour donner une s^curit^ suffisante. Ce lait 
cmserte dans le vase oil il a He chauffi et mis au frais. 

D'habitade on fait boaillir le lait en vase ouvert. S'il ne doit 
imm^diatement consomm^ et si on veut le couvrir, il faut attc 
refroidissement. En effet, la vapeor d'eau, se condensant sur le 
froid, forme des goultes qui entralnent dans le lait des impurel 
germes. 

(I) Travaux de la Commission d'6tude de rAlimentation par le lait. 

REVUB PHU-ANTHROPIQl'B. — II. 



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130 IIEVUE PIIILANTIIUOPIOL'K. 

Dans le cas ou Ton veut recouvrir le lait encore chaud, il faut que le 
couvercle vienne d'etre pass^ k Teau boaillante. 

L'^bullition fait p^rir presque tons les microbes; il en est cependant 
qui r^sistent et qui, si la temperature ambiante est sufOsamment ^leveo 
(par exemple pendant T^to ou dans une pi^ce trop chauff6e), peuvent se de- 
velopper et amener une alteration du lait. (Vest pourquoi on recommande 
de le mettre au frais quand il a bouilli. 

Pour les enfantSf quand le lait de ferame, toujours preferable, fait de- 
faut, ou a generalement recours au lait de vache. Le lait destine aux nour- 
rissons doit Hre reparti en flacons clos, contenant la qtiantit^ qui sera con- 
sommie en une fois. Les flacons seront chauffis au bain-marie et maintenus 
pendant trois quarts d'heure dam Veau bouillante, 

Les enfants prennentlelait souventetparpetites quantites^la fois ; si pour 
chaque repas on puisait dans la provision de la journ^e, k chacune de ces 
manoeuvres on introduirait de nouveaux microbes dans le lait et on per- 
drait ainsi le benefice du chaufTage. 11 vaut done mieux r^parlir k Tavanct^ 
dans des flacons le lait destine aux nourrissons. Ces flacons contiendront 
la quantite necessaire pour uu repas. 

Avant d'employer les flacons, on les lavera k grande eau, puis on les 
egouttera. Une fois qu'on y aura mis la quanlite de lait sufflsante,on los 
fermera, soit avec un tampon d'ouate introduit dans le goulot, soil avec 
un linge lie autour du col, soit k Taide d'uu des bouchons de raoulchour 
inventes pour cet usage. 

Les flacons, places ensuile dans un support special; un panier metal- 
lique, par exemple, seront introduits dans la marmite conlenant Feau 
froide, et on chaufl'era jusqu'4 I'ebullition, qui sera maintenue pendant 
trois quarts d*heure. Ce temps ecoule, on retirera le panier et on mettra au 
frais. 

Au moment du repas, on fait tiedir le Uacon au bain-marie. Quand il 
est arrive k la temperature convenable, on le debouche et on adapte sur le 
goulot une tetine propre qui a ete bouillie. 

Dans ces conditions, le lait passe de la bouteille dans Teslomac de Ten- 
fant aussi pur que du lait qui viendrait du sein de la m^re. 

Lorsque le coupage du lait aura ete present, c*est avant la sterilisation 
qu'on ajoutera la quanlite d'eau potable necessaire. 

Du laitreste-t-il dans un flacon, il ne faudra point, plus tard, le donuer 
k Tenfant ; il se trouvc, en efifet, souilie par les microbes de la bouche qui 
ont passe par I'ouverture de la tetine; ces microbes pullulent rapidement 
dans le lait et Talterenl. 

Tout flacon vide doit 6tre immediatement et soigneusement nettoye. 
Pour cela on fera usage d'eau carbonatee (cristaux, carbonate de soude) ou 
d*eau savonneuse, qui enleveront plus facilement les matiferes grasses; on 
rincera ensuite a grande eau. Ce nettoyage est tres important, car s'il 
reste un pen de lait dans le flacon, il s'aigrit et pent faire cailler le lait 
qu'on y verse ensuite. 

Si un ou plusieurs flacons n'ont pas ete ouverts, et si on veut les em- 
ployer le lendemain, on devra chaufl'er de nouveau au bain-marie et les 
laisser pendant trois quarts d'heure dans Teau bouillante. 



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VARllilTIiS. 

Quand ie lait doit Hre conserve plus de vingt-quatre heures avant d\ 
consomme {lait dit de conserve), il ne doit contenir aucun microbe vivant. 
obtieiU actuellemenl ce rdsultat soit par un chauffage en une fois et »uffis 
ment prolong^ a HOdegres, soit par un chauffage discontinu au-dessous 
cette temperature. Le chauffage du lait dans ce.s conditions ne lui fait 
perdre ses qualit^s nutritives. 

Le9, laits de conserve, quand ils sont bien prepares, penvent 6tre ai 
donnes aux enfants et aux nourrissons. Avant de les employer, 
s'assurera : 

!• Qu'ils ont bon aspect, c'est-i-dire qu'ils ne sont pas trop fonc^s 
oouleur, qu'ils ne sont pas cailles, qu*ils ont conserve Tapparence r 
male; 

2<* Q\i*k Foaverture de la bouteille ils ne d^gagent ni gaz ni mauvi 
od eiir ; 

3« Qu*il n'onl aucun mauvais go lit. 

Si la cr^me est remont^e h, la surface, on la remettra en suspens 
en agitaat le flacon apr^s Tavoir fait ti^dir. 

On versera directement ce lait de la bouteille dans le biberon, prei 
blement nettoye k Teau bouillante comme il a et^ explique plus haul. 

Si ce lait doit etre coupe, on emploiera de Teau potable bouillie. 



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CHRONIQUE ETRANGERE 



AUemagne. 

UNE SOCIETY d'assurances contre le cb6mage 

Une soci6t^ d'assarances contre le chomage d'hiver a ^t^ fondee a Co- 
logne et fonctionne depuis plus d'une ann^e d'une facon satisfaisante. Cette 
institution originale vient de publierson premier rapport annuel et ies con- 
stalalions qu'il expose sont fort int6ressantes, d'apr^s le r^suni6 qu'en 
donne le Labour Gazette du mois dernier. 

Pendant la p6riode que ce document embrasse — du 9 mai 1896 au 
31 mars 1897 — 229 personnes demand^rent k contracter une assurance, 
mais 9 furent refus6es comine ne rentrant pas dans la cat6gorie des ou- 
vriers ou employes pouvant participer k celte nouvelle cat6gorie d'assu- 
rance. La plupart des assures sont des ouvriers des diverses industries du 
bdtimenl, des ouvriers agricoles, des jardiniers om des journaliers ruraux. 

Une grande partie des assures ne versa pas r^guli^rement Ies cotisa- 
tions ou Ies laissa en retard; mais sur 220 inscrits 132 remplirent exacte- 
ment leurs engagements et acquirent ainsi le droit k indemnites en cas de 
chdmage du 15 d^cembre au 15 mars, p^riode que visent Ies polices de la 
soci^t^. 

Parmi ces 132 personnes, 96 se pr^sentferent comme inemploy^es : 
mais des situations permanentes furent procurdes k 15 d'entre eiles, 
grdce k la creation d'un registre de placement, avant le d^lai de quiuze 
jours apr^s lequel le droit k indemnity estouvertaux assures, et8l autres 
soci^taires furent pourvus d'emplois temporaires repr^sentant 2 181 jour- 
n^es, soit environ un mois de travail pour cbacun. Ge placement mutuel 
r^duisit k 1408 journ^es de chdmage, soit k environ 2950 francs, Ies in- 
demnites support^es par la compagnie. 

Les resultats moraux et financiers de ce premier exercice sont des plus 
encourageants, car, en On d*annee,le bilan pr^sentait un solde cr^diteur de 
129500 francs et dans les trois sematnes qui suivirent la cloture de Texer- 
cfice, cent nouvelles demandes d'assurance furent adress^es. 

Nous signalons avec grand plaisir les excellents resultats d'une tenta- 
tive qui, imit^e et g^n^ralis^e, pent rendre d'incalculables services aux 
ouvriers de toutes les professions que les rigueurs de la temperature met- 
tent en chomage forcr. 



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CHRONIQUE feTRANGfeRE* 133 

Am^rlque du Sad. •— Republique Argentine. 

Dix ann6es de statistique a bdenos-ayres 

La direction g^n^rale de statistique municipale de la ville de Buenos- 
Ayres vient d'envoyer en Europe Tannuaire de la capitale de la R6pu- 
blique Argentine pour 1896 (1). 

Nous ne sommes pas habitues k une telle rapidity dans la publication 
des documents ofRciels en Europe, surtout en France, et, rien que pour 
sa c6l^rit6| M. Albert B. Martinez, le directeur de la statistique municipale 
de Buenos-Ayres, devrait recevoir nos felicitations les plus sinc^res. 

11 les merite a bien d'autres tttres, plus importants encore que Tacti- 
vite mise a 6diter d'excellents documents, car commerannuai re precedent, 
le liTre qu'il vient de faire paraitre estdignederetenirlonguementl'atten- 
tion de tons ceux qui s'efTorcent de rechercher, dans le fonctionnement 
des ronages si compliqu^s de Tadministration des grandes villes, de 
r^elles ameliorations, soit au point de vue purement municipal, soit au 
point de vue plus special de la sant^ et de ia morality publique, de I'aide 
aaz malades, aux orpbelins,aux vieillards et aux ali6n6s. C'est par ce der- 
nier c6t6, que nous allons ^tudier rapidement, que Tannuaire argentin 
merite d'etre signals k Taltention des lecteurs de la Revue Philanthropique. 
Sous avons essay^ de coordonner et de comparer soit dans cet annuaire, 
hoitdans les. precedents se r6ferant au cycle 1887-1896, tant pour Buenos- 
Ayres que pour d'autres grands centres, ce qui a trait aux questions 
etudiees dans cette revue. 

« Ol- 
sons forme de preface, M. Albert B. Martinez, a ecrit pour le dernier 
annuaire une etude bistorique des donnees de la demographie des plus 
consciencienses et des mieux deduites. 

Au debut de ce curieux essai, ou Ton sent partout Tardente rechercbe 
de la verite, le directeur de la statistique de Buenos-Ayres met en lumidre 
une remarque consolante : k savoir que, dans tout corps social important et 
done d'une vitalite suffisante pour conserver son originalite, si I'individu 
reste libre de faire ou de ne pas faire telle ou telle chose — favorable ou 
prejudiciable k la collectivite — la societe, dans son ensemble, parait 
soumise k de mystedeuses lois de conservation de Tespece et de progr^s 
qui corrigent les fautes individuelles. 

L*Angleterre, par exemple, denote une Constance merveilleuse dans sa 
puissance de nuptialite et dans les per les dues^ sa mortalite par rapport 
a la quantite de ses habitants. De 1841 k 1868, la nuptialite n'a, pour ainsi 
dire, pas change, oscillant aux environs de 8 pour 1 000 habitants, tandis 
que la mortalite ne s*eioignait jamais que de quelques chifTres fraction- 
naires de la somme fatidique de 22 pour 1 000. Quant k la natalite, en 

{i) Anuario Estadistico de la Ciudad de Buenos-Ayres, — Imprimerie 
G. Kraft, rue Saint-Martin, a B.-A., 1897. 



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134 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

d^pit des transformations extraordinaires des conditions de la vie, elle 
n'accuse, pendant toute cette p^riode, dans le Royaume-Uni qu'une difT^- 
fence l^g^re de 3 pour i 000 habitants. C'est ik une tr^s curiense obser- 
vation. 

S'il est une nation que Ton ne songerait jamais k comparer, en mati^re 
de recensements d^mographiques, a la proiifique Albion, c'est bien la 
France. Or, la mdme loi de persistance des statistiques vitales s'afQrme 
encore plus imp^rieusement pour la France casani^re, ^prouv^e par la 
grande crise de la guerre franco -all emande, que pour I'Angleterre voya- 
geuse et paciflque. Si Ton prend les recensements des manages francais, 
de 1801 k 1869 — veille de la crise — ils repr^sentent, sans aucune variatioriy 
le chiffre entier de 7 pour 1 000 des habitants qui se sont succ6d6 au cours 
de ces soixante-dix anuses et, en d^pit de la crise de 1870-71, cette pro- 
portion s'est presque identiquement conserv^e depuis les ann^es 1872-73. 

La vie des peuples serait-elle done dominie par des lois in^luctables 
encore inconnues? Gomme le dlt le savant statisticien argentin, pour 
arriver k savoir s'il existe vraiment des lois qui gouvernent les mouve- 
ments des groupes d'hommes sur le globe d'nne facon aussi inflexible que 
celles [qui r^glent les mouvements des astres dans Tespace, il est essen- 
tiel que tons les peuples civilises olTrent k la science les donn^es com- 
pletes de ce probl^me, c'est-ii-dire des recensements p^riodiques ^tablis 
partout sur des bases identiques sinon uniformes. 

C'est un travail qu'avait autrefois entrepris Korosi k Budapesth et que 
la ville de Paris devrait s'efforcer de mener a bien pour 1900. 



LE PATRONAGE DE L ENFANCE A BUENOS-AYRES 

Memoria de la comision directiva del Patronato de la infancia. — Nous 
recevons de Buenos-Ayres le rapport du Comit6 de direction de la Soci6t6 
pour le patronage de Tenfance (mai 1896-mai 1897). Cette socidt^ qui fut 
cr^^e il y a cinq ans, et dont la premiere reunion a eu lieu le 23 mai 18921, 
a d^j4 fait beaucoup de bien. Elle place ses pupilles dans une ^cole des 
Arts et Metiers dependant de la Soci^te. 

Nqus trouvons dans ce m^ moire, outre le bilan financier, le nom des 
patronn^s, des donateurs, etc., un rapport du m^decin attach^ k T^cole des 
Arts et Metiers, sur I'^tat sanitaire de la population scolaire, un rapport 
du Comitd des dames patronnesses et un rapport du directeur de T^cole. 
Notons parmi les professions enseign^es les metiers de tailleur, de cor- 
donnier, d'encadreur, etc. 

M. D. 



En compl^tant les uns par les autres les chiffres donnas — et v^rifi^s 
— par M. Albert B. Martinez aussi bien dans I'annuaire de 1896 que dans 
les pr^c^dents, nous avons ^tabli le tableau suivant pour la mortality an- 
nuelle des treize plus grandes m^tropoles du monde entier — la Chine et 



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CnaONIQLE feTRANGfeRE. 



isr; 



rinde except^es — afin de meltre en pleine lumi^re Timportance extra- 
ordinaire que pr^sente pour nous, Parisiens, la latte contre la tuberculose. 



Population 
an 31 d^cembre 1 

Londres 4436000 

Paris 2425000 

New- York 1922000 

Beriin 1689000 

Vienne 1526600 

PhUadelphie . . . . 1188800 

Brooklyn 1125000 

Saint-P6tersbourg. . 95^00 

Moscou 753400 

Buenos-Ayres. . . . 712100 

Glasgow 705050 

Liverpool 632500 

Hambourg 625550 



Natalitd 
Mortality par 

pour 1000 habi- 

1 000 habitants, tants (1). 



18,8 
20 
» 
18 
22.5 



31,4 



30,6 
24,6 

27, i 
32,6 



33.7 



19,1 


40, i 


20,7 


34,3 


23 


35,4 


17,8 


35 



Mortality 

par phtisio 

pulmonaire 

sur 

100 d6c6s g6n6raux. 

9,31 
20,42 

M 

13,28 
18,47 



13,20 

12,02 

9,29 



12.11 



Ce r^sum^ assigne un rang excellent sous le rapport de la saute g^n^- 
rale k la ville de Buenos-Ayres et la met en premiere ligne comme resis- 
tance k la phtisie pulmonaire, forme la plus banale de la tuberculose. 

On Toit en outre par ce tableau que la pbtisie pulmonaire, qui reste la 
maladie actuellement la plus meurtri^re cbez tous les peupies, ne pr^sente 
nuUe part une virulence aussi redoutable qn'k Paris, oii plus d*un cin- 
qai^me de tous les d^ces lui sont iraputables, alors que Londres n'a gu^re 
plus de d^c^s par tuberculose, que Buenos-Ayres, soit moins de 10 p. 100 de 
1 'ensemble. C'est plus qu*une honte pour Paris, c'est un danger perma- 
nent des plus redoutables, contre lequel tous ceux qui d^tiennent une part 
d'autorit^ out le devoir de lutter ^nergiqueraent. 



Comme celui de 1895, Tannuaire de 1896 contient une 6lude de la cri- 
minality dans la capitale de la R^publique Argentine. Nous avous fait un 
compte rendu du travail precedent dans noire num^ro du mois de juillet 
dernier. Dans cette nouvelle 6iude, ^crite par M. Oswald P. Pinero, pro- 
fesseur de droit p6nal a Tuniversit^ de Buenos-Ayres, il est constats que, 
si Ton compare entre eux les deux cycles 1881-1887 et 1889-1891, Taccrois- 
sement absolu de la population de Buenos-Ayres est, dans le dernier, 
de 23,4 p. 100, alors que Taugmentation du nombre des crimes et d^lits 
a ^t€ de 250 p. 100. L'^cart est vraiment terrifiant. 

Les statisticiens argentins continuent a attribuer au jeu une influence 
considerable sur les manifestations de la criminality, lis ont calculi que, 
dans le cours d'une ann^e, taut sur les hippodromes que par les loteries 
et les quinielas (pans sur les jeux de paume), la passion du jeu a mis eu 

'i) Les mort-n6s exclus. 



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136 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

mouvement pr^s de 41 500 000 piastres papier, k Buenos-Ayres, somroe 
qui, ^valu^e en or, au taux de 300 pour 100, repr^sente, rien que pour 
Buenos-Ayrea, 60 107 500 francs; c'est-i-dire prfes de quatre fois la somme 
des recettes g^n^rales de la ville pendant cette raSme p^riode ! 

Qui pourrait tenter une semblable Evaluation pour nos vieilles melro- 
poles d'Europe? Quelles fortunes 4 Paris sont annuellement absorb^es par 
les courses, les cercles et les tripots, sans parler de la Bourse!... 

* » 

Enfin nous puiserons, pour terminer, dans cette comparaison des con- 
ditions de la vie d'une grande ville pendant dix ans, une confirmation 
Eclatante de TutilitE des mesures pr^servatrices et de desinfection contre 
les maladies contagieuses ainsi que de refiicacitE du sErum anti-diphte- 
rique. 

En 1887 il y eut, k Buenos-Ayres (p. 129 de Tannuaire) 4299 dec^s 
occasionn^s par la variole. 

A la suite des mesures Energiques prises pour Etablir la vaccination et 
la revaccination ainsi que la disinfection des locaux contamin6s,Ie nonibre 
des d^c^s s'abaissa k 30 en 1892, k 44 en 1893, k 45 en 1894; et, en d^pit 
d'Epid^mies, dues peut-6tre k un rei^hement dans Tapplication des me- 
sures de preservation, on n'a eu k d^plorer en 1897 que 176 d^c^s de 
varioleux. « 

11 est naturel d'attribuer cet abaissement si remarquable de mortalite au 
succ^s des vaccinations et des revaccinatioiis qui ont H^, de 1887 k 1897, 
de 219 981, ayant fourni 125 645 cas de r^ussite contre 22 800 r^sultats 
n^gatifs et 71 536 cas non suivis de constatations. Cette quasi-suppression 
de la variole — 14 d6c^s au lieu de 1 300 — est k noter et k souligner. 

Pour la dipbt^rie (croup et angine),le nombre des d^cEs qui, en 1887, a 
4i6 de 995 et de 1 385 en 1888, s'est abaissE, en 1895 a 381 et en 1896 k 230. 
L^ encore on a r^ussi k 6pargner de nombreuses vies bumaines. 

Puissent les lecons fournies par les faits constates a Buenos-Ayres pen- 
dant ces dix ann^es ne pas Hre perdues pour nous. 

» 

Dans I'ordre du soulagement des malades, de trds grands efforts ont 
et6 realises par la ville de Buenos-Ayres, et ces efiForls, qui se traduisent 
par de lourds sacrifices d'argent, sont d'autant plus meritoires que, sur 
22 011 malades recus dans ses hdpitaux en 1896, il y avait 13 564 Stran- 
gers; ce cbiffre est hors de proportion avec ceux de n'importe quelle 
grande ville. 

Pendant cette derni^re annSe, le nombre des dSc^s survenus dans les 
b6pitaux n'a pas atteint 1 1 pour 100 des entries (2308 d6c6s pour 22 Oil en- 
tries); c*est, du reste, le cbiffre le plus satisfaisant de la p^riode decen- 
nale 1887-1896. 

La capitale argentine comptait en 1887 douze itablissements bospita- 
liers destines k recueillir les enfants trouvis ou moralement abandonnes, 
les orpbelins, les mendiants, les invalides et les immigrants indigents. Ces 



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CHRONIQUE tTRANGfeRE 

douze asiles recurent, en 1887, 41 704 hospitalises et c 
d^cembre de cette mdme ann6e, 4 566 pensionnaires. 

En 1896, ii existait 18 de des ^tablissement charitable 
tation du nombre des pensionnaires n'a pas H6 corn 
d^pit de raccroissement consid^rcJile de la population, 
cours de Tann^e, que 46 350 hospitalises — dont 42 122 
n'y avail, au 31 decembre,dans les asiles que 4 904 pensi 
lement 348 de plus qu'en 1887. G'est un excellent symj 
eoDditions Sconomiques actuelles de la r^publique sud-i 

La m^me situation n'existe malheureusement pas 
Alors qu'en 1887 il n*y avait au 31 decerabre dans 
hommes et 518 femmes, en 1896 on complait 968 homm< 
La, comma en Europe etdans les autres grandes villes d 
fait des progr^s alarmants. 

# TiASl 



Angleterre. 

HOPITAL DES ENFANTS TROUVES (FOUNDLING H( 

Si nous n^h^sitons pas k reconnaitre dans les oeuvres 
tance un certain nombre de qualit^s dignes d'etre etudi 
t^es nous ne sommes pas cependantdes admirateurs quan 
qui a 6te fait chez nos voisins, et nos lecteurs ont pu voir 
craignons pas de m<Her h nos eioges les critiques qui noi 
fi^es. Nous ne songeons pas, par example, i citer comm 
pital des eufants trouv^s de Londres, oeuvre d'un caract 
et public, dont le fonctionnementestbien loin de valoirc 
ments similaires de notre pays. Mais ies conditions d 
hdpital a et6 fonde, les transformations qu il a subies, le 
des enfants, sont des points curieux de Thistoire de I'ass 
terre, et k ce titre il nous a paru interessant de les pres 
lions de ceux qui lisent la Revue Philanthropique. 

Le Foundling Hospital de Londres a 616 fond6 en 1739, 
roi George II, sur la petition d'un capitaine de vaisseau : 
Thomas Coram. Les pouvoirs de cetle charte ont He con 
par divers actes du Parlement. 

Les details qui suivent, sur Thistoire du commencera 
relativement ^ Tadmission des enfants, sont extraits d'un 
pr^s de cent ans plus tard, en 1836, c'est-4-dire d'un ii 
pr^sent^ au Parlement par une commission d'enqufite sur 
de charity. 

<c La pratique actuelle, disait ce rapport, a commenc 
Di}k, dans sa petition. Coram demandait qu*on elevdt un 
pie de la France, de la HoUande et des autres pays chr^ 
taux de ce genre ^taient ouverts a tous indistinclement 
pr^alable. Les gouverneurs de ThOpital de Londres, des 



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138 REVUE PIIILANTHROPIQUE. 

rent en m^yorit^ favorables k ce mode d'admission, dans la limite d^s res- 
sources dont on pouvait disposer. » 

Tne des premieres decisions prises par le goavemeur dbs que la charte 
fut promulgu^e fut d'envoyer one mission dans les pays strangers pour 
^tudier le fonctionnement et les rdglements des hospices d'enfants trouv^s. 
En suite de quoi no rapport fut d^pos6 et unr^glement fut adopts. II y 6tait 
dit notamment : — Qu'ane maison appropri^e serait choisie ; qu'il y aurait 
k Tentr^eune petite couravec des mursd'aumoinssiz piedsde haut; qu'un 
portier serait charge de laisser entrer les persounes qui apportoraient des 
enfants et de porter les enfantsaux personnescommi8es4radmission;que 
les circonstances obligeant Tadministration k ne recevoir qn'un nombre li- 
mits d'enfants chaque enfant serait d'abord examine ; que s'il n 6tait pas 
admis il serait rendu immddiatement k la personne qui ravaitameQ^,mais 
qu'il serait admis en principe et autant que possible s'il avait moinsde 
deux mois et n'^tait pas atteint de maladies nomm^ment d^signdes. Des 
m6decins ^tainat charges de cet examen d'entr^e. 

Les gouverneurs ayant lou^ une maison k Hatton Garden pour ser\'ir 
temporairement d'hdpital, le premier avis informant le public que les en- 
fants pourraient dtre admis fut sanctionn^ par un comity g^n^ral tenu le 
4 mars 1741 etauquel assistaient sept gouverneurs dont 6tait Coram. Cet 
avis 6tait ainsi concu : 

« Les gouverneurs... etc... donnent avis que le mercredi 25 mars a 
8 heures du soir, et depuisce moment jusqu'^ ce que la maisou soitpleine, 
ladite maison sera ouverte pour la reception des enfants. 

« Aucun enfant ayant plus de 2 mois ne sera recu, ni aucun enfant 
qui soit atteint d*une maladie pouvant mettre en danger la sant6 des 
autres. 

« A cet effet les enfants seront examines d^s leur arriv^e a rh6pital et 
chaque personne apportant un enfant devra entrer par la porte ext^rieure 
et sonner k la porte int^rieure et ne pas s'en aller avant que Tenfant lui 
ait 6l6 rendu ou qu'on lui ait donn6 avis de son admission. Mais aucune 
question ne sera pos^e a la personne qui apporte un enfant ; les gens de 
service de Fhdpital qui chercheraient k connaltre le nom de la personne 
d^positaire seraient imm^diatement cong6di^s. 

« Les circonstances actuelles et TexiguU^ du local obligeant les gouver^ 
neurs k ne recevoir qu'un nombre limits d'enfants, un avis sera affich^d^s 
que la maison sera pleine. » 

Depuis r^poque de la premiere admission, c'est-ii-dire depuis le 25 
mars 1741, on continua u recevoir de temps en temps quelqnes enfants, 
quand il se produisait des vacances que la mortality excessive rendail 
d'ailleurs fr^quentes, et quand les ressources n6cessaires 6taient assu 
r^es. 

En octobre 1745, la maison d'Hatton-Garden 4tait abandonn^e et Taile 
ouest de T^tablissement actuel 4tait ouverte au public. Mais il se pr^sen- 
tait tant de monde que parfois plus de cent femmes, avec les enfants 
qu'elles apportaient, se pressaient a la porte, alors qu*on ne pouvaitjen 
admettre que vingt; de 1^ des troubles, des disputes, des scandales, si bien 
qu'on fut oblige de proc^der par vole de tirage au sort. En 1754, il y avait 



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r 



CUROMQUE fiTRANGfeUE. 139 

dans l'6tablis8einent 600 enfants, et les d^penses que n^cessitait leur entre- 
tien d^passaient cinq fois le revenu doot on pouvait disposer. 

Pour sortir d'embarras on s'adressa h la Ghambre des communes et au 
Parlement. 

La Chambre des communes vota 10 000 livres par an (250 000 francs), 
en stipulant que tout enfant au-dessous d'un certain 4ge devrait 6tre re^u. 
En m^me temps, par arr^t du Parlement, ii fut ^tabli d'autres maisons 
analogues dans diverses parties da royaume, et ces maisons furent dot^es 
selon leur importance. L'admission se faisait alors sans formality; un 
paoier ^tait suspendu k la porte, on y d6posait Tenfant et Ton tirait une 
sonnette pour avertir. Le premier jour de cette admission gen^rale, 117 en- 
fants furent deposes k Londres et de cette 6poque (1756) jusqu^en 1783 le 
aombre des admissions alia toujours croissant. 

Les consequences de cette admission g^ndrale furent consid^r^es comme 
lamentables. On ne manqua pas de dire que la prostitution s'en trouvait 
favoris^e, puisque des facilit^s ^taient offertes pour I'admission des en- 
fanls. Cela ne laissait pas de mettre k bien faible prix la pudeur des femmes 
et on oubliait que faute de pouvoir abandonner leurs enfants elles ne 
manquaient pas, h61as ! de moyens de s*en d^barrasser. Ceux qui faisaient 
de telles critiques, qui ne sont pas sans analogues aujourd'hui, se pr^occu- 
paient plus de la vertu des m^res que de la vie des pauvres petits. 

Mais ce qui 6tait plus s^rieux et plus grave, c'est que, sur 14944 enfants 
admis, 10389 ^taient morts d6s les premiers mois. D'aulre part, les fonc- 
tionnaires des paroisses avaient imaging, para!t-il, d'envoyer par fraude ou 
par force les enfants legitimes de leurs pauvres k I'hospice des enfants 
irouv^s pour 6viter la d^peuse de leur entretien ; — des parents appor- 
laient aussi leurs enfants mouranls pour n'avoir pas d'enterrement k 
payer; — des habitants de la campagne confiaient k des interm^diaires 
obligeauts, pour les abandonner k ThApital de Londres, des enfants qui 
D*arrivaient jamais k leur destination. 

Lne enqu6te qui r6v61a ces fails avait 6t6 ordonn^e en 1759 par la 
Chambre des communes et, en 1760, on decida de renoncer k I'admission 
g^n^rale. On decida aussi que les enfants d^j^ recus seraient gard6s et en- 
tretenus, mais successivement les hospices de la province furent ferm6s et 
vendus, et le produit de la vente vers6 au compte de r^tablissement 
central. 11 y avait alors 6000 enfants, chifTre qui, par suite de placements 
au dehors, fut r^duit i 1 000 en 1769. On ne recut plus les enfants que 
contre le paiement de 100 livres, ce qui ne mettait Tabandon qu^ la 
port^e des j<ens riches. On ne s'explique gu^re comment cette mesure 
sauvegardait la morale, k moins qu'on admit qu'avant de faillir, une flUe 
devait s'assurer des arrhes pour I'abandon en cas de grossesse. Quoi qu'il 
en soil, 4 partir de cette ^poque, les admissions ne furent gu5re que de 
56 enfants par ann^e; ce nombre ne s'augmenta qu'exceptionnellement, 
notamment apr^s la bataille de Waterloo, ou Ton decida de recevoir 30 en- 
fants orphelins de soldats, kg€s de moins d'un an. 

A present Thdpital des enfants trouv^s n'entretient que 520 enfants. II 
est ouvert au public une fois par semaine, le lundi de 10 heures k 3 heures ; 
le rfeglement pour I'admission des enfants porte que : 



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ho REVUE PHILANTHROPIQUE. 

u Les enfants ne seront recus k Thopital que sur la demande person- 
nelle de leur rafere. 

u La demande doit indiquer I'^tat r€e\ de la m^re, et elle est rejet^e si 
la raoindre fraude est constatee. 

u Aucune demande ne doit 6tre faite avant la naissance de Tenfant ou 
ne saurait 6tre recue si celui-ci a 42 niois r^volas. 

« Aucun enfant ne pent 6tre admis sans que le comit6 ait constate, par 
une enqu^te, la bonne conduite habituelle de la m^re et sans qu'on soil 
certain qu'elle est abandonn^e, elle et son enfant, par le pere de celui-ci. 
Enfin le comit6 ne recoit Tenfant que s'il lui paralt probable que c*est un 
moyen de remettre la m6re dans le chemin de la vertu et d'une vie r^ga- 
li^re ; 

« Les demandes doivent Hre faites au comity, et on ne doit s'adresser 
ni k un gouvemeur en particulier, ni k aucun fonctionnaire de rh6pital. 

« On ne recoit pas d'argent pour Tadmission d'un enfant, et aucun em- 
ploy6 ne peut accepter quoi que ce soit, sous peine de renvoi. Les offres 
faites k des employes par la p^titionnaire sont une cause de rejet de sa 
demande. 

« Les enfants des femmes marines ou veuves ne sont pas recus. 

On voit comme on est loin du but originel de Tinstitution et, s*il reve- 
nait au monde, le brave Coram, capitaine de vaisseau marcband, dont le 
cceur s'etait ^mu en faveur des pauvres petits, ne reconnaitrait pas Tceuvre 
qu'il avait voulu fonder. 11 n*en reste plus rien; rien que son nom donn^ 
k une rue voisine. Pauvre bon capitaine Thomas Coram ! Ce n'est pas cela, 
silrement, quil avait rAve. 

Henbi Napias. 



Le Board of Ti'ade vient de publier dans le dernier numdro de la Labour 
Gazette une nouveile statistique de I'^tat du paup^risme en Angleterre et 
dans le pays de Galles, en Ecosse et en Irlande. 

Le nombre total des pauvres recens^s au cours de la deuxieme semaine 
de septembre, dans 3b districts du Royaume-Lni, a 6i^ de 322 254, ce qui a 
augmente la proportion des pauvres par rapport k la population, et aux 
statistiques de 1896 ainsi que par rapport aux recensements analogues 
de cette annee. 

En 1896, il n*y avait, dans les m^mes districts, que 205 pauvres recenses 
par 10 000 habitants, alors qu'il y en a maintenant 206 et qu'il n*y en avait 
eu, pendant le premier semeslre de 1897, que 204. 

La misere semble, d'apr^s ces documents, avoir augments, surtout en 
Ecosse et en Irlande. 



Espagne. 

LES monts-de-pi6t6 

En Espagne, les Monts-de-Pi6t^ sont en faveur aupr^s des pouvoirs pu- 
blics; ils trouvent toujours un appui lorsqu'il s'agit de faciliter leur bon 



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GHROMQUE ^TRANGfeRE. lil 

foQctionnement; la protection du Gouvernement se manifeste notamment 
sous forme d*exon^ratioQ de droits et cette diminution de leurs charges a 
one repercussion heurense sur celles des emprunteurs. 

On raconte,dans la notice qui accompagne le compte rendu des opera- 
tions de 1896 du Mont-de-Piet6 de Valence, qu'un inspecteur de rimp6t du 
timbre, ayant signal^ des omissions dans les operations de cet etablisse- 
ment, lui intenta une action. II fut deboute une premiere fois, puis de nou* 
veau et defiuitivement, par ordonnance du 4 mai 1896. 

Les immeubles occup^s par le Mont-de-Piete apr^s des reductions sue- 
cessives sont aujourd'hui entidrement et definitivement decharges de la 
contribution fonci^re par une decision recente. 

Les conditions des prets au Mont-de-Piete de Valence ne sont pas aussi 
avantagenses que celles de Madrid, elles sont k peu pres celles du Mont- 
de-Piete de Paris, bien que le chifTre des operations soit considerable- 
ment inferieur k Valence. 

On yprete depuis un franc & 6 p. 100 Tan, sur bijoux, linge et autres 
objets de facile conservation et vente ; les hardes se renouvellent aprfes 
6 mois, les bijoux apres un an; il est per^u un demi p. lOOpour frais d' es- 
timation et un demi p. 100 de frais de ^arde pendant le premier semestre; 
ce droit est reduit k un quart p. 100 les semestres suivants. . 

C'est aussi dans Textension donnee k leurs operations que ces Institu- 
tions trouvent les moyens de subvenir a leurs frais, sans surcharger les 
emprunteurs. 

L'etablissement de Valence qui fait ?aloir ainsi les fonds de la Caisse 
d'£)pargne, prete egalement sur ?aleurs et effets publics k raison de 
5 p. too Tan; sur les bies & 6 p. 100, et aussi sur hypoth^ques. 

w L'elat de prospedte de la Caisse d'Epargne et du Mont-de-Piete, ex- 
pose le rapporteur, est des plus satisfaisants et est dd sans aucun doute k 
la visible protection de la Sainte-Vierge, Notre-Dame des Abandonnes, et 
k la vigilance des dignes personnes qui en assurent la direction. » 



HYGIENE POPULAIRE 

La Higiene popular (n° 15, Madrid, 31 juillet 1897). En sa chronique de 
tkygitne populmrey le D** Mariano Belmas constate les progr^s accomplis 
de nos jours par ITiygifene, dans toutes les parties du monde; il espere 
tf que les principales nations du Nouveau Monde eompteront bient6t un 
ministere de plus, le Minist^e de la Salubrity publique ». 

La meme cbronique nous apprend que le general Fernandez Losada, di' 
recteur du service de sante militaire k Cuba, vient ,de publier une etude 
sur Tassainissement de la Havane. Le general se propose de changer avec 
une rapidite toute militaire Taspect de la capitale de la Perle des Antilles. 

Dans les provinces de Gadix, Santander, Tolfede, etc., des comites d'or- 
ganisationet de propagande se ferment en vue du Gongr^s international 
dTiygiene. 

Bien des etudiants en medecine d*il y a vingt ans ont connu, comme 
moi, ce chirurgien k la langue aussi aceree que le bistouri, qui ne pouvait 



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142 REVUE PIIILANTHKOHIQUE. 

▼oir arriver un raalade portant sur le visage les traces d'une variola an- 
cienne, sans Tinterpeller aiosi : « Vous aviez el6 vaccin6, n*est-ce pas, avaiit 
d'avoir la petite v^role? » Et» sur la r^ponse affirmative du patient, le 
maltrese toarnant vers les Aleves ajoatait : » Naturellement ! Vous voye/, 
Messieurs, k quoi sert la vaccine I » Les temps ont change. 

On sait les heureuz r^sultats atteiuts dans certaines armies earo- 
p^ennes par la pratique de la vaccination obligat<>ire. Get ezemple a ^t^ 
suivi en France, dans les h6pitaux, les groupes scolaires, les casernes, etc. 

En Espagne, il est question d*aller plus loin encore. Le D*" Iglesias y 
Diaz pr^sente au S^nat un projet de loi tendant d rendre la vaccination 
obUgatoire en temps (T^id^ie, pour tous les citoyens dgH dt moins de sot- 
Xante ans, et n' ay ant pas m vaccinas dans les dix demUres annies (art. 2). 
11 va sans dire que, toujours d'apr^s ce projet de loi, la vaccination es! 
obligatoire pour les nouvean-n^s, dans le!4 quatre premiers mois de la 
vie (art. 1). 

En cas d'infraction i ces regies, les pdres, tuteurs, chefs de famille et 
int^*essis seraient rendus responsables et punis d'amende (art. 4). 

Des Instituts de vaccination seraicnt cr^^s (art. 5) et le Gouveroement 
prendrait les dispositions n^cessaires pour faire appliqner la loi (art. 6). 

Le D^ L. S^ailles, president de la Society roedicale de bienfaisance de 
Madrid traite Timportante question des « crachoirs et crachats ». L'article 
est h sa place en un journal d'hygii'^ne et les int^ress^s y trouveront d'uliles 
indications et toute une r^glementalion judicieusement formulae. LeMt 
prescriptions hygi6niques sont, sur ce point, rigoureusement observ^es 
dans nos hopitaux. Malheureusement il n'en est pas toujours de mc^me 
daus certaines families. Combien de malheurs seraient ^vit^s, si les per- 
sonnes qui ontun malade k soigner a domicile se conformaient plus scru- 
puleu^ement aux avis du m^decin. 

La revue espagnole signale sous le tilre: hygiene indnstrielleles incon- 
v^nients et les dangers de diverses industries; celles du phosphore, du 
mercure, des couleurs, des Others, etc., et publie la traduction d'un remar- 
quable rapport sur le travail des enfants et des femmes (1) dii iJi la plumo 
d'un Eminent collaborateur de la Revue Philanlhropique, le D"" Henri Napias, 
inspecteur g^n^ral de TAssistance publique, membre de la Commission 
sup^rieure du travail et de Tindustrie. 

Les lecteurs de VHygiine populaire trouveront enfln, k la derni^re page, 
des renseignements qui nesont pasdepourvusd'int6r^tsur le lait d'Anesse 
et son emploi. Ce lait, si fort k la mode, il y a quelques anuses, a joui de 
tout temps d'un credit qui n*est pas injustifi^. « Les Grecs le consid^raient 
comme un excellent remade et les Romains comme une boisson de luxe. » 
Le lait d'dnesse serait, parait-il, celui qui se rapprochele plus par sa com- 
position de celui de la femme. Les dnesses sont, moins que les vaches, su- 
jettes k la tuberculose. Toutefois ce lait s'alt^re rapidement et il doit 4tre 
utilise au moment de la traite, etc. 

On voit que la revue madril^ne tienlA justilier son titre : VHygi^e popu- 
laire. Marius Dupont. 

^1 Mdmoire pr6sent6 k I'Acad^mie de iii^ilerinc, 12 Janvier 1897. 



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INFORMATIONS 



Les OOQlistes des H6pitaux. 

Ine commission du Gonseil de surveillance de TAssistance p oblique a 
approuT^ dans sesgrandes lignes une proposition de M. Paul Strauss, rela- 
tive aux sp^cialit^s et tendant notamment d la creation de services sp^- 
ciaux de maladies d'yeux confi^s k des oculistes. 

Le recrutement des oculistes des hdpitaux aurait lieu d*apres un concours 
^tabli sur les bases snivantes : 

Epreoves ^liminatoires : i^ Epreuve sur tilres comportant le d6p6t par 
le candidatdes travaux qu'il a publics et d'un r^sum^ 6crit de ses travaux; 
2* Epreuve 6crite d*analomie et de pbysiologie sp^ciales ; 3^ Epreuve orale 
de m^decine g^n^rale. 

Epreuves definitives: 1° fipreuve de m^decine op6ratoire sp^ciale sur 
des animaux anesthesias ou des cadavres; 2^ Epreuve clintque sur deux 
malades. 

1^ jury du concours serait ainsi form^: cinq membres, dont trois sp^- 
cialistes, un cbirnrgien et un ra^decin des h6pitaux. 

Les sp^cialistes seraient actuellement prisparmi les cbirurgiens desb6- 
pitaux charges d*un service d*ophtalmologie, les agr^g^s d'ophtalmologie, 
les chirorgiens des b6pitaux ayant effectiyement dirig^ un service reconnu 
d'opbtaimologie. 

II a ete decide qu'un nouveaa service de maladies d'yeux serait etabli a 
rhdpital Laennec, d'aatres services devant «^treulterieurement etablis dans 
d'autres etablissements hospitaliers. On sait que, sans parler de la clinique 
ophtaimologique des Qainze-Vingts, les hdpitaux parisiens ne renferment 
auJourd*hui que deux services de maladies d'yeux, tout k fait insuffisants 
comme nombre de lits, Tun k rHdtel-Dieu, Tautre a Lariboisi^re. 



Le Transport des Enfants Assist^s. 

Le ministre des travaux publics s'est pr^occup^ des conditions d^fec- 
taenses dans iesquelless*effectuegeneralement le transport, en chemin de 
fer, des enfants envuy6sen nourrice, par les services d'Assislance publique. 

Les cloisons s6paratives des voitures de troisieme classe, dans lesquelles 



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REVUE PIIILANTIIROPIQUE. 



voyagent toujours les noarrices,ne s'^l^vent pas, en effet, jusqu'au plafond 
des voitures. II en r^sulle que les nourrissons sont exposes non seulement 
k la fum^e du tabac, mais encore aux courants d'air, d'autant pJus pr^ju- 
diciables k leur sant^, que ces inconv^nients viennent s^ajouter a la fatigue 
du voyage. 

M. Turrel,dans une circulaire toute r^cenle, vient d'appeler ratiention 
des compagnies de chemins de fer sur cette importante question, en les 
invitant k 6tudier d'urgence les mesures qu*elles pourraient prendre pour 
rem^dier a ces dangers. 

Le Gonoours des H6pitaux. 

A la suite de pol^miques r^centes sur certains abus, la Soci^t^ m^dicale 
des hdpitaux de Paris a d^l^gu^ une commission de 21 membres, charg^e 
d'^laborer un projel de r6formes du Goncours du bureau central en m^de- 
cine. Les travaux de cette Commission paraissent devoir 6tre pouss^s tr^s 
activement. La premiere stance a eu lieu le 15 octobre, et les autres stances 
ont lieu deux fois la semaine. 

De son cdt6, le conseil de surveillance de TAssistance publique anomm^ 
une commission pour T^tude des modifications k apporter au r^glement; 
les voeux ^mis par la Soci^t^ medicate des b6pitaux seront transmis k 
cette commission dont font partie des repr^sentants de la Faculty de 
m^decine et du corps m^dico-chirurgico-obst^trical des h6pitaux. 



Les D^penses des H6pitaux parisiens. 

Voici quelles ont ^te en 1896 les d^penses des hdpitaux de Paris 1 

Personnel administratif 389651 88 

Impressions, frais de bureau 15101 02 

Frais de cours et de concours 51756 31 

Personnel m6dical 953193 51 

Personnel secondaire 1631209 38 

B&timents 787906 71 

Pharmacie 924810 36 

Boulangerie 478489 96 

Boucherie 2002051 11 

Cave 875736 41 

Comestibles 1938953 41 

Combustibles 1334431 14 

Blanchissage 786257 03 

Coucher, linge, habillement, etc 1328713 14 

Appareiis, instruments dc chirurgie, etc 1184167 83 

Transports. 137700 10 

Frais de loyers, eaux, salubrity, etc 797606 33 

Fonds de reserve » »• 

Totaux 15617735 6 

En 1896, pour 4 420497 journ^es de malades, 11 a ^t^ depens^ 
15617 731 63 d'ou le prix de journ6e de 3 fr. 533. 



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INFORMATIONS. 145 

Poor 1898, oa pr^voit 4 584 000 journ^es de malades et uae d^pense 
de 15608704 d'ou un prix de journ^e de 3 fr. 405 en diminution de fr. 
12803 sor celui de 1896. 

Si Ton decompose les prix de journ^es en lears divers ^l^ments, on 
obtient le tableau suivant : 

Personnel adminlstratif 0,08814 

Impressions, frais de bureau 0,00341 

Frais de cours et de concours 0,01170 

Personnel medical 0,21563 

Personnel secondaire 0,36901 

BAtiments 0,17823 

Pharmacie 0,20920 

Boulangerie 0,10824 

Boucherie. . . ' 0,45290 

Cave 0,19810 

Ck>mestibles 0,43862 

Combustibles 0,30192 

Blanchissage 0,17786 

Coucher, linge, habillement, etc 0,30058 

Appareils, instruments de chirurgie, etc 0,26788 

Transports 0,03115 

Frais de loyers, eaux, salubrity, etc 0,18043 

Fonds de reserve » 

ToTAUX 3,53300 



Le Fonctionnement des Bureaux de bienfialsance. 

A la suite de rinterpellation au directeur de TAssistance publique 
sur les reserves des bureaux de bienfaisance, le Gonseil municipal a 
voi^ la proposition suivante, sign^e de MM. Lerolle, Paul Bernard, 
Alpy,Gay, Deville : 

La 5* Commission est invitee k presenter au Conseil un rapport sur les 
questions suivantes : 

1<* Comment sont faites les Economies des bureaux de bienfaisance et 
dans quelle limite elles peuvent ^tre faites? 

2^ Quel usage doit Hre fait des reserves actuelles pour qu'elles soient 
utilement distributes aux pauvres? 

3^ Quelles r^formes peuvent assurer d'une mani^re plus efficace les 
secours en cas d'urgence et Tassistance des infortunes passag^res qui ne 
rentrentpas dans la clientele ordinaire des bureaux de bienfaisance? 






L'Orphelinat Parent de Rozan. 

Un nouvel orphelinat vient de 9'ouvrir dans un immeuble l^gu6 d TAs- 
sistance publique de Paris ; des difflcult^s contentieuses, anjourd'hui apla- 
nies, avaient retard^ la realisation du legs Parent de Rozan. 

REVIB pmLAKTHROnQCV. — U. 10 



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U6 REVUE PIIILANTHROPIQUE. 

L*orphelJnat Parent de Ro/.an est destin6 k recevoir douze jeunes Giles 
pauvres, de Dationalit^ francaise, dont six appartenant aa IX" arrondisse- 
ment, et six appartenant au XVI®, et prises de pr^f^rence parmi les orphe- 
lines de savants, de litterateurs ou d'artistes. 

Les orphelines seront admises dans Torphelinat sur le choix fait dans 
les IX* et XVI« arrondissements par leurs municipalit^s respectives, avec le 
concours de deux membres du bureau de bienfaisance, nomm^s par le 
bureau, et d'un d^l6gu6 cantonal, nomm(^ par la delegation. 

Les enfants sont admises dans Torphelinat k partirde Vkge de huit ans, 
jusqu'^ Vkge de douze ans. 

Elles seront eiev^es simplemeni et babiluees k tous les soins et travaux 
(le I'interieur d*un manage. 

Elles recevront, conformement aux intentions exprimees par le fonda- 
teur, une instruction liberate et profession nelle destinee, autant que le 
permettront leurs aptitudes, k les mettre k meme de se diriger vers les 
arts industriels ou le professorat. 

Celte instraction, donnde k Tinterieur de Tetablissemcnt, pourra etre 
compietee dans les ecoles commerciales ou professionnelles de la ville de 
Paris, ou m^me par Tapprentissage, au dehors, dune profession. 

La duroe du sejour des eieves u Torpheliuat est liroitee k huit annees, 
sauf les exceptions admises par le directeur de TAssistance, d'accord avec 
les municipalites interessees. En aucun cas une el?»ve ne pourra etre gar- 
dee apres sa raajorite. 

Les eieves, sortant de Torpheliuat, pourront recevoir un trousseau et 
uoe dot dont la valeur, subordonnee aux ressources de la fondation, 
pourra atteindre i 500 francs. L'allocation en sera faite par le directeur 
de TAssistance publique sur I'avis de la direclrice. 

II estbien entenduque la liberalite ci-dessus ne serait pas accordrn* a 
lorpheline qui se mettrait dans le cas d*exclusion de Tetablissement par 
inconduite, insoumission ou toute autre cause. 

Le revenu de Tetablissement est de 23 750 francs par an. 



La Fdte de rAgrHcolture au Mus^e social. 

Pour faire suite a la belle fete du travail offerte I'an dernier aux ou- 
vriers les plus meritants de I'industrie nationale, M. le comte de Cham- 
brun a inslitue une fete de t'Agriculture k laquelle etaient convies les 
representanls des syudicats ruraux. 

Au mois de mars deniier, une conference preparatoire tenue a Nice de- 
tei-minait les conditions du concours des s^Tidicats agricoles ; il devait 
distinguer par des recompenses les heureuses initiatives prises par ces 
laureats en matiere d'organisation de la solidarite reelle entre leurs membres 
ou d*institutious presentant uu caractere d amelioration sociale, telles que 
renseignemeiil agricole, la cooperation, le credit agricole, les diverses 
formes de la prevoyance, Tassistance mutuelle, la conciliation des diffe- 
rends, le placement des ouvriers, etc. 1 676 syudicats etaient invites par 14 



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INFOKMATIONS. 147 

circulaire k faire connaitre les principaux points de Toeuvre accomplie 
par eux; sur ce nombre, 153 candidatures ^taieot poshes; diss^min^es 
sar toule T^tendue du territoire, elles repr^sentaient environ 127000 agri- 
col tears, qui furent jug^s par leurs pairs, les membres du bureau de 
rUnion centrale des syndicats agricoles. 

Cast la distribution des prix de ce cpncours qui a eu lieu le 31 octobre 
aa Mus^e social, sous la prSsidence de M. M^line, president du conseii, 
mioistre de rAgriculture, ayant k sa droite le comte de Ghambrun et h ses 
cdt^s MM. Jules Siegfried, Tb6ophile Roussel, etc. 

M. de Rocquigny a donn^ lecture de son rapport sur les r^sultats du 
concours, et M. Emile Duport, de Lyon, president du syodicat class6 le 
premier, a expose les origines et le d^veloppement de la cooperation rurale 
en France. 

On a proc^de ensuite k la distribution des prix, dont le total atteignait 
25 000 francs, ainsi d6compos6s : quatre grands prix d'bonneur (2000 et 
3000 francs, et m^dailles d'argent), les syndicats de Belleville-sur-Sadne, 
de Poligny, du Loiret, d'Allex et Crest (Drdme) ; dix-sept prix de 1 000 francs, 
aox syndicats d'Anjou, de Belignieux, de Cadillac, du Calvados, de Castel** 
Daudary, du Comtat, de Die, du Doubs, d'lUe-et-Vilaine, de la Manche, de 
Remiremont, de Roquevaire, de Saint-Amand-de-Boixe, de Saint-Genis- 
Laval, de la Sarthe, de Vaucluse et de Saint-Fiacre (Paris). 

Apr^s la proclamation de vingt-trois m^dailles d'argent et de vingt- 
einq mentions honorables, M. M^line a pris la parole et, apr^s s^dtre in- 
cline devant « Thomme de grand coenr et de baute intelligence qui a si 
bien compris les besoins de son temps et qui donne un si noble exemple 
de d^sint^ressement et d'amonr de i'humanit^ », a insists sur Tinitiative 
du monde agricole qui « le premier a compris et appliqu^ la grande for- 
mole de solidarity et de mutuality qui contient la vraie, la seule solution 
possible du probl^me social ». 

Le pr^ident du conseii a annonc^ qu'ii allait prochainement proposer 
an Parlement la creation de banques r^gionales mutuelles destinies k 
completer les assurances mutuelles agricoles. 

M. le comte de Ghambrun a.remerci^ en quelques paroles 6mues : « On 
me remercie, etc'estti moi de remercier. Je ne serais arrive k rien sans le 
puissant concours de ceux qui m'^coutent; c*est leur d^vouement qui 
m'inspire ; je n'ai pas k leur demander d'avance pardon des nouveaux tra- 
Taux que j'aurai k leur imposer, tant je sais qu'ils seront heureux de par- 
ticiper au bien-^tre de tous, k Tapaisement social dont a pary M. le ministre. 
Notre force vient de ce que Tarticle I" de nos statats nous interdit toutes 
discussions politiqnes et religieuses. Aussi nos sections r^unissent-elles des 
gens qui, en dehors de leur amour commun pour le bien social, professent 
ies opinions les plus diffi§rentes. » 

Le soir, M. de Ghambrun a donn6 chez lui un diner de deux cent cin- 
quante converts. Des toasts applaudis ont 6te prononc^s par MM. le comte 
de Chambrun, Jules Siegfried, Cheysson, Kergall et Duport. 



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ECHOS 



Le Basar da la Charity. — On annonce que le Bazar de la Charity 
chdmera Tan prochain. 

M. Garnier, secretaire g^n^ral du Bazar, a d^clar^ & un le r^dacteur du 
Figaro que sur les cent soixante oeuvres du Bazar, plus d'une centaine 
comptent organiser elles-mdmes Tan prochain des ventes partielles dont 
le produit subviendra k leurs besoins pour une ann^e. 

II resterait trente k quarante oBUTres, les plus pauvres, qn*il faudrait 
aider. Celles-ci ont demand^ k M. Gamier de bien vouloir, avec quelqaes 
dames pr^sidentes, s'occuper d'elles d^s le d^but de Tann^e prochaine : on 
les r^unirait done au printemps en une installation provisoire oh serait 
faite k leur proQt une vente qui durerait quelqaes jours. 

Mais le Bazar de la Charity ne rouTrirait ses portes, avec un nouYeau 
Comity, qu'en i899, et dans le nouveau local ^lev^ par la iib^ralit^ de 
M"^* la comtesse de Castellane. 

L^Orphelinat des Arts. — La distribution des prix aux pupilles de 
rOrphelinat des Arts a eu lieu le dimanche 24 octobre dans le grand h^mi- 
cycle de TEcole des beaux-arts, sous la pr^sidence de M. Barthoo, ministre 
de Tint^rieur, assists de !!"• Marie Laorent, pr^sidente de TCEuvre, de 
M"* Hirelle, directrice de Torphelinat. 

Autour de la pr^sidente, et aux premiers rangs de Th^micyle : 
Ifmef Poilpot, vice-pr6sidente, Krauss, Roty, Doche, Marni, Frantz-Jour- 
dain, Vrignault, Rachel Boyer, Roger Marx, Francis-Magnard, Alban Chaix, 
Bertol-Graivil, Roosevelt, Ulmann, Lenoble, Barbottin, Morin, Laudmann. 

11 ressort du rapport de la pr^sidente-fondatrice que, depuis dix-sept 
ans, Torphelinat des Arts a recueilii, 61ev^, plac4, et parfois mari^ 
131 ei^ves. 

M"^* Marie Laurent rappelle que M. Duquesne, Tancien Miteur, a fait 
don k la soci6t6 d'un chdteau tout meubl^ dans ie Calvados oil les pupilles 
de Torphelinat vieonent de passer leurs vacances. 

M. Barthou prononce une allocution appiaudie; il remet les palmes aca- 
d^miques k M"* Scalini, vice-pr^sidente tr^sori^re, et a M. Sock, profes- 
seur de litt^rature k Torphelinat. 

2300 francs de livrets de Gaisse d*epargne sont distribu^s : six certifl- 
cats (616mentaires et cinq certiQcats d'^tudes sont obtenus. 



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£CHOS. 149 

Le Prix Osiris. — M. Osiris, r^ajisant d^s maintenant sa promesse, 
vient de verser & la Banqne de France une somme de cent mille francs re- 
pi^sentant le montant du prix qn'il a mis k la disposition du Syndicat de 
la presse parisienne pour r^compenser ToBUvre la plus m^ritoire de I'Expo- 
sition de 1900 au point de Tue artistique, industriel ou humanitaire. 

L'Orphelinat de la BUouterie. — Le 17 octobre, I'orphelinat de la 
bijouterie, joaillerie, horiogene, a proc^d^, k deux heures, dans la salle 
des f^tes du Trocad^ro, k la distribution annuelle des recompenses aux 
enfants places sous son patronage. La c^r^monie ^tait pr^sid^e par M. Bar- 
thou, mioistre de Tint^rieur, aux cdt^s duquel avaient pris place, en 
oatre des membres du bureau de la Soci^t^, plusieurs deputes et conseillers 
municipaux. 

Apr^s un discours de M. Richard, vice-president de Torphelinat, 
M . Barthou a prononc^ une courte allocution. 

L'orphelinat a ensuite distribu^, k ceux de ses fpupilles qui se sont 
signaies dans Tann^e, des recompenses consistant en livrets de caisse 
d'6pargae et de retraites, livreset instruments de travail. Les principaux 
laur^ats ont ete Ferdinand Goqueret, Rosalie Goqueret, Charles Marais, 
Mathiide Manage, Paul Audrianne, Ferdinand Chardon. 

Un concert a suivi,auquel avaient prSte leur concours plusieurs ar- 
tistes de rOp^ra, de rOpera-Comique, de la Comedie-Francaise, du Vau- 
deville et des BoufTcs-Parisiens. 

Alcooliques et Abstinents. — M. Forei a communique au recent Con- 
gres international centre Tusage des boissons alcooliques, la statistique 
snivante, concernant les personnes sorties de Tasile d'Ellikon de 1888 k 
1896 (environ 740). Parmi celles-l&, les unes sont restees entierement ab- 
stinentes, et les aatres se sont remises k faire usage des boissons alcoo- 
liques. La proportion des dec^schez les abslinentes est seulement de 1,7 
p. 100, tandis qu'elle est de 22 p. 100 chez les autres. Ges chifTres mon- 
trent que Talcool est un aliment dangereux pour les alcooliques et qu*on 
peat en sevrer ces demiers pour leur plus grand bien et sans danger. 

Une F6te de Charity. — Un grand nombre de membres des comites 
d'admission de irExposition de 1900 ont eu la genereuse pensee de preiu- 
der a leurs fonctions par une fete de charite; ils ont Tintention d*organiser 
an grand bal qui serait donne k TOpera au profit d'ceuvres de bienfai- 
sance, sous la presidence d'honneur du ministre du commerce, la presi- 
dence du commissaire general et la vice-presidence des directeurs gene- 
raux, directeurs et secretaires generaux de I'Exposition. 

L'organisation de cette fete serait reservee aux gronpes syndicaux du 
commerce et de Tindustrie, aux associations des jurys des Expositions na- 
tionales et des expositions frangaises k retranger. 

La fete aurait lieu, si aucun retard ne se produit, dans la premiere 
quinzaine de decembre. 

Une petition. — Les pensionnaires de Thospice d'lvry viennent de 



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150 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

d^poser au Consei) mnnicipal une petition demandant 'qu'^ Tavenir, les 
pauvres vienx qui meurent dans I'dtablissement soient en terras gratuite- 
ment ou tout au moins au prix de quatorze francs, comme le sont les in- 
digents parisiens, au lieu d'etre iivr^s aux amphitheatres de disseclion. 
Gette requite touchante trouvera certainement Taccueil le plus favo- 
rable au Conseil municipal de Paris. 

Le Pavilion Ofiiris k la Salp6tri^re. — M. Osiris a propose k Tad- 
ministration de rAssistance publique, qui a accepts cette ofTre avecjrecon- 
naissance, de faire constrnire k ses frais, h la Salp6tri^re, un pavilion de 
chirurgie destine au service de M. le docteur Segond. 

Le Conseil de sunreillance, consults sur cette donation, a ^mis un avis 
favorable. 

La Fourniture de Lait des h6pitaax. — Le mercredt 17 novembre 
1897,i deux heures, il sera proc^d^ publiquement, au chef-lieu de Tadmi- 
nistration de TAssistance publique, a Paris, avenue Victoria, 3, k Tadjudi- 
■cation, sur soumissions cachet^es et au rabais, de la fourniture de lait n^ 
cessaire au service des hdpitaux et hospices civils de Paris pendant 
I'ann^e 1898. 

Ladite fourniture est ^valu^e k 3 009 800 litres et divis^e en 23 lots. 

Secours aux Naufrag^s. — La Socidt^ centrale de sauvetage des nau- 
frag^s a re^u de la Soci^td imp6riale russe de secours aux naufragds la 
.somme de 100 francs pour la famille d'un homme du Surcouf, qui s'est 
noy^ dans la N^va, lors de la visite du president de la R6publique. 

L'Orphelinat d^Audiffired k Troyes.— 11 y a peu de jours a eu lieu 
k Troyes, sous la pr^sidence du prdfet, Tinauguration |de Tasile destine 
aux jeunes garcons orphelins. Gent enfants y seront admis. M"*' AudifTred 
a donn^ 450000 francs en mdmoire de son mari, pour eriger cet asile. La 
Ville a doun6 50000 francs et les hospices 5000 francs. Des discours ont 
ei6 prononc^s par MM. Mony, maire; Rostaing, pr^fet, et Lebrun, repr^- 
sentant M™« Audiffred. Les travaux ont 614 executes par M. Fontaine, ar- 
chitecte a Troyes, d'aprfes le projet de M. Lebrun. 

Un Sonrd-Mnet avocat. — Le Journal des Sourds-Muets nous apprend 
que la cour supreme de Galifornie vient d'admettre dans son barreau 
M. Theodore Grady, sourd-muet. 

Lenouveau d^fenseur a pass4 un examen dcrit; il donnera ses consul- 
tations par 6crit. 11 est lui-m^me marid k une sourde-muette et a trois 
enfants jouissant de toutes leurs facult^s. 

Le Denxi^me Dtner des Mutnalistes Aran^als. — Le deuxi^me 
diner des Mutualistes francais aura lieu k Paris, le jeudi 25 novembre, sous 
la pr^sidence de M. M^line, president du Gonseil des Ministres. 



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REVUES ET PUBLICATIONS FRANfAISES 



Dans son int^ressant Bulletin de la Revue d'hygi^e (20 oclobre 1897), 
M. le D' Vallin expose avec sa clart^ habitaelle les efforts tenths en France 
pour la lutte si n^cessaire contre Talcoolisme ; il s'attache surtout k mon- 
trer Tefficacit^ dn mouvement anti-alcoolique scolaire dont nous avons 
entretenu les lecteurs de la Revue Philanthropique (1). 

« Dans cette nouvelle forme de la ligue contre ralcoolisme, 6crit-il, il y 
a un effort loaable qu'il faut encourager. Les rdsultats obtenus dans les 
autres pays sont d^j^ remarquables. On a pu s'en assurer recemmeht par 
les diverses communications qui ont ^t^ faites au Congr^s international 
contre Talcoolisme, tenu k Bruxelles au mois de septembre dehiier, et en 
particulier par une nouvelle notice de M. Roubinovitch. M. le D' Legrain, 
ni^decin en chef de Tasile d'ali^n^s de Ville-Evrard, charg6 d'un rapport 
sur les liens k 6tablir entre les soci6t^s de ce genre, a conclu a la creation 
d'un OfXice international reliant toutes les unions ou associations de tem- 
perance de divers pays, question unpeu ardue, pour laquellela competence 
personnelle nous fait d^faut et que nous ne voulons pas aborder icL 

« On ne pent nier qu'actuellement en France il y a une recrudescence 
immoder^e dans le goM des liqueurs alcooliques. Est-ce affaire de mode 
ou de contagion ? La mode a parfois de ces courants qui surprennent ; il 
n'est pas douteux que la nouvelle generation a beaucoup moins le goiit du 
tabac, sous toutes ses formes, que celles qui Tont precedee. 11 etait de bou 
ton de priser au xviii® sifecle et jusqu'au commencement de celui-ci. II y a 
vingt ans, cet ignoble go&t de chiquer le tabac en caroltes etait encore 
tr^s repandu; on cache aujourdliui cette habitude comme un vice mal- 
propre. L'education, le snobisme surtout, ont amene cet beureux resultat; 
on n'ose plus gu^e fumer la pipe, si ce n'est k la chasse, a la campagne, 
k peine en voyage ; on ne concede que la cigarette ; dans un certain monde 
il est plus < distingue » de ne pas fumer du tout. Que n'en est-il ainsi de 
hi pemicieuse habitude de Tabsinthe et de tons les aperitifs! 

« S'il y a quelque naivete k Tesperer et k se liguer ainsi contre i'alcoo- 
lisme, laissons k ces naifs et k ces bonne tes gens Tespoir que leur bonne 

(1) Vou-Ien» 1, p. 94 et 95. 



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452 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

intention ne sera pas sans profit coutre 1e fl6au qai menace y^ritablement 
Tavenir de notre race. » 

M. Andr^ Honnorat, dans le Rappel, s'occnpe des pharmacies ambn- 
lantes o'u plutdt de I'organisation des premiers secours dans ies trains de 
voyageurs. 

« Un de nos lecteurs r^clamait, il y a trois joors, ]a creation de phar- 
macies ambulantes k d^poser dans Ies trains. 

— Yoil^, nous 6crit un autre de nos Jecteurs, qu'on n'a pas k r^clamer 
pour la bonne raison qu'en yertu des ordonnances de 1845 et de 1846 qui 
sont applicables aux chemins de fer, chaque ohef de train doit avoir dans 
son fourgon une bolte de secours contenant des bandes, de la charpie, et 
Ies principaux medicaments dont on pent avoir besoin en cas d'accident. 
Mais Yoil^ aussi dont on fait fort bien de s'occuper, car si ces bottes 
existent effectivementjamais, au grand jamais, on n'a rid6e de Ies ouvdr 
pour s'assurer que ienr contenu est toujours en bon ^tat* 

La rectification n'enl^ve done rien k la valeor des observations que nous 
avons presentees. Tout au plus peut-on dire qu'elie en modifie leg^rement 
Ies termes. 

Qu'importe, en effet, qu'on edicte Ies meilleure s mesures si personne 
n'en surveiile Tapplication et si, par-dessusle marche, le public ignore Ies 
avantages qu'il en pent retirer? 

Or, nous ne croyons pas nous tromper en affirmant que parmi Ies mil- 
Hers de voyageurs qui circuient chaque jour sur nos voies ferries, il ne 
s'en trouve pas deux qui sachent qu'en cas de malaise subit ils peuvent se 
procurer immediatement Ies medicaments qui leur sont necessaires . 

Nous ne pouvons par consequent que reprendre la proposition de noire 
correspondanl pour reclamer : 

1^ La verification reguli&re des bottes de secours; 

2" L'apposition dans tons Ies compartiments d'un avis faisant connattre 
Texistence de ces « bottes de secours » k tous Ies voyageurs; 

3<» La creation de dep6ts de brancards et d'appareiis chirurgicaux de 
premiere necessite dans chaque station; 

4<» L'obligation pour tous Ies medecins attaches aux Gompagnies d'en- 
seigner aux chefs de trains Tusage des medicaments mis k leur disposition 
et la fa^on d'etablir un pansement sommaire. 

A ces conditions, mais k ces conditions seulement, Ies ordonnances de 
1845 et de 1846 repondront au butqu'elles se proposent. 

M. le D' Gibert (du Havre) expose, dans une lettre au TempSf ses idees 
sur le tueur debergers et la responsabilite de la presse; il deveioppe ces 
trois propositions: 

1<» II y a un grand nombre de criminels des plus dangereux qui sont 
laches sur la societe, etqui sont des malades qui devraient eire enfermes ; 

2'> Nos moeurs, notre legislation ne nous permettent pas de Ies tenir 
enfermes, et il faut une serie de crimes pour qu'on prenne, trop tard, des 
mesures coercitives centre eux ; 

S"" La presse a contribue pour une large part k ce triste etat de choses. 

Pour Ies criminels malades, M. le D' Gibert se ref^re k son etude parue 



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REVUES ET PUBLICATIONS FRANgAISES. 153 

dans la hevue Philanthropique et il Ini emprunte rindication de quelqaes 
types ; il poursuit en ces termes : 

<< Ponrquoi de pareils ^tres sont-iis laiss^s en liberty? Pourquoi I'assas- 
sioy le monstre Yacher, est-il sorti de Tasile de D61e? 

« G'est id, monsieur le directenr, que j'ai besotn de toute votre indul- 
gence pour que je puisse faire la part de Tinfluence n^faste de la presse 
dans cette ^pineuse question des responsabilit^s sociales. 

« G'est d*une fagon terriblement l^g^re que la presse fran^aise accueille 
tons les jours (affaire Laporte» affaire Heim) d'odieoses accusations, sans 
jamais, ou presque jamais, se donner la peine de les contr61er. Yous rap- 
pelez-Tous la campagne men^e il y a quelque vingl ans h propos de I'avo- 
cat S...., — qui remplissait I'air et les journauxde ses plaintes au sujet de 
sa sequestration soi-disant ill^gale? Quel tapage, grand Dieu! Et puis, 
quVtroij trouv6 a Tautopsie ? Des alterations teliement graves de pacby- 
ni6ningite que tout a ete subitement 6claire dans la vie de ce malheureux. 
Est-ce qa*un seul journal a fait son mea culpa? En aucune facon. Mais 
c'est tous les ans que sur un point quelconque du territoire frangais de 
cmelles accusations sont prononc^es contre des m^decins qui, c^dant, 
dit-on, h des int^r^ts inavouables, font s^questrer des gens admirablement 
sains! Yous rappelez-vous les accusations toutes recentes k propos d'un c^- 
l^bre commandant? 

« Qu'est-il results de cet ensemble de faits?Ceci : c'estque les m^decins 
des asilesd'alienes, pour ne pas ^tre accuses, ont pris Thabitude, d^s que 
la crise de folie^est pass6e, de rendre le malade ^la famille. Rien que dans 
ma clientele, je pourrais cboisir de nombreux exemples oCi cette facon de 
faire a €i6 la cause de malhenrs irr^parables. Et c'est toujoura la terreur 
de la presse, la terreur du reportage qui est la vraie cause de la conduite 
de lagrande majority des m^decins contemporains, et quandleur bonneur 
est ainsi en jeu, avonez qu'il fandrait plus que de I'beroisme pour agir 
autrement qu'ilsne le font. Remarquez, monsieur le directeur, quejereste 
en deck de la v^rite en vous faisant ce r^cit qui vous parattra exag^r^; le 
nombre d'alienes qui circulent et s^ment leurs m^faits dans la societe est 
beaucoup plus considerable qu'on ne croit, et il a fallu cet exemple hor- 
rible du tueur Yacher pour que Topinion publique devoyee commence 
pent-etre k voir ce qu'il faut faire pour remedier k ce perilleux etat de 
choses. En resume, la iecon qui ressort de ces faits d'assassinats et de viols 
nombreux est celle-ci : 

« !• Les alienes reconnus tels ne devraient pas etre remisen libertesur 
le simple visa du chef de service, llfaudrait, pour la remise en liberty, une 
consultation de plusieurs medecins auxquels serait toujours adjoint le me- 
decin des families ; 

«< 2» La presse frangaise, revenant de ses errements, devrait se parder 
de jamais parler de sequestration iliegale avant d'avoir en mains cent 
preuves contre une de la verite de cette accusation; 

« 3* Des asiles speciaux devraient etre crees ou seraient en.ermes tous 
les etres malades depuis leur enfance avec des tares manifestes, ui ne sont 
ni des alienes, ni des responsables, mais des Hres anormaux dont il fautse 
garer. 



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15i HEVUE PHILANTHROPIQUE. 

M. Lenoir, premier adjoint au maire de Versailles, a calculi dans le 
BuUetin de la SocUU de mendicitS contre les enfanls la d^pense qae n^cesw^ 
terait Tassistance aux families nombreuses: 

« Parian t de ces deux id^es, qu'il fauten moyenne des families de trois 
enfauts pour assurer le renouvellement de la population, car on doit tenir 
compte des pertes et des non-valeurs, et qu'il serait it la fois juste, poli- 
tique et patriotique de venir en aide aux families de plus de trois ent'ants, 
j'ai fait, pour la ville de Versailles, le relev6 de toutes les families qui sont 
dans ce cas, soit 397 families d'ouvriers. Le nombre total des enfants est 1 931 
et le nombre des enfants de moins de treize ans, en plus de Irois enfants, 
s'^lfeve a 698. 

« 35 families semi-ouvri^res ou d'employes: 168 enfants; 59 en plus de 
trois enfants. 

u 71 families de commercants avec 342 enfants et 120 en plus de trois 
enfants. 

« 105 families bourgeoises: 494 enfants; 165 en plus de trois enfants. 

« Com me vous le voyez, en additionnanl, nous avons dans notre ville 
608 families de plus de trois enfants coroptant ensemble 2.935 enfants, 
parmi lesquels il y en a i 042 ^g^s de moins de treize ans au-dessus du 
nombre de trois enfauts. 

« Accorder & ces families une allocation mensuelle de 10 francs, soit 
120 francs par an, pour chacun de leurs enfanls de moins de treize ans en 
plus do nombre de trois, serait une aide serieuse, surtout pour les families 
ouvri^res, d*employ^s et de petits commercants. 

«c 11 en resulterait done ^ Versailles une depense annuellede 120 fr. x 
1042 = 125040 fr. Or la population de Versailles est de 43138 habitants, 
c*est-ii-dire un neuf centi^me de celle de la France, qui est de 38 a 39 mil- 
lions d'habit^nts. On pent admettre que la proportion des families de plus 
de trois enfants est k peu pres la m^me partout. On voit done que, pour 
venir utilement en aide aux families de plus de trois enfants, k raison d'une 
allocation annuelle de 120 francs pour chaque enfant de moins de treize ans 
en plus de trois, il sufflrait d'une somme d'environ 125000 x 900 = 
112500000 francs. » 

M. L^z6, le savant professeur ^ TEcole de Grignon, analyse et appr^oie, 
dans le journal la Laiterie, Tceuvre de la grande commission du lait; il est 
d'avis qu'il faul en arriver k ne recevoir k Paris que du lait dejii sterilise 
et st^rilis6 sur les lieux de production : 

« C'est la, dit-il, qu'une nouvelle ^tude devient n^cessaire. Le Gonseil 
municipal ne faillirii pas k Tentreprendre. II va ^tre presque indiqu^ de 
creer un concoiirs entre les nombreux appareils de sterilisation du com- 
merce, un concours s^rieux, de longue haleine, dans lequel les membres 
du jury seront des bact6riologistes,et des d6gustateurs. 11 va s'agir d'indi- 
queraux laitiers engros les meilleurs appareils de sterilisation et d'etablir 
alors, k Paris, non pas Vusine, mais le controlCf et de decider impitoyable- 
ment que les laits non sterilises, presentant le goi\t de cuit ou une altera- 
tion dans la couleur, puis enflu, con tenant moins de 35 grammes de beurre 
par livre, seront condamnes et rejetes comme mauvais. 



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REVUES ET PUBLICATIONS FRAXgAISES. 155 

« II ne reste plus, alosi que nousvenons dele demontrer, qu'ane petite 
rectification k imprimer k la voie dans laquelle on s'est engage. Le vi£u, 
I'id^e, toot cela 6tait bon ; la mise en pratique est une affaire de voies et 
moyens, on la trouvera, et ce sera un titre de plus k roettre k Tactif du 
-Gonseil k la reconnaissance des Parisiens d'avoir r^solu la question de 
Tali mentation de lagrande viile en lait pur et sain, d'avoir fait disparailre 
la fraude et avec elle les inconv6nients et les dangers qn'elle comportait 
pour la 3ant^ publique. » 

M. de Pion fait conoaitre, dans la Revue politique et parlementaire {n»40, 
10 octobre), les essais d'organisation de commissions cantonales d'assistance 
dont M. Alapetite, pr^fet du Pas-de-Calais, a pris rinitialive; il rappelle 
les tentatives analogues faites en 1855 et en 1862 dans les departemenls de 
la Niftvre et de I'Ome, dans I'Ain et dans TAisne, k une 6poque plus r^- 
cente^ 

D'apr^s Tautenr, les commissions cantonales constitutes dans le Pas* 
de-Calais paraissent mieux r^pondre au v(^ritable but k atteindre; elles 
offrent le moyeii de former un budget extraordinaire de la charity pour les 
eommunes rurales. 

Les commissions sont compos^es de la fagon suivante : « Le conseiller 
general et le conseiller d'arrondissement, tous les maires, un d^l^gu^ de la 
commission administrative du bureau de bienfaisance dans chaque com- 
mune comptant plus de 500 habitants (les plus petites communes parais- 
sant sufflsamment representees par leur maire), le juge de paix, le cure et 
i'instituteur du chef-lieu de canton, tous les percepteurs et trois on quatre 
personnes charilables choisies parmi celles qui peuvent apporler k la com- 
mission le concours le plus z6U et le plus intelligenL 

M La commission eiit son bureau et nomme des delegations ciiargees de 
faire des toumees dans le canton, ilafois pour recueillir desfonds et pour 
Tisiter les pauvres les plus interessants. u La mission de chaque delegation 
one fois terminee, la commission se reunit en seance pJeniere et fait le 
coropte des dons recueillis en y ajoutant le montant de la subvention de- 
partemenlale. Elle classe ensuite les propositions de secours emanees de 
chaque delegation en les limitant aux ressources disponibles et au but 
poursuivi. Les fonctionnaires et en particulier les percepteurs qui con- 
naissent mieux que personne la situation pecuniaire des habitants de leur 
circonscription peuvent rendre les plus grands services dans les commis- 
sions en se chargeant de la besogne materielle et en servant de trait d'union 
entre les divers elements locaux. » 

M. Pion estime que le departement peut donner eu vertu de la loi de 
1871 une sanction suffisante aux commissions cantonales d^assistance, dont 
il preconise la creation; il est d'avis que Tinstitution doit rester jusqu'i 
nouvel ordre essentiellement departementale, malgre son siege localise 
dans le canton. 

Un nouvel organe vient de paraitre : /7n/?rm/er, journal d'interets cor- 
poratifs, organe du groupement du personnel secondaire de I'Assistance 
publique de Paris. 



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136 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

Le premier nura6ro contient des articles de M. Paul Strauss, s^nateur, 
et M. Ghauvi^re, ddput^, des lettres de M. Landrin, conseiller municipal et 
de M. le D** Ed. Toulouse, m^deciu de Tasile de Villejuif, etc. 

Voici le court programme des fondateurs de la revue : 

« Le but du journal est de rendre compte des travaux faits et des de- 
mandes d'am^lioration soumises k Tadministration, au conseil de surveil- 
lance et au Conseil municipal; de publier les comptes rendusde toutes les 
reunions et de tous les travaux du groupement. 

Nous ins^rerons toutes les communications que radministrationvoudra 
bien nous faire telles que : circulaires, nominations, mutations, demandes 
de cbangement, etc. 

Nous publierons de mdme les vacances d'emplois aux ambulances, aux 
^tuves municipales; les demandes des hdpitaux et hospices de province, et 
m6me celles des particuliers. 

Nous recevrons tous les travaux, toutes les etudes, que Ton voudra 
bien nous adresser, k la condition qu'ils s'appliquent k la g§n6ralit^ el 
qu'ils soient sign6s. — En attcun cas il ne sera term compte de faU$ personnels 
ou (Ticrits anonymes, » 

Les num^ros 2, 3 et 4 contiennent des lettres ou articles de MM. Girou 
et Ranson, conseillers municipaux, le rapport g^n^ral de la commission 
de la tuberculose, Tbistoire de Bic^tre. 

Dans le num^ro 4, un des r^dacteurs anonymes donne, en excellents 
termes, k ses camarades, le conseil d'agir en vue d'obtenir les ameliora- 
tions soumises k Tadministration de i'Assistance publique : « N'oubliez pas, 
6crit-il, que rien ne r^ussit sansune volenti ^nergique et sans cette conti- 
nuity d'efforts que tout apostolat r^solu et ardent reclame ; ne vous laissez 
pas envahir par rindifference et Tapathie, car souvent jles ameliorations 
demand^es ne sont consenties par ceux qui les accordent que s*ils y sent 
contraints et forces. Occupez vos pensies d des id^es grandee, ginireuses, 
donnez un but 6leve d votre vie. Agissez autour de vous. Ne demeurez pas 
des 6tres passifs. Allez de Tavant, ayez de Tactivite, ne vous habituez pas 
k compter sur Taction des autres pour am^liorer votre situation. // faut 
agir comme si tout d^endait de vous* » 



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BULLETIN 



L* affaire Laporte a profond^ment passionne 1 
la neuvi^me Ghambre n'est pas fait poar call 
medical. U ne s'agit pas, dansTesp^ce, d'un int^i 
la m^decine est plus et mieux qu'un metier, ell 
nn service public; rien de ce qui la touche ne 
rents. 

11 n'y a pas de plus 6crasante responsabiiit 
dont la moindre imprudence pent tuer un bom 
responsabiiit^? La ma^strature. En vertude qi 
ment des juges, Strangers a toute notion de I'ai 
discemer les causes d'erreur, a d^couvrir les fai 

On Ta dit de tons c6t^s au lendemain de la < 
instance du docteur Laporte : que deviendront 
le sendee medical des bureaux de bienfaisance, 
la chirorgie et des accoucbements, si le bras d 
par la crainte d'un 6cbec et de ses coQs^quen< 
da d^vouement est tarie cbez les m^decins? Car 
la grande majority des m4decins n*ob6it pas exi 
tions^goistes; le d^sint^ressement est monnaie 
ciens et la modicit^ des honoraires ne compens 
perils d'une profession insalubre et dangereuse 

Le bon m^decin est un philanthrope pratiqui 
savoir, k la facon de Jourdain. 

Le m^decin, qui pr^te son concours aux adr 
gagne que des Emoluments disproportionn^s ai 

Nol n'a plus droit au respect ; nul ne doit St 

(Test pourquoi tout ce qui est de nature k re 
cale doit 6tre attentivement recherche. 

On a d6j& essays de marquer ici m^me, et ti 
des circonstances de ralTaire Laporte, les respo 
mMecine, dispensatrices des grades et compt« 
dipldmes vis-^-vis de r£tat et du public. 

Lorsque Tincident Laporte sera d^finitivemi 



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158 HEVUE PIIILANTIIROPIQL'E. 

T^evenir sur ce grave sujet, notammeat sur reuseignement obst^lrical en 
France et sur rinslruction pratique et professionnelle des 6tadiants en 
m^decine. 



L'administralion de ['Assistance publique de Paris n'est pas en bonne 
posture; eile ne m^rite pas assur^meut tons les reproches qn'on lui 
adresse, elie n'est pas responsable de tons les abus qu'on iui impute, mais 
francbement elle ne fait rien pour faciliter la t^che de ceux qui ia vou- 
draient d^fendre contre d'excessives attaques. 

Apr^s rincident symptomatique des r^senes des bureaux de bienfai- 
sance, la publication du rapport de M. Navarre sur le compte financier n'est 
pas faite pour rehausser le prestige d'une administration si fdcheusement 
discr^dit^e. 

Le rapport aborde les menues constatations qui, rapprochees les unes 
des autres, ne font pas une impression brillante. Ainsi, k Bicdtre, les ^tats 
d'appointements ne sont pas strictement conformes k Tetat nominatif du 
personnel administratif et secondaire. 

Les consommations de denrees different d'h6pital a b6pital, m^me pour 
une population similaire ou la composition de la population et le regime 
alimentaire sont identiques. L'H6tel-Dieu consommait en 1894 par 100 jour- 
nees de malades 45 lit.82 de vin, tandis que Lariboisi^re, dans les m^mes 
conditions, ne d^passait pas une proportion de 37 lit. 19. M^me en fai- 
sant entrer en ligne de compte la consommation du personnel, une marge 
de 5 litres subsiste encore entre les deux ^tablissements. 

Le lait, comme le vin, prSte aux gaspillages les plus ^hont^s. I'n 6ta: 
blissement a d^pens^ 100 litres de lait pour assaisonnement de bceuf & la 
mode, 27 litres pour assaisonnement de lapin ! 

Les foumitures d*objets de pansement sont Ja source d'un coulage scan- 
daleux. M. Navarre en cite quelques exemples tout a fait topiques, celui 
notamment d'un ^couome qui demandait 120 kilogrammes de coton hydro- 
phile et 500 metres de gaze iodoform^e, alors que les magasins en conte- 
naient des reserves suffisanles pour assurer le service pendant trois tri- 
mestres. 

L'insouciance ct Tincurie ^clatent a cbaque pas, et Tadministration cen- 
trale se borne k repriraander platoniquement les directeurs et les 6co- 
nomes pris en flagrant d61it de d^sordre. M. Navarre propose au Conseil 
municipal d'inviter M. le directeur de I'Assistance publique k rendre effec- 
tive la responsabilit^ p^cuniaire des directeurs-comptables qui, par lour 
negligence ou ledr incurie, compromettent les finances de I'Assistance pu- 
blique et les int^r^ts des malbeureux. 

Le personnel administratif n*est pas seul coupable, et le service medical 
a sa part de responsabilit^. Les cabiers de visite, conQ^s aux externes des 
hdpitaux, ne sont pas tenus comme ils devraient r6ti»e,les chefs de service 
se desint^ressent trop de la surveillance 6conomique; quelques-uns 
poussentm^me le detachement jusqu'^ favoriser le gaspillage; cela s'est 
vu, cela se voit encore dans plus d*un hdpital. 

II faudra du temps et de T^ncrgie pour mettre fin a ces habitudes d^- 



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BULLETIN. 159 

plorables; la premiere mesure efflcace serait de rendre responsables le 
directeur et les m^decins de chaque hdpiUl du budget de leur ^tablisse- 
ment. Le chef de service, si des statistiques comparatives r6v61aient son 
insouciance administrative, y regarderait k deux fois avant de tol^rer le 
gaspillage auquel it est accoutum^. Les internes et les exlernes des bdpi- 
tauxy s'ils J ^taient encourages, si leurs cbefs se donnaient la peine d'y 
Teiller, ne tarderaient pas k se d^partir de leur indifference pour le bien 
des pauvres. 

Le d^vouement est la verlu dominante des m^decins et de leurs 
i^leves: il ne serait pas malais^ de leur inculquer avec le sentiment du 
devoir administratif des notions d'^conomie et de bon ordre sans lesquelles 
les depenses des b6pitaux de Paris continueront de s'accrottre dans des 
proportions d^mesur^es et inqui^tantes. 

II y faut aussi et par-dessus tout la fermete attentive de Tadministration 
centrale, un meilleur recrutement desdirecteurs et des ^conomes d*h6pi- 
taux, la decentralisation des enqu^tes en vue d'obtenir le remboursement 
des depenses de nombreux malades, relativement ais^s, qui viennent 
prendre dans les hdpitaux la place des pauvres et des n^cessiteux ; il y 
faut aussi la reforme de la loi de 1819, une reorganisation complete de 
FAssistance publique direclement rattachee, ainsi que le redamait na- 
gaere un ancien fonctionnaire de ceite administration M. d'Echerac, k 
radministralion municipale de Paris. 

« 

Cette horrible et monstrueuse affaire du tueur de bergers Vacher sou- 
leve plus d'uu probleme; elle met en cause plus d*une response bi lite etTon 
ne saurait trop Tanalyser en toutes ses causes, en ses divers symptdmes. 

Le miserable a ete interne dans un asile d'alienes pour tentative de 
meurtre; il a ete reUcbe apres uneannee de sejour. L'opinion, si prompte 
a soupconner les medecins alienistes de sequestration iliegale, se retoui ne 
cette fois contre eux et leur demande compte d'une remise en liberte qui 
a engendre tant de consequences tragiques, de si epouvantables meprises, 
des crimes si odienx et si multiplies. 

Dans une iettre au Figaro, M. Joseph Reinach, qui a pris une si grande 
part ^la reforme en preparation d.e la loi de 1838 sur les alienes, denonce 
une fois de plus Tinfirmite de la legislation fraucaise qui ne prevoit pas le 
cas des alieoes criminels; il demontre que, s'il avait ete sujet anglais, le 
lueur de bergers aurait ete, des sa premiere tentative de meurtre, enferme 
a perpituiU dans un asile d'alienes, en vertu de Vact royal du 28 juillet 1800 
ainsi con^u : « Lorsqu'une personne, accusee de meurtre ou autre crime, 
est acquittee pour cause de folie, la Cour devant laquelle le verdict est 
rendu doit ordonner que cette personne soit tenue en stricte garde, jus- 
qu'i ce que le bon plaisir de Sa Majeste soitconuu, et qu'il est par conse- 
quent du droit de Sa Majeste de donner des ordres pour la garde de cette 
personne, tant que dure son bon plaisir, en tel lieu et de telle maniere 
qu'il lui parallra convenable. » 

Cette disposition prevoyante a trouve place dans le projet de loi vote 
par le Senat, par le Conseil superieur de TAssistance publique et sourais 



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160 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

deptusdix am aux deliberations de laChambre; rarticie 38 de la proposi- 
tion Joseph Reinacb, conforme au projet senatorial, est ainsi r^dige : 
(c Lorsque est demandee la sortie d'un des ali^nes internes en Tertu des 
articles 35 et 36 (c'est-^-dire d'un individu qui, poursuivi pour crime, a 
ete, en iant qu'atteint d'ali^nation menlate, I'objet d'un Terdict de non- 
culpabilite), le medecio traitant doit declarer si Tinteresseest ounon gaeri 
et, en cas de guerison, s'il est ou non Ugitimement suspect de rechute. La de- 
mande et la declaration motivee sont deferees de droit au Tribunal, qui 
statue en chambre du Gonseil. » 

On n'en est que plus ^regretter la lenteur desesperante avec laquelle 
nos assembiees deiiberantes, tantdt le Senat, tant6t la Chambre, accom- 
plissent ToBuvre reformaUice qu'attendent d'elles les philanthropes. Nous 
sommes en retard d'un si^cle sur TAngleterre, etM. Joseph Reinach a eu 
raison de dire que si Tarticle 38 de la nouvelle loi avait eie vote « Vacher, 
apr^s son premier crime, ti'eiii pas trouTe un seul medecin alieniste pour 
le declarer non suspect de rechute ; le tueur de bergers n'aurait pas ete 
remis en liberie, il n*aurait pas souilie, egorge huit nouvelles victimes, 
peut-etre davantage(l) »! 

A son tour M. le D' Gibert a fait une large part k Tinflucnce de la 
presse daos cette grave affaire. D'apr^s lui,les medecins des asiles d'alienes, 
terrorises par le reportage, cedent trop facilement au desir de rendre le 
malade k sa famille; il estime queVexeat ne devrait etre prononcequ'apr^s 
une consultation de plusieurs medecins, dont le medecin des families. 

De soncdie, M. le D** Bourneville a demande k la Gonunission de sur- 
veillance des asiles de la Seine d'emettre levceu que les renseignements de 
police etde justice concernant les atienes deiinquants soient communiques 
aux medecins des asiles appeies k donner leuravis sur la sortie de ces ma- 
lades. Gette motion est des plus judicieuses; il est indispensable que le 
medecin d'asile ait sous les yeux toutes les pieces du dossier, qu'il soit 
compietement informesur les antecedents d'un interne; la communication 
d'un dossier administratif et judiciaire lui sera d'un precieux secours pour 
apprecier ropporluniie, la legitimite d'une demande de sortie. 

M. le D' Toulouse est meme d'avis d'etendre le benefice de cette mesure 
^tous les alienes, pour permetlre aux medecins de connaltre les condi- 
tions de milieu de ces convalescents qu'il serai t sou verainement imprudent 
de rejeterau dehors seuls et sans ressources, sans appui materiel ou moral. 

II va de soi que Tinternement dans an asile d'alienes doif etre entoure 
du maximum de garanties ; mais, d^s qu'un aliene a passe le seuil d'un 
asile, la responsabilite du medecin est d'autant plus redoutable que la 
societe lui accorde un plus large credit; c'est bien le moins qu'on lui 
donne tous les elements d'information pour le mettre le plus possible & 
I'abri des chances d'erreur et poor renforcer sa vigilance prevoyante et 
pr^veniive. 

Paul Strauss. 

(1) Lettre au Figaro^ n» du 14 octobre 1897. 

Le Dh-ecteui'-g^rant : PAUL STRAUSS. 



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162 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

Ministre de rint6rieur, sur Tavis du Conseil de surveillance et 
sur la proposition du pr^fet de la Seine. En fait, tant qu'ils ne 
sont pas atteints par la limite d'A^e, ils sont k proprement 
parler inamovibles, prot^g6s par la quasi-gratuit6 de leurs ser- 
vices, par Tesprit de corps, par tout un rempart d'influences et 
de camaraderie. 

Les bureaux de bienfaisance, charges de la distribution des 
secours k domicile, sont k la fois dependants et autonomes, 
places dans u ne situation bizarre et mal d^finie ; ils fonctionnent 
sous la surveillance du maire d'arrondissement, qui relfeve 
exclusive ment du pr^fet de la Seine. 

II y a pen de jours, dans un rapport remarqu^ au Conseil 
municipal, un des plus nouveaux membres de cette assemblde, 
M. Leopold Achille, relevait avec son experience d'ancien adjoint 
au maire les anomalies d'un dualisme sur lequel M. Ars&ne 
Lopin avait appele Tattention de ses collogues. 

Le maire cumule deux fonctions : il est tout ensemble re- 
pr^sentant de la municipality et du directeur de TAssistance 
publique. 

Au nom du pr^fet ou du Conseil municipal, il est chargdde 
distribuer les secours de loyer, de chOmage, les bons de loge- 
ment, de soupe, les secours de grfeve, d'incendie, et en general 
tons les secours extraordinaires accordds k Toccasion des fttes 
publiques, des rdjouissances nationales, etc. 

En sa quality de reprdsentant du directeur de TAssistance 
publique et de president du bureau de bienfaisance, il r^partit 
entro les indigents et les n^cessiteux les secours mensuels du 
bureau, les secours aux n^cessiteux, les secours de maladie, 
de grossesse, d'allaitement, les secours aux filles-m^res et aux 
mferes nourrices, les secours Montyon aux convalescents d'h6- 
pitaux, les dons particuliers (Rothschild et autres). 

Ces deux categories de secours, au lieu d'etre distribuees 
par un seul et meme service, comportent un double service 
d'enqufetcs, un double jeu de fiches, une double caisse, un pet^ 
sonnel double. Les uns sont distribues et payes par les bureaux 
de la mairie, les autres par le bureau de bienfaisance, — dans 
le premier cas, sous la direction du secretaire chef des bureaux 



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L'ASSISTANCE PUBLIQUE DE PARIS. 

de la mairie, dans le second par les soins du sec 
rier. Le premier de ces fonctionnaires est un agei 
feclnre de la Seine, le second un employd de VA 
blique. 

M. L. Achille a mis en lumi^re les cons^quen 
de ce dualisme regrettable : 

« II se produit une chose simple, inevitable : 
vices etant strangers Tun h Tautre et fonctionnani 
du r^glement, isol^ment, sous deux autorit^s dist 
fois jalouses de leurs attributions respectives, les < 
font, chacun de leur c6l6, les enqu^tes qui leur i 
distribuent selon leur appreciation particuli^re, 
tant les dossiers dont ils disposent, les repartitions 
charges. 

Les deux caisses — caisse de la Mairie et caisi 
de bienfaisance — paient s6parement ces deux sorl 
accordes separement et il se produit alors freq 
anomalies suivantes : 

Un malheureux bien noti au Bureau de bien 
suite de renseignements errones ou anciens, touch 
alors que ce mfime secours eflt dfl lui etre refus 
connu au Bureau de bienfaisance le renseignem^ 
resultat d'une enqu^te nouvelle, possede par le 
Mairie. 

Et vice versa. 

En d'autres cas, ce m6me malheureux pent tou 
jour un secours au Bureau de bienfaisance et un 
caisse de la Mairie. 

L'evenement n'a rien de surprenant, puisque k 
distinctes, puisque le personnel d'un service ignoi 
Fautre, puisque les resultats des enquetes instn 
categorie d'employes ne sont pas communiques a 
de Tautre service. 

Les professionnels qui ne se contentent pas d'a 
derde bureau en bureau, mais qui vont de mairi 
connaissent admirablement ce double rouage el 
qu'il rend possible Texploitation la plus ehontee. 



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164 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

Cette superposition de rouages identiques n'a malheureuse- 
ment rien d'exceptionnel ; elle est comme la r^gle d'administra- 
tions enchev^trdes les unes dans les autres et pourtant distinctes 
ou ri vales. 

Si Ton envisageait tons les services de la Yille de Paris et 
du d^partement de la Seine, on y verrait que, pour des attri- 
butions similaires, rien que sur le domaine de la bienfaisance 
publique, des doubles et triples emplois existent. Ainsi, la 
prefecture de police et la prefecture de la Seine ont, en dehors 
de TAssistance publique de Paris, des attributions d'assistance : 
la prefecture de police accorde des secours d'urgence, hospita- 
lise des malheureux k Nanterre; la prefecture de la Seine a 
deux directions, celle des Affaires municipales et celle des 
Affaires d6partemen tales, qui ont la premiere de nombreux 
etablissements d*hospitalite, d'assistance par le travail, la seconde 
tout le service des alienes sous leur autorite. 

L'administration de TAssistance publique elle-meme, sur 
son propre territoire, n'echappe point k cette surabondance 
contradictoire d'emplois et de fonctions. Le bureau de bienfai- 
sance a ses visiteurs qui vont k domicile pour s'informer de la 
legitimite d'une demande de secours ; Tadministration centrale 
a d autres visiteurs pour s'enquerir dela solvabilite des malades 
d'h6pitaux en etat de rembourser le montant de leurs frais de 
sejour ou pour instruire unc demande de placement dans un 
hospice ;• la division des Enfants-Assistes est pourvue d'enque- 
teurs speciaux pour les secours d'allaitcment, Tadmission dans 
le service des enfants moralcment abandonnes. 

Le meme jour, k la meme heure, — et cette observation to- 
pique a ete faite par un des plus distingues fonctionnaires de 
TAssistance publique, M. Gory, dans son memoire prime au 
concours de la ville de Paris sur la reorganisation des secours 
k domicile, — ces trois visiteurs ou enquftteurs appartenant k 
la meme administration peuvent se rencontrer dans la meme 
maison, sous Toeil narquois d'un concierge. 

Byzance n'est plus sur les bords du Bosphore, mais k Paris, 
dans cette ville de clarte et de bon sens malicieux. 

Les secours d'allaitement, accordes aux m^res pauvres, sont 



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166 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

L'Asile de convalescence des mferes, — qu'il appartienne, 
comme r^iablissement du V^sinet, au Ministfere de rint^rieur 
ou, comme TAsile Ledru-RoUin, k la Ville de Paris, — n'est 
pas moins distinct de Thdpital que le vestibule des maternit^s. 

Ainsi, pour Paris seulement, les organes de bienfaisance 
ofiicielle sonl dparpill^s entre plusieurs administrations : Assis- 
tance publique, Service des Enfants assist6s, Direction des 
Affaires ddpartementales, Prefecture de police, Direction des 
Affaires municipales, Minist^re de Tint^rieur. 

II est k peine besoin de montrer la complexity inutile d'em- 
plois, le luxe extravagant de paperasserie, le gaspillage d'ar- 
gent qui en r^sulte ; tout cela tombe sous le sens, delate aux 
yeux. L'unite d'administration n'aurait pas seulement pour effet 
de r^duire notablement les fpais g^n^raux, d'abaisser les d6- 
penses, — et ce premier rSsultat aurait h lui seul un int^r^t de 
premier ordre, — mais encore de simplifier les formalit^s, 
d'am^liorer les m^thodes, dc faire produire h. la bienfaisance 
publique son maximum de rendement avec un minimum de 



* 
» ♦ 

La loi de 1849, qui a determine Torganisation actuelle de 
Tassistance parisienne, a sa large part de responsabilit6 dans 
cet 6parpillement et ce d^faut d'harmonie ; elle n'a pas fait sa 
place au Conseil municipal. 

Le projet de la Commission (comity de rint6rieur), d^fendu 
par M. Frichon, proclamait hautement le contr61e des repr^sen- 
tants de la Cite. « Tout ce qui touche aux ^tablissements hospi- 
taliers et aux secours h domicile int^ressant essentiellement la 
commune, dcrivait le rapporteur, le droit de contrdle des con- 
seillers de la commune nous a paru n^cessaire et m6me indis- 
pensable. » 

Le gouvemement s'en rdf^rait purement et simplement aux 
dispositions de la loi du 18 juillet 1837 sur les attributions 
municipales; il n*accordait qu'un droit d'avis au Conseil de 
surveillance comme au Conseil municipal lui-m6me. c< Le droit 



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L'ASSISTANGE PUBLIQUE DE PARIS. 16T 

de simple surveillance, objectait avec force un reprfeentant du 
peuple, M. Repellin, ne garantit rien ; ilfaut, au contraire, avoir 
un conseil qui d6lib^re, qui rdgle le budget, arrfite les d6penses 
et un agent qui soit charge de Tex^cution; alors vous 6tes dans 
les conditions normales de gouvernement et d'administration ; 
vous avez une responsabilit^ el un contrdle sdrieux ; voili pour- 
quoi je m'associe h la pensde du projet de la Commission, ce 
projet ^tablit les rfegles v6ritables d'une bonne administration 
et un contr6le s^rieux, tandis que le projet du gouvernement 
cr^e un administrateur disposant d'un 6norme budget, selon sa 
volenti, et soumis k une surveillance riellementillusoire. » 

Le projet gouvememental Temporta devant TAssemblde. 
Le Conseil A' administration projet^ fut ramen6 au r6le de Com- 
mission de surveillance et Tintervention du Conseil municipal 
riduite h un simple droit d'avis. 

Le Conseil municipal, dont les subventions entrent pour 
plus de moitii dans le budget de T Assistance publique, est con- 
sults sans que TautoritS supdrieure soit li6e par ses votes, sauf 
en ce qui conceme les marches de fourniture des aliments et 
des objets de consommation nScessairesauxStablissements hos- 
pitallers et Talidnation des biens immeubles (art. 10 et 16 de la 
loidu 7aoM1851). 

En dehors de ces deux espfeces, le gouvernement a la haute 
main, il prononce le dernier mot sur Tadministration gSnSrale 
de TAssistance publique de Paris, sur les budgets, comptes, 
et en gdniral toutes les recettes et dipenses des Stablissements 
hospitallers et de secours h, domicile. 

Ce regime Idgal n'a pu nianmoins fonctionner dans sa rSa- 
litS originelle. 

Pen i pen, par la force des choses, par Faccroissement des 
subventions de la Ville, par Tinitiative et la vigilance de ses 
membres, par la continuity de ses vues et sa mithode de travail, 
par la publicity et le retentissement de ses dibats, le Conseil 
municipal a fini par exercer une action trfes forte sur le gouver- 
nement de TAssistance. L' augmentation ricente du nombre des 
reprdsentants de THdtel de Ville au Conseil de surveillance est 
encore venue renforcer une influence sans cesse grandissante. 



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168 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

Mais le disaccord n'en subsiste pas moins entre la loi et le 
fait; cette discordance n'est pas faite pour r^soudre Ja crise de 
VAssistance publique de Paris. 

La multiplicity contradictoire des influences directrices aug- 
mente Vincertitude, amoindrit les responsabilit^s. 

S'agit-il de la distribution des secours k domicile ?Le d^cret 
de 1898 n'a pas rem6did aux imperfections des rfeglements et 
ddcrets ant^rieurs; le rattachement complet des bureaux de 
bienfaisance ft TAdministration centrale n'a pas 6t& op^r6, la 
curatelle des pauvres, inspirde du systfeme d'Elberfeld, n'a pas 
6t6 institute. Un regime b&tard, qui ne satisfait pas plus les 
centralistes que les d^centralisateurs, met les bureaux locaux 
d'assistance dans un ^tat manifeste dlnfdriorit^, sinon d'im- 
puissance. 

L' Administration des h6pitaux est aussi lente et aussi rou- 
tini^re, molle et inddcise, n'osant pas rdprimer les abus, 
enrayer le gaspillage, imposer le respect du rfeglement. Les 
directeurs et ^conomes n*ont d'autre preoccupation que celle 
d'dviter les affaires et de tourner les difficult^s et TAdministra- 
tion de Tavenue Victoria les encourage dans cette attitude pas- 
sive et r^sign^e. 

LeConseilde surveillance, malgr^ la competence et la bonne 
volonte de ses membres, Tinfatigable d^vouement de son pre- 
sident, n'a pas charge d'administration, il est destitue de toute 
initiative; il est k chaque pas ddcourage devant tant d'inertie 
et de laisser aller. 

Le Conseil municipal ne pent intervenir que par boutades 
et de haut et ses moyens d'action sont d'ailleurs limitds et 
mediocres ; il n'a pour faire entendre sa voix que le vote des 
subventions ordinaires, extraordinaires etsp^ciales, et Tautorite 
superieure lui denie toute quality pour mettre des conditions h 
Foctroi des subsides de la Ville. Deux decrets prdsidentiels du 
14 Janvier 1884 et du 21 Janvier 188S ont annule les delibera- 
tions de cette assembiee en tant qu'elles subordonnaient Tem- 
ploi des credits inscrits au budget de la Ville de Paris k titre 
de subventions arAssistance publique, k Texecution de mesures 
que le Conseil etait incompetent pour prescrire et que la loi 



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k^ 



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110 ilEVUE PHILANTHROPIQUE. 

En lui confiant la direction des bureaux de bienfai^ance, des 
hftpitaux et hospices, les pouvoirs publics lui imposeront un 
surcroit de vigilance et de responsabilit^ ; ils ne feront pas vaine- 
ment appel ft son d^vouement et ils mettront ainsi le droit et le 
fait en harmonic, en indme temps qu'ils pr^pareront le rappro- 
chement et la fusion des services rivaux et distincts qu'il est 
indispensable d'unifier pour rendre Tassistance sous toutes ses 
formes plus rapide, moins coftteuse et plus efficace. 

PAUL STRAUSS. 



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CRUELLES ENIGMES 



L'autre semaine, la Ghambre criminelle de la Cour de cassa- 
tion s'est dii r^unir, pour examiner la demande en revision 
d'un proems fameuxqui, en son temps, bouleversa les consciences 
et d^partagea les avis. Deux hommes furent arr^t^s, condamn^s, 
envoy^sau bagne, sous Tinculpation d'avoir, ^maintes reprises, 
attent^ k la sAretd de leurs concitoyens, ddchain^, sur la region, 
le fl6au de Tincendie. 

Ni Tuu, ni l'autre n'avoua. II y eut seulement d^s pftleurs, 
des larmes, des protestations. On les exp^dia h la Guyane, oix 
tous deux moururent apr^s vingt ans de honte et de supplice, 
vingt ann^es de bonnet vert, de chaine au pied, de labeurs 
effroyables, sous la trique de Damocles! 

lis se nommaient Pierre Vaux, Tinstituteur, et Jean Petit, 
comme lui habitant de Longepierre. lis ^taient innocents. 

Aprfes leur d^c^s, la preuve en fut acquise, mat^rielle, irre- 
futable, par documents authentiques. La loi de 1895 va per- 
mettre, aprfes quarante-cinq ans, de rdhabiliter leur m^moire. 

C'est toujours Qa! 

En m^me temps, le Ripublicain de VEst, par la vaillante 
pl^me de M. Ariste Dody, se remet en campagne pour Redon, 
ce gar^on accusd jadis d'avoir tu6 un rentier de Moulins, 
M. Talabard. 

Tout meurtre implique un meurtrier: & la loi il faut un 
coupable... Par quelque point circonstanciel de temps, de lieu, 
quelque coincidence d'heure ou de voisinage, Redon parut suf- 



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172 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

fire k exercer la vindicte legale et la formality d'un procfes. Les 
arguments probants firent faute, mais le r^quisitoire du procu- 
reur Sevaux n'en fut que plus foudroyant — rien ne sachant 
6tre dangereux et pervers davantage que ces culpabilitds qui 
s'appliquent k conserver le dehors de Tiiinocence. 

Redon, en effet, s'obstinait, disant: 

— Je jure que je ne suis pas coupable. 

11 fut d^p^chd au bagne, lui aussi! Heureusement, il avait 
un pfere, h^roique vieillard, qui le suivit, Taida k s*6vader. On 
dtait d^shonor6, soil; mais V « enfant », du moins, ^chappait k 
la chiourme, aux coups, k Timpuissance de se d6fendrey de 
mener k bien Toeuvre de revanche ! 

Tons deux s'y attel^rent, le jeune et le vieil homme. En 
Espagne, ils furent d^nonc^s (cas d'extradition) par le miserable 
avocat qu'ils 6taient all^s consulter. Mais la population, outr^e 
de pareille forfaiture, prit une telle attitude, que le gouveme- 
ment, c^dant au sentiment national, omitde livrer les r^fugi^s. 

J'ai cont6 cela, jadis, plus en detail, voici longtemps; j'y 
suis revenue encore, lorsque, le pfere ayant tr^pass^, le fils ne 
put venir escorter la d^pouille de celui qui, Tayant tant aimd, 
Tavait si bien servi, et jusqu'^Theure dernifere, souffrant ^ son 
sujet, n'avait jamais doutd de lui. 

Aujourd'hui, la m^re, la veuve, Tisolde, alors que les pr(5- 
somptions s'accumulent en faveur de Texil^, attend, espfere, 
vieil lit... 

» • 

D'autre part, c'est Cyvoct, condamn^ pour des Merits, rien 
que pour des Merits, lors de Texplosion de TAssommoir, k Lyon, 
dont M. Ranc et beaucoup d'autres prennent la cause en main. 
L'alibi fut 6tabli, inddniablement. Le dialogue entre. les textes 
et le jury fut ainsi couqu : 

— Cyvoct est-il coupable d'avoir pos^ la bombe ? 

— Non. 

— Cyvoct est-il coupable d'avoir foumi les engins? 

— Non. 



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\U REVUE PHILANTHROPIOCIL 

neuse >> apr^s des ann^es aussi de maison c^ntrale reconnue 
non coupable, le four k chaux voisin ayant continue ses for- 
faits ; et c'est Jamet, L^ger, la femme Vernet, celle-ci h Cler- 
mont, ceux-lJi k la Nouvelle-Cal^donie, condamn^s comme 
auteurs ou aides d'un viol que la pr^tendue victime, la d6non- 
ciatrice, apr^s des ann^es encore, proclame indeomes, attesle 
innocents I 

Et, derri^re ceux-lii, c'est la malheureuse, Tinterminable 
thdorie de ceux qui attendent leur tour, des moins favoris^s 
pour qui le jour n'est pas venu, mais dont le jour est proche : 
les Rorique-de Grave, dont le cadet, ainsi que je I'ai cont6 
ici, vient encore de sauver un homme au p6ril de sa vie ; Ben- 
jamin Reynier, Rambert, la petite Droulin, — et tant, et tant, 
et tant, que les fantdmes assaillant la barque de Virgile ou la 
barque de don Juan sont mis^re, en regard des spectres innom- 
brables se ruant aux rostres du Forum, pour r^clamer justice 
contre la justice. 

Et les arrestations, les detentions arbitraires : M. Delmas, le 
docteur R^mond, k'ne parler que des plus r6cents! 

Et le martyrologe des suspects, en Taflfaire Vacher? Ce sont 
les trois pauvres diables de Beaurepaire, appr^hend^s pour 
Tassassinat d'Eugdnie Belhomme (le neuvifeme meurtre du fou) 
et detenus quatre mois: quatre mois livr^s, sans nul recours, k 
ce tourmenteur qui s'appelle le juge d'instruction. C'est Tinfor- 
tun6 Grenier, au Bois-du-Ch6ne, aprds TiJgorgement d'Augus- 
tine Mortureux, arrfet^ ; renvoyS de prison sur un non-lieu, 
aprfes six semaines de detention ; en proie k la calomnie depuis 
le 12 mai 1895 jusqu'en octobre dernier; forc6 de quitter le 
pays. C'est Bannier, un misdreux, un journalier,&Saint-Etienne, 
de-Boulogne, aprfes I'^ventrement du petit Massot, empoign6, 
maintenu vingt-six jours en cellule, relach^ devant T^vidence, 
et supplicie par la l&chet^ de ses concitoyensi 

Oh! la navrante Enumeration! Quelle legon de prudence, 
quel enseignement de sagesse d^gagent ces faits ! Comme il faut 
prendre garde, avant de se prononcer ! 

Pierre Vaux, Jean Petit, Kirail (que j'oubliais), Cauvin, la 
femme Doineau avaient 6i^ condamnEs. Mais les poids etaient 



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CRUELLES feNIGMES. 

faux qm avaient d^tennin^ le jeu de la balance — 
jug6e » a dix 6tre d^jug^e. II va en Mre de m^me 
L4ger, la femme Vernet. Pour Cyvoct (il ne saurai 
avoir d'6quit6 en politique) la grftce, r(^paratrice, 

Et apr^s, peu h peu, ce sera le tour des autres, 
aura laiss^ aux passions locales le temps de se caln 
de gens engages dans Terreur n'auront pas int^rfr 
soit maintenue... ce qui est le secret de bien des 
sera celui-ci, ce sera celui-lJi, dont les chaines to 
leur rendra la liberty ; on leur rendra Thonneur. 

Mais qui leur compensera les ann^es g^chdes, 
subies, les hontes affront^es, les deuils survenus 
abrdge Texistence, tout ce qui, prdcocement, fait 
cheveux, tout ce qui fane la pens6e et ride le coeui 
ccBur de la post^ritd de Galas, de la lign6e de Lesi 
bl^e sous la fatality ? 

justice des hommes, faillible justice!... 

stvi 



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LES CRiCHES 



En 1801, une femme de bien, M"* de Pastoret, avait rSuni, 
rue de Miromesnil, douze enfants k la mamelle que les m^res 
veoaient allaiter pendant les intervalles de leur travail elrepre- 
naient le soir. C'^tait Ik une Crfeche et peut-6tre serait-elle 
devenue le point de depart dela creation de ces ^tablissements 
si, ses 61feves 6tantgrandis, M"* de Pastoret les avait remplac6s. 
Mais elle ne put les renvoyer, dans la crainte de les laisser sans 
abri; Toeuvre devint une salle d'asile, la premiere qui ait 
exists k Paris (1), et ne laissa pas d'autre souvenir; elle fut 
ferm6e apr^s quelques ann^es. Plus tard M"* de Pastoret aida 
aetivement M. Denys Cochin k crder des salles d'asile qui ne 
furent constitutes en service public qu'Ji partir de Tannic 1837. 

La premiere Crfeche fut, en r6alit6, fondle k Chaillot, rue 
des Jardins, le 14 novembre 1844, par M. Jean-Baptiste-Firmin 
Marbeau, maire de Fancien premier arrondissement de 
Paris (2). 

M. Marbeau, qui naquit JtBrive, dans la Corrfeze, le 18 mai 
1798, appartenait k une famille nombreuse : ses parents 

(1) Trente ans auparavant, Oberlin et Louise Schoeffer avaient cr66 dans les 
Vosges de petits 6tablissements qui ^taient des salles d'asile. 

(2) Dans son cinquantidme rapport annuel, public en 1879, la Soci6t6 royale 
de Philanthropie de Bnixelles dit qu'en 1826 un instituteur franQais, du nom de 
Duflot, ^tablit k Li^ge, ou il ^tait venu se fixer, le premier asile de I'enfance, connu 
sous le nom de Creche. 11 aurait €i€ aid6 dans sa mission philanthropique par 
M. Coquilhat, p6re du g^n^ral de ce nom. Cette Creche aurait 6t6 install^e dans 
xm ancien convent devenu propri6t6 communale et ayant servi, en 1815, aux 
bless6s de la bataille de Waterloo. L'institution aurait v6cu deux ou trois ans, 
puis roouvre aurait disparu. 



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LES CRfiCHES. m 

avaient dix enfants. II fit ses etudes au college de sa ville na- 
tale ; 11 Ics termina h Tftge de dix-sept ans et travailla chez un 
avou6 et un avocat de Brive. En octobre 1816, il fut d6cid^ 
qu'il irait faire son droit k Paris; son p^re et quelques amis d6- 
vou6s Tadress^rent k un avou6 chez lequel il continua iiapprendre 
la procedure. En 1819 il passait sa thfese de licence et commen- 
^ait k 6crire son Traili des Transactions qui parut quelques 
ann^es plus tard. Ce livre attira sur son auteur Tattention de la 
Chambre des avou^s qui le d^signa pour succ^der k Tun des 
avou^s les plus forts et les plus occup^s de Paris. En 1830 son 
^tude prosp^raitlorsque ^clata la Revolution de Juillet. II publia 
alors une brochure intitul^e : Reflexions (Tun decteur sur la Revo- 
lution de 1830. 

L'exc^s de travail altera sa santd et le contraignit, sur Tavis 
des m6decins, k un repos absolu. II vendit sa charge et s'abstint 
momentan^ment de travaux intellectuels. Au bout de quelques 
mois, se sentant r^tabli, il 6crivit, en patois corr6zien, les 
scenes les plus agr^ables de sa jeunesse. II suivit en m^me 
temps les cours du CoUfege de France et devint un auditeur 
assidu de Rossi^ de Cuvier, de Lherminier, d'Eliede Beaumont, 
de Cousin, de Guizot. En 1834, ^tantmembre du Comity d'in- 
struction primaire du premier arrondissement, il fitparaitre La 
Politique des Int^rSts, ou Essai sur les moyens dameiiorer le 
sort des travailleurs sans nuire dux propri^taires. Get ouvrage 
ftait sign6 : Parun Travailleur devenu propria taire. 

Quelque temps aprfes cette publication, il fut nomm^ adjoint 
au maire du premier arrondissement. 

II remplissait encore cette fonction lorsque, en 1844, il fut 
charge, par le comity local d'instruction primaire, d'un rapport 
general sur les asiles de Tarrondissement (1). Une lacune 
le frappa : Tenfant, qui etait regu k la salle d'asile k V&ge de 
deux ans, manquait d'une institution sociale quipAt le soutenir 
depuis sa naissance. Les m^res de famille pauvres, obligees de 
travailler pour vivre, [qui ne voulaient pas se s^parer de leur 
enfant pour Tenvoyer en nourrice, et qui ne pouvaient 

<1) Ce fut aussi en 1844 que Firmin Marbeau publia ses Etudes sur V^conomie 
sociale. 

MYUB PBILAirrBROnQUE. — II. 12 



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nS REVUE PHILANTHROPIQUE. 

Temmener avec elles chez leurs patrons^ le confiaient pendant 
la journ^e h une gardeuse. Celle-ci 6tait gdn^ralement une voi- 
sine, vieille femme k qui Ton supposait beaucoup d'exp^rience 
dans Fart d'6lever les enfants parce qu'elle 6tait 4g6e, et qui 
exer^ait cette profession parce qu'elle n'en pouvait faire d'autre. 
La m^re venait, quand elle pouvait, allaiter son enfant, ou 
la gardeuse se chargeait de donner le biberon au nourrisson 
qui poussait comme il pouvait. Quand il n'y avait plus de lait 
dans la bouteille apport^e par la m^re et que le poupon criait 
trop fort famine, la gardeuse avait un moyen de Tapaiser : elle 
lui mettait dans la bouche un morceau de sucre nou6 dans un 
linge qui prenait la forme d'une esp^ce de t^tine. Ce su^on 
donnait de la tranquillity k la gardeuse, au detriment de Testo- 
mac et de la sant6 du nourrisson. 

Si Tenfant 6tait sevr^, la m^re apportait des aliments k la 
gardeuse, dans un petit panier; elle foumissait aussi les v^te- 
ments et le linge. Gomme rien ne disparatt jamais tout k fait 
dans les grandes villes, il y a encore des gardeuses k Paris qui 
sont soumises aux inspections devenues plus fr6quentes et 
plus rigoureuses des m^decins de la protection des enfants du 
premier Age. 

L'id^e vint k M. Marbeau de cr^er des asiles du premier 
&ge oti les enfants recevraient des soins plus surveill^s, plus 
intelligents que chez les gardeuses. Trfes chr6tien, s'inspirant, 
dans sa philanthropie, de ses id^es religieuses, en souvenir de 
la croyance qui affirme que J^sus est venu au monde dans une 
stable de Bethl^em et qu'il eut pour premier berceau une crfeche, 
il d^cida, avec les personnes qu'il associa k son ceuvre, que le 
nom de Creches serait donn^ k ces asiles nouveaux (1). Ses 
premiers collaborateurs furent les membres de la municipality 
et du bureau de bienfaisance du premier arrondissement qui, 
agissant comme personnes privies, versferent ou recueillirent 
des souscriptions et des dons en vue de la fondation nouvelle (2). 

(1) Ce nom 6tait adopts depuis longtemps dans les h6pitaux pour designer 
les salles destinies aux enfants du premier hge. 

(2) Extrait du rapport pr6sent6 par M. Eugene Marbeau, president de la So- 
ci4ti des Creches, au Conseil sup^rieur de TAssistance publique (10 et il mars 

1897). 



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LES CRfeCHES. 179 

« Les debuts de Tceuvre, dit M. Eugene Marbeau, fils du 
fondateur des Creches (1), furent tr^s humbles; douze berceaux 
d'osier furent install^s dans une petite boutique d*une rue trfes 
pauvre; le loyer 6tait de 300 francs; la d^pense d' installation 
et d'ameublement s'^leva h, 229 francs. » 

Comme le but des fondateurs 6tait de substituer progressi- 
yement la Creche aux garderies en usage, ils s*attachferent k se 
rapprocher autant que possible des habitudes stabiles par la 
force des choses. La Creche de Ghaillot ne fut qu'une garderie 
perfectionn^e (2). Seulement on fit payer moins cher que dans 
les garderies. On adopta le chiffre de 20 centimes qui repr^- 
sentait alors k pen pr5s le cinqui^me ou le sixi^me du salaire 
d6 la mfere. Celle-ci devait aussi fournir la nourriture. La 
Crfeche ne se chargeait de Tenfant que pendant les heures de 
travail de la mhre : celle-ci apporlait son baby le matin^ le re- 
prenait le soir et le gardait chez elle la nuit, les dimanches et 
les jours f^ri^s. 

La direction de la Grfeche fut confine k une religieuse k 
laquelle on adjoignit pour berceuses deux vieilles gardens es.Un 
m^ecin venait, par d^vouement, visiter la Creche chaque jour; 
des dames patronnesses Tinspectaient le plus souvent possible, 
apportant des conseils et des secours. 

Tel fut le d^but des Crfeches. 

« Dans les deux ann^es qui suivirent la fondation de la Creche 
de Ghaillot, dit M. Eugene Marbeau, les bureaux de bienfai- 
sance de Paris, le Gonseil g6n6ral des hospices, le Gonseil gd- 
n^ral du d^partement de la Seine, se prononcferent pour 
FoBuvre nouvelle, d'accord avec le sentiment public, avec les 
plus hautes persounalit^s du pays, avec TAcad^mie frangaise, 
Je clei^6, le Saint-Si^ge (3). » 

L'impulsion ^tait donn^e : Tannic suivante naquirent les 

(1) Extrait du rapport de M. Eugene Marbeau, au Gonseil sup6rieur de T Assis- 
tance publique. 

(2) Parmi les fondateurs de la Crtche de Ghaillot, il faut citer : M«« Gurmer, 
qui accepta les fonctions de directrice-tr6sori6re et souscrivit la premiere. M. Fram- 
boisier, alors directeur de Sainte-P^rine et administrateur du Bureau de bienfai- 
sance du !•' arrondissement ; M. le D' Canuet. 

(3) Extrait du rapport de M. Eugene Marbeau, au Gonseil sup^rieur dc I'AssiS' 
tance publique. 



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180 REVUE PHILANTHROPIQLE. 

Creches de Saint-Louis d'Antin et de Saint-Philippe-du-Roule, 
de Belleville, de Saiat-Pierre du Gros-Caillou , de Saint- 
Vincent-de-Paul. En 1846, on en cr6a 7 a Paris et dans la ban- 
lieue : il y avait alors 14 Creches dans le d^partement de la 
Seine. 

Gependant Tinstitution ne s'^tait pas d^velopp^e sans dtre 
Tobjet de nombreuses critiques et sans ^prouver de grands d6s- 
agr^ments. La mortality infantile est Ir^s grande et, dans toute 
agglomeration d'enfants, les 6pid6mies se d^veloppenl facile- 
ment. La Crfeche est un terrain dans lequel la contagion pent 
se propager avec rapidity. En 1844, la science de Thygifene 
n'avait pas fait les progr^s qu'elle a accomplis depuis et Tan- 
tisepsie n'avait pas encore '6t6 appliqude! Aussi y eut-il, dans 
les Crfeches d'alors,de nombreux casde rougeole, de coqueluche 
et d'autres maladies sp6ciales k la premiere enfance dont sont 
encore loin d'etre indemnes les Creches d'aujourd'hui. 

Une des critiques les plus curieuses, affirme M. Eugfene 
Marbeau, fut que la Crfeche dtait trop confortable. 

« EUe dut prouver, dit-il, qu*en pla^ant les enfants pendant 
la journ^e, dans des conditions meilleures que celles qu'ils re- 
trouvaient le soir chez leurs parents, elle ne les tuait pas par le 
contraste ; qu'en dispensant les m^res de les envoyer au loin en 
nourrice, elle n'affaiblissait pas le lien de la famille; qu'en 
substituant le travail i Taumdne, en permettant h Touvri^re 
de gagner dignement et courageusement un salaire toujours 
sup^rieur k ce que d^pensait la Crfeche pour garder Tenfant, 
elle ne gaspiilait pas Targent de la charity ; enfin, el ce n'6tait 
pas \k le reproche le moins strange, car c'6tait par certains re- 
prdsentants de TAssistance publique qu'il ^tait formula, on 
accusa la Crfeche de faire une concurrence fdcheuse aux autres 
oBuvres publiques ou priv6es ! A ce dernier reproche , il r6- 
pondit que, bien au contraire, elle alMgeait les charges de 
r Assistance publique (1).» 

M. Firmin Marbeau et ses collaborateurs invitferent alors 
les administrateurs des diverses Creches de la Seine k se r^unir 

(1) Extrait du rapport de M. Eugdne Marbeau au Conseil sup6rieur de I'Assis- 
tance publique. 



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m-^ >tr -T 



LES CRfeCHES. 181 

pour combiner leurs efforts et se concerter sur les ameliorations 
kapporter dans Tinstallation et le fonctionnement de ces 6ta- 
blissements. Ce fut Torigine de la Sociiti des Crkches qui eut 
pour programme la propagande de Toeuvre et Tallocation de 
subsides aux Creches qui en avaient besoin, tout en laissant k 
chacune d'elles son ind^pendance et son autonomic. 

La stance d'inauguration de la Society eut lieu St THdtel de 
Ville, salle Saint- Jean, le 24 f^vrier 1847. L'assembl^e ^tait 
nombreuse, elle fut pr^sid^e par M. Dupin. M. Marbeau fit un 
discours Eloquent dans lequel il d^fendit son oeuvre avec cha- 
leur. II d^montra la possibility de Ja Crfeche par son existence; 
il r^pondit au reproche d'imperfections par le pen de temps 
^coule depuis la fondation de Toeuvre ; il fit ressortir les avan- 
tages qu'en tiraient les mferes en ne payant qu'une faible retri- 
bution et le bien que faisait la Creche it pen de frais ; il fit 
comprendre les services que la nouvelle institution pouvait 
rendre 4 Tifitat. 

A la suite de cette reunion, on songea k modifier Torgani- 
sation du debut. Primitivemeat, on avait cru ne devoir ad- 
mettre 4 la Grfeche les enfants que jusqu'd. T&ge de deux ans, 
parce qu'i partir de cet Age ils pouvaient 6tre reijus dans les 
salles d'asile ; mais on se rendit compte qu'il valait mieux pro- 
longer le sejour i la Creche jusqu'i Tftge de trois ans. On 
reconnut enfin qu'il fallait que le bien-6tre de la CrSche 
fit ameiiore et que Ton y suppler Ji la g6ne du logis mater- 
nel ; on se pr^occupa d'am^liorer les conditions materielles de 
retablissement; on s'appliqua it rechercher des locaux bien 
a^r^s et bien exposes ; on foumit la nourriture aux enfants et 
on ne demanda plus aux mires le petit panier d'aliments 
plas ou moins choisis ou approprids que la mire apportait au- 
trefois. 

A c5te de H. Marbeau, philanthrope chritien, d'autres amis 
de I'enfance qui avaient etudie son ceuvre, tout en en recon- 
naissant Tutilite, avaient songe h, Timiter en la modifiant. lis 
avaient trouve bizarre que Ton confi&t la direction des Criches 
k des religieuses qui, si dfivou^es et bien intentionnees qu'elles 
pussent 6tre, ne semblaient pas, par leurs voeux, par leur si- 



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181 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

tuationet par leur ^tat^ devoir rcmplir les m6mes fonctions 
que des mferes de famille ayant 6\ey6 et fait vivre de nombreux 
enfants. 

Des hommes et des femmes de bien ne s'inspirant point] des 
mSmes id^es que M. Firmin Marbeau song^rent k ouvrir des 
asiles pour les enfants du premier ^ge qui ne seraient point des 
foyers de propagande religieuse. 

Des francs-maQons fond^rent des Crftches oil Ton ne s*in- 
qui^ta point de savoir si les enfants qu'on y amenait ^taient 
baptises ets'ils ^taient n6s ou non hors mariage. 

En 1847, 3 Crdches nouvelles furent ouvertes h Paris et 
dans la banlieue ; 2 en 1848 ; 2 en 1849; 2 en 1851 ; 1 en 1852. 
En 1856, le d^partement de la Seine compta 21 Creches : c'^tait 
k pen pris un nombre ^gal k eelui des asiles qu'il possddait en 
1837. 

D6s Torigine, la Ville de Paris, le d^partement de la Seine 
et le minist^re de Tlnt^rieur soutinrent la Soci6t6 des Crfeches 
par des subsides, et des circulaires du pr^fet et du ministre 
encourag^reat la fondation de nouvelles Crfeches. 

Aujourd'hui le Conseil municipal de Paris et le Conseil g6- 
n6ral de la Seine ont cess^ de donner leurs subventions k la 
Soci^t6 des Creches : ces deux assembl6es r^servent leurs allo- 
cations aux Creches affectant un caract^re laique. Elles sont 
disposdes, de m6me que le ministfere de Tlnt^rieur, k n'accorder 
de subsides qu'k ceux de ces ^tablissements qui se soumettront 
k des prescriptions dont nous aurons Toccasion de parler dans 
un prochain article de la Revue philanthropique. 

La revolution de 1848 et le coup d'Etat de 1851 ne semblent 
pas avoir beaucoup trouble M. Marbeau qui s*accommoda tr^s 
facilement du regime imperial et demanda pour son ceuvre k 
la famille de Napoldon 111 le patronage qu'il avait eu de la fa* 
mille d'Orl^ans. 

Le mouvementded6veloppement des Crftches ne se renferma 
pas dans le d^partement de la Seine; il s'^tendit i la France et 
k r^tranger.En 1866, la Crfeche de Rochefort fut reconnue d'uti- 
lit6 publique; la m6me disposition fut prise en 1867 en faveur 
des Creches de Tours et, en 1869, de la Crfeche de la Madeleine. 



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LES GRfiCHES. t«3 

Depuis, de nombreuses Creches ont obtenu la personnalitd 
civile. II y en a maintenant dans toutes les parties de la 
France (1). 

Aujourd'hui 61 Crtches fonctionnent h Paris (2); d'autres 



{\) U existe des Crdches en France dans les villes suivantes : 

Aisne : Guise, La F6re, Vervins, Sain t-Quen tin. — Allier : Vichy, Montlu^on. 

— Alpes-Maritimes : Menton, Nice. — Ardfeche : Largentifere, Bourg-Saint-And6ol. 

— Ardennes : Givet, Rethel, Sedan. — Aube : Troyes. — Aude : Carcassonne, 
Narbonne. — Bouches-du-Rh6ne : Marseille, Aix, Aries, Tarascon. — Calvados : 
Caen, DeauviUe, Lisieux, Pont-l'tvfique, Trouville, Villerville. — Charente : An- 
gonldme. — Charente-Inferieure : La Rochelle, Rochefort, Saintes. — C6te-d'0r : 
Dijon. — Cdtes-du-Nord : Saint-Brieuc. — Dordogne : P6rigueux. — Doubs : Be- 
san^on. — Eure : Louviers, Romilly-sur-Andelle. — Eure-et-Loir : Chartres, 
Dreux, NogenHe-Rotrou, Saint-Lubin des-Joncherets, Saint-Remi-sur-Avre. — 
Pinistere : Brest, Morlaix. — Gard : Alais, Anduze, Nlmes. — Garonne (Haute-) : 
Toulouse. — Gironde : Bordeaux, Arcachon, Ards, B6gles, Taussat. — H^rault : 
Agde, Cette, Montpellier, P6zenas, Beziers, Clermont, Loddve. — Indre : Ch&teau- 
roux. — Indre-et-Loire : Tours, Amboise. — Isdre : Grenoble, Pont-de-Claix. — 
Loire-Inf6rieure : Nantes. — Loiret : Orl6ans. — Lot-et-Garonne : Villeneuve- 
sur-Lot. — Maine-et-Loire : Angers, Cholet. — - Manche : Saint-James. — Mame : 
Ch&lons, Ay, fepemay, Reims, Sainte-Menehould. — - Mayenne : Ch&teau-Gontier. 

— Meurthe-et-Moselle : Baccarat, Lun6ville, Nancy, Thiaucourt, Toul. — Meuse : 
Bar-le-Duc. — Morbihan : Lorient. — Nord : Lille, Armenti^res, Cambrai, Dun- 
kcrque, Roubaix, Tourcoing, Loos. — Oise : Beauvais, Chantilly, Compifegne, 
Noyon, Ourscamp, Saint-Agnan, Senlis, Thieux, Trye-Ch&teau. — Orne : Alen^on, 
Bagnols, Piers. — Pas-de-Calais : Boulogne, Calais, Lens. — Puy-de-D6me : Cler- 
mont-Ferrand. — Pyr6n6es (Basses-) : Bayonne, Biarritz. — Pyr6n6es-Orien- 
tales : Perpignan. — Rhdne : Lyon. — Sa6ne-et-Loire : Chalon-sur-Sadne. — 
Haute-Sa6ne : Luxeuil. — Sarthe : Le Mans, Tr61az6. — Savoie : Aix-les-Bains. — 
Seine-et-Mame : La Fert6-sous-Jouarre, Meaux, Melun, Montereau, Nemours, 
Noisiel, Provins. — Seine-et-Oise : Argenteuil, Bellevue, Buc, Gonesse, Jouy-en- 
Josas, Le Pecq, Le V6sinet, Meudon, Pontoise, Port-Marly, Rueil, Saint-Germain- 
en-Laye, Versailles, Ville-d'Avray, Viroflay. — Seine-Inf6rieure : Le Havre, Rouen, 
Dieppe, Elbeuf, Lillebonne, Saint-fetienne-du-Rouvray. — Somme : Amiens, Abbe- 
ville, Nesle, Flixecourt. — Tarn : Albi. — Var : Hyferes, Toulon. — Vaucluse : 
Avignon, Carpentras. — Vienne (Haute-) : Limoges. — Vosges : tpinal, G6rard- 
mcr, Granges, Moyen-Moutier, Saint-Di6, Saint-fetienne, Senones. 

Alg^rie : Alger, Blidah, B6ne, Constantino, Oran, Philippeville. — Guadeloupe : 
La Pointe-i-Pitre. — Tunisie : Tunis. 

(2) Voici la liste des Creches de Paris : 

!•' arrondissement : Saint-Roch, rue Saint-Hyacinthe-Saint-Honor6, 4 ; Crdche 
mnnicipale du I" arrondissement, rue de I'Arbre-Sec, 17. — !!• : Bonne-Nouvelle, 
me Saint-Denis, 218; Cr6che du Mail, 70, rue Montmartre. — ill' : Crdche des 
Archives, rue de Saintonge, 43. — IV* : Sainte-Philomfene, rue Sainte-Croix-de-la- 
Bretonnerie, 20; Saint-Francois de Sales, rue Poulletier, 5; Crfeche municipale 
du IV« arrondissement, rue Saint-Antoine, 164. — V* : Cr6che Monge, place 
Monge, 4; Grfeche Sadi-Carnot, 3, rue des Trois-Portes ; Crdche Sainte-Lucie, 
15, rue des Bemardins. — VI- : Bethl^em (Saint-Sulpice), rue de M6zidres, 6; 
Crfeche du VI* arrondissement, rue Jacob, 11. — VII* : Saint-Pierre du Gros- 
CaiUou, rue de Grenelle, 182; Saint-Vincent-de-Paul, rue Oudinot, 3; Saint-Tho- 



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184 REVU5 PHILANTHROPIQUE. 

sont en voie de formation. 11 y en a 30 dans la banlieue (1). 

Les Creches furent plac^es, par le d6cret du 26 f6vrier 1862, 
sous la protection de rimp6ratrice. Un rtglement en dale du 
30 juin 1862 indiqua les prescriptions auxquelles devaient se 
soumettre ces ^tablissements, soit pour6tre approuv6s soitpour 
6tre tol6r6s. Les Crfeches sont en outre soumises aux disposi- 
tions de la loi du 23 d^cembre 1874, dite loi Roussel sur la 
protection des nourrissons. 

En 1875, quelque temps avant sa mort, M. Firmin Marbeau 
avait adress^ h, TAssembi^e nationale une petition demandant 



mas-d'Aquin, rue Peironnet, 9. — VIIIo : Saint-Philippe, rue de Monceau, 13; 
Sainte-Madeleine, rue de laVille-l'fevdque, 14. — IX* : Saint-Louis d'Antin,rue de 
la Chauss6e-d*Antin, 27 ; Notre-Dame de Lorette, rue Rodier, 60 ; Grfeche laique du 
IX* aiTondissement, rue La Rochefoucauld, 25. — X* : Crftche du X* arrondisse- 
ment, rue Saint-Maur-Popincourt, 185 ; Creche du Faubourg-Saint-Martin, rue 
du Faubourg-Saint-Martin, 122. — XI* : Cr6che Charles Floquet, rue Saint-iMaur- 
Popincourt, 6; Saint-Joseph, rue d'Angoul^me, 81. — XII* : Sainte-Marie-des- 
Quinze-Vingts, 8, passage Gatbois, avenue Daumesnil, 66 ; Saint-Joseph (Bercy),|rue 
des Meuniers, 63; Crfeche de Picpus, ruelle des Toumeux, 4. — XIII* : Saint- 
Marcel (Maison-Blanche), rue Vandrezanne, 42; Sainte-Rosalie, rue de la Gla- 
cidre, 35 ; Maison matemelle, Crdche laique du Berceau de I'Enfance, 7, passage 
Ricaut, rue du Ch&teau-des-Rentiers ; Creche municipale du quartier Croulebarbe, 
rue des Gobelins, 7; Creche lafque de la Maison-Blanche, 1, rue Barrauit; Creche 
municipale de la Salp6tridre, 5, rue du Bancpiier. — XIV* : Grdche municipale 
laique de Plaisance, rue de TOuest, 115; Creche Furtado-Heine, rue Jacqiuer, 7; 
Crfeche F6nelon-Gharles, rue Gharles-d'lvry. — XV* : Sainte-Marguerite (Grenelle), 
rue Ginoux, 6 ; Crdche laique municipale de I'Esp^rance, rue Violet, 69 ; Creche 
laique municipale du quartier Saint-Lambert et Necker, rue d'AUeray, 13; Grdche 
Fourcade, 25, rue Beuret. — XVI* : L'Annonciation (Passy), rue Singer, 8 ; Creche 
Sainte-Marie, avenue Victor-Hugo, 117; Crfeche du XVI* arrondissement, rue 
Claude-Lorrain, 22 bis; Cr6che du XVI* arrondissement, rue Francois-Millet. — 
XVII* : Saint-Joseph (Temes), rue Bacon, 11 ; Crfeche de la Gompagnie de I'Ouest, 
avenue de Glichy, 163; Petite Grdche des BatignoUes, avenue de Glichy, 47 bis; 
Grfeche municipale des ^pinettes, rue Berz^lius prolong^e, 8 bis; Gr6che Made- 
leine Br6s, 86, rue Nollet; Petite Grfeche de la rue Gauthey, rue Gauthey, 49. — 
XVIII* : Grdche de Glignancourt, rue Damr6mont, 98 ; Cr6che de la Ghapelle et de 
la Goutte-d'Or, rue Gav6, 5; Gr^che Arthur Panckoucke, rue Gaulaincourt, 39; 
Crdche Asile Sainte-Marie, avenue de Saint-Ouen, 146. — XIX* : Sainte-Eug^nie 
(La Villette), rue de Grim^e, 146; Grdche laique du quartier d' A mdrique, rue de 
Bellevue, 18. — XX* : Saint-Jean-Bap tiste (Belleville), rue de la Mare, 73; Grdche 
Sainte-Am^lie, fondation Wion-Pigalle, rue de Bagnolet, 63 ; Gr6che laique du 
XX* arrondissement, 121, rue de Bagnolet; Creche laique du quartier Saint-Far- 
geau, 33, rue du T^l^graphe. 

(1) Voici la liste des creches du d^partement de la Seine : 
Asnidres : Grdche municipale, place de I'Asile. — Boulogne : Crfeche munici- 
pale, rue de Paris, 105. — Gachan : Saint-Raphael, rue des Toumelles, 7. — ChA- 
tiUon : Gr^che municipale, passage Chariot, 2. — Ghoisy-le-Roi : A la Manufac- 



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LES CRfeCHES. 185 

une loi destin^e h faire suite h la loi de 1874 et qui 6tait ainsi 
formulae : 

« Article premier. — Toute commune oil plus de cent 
femmes travaillent habituellement hors de Icur domicile pourra 
6tre tenuede fournir un local pour 1*6 tablissementd'uneCrfeche. 

« Art. 2. — Toute usine occupant habituellement plus de 
cent femmes pourra 6tre tenue d'avoir une Creche. 

« Art. 3. — Dans Tun ou Tautre cas, la n^cessitd de la 
Creche sera constat^e par un arr6t6 du Pr6fet, pris aprfes avis 
du Conseil g^n^ral. » 

Cette petition ne fut pas prise en consideration (1). 

Depuis leshygi^nistes, les municipalit^s, les pouvoirs publics 
ont ^tudie k nouveau la question des Creches. 

Le Conseil municipal de Paris institua une Commission des 
Crfeches qui fut charg6e de s'occuper de toutes les details con- 
cemant le fonctionnement de ces etablissements^ de sur^-eiller, 

turc de porcelaine, rue du Pont, 3. — Clamart : Sainte-femilie, rue du Trosy. — 
Clichy : Saint- Vincent-de-Paul, rue Marthe, 84. — Colombes, Crfeche municipale. 

— Gourbevoie : Crtche municipale, square de la Mairie. — Cr6teil : Creche, mu- 
nicipale, Grande-Rue. — Gentilly : Creche municipale de Gentilly-Rremlin, 
46, me Danton; Crfeche municipale de Gentilly Centre, rue de la Mairie, 12. — 
Issy : Creche du Centre, place de la Mairie; Crfeche des Moulineaux, cit6 G6velot. 

— Levallois-Perret : Creche municipale, rue Marjolin, 2. — Les Lilas : Crfeche 
intercommunale, 8, passage Griselin. — Montreuil-sous-Bois : Crdche municipale, 
roe Voltaire. — Montrouge ; Crfeche municipale, rue des Ruelles. — Nanterre : 
Creche communale de Sainte-Genevifeve, rue de la Mairie. — Neuilly : Sainte- 
Am^lie, rue des Poissonniers, 24. — Nogent-sur-Mame : avenue du March6, 3. — 
Pantin : O^che Sainte-l^lisabeth, rue Thiers, 3 ; Crfeche municipale, rue du Com- 
merce. — Puteaux : Creche municipale, rue des t coles, 59. — Saint- Denis, Grdche 
municipale, me Compoise, 59. — Saint-Onen : Crfeche municipale, rue de la Gare. 

— Sceaux : Creche municipale, rue Picpus, i. — Suresnes : Grftche de Suresnes, 
19, rue de Neuilly. — Vanves : Sainte-Genevifeve, rue de la Mairie, 38. — Vin- 
cennes, roe des Carridres, 5. 

(!) Une loi promulgu^e le H avril 1891, en Portugal, et destin6e k r6gler le 
travail des femmes et des enfants dans les manufactures, porte, article 21 : 
• Toute fabrique dans laquelle travaillent journellement plus de cinquante femmes, 
devra poss^der une Creche install6e dans les conditions hygi^niques d^termin^es 
par des r^lements. La distance de la Crdche h T^tablissement sera de 300 metres 
au plus. Plusieurs usines pourront 6tablir ou subventionner en commun une 
Creche pour les enfants des ouvriferes de chacune d'elles, h condition toutefois 
que la Creche soit d'une capacity suffisante et distante de 300 metres au plus de 
chacune de ces usines. » 

L'article 22 ajoute que : a Les femmes ne seront pas admises au travail dems 
les quatre premieres semaines aprds Taccouchement, la m^re pourra toujours 
allaiter son enfant dans les Creches. » 



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186 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

tant au point de vue administratif et financier qu'Jt celui de 
de I'assainissement, les Crfeches 8ubventionn6es par la Ville 
et d'examiner les demandes de subventions adrcss^es par les 
Crfeches privies. 

La Ville de Paris se prdoccupe d'dtablir une Creche vrai- 
ment municipale (2) qui pourra servir de type aux autres, 
et oil des cours sp^ciaux sur les soins k donner aux petits 
enfants seront faits aux m^res de famille et aux grandes jeunes 
filles qui ont charge de petits frferes et de petites soeurs. 

En 1895, le ministre de Tlnt^rieur demanda au Conseil 
sup^rieur de TAssistance publique son avis sur le fonctionne- 
ment des Creches et sur les modifications & apporter au d^cret 
et au rfeglement de 1862. U fut reconnu, Jila premifere section 
du Conseil sup6rieur, qu'un grand nombre de'questions devaient 
6tre soumises au Comity consultatif d'hygifene auquel le presi- 
dent du Conseil des ministres demanda, le 28 f^vrier 1896, de 
delib^rer sur les dispositions relatives k Thygitoe que doit 
contenir le nouveau rfeglement des Crfeches. Le rapport, confix 
ii M. le D*^ Henri Napias, fut pr^sent^, le 30 novembre 1896, au 
Conseil sup^rieur de TAssistance publique, devant lequel 
M. Eugfene Marbeau fit, le 10 et le 11 mars 1897, un rapport 
d'ensemble. Nous aurons occasion de revenir sur ces travaux 
et sur ceux que vient de terminer la Commission municipale 
du lait, lorsque nous nous occuperons des nombreux details 
qu'il faut examiner dans Tinstallation et le fonctionnement 
des Crfeches. 

ALFRED BREUILLt. 



(1) Bien que plusieurs Creches de Paris se d^nomment Creches municipaleSf 
elles ne sont point administr^es, comme les Crdches municipales de la banlieue, 
par la commune dont elles dependent. Ce sont des oeuvres privies auxquelles 
s'int^ressent les conseiliers municipaux et les membres de la municipality de 
rarrondissement dans lequel elles sont situ6es, et qui sont administi^es par des 
comit^s priv6s. 



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L'ASSISTAIVCE ET L^EDUCATION 

DES JEUNES SERVANTES 

A PARIS ET A LONDRES 



Au dernier recensement dont les chiffres sont connus, en 
1891, il y avail en France plus d'un million de femmes domes- 
tiques (1) ; h Paris exactement 104373. 

La presque totality de cette population est fournie h la oa- 
pitale par la province. Ge sont des filles de la campagne qui 
d^barquent compl Element ignoranles pour la plupart des tra- 
yaux domestiques, inaptes, par manque de culture, k com- 
prendre et s'adapter rapidement au nouveau milieu oil elles se 
trouvent, n'ayant en t^.te qu'une id^e bien nette : gagner de 
Fargenly gagner beaucoup et le phis vite possible ^ en donnant le 
moins possible en retoitr. 

Si la jeune servante tombe dans une maison oil la maitresse 
lui ressemble dans son ignorance de T^conomie domestique, 
incapable de Teffort d'imagination pour comprendre le doulou- 
reux et stupide ahurissement de la campagnarde, sans vouloir 
pour exercer la patience et la persdv6rance n^cessaires pour 
la former i ses devoirs nouveaux et complexes, ddsirant seule- 
ment avoir le moins cher possible une machine domestique 
marchant bien; dans ce cas, les mutuelles exigences am^nent 
rapidement la rupture. 

La jeune servante renvoy6e se place de nouveau, est de nou- 

(i) 1042245. 



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188 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

veau renvoy^e pour les mSmes causes. EUe recommence dans 
des conditions plus ou moins semblables jusqu'k ce qu'elle ait 
tant bien que mal appris son metier et suffisamment att^nu^ 
ses pretentions pour dtre gard6e malgr^ son incompetence... ou 
bien elle tombe dans le fosse. Elle va grossir les rangs de la pro- 
stitution (1), ou elle meurt h ThApital^ de misfere ou de ma- 
ladie (2). 

Telle est la situation de la jeune servante : elle, comme sa 
maitresse, est victime de la periode de transition que nous tra- 
versons. 

Les vieilles choses n'existent plus et les nouvelles ne sont 
pas encore ! 

L'opinion, autrefois, n'admettait pas que la femme dAt avoir 
d'autres regions que le foyer oil exercer son activity ; aujour- 
d'hui encore, malgre la diversite des theories sur « le r6le de 
la femme » il y a un point oil les divergences cessent, oil r^vo- 
lutionnaires et retrogrades trouvent un terrain d'entente, — 
temporaire et transitoire il est vrai, — d'od souvent ils partent 
pour de nouvelles disputes, mais od ils se rencontrent aussi 
pour se reconcilier et repeter k Tunisson : 

« La place de la femme est au foyer. » 

Cependant, malgre cette unanimite k ne pas lui disputer la 
suprematie, la femme ne semble pas se rendre compte de Tim- 
mensite de son royaume. Par sa nonchalance k gouverner, par 
la facilite avec laquelle elle s'est laisse enlever Tadministration 
de reconomie domestique, elle donne un semblant de raison a 
ceux qui pretendent que Taptitude d'organisation et la faculte 
de diriger lui font defaut. 

Autrefois la femme filait, tissait et confectionnait les vete- 
ments de la maisonnee. Encore hier, chaque menage faisait son 
pain, lessivait son linge et faisait ses conserves en prevision de 
Thiver. 

Aujourd'hui les conditions de production ont change ; Ten- 
treprise commerciale masculine s'est emparee des differentes 
branches de Fiudustrie feminine. La femme a laisse echapper 

(1) La prostitution clandestine h Paris, par le docteur 0. Commenge, p. 335. 

(2) Annuaire de la VUle de Paris, n« XIV, 1893, public en 1895. 



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f.'ST'^-'v-- 



ASSISTANGE ET EDUCATION DES JEUNES SERVANTES. 189 

de ses mains les multiples sources de richesse et d'ind^pen- 
dance mat^rielle et morale. Elle s'est laiss^ d^pouiller insidieu- 
sement sous pr6texte de sciences et de progrfes ; c'est seulement 
quand elle s'est vue entiferement d^poss^d^e, qu'elle s'est ren- 
due compte qu*elle est maintenant paria, \h oh auparavant elle 
r^gnait. 

Le foyer est devenu simplement son but k lui-m6me, au 
lieu d'6tre, comme jadis, le centre d'od rayonnait la femme. La 
maisonn'est plus la ruche; c'est Tendroit oil Ton mange et od 
Ton dort. On consomme k la maison ; la production se fait k 
Talelier (1). 

Par suite de ce d^placement de forces, une grande pertur- 
bation s'est produite dont se ressent le corps social tout en- 
tier. 

De notre ^poque tourment^e, nul ne sait ce qui en sortira 
pour rhumanit^. II n'y a qu'un devoir ciair et net devant nous, 
e'est d'effectuer la transition avec le moins de soufifrances pos- 
sible pour les faibles. Dans cette categoric se trouve « la petite 
bonne » ; c'est elle qui, avec Touvrifere k Taiguille, paye le plus 
fort tribut a la mis^re, k la maladie et k la mort. G'est elle 
aussi qui foumit le plus gros contingent k Tarm^e de la prosti- 
tution et It la lamentable th^orie des mferes hors mariage. 

La gravity de la situation pr6occupe Tattention; Topinion 
s'^meut et Tavis est unanime qu'il est urgent dlntervenir. 

Malheureusement on est loin d'etre d'accord sur les moyens 
k employer pourrem6dier auddsarroi regnant. On s'apergoit bien 

(1) Occupations de la femme aux temps anciens. 
a. Filage. . . | 

Tissage . . \ Totalement transferees aux fabriques. 
Brasserie . I 

b. Boulangerie 1 

Confiserie et conserves I ^ 

Laiterie et fromage > _ ^,^ ^^^*^ P^^ 

Lessivage. \ '""^^'^rees ^^ fabriques. 

Broderie et confection de vdtements. | 
Occupations nouvelles techniques, scientifiques et artistiques de la femme ,'de 
noi? jours: 

Imprimerie. — Tenue de livres. — Photographie. — Tei^graphie. — T6l6pho- 
nie. — Stenographie. — Joumalisme. — Enseignement sup^rieur. — M^decine 
ei chirurgie. — Peinture et Sculpture. — Musique et Art dramatique. — Chimie 
indnstrielle, etc., etc., etc. 



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190 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

que la charity n'estpas la solution du problfeaie;la philanthropie 
n'^tant qu'un palliatif, un moyen de soulager momentan^ment 
des cas de d^tresse Isolds et passagers, mais inutile lorsqu'il 
s'agit d'^tablir et de maintenir F^quilibre social et ^conomique 
de millions de personnes. 

Les oeuvres de bienfaisance rendent n^anmoins de tr^s 
grands services aux jeunes servantes Isoldes et 6trang5res dans 
les grands centres. II est impossible de les passer sous silence. 
Des cceurs compatissants ont eu pitid de la triste position de ces 
pauvres filles seules, inconnues, incomprises, au milieu de la 
grande ville,balIott6es, sans racines et sans appui. 

II y a & Paris seul un certain nombre d'asiles pour les do- 
mestiques sans place. Les sceurs Servantes de Marie ont, en 
1849, iondi une association qui a pour but de donner aux per- 
sonnes en service, le plus souvent Isoldes k Paris, un centre oil 
elles retrouvent autant qu'il se pent lafTection et les conseils 
de la famille absente, puis un asile od elles sont reQues lors- 
qu'elles sont malades. 

Les Soeurs de la Croix recueillent dgalement les jeunes 
filles qui ddsirent se placer comme domestiques. Les soBurs de 
Saint-Charles s'occupent de placer les jeunes filles alsaciennes 
et allemandes. 

Le premier asile frangais de ce genre fut ouvert en 1844. II 
futfondd par une brave personne de la classe ouvrifere, une 
veuve, M""' Chassaigne. II s'appelle V Asile des domestiques pro- 
testantes. A sa fondation, il ne possddait que six lits; pourtant, 
la directrice avait accueilli en douze ans 1 205 femmes. Aujour- 
d'huiToeuvre s'estagrandie; dans son nouveau local, 24 femmes 
peuvent 6tre regues. Depuis que Tasile est transfdrd 25, rue Sal- 
neuve, on y regoit en moyenne 200 k 250 femmes: ce qui donne 
un total annuel de 3 000 k 4 000 journdes d'assistance. 

II existe'a Paris d'autres asiles protestants, le Home fran- 
Qais et les Homes allemands, anglais et suisses pour les jeunes 
servantes de ces diffdrentes nationalitds. Dans toutes ces mai- 
sons on regoit les domestiques it loger. Ton s'occupe de leur 
placement, dans quelques-unes on tdche de les former. 

II y a il Paris Tune des maisons de la Socidtd amicale des 



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ASSISTANCE ET jfeDUCATION DES JEUNES SERVANTES. 191 

jeunes filles (Girls Friendly society), fond^ en 1873, dont le 
si^ge social est Si Londres, 39, Victoria Street. Cette soci6t6, 
sous le patronage de la Reine d'Angleterre et de la Princesse 
de Galles, est compos^e de: 

1* Les Membres. — Les jeunes filles elles-mSmes qui participent aux 
charges selon leur capacity et qui b^n^Qcient des a vantages selon leur 
D^cessit^. 

2» Les Associ^s. — Les personnes qui donnent temps, argent, appui et 
influence aux membres en proportion des besoins de ces derniers. 

Cette association compte : 

EnAnglelerre 150055 jeunes filles. 

EnEcosse 18528 — 

En Irlande 10694 — 

Aux Colonies anglaises 4733 — 

Aux Indes 207 — 

Dans rAm^rique du Nord 9710 — 

Dans les villes du Nord et du centre de 

TEurope, dont Paris 222 — 

Total 194215 — 

Sur les 150 053 membres en Angleterre, 60 460 sont des 
domestiques et sur les 222 membres des villes d'Europe, 39 
sont des domestiques, les autres sont des institutrices, des pro- 
fesseurs, des gardes-malades, des 6tudiantes (arts et sciences), 
des blanchisseuses et repasseuses, des serveuses de restaurants 
et buvettes, etc., etc. 

Pendant Tannic 1896, 13 554 mattresses se sont adress^es k 
la soci^t6 et 4 626 domestiques ont 6t€ plac^es par ses soins. 
Cette partie de ses travaux, loin d'6tre on^reuse, s'est traduite 
par un b^ndfice de 9 547 francs. 

I^ maison de Paris, situ6e 17, rue de Courcelles, est sous le 
patronage de lady Monson, ambassadrice d' Angleterre ; elle 
compte 149 membres dont le plus grand nombre sont des insti- 
tutrices. Un bureau pour domestiques y fonctionne sous la di- 
rection de M°' CoUyer. 

Un autre asile, le Mission Home, s'occupe 6galement delo- 
ger et de placer des domestiques anglaises et amdricaines. 

Dans les soci6tds fonctionnant sous la direction anglaise, 
notamment dans la « Soci^t^ amicale des Jeunes Filles » 



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192 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

(Girls Friendly society), on est frappd par la multiplicity des 
moyens employes pour rencouragement des jeunes servantes. 
A celles dont Tftge varie entre 18 et 21 ans, qui par leur bonne 
conduite et leur iid^lit^ les ont m^ritds, il est distribu^, outre des 
primes d'argent, des certificats constatant la satisfaction qu'elles 
ont donn^e k ceux qui les emploient. 2 575 de ces recompenses 
ont 6i6 accord^es en Tann^e 1896. D'autres primes d'argent 
sont allonges k titre d'encouragement pour des habitudes 
d'^pargne et d'abstinence des boissons alcooliques. 

Un autre trait caract^ristique de ces oeuvres, est le souci 
constant de la sant^ morale et physique de leurs jeunes pro- 
tegees. On se preoccupe de Temploi fait des heures de deiasse- 
menty des jours de sortie ou des vacances. On procure k ces 
jeunes fiUes des lectures, on les incite k frequenter la maison 
de la societe, oii sont offerts, chaque dimanche, des thes k leur 
intention et d'y amener leurs amies (1). On leur fournit des 
recreations, des amusements et du repos. 

Un autre signe distinctif de ces associations, c'est leur acti- 
vite. Sur une population totale de 1 386 167 domestiques femmes 
en Angleterre, 60 460 sont connues comme faisant partie de la 
seule Societe amicale des Jeunes Filles (Girls Friendly society), 
oil elles patent une cotisation annuelle d'au moins 1 shilling 
(1 fr. 25). 

Gependant, cette societe, quoique admettant les domesti- 
ques k profiter des avantages qu'elle offre it ses membres, 
s'adresse plus particuliferement aux institutrices, aux gouver- 
nantes, aux employees de commerce, c'est-Ji-dire aux travail- 
leuses en faveur desquelles une selection s'est dejSi operee, 
puisqu' elles sont en possession de moyens d'existence plus 
avantageux, moins penibles. Du reste, mfime parmi les institu- 
tions frauQaises fondees pour venir en aide aux domestiques, 
y en a-t-il qui se consacrentexclusivement k la « petite bonne » ? 
Existe-t-il k Paris une CBuvre qui a pour but unique Fassis- 
tance et Teducation des servantes de 13 k 20 ans? 

Non, n'est-ce pas. 

(1) A la maison de la Soci6t6 amicale des jeunes filles, 11 a 6t6 senri, pendant 
Fannie 1896, 1 420 de ces th^s gratuits. 



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ASSISTANCE ET 6DUCATI0N DES JEUNES SERVANTES. 193 

Londres est plus heureux. Depuis 1874 fonctionne une ad- 
mirable association fondle par Mrs Nassau Senior, Inspectrice 
des Ecoles, pour venir en aide aux petites filles qui sortent des 
6coIes et orphelinats de T^tat. Laplupartde ces enfants sont 
orphelines, ill^gitimes ou moralement abandonn^es. EUes 
quittent les Ecoles, au plus tard k FAge de 14 ans. II s'agit 
alors de les placer et, une fois plac^es, I'administration ne se 
considfere plus comme ayant des devoirs sp^ciaux envers ses 
anciennes pupilles. Chaque ann^e, 500 environ sont pourvues 
d'un mince trousseau et plac6es dans des maisons honn6tes, en 
quality de petite bonne. 

C'est une p6riode difficile que ces premiers temps d'in^vi- 
table isolement, de travail r^gulier et de responsabilit^ indivi- 
duelle. Ces premieres ann^es de service sont les plus dures. La 
servante enfant n'a pas de camarades de jeu, pas de distractions. 
Elle a peu d'amis, elle les voit rarement. Elle s'ennuie, elle 
pense que, dans une nouvelle place, elle serait plus heureuse, 
qu'elle auraitmoins de travail et s'amuserait davantage;... si 
elle changeait ? C'est ici que commence Faction de V Association 
mitropolitaine pour rassistance des jeunes servantes. 

Au lieu de les laisser aller k la derive, sans boussole dans 
la vaste cit6, une « amie » est pr6te pour guider, conseiller et 
secourir la jeune servante, pour la gronder aussi. Pour servir 
d'interm^diaire discrete dans les petits conflits entre elle et sa 
maitresse, pour d^m^ler et^tablir, autant que possible od iinit 
le droit et oil commence le devoir de chacune. 

Si cependant la petite bonne finit par quitter, ou par 6tre 
renvoyde, « Tamie » la recueille. L' « Association » prend dans 
son sein cet atome d'humanit6, elle I'attache k la famille et 
jamais, jamais plus, elle n'est sans foyer, ni sans amis. 

1 017 femmes remplissent ce r6le d' « amies » auprds de 
7 474 petites bonnes de Londres. 

21 « homes » regoivent les jeunes servantes sans place, 
31 comit^s de district dirigent et administrent cette vaste entre- 
prise, dont le mouvement de caisse pour Fannie 1896 a 6t^ de : 

Recettes 261383 francs 

D^penses 246950 — 

REVUE PHILARTBROnQUS. ^11. 13 



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194 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

VAssociaiion mitropolitaine pour F assistance desjeunes ser- 
vantes a, depuis sa fondation, secouru 12 442 petites bonnes. 

Dans cette question des domestiques, aussi bien qu'ailleurs, 
la philanthropie doit 6tre consid^r^e comme un palliatif essen- 
tiellement transitoire. La politique qui envisage la charity 
autrement que comme un moyen int^rimaire, prepare h la pos- 
t6rit6 des problfemes sociaux encore plus inextricables que ceux 
qu'elle a elle-m^me eu k r^soudre. 

Etablir les moyens de secours, des adoucissements du sort, 
4es appliquer prompts et efficaces aux victimes, c'est bien, c'est 
beaucoup, mais c'est insuffisant. Car demain am^nera de nou- 
velles victimes, plus nombreuses et plus pitoyables, sans ap- 
porter des ressources toujours croissantes pour leur soulage- 
ment. 

II faut d'autres medicaments pour gu^rir cette plaie. II faut 
avec courage et franchise envisager la situation et reconnaitre 
loyalement qu'il n'y a que deux mani^res pour avoir de bons 
domestiques et pour dtre bien servi : la premidre, ainsi que le 
dit Ruskin, c'est de faire votre domestique. J&levez-le delicate- 
ment depuis son enfance, a la longue vous Vaurez^ tel un fils. 

L'autre mani^re, c'est de payer son prix, c'est-Ji-dire trfes 
cher, cet objet rare. que d'autres se sont donn6 la peine de 
faQonner. 

II y a bien un autre moyen, c'est d'attendre le r6gne de la 
justice absolue, quand la sant^ morale sera parfaite et que 
requite seule fixera les conditions du travail. Seulement ce 
sera long, si long qu'il faut en laisser I'espoir aux mill^naires. 

Au demeurant, il s'agit de rem6dier Ji la situation actuelle 
au mieux de notre pouvoir. 

Les femmes sont solidaires les unes des autres ; toutes sont 
plus ou moins responsables, lorsqu'il y en a une qui se perd ! 

La question des domestiques est une question ^minemment 
feminine, il ne tient qu aux femmes qu'elle devienne une ques- 
tion f^ministe de bon aloi. 



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ASSISTANCE ET EDUCATION DES JEUNES SERVAXTES. 195 

II y a de quoi passionner des ^mes avides de sensations 
d'ordre sup^rieur, k qui le foyer moderne ne suffit pas pour 
satisfaire au besoin grandissant d'activit^ utile. II y aurait k 
eflFectuer Foblit^^ration de cette sorte d'opprobre qui s*attache au 
nom de domestique, la rehabilitation morale de la servante et 
reffacement de ce stigmate d'inf^riorit^, qui, plus que toute 
chose, la rend la proie facile du libertinage. 

Ou si Ton persiste k vouloir tenir les serviteurs comme 
inf^rieurs, il faudrait travailler k rendre les maitres veritable- 
ment sup^rieurs, plus intelligents, plus^clair^S; plus polis, plus 
justes et plus serviables, de caract^re plus 6gal et plus 6le\6, 

Pour des esprits pratiques, ce serait le moyen de commencer 
Torganisation et la discipline indispensables pour rdcup^rer 
Fh^ritage industriel dont la femme a 6t6 spoli^e. 

Jusqu'& ce que le moment soit venu d'attaquer le systeme 
qui am^ne k la ville des jeunes paysannes, laissant \k bdtes et 
champs pour devenir servantes de citadins; pendant que des 
fiUettes de Paris, en attendant qu'elles aillent gagner leur vie 
dans Tatmosph^re malsaine des ateliers, apprennent, dans les 
dcoies les plus simples notions d'^conomie domestique. 

JEANNE E. SCIIMAIIL. 



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COMITE DE DEFENSE 



DES 



ENFANTS TRADUITS EN JUSTICE 



DU VAGABONDAGE, DE LA MENDiaT^ 
ET DE LA PROSTITOTION DES ENFANTS DE MOINS DE 16 ANS 



Nous avons indiqu^ dans notre pr6c6dent article que les 
dtudes du Comity avaient 6t6 r^parties en trois p6riodes : Ten- 
fant avant son arrestation, — Fenfant pendant la durde de la 
prdvention, — Tenfant aprfes le jugement qui Ta frapp6. 

C'est cet ordre que nous allons suivre pour exposer les tra- 
vaux d6]k accomplis, conformc^ment au programme dont nous 
avons donn6 le texte. 

Bien que le Comity poursuive Tam^lioration de toutes les 
mesures legislatives, administratives, p^nitentiaires et autres 
relatives aux mineurs de 16 ans dans leurs rapports avec la 
justice et par consequent se place St un point de vue general, il 
ne saurait oublier qu'il s'est propose comme mission plus sp^- 
ciale la defense des interets des enfants traduits devant les tri- 
bunaux du ressort de la Seine, laissant ainsi aux Comites de 
defense des departements le soin de s'occuper h leur tour des 
enfants des tribunaux de leur ressort. II eiait done logique 
qu'au debut de ses travaux il voulAt etablir son champ d'action 
et connaitre le nombre des mineurs de 16 ans — Age, nous 



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DEFENSE DES ENFANTS TRADUITS EN JUSTICE. 197 

le rappelons, de la majority p^nale — que les autorit6s de po- 
lice font admettre au d^p6t. En m6me temps s'imposait k lui 
r6tude des causes g6n^rales qui d6terminent leur arrestation. 
M^ Manuel Fourcade, avocat iilacour de Paris, dansunm^moire 
trts substantiel et lar gement traits, nous fait d'abord connattre, 
d'aprfes les statistiques foumies par la Prefecture de police, que, 
pour les ann^es 1891, 1892 et 1893, le nombre moyen annuel 
des mineurs de 16 ans arr6t6s, s'est 6\e\6 pour la Ville de 
Paris k 1750 gargons et 100 fiUes, en tout prds de 1900. Ce 
chiffre est-il bien exact? 11 est difficile de se prononcer. Les re- 
lev6s des entries tenus au D6p6t m^me accusent des chiflFres 
un pen plus ^lev^s ; on y reldve les chififres suivants : 

En 1885 1519 

— 1886 1527 

— 1887 1629 

— 1888 1750 

— 1889 1652 dont 271 filles. 

— 1890 2102 — 272 — 

En ce qui concerne Paris, cette progression n'a rien qui 
doive surprendre, puisqu'elle suit Faugmentation de la popu- 
lation. Mais elle n'est pas particuli^re h Paris, car, ainsi que le 
fait remarquer M. Guillot, si on consulte les grands comptes du 
minist^re de la justice de 1881 k 1889, on voit que, pour toute 
la France, le nombre des enfants arr6l6s a et6, en 1888, de 
7351, au lieu de 6307 en 1881, Ajoutons qn'k partir de 1890, le 
nombre des arrestations d^crolt k Paris d'une contain e par an. 
Quoi qu'il en soit des divergences des statistiques, suivant 
qu'elles sont dress^es par le deuxi^me bureau de la Prefecture 
de police ou par le service du D6p6t au Palais de Justice, — et 
ces divergences sont une des gaietds de la statistique et un 
motif de ne pas partir en guerre sur des chiflFres en g6ndral dis- 
cutables, — on pent accepter un chiflTre moyen annuel d'environ 
2000 arrestations de mineurs de 16 ans, dont 250 filles. En 
lui-mSme, ce chiffre ne nous semble pas, comme Ji plusieursde 
no8 collogues, bieneffrayant en regard des 2500000 habitants 
de Paris, Bien entendu, d'ailleurs, ne figurent pas dans ces 
chiffres les enfants amends au D^pdt, soit comme s'^tant ^gar^s, 



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198 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

soit pour Stre envoy^s k Thospice des Enfants assist^s, soil pour 
toute autre cause ^trangdre k une faute de 1 'enfant (1). 11 va 
de soi aussi qu'il ne s'agit que des enfants amends au D6p6t 
pour ^tre examines par le petit parquet et qu'en dehors d'eux, 
ont 6i6 conduits dans los postes de police, puis rel&ch^s pres- 
que aussit6t un grand nombre d'enfants arrfit^s pour des v^tilles. 
L'important est de savoir, d'apr^s les motifs des arrestations, 
quelles sont les causes de la corruption des enfants; une fois 
le diagnostic connu, de rechercher, puis d'appliquer le remade 
que le mal comporte. 

Or, le motif dominant des arrestations, c'est le vagabondage 
qui repr^sente presque invariablement tons les ans 45 p. 100, 
soit prds de la moitid des d^lits commis par Tenfant. C'est done 
la question du vagabondage qui domine tout ce qui concerne 
Fdtude de Tenfance coupable. Nous y reviendrons tout h I'heure. 
Apr5s le vagabondage, la mendicity repr^sente environ 16 p. 100 
dans la proportion des d^lits. Or un enfant mendie parce que 
ses parents le laissent dans la misfere ou, ce qui est encore trds 
frequent, parce que ses parents, pour en tirer parti, le forcent k 
mendier. Ici, comme partout dans les d^lits de Fenfance, appa- 
rait la responsabilitd directe des parents. Quant au vol, il figure 
pour une proportion de 35 p. 100. Tons ces d^lits [sont d ail- 
leurs frferes jumeaux, souvent mfime ils vont de compagnie. Le 
vagabondage est le point de ddpart, les autres d61its en d^cou- 
lent comme de source, et parmi eux, pour les fiUes, la prosti- 
tution. 

Parlous maintenant du vagabondage (2). Nous savons en 
quoi consiste ce d6litpour Tadulteetlemajeur, c'est-Ji-dire pour 
ceux auxquels leur Age et leurs forces permettent de travail- 
ler. L'article 270 du Code p6nal exige quatre conditions : dtre 
1® sans aveu ; 2^ sans domicile ; 3^ sans moyens de subsistances ; 
4<* sans metier. Or, pour un mineur de 16 ans, pour un en- 



(1) Par exemple, en 1892 (rapport Guillot de 1894), il a 6t6 amen^ au d^pdt : 
233 enfants ^gar^s, 619 enfants assistes, 1012 enfants en bas &ge entr^s avec 
leurs mftres. 

(2) Voir les substantiels rapports de M. Passez, avocat au Gonseil d'l^tat, au 
Comity de Defense. 



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DEFENSE DES ENFANTS TRADUITS EN JUSTICE. 199 

fant, existe-t-il un vagabondage? Nous sommes deceux qui pen- 
sent qu'il ne saurait y avoir en principe de vagabondage pour 
I'enfant, par la raison trfes simple que Tenfant a pour domicile 
celui de ses parents et que c est k eux qu'il appartient de pour- 
voir k sa subsistance et de le surveiller. S'ils n'ont pas eux- 
mSmes de domicile, enquoi Tenfant en peut-il 6tre tenu comme 
responsable? Quant au metier, comment reprocher k un enfant 
de n'avoir ni Vkge, ni la force physique, ni les aptitudes pro- 
fessionnelles n^cessaires pour rexercer?Et puis avant 13 ans 
est-ce que les lois scolaires et celles qui r^glementent le travail 
n'interdisent pas le travail de Tenfant? D'ailleurs, de .13 k 
16 ans, c'est k peine si Tapprentissage est termini. — II faut 
done bien reconnaitre que Tenfant ne remplit aucune des 
quatre conditions exig^es par Tart. 270 du Code p6nal pour 6tre 
un vagabond. Nous sommes done autoris^ k dire que la quali- 
fication de vagabond n'a pas de sens k Tdgard du mineur de 
16 ans. L'enfant errant, sans domicile, TArabe des rues, 
selon rexpression anglaise,n'est en fait qu'un moralement aban- 
donn^. La soci6t6 n'a pas le droit de le punir de ce chef seul ; 
ce n'est pas un coupable, c'est un malheureux. Et la preuve, 
c'est qu'il n'y a pas de vagabond parmi les enfants de families 
riches. Quand les enfants pauvres vagabondent, couchent sous 
les ponts, dans les carri^res, s'endorment sous une porte co- 
ch^re, malgr^ le froid et la pluie, ce n'est pas assur^ment pour 
leur plaisir, c'est parce que la n^cessit^ et la mis^re ne leur 
laissent pas d'autre alternative. II faut done user vis-^-vis d eux 
non de p^nalitds, mais de moyens d'assistance. — Voulons- 
nous dire qu'il n y a pas d'enfants vicieux, pervers, capables 
de ddlits et m^me de crimes? En aucune faQon. 11 est clair que, 
aprfes un certain temps de cette existence nomade, de la fr6- 
quentation de mauvais sujets, de la misdre, mauvaise conseil- 
I^re, Tenfant a fait son apprentissage du vice. II fmit mSme par 
s'y complaire. L'6tat de nature, comprim6 par F^ducation et 
les liens qui nous unissent tous, pauvres ou riches, k la soci^t^, 
cet 6tat de nature reparait dans toute sa sauvagerie et avec 
toates ses consequences de rapine et de violence. Dfes lors, la 
society doit se d^fendre. Seule T^ducation correctionnelle 



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200 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

pourra — encore s'il n'est pas trop tard — r6former ces carac- 
t^res indompiables. Mais au d^but de sa vie nomade, si lors- 
qu'il u'^tait encore qu'un moralement abandonn^, la socidt^, 
suppliant h la d^faillance des parents, avail mis en oeuvre ses 
moyens d'assistance, I'dducation hospitali^re aurait, sans aucune 
difficult^ s6rieuse, — Texp^rience le prouve tons les jours, — 
de cette graine de mauvais siijet fait un excellent et docile 
apprenti. 

II y a done deux types bien distincts dans T Arabe des rues : 
Tun n'est encore qu*un malheureux digne de pili^, Tautre est 
devenu un 6tre redoutable par ses m^faits. Toule Thabilet^ 
du juge et de Tadministrateur sera de ne pas confondre Tun 
avec Tautre afm de leur appliquer un syst^me different. Mais 
avant que TAssistance publique de Paris n'eAt en 1881 organist 
son service des moralement abandonn^s et fait de la pratique 
avant toule thdorie, avant que la loi du 24 juillet 1889 n'edt 
officiellement introduit Tid^e de mansu^tude dans le traitement 
des d6lits de Tenfance, la soci6t6, faisant un bloc des malheu- 
reux et des coupables, les avait indistinctement et brutalement 
soumis au m6me regime, absolument comme avant Pinel on 
mettait h la chaine et en cabanon aussi bien les fous qui n'^taient 
que des malades, que des gens perdus de crimes. Nous allons 
voir quels singuliers proc6d6s avait imagines le « sage » l^gis- 
laleur. Les articles 269 et suivant du Code pdnal d6terminaient 
les 6l6ments du d^lit de vagabondage et fixaient ainsi la peine, 
pour Tadulte : la prison; pour le mineur de 16 ans — eh 
quoi ! des cnfants de 5, 6 ans? parfaitement ! — la surveil- 
lance de la haute police, — excusez du pen ! — jusqu*i Tftge 
de 20 ans. Depuis la loi du 27 mai 188S sur la relegation, 
la surveillance de la haute police a 6t6 remplacde par Tinter- 
diclion de s6jour, et comme le fait remarquer justement notre 
ami M. Guillot dans un dc ses rapports toujours si impr6gn6s 
de tendresse et de piti6 pour Tenfance, ces 6tranges pdnalit^s 
semblent s'adapter si mal & Tenfant, qu'on pent se deman- 
der si elles sont bien faites pour lui. Aussi, St Paris du moins, 
en vertu dune jurisprudence ing6nieuse qu'a consacr^e la Cour 
de cassation dans un important arr6t du 30 juin 1892, Tinter- 



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DEFENSE DES ENFANTS TRADUITS EN JUSTICE. 201 

nement du mineur, en vertu de Tarticle 66 du Code p^nal, est 
consid^r^ comme Equivalent k Tinterdiction de sEjour. Mais 
comme, malgrE tout, la loi n'est pas modifi^e, il est loisible h 
des tribunaux d'appliquer cette peine singulidre, dont le r^sul- 
tat est d*6Ioigner Tenfant du domicile de ses parents, de ceux 
que le Code civil et la nature lui donnent pour protecteurs pen- 
dant sa minority. Mais c'est pr^cisEment organiser le vaga- 
bondage officiel. Comment alors cet enfant — n'oublions pas 
qu'il n'y a pas de minimum d'Age — pourra-t-il vivre, livrE k 
lui-m6me et sans secours de personne ? c'est le condamner au 
vol et k la prostitution. On ne saurait rien imaginer de plus 
inintelligent et de plus barbare. 

II est done de toute Evidence que le Code pEnal doit 6tre 
rEformE sur ce point. Aussi, k TunanimitE, le ComitE a votE la 
proposition de M. Passez : « L'interdiction de sEjour est inap- 
plicable aux mineurs de 16 ans, traduits en justice pour vaga- 
bondage. » Remarquons toutefois que Timportant arrfet du 
20 juin 1842 citE plus haut, tout en ayant dans TespEce 616 un 
bienfait, n'en a pas moins consacrE la doctrine que le vaga- 
bondage du mineur de 16 ans est un dElit et qu'il doit 6tre 
poursuivi devant les tribunaux correctionnels. Cette doctrine 
a dautre part 616 adoptde par la majority du ComitE, malgrE 
les efforts de M. Guillot et les ndtres, sur les observations de 
M. Petit, conseiller k la Cour de cassation, qui a soutenu qu'il 
serait dangereux de declarer que le vagabondage n'est un dElit 
que suivant T&ge. Mais ce qui pent nous consoler, c'est que la 
question a surtout un caractfere thEorique et philosophique et 
que la qualification de d6lit appliqude au vagabondage, permet 
d utiliser Tarticle 66 du Code pEnal. En r6sum6, la situation du 
mineur de'16 ans qualifiEe de vagabondage est la suivante : 
s'il a agi avec discernement, il est condamn6 k Tinterdiction 
de sEjour avec faculty — si TautoritE militaire Taccepte — de 
s'engager Ji 18 ans; s'il est dEclarE avoir agi sans discerne- 
ment, application de Tarticle 66 et envoi en correction jusqu'i 
sa majority. 

Quel est done le remfede au vagabondage de Tenfant? II faut 
le rEpEler sans se lasser, c'est dans des mesures de tutelle et 



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aoa REVUE PHILANTHROPIQUE. 

d'assistance et non dans I'arsenal des p^nalitds qu'il faut le 
chercher, tant que Tenfant n'est pas perverti et qu'il n'est 
encore qirun moralement abandonn^. Mais lorsque du fait de 
ses mauvaises frdquentations, la corruption Ta gangren(^, il 
convient de Tenvoyer r^solument dans une maison d'^ducation 
correctionnelle pour un long temps, sauf, s'il s'est amende, Ji le 
faire b^n^ficier de la liberation conditionnelle. Quant a lui 
appliquer une courte peine, tout le monde est d'accord pour 
declarer que rien n'est plus funeste k Tenfanl; ce n'est pas 
un cb&timent qu'il faut lui infliger, c'est un redressement m^- 
thodique de ses habitudes vicieuses, et il ne pent s'obtenir que 
par les m^thodes longues et la discipline rigoureuse des mai- 
sons d'^ducation correctionnelle. 

Ce n'est point tout Ji fait ainsi que M. Passez, rapporteur de 
la question du vagabondage devantle Comity de defense, a envi- 
sage le probl^me. M. Passez reconnait bien que la plupart des 
petits vagabonds sont simplement des enfants non surveill6s 
ou que leurs parents ont expuls^s pour s'en d^barrasser ; nean- 
moins, ne poussant pas son raisonnement jusqu'au bout, il a 
propose auComite de s'inspirer des mesures de correction paler- 
nelle qui seraient appliquees d'office par les magistrals h 
Tenfant arrete pour vagabondage une premiere et une deuxieme 
fois. Apres la premiere arrestation, le president du tribunal 
civil enverrait Tenfant en correction pour un mois et pendant 
six mois apres la seconde arrestation. Ce ne serait qu'apres la 
seconde arrestation que le jeune vagabond pourrait 6tre con- 
damne h la prison ou envoye en vertu de Tarticle 66 en correc- 
tion jusqu'ii sa majorite. Ges propositions n'ont pas trouv6 
faveur aupres du Comite, ce qui nous dispense d'en faire res- 
sortir les inconvenients. Nous serous plus d'accord avec lui sur 
le principe d'une penalite St trouver contre les parents respon- 
sables de la mauvaise conduite de leur enfant. Mais nous ne le 
sommes plus du tout quant aux mesures qu'il propose; nous 
les croyons inapplicables et inefficaces. Ce serait ladmonition 
au moment de la premiere et de la seconde arrestation du mi- 
neur et h la troisieme on leur infligerait une amende. C'est le 
systeme usite en Angleterre. Mais TAngleterre n'est pas la 



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DEFENSE DES ENFANTS TRADUITS EN JUSTICE. 203 

France et nous mettons bien au d6fi de faire recouvrer Tamende 
sur la majority des parents par la raison p^remptoire que ce 
sont des indigents sans aucune ressaurce ou des gens sans feu 
ni lieu. Nous pensons que la pdnalitd doit plutdt 6tre cherch6e 
d'une part dans la privation des droits civiques et de Tautre 
dans Tapplication de Tarticle 2 de la loi du 24 juillet 1889 
qui permet de prononcer la d^ch^ance des droits paternels 
centre les parents dont les enfants ont 6t6 envoy^s en correc- 
tion. 

U est toutefois juste de reconnaltre que la responsabilit^ 
des parents est att^nu^e par les conditions m6mes du travail 
dans sa forme modeme, que souvent ce n'est pas leur faute s'ils 
iaissent leur enfant livr6 k lui-m6me, obliges qu'ils sont d'aller 
travailler au loin et de ne rentrer qu'i la nuit. D'autres causes 
sociales p^sent encore sur Touvrier et sont, sans qu'il y ait de 
sa faute, des ^l^ments actifs de demoralisation de la famille; 
au premier rang, il faut placer le logement dont Texiguit^ 
favorise la promiscuity. La r^forme du logement est capitale 
entre loutes; comme Ta 6crit M. Georges Picot, le probl^me du 
logement est le noeud de la question sociale, et Jules Simon a 
proelam^ avec raison « qu'U faut sauver la society par la morale, 
la morale par la famille, et la famille par le logement ». A ceux 
qui ont lu, dans cette Revue m^me, Tadmirable article de 
M. Siegfried sur les habitations k bon march^, il n'y a plus 
rien k apprendre sur ce sujet. On voit comme tout se tient, 
s'enchatne, se r6per<;ute dans les questions sociales, puisquepour 
chercher le rem^e au vagabondage de Fenfant, on est amen^ 
i tenir compte d'une foule d'6l6ments au premier abord stran- 
gers k la question, comme par exemple des conditions du tra- 
vail en atelier dans les usines, les grands magasins, de la 
question des garnis, de rexiguitd des logements d'ouvriers, etc. 

Nous conclurons avec M. Guillot que la vraie solution de 
TamSlioration de Tenfant doit 6tre recherchSe « dans la recon- 
stitutionde la famille, dans un sentiment plus vif dela solidarity 
sociale se dSveloppant chaquejouriFhonneur de notre sifecle »• 
M. Guillot remet enfin k la lumifere un article en eflfet bien 
oubliS du Code p6nal, c'est Tarticle 273, qui n'a jamais 6t6 



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204 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

appliqu^. 11 n'est pas en effet bien applicable, mais il n'en est 
pas moins fort curieux. Aux termes de cet article 273, le 
vagabond peut, m^me aprds le jugement, 6tre Iih6r6 de sa peine 
et des mesures de surveillance qui en sont la consequence, si le 
conseil municipal de sa commune prend une deliberation pour 
le redamer ou si un citoyen solvable se prdsente pour le r6cla- 
mer. — Pour utopique que soit cet article, surtout dans un 
Code penal, il n'en etait pas moins interessant h rappeler, « car 
il contient en germe le devoir communal, le patronage ct le 
concours de Tinitiative privee » en faveur des vagabonds. 

II serait trop long d'entrer dans les debats qui ont occupe 
plusieurs seances du Comite, nous nous bornerons h donner le 
texte resume des vceux soumisau Comite par M.Passez, rappor- 
teur et qui onl ete adoptes dans leur principe : 1® Seront consi- 
deres comme vagabonds les mineurs de 16ans, qui, ayant, sans 
cause legitime, quitte le domicile legal de leurs parents ou leurs 
lieux de placement, ont ete trouves soit errants, soit logeant 
en garni, soit sans profession reguliere, soit tirant leurs res- 
sources de la debauche oude metiers prohibes. 2*> Les jugements 
declarant les mineurs de 16 ans en etat de vagabondage seront 
transcrits sur un registre special; il n'en sera fait mention que 
sur les extraits du easier delivr6s k Tautorite judiciaire. 3® Les 
vagabonds, mineurs de 16 ans, ne pourront etre condamnes h 
la prison; ils seront places jusqu'^ leur majorite dans desecoles 
de preservation, relevant de Tadministration penitentiaire, mais 
pourvus d'un personnel special ct soumis k la surveillance 
prescrite par Tarlicle 8 de la loi du 8 ao6t 1880. 4® Les mineurs 
qui s'evaderont ou seront insubordonnes pourront etre in- 
ternes dans une maison de correction ; ceux dont la conduite 
sera bonne pourront 6tre mis en liberte provisoire et confies i 
des societes de patronage ou rendus k leurs parents. 5^ S'il est 
constate que la faute de Tenfant est imputable aux parents, 
le tribunal, sans prejudice de Tapplication de la loi de 1889, 
leur infligera une amende de i& ki 000 francs et prononcera 
contre eux Tintcrdiction des droits civiques. lis devront, en 
outre, participer aux frais de Teducation dans la maison de 
preservation ou de correction. 6^ Les mSmes dispositions sont 



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DEFENSE DES ENFANTS TRADUITS EN JUSTICE. 205 

applicables aux mineurs de 16 ans convaincus de mendicity. 
Enfin, le Comity, pour indiquer combien il approuvait la 
sagesse de la disposition finale de Tarticle 271 du Code p^nal, a 
vot^ la resolution suivante : « L'internement dans la maison 
de preservation et de correction cessera pour les pupilles rem- 
plissant les conditions exig^es par les lois et r^glements mili- 
taires, qui conlracteront un engagement r^gulier dans les 
armies de terre ou de mer. » Le Comity s'associait ainsi 4 Tuna- 
nimite aux conclusions du rapport de M. le conseiller Felix 
Voisin sur Tengagement militaire du jeune vagabond {Bulletin 
de la Society g^irale des prisons, mai 1893, page 600) et du 
rapport au Comite de M. Albert Rivifere. On ne pent qu'fitre 
convaincu, avec cet homme d'un si grand cceur, quele meilleur 
moyen et le plus efficace de reformer un grand nombre de 
natures indisciplinees, c'est de les incorporer dans Tarmee, oil 
ils sontbien obliges d'y prendre des habitudes d'ordre, der^gu- 
larite et de discipline. Nous ajouterons m^me que si, dans la 
vie civile, telles tendances de caractfere comme Texuberance, 
renergie sans emploi y sont des defauts qui conduisent h, des 
delits, au contraire, sous Taction de la discipline, elles se 
transforment facilement en de pr^cieuses qualites dans la vie 
militaire. L'engagement dans la marine — surtout celle de TEtat 
— a particuli^rement donnd les r^sultats les plus satisfaisants. 
Ainsi qu'en temoigne M. Rivifere, « Tenfant, k bord des bdti- 
ments, est suivi de trfes prfes par ses chefs; il vit avec eux, il 
sent leur attention fix^e constamment sur lui ; de \k ces habi- 
tudes de proprete, de bonne tenue que nous admirons dans 
notre arm^e navale. Les chefs, de leur c6te, ont Tesprit remar- 
quablement ouvert aux questions d'ordre social; leur discipline 
est paternelle autant que ferme. L'enfant subit cette superiorit6 
morale, sans s'en rendre compte, il obeitsans eflFort et acquiert 
rapidement Tesprit militaire. » Tout cela est fort juste. Mais il 
ne suffit pas d'inscrire dans une loi une prescription en faveur 
de Tengagement; le legislateur avait oublie dans Tarticle 271 
que Tautorite militaire est seule juge de Topportunite d'auto- 
riserles engagements. C'est ainsi que le ddcret du 19 Janvier 18H , 
qui specifiail que les enfants des hospices seraient incorpores 



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206 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

dans les armies de terre et de mer, est demcur^ de tout temps 
lettre morte. La marine notamment a toujours refus6d'accepter 
comme mousses ou pilotins les enfants assist^s qu'on lui pro- 
pose, k cause du privilege que tr^s l^gitimement elle reserve 
aux enfants des inscrits maritimes. A plus forte raison, Tarm^e 
et la marine n'accueillent pas volon tiers les mineurs sortant des 
maisons correctionnelles. Elles ob^issent en cela h des preoc- 
cupations que des civils ne peuvent tout d'abord comprendre. Et 
il faut bien le reconnaitre, quelle que soit notre soUicitude pour 
tout ce qui concerne la rehabilitation, le relfevement et le patro- 
nage, il est une question plus haute et d'une importance sup6- 
rieure pour le pays. C'est de n'affaiblir en rien cet esprit mili- 
taire qui, avec son code special d'honneur, de sacrifice et de 
patriotisme, est la force morale de Tarm^e. II ne faut pas ris- 
quer pour des experiences gen^reuses de froisser par le contact 
d'elements impurs les jeunes soldatset peut-^tre de leur appor- 
ter la corruption ; surtout k une epoque ou le service est obli- 
gatoire pour tons, cette susceptibilite legitime en soi est plus 
eveillee. II a done fallu k M. Felix Voisin une prudence con- 
sommee, depuis qull a fonde cette admirable societe de pro- 
tection des engages volontaires el eves sous la tutelle adminis- 
trative (1), pour surmonter les difficultes de cette nature et 

(1) Objet de la SocUU, 

Article premier. — Une Soci^t^ est form^e dans le but d'encourager les enga^ 
gements volontaires des jeunes gens ^lev^s . 

1° Dans les maisons d'^ducation correctionnelle', publiques ou privies ; 

2" Sous la tutelle de I'Assistance publique en quality : soit d'enfants assist^s, 
soit d'enfants moralement abandonn^s qui, ayant atteint I'dge de Tengagement 
pour les armies de terre (18 ans) et de mer (16 ans), se seront montr^s dlgnes 
d'aide et de protection par leur bonne conduite, leur assiduity au travail et leur 
progrfes i r6cole. 

L'action protectrice de la Soci6t6, i regard de ces jeunes gens, s'exercera 
pendant la dur6e de leur s6jour au corps, dans les conditions et les limites d^ 
termin6es par Tautorit^ militaire. ainsi que par Tautorit^ maritime; elle les 
accompagnera 6galement au moment de leur rentr^e dans la vie civile. 

Article 2. — La sollicitude de la Soci6t6 pourra aussi s'^tendre aux jeunes 
gens qui, frapp^s d'une condamnation, auront 6t6 appel^s au service militaire 
par la loi du recrutement, si, pendant leur detention, ils ont t6moign6 d'un veri- 
table repentir et donn6 des gages certains de leur retour li des sentiments hon- 
ndtes. 

(Par suite d'une decision de M. le Ministre de la Marine, les engagements ne 
sont plus re^us, dans les Equipages de la flotte, qu'& 18 ans.) 



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DEFENSE DES ENFANTS TRADUITS EN JUSTICE. 207 

obtenir les autorisations d'engagement. Par les consolants et 
probants r^sultats dont t^moignent les comptes rend us annuels 
de cette belle oeuvre, ila pu ddmontrer par le faitaux autorit^s 
militaires que leurs repugnances centre Fintroduction dans 
Fannie d'^I^ments que certains consid^raient comme dange- 
reux n'^iaient pas fonddes. Mais il est vrai que M. Voisin ne* 
propose et ne patronne que I'engagement de natures r6for- 
mables et qu'il procMe h des selections judicieuses. C'est dans 
cet esprit de sagesse et de discernement que devra toujours 
^tre maintenue la direction de cette grande oeuvre de relfe- 
vement. 

II ne nous reste, pour terminer cette question des deiits de 
Tenfance, qn'k indiquer les moyens proposes par le Gomite pour 
reprimer dans la mesure du possible la prostitution des mineurs 
de 16 ans. II ne faut pas oublier, ainsi que Fa ^crit M. d'Haus- 
sonville^ dans sa belle etude de Fenfance k Paris, que « la 
prostitution, k ses debuts, n'est pour les mineures qu une des 
formes et une des consequences du vagabondage ». — Plu- 
sieurs rapports sur ce sujet ont ete presentes au Comite par 
MM. RoUet, avocat, M. Bregeault, substitut du procureur general 
et Ferdinand Dreyfus, membre du conseil superieur des pri- 
sons. II y faut ajouter un travail tr^s interessant de M. Marc 
Reville {la Prostitution des mineurs selon la loipinale, a propos 
du Congres penitentiaire de 1895). 

Si la situation des jeunes garQons qui, par suite de la negli- 
gence de leurs parents, mfenentune vie errante est digne d'inte- 
ret, combien plus lamentable et digne de pitie celle de ces 
infortunees petites fiUes qui, livrees k elles-mdmes sur le pave 
de Paris, deviennent le jouet de vauriens de tout 4ge, en atten- 
dant que la debauche, la misfere, quelque lugubre maladie les 
envoie k Fh6pital! Comment peut-on les empecher de tomber 
dans cet abime?par quels moyens peut-on reprimer la prosti- 
tution de ces malheureuses? 

Et tont d'abord nous nous demandons, comme pour le jeune 
vagabond, pourquoi la loi a fait un delit de la prostitution de 
ces enfants? Nous voyons en elles des victimes, nous refusons 
de les considerer comme delinquantes. Les deiinquants ce sent 



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208 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

ceux qui en abusent, vieux ou jeunes, ce sont ceux qui tra- 
fiquent de leur d^bauche, ce sont les souteneurs, les logeurs en 
garnis, les d^bitants qui favorisent et facilitent la prostitution 
en leur foumissant les moyens de s'y livrer. 

La discussion devant le Comity de defense de cette triste 
question de la prostitution des mineures avait 6t6 6clair6e par 
destravaux nombreux.Le Congr^s p^nitentiaire delSOSTavait 
d^ji trait 6e et avait adopts des voeux proposes parMM.le comte 
d'Haussonville, Yves Guyot, B^renger, etc. Le Comity avait en 
outre sous les yeux le projet d^pos^ au S6nat par un de ses 
membres les plus considerables, M. B^renger, et qui adopts 
par cette assembl^e ^tait soumis au Corps l^gislatif. Enlin, il 
connaissait les r^sultats d6]k obtenus par M. Adolphe Guillot 
en faveur de ces malheureuses, par son entente avec la prefec- 
ture de police et le parquet et qui permettaient d'envoyer les 
mineures arr6t6es pour prostitution d'abord k Tinstruction ju- 
diciaire, puis soit en correction, soit dans une des rares oeuvres 
de sauvetage qui consentent k les recueillir. 

La premifere conclusion du tr^s remarquable et trfes sub- 
stantiel rapport de M. Ferdinand Dreyfus avait pour but de 
relier les vceux du Comit6 au projet plus etendu depose au 
S^nat par M. B^renger. A 1 'unanimity, le Comity a done declare 
qu'il donnait son enti^re approbation aux intentions g^ne- 
reuses qui out inspire la proposition vot^e par le Sdnat en 
juin 1893 sur le rapport de M. Berenger et qu'il approuvait 
notamment les dispositions relatives : 1<> ft la repression des 
faits commis par ceux qui ont soutenu, aide ou assiste la pro- 
stitution d'autrui sur la voie publique; 2*» aux penalites encou- 
rues par les cabaretiers qui fournissent aux femmes le moycn 
de se livrer a la prostitution; 3<> k la repression de Tembau- 
chage par violence ou par fraude en vue de la prostitution. 

Un second point fut egalement admis sans difficulte : 
Textension ft 18 ans de la majorite penale, ainsi que Tavait 
admis le Senat. 

Mais un point en apparence purement psychologique et qui 
ressemble ft une question d'ecole a ete Tobjet de grandes dis- 
cussions. Doit-on assimiler la prostitution au vagabondage? De 



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DEFENSE DES ENFANTS TRADUITS EN JUSTICE. 809 

graves consequences pratiques d^coulent de la solution doim^ 
k cette question. L'article 2 du projet votd par le S^nat est 
ainsi con<^u : 

« Tout mineur de Tun ou Tautre sexe, &g€ de moins 4e 
18 ans, saisi en ^tat habituel de prostitution sera conduit, apr^ 
instruction ou enqu6te, devant le tribunal correctionnel, sta- 
tuant en chambre du conseil, qui ordonnera, suivant les cir- 
constances, sa remise k ses parents, son envoi jusqu'& sa ving- 
ti^me ann^e dans les conditions pr^vues par la loi du 5 aoAt 
1850, dans tel ^tablissement de correction, d'^ducation ou de 
r^forme ou telle famille honorable qu'il d^signera, ou sa remise 
k I'Assistance publique dans les termes de la loi du 24 juillet 
1889. » 

En ce qui nous conceme, nous dirons tout de suite que nous 
trouvons cette proposition parfaite. Elle r6sout le problfeme en 
lui donnant un caract^re hospitalier, en en faisant une ques- 
tion d* assistance. Mais le Comity n'a pas ^l^ de cet avis et sur 
les observations de M. Guillot il a pr6f6r6 se placer sur le ter- 
rain judiciaire, ce qui permettait d'adapter les regies des codes 
p^nal et d'instruction criminelle k TappHcation des mesures de 
sauvegarde de la mineure. Le Comity a done vote que : « la 
prostitution, mfeme non habituel] e — le texte du S^nat avait au 
contraire vis6 la prostitution habituelle — des mineurs des 
deux seres de 18 ans est assimil^e au vagabondage. Toutefois 
et vu I'utilite d'appliquer au fait de la prostitution des mi- 
neures une procedure sp^ciale, le Comity ^met le va5u que les 
tribunaux statuent k huis clos, le defendeur entendu, et qu'ils 
ordonnent, suivant que les int^rfits de I'enfant Texigeront, ou 
qu'il sera remis k ses parents pr6sentant des garanties suffi- 
santes de morality, ou qu'il sera, pendant tel nombre d'ann^es 
que le tribunal appr^ciera et qui ne pourra toutefois d^passer 
la majority, confix k T^tat, represents par Tadministration 
p^nitentiaire, pour 6tre place dans les maisons d'education cor- 
rectionnelle organisees k cet effet. Les dispositions de la loi du 
5 aoAt 1850 seront applicables k cette mesure comme en ma- 
tifere d'envoi en correction. 

Les parents declares responsables de n'avoir pas surveilie 

■KTCI PHILAIfTHfiOFIQUI. — II. 14 



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210 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

leur enfant seront tenus, en tout ou en partie, des frais de 
garde et d'^ducation des mineurs. » 

Nous le rfip^tons, nous d^plorons ce vote qui 6carte, con- 
trairement aux tendances ordinaires du Comity, la solution hos- 
pitali^re du projet de M. B^renger. 

Mais sur un autre point trds important, le Comity a pris une 
resolution pratique qui a permis imm^diatement d'atteindre et 
de r^primer les exploiteurs de la prostitution. 

D^ji, sur le rapport de M. Passez, le Comity avait votd un 
vceu tendant k frapper d'un mois k un an de prison et d'une 
amende les logeurs et cabaretiers donnant asile k des mineurs 
pour se livrer k la d^bauche. A la premiere infraction, le tri- 
bunal pourrait fermer T^tablissement ; k la r^cidive la fermc- 
ture etait obligatoire. S'inspirant de la m6me pens^e, une des 
propositions de M. Guillot ^tait ainsi formulae : « Le Comity 
estime que la prostitution des mineurs de 16 ans rencontre- 
rait plus d'obstacles, si les inspecteurs qui arrfitent les jeuncs 
filles se livrant au racolage Staient tenus de verbaliser contre 
les logeurs, de pr^ciser les circonstances de la contravention et 
de noter dans leurs rapports les indications diverses pouvant 
servir de base k une instruction judiciaire pour excitation k la 
debauche ou d^toumement de mineures. » Appuy^e par M. B^- 
renger, par M. Ferdinand Dreyfus, par M. Finspecteur g6n6ral 
Puibaraud, par M. Bregeault, cette proposition fut vot6c. Son 
importance est dvidente. Jusqu'ici la Justice n'avait aucun 
moyen juridique d'atteindre les logeurs. Le syst^me indiqud et 
qui ne demandait aucune mesure legislative, mais simplement 
un acquiescement de la Prefecture de police, permettait au 
contraire aux tribunaux correctionnels d'appliquer aux logeurs 
Tarticie 334 du Code penal. Le vote du Comite a ete aussitdt 
entendu par M. le prefet de police, et ce magistrat a donne des 
ordres immediats pour qu'^ Tavenir le bureau des mo^urs 
adress&t au procureur de la republique les proc^s-verbaux 
dresses pour infraction aux ordonnances du 6 novembre 1778 
et 8 novembre 1780, destines jusque-lli au tribunal de simple 
police. La circulaire prefectorale terminait ainsi : « A cette occa- 
sion, il conviendra de faire autant que possible mentionner par 



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DEFENSE DES ENFANTS TRADUITS EN JUSTICE. 211 

les commissaires de police, dans leurs procfes-verbauXy I'^tat 
civil des fiUes do d^baucho roQues chez les contrevenants aux- 
dites ordonnances, afin que ceux-ci n'^chappent pas, le cas 
teh^ant, aux p^nalit^s pr^vues par I'article 334 du Code p^nal. 

<( Je profile de cette circonstance pour rappeler que nous 
devonSy au point de vue sp<Jcial qui nous occupe, faire tout ce 
qui est en notre pouvoir pour prot^ger les enfants mineurs en 
atteignant par tons les moyens possibles les individus vis^s par 
rarlicle334. » 

Cette d^pdche de M. le pr6fet Lupine, inspir^e par M. le 
chef de division Honnorat, leur fait le plus grand honneur et la 
prefecture de police, en donnant simplement un ordre au 
bureau des moeurs, k rendu k la cause de Tenfance un service 
signals dont il faut leur avoir la plus grande reconnaissance. 

Un pareil r^sultat, si considiJrable dans ses consequences, 
est un des principaux obtenus par Taction du Comit6 de de- 
fense. II montre que la cooperation, dans une m6me assembiee, 
des bons vouloirs de collogues appartenant au barreau, k la 
magistrature, k Fadministration, aux assemblies eiectives 
permet la solution facile et pratique de problfemes douloureux 
qui sans ce travail en commun, poursuivi avec un egal d^voA- 
ment aux interftts de Tenfance, risquerait de demeurer indefi- 
niment sans realisation. 

La mesure de M. le prefet de police devait causer un grand 
emoi parmi certains logeurs et dans leur clientele, et pen 
de temps aprfes M. Tavocat general Bregeault annouQait joyeu- 
sement au Comite que le tribunal etait dej^ saisi de poursuites 
contre certains logeurs. Desormais c'est k la vigilance du par- 
quet, des juges d'instruction et du tribunal que dans le depar- 
tement de la* Seine il appartiendra de tirer de cette nouvelle 
jurisprudence, les consequences utiles. La prefecture de police, 
sar rinitiative du Comite de defense, a foumi Tarme la plus 
efficace pour atteindre les exploiteurs de la debauche des 
mineures. 

C'est k la Justice k agir sans s'arreter aux doleances d'une 
corporation plus puissante qu'on ne croit. Toutefois il ne 
s'agit ici que du ressort de la prefecture de police. Les Comites 



I 



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212 REVUE PIIILANTHROPIQUE. 

de defense institu^s dans les grandes villes de France oii, 
sans 6tre aussi aiga et aussi ^tendu, le mal est de m6me na- 
ture, devront k leur tour agir aupr^s des autorit^s adminis- 
tratives comp^tentes pour obtenir les m6mes r<Jsultats. 

Quelques mesures compl^mentaires ont 6t6 recommand<Jes 
par le Comity, commc la creation d'^tablissements sanitaires 
sp^ciauxy d'un caractfere moralisateur pour les prostitutes mi- 
neures de 16 ans, Torganisation, pendant la prevention, d'un 
quartier cellulaire distinct, afin de preserver les autres enfants 
de la contagion morale, etc. 

Telles sont les mesures r^clam^es par le Comity, dont 
quelques-unes sont ddjft r6alis6es, dont d'autres le seront cer- 
tainement. Mais pour grande que doive 6tre notre satisfaction, 
nous ne sommes pas assez naif pour penser que la plaie de la 
prostitution enfantine en puisse 6tre s^rieusement cicatris^e. 
La prostitution enfantine est une maladie sociale qui derive 
de causes trop multiples et trop enracin<Jes pour qu'on puisse 
esp6rer la gu^rir. C'est d6ji beaucoup de pouvoir Tendiguer, de 
larendre plus bdnigne, d'en att^nuer les consequences. Les vrais 
palliatifs ^y apporter consisteraient, suivant nous, dans la large 
application de mesures d'assistance, dans Tutilisation s^rieuse 
de la loi de 1889 qui permettrait de placer ces malheureuses 
non surveill6es par leurs parents, ou exploit6es et debauchees 
par eux, sous la tutelle des services hospitallers et de les faire 
eiever ensuite dans des etablissements speciaux oil serait re- 
faite leur education morale. Le tout est de les recueillir au 
debut, car lorsque les enfants ont mene un certain temps ceU© 
vie de vagabondage et de debauches, la pourriture est coii\* 
pl^te et le mal est irremediable. 

Nous preconiserions aussi toutes les mesures de nature k 
fortifier le lien familial, & arr6ter le developpement de la littd- 
rature et des excitations pornographiques, que dis-je? i recon- 
stituer la morale sur des bases solides et fixes. Mais k soutenir 
ces opinions, on passe pour un esprit fort arriere, k tendances 
reactionnaires, *que sais-je mfime? clerical, fAt-on juif, libre pen- 
seur ou bouddhiste. Ce qui serait pis, — car de ces accusations 
on pourrait prendre gaiement son parti, — c'est qu'on parlerait 



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DEFENSE DES ENFANTS TRADUITS EN JUSTICE. 213 



dans le desert. Et puis, on serait traits de vieille baderne. Et 
aprfes tout, il est possible qu'on n'eAt pas tort. 

Dans un article suivant, nous exposerons les travaux du 
Comity en ce qui touche la detention par voie de correction 
patemelle, puis en ce qui regarde Tapplication de la loi du 
24 juillet 1889 relative k la protection des enfants maltrait^s 
et moralement abandonn^s, enfin nous ferons connaltre une 
proposition fort int^ressante de M. Paul Nourrisson sur Tattri- 
bution aux soci6t6s de bienfaisance, reconnues, du droit de 
citation directe contre les auteurs d'actes de violence ou dlm- 
moralitd contre I'enfance. 

LOYS BRUEYRE. 



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LES SOURDS-MUETS ET L'ASSISTANCE 

HISTORIQUE DE L'ENSEIGNEMENT DES SOURDS-MUETS 
PAR LA PAROLE 



Toute infortune imm^rit^e a le don de nous ^mouvoir; mais 
il semble qu'une piti6 plus vive nous monte au coeur quand le 
malheur frappe des enfants. C'est pourquoi ToBuvre de Tas- 
sistanee, belle entre toutes^ revfit un caract^re plus touchant 
encore^ quand elle se donne pour mission, en r^parant les er- 
reurs et les injustices de la nature, de soulager les mis^res phy- 
siques et morales des jeunes aveugles et des sourds-muets. 

Plus que les autres enfants, puisqu'ils en out plus besoin, 
ces d6sh6rit6s ont droit k Tinstruction et k T^ducation. 

L'instruction des sourds-muets est une obligation pourT^tat, 
« une dette nationale », suivant T^nergique expression de Roger 
Ducos k la Convention. Les assemblies de la Revolution, ren- 
dons-leur cette justice, comprirent de suite qu'il y avait dans 
Tabandon oti vivaient les sourds-muets, sous Tancien regime, 
comme un crime de l^se-humanit6. 

Une deputation de TAssemblee constituante vint trouver 
Tabbe de L'fip^e k son lit de mort ; et comme il paraissait craindre 
pour Favenir de son oeuvre : « Mourez en paix, lui dit Cham- 
pion de Cice, archevfique de Bordeaux, la Patrie adopte vos en- 
fants. » Les reprdsentants de la nation ont tenu cet engage- 
ment. 

Les 21 et 26 juillet 1791, les Constituants d6clarferent « que 
le nom de Tabbe de L'^p^e serait place au rang des citoyens qui 
ont le mieux m^rite de I'humanite et de la Patrie » et decr6- 



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LES SOURDS-MUETS ET L'ASSISTANGE. 215 

tdrent que son humble ^cole de la rue Desmoulins serait trans- 
form6e en Institution nationale. 

Le 28 juin 1793, les conventionnels adopt^rent les sourds- 
muets comme enfants de la France. « Tons les enfants appar- 
tiennent Jila Patrie ». s'^crie Roger Ducos, et, pour leur assu- 
rer « rinstruction qu'ils ont droit d'exiger », on ordonne la 
creation de six dcoles nalionales. 

Le Comitd de secours de la grande Assembl^e r^volution- 
naire proclamait, par la voix de Roger Ducos : « La R^publique 
ne pent tol^rer que des enfants qui ont besoin d'une instruction 
extraordinaire pour surmonter le tort que la nature leur a fait, 
en soient priv^s... » et le rapporteur demandait que les pferes, 
m^res, tuteurs, et tons les citoyens ayant des sourds-muets h 
leur charge, fussent tenus de les confier h Tinstruction que la 
R^publique leur oflFrait. 

Si les projets de la Convention ne se sont point r6alis6s, — 
si la France ne poss^de encore que trois ^coles nationales pour 
les sourds-muets, alors que TAUemagne en a 33 et les £tats- 
Unis prfes de 60, — si la loi sur Tenseignement obligatoire ne 
leur est pas rigoureusement appliqu^e, comme en Danemark, 
par exemple, nous avonsdu moins la satisfaction de penser que 
la tr^s grande majority des d^sh^rit^sde Touie trouve asiledans 
les 70 ^coles, tant publiques que privies, qui sont r^parties sur 
notre territoire, et que le sourd-muet sans instruction est au- 
jourd'hui non plus la rfegle, mais I'exception. 

Le progrfes ne s'est pas bom6 k Taugmentation du nombre 
des 6coles, il s'est manifesto par Tam^lioralion des m^thodes 
d'enseignement, 

Le sourd n'est plus fatalement condamn^ aux horreurs du 
surdimutisme, et il est maintenant pour Tinstruire un autre 
moyen que la t^l^graphie myst^rieuse et pittoresque du Ian- 
gage des signes mimiques; cet autre moyen, c'est la parole. 
D^sormais la soci^t^ se fait un devoir d'^lever le sourd-muet 
jusqu'i elle, en r^tablissant les communications dont la nature 
Tavait priv6. Dans presque toutes les dcoles de France, d'Alle- 
magne, d'ltalie, etc., [les sourds-muets sont instruits par la 
parole. 



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216 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

lis apprennent h articuler les 30 sons de notre langue ; ils 
disent des mots, des phrases; ils parlent. Ils sont capables k la 
sortie de T^cole d'exprimer leurs besoins, leursdfoirs, leurs ju- 
gements. La parole du sourd, il est vrai, n'est en g^ndral ni 
agr^able, ni harmonieuse ; mais elle est intelligible. Que peut- 
on demander de plus k des 6tres priv^s d'audition? 

Et ce n'est pas tout, ils comprennent ce que vous ou moi 
pourrions 6tre tenths deleur dire; ils saisissent nos paroles aux 
mouvements par lesquels Tarticulation des mots se trahit sur 
notre visage, ils 6coutent, que dis-je? ils entendent avec leurs 
yeux; ils voient notre parole aux mouvements de nos organes, 
commc nous Tentendons aux vibrations de Fair; ils lisent sur 
leslevres, suivant Texpression consacr^e. L'oeil suppl^e Toreille; 
la vue remplace Touie. La patience et le travail ont triomph6 de 
la nature, en errant a leur profit Tart subtil de la lecture sur 
les Ifevres. 

Voil& plus de cent ans que toutes les ^coles d'AUemagne 
instruisent leurs ^Ifeves par la parole. Chez nous, au contraire, 
cette m^thode d'enseignement n'a d^finitivement conquis son 
droit de citd que depuis une vingtaine d'anndes. Si Tadhdsion 
de la France k la mdthode ovale a dt6 tardive, du moins a-t-elle 
dtd f^conde; et Tlnstitution nationale de Paris, en ces demi^res 
anndes, a puissamment contribud, par son exemple et par ses 
publications, k la rdpandre k travers le monde. 

Toutefois, avant d'Mre accept6e par tons, cette m^thode a 
dA soutenir bien des luttes, surmonter bien des obstacles, et il 
n'est que juste de rendre un hommage mdritd k ceux qui, par 
leurs efforts et leur d6vouement, ont prdpard son triomphe. 
C'est ceque nous nous proposons de faire, enesquissant bri^ve- 
ment Thistorique de Tenseignement de la parole en France el 
plus particuli^rement k Tlnstitution nationale des sourds-muets 
de Paris. 

♦ 

Labbi de VEpie. — Je professe pour le caractfere et Toeuvre 
du plus populaire des instituteurs de sourds-muets une admi- 
ration sans homes; sa renomm^e, entourde du respect universal, 



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LES SOURDS-MUETS ET L'ASSIS.TANCE. %a 

va grandissant h travers les Ages ; son nom rcstera glorieux, 
aim^et v^n^r6 tant qu'il y aura des sourds-muets et des hommes 
de coBur pour les instruire ; mais, il faut le dire, puisque c'est la 
y6nt6, le fondateur de T^cole frangaise fut Tadversaire de la 
m^thode orale. Uniquement pr6occup6 d'instruire le plus grand 
nombre de sourds-muets possible, et de les ramener k Dieu en 
les initiant aux v^rit^s religieuses, il crut y parvenir par la voie 
des signes m^thodiques, si bien qu'il linit par m6connaitre 
Tutilit^ et jusqu'Jt la possibility de I'enseignement oral. D^s 
cette ^poque pourtant, P6reire en France et Heinicke en AUe- 
magne, sans parler de leurs pr^d^cesseurs (1), faisaient parler 
des sourds-muets. 

Cette erreur dubon abb^ devait retarder d'un sifecle Tavfene- 
ment de la m^thode orale en France. Ceci soitdit sans rien re- 
tirer de la gloire incomparable de Thomme, de Tinstituteur, de 
Tapdtre qui.seul peut se flatter d'avoir ouvert pour les sourds- 
muets r^re de la redemption. Dans I'abb^ de L'^p(§e en effet, il 
faut voir Tapdtre glorieux, le promoteur du mouvement d'hu- 
manite qui a fait surgir de terre des institutions dans tons les 
pays; le cr6ateur hors pair, Thomme de cceur et de sacrifice. 
Sam^thode est d6fectueuse .sur bien des points? Qu'importe! 
llrestera ^ternellement le modMe des instituteurs, si, suivant 
le conseil de de G^rando, ces instituteurs cherchcnt h imiter, 
non ses proc6dfe d'enseignement, mais ses grandes vertus. Et 
voilJi pourquoi Toeuvre de \enr pire spirituel, comme ils se plai- 
sent k Tappeler, marque le point de depart d'une ^re nouvelle 
dans Tenseignement des sourds-muets. 

Chez son ^l^ve et successeur Tabb^ Sicard, la defiance que 
Tabbe de L'Ep^e ^prouvait pour rcoseignement oral se transfor- 
mait en un veritable d^dain. « Donnez-moi des hommes de 
peine, avait-il coutume de dire, et je ferai parler tons mes 
sourds-muets. » Les hommes de peine firent toujours d^faut 
sans doute, car sous sa direction la parole ne fut point en- 
seign^e. 

D' Jiard. — Le c6l6bre D' Itard, m^decin de Tlnstitution de 

(1) Bonet, en Espagne; Amman, en Hollande, etc. 



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218 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

Paris, fut, pendant le premier quart de ce sitele, Tunique soutien 
de Tenseignement oral dans cette ^cole ; encore ne r6clamait-il 
la parole que pour quelques privil^gi6s. II travailla trente ans 
pour faire introduire dans T^tablissement de la rue Saint- 
Jacques la culture de Taudif ion chez les demi-sourds. 

Aprfes avoir adress^ k TAcaddmie de mddecine des rapports 
qui de nos jours encore font autorit6 en la mati^re, Itard obtint 
enfin gain de cause. Unc classe fut crd6e, rue Saint-Jacques, 
pour cultiver la parole et Taudition chez les 6l^ves les mieux 
dou^s. Le D*" Itard ne fut pas seulement le grand m6decin au- 
riste que tout Ic monde connait; dans ses dcrils il se r^vfeie 
instituteur de premier ordre. Voulant assurer Tavenir de son 
oeuvre, il laissa par testament 8 000 francs de rente h T^cole des 
sourds-muets, pour cr^er une classe de perfectionnement oil 
Tenseignement devait 6tre donnd uniquement j[)ar la parole et 
Tdcriture, Ji Fexclusion des signes mimiques (1837). Cette classe 
porte toujours le nom de Cours Hard. 

D^sir^ Ordinaire. — Mais celui qui ale plus fait dans le cours 
de ce sifecle pour introduire la m6thode orale en France est sans 
contredit D6sir^ Ordinaire, ancien recteur de TAcad^mie de 
Strasbourg et directeur de T^tablissement de la rue Saint- 
Jacques de 1831 h 1838. 

En visitant les ^coles d'Allemagne, il avail acquis cette con- 
viction qu'on pouvait et que par consequent on devait faire 
parler les jeunes sourds-muets. Aussi, lorsque, en 1836, h la 
suite du d^cfes d'un professeur on manque de maltre pour faire 
la classe de premiere ann6e, le vieil universitaire revendique 
pour lui-m6me, ft Fftge de soixante-trois ans, le p6rilleux 
honneur d'enseigner la parole et la lecture sur les Ifevres aux 
derniers venus de ses petits sourds-muets. Et ce ne fut point 
un spectacle banal que celui de cet ancien recteur faisant la 
classe k de tout petits enfants, de ce m^decin, de ce savant, de 
ce philosophe remplissant Thumble fonction que ses illustres 
pr^d6cesseurs, de L'fip^e et Sicard, avaient trouv^e bonne tout 
au plus pour des manceuvres. 

Le baron de G^rando, qui pr^sidait le Conseil d'administra- 
tion de T^cole de Paris, croyait avoir trouvd dans D. Ordinaire 



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LES SOURDS-MUETS ET L'ASSISTANGE. 219 

un homme capable de faire p6n6trer Tenseignement oral dans 
la maison de Tabb^ de L'^p^e. 

Malheureusement la m^thode orale, introduite brusquement 
et sans precaution h rinstitution de Paris, y fit naufrage. Mai 
seconds par Tadministration sup^rieure, Ordinaire, en d6pit de 
son savoir, de son zfele et de ses efforts, vit toute sa bonne vo- 
lonte dchouer devant Thostilite du corps enseignant, duConseil 
et de FAdministration supdrieure. 

« Vous voulez faire parler les sourds-muets, disait k cette 
occasion le comle Alexis de Noailles k ses collogues de TAdmi- 
nistration; mais Dieu ne le veut pas! » 

Les bonnes intentions d'Ordinaire furent paralysdespartant 
d'obstacles. Sa direction ne fut qu'une longue lutte. ^Chaque 
jour il lui fallait livrer bataille. Dans cette guerre de la mi- 
mique contre la parole, de la mdthode frangaise contre la m6- 
thode allemande (ainsi qu'on disait alors), il fut vaincu et se 
retira avec dignitd. Je ne m'associerai pas k un crime, dit-il,en 
envoyant sa demission de directeur, lorsqu'on lui refusa jus- 
qu'i ce faible cours d'articulationtant defois r6clam6par Itard, 
deson vivant, et que ce dernier imposa enfin k T^cole, aprfessa 
mort, par une clause de son testament. 

Ordinaire eut le grand m^rite de vouloir faire appliquer dfes 
1831, dans institution de Paris, la mdthode qui est aujour- 
d*hui en vigueur dans presque toutes les ^coles d'Europe. II eut 
le tort d'etre de cinquante ans en avance sur son ^poque. On le 
lui fit bien voir. 

Son remarquable Essai sur C Education et specialement sur 
celk du sourd-muei (Hachette, Paris, 1836) ne fut point appr^cid 
k sa valeur. Ce livre venait trop t6t, comme son auteur. 

Dans le voisinage de la Suisse, k BesauQon comme k Stras- 
bourg, Ordinaire avait subi Tinfluence de Pestalozzi et du P^re 
Girard, visits leurs ^coles et partag6 les id^es des deux grands 
instituleurs suisses en matifere d'instruction et d'^ducation. 
Aussi, bien que son autorit^ ait 6t6 contest^e k T^cole de Paris, 
sa direction n'y fut pas sterile ; il contribua k former toute une 
g^ndralionde maitresqui, par la suite, acquirentun grand renom 
et dirig^rent k leur tour les principales ^coles de sourds-muets 



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220 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

de France, — la tradition qui consiste h confier la direction de 
ces glablissements k des personnalit^s ^trangferes h Venseigne- 
ment n'^tant pas encore fort ancienne. 

Apr^s Ordinaire, une reaction se produisit. La mimique 
rentra triomphante dans la maison d'oton Tavait voulu bannir. 
On fit tout juste assezdc parole pour ne pas encourir le reproche 
de n'en pas faire du tout. C'est le temps od Ton disait ironique- 
ment iir^tranger que la m^thode fran^aise, c*dtait la m^thode 
h bon marchd, — car de tout temps la m^thode orale a coiit6 
cher. 

Bref, de 1839 k 18S9, la parole futfort n^glig^e, malgr^ les 
efforts de Dubois, du D' Blanchet et d'Houdin. B. Dubois, sourd- 
muet lui-m6me, fonda une dcole oil, seconds par divers mem- 
bres de sa famille, il instruisit par la parole ses compagnons 
d'infortune. Ancien 6\h\e d'Ordinaire, Dubois (sourd depuis 
r&ge de sept ans) fit honneur it son maitre, continuasa tradition, 
ct fut attache h Tinstitution des sourds-muets de Paris en qua- 
lit^ de professeur d 'articulation pendant douze ans (1856-1868). 

Un m^decin de Fficole, le D** Blanchet, continuateur d'ltard, 
essaya, mais en vain, de remettre en honneur la culture de 
Taudition. Aprfes avoir port6 le d^bat devant TAcad^mie de 
mddecine (1) qui refusa de se prononcer entre les deux sys- 
tfemes, il intdressa le ministre k sa cause et parvint k faire 
ouvrir dans Paris quelques externals qui disparurent & sa mort. 

Cependant le professeur A. Houdin, son fiddle lieutenant, 
ouvrait k Passy une pension-famille oil les sourds-muets ^talent 
instruits et 6duqu^s par le syst^me oral. 

Leon Vaisse. — En 1859, gr4ce aux efforts du censeur de Tin- 
stitution de Paris, L^on Vaisse, ancien professeur du temps 
d'Ordinaire, nous assistons k une v6ritable renaissance de Ten- 
seignement de la parole. Devenu directeur de cette ^cole en 
1866, L. Vaisse voulut relever le drapeaii de Tenseignement 
oral, mais il eut k lutter contre les m6mes difficult^s que ses 
devanciers, et sa volont6 se brisa contre les m6mes obstacles • 
Faute d'un suffisant concours de la part de tons ses coUabora- 

(1) 1853. 



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■P ^JJWUKMi^. gJ^r' 



LES SOURDS-MUETS ET L'ASSISTANGE. 

teurs, et surtout faute de I'appui u^cessaire de Tadmi 
il dut r^signer ses fonctions, sans avoir pu donner k 1 
ment de la parole Tcxtension qu'il aurait voulue. D^i 
qu'^ la fin de ses jours, il fut un des plus ardents props 
la m^thode orale qu'il rdussit k introduire dans plusi 
pai-ticuli^res, qu'il difendit dans les congr^s interna 
Paris, Milan, Bruxelles, et dont il eut la joie de 
triomphe avant de mourir, ne souhaitant plus qu' 
disait-il, << c*^tait de voir les ^tablissements de soi 
qui reinvent du minist^re de Tlnt^ricur, passer dan 
butions du ministfere de Tinstruction publique, ou 
^lait toute marquee ». 

Le successeur de Vaisse k Tinstitution de Paris, 
sous-chef de bureau du ministfere de Flntdrieur, pen 
des n^cessit^s de Tenseignement, supprima presqi 
ment, par mesure d'^conomie, Tenseignement de h 
rMuisit k n^ant Toeuvre de son pr6ddcesseur. 

En 1875, Tabb^Rota, de Trieste, un musicien, fit 
blissement de la rue Saint-Jacques des experience 
santes dans le but de d^montrer la possiblitd de h 
tousles sourds-muets. L'abb^ Rota avait de Tenseign 
une conception assez curieuse. Selon lui, pour a 
sourds-muets k parler il fallait d'abord commencer p 
chanter, afin d'am^liorer leur voix. Et il op^rait, con 
fois Blanchet, k grand renfort d'instruments de mn 
essais, trop Isolds et trop hMifs, firent plus de br 
besogne. lis ne furent pourtant pas inuliles k leur au 
qu'il put, dans la suite, fonder, avec le concours de s 
nement une 6cole k Trieste. 

Nous devons signaler, en 1879, une tentative de 
lien Balestra, qui, bien que peu vers6 dans Tenseigr 
sourd-muets, m^rita d'6tre surnommd Tapdtre et le 
errant de la parole. Direcleur de T^cole de C6me, oi 
aujourd'hui sa statue, Tabb^ Balestra, seul, sans i 
sources que Tardeur de ses convictions, avait entrep 
qu^rir toutes les ^coles de sourds-muets du monde i 
Aprfes avoir pr6ch6 la croisade contre les signes mi 



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222 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

Italie, en France, en Espagne, en Am6rique, il mourut 4 
Buenos-Ayres, dans la gloire de son aposlolat. 

En France, cependant, des 6coles privies avaient ouvert 
leurs porlesau nouvel enseignement. Kilian, h Saint-Hippolyte- 
du-Fort (Gard), Hugentobler k Lyon, Magnat h Paris avec le 
concours de la famille Pdreire, instruisaient des sourds-muets 
par la parole. 

D^s 1879, Fadministration du ministfere de Tlnt^rieur, 
voulant introduire la m^thode orale dans les institutions natio- 
nales, prit une s6rie de mesures qui assur^rent la rdussite de 
ce systfeme d'instruction. 

Des fonctionnaires regurent mission de visiter les ^coles de 
r^tranger ou celte m^lhode 6tait en vigueur, des d^ldguSs 
furent envoy6s au congrfes de Milan, des maitres allferent 6tu- 
dier sur place les proc6dds d'enseignement. Le nombre des 
professeurs fut considdrablementaccru, les instituteurs sourds- 
muets furent remplacds par des entendants, et Ton inscrivit au 
budget les d^penses n^cessaires pour faire face k ces nouveaux 
besoins. 

Le congrfes international de Paris, 1878, se prononga en 
faveur de la mdthode orale. Les 6coles natiouales de Bordeaux, 
de Paris, de Chamb^ry adoptferent ce systfeme d^enseignement. 
L'inspecteur g6n^ral 0. Claveau, donl les savants rapports font 
^poque, favorisa ce mouvement, tandis que les decisions du 
Congrfes de Milan (1880) et de Bruxelles (1883) triomphaient 
des derniferes resistances. 

C'est au D'' E. Peyron, aujourd'hui directeur de Tadmini- 
fltration g6n6rale de T Assistance publique, que revient Thonncur 
d'avoir pr6sid6 en quality de directeur h I'introduction de la 
m6thode orale k I'institution de Paris, et d'avoir donn^ k Ten- 
seignement de la parole dans cette maison une impulsion 
vigoureuse dont elle se ressent encore. 

» 
« f" 

11 ne suffit pas de rendre les sourds-muets k la soci^te, il 
faut encore les mettre en 6tat d*y gagncr leur vie. Les faire par- 



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LES SOURDS-MUETS ET L'ASSISTANGE. 223 

ler est bien, leur donner un gagne-pain est mieux. C'est pour- 
quoi presque toutes les 6coles fran^aises ont des ateliers k c6t6 
de leurs classes, joignent Tinstruction professionnelle iirensei- 
gnement intellectuel. 

Lorsque le sourd est instruit et qu'il a appris un metier, 
ToBUvre de Tassistance n'est point termin^e. 11 s'agit mainte- 
nant de lui assurer du travail, en lui faisant ouvrir les portes 
des ateliers ordinaires. C'est ici que trouvera k s'exercer le z^e 
de cette soci6t6 de patronage dont un coUaborateur de la Revue 
Philanthropique (1) ddmontrait r^cemment Tutililfi et que 
M. Henri Monod, nous le savons, va faire cr6er k Tinstitution 
de Paris par une decision de M. le ministre de rint6rieur. 

A ces diverses creations, si onajoutait des 6coles maternelles 
pour les tout jeunes sourds-muets, un ^tablissement pour les 
arridr^s et une maison de retraite pour les vieillards, TcBuvre de 
solidarity serait complete. 

Mais k chaque jour suffit sa tdche, et lorsqu'on songe k ce 
que le d^vouement de leurs maitres a d6j^ fait pour eux, on 
est moins effray6 k la pens6e de tout ce qui reste encore k faire 
pour les sourds-muets. 

MARIUS DUPONT. 
Octobre 1897. 



(1; L'Assistance des Sourds-Muets par le trayail, par M. A. Dubranlb, n* 5 de 
la Revue Philanthropique, page 671 et suivantes. 



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gf;f»r.7iJVj^we?^ 



LA PROTECTION DE UENFANCE 

AU CONGRfiS DE ROUEN 



I 

Parmi les questions soumises k I'^tude de la deuxi^me sec- 
tion du Congr^s, celle de la Protection de TEnfance est certai- 
nement unedes plus importantesy on pourrait mSme dire des 
plus inqui^tantes, au point de vue individuel comme au point 
de vue social. 

Depuis quelques ann^es, les martyres d'enfants se sont r6- 
v^l^s sinombreux que la grande presse s'est ^mue; elle « a fait 
campagne » en faveur des « petits » et leur a conquis Topinion 
publique, tandis que les derniers recensements, en montrant 
grand ouvert le gouffre de la depopulation, ont toum^ vers les 
« berceaux » les regards de tous ceux qu'int^ressent la vitality 
et Tavenir du pays ; si bien qu'aujourd'hui cette question de 
protection est devenue une veritable preoccupation nationale. 

La demi^re consideration, la depopulation, aurait probable- 
ment ete impuissante h faire vibrer le coeur de la foule, mais 
les cruautes commises par des parents denatures ont souleve, 
parfois jusqu'Ji la fureur, le sentiment populaire ; aussi les me- 
sures de sauvegarde k regard des enfants sont-eiles assurees de 
rencontrer unaccueil favorable. Cette sympathie, m6me poussee 
k Texcfes, est du reste bien naturelle et bien legitime, car, de 
toutes lez souflFrances, celles de Tenfance, toujours immeritecs, 
sont plus particulierement dlgnes de pitie, et la sauvagerie de 
certains actes accomplis avec un cynisme r6voltant n'est que 
trop susceptible d'exalter Tindignation jusqu'au paroxysme. 



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PROTECTION DE L'ENFANGE AU CONGRftS DE ROUEN. 225 

Quelques exemples sufQront k expliquer cette exasperation 
et k d^montrer la n^cessitS de la protection. 

Au num^ro 37 de la rue des Entrep6ts, k Saint-Ouen, demeu- 
raitavec son amanl une fiUe de 19 aiis, Anna Vals, mfere d'un 
petit garQon de 14 mois. D'aprfes les voisins, le pauvre petit 
£tait depuislongtemps]'objet de traitementsodieux; sous prd- 
texte de le corriger — corriger un enfant de 14 mois ! — les 
deux amants le rouaient de coups. La mort survint ; en pre- 
sence du petit cadavre qui n'dtait qu'une plaie, le m^decin de 
retat civil refusa le permis d'inhumer. Le commissaire de po- 
lice inform^ se rendit k domicile accompagn^ d'un m^decin ; 
celui-ci dedara que Tenfant avait succomb6 k des sdvices 
graves : il avait des cdtes d6fonc6es, une plaie dans la region du 
coBur,de8 ecchymoses sur tout le corps etune horrible blessure 
i VanuSy comme si on avait voulu Tempaler. 

Le petit Pierre Grfeze avait 616 plac^en nourrice parsam^re 

Marie Gr^ze, demeurant k Paris. 11 se d^veloppait admirable- 

ment, lorsque brusquementelle leretira; il avait alors 17 mois. 

A peine arriv6, le b6b6 commenga h d6pdrir; sa m^re le cou- 

chait dans une malle, sans matelas ni couverture et quand il 

pleurait, elle lebattait jusqu'kcequ'il setAt. Vaguement avertie 

par des rumeurs de voisins, la police fit transporter le pauvre 

enfant k I'hospice ; c'6tait trop tard, il expirait le lendemain. 

L autopsie r6v6la que la mbrt 6tait la consequence des traite- 

ments barbares qu'il avait endur6s. 

Apr^s Paris, la province. A Chftteau-Gontier, le petit Chre- 
tien a subi des violences quotidiennes etplusicurs fois les voi- 
sins ont entendu ses cris de douleur et d'effroi. Un jour, une 
locataire dela maison Fa trouve dans undtat complet de nudite 
coucy au grenier sur de la paille. Outre les traces de coups 
qu'il portait sur le corps et le visage, Tenqufite a 6tabli que, 
souspretexte de lui apprendre la proprete, sa mfere I'obligeait Ji 
rester le nez dans ses ordures. 

Les enfants legitimes ne sont pas plus epargnds que les 
enfants naturels. Voici la petite Bourras, kg6e de 3 ans, 
d'Arles-sur-Tech, torturde par son p5re. Entre autres mauvais 
traitements, il la faisait coucher dans 1 'Stable avec un pore ou 

RBVCB PHILATraROPIQUE. — 11. 15 



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226 . HEVUE PHILANTHROPIQUE. 

Tattachait toute nue au pied de son lit et la ilaissait ainsi pas- 
ser la nuit. Criait-elle la faim ? Son bourreau la rassasiait avec 
de3 poign^es de moucfies. 

Ce sont encore les dpoux Parey, du quartier de la Folie- 
M^dcourt, qui enfermaient leur petit garQon.<le 3 ans dans un 
placard sans lumidre et sans air; couch^ sur ^n pen de paille 
pourrie, le malheureux ne recevait pour topte nourriture que 
des croiltes de pain que les devix ivrognes lui jetaient comme h 
un chien. S'il pleurait ou demandait h manger, les deux brutes 
le battaient k qui mieux mieux. 

Inutile de poursuivre une Enumeration qu'un volume n'Epui- 
serait pas; pour terminer, nous rappellerons seulement le petit 
martyr de la rue Vaneau, dont la douloureuse agonie est 
encore suffisamment prdsente h toutes les m^moires pour nous 
dispenser de la narrer en detail. 

Ainsi la petite Lalie de VAssommoir, tu^e lentement ii coups 
de fouet par son p^re, Tignoble Bijard, n'est pas un mythe en- 
fante par imagination de M. Zola, mais un document humain. 

11 est vrai qu'il existe des fauves, des monstres plut6t, qui 
n'ont mfime plus Tinstinct des bWes pour leurs petits, et dont 
la cruautE s'achame k torturer jusqu'li Ten faire mourir un 6tre 
innocent et sans defense. 

Oui, contrairement a rhypothdse optimiste des Jean-Jacques, 
des Perez et des Preyer, il est des enfantsqui, en entrant dans 
la vie, n'y trouvent ni affection ni bonheur, mais haine et mal- 
heur. 

Et puis, h cdtE des drames connus, combien se perp^tuent 
avec rimpunit^ presque assurde aux tortionnaires s'ils agissent 
avec une certaine discretion et de sorte que leurs victimes ne 
donnentpas « mesure au fossoyeur ». 

II 

QUE FAIRE? 
INSTAURER LA PROTECTION SOCIALE AU BERCEAU. 

Mais est-ce que devant cette formule ne va pas se dresser le 
fameux Paterfamilias? Ky a-t-il pas \k une atteinte k la puis- 



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PROTECTION DE L'ENFANCE AU GONGRfeS DE ROUEN. 227 

saoce paternelle? ^'est-^ce tpas mdeonnattre le coradlfere sacr^ 
de la famille et afTaiblir I'autoritd au foyer? Ne seraitr-ce ipas 
dbranler les bases m6mes du Code et violer.un principe plu- 
sieurs foiss^culaireet'Consid^r^jusqu'aloFs aomme intangible ? 
Nous reconnaissons toute la valeur deces objections ; aussi 
allons-nous essayer dly r^pondre et^ api^s la n^cessit^, de d6- 
montrer la 16gitimit^<de la protection. 

Longtemps le pouvoir n?a sembl6 Tespeotable et imposant 
qu*autant qu'il lui 6tait donn^ d'aller jusqu'k I'arbitraire et de 
s'exercer sans contrdle. Le contenirdansiles bomes de la jus- 
tice, c'dtait lui faire perdre son prestige. Maisidepuisiun sl^cle, 
cette conception absolutiste a perdu chaquejour du terrain; la 
declaration des Droits de rhomme, :malgrd de nombreuses 
transgressions, afait p^n^trer dans lescoBurs et dans les con- 
sciences les id6es de dignity individuelle, de respect de la per- 
sonnalit^ humaine, d'autonomie. fii lent que soitle progrfts, 
nous sommes arrives, suivant Texpression d'^mile AcoUas, i 
mal nous figorer « qu'un individu soit Tobjet de la puissance 
d'un autre individu » ; nous nous habituons i Tid^equ'en face 
des droits de rhomme, il y a bien aussi les droits de Tenfant. 
Du reste, n'est-ce pas une anomalie d'admettre ceux-li sans 
ceux-ci? Est-ce que Fonfant n*est pas le d^but de rhomme? 
Ainsi Tavait compris la Convention. Son Code, mieux pdn6tr6 et 
fortement imbu des principes d'^galit^ et de droit, avait, au 
^oi iepttissanoe ytoupnrs menaQant, substitu^ les termes de 
surveillance et Ae protection ; de sorte que la mission des pa- 
rents rev^tait bien plut6t un caract^re de tutelle que celui d'un 
pouvoir discrdtionnaire. C'6tait r^ellement Texpression du droit 
isBu de la Rdvolution, tandis que le Code Napoleon, manifes- 
tement inspire du vieux droit remain, a maintonu Tantique 
pairia potestas et nous fait remonter it deux miile ans en ar- 
riftre. 

Pour fonder une soci6t6 libre, pour habituer les citoyens it 
I'^galit6, on est aU6 chercher des mat^riaux dans une soci6t6 
bas^e sur Tesclavage, dans ime soci^td qui, selon le langage 
^nergique de Maria Deraismes, « traitait Tenfant comme un 
veritable animal dont Texistence depend de la volont^ et du 



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228 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

caprice d'un individu, comme un objet dont le possesseur 
peut se ddfaire 4 son gr^. » 

ifitrange illogisme en v6rit^. Oui, si I'auleur du Code s'dtail 
propose r^panouissement et la fructification des iddes r^volu- 
tionnairesy mais ses vis^es dtaient tout autres. Dou6 au plus 
haut degr6 du g^nie du despotisme, il comprenait que le plus 
stir moyen de Finstaller dans T^tat, c'^tait de Timplanter dans 
lafamille; que pour asseoir Tautocratie sur le tr6ne, il fallail 
r^tablir solidement au foyer. II voulait justifier dans la famille 
Torigine de la tyrannic, parce que la famille est la soci^td prin- 
cipe, la citd 61dment. 

Cette preoccupation et ce reniement des principes de la 
Revolution ressortent nettement de Texamen de la gen^se 
des dispositions du Code relatives k la famille. Chacun sait 
« qu'elles ont 6t6 votdes sous la Constitution du 22 frimaire 
an VIII (1799) qui, enmSme temps que le Consulat, avait etabli 
un syst^me 16gislatif des plus compliqu6s dontle but manifesto 
etait de faire prdvaloir la volonte d'un seul. En eflfet, sous Tini- 
tiative unique du gouvernement consulaire, un Conseil diktat 
etait charge d'elaborer les projets de lois. Le Tribunat discutait 
ces projets et dmettait un vceu pour ou contre, sans avoir le 
droit d'amendement. Un Corps legislatif admettait ou rejetait 
sans discussion et sans amendement les projets, apr^s avoir 
ecoute les orateurs du Conseil d'Etat et du Tribunat. Enfin, un 
S4nat conservatetir 6tait investi du droit d'annuler les lois qui 
seraient contraires k la constitution. Nous aurons donnd une 
juste idee de ce mecanisme, si nous ajoutons que les membres 
du Conseil d'l^tat, du Tribunat el du Corps legislatif etaient, au 
moyen de combinaisons ingenieuscs, presque k la nomination 
du gouvernement. 

Malgre toutes ces precautions, il arriva que Tesprit rdpu- 
blicain ayant survecu dans le Tribunat, ses orateurs parvinrent 
k faire rejeter par le Corps legislatif les titres du Code qui nous 
occupent. Tant d'independance ne pouvait convenir au premier 
Consul. II fit retirer le projet. Puis, pour reprendre la discus- 
sion avec certitude et faire triompher ses idees, par le senalus- 
consulte du 16 thermidor an X, il reduisit le Tribunat de cent 



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PROTECTION IXE L'ENFANCE AU CONGRfeS DE ROUEN. 229 

membres h cinquante et TafiFaiblit encore en le divisant en trois 
sections, dont une seule s'occupait de legislation. Supreme 
prudence : on imagina par surcroit de faire donner son avis k 
cette pauvre section avant toute communication au Corps 16gis- 
latif, et ce n'dtait qu'aprfes que le Conseil d'Etat et le Tribunat 
s'^taient mis d'accord que la communication au Corps l^gislatir 
avait lieu. 

Dans ces conditions, la discussion contradictoire se r^duisait 
i un tournoi d'^loquence, ou plut6t Ji unecom6die oil toutdtait 
convenu d'avance. Les muets — c'estle nom que reQurent Jes 
deputes du Consulat — approuvaient et la loi (5tait promul- 
gu6e. 

U est permis de se demander si une loi vot^e dans de 
pareilles conditions a bien 6t6 Texpression de la volont^ de la 
nation, ou de celle dumaltre qui mettait en mouvement le m6- 
canisme l^gislatif de la Constitution de Tan VIII. Le doute n'est 
pas permis lorsqu'on connalt lesprojets beaucoup plus lib^raux 
qui avaient 6td pr^sent^s, et la part que prenait le premier Con- 
sul aux deliberations du Conseil d'fitat dont il 6tait president 
de droit (1). » 

Voila Torigine des lois relatives k la famille; n^es sous 
rinspiration pour ne pas dire la pression de Napoleon, elles ne 
sent que le reflet de sa pensee et de sa volonte et ne represen- 
tent, en fait, que des ordonnances emanees d'une seule autorite 
mais nuUement sanclionnees par la nation. 

Ainsi edaire, le Code ne saurait pretendre k une sorte d'in- 
tangibilite et Tautorite paternellese dresser commel'expression 
familiale du droit nouveau. L'aureole disparatt, le prestige 
s'evanouit et la critique reprend ses droits. 

Mais n'aurions-nous pas demontre la caducite des origines 
que nous ne nous croirions pas tenu d'admettre Timmutabilite 
de cette codification, ^laboree dans le temps, elle porterait 
quand m^me, bon gre mal gre, Tempreinte de Tactualite qui 
limite la duree des monuments de Tintelligence humaine, car 
s'il est vrai que toute legislation contient une partie imperis- 

(1) Gustave Lejeal (Revue Encyclop^dique, 28 novembre 1896). 



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23e< REVUE PHILANTHftOPlQUB. 

sable, sftna oesae justifide par rexpirience, il n'est pas moins vrai 
qu'elle renfermeune partie destructible^ consequence des pas* 
sions^ des pr^jug^s, des ignorances d'un si^cle. Et comme les 
hommes ne sentent et ne pensent pas toujours de la m6me 
faQon^ne sont pas toujours boumis auK. mdmes n^cessit^s, c'est 
unidroit et un devoir pour chaque generation' de soumettre k 
un libra examen les institutions que lui l^guent ses devanci^res. 

Du reste, sous la pouss^e des faits, les textes ont d6jh H6 
obliges de fleohir et des brfeehes ont ete ouvertes dans le mur 
d'enoeinte du foyer, par oil la societe oherche i voir et ii pene- 
trer, pour defondre Tenfant si besoin est. Telle la loi du 
7 decembre 1874; cette timide intervention ne vise qu'un cas 
particulicr : celui des enfants employes dans les professions 
ambulantes, les cirques et autres etablissements forains ; la loi 
du 24 juillet 1889 a une portee plus generate, elle present la 
decheance de la puissance patemelle dans des cas determines 
et la permet dans d -autres qui restent soumis k Tappreciation 
de Tautorite judiciaire. 

II n'est pas sans inter6l de rapprocher de ces deux disposi^ 
tions legislatives les mesures analogues prises dans plusieurs 
pays etrangers et qui souvent vont plus loin que les ndtres. 

Dans le Massachusetts, depuis 1882, tout enfant qui grandit 
sans direction, sans education, doitetre confie par les magistrats 
iL Tassistance publique. 

Dans r^tat de New-York, tout mineur de 16 ans trouve 
en <train.de mendier, de ramasser des debris dans la rue, ou 
dont retat de mis^re r6\h\e Fimpossibilite pour ses parents de 
reiever et de Tentretenir, est considere comme moralement 
abandonne et recueilli comme tel aprds decision judiciaire. 

A Genfeve, fonctionnent. depuis 1892 une commission cen- 
trale et sept comit6sdequartier qui ont pourmission de recher- 
oher< les infants en etat de vagabondage ou de misfere manifoste, 
de se livrer h des investigations sur leur situation et sur le 
traitememt moral et physique qu:ils resolvent de leurs parents. 

A^ Hambourg, 1 iautortte pla<» d'office dans des etablissements 
speciaux les mineurs pour lesquels il est demontre que les soins 
de la maison sont insuffisants. 



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^■^pp^^lp^^^"*^ 



PROTECTION DE L'ENFANCE AU CONGRtS DE ROUEN. 23! 

A Quebec, la loi de 1884 envoie dans une 6cole sp6ciale, 
od'ils sonl places sous la protection pnblique, les enfants de 
7 k 12 ans que les parents laissent priv^s des soins indis- 
pensables. 

Enfin en Pnisse, en Pensylvanie, dans la Colombie et Tfitat 
d'Ontario, existent des lois tr^s sensiblement ^gales comme 
effets k notre loi de 1889. 

Mais qu'il s'agissede la loi fran^aise ou de la loi ^t^ang^^e, 
la protection de Tenfant dans la famille ne s'exercequ'k travers 
la repression h regard des parents et que si elle est imp6rieu- 
sement command^e par des manifestations ext^rieures. Loin 
d'^re la rft^, elle ne constitue qu'une exception et imprime 
une sorte d-infamie k ceux qui la motivent. D'oii une extreme 
prudence iyrecourir etseulement aprfes que Tenfant est d^jJi 
apparu comme une victime, ;aprfes qu'il a eu Jt supporter des 
traitements ou it snbir des exemples dont Tempreinte funeste 
persistera parfois ineffa<^able. 

La mnltiplieite des faits dela nature deceux que nousavons 
rappel^s au d6but, asnggfirfeTid^e de renforcernos lois depro* 
tection et d'^dicter des peines plus s6vferes centre les martyri- 
seurs d'enfants. Derni^rement des propositions dansce sens ont 
M d^pos^es k la Ghambre. Mais leur auteurs eux-m^mes ont 
pris soin de faire remarquer qu'ellesne donneront qu'un rfeul- 
tat ineomplet et que la r6v§lation des actes d^lictueux restera 
tonjours rare et difficile. 

Sans n^gliger ce c6t6 de la question, il nous semble que 
c'est dans une autre voie qu'il conviendrait de diriger particu- 
liferement les eflForts, et de donner k Tintervention une forme 
plQl6t preventive que repressive. Ne vaut-il pas mieux, en effet, 
empe^cher lemal de se produire que d'attendre pour cicatriser 
ensnite les plaies qu'il aura faites? Ne serait-il pas preferable 
de recoulir k des loi^ de preservation plut6t qu'^i des lois de 
repression, k des lois d'hygiine sociale, dirions-nous volontiers, 
phit6t qa^k des lois de medecine sociale? 

De m£me qtre ITiygifene bien entetidue rend de moins en 
moins necessaire rinter>'ention medicale, dem^me les mesures 
de preservatiouf sociale atrront ponr effet de restreindre de plus 



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232 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

en plus la repression sociale sur le point qui nous occupe. L'ex- 
p^rience est faite et la loi du 23 d6cembre 1874 sur la protec- 
tion des enfants du premier &ge dlevds hors du domicile de 
leurs parents et due i Tinitiative de notre v^n^rable president, 
estlSi pour nous convaincre. NVt-elle pas suffi a faire dispa- 
raitre les nourrices faiseuses (fan^^^PNousaurons it y revenir. 
Avec la loi du 28 mars 1882 sur Tobligation scolaire, elle 
forme une premifere assise d'un code de Tenfance, que t6t ou 
tard il faudra bien ^laborer dans son entier en face du code de 
la puissance patemelle. 

Au surplus, elle est trfes suggestive cette loi du 28 mars. A 
6 ans, elle prend Tenfant et dit au p^re : II n'est pas ta chose, 
je ne te reconnais pas le droit d'en disposer selon ton bon 
plaisir et de priver son intelligence de culture. Tu lui as donn^ 
la vie, c'est peu; il faut lui foumir le moyen de la pratiquer. 
Aux parents grossiers et ignorants qui ne se font aucun scru- 
pule de laisser leurs enfants grossiers et ignorants comme eux, 
4 ceux qui vont r^p^tant : « Nous avons bien vdcu comme Qa,ils 
feront comme nous », elle r^pond hautement non. Sans hesita- 
tion, elle incline la puissance paternelle devant le droit de 
Tenfant h Tinstruction. 

Ce qui precede nous parait etablir de suffisante faQon qu'au 
point de vue individuel, la protection de Tenfance ne saurait 
fitre considir^e, ni en fait ni en droit, comme contraire aux 
principes modemes et attentatoireii I'autorite et au respect dus 
h. la famille. 

Ill 

Examinons maintenant la question au point de vue social, 
et voyons si, dans Finterfit de sa propre conservation, notre 
society n'a pas le devoir 6troit de garantir le d^veloppement de 
Tenfant et desauvegarder son existence. 

Statistiques en main, notre accroissement de population est 
si lent qu'il ^quivautiune veritable depopulation en face des 
progrfes realises par les autres nations. 

Si Ton calcule Taccroissement moyen annuel, pour une 



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PROTECTION DE L'ENFANCE AU GONGRfeS DE ROUEN. 233 

p^riode de vingt ans, des divers ^tats de TEurope, on obtient le 
tableau suivant : 

Accroissement mojen 
annuel 
£tats europdons. par 1 000 habitants. 

SuMe 15,7 

Pays-Bas 15,6 

Danemark 15,5 

Norv^ge ^3,9 

Angleterre 13,4 

AUemagne 12,3 

Espagne 9,6 

Belgique 9,0 

Antriche 8,6 

Italic 7,1 

Suisse 7,0 

Hongrie 4,1 

France 2,3 

Si nous consid^rons raccroissement absolu, notre pays 
depuis 1811, a pass6, en millions d'hommes 

De 29,9 k 38,5 

L'Angleterre de 10,2 k 38,1 

Les EtatsrUnis de 7,3 i 62,4 

En 1815, la Russie comptait 45 millions d'hommes; elle en 
poss^dait 100 millions 600000 en 1889. 

En 1841, r AUemagne avait kpeu prfes la mfeme population 
que la France (il s'agit du territoire actuel des deux pays). Au- 
jourd'hui sa population d^passe la n6tre del 4 millions. Depuis 
cinq ans notamment, elle a gagn6 3 millions d'habitants, et 
pendant ces m^mes cinq anuses, nous avons p^niblement 
augments de 175 027 habitants. 

Les consequences de cet 6tat de choses nous sont signaldes 
avec une brutality toute tudesque par le docteur allemand 
Rommel : 

« La politique des races est impitoyable, 6crit-il. Le moment 
approche oil les cinq fils pauvres de la famille allemande, 
all^chfe par les ressources et la fertility de la France, viendront 
facilement k boutdu fils unique de la famille frangaise. Quand 
une nation grossissante en coudoie une autre plus clairsem^e, 



Jiii^. 



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234 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

qui, par suite, forme centre de depression, il s -^tablit un cou- 
rantd'air vulgairement appel6 invasion, ph^nom^ne pendtot 
lequel la loi et la morale sont mises provisoirement de c6t6. » 

Si Tavertissement n'est pas tr^s charitable, il a tout au 
moins le mdrite de ia franchise. A nous d'en tenir compte et 
de combatlre les causes de notre inferiority. Mais quelles sont 
ces causes? Bien que trfes nombreuses et tr^s enchev6tr6es, 
elles se rapportent toutes, en definitive, & la natality ou h la 
mortality. 

II est incontestable que notre natality est tr^s faible, tout 
au moins dans les classes riches, od, k Tancien regime du droit 
d'alnesse, a succdde, suivant Texpression du docteur allemand, 
le regime des enfants uniques. Un classemeut des quartiers 
de Paris d'apr^s leur richesse etablit que ce sont les riches qui 
font le moins d'enfants. 

Natality pour 1000 femmes ea an aa. 

Arrondissement exceptionnellem^nt riehe 34 

— trfes riche 53 

— riche 65 

— aisd. , 72 

— pauvre 95 

— trfes pauvre 108 

La comparaison entre les departements conduit aux 
mfemts conclusions, et piuisque nous sommes en Normandie, 
qu'il nous soit permis de rappeler que cette riche province, 
depais longtemps, ne les justifie que trop. 

Le mal progresse d*une fa^on continue ; d'annee en annee, 
le nombre des naissanees va diminuant, ainsi que le prouvent 
les chiffres ci-dessous : 

Anodes. Naissanees. 

1884 937750 

1885 924558 

1886 912838 

1887.. . 899333 

1888 882639 

1889 880579 

1890 838059 

1891 866377 



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PROTECTION DE L^ENFANCE AU CONGRftS DE ROUEN. 235 

AnniSeB. Nftissancet. 

1892 855847 

i893 8758S8 

1894 845388 

1805 834173 

Noii5 avons vu tbut Jirheure quelle 6tait la situation res- 
pective de 13 nations euFop^ennes sous le rapport de Faccrois- 
sement moyen annuel, et nous constations que la France arri- 
vait au dernier rang. Si noua groupons ces mfimes nations 
d'apr^ le nombre des naissances, nous obtenons une autre 
classification* dans laquelle la France occupe encore le dernier 
rang, 

Nombre 
des naissances 
l^ts europdons. par 1 000 habiUnts. 

Hongrie 42,8 

Autriche 39,7 

Espagne 39,3 

ItaUe. 37,1 

Pays-Bas 36,2 

Angleterre 35,3 

AUemagne. . 35,1 

Be(gique 31 ,8 

Danemark 31,2 

SuMe 30,9 

Norvftge 30,8 

Suisse 30,& 

France 21,4 

Nous ne pouvons nous empdcher de faire remarquer 
qu'entre la France et la Suisse, qui la pr6c^de imm^diatement, 
r^cart est de 9,2, tandis que de la Suisse a la Hongrie la diffe- 
rence totals n'est que de 12,2. C'est-Ji-dire de 1 en moyenne 
entre chaque nation. 

Si int^ressante et si importante que soit T^tude des causes 
de cette st^rilit^, nous ne croyons pas pouvoir I'aborder sans 
sortir des limites de la question qui nous poeupe, et dans 
laquelle la p^nurie des naissances n'intervient- elle-m6me que 
comme argument. 

Nous passons done imm^diatement ft la mortalit6, et puis- 
qu'il s'agit de Tenfance, ft la mortality infantile. 



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2C6 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

II y a chez nous excfes de d^c5s du premier 4ge. 

D'une communication faitc k TAcad^mie de m^decine le 
14 Janvier 1896 par le D*" Lagneau, il r^suite que sur 875888 
d6c5s survenus en 1893, 133 618, soit plus du sixifeme, repr^ 
sentaient des sujets 4g6s de moins d'un an. 

De 1887 Ji 1891, sur 4 366987 enfants n^s vivants,il en est 
mort 706 887, soit 16,1 p. lOOavantTaged'unan, ainsi r^partis 
suivant rann6e. 

Anodes. Naissances. Ddcfes. Tantieme. 

1887 899333 U4934 i6,li p. 100 

1888 882639 145829 16,52 — 

1889 880579 136087 15,45 — 

1890 838059 142271 16,97 — 

1891 866377 137766 15,90 — 

Notre taux de mortality, d'aprfts ces donn^es, oscille autour 
de 16 p. 100 pour la premifere ann^e de Texistence ; nous n'avons 
pas les renseignements pour la p^riode 1892-96, mais il est 
probable qu'ils ne modifieraient gu^re la proportion, s'ils la 
modifiaient. Acceptons done comme vrai ce chiflFre de 16 p. 100. 

Au dernier rang parmi les peuples comme natality, notre 
int^rfet nous fait un devoir de conserver le plus grand nombre 
possible d'existences. Eh bien ! sous ce rapport encore, loin 
d'occuper, je ne dirai pas le premier rang, mais une place sim- 
plement honorable, nous nous tenons dans les demiers ; t^moin 
le tableau suivant qui donne la proportion des d^c^s de ft 
1 an, sur 100 enfants n6s vivants, calcul^e sur une p6riode de 
cinq ans. 

Nombre des ddcte 
fitats enropdens. sur 100 enfants. 

Danemark 9,32 

Norv^ge 10,33 

HoUande 11,37 

SuSde 14,35 

Angleterre 15,39 

Belgique 15,53 

France 16,10 

Espagne 17,07 

Autriche 17,33 

Prusse 20,05 



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PROTECTION DE L'ENFANCE AU CONGKfeS DE ROUEN. 237 

Ainsi, non seulement la France est un des pays od il ncdt 
le moins d'enfants, mais encore un de ceux od il en meurt le plus. 
Les consequences d'un pareil 6tat de choses sont trop visibles 
pour qu'il soil n^cessaire dlnsister. Mais de ces deux facteurs 
de la depopulation, si la diminution de la natality ^chappe 
k peu pr^s compl^tement k Taction sociale, une 6nergique in- 
tervention pent, au contraire, r^duire sensiblement la morta- 
lity. Bouchons les fissures qui alimentent la mort, organisons 
lalutte pour la vie avec toutes nos ressources scientifiques ; 
nous sommes persuadds que nos efforts ne resteront pas std- 
riles et que nous aurons tout lieu de nous feliciter des rdsultats. 

Sans doute, le nombre des naissances a une importance 
incontestable y mais celui des survies en a au moins autant^ 
sinon plus. Rapprochons les unes des autres les statistiques qui 
prdcMent, elles suffiront k nous 6clairer. L'Autriche et TEs- 
pagne qui tiennent le premier rang comme natality n'arrivent 
que dans un rang moyen comme accroissement de popula- 
tion par suite d'une mortality infantile excessive. Au contraire, 
le Danemark, la Su^de et la Norv^ge, relativement peu proli- 
fiques, sont k la tete des nations comme accroissement, parce 
qu'elles sont celles qui perdent le moins d'enfants. 

Que la France suive Texemple de ces derni^res et cherche 
k conserver le plus grand nombre possible d'existences qui 
viennentk la vie, et ellene verra plus, comme en 1895, lesddcfes 
surpasser les naissances de 18 000. II est n6 pendant cette annde 
834 173 enfants sur lesquels, d'apr^sle taux moyen de 16 p. 100, 
il en serait d6c6d6 133 467. Calculus au taux du Danemark 
(9,32), les d6cbs ne s'6lfeveraient qu'^ 77 744 etnous laisseraient 
55723 survies de plus. 

Pendant la p6riode 1887-91, les ddcfts des uouveau-n6s se 
sont eievds i 696 887 ; rdduits k la proportion du Danemark, 
ils n'auraient pas ddpassd 405936, doti un gain de 290 951 
existences pour ces cinq anndes, c'est-Ji-dire plus d'un demi- 
million en dix ans. 

En attendant que, par d'autres moyens, on arrfite la depo- 
pulation, avouons que nous sommes bien coupables de negliger 
celui-li, it moins que ce qui est possible en Danemark ne le 



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238 REVUE PIULA^THHOPJQUE. 

soit pas en France. Nous ^tablirons tout h trheure que nous 
pouYons r6alUer le mdme progr^s <que ce petit peuple du 
Nord. 

Mais ladfipopulaiion n'est pas la seule forme que revdte. le 
p6ril social, .il se manifeate ^ous des apparences tout aussi re- 
doutables et tout aussi menaQantes avec la progression de la 
criminalitd ohez les enfants. Si, apr&s iles statistiques de mor- 
tality, nous consultionsceJles.de la criminality, nous serious 
effray6s du nombre de ceux qui n'dchappentii la mort que pour 
tomber dans le vice ou dans le crime. Un coup d'oeil settle- 
ment. 

De 1826 a 1880, tandis que les d^lits de droit commun 
avaient triple chez les adultes, ils avaient quadruple chez les 
jeunes gens et presque triple chez les jeunes fiUes. Quant aux 
enfants poursuivis, le nombre en avait double. De 1880 h 1893, 
I'augmentation est beaucoup plus rapide : le nombre des en- 
fants criminels s'accroit du quart, tandis que celui des adultes 
s'accroit seulement du neuvi^me. Et hien que les mineurs 
de 7 Ji 16 ans ne repr&entent pas 7 millions d'individus, 
tandis que les adultes en comptent plus de 20, la criminality 
des premiers d^passe presque du double aujourd'hui celle des 
seconds. La prostitution va aussi en croissant, et on aesttm^ k 
40 000 en dix ans le nombre des enfants atteints. Quant aux 
suicides, ils ont 6t6 de87 en 1893 pour les enfants de moins de 
16 ans. Et ce n'est pas seulement le nombre qui progresse; 
selonM. Adolphe Guillot, on remarque dans les actes des jeunes 
accuses « une exag^ration de f^rocit^, une recherche de lubri- 
city, une forfanterie de vice qui ne se rencontrent pas au 
mdme degr6 k un ftge plus avanc6 ». 

Nous bornerons \k ces douloureuses constatations. 

Au nom du Droit de Tenfant et au nom de Tintfer^t social, 
nous pouvons d^ormais soutenir hardiment cette th^e de la 
protection sociale ^tendue k tous les enfants et conclure avec 
les Dibats « qu'il faut les d6fendre de bonne heure et long- 
temps^ les prot^ger contre la maladie et contre la mort, contre 
les gens et contre les choses qui les menacent, contre leurs 
parents eux-m6mes, h(Slas ! contre la rue qui les attend et qui les 



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PROTECTION DE L'ENFANGE AU (GONGRfeS DE ROUEN. «39 

coFTompt, contre les mauvaises companies i]ui les perdent, 
contre leCode et la pj^ison, car la justice ne leur.est pas ftou- 
jours assez tendre, bref, contre les dangers, les entratnements 
et les ^preuves de toute nature ». 

Le principe ^tabli, il reste & dire ce que doit 6tre cette pro- 
tection. De suite, on comprend qu'elle doit diif^rer avec les 
6poques de la vie. Le b6b6 au berceau, lebambin qui fait ses 
premiers pas « offrant de toutes parts sa jeune &me h la vie » ne 
r^lament pas la mfime intervention que le gargonnet et la filiette 
d'4ge scolaire, et ceux-ci n-ont pas k redouter les m6mes 6cueils 
que Tadolescent qui entre dans la p^riode de puberty. De Ih, 
trois stades dans la protection : dependant la p6riode enfan- 
tine; 2** pendant la p6riode scolaire ; H® pendant Tadolescence. 

Etant donnas le programme et le caract^re du Gongr^s, nous 
ne croyons pas devoir entrer dans Texamen d6taill6 de la pro- 
tection Si chacune deces pdriodes. Nous nous bornerons Ji rap- 
plication h la premiere enfance. 

A cet &ge, la question de vie ou de mort prime toutes les 
autres; elle est, pour ainsi dire, la seule et.c'estessentiellement 
d'hygifene qu'il s'agit. S'il est vrai qu'on ait k ddplorer les 
cruautfe de parents barbares, ce n'est fort heureusement qu'& 
r^tat d'exceptions ; mais qui a jamais d6nombr6 les viotimes de 
Fignorance dans laquelle sont toutes les m^res des soins k 
donner aux nouveau-nds? Avec le D*" Brochard, on pent af- 
firmer que la veritable cause de la mortality du premier 4ge 
est rinexp^rience des mferes avec tout son cortege de pr^jugfe 
et de fautes contre Thygifene. 

Ici, ime alimentation d6fectueuse est la grande pourvoyeuse 
de la mort ; Iky un emmaillotement stupide fabrique des estro- 
pi^s et des infirmes ; ailleurs les rem^des de (c bonnes femmes » 
aggravent les maladies au lieu de les gu6rir ; plus loin, on 
inflige de v^ritables soufiErances avec la conviction de procurer 
la sant^, telles ces expositions sur la dalle froide d'un tombeau, 
k Villers-SaintrS^pulore (Oise), d6clar6es infaillibles contre le 



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240 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

carreau. Gombien de maladies de la peau sont dues & la salet^! 
Gombien d'aflfections c6r6brales sont dues k la crasse de la t6te, 
aux croAtes laiteuses pour lesquelles on professe partout un 
saint et profond respect ! Gombien d'enfants s'enrhument, 
deviennent rachitiques, parce qu'on les couche sur la plume 
ou qu'on met leur berceau prfes d'un mur humide ! 

Est-ce que dans ce d^partement de la Seine-Infifirieure 
m^me, on ne voit pas des m^res demander Taumdne et entre- 
prendre avec cet argent de « Thumiliation et de la penitence » 
un pfelerinage au Neufbourg ou ailleurs, pour aller chercher la 
gu^rison du « mal de Saint-Main » ou de toute autre affection 
dont leurs enfants seraient pr^serv^s par des soins ^clair6s? 
Une heure de chemin de fer nous conduirait en plein pays de 
Caux, oil, sans grandes rccherches, nous trouverions de pauvres 
b6b6s dans une « tournette » ou « potence ». Entrain6s par 
leur propre poids, ils tournent, les bras en Tair, suspendus 
sous les aisselles et offrent, selon la juste expression d'un m6- 
decin-inspecteur, Taspect d'un Z, la t6te port^e en avant et les 
jambes, trop faibles pour supporter Le poids du corps, trainant 
mis^rablement en arrifere. Nous y rencontrerions aussi Tusage 
de la « hotte », sorte de panier en osier, rappelant la forme 
d'une cruche k bifere, et dans laquelle on plante les enfants de- 
bout, serr^s dans leur maillot. 

Mais voici qui est plus douloureux encore. Dans le tr5s intd- 
ressant bulletin de la Soci6t(5 prolectrice de TEnfance, M. le 
D'de Welling constate que de 1887 k 1893, sur 7444 enfants d6- 
c6d6s avant F&ge d'un an, dans laville de Rouen, 3 892 soit 88 
p. 100, ont succomb6 k la diarrhde microbienne. Ces 3892 d6- 
c5s repr6sentent de v6ritables homicides, puisque la diarrh6e 
microbienne est une maladie dvitable par la sterilisation. 

On ne salt done pas 6lever les enfants. Or, si Topinion pent 
encore varier sur certaincs pratiques de Tdlevage, il y en a qui 
sont unanimement condamndes par la science et qui, par con- 
sequent, ne sauraient plus 6tre toldrdes, car, avec notre Emi- 
nent directeur, M. Monod, nous pensons que « ce qui 6tait 
permis quand on le jugeait inoflfensif, ne doit plus Tdtre 
quand on le salt nuisible ». Et de mdme que ]a loi est inter- 



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PROTECTION DE L'ENFANCE AU CONGRfeS DE ROUEN. 241 

venue pour assurer le d6veloppement de rintelligence de Ten- 
fant, elle doit intervenir pour assurer le d^veloppement du 
corps et sauvegarder parfois Texistence. Logiquement la pro- 
tection physique doit pr6c6der la protection intellectuelle. 

Mais sous quelle forme et par quels agents s'exercera cette 
action de la loi ? La r^ponse va nous 6tre foumie par la loi 
Roussel et ses r^sultats. 

En 1892, sur 102 408 enfants prot^g6s de ft 2 ans, il en 
est mort 9 357, soit 9,13 p. 100, tandis que nous avons vu que 
la mortality g^n^rale des enfants de ft 1 an oscille autour 
de 16 p. 100; elle atteint mdme 23,7 p. 100 dans TArd^che, 
23,8 dans les Hautes-Alpes et 23,9 dans la Seine-lnf^rieure. 
Dans ce dernier d^partement, en particulier, la mortality des 
nourrissons a 6t6 de 7,25 p. 100, soit une difference de 16,65. 
N'esl-ce pas ^norme ? Que la diminution naturelle de la mor- 
tality chez les nourrissons pendant la deuxi5me ann^e contri- 
bue ft augmenter T^cart entre les deux taux, nous le recon- 
naissons, mais cette cause ne saurait ft elle seule expliquer une 
difference aussi grande et il faut admettre — ce que les rap- 
ports officiels proclament depuis longtemps — « que les nour- 
rices bien dirigdes, bien conseill^es, finissent par suivre les 
conseils d'hygifene donn6s par les m^decins-inspecteurs, de 
sorte que leurs nourrissons se trouvent dans des conditions 
meilleures que nombre d'enfants eiev^s par leur mfere ». 

Eh bien ! si Tinspection m^dicale produit de si heureux 
effets chez les nourrices, pourquoi ne pas I'introduire dans la 
famille? 

Nous croyons avoir r^pondu aux objections de principe qui 
pourraient 6tre soulev6es, et nous ne voyons pas de difficult^s 
sirieuses dans la pratique. Dira-t-on que des parents refuseront 
de recevoir le m^decin ou de suivre ses conseils ? Ce ne serait 
en tout cas que des exceptions, et quand elles se manifeste- 
raient, on agirait comme dans toutes les circonstances oil il y 
a resistance ft la loi. En face du droit de Tenfant et, de Tinterfet 
de la societe, le droit du p^re doit s'incliner et, comme Ta dit 
M. le Directeur Monod, « la liberty de vivre doit avoir le pas 
sur la liberty de tuer ». 

nvm pmLAMTBRonQUE. — > ii. 16 



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242 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

Qu'on nous permette h ce sujet une remarque personnclle. 
Au cours de nos tourn^es, il nous est arriv^ quelquefois de nous 
rencontrer chez une nourrice avec la mftre de Tenfant et de 
faire des observations. En donnant la raison de telle prescrip- 
tion, enexpliquant les inconv^nienis ou les dangers de telle 
pratique, en montrant la surveillance uniquement pr^occup^e 
de la vie et de la 8ant6 de Tenfant, loin d'avoir k essuyer un 
refus et de voir la mfere prendre parti contre nous, nous avons, 
au contraire, toujours reQu des remerciments. 

Du reste, quelle est la m^re qui, aimant son enfant, ne 
serait heureuse d'avoir une sorte de directeur k consulter et de 
recevoir des conseils ^clair^s? Et puis, Ik oii Taffection ferait 
d^faut, Ic m^decin inspireraitune crainte salutairc. Sachant que 
Tenfant sera visits et examine chaque mois, les brutes redou- 
teraient TobII exerc6 du praticien et n'oseraient plus se livrer k 
loisir k la torture et perp^trer impun^ment un infanticide. Est- 
ce que les nourrices faiseuses d^anges n'ont pas disparu par- 
tout oil la protection fonctionne r6guliferement? II faut aussi 
que les mferes faiseuses (tanges, volontaires ou involontaires, 
disparaissent ; il faut que quelqu'un aille au foyer d6fendrc les 
petits contre Tignorance et les pr^jug^s ; il faut qu'une senti- 
nelle veille autour des berceaux prdte k jeter Talarme si, mal* 
gr6 tout, Tenfant apparatt comme une victime. Nul ne saurait 
mieux remplir cette haute mission que le m^decin. 

Pour 6viter toute apparence vexatoire ou inquisitoriale, 
tout froissement de susceptibility, rien n'emp^cherait de dis- 
penser de la visite du m^decin-inspecteur les families qui en 
t6moigneraient le d^sir, sous reserve qu'elles feraient visiter 
leurs enfants par un m^decin de leur choix et que celui-ci four- 
nirait la preuve de ses visites mensuelles ; ainsi, la liberty des 
parents serait respectfie^jusqu'i Textrfime limite oil elle reste 
compatible avec les droits de Tenfant. Cette m^thode ne serait 
que I'application de la rfegle suivie en mati^re d'instruction 
obligatoire. 

Si les parents pr^fferent les ^coles privies ou T^ducation 
dans la famille aux 6coles et it Tenseignement de TEtat, ils 
sont absolument libres ; ce qui leur a 6t6 retire, c'est la liberty 



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PROTECTION DE L'ENFANGE AU GONGRfeS DE ROUEN. 243 

de choisir entre Finstruction et rignorance. De mdmey ils 
seraient libres de choisir le m^decin qui leur conviendrait pour 
veiller au d6veloppement physique ; la soci^t6 n'aurait pas k 
imposer le sien, mais elle ne permettrait plus Tabsence de sur- 
veillance et de direction. 

En presence des petits martyrs et de la depopulation^ le 
' droit de Tenfant & la vie ne sauraitfitre trop hautement affirm^, 

j Bt la society doit assumer r^solument le devoir de le garantir 

I envers et contre tons ; trop longtemps le d^veloppement de ces 

I fr^les existences a 6t6 abandonn^ aux caprices du hasard ou aux 

fantaisies de I'ignorance ; il faut ^clairer la tendresse des pa- 
rents, au besoin leur imposer la lumi^re ; il faut que les progr^s 
de la science avec les pr6ceptes de Thygi^ne aillent k tons les 
berceaux porter la sant6, ce pr^cieux talisman sans lequel la 
vie n'est qu'un p6nible fardeau. 

A. GAMBILLARD. 

A la suite de ce rapport, le Congrfts a adopts le vcbu suivant, 
I sign6 par MM. Andr^ Leffevre, Paul Strauss et Cambillard : 

] Les families devront produire tons les deux mois un certificat medical 

J conslalant que Tenfant de 4 1 an est 8oign6 conform^ment aux regies 

^elliygi^ne. 

^ certificat 6manera soit d'un m^decin choisi par la famille, soit, si 
c«Il€-ci en fait la demande, d'un m^decin d6sign6 par TAdministration (et 
flODl les visites poorront 6tre gratuites). 

^° cas oil le certificat ne serait pas produit en temps touIu par la 
'^imUe, l*autorit^ administrative pourra faire proc6der d'office k la visite 
^'^^'examenderenfant. 



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LE SANATORIUM D ANGICOURT 



ET LA 



CURABIUTfi DE LA TUBERCULOSE PDLMONAIRE 



La creation, par TAssistance publique de Paris, du sanato- 
rium d'Angicourt pour tubercaleux pauvres, constitue Tune 
des tentatives les plus nouvelles, et la plus int^ressante au 
point de vue de la th^rapeutique m^dicale qui ait 616 faite de- 
puis bien longtemps. Malheureusement, comme toutes les 
creations d'ordre tout k fait nouveau, celle-ci a rencontr6 des 
difficult6s sansnombre. Bien que les premiers projets remontent 
k 1886, il est encore impossible de pr^voir T^poque probable 
de Tachfevement. Cette tentative, jusqu'ici incomplfete,n'en four- 
nit pas moins un important objet d'dtude. G'est le premier 
essai d'application d'un principe qui tend de plus en plus k 
pr6valoir Ji Tdtranger, et qu'on pent r^sumer dans cette brfeve 
formule « les hdpitaux k la campagne ». Les oeuvres d'assis- 
tance priv^e s'int^ressant k la tuberculose, sont d'ailleurs au- 
jourd'hui de plus en plus nombreuses. Pour elles aussi, les r6- 
sultats obtenus dans les ^tablissements analogues de T^tranger, 
I'histoire brifevement r^sum^e dela tentative officielle frauQaise, 
ofiFre un r6el int^rfet. 

I 

La p^riode de constitution ou plutdt de discussion du sa- 
natorium d'Angicourt fut une p^riode de septicisme predomi- 
nant. Sans doute, les r^sultats th^rapeutiques obtenus par le 



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r 



LE SANATORIUM D'ANdlCOURT. 245 

traitement de la tuberculose dans les sanatoria allemands ne 
pouvaient ^tre discut^s. Les chiflfres de 24 p . 1 00 de gu6risons ob- 
tenues, k Falkenstein, de 27 p. 1 00 de gu^risons obtenues k Hohen- 
honnef, indiqu^s par M. Paul Strauss, dans un rapport qui fut 
d^cisif, ^taient singuliferement encourageants. Mais contre ces 
chiffres une objection revenait, toujours formulae, m6me par 
qnelques m6decins. Ces gu^risons ont 6t6 obtenues chez des 
malades de la classe ais^e et payante. Angicourt, r^serv^ aux 
maiades de la classe pauvre, donnera-t-il d'aussi heureux r^- 
sultats? Et Fid^e de la transformation en un simple asile de 
vieillards fut m^me un moment discutSe. 

En r^fl^chissant, il 6tait facile de concevoir que, mis k ^ga- 
lit^ de conditions hygi^niques, les tuberculeux pauvres devaient 
gu^rir tout aussi bien que les riches. Un fait curieux sur lequel 
insistait jadis beaucoup mon regrett^ maitre de Thdpital de 
Berck, M. Cazin, pouvait m6me faire pressentir qu'ils gu6ri- 
raient mieux que les riches. A Berck, en efiFet, les gu^risons et 
les ameliorations sont encore infiniment plus rapides et plus 
nombreuses chez les enfants tuberculeux de Thdpital que chez 
les enfants riches de la plage. C'est que, chez les premiers, la 
tuberculose est en quelque sorte accidentelle, cr6de artificielle- 
ment par le manque d'air et de soleil, la nourriture insuffi- 
sante. Mais cet argument ne sufhsait pas k convaincre les 
incr^dules. Quand, en 1894, Taffiche d'adjudication des travaux 
fot enfin pos^e pen de temps aprfes le rapport de M. Paul 
Strauss, cette affiche portant en t6te : construction d'un hospice 
^^ phtisiques, le mot hospice ne semblait pas indiquer de bien 
pandes esp^rances de gu^risons. 

Mais, depuis 1894, des sanatoria pour tuberculeux pauvres 
se sout cr6^s un peu partout. Un pen partout, sauf en France, 
d ou la premifere id^e 6tait cependant partie, et oil n*existent 
encore que les sanatoria sp^ciaux pour enfants tuberculeux de 
ViiJepinteetd'Ormesson. Les r^sultats deces deux^tablissements 
"^PJ^visfe en quelques mois,parrinitiativepriv6e, 30 p. 100 de 
S^*rtson8, pouvaient 6tre discut^s comme s'appliquant k Tadulte. 
Mais les r^sultats des sanatoria pour tuberculeux pauvres de 
*^^Ikenstein, de Rehburg, de GcerbersdorfT sont singuli^rement 



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246 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

encourageants. A Falkenstein , oti les malades sont reQus k 
toutes les p^riodes de la phtisie et s6journent douze semaines 
seulement, 102 malades sur 133 trait6s en un an,sont tr^s am£* 
lior^s. L'augmentation du poids est en moyenne de 7 livres. 
La disparition complete des bacilles dans les crachats est 
not^e dans 10 p. 100 des cas. Au Rehburg,sur 170 tuberculeux 
soign^s en deux ans,63 (37 p. 100) quittent le sanatorium, con- 
sid^r^s comme gu^ris, 67 (38 p. 100) sont am^lior6s. — A Goer- 
bersdorfiF, le D' Weicker 6tudie, non la gu^rison on Fam^- 
lioration, mais Taptitude au travail h la sortie, ^l^ment plus 
facilement appreciable. Sur 65 malades soign^s, 47 avaient 
recouvr^ cette aptitude k leur sortie. Chez 40 de ces malades 
I'aptitude au travail avait persists au bout d'un an. — II serait 
facile de multiplier ces exemples, comme I'a fait M. Beaulavon 
dans un excellent travail sur les sanatoria pour phtisiques in- 
digents k retranger, paru r^cemment dans la Revue de la 
tuber culose. En Suisse, au sanatorium du Schwendi; en Angle- 
terre, aux sanatoria de Vendnor, d'Adirondack, les r^sultats sont 
6galement satisfaisants. 

Comment s'expliquer ces r^sultats surprenants dans une 
affection g^n^ralement regardi^e comme si grave? S'il s'agissait 
de plaider uniquement le proofs d'Angicourt, il suffirait d'enre- 
gistrer ces nombreusesgu^risons, sans en rechercher les causes. 
Mais TAssistance publique, dans son projet de campagne contre 
la tuberculose, a decide la creation de deux sanatoria intra- 
urbains. Tun k Thdpital Saint-Antoine, Tautre k Thdpital Cochin. 
Ces sanatoria intra-urbains, dont les plans sont d'ailleurs fort 
remarquables, seront certainement commences etprobablement 
m6me terminus avant Tachdvement d'Angicourt. Si le mot de 
sanatorium a pour but d'augmenter les illusions des malades 
qui y sonttrait6s,on ne pent qu'approuver cette pens^e pieuse. 
Mais si Ton s'imagine vraiment que la cure d'air, le grand ele- 
ment de succfesdans les sanatoria, puisse se faire aussi bien avec 
Tair du faubourg Saint-Jacques et du faubourg Saint-Antoine, 
qu'avec Fair de la pleine campagne, cela m^rite discussion. 

La cure d'air permanente prolong^e jour et nuit est le prin- 
cipe mdme du traitement des sanatoria. La quality m6me de 



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LE SANATORIUM D'ANGICOURT. 247 

I'air n'est pas plus indifr6reiite pour cette cure que ne Test la 
bonne quality des aliments pour le deuxifeme 6l6ment du trai- 
tementy pour la suralimentation. Bien des raisons th^oriques 
ont dt6 donn^es pour expliquer cette efficacit6 de Tair pur de 
la pleine campagne. On a suppose que cet air, tr5s pauvre en 
germes, nettoyait m^caniquement les bronches et les poumons, 
tandisque I'air des villes, Fair rerespir6 comme Tappellent les 
m^decins anglais, apporte sans cesse des germes nouveaux. A 
cet 6gard, Taction purifiante de Tair des villes pourrait done 
6tre compar^e k celle d'un bain pris dans une eau bien sale. On 
a invoqu^, pour expliquer Taction plus particuUftrement favo- 
rable des sanatoria situ^s en pleines for^ts, la presence de 
Tozone. Dans Tincomparable action de cet agent physique, Tair 
pur, bien des donn^es sont encore inconnues. L'argon par 
exemple, ce composant qui semble avoir une importance r^elle, 
est i peine connu d'hier. Mais, sans s'attarder aux raisons 
th^oriques, il y a 1& un fait de simple bon sens : si quelque m6- 
decin croit que Tair de Paris favorise la respiration, reveille les 
forces et stimule Tapp^tit aussi bien que Tair de la pleine 
campagne, je lui serais fort oblige de m'envoyer Tombre d'un 
fait justifiant son opinion. 

N'y eAt-il m6me que Texcitation de Tapp6tit, ce fait banal 
et joumalier qui s'observe dfes le second jour de toute arriv^e 
k la campagne, qu'il y aurait Ih un 6l6ment preponderant. La 
suralimentation, cet excellent trait ement de la phtisie pulmo- 
naire qu^a imaging M. Debove, se trouve prodigieusement faci- 
lit^e. Au Schwendi, une des preoccupations du rfeglement est 
d'emp6cher les malades de manger en dehors des six repas 
reglementaires. Voil& une debauche d'appetit qui ne sera sans 
doute gu^re k craindre dans les sanatoria intra-urbains. Un der- 
nier fait justifierait, si c'etait n^cessaire, cette efficacite de Tair 
pur au point de vue de la suralimentation. Nombre de maladies 
d estomac m6me independantes de toute tuberculose se trouvent 
Irfes favorablement influencees par une hygifene plus ou moins 
analogue k celle des sanatoria oh la cure d'air au repos occupe 
au debut le principal rdle. Et c'est peut-etre k la pratique des 
sanatoria qu'on pent emprunter les meilleurs moyens de trai- 



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248 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

tement de ces affections si tenaces et si rebelles k tout traitement 
m6dicamenteux. Les constructions 6lev6es h grands frais dans 
Paris, pour le traitement des . tuberculeux curables, pourront 
6tre 6gales, sup6rieures mfime, au point de vue hygi^nique, i 
celles d'Angicourt. Au point de vue th6rapeutique, on pent 
parier k Tavance qu'elles ne donneront pas les mdmes r^sultats. 

II 

La situation topographique du domaine d'Angicourt est en 
effet des plus favorables. Son dtendue atteignait, au moment du 
premier achat, 28 hectares. Cette 6tendue ^tait d^jii considerable. 
G'est exactement la superficie sur laquelle, k Paris, le quartier 
Bonne-Nouvelie r^unit et entasse ses trente mille habitants. 
Depuis, une s^rie d'acquisitions successives ont regularise les 
contours un peu irreguliers du terrain primitif et ont augments 
son etendue de prfes de moitie. 

La configuration gen^rale, assez accidentde, est celle d'un 
plateau boise, sillonne en tons sens par deux valines d'orienta* 
tion differente, et par des ravins profonds. L'altitude de ce pla- 
teau atteint une centaine de metres. II est entourd de toute une 
s6rie de collines plus ou moins 6lev6es, en majeure partie bois^es 
de sapins. L'immunit6 singulifere dont jouissent, k regard de la 
tuberculose, l^s campagnes eiev6es, entour^es dc for6ts, est un 
fait bien connu, d^montr^ surtout par les travaux de M. Des- 
hayes de Rouen. L'usage ancien, usage renfermant une part de 
v6rit6, de tbujours choisir pour le s^jour des tuberculeux les 
localit^s o{i la tuberculose spontan6e est rare, trouve done ici 
satisfaction. 

Bien que la propri6t^ renferme une source tr^s abondante, le 
sol du plateau n*offre nulle part trace d'humidit^; cette eau 
d'ailleurs est une eau courante, offrant cet avantage de consti- 
tuer une exceliente eau de source. Les brouillards ne sont pas 
non plus tr^s k craindre k cette altitude, malgr^ le voisinage des 
grands bois. 

Le vent assez violent qui r^gne sur le plateau d'Angicourt, 
comme sur tons les ^plateaux Isolds et un peu 6lev6s, exigeait 



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LE SANATORIUM D'ANGIGOURT. 249 

seul quelques precautions sp^ciales dans r^dification des b&ti- 
ments. Ces precautions ont 6t6 fort habilement prises par Tar- 
chitecte M. Belouvet. La forme de chaque pavilion oflFrant une 
partie mediane, flanqu^e de deux ailes k angle obtus, Forienta- 
tion de ces pavilions vers le sud-est garantit au centre un es- 
pace lai^ement ensoleill6 et sufiisamment abrit6 contre les 
vents les plus froids. Dans le pare mdme, les nombreuses de- 
pressions de terrain permettent de constituer facilement d'autres 
abris. 

Le premier pavilion, le seul actuellement en construction, a 
m6me fait Tobjet, au point de vue de la protection contre le 
vent, d'un travail des plus considerables. D'enormes deblais^ 
enlevant pr^s de 160000 metres cubes de terre, ont ete faits 
de fa(^n k etablir le rez-de-chaussee k six mfetres en contre- 
bas du sol du plateau. Le b&timent se trouve ainsi place dans 
une depression artificielle. Les depenses necessitees par ce tra- 
vail, les difficultes qu'a donnees la rencontre, k cette profon- 
deur, d'un sol devenu mouvant et necessitant I'emploi de pilotis, 
feront sans doute abandonner, pour le deuxi^me pavilion ce 
syst^me d'une construction en contre-bas. Un simple talus de 
remblai, plante d'arbres, situe en arriere des b^timents, ana- 
logue k ces brise- vents si frequents dans les clos de Normandie, 
doit avoir un effet prolecteur presque analogue avec une grande 
difference d'economie. 

Tous les details de construction ont ete calcules pour la 
construction d'un sanatorium module. Aucun malade ne sera 
couche au rez-de-chaussee. Les chambres du premier etage 
auront au plus huit iits. Beaucoup sont k deux et mftme k un 
lit. En avant du pavilion, s'etendra une vaste marquise permet- 
tant aux malades, mdme par les plus mauvais temps, de rester 
k I'air etendus sur une chaise longue. Le chauffage sera assure 
par un calorif^re k vapeur et k eau chaude, seul moyen assez 
puissant pour entretenir une temperature suffisamment elevee 
dans les chambres des malades. Le principe de la cure d'air 
exige en effet que les fenfetres restent ouvertes k pen pr^s par 
tous les temps. L'edairage sera fait exclusivement k la lumibre 
electrique. L'alimentation du sanatorium en eau potable et sur- 



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250 BEVUE PHILANTHROPIQUE. 

tout r^puration de toutes les eaux souill^es ont ^galement 
n^cessitd d'int^ressants travaux. 

Malheureusement, les credits disponibles ne permettent 
r^dification que des services g^n^raux, et de la moiti6 d'un des 
pavilions de 100 malades. II fut un moment question d'inau- 
gurer le sanatorium avec 50 malades seulement. Cette solution 
aurait permis un ach^vement rapide. Peut-fetre mfime les r6- 
sultats auraient-ils 616 plus certains. Tons les sanatoria pour 
tuborculeux pauvres ne renferment qu*un nombre de lits des 
plus restreintSy 26 au d^but puis 75 seulement k Falkenstein, 
30 au Rehburg, 25 k GoerbersdorflF, 24 au Schwendi. L'accumu- 
lation des malades, si bonnes que soient les dispositions hy- 
gi^niques,ne permet plus cette surveillance m^dicale de tous les 
instants, la condition principale des succ^s des sanatoria. Le 
chiffre de 100 lits, auquel on s'est arrfet^ pour Tinauguration 
d'Angicourt, est d6}k considerable. Le chiffre de 200 lits, qui 
doit fetre atteint plus tard, offrira des difficult^s r^elles de 
rfeglement int^rieur pour ne pas transformer en un simple 
hdpital ce qui doit 6tre un sanatorium. 

Actuellement d'ailleurs, Targent parait manquer et man- 
quera peut-fitre encore longtemps, pour aller au deli de 50 lits. 
Les besoins de TAssistance publique sont si nombreux et si 
varies que Tallocation n^cessaire, qu'on la demande au Gonseil 
municipal ou k la commission du pari mutuel, semble devoir 
se faire attendre. Jusqu'ici les d-marches tent^es n'ont abouti 
qu'i des promesses vagues. II est done impossible de pr6voir, k 
plusieurs ann^es pr^s, T^poque de Tach^vement d'Angicourt. 

Ces retards sont fftcheux pour les malades. Actuellement 
les chances de gu^rison des tuberculeux dans les h6pitaux de 
Paris peuvent 6tre k bien pen de choses pr6s r6sum6es dans le 
mot ^nergique de Grancher : « lis y meurent tous. » Ce qui est 
vrai du traitement k Thdpital, Test plus encore du traitement 
dans les bureaux de bienfaisance. C'est un m^decin des bureaux 
de bienfaisance qui a 6crit la phrase d^sesp^rfie : « A Paris Tas- 
sistance des tuberculeux sous toutes ses formes se r6duit d. 
rien. » 

Au point de vue du plan gdn^ral de la lutte contre la tuber- 



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LE SANATORIUM D'ANGICOUHT. 851 

culose, il est non moins f&cheux qu*avant d'adopter dans les 
hdpitaux ordinaires toute une s^rie de mesures dispendieuses, 
les r^sultats du traitement d'Angicourt ne soient pas encore 
connus. Sans doute^ si favorables que soient ces rdsultats, Tisole- 
ment des phtisiques trop avanc^s et manifestement incurables 
continuera k s'imposer et devra 6tre fait sur place sans leur 
imposer de voyages inutiles. Mais les malades curaUes consti- 
tueront toujours Timmense majority. L'aphorisme du vieil Hip- 
pocrate : « La tuberculose est la plus curable de toutes les 
maladies », oubli^ pendant des si^cles est aujourd'hui de nou- 
veau reconnu comme vrai. Sans doute, on essaiera bien de 
trailer ces malades curables dans les sanatoria intra-urbains 
de Saint-Antoine et de Cochin. L'installation, toute question 
d'air mise k part, sera parfaite ; les soins les plus d^vou^s, les 
plus ^clair6s ne leur manqueront pas. Mais, dans cette voie 
nouvelle, on marche sans s'appuyer sur aucune experience 
ant^rieure. Tons les beaux r^sultats signal^s plus haut ont €t6 
obtenus k la campagne, en pleine campagne. II semblerait done 
prudent et logique d'attendre les rdsultats que donnera le sana- 
torium rural avant d'entreprendre cette creation absolument 
nouvelle et un pen suspecte des sanatoria intra-urbains. 

D' A.-F. PLICQUE. 



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ENFANTS OUVRIERS 



II y a cinquante ans que quelques personnes se groupferent 
pour fonder la Sociiti protectrice des antmauXy et la loi de 
Grammont fut vot^e en 1850. 

Prot^ger les animaux.c'est bien ; prot6ger^es jeunes ouvriers, 
c'est mieux, disent certains humanitaires. 

C'est ce qu'avaient compris, en 1874, les pouvoirs publics, 
mais cette loi trfes incomplete fut remplac^e par celle du 2 no- 
vembre 1892. 

Cette dernifere, compldt^e par des 'd6crets et arr6t6s, limite 
lajoum6ttde travail ponr les enfants au-dessous de 18 ans, 
exige qu'ils aient un jour de repos par semaine, les rend libres 
les jours de fdtes ligales. Elle r^glemente les charges qu'ils 
peuvent sans danger, suivant leur ftge, porter, pousser ou 
trainer h Tint^rieur des ateliers comme sur la voie publique et 
interdit pour eux les travaux nuisibles et dangereux. 

Des inspecteurs sp^ciaux sont charges de Tex^cution de cette 
loi, mais leur nombre, tout au moins pour Paris, est loin d'Mre 
suffisant, et seraient-ils plus nombreux, qu'ils ne pourraientse 
trouver sur tons les points de la voie publique ou des sur- 
chai^es d'enfants ont lieu d'fitre constat^es. 

Quant aux gardiens de la paix qui pourraient seconder les 
inspecteurs, ils ne se croient obliges k intervenir que lorsque 
les victimes se plaignent, ce qui ne se produit jamais pour dif- 
f^rentes raisons. 

U y a done lieu d'intervenir et de prot^ger quelquefois 
contre lui-m6me, Tenfant plein de courage et d'amour-propre. 

£mu des nombreuses plaintes concernant la fausse interpre- 
tation et le d^faut d'ex^cution de cette loi, destin6e & manager 
nos enfants k cet instant de leur formation oil les efforts et 



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ENFANTS OUVRIERS. 253 

les exc^s de fatigue peuvent compromeltre leur d6veloppement 
et mSme les estropier pour le restant de leur existence, 
M. Quillent, conseiller prud'homme ouvrier, a propose au comit6 
de vigilance des prud'hommes ouvriers du Conseil des m^taux 
et industries diverses, qui se compose des d^l^gu^s de Syndi- 
cats ressortissant k ce Conseil, de constituer, d'accord avec ses 
conseillers, une Union protectrice des jeunes travaiileurs des 
deux sexes (1). 

Son titre est son programme. 

Des soci6tds de ce genre existent d6j4 en grand nombre k 
r^tranger ; pour ^tablir une comparaison, dans les divers pays 
d'Europe, de Tetge auquel la loi admet que d'un enfant on 
puisse faire un ouvrier, je me suis rendu k TOffice du travail 
pour enqudter sur ce grave sujet. 

En France, d'apr^s la loi du 2 novembre 1892, Tadmission 
au travail est interdite avant V&ge auquel se terminent les obli- 
gations scolaires, soit 13 ans rdvolus, en g^n^ral de 12 k 13 ans, 
pour les enfants munis du certificat d'^tudes primaires : pour 
^tre admis au travail dans ce dernier cas, les enfants doivent 
produire, en outre, un certificat medical d'aptitude physique. 

En ce qui concerne sp^cialement Temploi des enfants dans 
les th^Mres, ils ne peuvent 6tre employes dans les represen- 
tations de theatres et caf^s-concerts s^dentaires avant T^ge de 
12 ans r^volus, sauf exceptions nominatives et relatives k la 
representation d'une pi^ce determinee, autoriseesparleministre 
de rinstruction publique k Paris et par les pr6fets dans les de- 
partements. 

Gette condition d'&ge est la seule limitation apportee k 
Femploi des enfants dans les theatres et cafes-concerts seden- 
taires, sauf pourtant ceux qui exicutent des tours de force 
perilleux et des exercices de dislocation. Pour ceux-li et pour 
tous les enfants employes dans des spectacles forains, c'est la 
loi speciale de 1874 qui reste applicable : elle interdit k tout in- 
dividuy m6me aux pfere et m?ire,de faire executer par les en- 
fants des tours de force perilleux ou des exerciees de dislocation 

(1) Sihge social, 27, boulevard Saint-Martin. 



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254 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

avant V&ge de 16 ans. Jusqu'i cet Age, ils ne doivent inline 
pas paraitre dans les spectacles forains^ sice n'est sous la direc- 
tion de leurs pfere et m^re, qui peuvent les employer dans leurs 
representations k partir de 12 ans. Toutefois, les dispositions 
sp^ciales d*un d^cret de mai 1893 interdisent Temploi des en- 
fants au-dessous de 18 ans dans les menageries quand elles 
renferment des bfites firoces ou venimeuses. 

Siy dans les pays d'Europe, nous commeuQons par ceux qui 
envoient le plus t6t Fenfant h Tatelier, nous Irouverons tout 
d'abord Tltalie od V&ge d'admission est de 9 ans dans les 
industries autres que celles des travaux souterrains et de 10 
ans dans ceux-ci; toutefois, avant T&ge de 15 ans, la loi n'ad- 
met les enfants de Tun et Tautre sexe au travail industriel que 
moyennant un certificat medical d'aptitude physique et 1 'obli- 
gation oil se trouve tout patron qui pent employer des enfants 
de cet &ge it en faire la declaration k Tautorite. 

Nous trouvons ensuite TEspagnCy dont les lois fixent unifor- 
m^ment & 10 ans pour Tun et Tautre sexe et pour toutes les 
industries T&ge d'admission au travail. U en est de mftme au 
Danemark, od cette limite est fix^e k i'&ge de 10 ans constate 
par un acte de naissance, et moyennant un certificat medical 
d'aptitude physique. 

Avec TAngleterre, nous arrivons jusqu'& TAge de 11 ans; 
jusqu'& 16 ans, les enfants ne peuvent travailler dans une 
fabrique sans etre munis du certificat medical qui est facul- 
tatif dans les ateliers de famille et les ateliers d'artisans. Le 
travail des enfants en Grande-Bretagne est soumis, dans toutes 
les categories d'etablissements, k un regime special, aujourd'hui 
abandonne par toutes les legislations europeennea, et qui est 
connu sous le nom de systfeme du demi-temps. Sous ce regime, 
Tenfant travaille, soit une demi-joumee chaque jour, soit une 
joumee entiere tons les deux jours, et consacre le reste de son 
temps k ses obligations scolaires. 

C'est la limite de 12 ans, nous Tavons dit, qui est le plus 
generalement adoptee par les Etats europeens; nous trouvons 
dans cette categoric : la Belgique, oti toutefois les travaux sou- 
terrains des mines et carriferes sont interdits aux fiUes et femmes 



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ENFANTS OUVRIERS. 255 

Ag^es de moins de 21 ans; les Pays-Bas, le grand-duch6 de 
Luxembourg, la Hongrie, la Sufede, la Russie. En Autrichey 
dans les fabriques, Tadmission au travail ne pent avoir lieu 
qu'aprfes 14 ans pour les deux sexes; dans ces ateliers, elle 
pent avoir lieu k partir de 12 ans; mais pendant les deux 
premieres ann6es, la nature de Toccupation doit 6tre subor- 
donn^e k T^tat de sant^ et de vigueur du jeune ouvrier. 

Par contre, au Portugal, Tadmission au travail ne pent 
avoir lieu qu'aprfes 12 ans accomplis; toutefois un d^cret pent 
autoriser certaines industries k occuper des enfants k partir de 
10 ans, k des travaux qui n'excfedent pas leurs forces; Fexer- 
cice de la profession d'acrobate n'est permis qu'aprds F&ge de 
16 ans. 

Avec TAUemagne, nous arrivons k une limite d*&ge plus 
^lev^e : Tftge d'admission des enfants au travail est, en effet, 
fix6 k 13 ans r^volus, avec cette restriction que les patrons 
priv6s de leurs droits civiques ne peuvent employer d'ouvrier 
kgi de moins de 18 ans. 

C'est la Suisse, nous Tavons dit, qui recule le plus le mo- 
ment od elle estime que, sans danger, Tenfant pent travailler; 
c*est en effet, jusqu'i 14 ans r^volus que les dispositions de la 
loi helv^tique interdisent le travail. 

II est int^ressant de conslater, entre des pays voisins, des 
differences aussi considerables quisemblent, ensomme,resulter 
beaucoup plus des diversit^s d'appr^ciation des l^gislateurs que 
de raisons logiques et inh^rentes au dSveloppement plus ou 
moins rapide de Tenfant et & sa faculty de travail. Agir autre- 
ment serait cependant humain et pratique. Voil& pourquoi 
Y Union pro tec trice des jeunes travailleurs des deux sexes orga- 
nise pour septembre 1898 un Congr^s international, afin que 
nous mesurions toute la distance qui nous s^pare encore 
d'un apprentissage bienfaisant et salutaire, pour le moral et 
le physique des jeunes travailleurs. 

F. MARTIN-GINOUVIER. 



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ASSISTANCE PAR LE TRAVAIL 



Une des formes de I'assistance appel^e, selonnous, Prendre 
de grands services est, sans contredit,rassislance par le travail. 

Les r^sultats obtenus par les diverses Soci^t^s fondles, tant 
en France qu'k T^tranger, pour pratiquer ce syst^me d'assis- 
tance, sont une preuve de ce que Ton en doit attend re lors- 
qu'une extension plus grande aura, d'une part, augment6 Tim- 
portance des socidtds existantes et, d'autre part, quand beaucoup 
de soci^t^s nouvelles existeront. 

Par assistance par le travail, on entend secourir les malheu- 
reux d'une manifere efficace sans qu'il y ait la moindre gftne 
pour ceux qui sont obliges d'avoir recours h la charity de leurs 
concitoyens. 

En efTet, Taumdne ordinaire qui consiste k remettre k de 
pauvre diables des secours directs, nous paratt humiliante pour 
ceux qui se trouvent dans la n6cessit6 de la soUiciter. 

De plus, les documents qui existent sur les multiples formes 
de la mendicity, prouventabsolument que, trois fois sur quatre, 
on oblige des professionnels, c'est-i-dire une cat6gorie d'indi- 
vidus peu int^ressants qui ont fait leur profession de mendier. 

« Tons ceux qui ont fait de la question de Tassistance Tob- 
jet de leurs preoccupations sp^ciales, sont unanimes pour re- 
connattre que le meilleur moyen de venir au secours de la ve- 
ritable misferec'est d*organiser Tassistance par le travail toutes 
les fois qu'il s'agira de secourir des n^cessiteux valides. 

« L' assistance par le travail a pour but de remplacer Tau- 
mdne par le travail et de demander un eflFort, un acte de 
bonne volonte k celui qui vient demander un secours. 



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ASSISTANCE PAR LE TRAVAIL. 257 

« L'assistancepar le travail ne s'adresseybienentendu^qu'aux 
valides. Ghaque fois qu'un homme ou une femme valides affir- 
ment itre des sans travail, rassistance par le travail les reQoit, 
lesloge, les nourrit, les chauffc et tes^claire. 

« En ^change de ces secours, elle leur demande de travailler 
quelques heures chaque jour. 

« Je dis quelques heures parce que les soci^t^s d'assistance 
parle travail laissent g^ndralement Sileurs assist^s la libre dis- 
position de leurs matinees, afin de pouvoirchercher et trouver 
i se placer. 

« Toutes les oeuvres d'assistance par le travail, sans aucune 
exception, perdent beaucoup d'argent et cela est tout naturel 
car le semblant de travail qu'elles ont organist n'a qu'un but : 
Eloigner les faux pauvres, attirer les vrais malheureux (1). » 

Si les soci6t6s d'assistance par le travail perdent beaucoup 
d'argent, et cela est vrai puisque nous allons le prouver im- 
m^diatement, elles ne sont done pas, comme le disait derni^re- 
ment un d6putd socialiste : un nouveau syst^me d'exploiter la 
misftre et de rabaisser les salaires de Touvrier. D'abord il ne 
saurait 6tre question ni de salaire, ni de travail. On se trouve 
en presence d'hommes et de femmes qui sont en ^tat de mis^re, 
d^nu^s de toutes ressources et talonn^s par la faim. Les travaux 
qui leur sont donnas ont un caract^re moral, destines h relever 
ileurspropres yeuxceux qui les acceptent et pour lesquels on 
leur donne des secours en ^change. En m6me temps, les direc- 
teurs des soci6t6s d*assistance par le travail ^tudient la mani^re 
dent travaillent leurs assist^s et cherchent k voir ceux qui md- 
^^n\ que Ton s'occupe d'eux d'une autre fagon. 

Car ces soci^t^s cherchent i placer dans le commerce, dans 
les ateliers, partoutoii elles peuvent ces sans-travail et elles y 
rtussissent assez bien, ainsi que le d6montrent les comptes ren- 
dus que nous poss^dons. 

Mais revenons k la prdtendue exploitation que nous signa- 
Hons tout k rheure. 

Dans lecompte rendu de Tassembl^e g6n6rale de 1895 dela 

(*) GtoRGEs Berry, Proposition de loi n» 11"0. Assistance par le travail. 

**VrB PHlLAKTHROnQUE. — II. 17 



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258 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

soci^t6 d'assistance des 8« et 17« arrondissements, nous trou- 
vons ce passage dans Texpos^ de la situation financi^re fait par 
M. Lalance, president. 

En 1894, les travaux des femmes ont rapports : 

Ventes d'objets fabriqu^s. . . 4 085 fr. 40 

Pour travaux divers 91 fr. 60 4177 francs. 

Et ont coiit6 : 

En salaires pay6s 6 908 fr. 35 

En mati&res achet^es 3 493 fr. 40 10 400 fr. 75. 

Soitun deficit de 6000 francs. 

Les travaux des hommes ont rapport6 : 

Vente de margotins 9 069 fr. 40 

Travaux interieurs 1611 fr. 80 10681 fr. 20. 

Et ont coiit6 : 

En salaires 16608 fr. 50 

En mati^res achet6es 6264 fr. 80 22 873 fr. 30. 

Soit un deficit de 12 000 francs. 

Et, au total, cela fait 18 000 francs de pertedans une ann^e. 

« On peut done dire, d'une faQon g6n6rale, que nous payons 
trois k quatre fois trop cher les travaux que nous faisons faire. 
Si nous ne donnions k nos assist^s que ce qu'ils gagnent r^elle- 
ment, ilsn'auraientpas de quoivivre. De plus, nous ferions con- 
currence k rindustrie priv6e. » Voici comment s'exprimait 
M. Lalance ; on peut en d^duire qu'aucune id6e de faire des b^- 
n^fices n'est jamais venue le guider dans Torganisation de la 
soci^t^ qu'il preside. 

Nous allons voir maintenant cequ'a fait FUniond'assistance 
du XVP arrondissement pour le placement des n^cessiteux qui 
m^ritaient un int^rftt particulier. 

Le compte rendu de Passembl^e g6n^rale de 1894 nous 
apprend que 181 personnes, dont 101 hommes et 80 femmes, ont 
6t6 pourvues, par ses soins, de travail d6finitif ou d'emplois. 

Dans le compte rendu de Fassembl^e g^n^rale de 1895, nous 
trouvons que 78 personnes, dont 48 hommes et 30 femmes ont 



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ASSISTANCE PAR LE TRAVAIL. 259 

U& plac^es dans les m6mes conditions que ci-dessus. Et le 
rapporteur ajoute : « Nous n'inscrivonssuria liste des placements 
que les personnes pourvues d*un emploi k demeure. 

« Lorsqu'il s'agit de travail ou d'emploi temporaire, nous les 
inscrivons dans lacat^gorie des personnes dont on s'est occupy ». 

Un point trfes int^ressant k connaitredans le fouctionnement 
des soci^t^s d'assistance par le travail est celui du service 
d'enqu6tes. Lorsqu'une personne se pr^senteavec un bon de tra- 
vail, en Tacceptant on lui demande son nom et son domicile 
et Ton fait une enqufite sur cette personne, non pas en allant 
demander des renseignements k la concierge, mais aupr^s du 
bureau de bienfaisance de Farrondissement, k la mairie, k 
Tassistance publique, aux soci^t^s d'assistance, en un mot par- 
tout oh celui qui veut vivre k ne rien faire pent s'adresser. 

Les r6ponses indiquent si Ton se trouve en presence d'un 
de ceux que pendant des ann^es Ton pent rencontrer comme 
M pauvre ouvrier sans travail » ou si Ton a affaire it un indigent 
momentan^ et duquel on doive s'occuper. Si nous voulions 
vous donner quelques exemples des trues des mendiants, nous 
n'aurions que Tembarras du choix. Mais lisez Touvrage d^ 
M. Paulian et celui de M. G. Berry sur la mendicity, et vous 
serez fix6. 

Pour que la charity publique ne soit pas exploit6e ind6fini- 
ment par des indignes, il faudrait que Tassistance par le travail 
ffttr^lement^e et organis^e dans toute la France. 

Dans Fouvrage de M. Albert Mar6chaux, sur Fassistance pu- 
blique, je d6tache le chapitre intitule: suppression de la mendi- 
city; Fassistance par le travail. 

1® La mendicity, sous quelque forme qu'elle soit exerc^e, 
est interdite sur tout le territoire de la R6publique. 

2* Tout individu dont les moyens d'existence, pour une 
cause quelconque, viendront k lui manquer, et qui n'aura ni 
parent, ni ami pour le secourir, devra en faire la declaration au 
comity d'assistance g^n6rale de la commune oti il se trouvera. 

S"" Si cette commune est celle de son domicile de secours, le 
comity lui procurera imm^diatement de Fouvrage ou lui remet- 
tra, en attendant, un secours provisoire. 



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260 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

l^ Si cette commune n'est pas celle de son domicile de se- 
courSy le comity lui fournirales moyens de r^int^grer librement 
son domicile de secours. Par cette declaration, il ^chappera aux 
prescriptions des articles 6, 7 et 8. 

5® Gependant, siun individu se trouvait trois fois dans le cas. 
pr^vu k Tarticle 4, il seraiti la troisifeme fois, reconduit k son 
domicile de secours, dansles conditions prescrites ^Tarticle 6. 

6® Tout individu, surpris mendiant sur la voie publique, sera 
imm6diatement conduit par les agents de Tautoritd devant le 
commissaire de police, dans les villes oh il existe un fonction* 
naire de cet ordre, ou devant le mairede la locality, danstoutes 
les autres villes ou communes. Apr^s avoir 6i6 interrog^ par ce 
magistrat, Finculp^ de mendicity sera amen6 devant leddl^gu^ 
du comity d'assistance g^n^rale de son domicile de secours qui 
lui procurera du travail ou un secours pro visoi re. 

Si son domicile de secours n*est pas dans la locality ou il a 
et6 trouv6 mendiant, il y sera ramen^ par les soins du magistrat 
qui aura procddd k son interrogatoire. 

Co magistrat enverra, le m6me jour, au pr^fet ou au sous- 
pr^fet, suivant la division administrative klaquelle ilappartient, 
un ex trait du registre sur lequel il aura consign^ I'interroga* 
toire de Tinculp^. 

Cet extrait devra indiquer : les noms et pr6noms de Tinculp^, 
son &ge, son domicile de secours, le lieu de sa naissance, sa 
profession et les motifs qn'il aura donnas pour se disculper. 

7® Tout individu qui se sera mis trois fois dans le cas d'fetre 
ramen^ k son domicile de secours dans les conditions 6nonc6es a 
Tarticle 6, ou qui aura cherch6 k s'^chapper des mains des agents 
de Tautoriti, aprfes avoir 6t6 par eux invito k les suivre, soit au 
commissariat de police, soit k la mairie, soit chez le d^I^gu^ du 
Comity de I'assistance g^ndrale, soit & son domicile de secours. 
sera livrS ^ la gendarmerie et 6crou<§ dans la prison la plus voi- 
sine, en attendant qiiele ministredela Justice ait f ait connaitre. 
d'accord avec le ministre de Tlnt^rieur, la Colonic agricole, fo- 
resti^re ou industrielle vers laquelle il devra 6tre dirig^. 

8® Cette colonic sera situ^e : 

« 1® En France, pour lesindividus n'ayantli leur easier ju- 



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ASSISTANCE PAR LE TRAVAIL. 261 

diciaire aucune condamnation ou n'ayant 6t6 condamiiiSs que 
pour mendicity ou vagabondage. 

« 2® Dans les colonies frangaises ou dans les pays soumis k 
notre protectorate pour les individus condamn^s ant^rieurement 
pour ddlits de droit commun. 

9^ Le minimum de s^jour dans Tune quelconque de ces co- 
lonies est de 3 ans. A Texpiration de ce temps, le colon qui se 
sera distingu^ par son travail, son ^conomie et sa conduite 
sera ramen^ gratuitement k la residence de son choix et y sera 
pourvu de travail. Ses Economies lui seront remises d. sa sortie. 

10^ Tons les ans, la m6me mesure de cl^mence pourra ^tre 
appliqu^e aux colons ayant d6jk accompli une p^riode d^au 
moins trois ann^es k la colonic. 

Le colon lib6r^ qui serait pris se livrant de nouveau k la 
mendicity serait dirig6 d'office vers une colonic en dehors de la 
m^tropole dans laquelle il ferait une nouvelle p6riode de 
15 ann^es. 

11^ Tout individu de nationality ^trangfere convaincu de 
mendicity sera imm^diatement expuls^ du territoire de la R6- 
publique dont les portes lui seront k jamais ferm^es. 

12** Toute personne qui sera surprise faisant Taumdne k un 
mendiant sur la voie publique, tout propri6taire, principal 
locataire ou concierge qui laissera stationner k la porte ou dans 
la cour de sa maison un mendiant, tout boutiquier qui tol^rera 
devant son magasin un individu se livrant k la mendicity seront 
consid^r^s comme complices de ces individus, et punis d'une 
amende de 20 k 500 francs, au b^n^fice de Tassistance g6n6rale. 
En cas de r^cidive, Tamende sera portie au maximum. 

13* Les articles 269, 270, 271, 272, 273, 274 et 275 du code 
pinal sont abrog^s. 

Les mots mendiants et vagabonds seront remplac^s dans les 
articles 276, 277, 278, 279, 281 et 282 du mfeme code, paries 
mots individus. 

ii^ Les d6p6ts de mendicity sont et demeurent supprim6s. 
Les conseil& g6n6raux dans les d^partements desquels ils se 
trouvent proc6deront it leur d^saffectation et les convertiront en 
maisons hospitaliferes : hospices, hopitaux, colonies agricoles 



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262 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

et industrielles, d^pdts de nourrices, etc., suivant Ics besoins 
locaux. 

II faut dire que ces articles, relatifs k Tassistance par le tra- 
vail, font partie d'un plan concernant la reorganisation de T As- 
sistance publique qui en a grand besoin, ainsi que Font cons- 
tats tousceux qui se sont occupSs de cette question. Nous savons 
que parmi les membres du Comity de Direction, comme parmi 
les lecteurs de la Revue philanthropique, il y en a beaucoup qui 
s'intSresseront au ddveloppement de Tassistance par le travail , 
c'est pourquoi nous avons pensS les intSresser en plaidant cette 
cause. Puissions-nous avoir r6ussi ! 

JEAN VOIRIEN. 



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_£_ 2_ 



VARIETES 



^'Organisation hospitali^re lyonnaise. 

Les hospices civils de Lyon comprennent huit ^tablissements dont quel- 
qnes-uns eurent, dans rorigine, une administration distincte, mais qui 
actuellement sont tons r(5unis sous la direction de la m6me administration. 

Ges ^tablissements sont : 

!• L'H6tel-Dieu fond^ en 542 par le roi de France Childebert et la reine 
Ultrogothe; ouvert aux adultes indigents etmalades. Get hdpital atoujours 
1100 k 1200 lits occup^s. 

2* L*hospice de la Charity fond^ en 1531 aumoyen de quotes et de dons 
de tons les habitants. Son administration, d'abord s^par^e, a ^t^ r^unie k 
celle de rH6tel-pieu, en 1802. 

Get hospice dispose ^galement de 1200 lits environ. 

3» L'hospice de TAntiquaille fond^ par TEtat le 25 germinal an VIII, a 
^t^ reoni a Tadministration actuelle en 1845, et dispose de 1159 lits. 

4» L'hospice des vieillards de la Guillotifere, cr^^ en 1830 avec le pro- 
duit d'une qu^te faite par les habitants de la Guilloti^re, alors commune 
distincte, a et^ r^uni d*office h. T administration actuelle en 1869. — Get 
hospice comprendl55 lits. 

5» L'hospice du Perron, cr^d aux frais de Fadministration des hospices 
en 1844, dans une propri^td qui lui avait 6t6 legume en 1762. Get hospice 
dispose de 417 lits. 

6*L'h6pital de la Groix-Rousse. — Gonstruiten 1860 par I'administra- 
tion des hospices, avec ses propres ressources. — Dispose de 451 lits. 

7» L'asile Sainte-Eug^nie cr^^ en 1867 par Tadministration des hospices 
4 1'aide d*un don de 200000 francs fait par Timp^ratrice Eugenie, dans ce 
but special. — Get asile dispose de 103 lits. 

L'asile Paul-Michel Perret annexe k celui de Sainte-Eug^nie a ^t^ fond^ 
par ['administration des hospices en 1895, k Taide d'un don fait par 
¥■• veuve Michel Perret. — Get asile destind aux enfants convalescents des 
deux sexes, sortant des h6pitaux, dispose de 100 lits. 

8» L'hdpital Ren^e Sabran k Giens (Var), fond6 sur des terrains domi^ 
parM. et M"** Hermann Sabran, a ^t^ ^difl^ en 1888-1891 au moyen de 
souscriptions particuli^res, et inaugurd le 12 novembre 1892. Get ^tablisse- 
ment destine aux enfants, garcons et fllles, qui ont besoin du traitement 
marin comprend 150 lits. 



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264 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

Ges huit ^tablissements hospitaliers, dependant de radministration des 
hospices civils, disposent ainsi de 4 750 lits environ et hospitalisent, chaque 
ann^e, de 30000 k 32000 malades. 

AdminisircUian. — L'administration des hospices de Lyon a ^t^ essen- 
tiellement laique depuis sa remise aux ^chevins, en 1478, et les recteurs 
qui leur succ^dferenlen 1583, eurent des demSl^s nombreux avec lepouvoir 
eccl^siastique repr^sent^ par les archevfiques de Lyon. lis ne c^dferent 
jamais et s'opposerent toujours, avec succ^s, aux atteintes qu'on cherchait 
k porter k leur autorit^. 

Pendant longtemps, les recteurs, pour subvenir aux charges de I'Hdtel- 
Dieu, ^talent tenus de verser, k titre d'avance, une somme de 10000 livres. 
Le recteur quiremplissait les fonctions de receveur 6tait oblige de verser la 
somme de 100 000 francs. A I'^poque de la Revolution, I'avancefaite par le 
recteur-receveur a ete de 400000 francs et a entrain^ sa mine par le fait 
du remboursement op^r^ en assignats. 

La denomination de recteur fut supprim^e le 28 nivdse an X; un 
arrets du ministre de Finierieur de la R^publique francaise confia, k cette 
date , radministration des hospices k un conseil de 15 membres et 
quelques jours apr^s de 20 membres, auquel on donna le nom de Conseil 
general. 

Une ordonnance royale de 1822 maintint k 20 le nombre des mem- 
bres du conseil g^n^ral, et enfin une ordonnance du 30 juin 1845 a orga- 
nist definitivement le conseil g^n^ral actuel et a porte le nombre de ses 
membres 4 25, qui sont renouvelables par 1/5. La nomination des mem- 
bres du conseil appartient au pr^fet seul, sans presentation offlcielle de la 
part du conseil. 

La constitution et Torganisation du conseil d'administration des hos- 
pices civils sont done sp^ciales k Lyon et ont ete respect^es par les lois 
successives qui ont modiA^ Torganisation des commissions hospitali^res en 
France. 

Corps medical et chirurgical ;mode de rccnifemcnf. — Les services des h6- 
pitaux de Lyon sont assures par : 

\ 1 chirurgiens ; 27 m^decins titulaires ou suppliants ; 7 pharmaciens 
de premiere classe, chefs de service ; 49 ei^ves internes; 120 eieves ex- 
ternes; 17 eRves pharmaciens portant le nom de pharmaciens adjoints. 

II y a, en outre, 9 cliniques ouvertes k I'enseignement conOees aux 
professeurs de la Faculty et comprenant : 

2 cliniques chirurgicales ; 2 cliniques m^dicales, 1 clinique obstetricale; 
1 clinique ophtalmologiqne; 1 clinique des maladies cutan^es et syphiliti- 
ques ; 1 clinique des maladies des femmes ; 1 cliniqae des maladies des 
enfants. 

Le mode de recrutement impose pour les fonctions du service de sante 
est le concours et, k cet egard, radministration bospitaliere lyonnaise 
revendique la prioriie de Tinstiiution. 

Le concours fut, en efiTet, etabli k Lyon, pour la premiere fois, en 1739, 
pour la reception des garcons chirurgiens (plus tard appeies internes) ; ii 
n'a cess6 de fonctionner depuis cette epoque, tandis qu'i Paris il n'a ete 
institue pour les eieves internes qu'en 4802. 



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VARlfiTfeS. 

efs de service, les chirar 
I m^decins depuis 1811. 
,en ISUeten 1821, lesp 
iu pouvoir central, ont < 
er au concours pourle 
)rescrit de proc^der par 
spitali^re ne voulut pas i 
)s cities, en 1814 et en i 
3s mais tres fermes, qu'e 
use et le concours fut mc 
IS du service de santi. 
organisation du personi 
nent sp^ciale et remoc 

t^es par les soins de Va 
chaque 6tablissement e 
rdre religieux, n'est rattt 
lent k une r^gle religii 
t la direction sup6rieure 
re g^n^rale ni de sup^r 
I costume donn^ par i'a< 
conservent leurs noms c 
J, peuvent se retirer du ^ 
autressup^rieurs que leu 
haque maison qui d6si^ 
remplir, c'est lui qui in< 
m de Cheftaine exerce I'a 
t lui qui les place ou l 
itudes de chacune. 
6es scBurs ou servantes di 
beaucoup de celle des D 
rutement se fait facileme 
Illes recoivent pour tout 

preuves et donn^ d'excel 
'it religieux, le d^vouem 
[que, parce que ces com 
ement d'aucune aulre ai 
sorter k leur r^gle, k leui 
IS qu'elle juge convenabi 
le 6cole a et6 ouverte di 
nel une instruction prim 
s font, en outre, des cou 
sur le rdle de Tinfirmi^i 
sonnel pour acqu^rir Tin 
a produit les plus henr( 
ion et les chefs de servi 
ours plus actif et plus int 



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266 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

Enfin comme r6sultat pratique* radministration hospitali^re compte 
actuellement 264 soeurs infirmi^res ayant les certificats d'^tudes primaires 
ou d'aptitude ; 

44 soBurs infirmi^res ayant l6 brevet dl^mentaire et servant de moni- 
trices, dans les diverses ^coles d'instruction primaire ouvertesdans chaque 
^tablissement. 

24 soeurs inflrmi^res poss6dant le dipldme d'herboristes (dont 20 de 
1'® classe) et attacb6es au service de la pharniacie pour la distribution des 
medicaments aux malades ; 

47 soeurs infirmi^res ayant le dipl6me de sages femmes de !'• classe; 

20 soeurs infirmi^res ayant le dipldme de sages femmes de 2° classe. 

Les maternit^s sent toutes confines sans exception & des soeurs ayant 
le dipldme de sages femmes de i^^ classe. 

Patrimoine; dotation, — La dotation comprend les immeublesjdans les- 
quels se trouvent les ^tablissements hospitallers et qui couvrent une su- 
perficie de 60 hectares, pour les 6tablissements lyonnais, et de 25 hectares 
pour rbdpital de Giens. 

Elle comprend, en outre, 60 maisons k Lyon, et une surface de terrain 
de 1 500000 metres environ, dont la plus grande partie est situ^e sur larive 
gauche du Rh6ne, aux Broteaux. 

Elle comprend, enfin, des vaieurs mobiliSres, et le revenu propre de la 
dotation, ^tabli par le compte moral de 1894, s'^l^ve au chiffre annuel de 
3353000 francs. 

Les immeubles de la dotation comprennent: 

1° Les dtabUssements hospitaliei^s qui, dans leur ensemble, ne sont pas 
susceptibles de revenu, mais dont quelques-uns, i'H6tel-Dieu et la Charity, 
ont des portions contigues, non affect^es au service hospitalier et [qui sont 
loaves. 

2^ Soixante maisons bdties. 

Presque toutes ces maisons ont ^t^ l^gu^es. Quelques-unes ont €i^ bftties 
par radministration pour remplacer des constructions anciennes inutilisa- 
bles en raison de leur peu de solidity ou de leur mauvaise distribution. 

3<^ Les emplacements ou terrains a Lyon^ source de revenus croissants 
depois de longues anuses, proviennentd'acquisitionsetd'^changes remon- 
tant au moins au milieu du xvin<> si^cle. Des adjonctions, proportionnelle- 
ment peu importantes, y ont h\A faites pendant les vingt demi^res ann^es 
pour regulariser les limites et les voies de communication. 

Ces terrains sont lou^s. Les locataires construisent sur le sol lou6 dea 
b&timents qui sont et demenrent leur propri^t^, sans qu'il y ait accession 
du sol. 

4<> Vingt'huUdomaines ruraux. 

Ces domaines sont peu importants. lis proviennent tous de legs. Quel- 
ques-uns sont la propriete des hospices depuis plus de trois cents ans. 

Les vaieurs mobili^res autres que les rentes sur I'Etat proviennent 
toutes de legs faits aux hospices. 

Les rentes sur TEtat ont pour origine Temploi des capitaux 16gu^s, des 
capitanx provenant de la vente des vaieurs mobili^res, et surtout d'im- 
meubles. 



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VARIfeTfeS. 261 

Grdce aax ressources dont dispose radministration des hospices et qui 
^manent de la bienfaisance priv^e, tous les services peuvent 6tre assures 
sansle conconrs de subventions 6trang^res. 

L'admiaistration ne recoit, en effet, aucune subvention, ni de i'£tat, ni 
dn d^partement, ni de la commune. Elle ne permit rien sur le prix des 
concessions dans les cimetieres ; il ne lui est rien afloat non plus sur les 
droits prelev^s sur les spectacles, bals et concerts. 

Neanmoins la gestion a ei6 assez beureuse pour que Tensemble des 
bodgets, depuis vingt-cinq ans, pr^sente un ^quilibre entre les recettes et 
les d^penses. 

Et sur ses seules ressources, Tadministration des hospices a pu con- 
stniire : 

l«L*hospice du Perron en 1844; 

2« L'hdpital de la Croix-Rousse en 1860 ; 

3«Une buanderie centrale en 1877; 

4<> Une meunerie et une boulangerie centrales en 1880 ; 

S^Enfm, une cave centrale, en 1886. 

Elle a cr66 et entretenu depuis vingt ans, prfes de 900 lits nouveaux 
dans diff^rents services. 

Elleaachev^ la construction de rH6tel-Dieu qui n'avait pas 6l6 ter- 
mine. 

Elle a 6Iev^ un hdpital d'isoleraent i la Croix-Rousse, cre^ un h6pital 
maritime sur les bords de la M^dilerran^e, aux environs d'Hytjres, dans le 
Var; elconstruit un ^tablissement destine h recueillir les enfants conva- 
lescents sortant des hdpitaux, Tasile Paul-Michel Perret, i 00 lits, 50 pour 
^ gmrgms, 50 pour les filleSy situ6 aux environs de Lyon dans le domaine 
deLoDgch^ne oCi Tadministration entretenaitdej&un asilede convalescents 
adultes. 



L'CEavre du a Vestiaire » de la Ligue firaternelle 
de Montmartre. 

Lorsqn'elle a fond^ Toeuvre du « Vestiaire », la Ligue fratemelle de 
Montmartre a 6t6 simplement pr^occup^e d'adoucircertaines souffrances; 
^ais elle n'a pas eu la ridicule pretention d'apporter une panacee, gu6ris- 
^Dt infailliblement le mal de mis^re, lorsque ce mal provient d'un ch6- 
niage prolong^. Pensant que, pour dtre efAcace, Tassistance priv6e doit 
pr^ciser et limiter son intervention, elle a concentre sa soUicitude sur une 
^«gorie Irfes sp6ciale et trfes interessante d'indigents. 

1a situation du travailleur sans ouvrage, se d^battant au milieu des 
^^iter^ts concurrents sous les yeux de Tindifif^rence publique, Ta exclusi- 
l^nient occup6e. Prise de piti6 infinie devant Fagonie de ce vaincu, dans 
^^uel se personnifie la grande iniquity de tous les temps et de tous les 
P^yples, elle a cherch^ a att6nuer les maux causes par Teffroyable insensi- 
^*^ et la stupefiante inconscience de I'^goisrae humain. 

Sou attention a 6t6 attir^e sur I'importance que pr^sente la question 
^ ^^tement, principalement pour remploy6, qui est irr6missiblement 



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.268 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

. perda, lorsqu'il n'ofTre pas a la critiqae s6vSre du patron unext6rieur cor- 
rect. Elle s'est demands si rassistance par le v^tement ne serai t pas le 
mode de secours qui conviendrait le mieux aux plus pressants besoins des 
travailleurs en quSte de travail. 

La mis^re a la plate laideur des choses abjectes, qui salissent le regard, 
Elle produit n^cessairement des repugnances organiques qui ne raison- 
nent pas. Getle repulsion instinctiTe fait k I'bonnSte homme sordide- 
ment v6tu des preventions d^favorables, que ne parviennent pas k vaincre 
les sympathies dues k son malheur. Impitoyablement repouss^ de partout, 
cet infortune tombe, de chiite en chftte, k la condition de mendiant profes- 
sionnel et^ conservant la conscience d'avoir €i6 victime d'un monstrueux 
d^ni d'humanite et de justice, il marche dans I'abjection avec une impla- 
cable s^renite. 

Si, lorsqu'il elait encore debout, lorsqu'il gardait quelque espoir de 
rel^vement, lorsqu'il n'avait pas acquis, par I'impression reflexe du d^goiit 
d'autrui, le m^pris de lui-mSme, on avait 6chang6 centre des v^tements 
d^cents les haillons devant lesquels se fermaient toutes les portes, les der- 
nitres d^cheances lui auraient ete peut-dtre ^pargn^es, peut-Stre aurait-il 
fini par trouver Temploi de ses forces et de ses facult^s. 

Dans tons les cas, il aurait un moment cess^ de se m^sestimer, car le 
vdtement exerce son influence prestigieuse autant sur le spectateur que 
sur celui qui en est revStu. Pour le premier, c'est le signe symbolique de 
Thonorabilite; pour le second, c'est le signe magique qui lui ouvre I'acc^s 
du monde et I'autorise ^r^clamer les droits que ce monde conf^re k chacun 
de ses membres. 

Quand, le 17 mars 1895, le « Vestiaire » fut inaugur^ par le maire et 
avec le concours de laplupart des Gonseillers municipaux du XVIIl* arron- 
dissement, la Ligue fraternelle de Montmartre avait bien I'intuition qu'elle 
entrait dans une p^riode de labeurs f^conds, mais la grandeur de sa Ulcbe 
ne lui eiait pas compl^tement apparue. Elle lui a ete r^vel^e plus tard, 
dans la transfiguration et le redressement de I'^tre courbe sous le faix de 
la fatalite, dans le rayon de joie furtive qui, illuminant parfois la morne 
resignation d'un visage eteint, lui denoncait I'eveil soudain d'^nergies 
nouvelles. 

Le <c Vestiaire » a H6 install^ sans capitaux et presque sans domicile. 
Pour que, d^s sa naissance, il n'ait pas 6i6 en etat de vagabondage, il a falla 
que M. le Directeur de Tassistance publique lui accorddt la jouissance 
temporaire du local oH est etablie aujourd'hui la pharmacie 'de la maison 
de secours de la rue Ordener. S'il poss^de enfin, rue Sainte-Isaure n<» 17, 
pr^s de la mairie de Montmartre, un si^ge social inamovible, il le doit k 
une ingenieuse et tr^s bardie combinaison. 

Ne pouvant etre locataire, pour des motifs qu'on devinera ais^ment, la 
Ligue fraternelle de Montmartre a eu Tid^e g6niale de devenir proprietaire. 
Elle a constitue une societ6 anonyrae immobilifere; cette society a achete 
un vaste terrain, rue Sainte-Isaure, et elle y a eieve une salle, qu'elle ox- 
ploite actuellementet dans les d^pendances de laquelle elle a donnei'hos- 
pitalite au « Vestiaire ». 11 est bon d'ajouter que, pour^carter tout soup^on 
de speculation, cette societe s*interdit de servir k ses aclionnaires d'autre 



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VARI6t£S. 269 

inUr^t que Fint^r^t minimum fix^ par la Loi, et reserve les b^n^fices faturs 
i ses (BQvres de bieniaisance, ce qui, on en conviendra, se lit rarement 
dans les statnts des soci^Us immobili^res. 

Enr^ome, s'il a prosp^r^, s'il a dur^, si M. le President de la R^pu- 
bliqne, qui demi^rement fondait le vesliaire de la maison d^partementale 
de Kanterre, vient de I'bonorer de sa souscription, si le Gonseil municipal 
de Paris lui accorde une subvention annuelle, le « Vestiaire » le doit k la 
foi imperturbable de quelques bommes et k leur ferme resolution de ne 
setfrayer devant aucun obstacle. 

Afin de laisser k son oeuvre I'enti^re disposition des ressources obtennes 
de la charity pnblique, a laquelle elle fait un incessant appel, la Ligue 
fraternelle a pris k sa charge la totality des d^penses qu'entraine son fouc- 
tionnement ; en outre, les divers emplois que celui-ci n^cessite (tenue de 
livres et caisse, reception bebdomadaire des indigents et jusqu'^ Tessayage 
des T^tements), sont remplis, — gratuitement cela va sans dire, — par 
certains roembres de la Commission executive de la Ligue. 

C'esl ainsi qu'a ^t^ r6solu le probl^me de consacrer int^gralement le 
montant des dons en argent et celui des cotisations des membres hono- 
raires 4 Tacquisition d'efTets d'habillement et de n'en pas distraire un cen- 
time poor ces frais d'administration, sous le poids desquels ont succomb^ 
taut d'institations de bienfaisance. G'est ainsi que pendant les deux der- 
nitres ann6es, le Vestiaire a pu donner, avec de tr^s faibles mojens, des 
r^sultats qui ont d^pass^ les esp^rances les plus optimistes. 

En 1895, en efTet, il a recu une somme de 444 fr. 35 et 681 objets, et il 
en a distribu6 421 ; 

Eq i896, il a recu une somme de 212 fr. 85 et 754 objets, et il en a dis- 
tribue 566. 

An 31 d^cembre 1896, il restait en magasin 668 objets, la plupart, 11 est 
▼rai, inulilisables ; car certains de nos donateurs n'ont pas compris que, si 
nous leur demaudons leurs vieux vdtements, nous ne leur demandons pas 
cependant ceux qu*il n'est mSme pas possible de r6parer. 

En somme, le « Vestiaire » a pu r6partir, d. la date actuelle, plus de 
1 2O0 effels d'habillement k environ 600 travailleurs. 

^ux-ci, comme on pourrait le croire, ne sont nullement recrut^s dans 
la classe ouvri^re, qui n'est representee dans ce nombre que par quelques 
▼ieillards et desinflrmes, et par bien peu d'hommes valides. La classe des 
employes de commerce est celle qui fournit lalpresque totality des soUici- 
tenrs, sion excepte pourtant quelques artistes, des bommes de lettres et 
des professeurs. 

Lecommerce estdonc redevable k I'cBUvre du« Vestiaire »d*uneaide que 
jnsqa*k present, celle-ci lui prfite gratuitement; car,jusqu'^ present, peu de 
commercantsont lules appelsft euxadress^s en faveurde leurs employes, qui 
cherchent desesperement une place et qui n'en trouvent pas faute de vete- 
ments. Parmi les grands magasins, par exemple, un seul s'est rencontre 
pottr envoyer quelques objets, deux pour envoyer une somme d'argent insi- 
Snifiante, mais aucun n'a eu I'idee de donner un de ces vdtements en soldo 
^8ont?endus k des prix derisoires, simplement pour sauvegarder un prin- 
cipe d'^conomie commerciale; 



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270 RKVUE PUILANTHROPIQUE. 

Les donaieurs du « Vestiaire. «, en dehors des pouvoirs pnblics, sont ces 
personnes qu'on retrouve partout oil il y a une soufTrance humaine k 
soulager et qui n'ont pas besoin, pour en dtre touch6es, de voir la mis^re 
deTant leurs yeux et d'en ^prouver la seusatton importune d'horreur phy- 
sique. 

A ces Yolontaires de la charity, le « Vestiaire » n'ose mSme pas dire 
merci, de peur d'ofTenser la pudeur exquise, avec laquelle ils n'appr6cient 
dans leurs bienfaitsque cequi en demeure ignore. 



Un noaveau Patronage. 

Un Patronage int^ressant et peut-^tre utiles signaler, s'est form^ depuis 
trois ans dans une ^cole de jeunes filles, k Paris. Les Patronnesses sont 
dg^es de quinze k dix-sept ans ; leurs pupilles en ont de dix k douze. Celles- 
ci choisies parmi les ^i^ves tr^s pauvres d*une 6cole commanale du voisi- 
nage, vont chaque semaine, le jeudi, passer quelques heures k I'^cole de 
leurs grandes amies, qui, k tour de rdle, viennent travailler k Taiguille, 
causer et jouer avec elles. Lk ne se bornent pas les rapports des jeunes 
filles riches ou aisles avec les enfants moins bien partag^s. Des groupes de 
deux ou trois grandes jeunes flUes adoptent une petite fUle, I'aident dans 
son travail scolaire, se font au besoin ses r^p^titrices pour les lemons « dif- 
flciles », se prominent avec elle un dimanche ou un jour de €ong6 — et, 
devenues ainsi les cicerones d'enfants plus jeunes, apprennent pour leur 
propre compte, k visiter utilement musses et monuments. 

Depuis le mois d*octobre de cette ann4e une partie de la stance du 
jeudi est employee k un cours de chant. On devient ambitieux et Ton r^ve 
de chanter de beaux chceurs ensemble. On a aussi abandonn6 la couture, 
tr^s bien enseign^e k I'^cole primaire, et Ton s'ing^nie k des travaux 
d'agr^ment destines k produire de ces objets dont laprincipale utility con- 
siste k 6tre jolis. 

Du chant, des travaux d'art k des enfants pauvres ! Ne risqne-t-on pas 
de leur donner des godts de luxe, et leur pauvret^ n'en paraitra-t-elle pas 
plus triste? 

Nos jeunes filles ne Tout pas pens^. Dans la vie des pauvres, ce qui les 
afQige surtout, c'est moins la lutte quotidienne pour le pain, le toit, le v^- 
tement, que la difficult^ de jamais sentir et goMer ee qui est beau, ce qui 
seul en fait le charme et la valeur de la vie. Elles avaient essays d'accom- 
pagUjBr le travail k Faiguille de lectures simples ou mSme de r^cits agr^a- 
bles. Mais I'^ducation de nos petites ^l^ves d'^cole commuoale est sur ce 
point si nulle, leur vocabulaire est mdme si restreint, que lectures et recits 
ont dd Hre abandonn^s, les enfants n*y prenant aucun int^rdt. La musique 
r^ussit mieux et par elle un rayon p6n6trera peut-dtre dans ces petites 
Ames. 

Quant k la confection d'ouvrages de fantaisie, c'est une bonne lecon 
de soin, de propret^ raflQn^e, d'ordre, de sym^trie, sans parler du plaisir 
d'omer unint^rieur m^mepauvre, surtout pourvu d'objets ^l^gants qui ne 
codtent gu^re que du travail et de Tattentiou. 



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VARlfeTES. 271 

Uestbon de remarquer que ce petit Patronage impose fort peu de d^- 
peose. La pins grosse, ce sont les vacances des petites ilUes go 'on envoie 
passer chaqne annde trois semaines k la campagne; il fauty ajoaterl'arbre 
de NoSl, occasion de Les habille r et le petit service medical indispensable. 
U a falla, en effet, s'assurer avant tout que les petites illles de T^cole 
commonale n'apporteraient k leurs amies aucun vilain microbe. Deux 
dames, Tune docteur en m^decine, Tautre fort avanc^e dans ses etudes m& 
dicales, se partagent les families 4 visiter chaque semaine, la veille du 
joar de reunion et ne permettent aux enfants de s'y rendre qu'apr^s s'^tre 
assur^es non seulement de leur bon ^tat de sant4 mais de celui de la fa- 
mille. L'une des deux dames seule est r^tribu^e. 

A la suite d'une lecon sur la charity on avait demand^ aux Slaves de 
l*£co1e *** comment des jeunes flUes ne poss6dant rien par elles-mdmes, si 
ce n'est de la bonne volont^ et un peu de temps libre, pourraient prendre 
cependant one part directe, personnelle k la lutte centre le mal, la souf- 
france, la mis^re. Ne peut-on pas dire que leur Patronage r^pond assez 
bien k cette question et d^sirer que leur exemple soit suivi par d'autres 
jeunes fiUes des classes aisles? Elles ne peuvent s*occuper que d'un fort 
petit nombre d'enfants ; mais que d'autres petites soci^t^s se ferment dans 
le m^me esprit, n'y aura-t-il pas \k ^change de bonne volenti, de bons sen- 
tifflents, en un mot beaucoup de bien produit simplement, sans bruit, sans 
peine? 



Dotation de la Jeunesse de France. 

De toutes les ceuvres de creation r^cente, une de celles qui a obtenu le 
succ6$ le plus retentissant au cours de cette ann^e, est certaioement la 
Mation de la Jeunesse de France. 

N^e dans les derniers mois de 1895, elle a en effet d6}k groups autour 
de son drapeau, bumanitaire, patriolique et familial, plus de 30000 enfants 
dans 712 villes ou villages de France ou d'Alg6rie. 

Les soci6t6s mutuelles ant^rieures s'6taient pr6occup^e8 d'assurer le 
pain de la vieillesse; il y avait place pour une autre institution qui ne 
nuirait en rien a leurs atn^es dont elle ne serait en quelqne sorte que la 
preface. 

Les fondateurs ont pens^ qu'^ cdt^ de la r^colte des grains, des fruits, 
des vendanges vermeilles, il y avait une moisson de fleurs k recueillir, et 
que le printemps de la vie devait s'ouvrir pour les d^sh6rites de la fortune, 
plein de soleil et plein de roses, car tous ne vont pas jusqu'^ la vieillesse, 
tandis que tous peuvent pr^teodre voir luire la vingti^me ann^e. 
De cette id^e attrayante et r^confortante est n^e : 

La Dotation de la Jeunesse de France, 

Sans doute, il est sage de penser k la vieillesse, c'est^^-dire I'dge cri- 
tique, oii rhomme apr^s avoir accompli son dur labeur, se voit contraint 
de laisser tomber de ses mains d^biles Toutil qui Ta fait vivre jusque-1^ et 
qui ne pourra plus le nourrir; mais il est permis de songer k cette 4poque 



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272 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

de la vie, oii le coeur s*ouvre k TamoDr, oil les jeuaes gens pensent au ma- 
nage, k faire souche de citoyens, k s'uiiir pour supporter plus facilemeDt k 
deux, le poids du joor, des peines et des chagrins. 

lis sont 16gion, ceux qui ne peovent — faute d'un modeste p6cule — 
mettre k execution ce rfive, qui comblait leurs vcbux les plus chers. 

Gombien est difficile pour les jeunes filles sans fortune, le moment de 
Tentr^e en manage. Si Ton ne redoute pas la misfere, il faut s'endetter 
lourdement pour faire face aux exigences de la plus modeste installation 
et sans espoir de se remettre k flot, surtout s*il survient un enfant I'ann^e 
d'apr^s, lot commun aux nouveaux mari^s. 

Les fondateurs ont trouv^ un moyen bien simple de constituer une dot, 
qui permettra d'envisager sans crainte T^poque du mariage. 

Pendant dix ans, au minimum, plus, si vous le d^sirez, les parents 
versent cinqnante centimes par roois. Gette somme sera grossie par leg 
lib6ralites des membres donateurs, fondateurs, des conseiliers municipaux, 
g^n^raux, des subventions minist^rielles et aussi par les demissions des 
membres actifs, rint^rSt du capital plac^ en rentes sur TJ&tat, ou en valours 
de tout repos, le produit des fdtes, concerts, representations, etc., etc. 

Gette institution semble digne d'etre encourag6e par les hommes qui 
s'occupent de philanthropic et de mutuality. Les mutualistes ont remarqu6 
son caractSre moral, qui assurait aux orphelins la m^me dot qu'aux plus 
heureux qui auraient conserve leurs parents. 

Les patriotes ont constate son r6le special, puisqu*elle viendra bientdt 
augmenter de cette dot, la prime de rengagement des sous-ofGciers et 
soldats, et accrottre ainsi le nombre de ces veterans que son President 
d'honneur, M. Mezieres, president de la commission parlementaire de 
Tarmee, a toujours souhaite de voir eucadrer les jeunes. 

lis y ont vu un moyen de iavoriser la natalite en augmentant le chifTre 
des unions legitimes de nos enfants. Les moralistes ont vu dans notre in- 
stitution, la faculte de preserver, dans nos grands centres, les jeunes filles 
du contact dissolvant de I'hdtel ou de la maison meubiee en |leur permet- 
tant de constituer leur modeste menage et en leur evitant Texploitation de 
certaines maisons de vente d. credit. 

EnGn les esprits clairvoyants, ceux qui recherchent le bien sans vanite, 
ne tarderont pas k entrevoir la haute mission de reconciliation sociale, 
puisque dans notre oeuvre on voit des patrons dotant des enfants d'ou- 
vriers, des ouvriers entre eux dotant les enfants de leurs camarades. 

\o\ik les grands caracteros qui ont valu k cette oeuvre les precieuses 
adhesions de MM. Magnin, vice-president du Senat, gouverneur de la 
Banque de France; Poincare, Deschanel, vices-presidents de la Ghambre 
des deputes; d'un grand nombre de membres du Parlement; des notabi- 
Htes de la magistrature ; de plus de 600 maires ou conseiliers municipaux 
de Paris, sans distinction de partis; de philanthropes comme M. le comte 
de Ghambrun, de grands industriels comme MM. Meunier et Leon Edeline ; 
de maitres de forges comme M. Georges Holland, ingenieur en chef des 
mines, le comte de Saintignon, et les barons d'Huart freres ; et c'est pour- 
quoi nous avoiis demande k la Reoue philanthropique de signaler cette in- 
stitution digne de sympathies k ses lecteurs. Z. 



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VARI^TfeS. 273 

A propofl de la Pu^riculture 4 bon maroh^. 

COMMUNICATION DU DOCTEUR NAPIAS 

A la suite de la discussion ^laquelle a donn6 lieu devant laSo- 
ci6t^ de mddecise publique le m^moire de M. le docteur Bertillon 
SOT la pa^ricuUure k bon march6 et des critiques dirig^es centre 
M. le docteur Pinard centre rallaitement artiflciel, M. le D** Henri 
Napias a d^fendu le lait st6rilis6 centre le proc6s de tendance qui 
Im est fail ; il a trac6 une jolie page d'histoire que nous aurions voulu 
reproduire en son entier (1), mais dont nous publions la plus grande 
partie. 

Aprts avoir rappel6 le plaidoyer c616bre de J. -J. Rousseau en fa- 
veur de rallaitement matemel, notre savant coUaborateur poursuit 
en ces termes : 

J.-J. Rousseau ne faisait que reprendre ce qui avait 6i^ dit avant lui et 
tantde fois! 11 puisait notamment dans un livre du D' Desessartz^ qui avait 
para deux aus avant V6mUe et dont Piron Im avait remis un exemplaire 
dclaparlde Tauteur. Ilparlail du charme de son style, des v6rit6s trop 
connnes, sou vent dites avant lui depuis des si^cies, et souvent avec force, 
et trop souvent aussi sans succ^s. 

Dans on de ses int6ressants volumes si document's sur La vie privie 
d^Qutrefois (2), Alfred Franklin rappelle ces campagnes successives en fa- 
venr de rallaitement maternel et il montre que Fhabitude pour les m^res 
de con6er les enfants k des nourrices mercenaires est fort ancienne : 

« Le Roman de Robert le Diable, dit Franklin, 4crit au xiii« si^cle, nous 
apprend que ce fut une 'trangfere qui offrit son sein k ce I'gendaire 
gaerrier. » 

Quant li efens ot pris baptesme, . 
Et sell et oile et eve et cresme, 
Dont li fait noriches venir 
Pour allaitier et por norir. 

Franklin aurait pu ajouter que, apr^ quelque temps, Robert le Diable, 
qui mordaitses nourrices, fut tout simplement nourri au biberon. 

Les noriches eel aversier 
Redoutent tant h alaitier 
Uny cornet li affaitdrent 
Oncques plus ne TaUaictdrent. 

^cornet €imi un biberon primitif ; j'ai signal^ dans un rapport sur 
iAsastance publique k I'exposition de 1889 (3) que c'^tait sans doute une 

(*) Voir io il«OT«? d'hygiSney n» du 20 octobre 1897, n" 906 etsuivants. 
W A. PaAXKUii, VEnfant, Paris, Plon, 1896. 
1^) Happort de Juny de la Glorce, 64. 

•*^^ PHILAHTflROPIQVE. — H. 18 



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274 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

come de vache dont la pointe ^lait remplac6e par une t^tine de par- 
chemiii. 

Ainsi, dis le xiii* si^cle, voici d6j& que raliaitement artificiel remplace 
I'allaitement maternel. — Saint Louis, tout roi qu*il 6tait et tout saint qu'il 
est devenu, a et6 nourri par une femme venue de Picardie, Marie la Pi- 
carde, ainsi qu'il resulte des recherches de M. Tardif (1). 

Mais on pourrait remonter beaucoup plus haut encore et fappeler que 
les tombeaux des enfants de Tepoque gallo-romaine renfermenl des bi- 
berons deterre (gutti). ^videmment, les Gaulois n'avaient conna cet arti- 
fice que par les Romains : la civilisation ne va pas sans abus ; ce n'est pas 
toutefois une raison sufflsante pour la maudire et d'ailleurs je ne crois 
pas devoir remonter aussi haut daus I'bistoire. Je rappelle seulement que 
le biberon ne se retrouve pas pendant la periode m^rovingienne et le com- 
mencement de la p^riode carlovingienne; le Roman de Robert le Diable 
nous montre 6tabii I'usage du cornet au xiii* siScle, le vrai biberon ne se 
montre gu^re de nouveau qu'au xv» si^cle. 

Alors, en efTet, on a perdu Thabitude de Tallaitement maternel, au 
rooins dans un certain monde; Franklin (2) qui nous I'apprend en cherche 
les raisons et les trouve dans le Jardin des NobUs, ceuvre manuscrite de 
I'austere franciscain Pierre des Gros : « La premiere, pour ce que ce n'est 
pas la coutume de nourrir; la seconde pour plus garder leur beaute et 
frescbet^; la tierce, pour plus prendre esbatement k leurs maris, et c*est 
incontinence. » 

Le mal ^tait connu, vous le voyez, et d6j& des m^decins le signalaient et 
s'efTorcaient de le combattre; et desauteurs, quidevan^aient J.-J. Rousseau 
de deux si^cles, disaient leur fait aux m^res oublieuses de leurs devoirs. 
Le po^te Jean Rouchet, en 1545, le leur rappelait en vers : 

Apres qu'elle a son enfant enfant6. 
Si bs t^tins a du laict h plants 
Ou a suffire, m^re doit par nature, 
Et selon Dieu, h son fnilct nourriture. 
Dieu ne lui a laict et t^tins donnez 
Pour ses plaisirs fols et d^sordonnez 
Mais pour nourrir son fruict de sa mammelle. 

11 est vrai que d^j5, les femmes trouvaient des complaisants pour les 
excuser et'pendant que Jean Bouchet les gourmandait comme je viens de 
dire, le cbanoine (luillaume Coquillard, tra^ant un portrait des plus natu- 
ralistes de la femme qui s'est faligu^e a nourrir, disait de son c6t^ : 

Ainsi ce n*est pas chose vaine 
Si femme mignote et f^tisse 
De peur d enlaydir en la peine, 
Reffuse k devenir nourrice. 

(l)Inventaire des monuments historiques conserves aux Archives nationales. 
Carton des Hois, n« 1748, p. 423. Voir aussi VHisloire de Blanche de Castille, par 
felie Bergcr, p. 21. 

(2) Fraxklin, la Vie pnve'e d'autrefois; VEnfant, Paris .Plon, 1896). 



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VARlfeTfeS. 215 

Apr^s les pontes, les prosateurs. Franklin cite an passage curieux 
d'Henri Eslienne sur ce sujet : 

(( Je sais maintenant en doute si je me doy taire des femmes qui aban- 
donnent leursenfants aux premieres nourricesqu'el]esrencontrent...etqui 
depois les avoir mis en leurs mains, n'y pensent gu^re, ou du tout point, 
si Qon k i'heure qa'on lear vient dire les nouvelles de la mort de ces 
povres nourrissons. 

« Si je n'ose dire que telles mdres sont meurdrifires (et principalement 
qaand ceci se fait parcelles qui n'ont point excuses legitimes, les dispensa et 
de faire elles-mesmes office de m^re), je ne feray point de difficult^ de 
dire jusque \k (et s'en scandalise qui voudra, car il me suffit de n'offenser 
point les femmes de bien), qu'elles font pis que les payens et payennes qui 
exposoyent leurs enfants. Gar si elles all^quent que tons les enfants de 
ceux qui tombent ainsi entre les mains des nourrices ne meurent pas, je 
leur r^pondray qu'aussi ne mouroyent pas tons les enfants qui estoyent 
exposez. Ainsi avenoit k plusieurs des rencontres qui les faisoyent heureux 
toute leur vie : au lieu que ceux qui sont en la charge de telles vilaines, 
s'ils De meurent bien tost apr^s, pour ie moins en rapportent des maux et 
des maladies qui les rendent, aucontraire, malheureux pour tout le temps 
deleur vie (1). » 

N*estr<;e pas \k la preuve du d^laissement de Fallaitement matemel au 
XVI* si^cle? Alors comme aujourd'hui, on admiraitles femmes courageuses 
qni nourrissaient leurs enfants elles-m^mes, mais on ne les imitait gu^re. 

11 y arait pourtant d6ji des m^decins qui, comme mon ami Pinard, 
parlaient ^loqueroment en faveur de I'allaitement maternel et qui, s'ils 
n'avaient pas comme Henri Estienne Texp^rience personnelle d*un homme 
qni a en 3 femmes et 14 enfants, avaient Texp^rience d'une clientele nom'- 
brense; 6coutez de Laurent Joubert cette citation, que Franklin nous 
donne, et qui est d'un si joli langage que j'ose penser que vous ne la trou- 
verez pas trop longue : 

« Pensez-vous que la natore ayt donn6 aux femmes des mammelles pour 
omement de leur poitrine et non pour nourrir leurs enfants? Ne sont-ce 
pas femmes prodigieuses celles qui travaillent a tarir et estaindre cette 
trts sacrte fontaine du corps, nourrice du genre humain, et mesmement 
avec danger de leur personne, k cause du retour et de la corruption du 
laict? Quelle diffi^rence y a-t-il de cette folie k la forcenerie de celle qui 
s'efforcent, par certaines meschantes inventions, de se faire avorter, k ce 
que la lizeur et polie planure de leur ventre net vienne ei se corrompre, qu'il 
se fendille, s'estende et amplie de la pesanteur du fardeau et du travail de 
I'enfantement? 

« Si les femmes s^voyent quel plaisir il y a de nourrir ses enfans, duquei 
jouyssent leurs nourrices ; elles se loueroyent plus tost k nourrir les enfans 
d'antmi que de quitter les leurs... » 

« Les femmes s'excusent sur leurs marys, aux quels elles sont (comme 

(1) Apologie pour H^odole (cit6e par Franklin). La premifere edition est de 
*556, 



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; REVUE PHILANTHROPIQUE. 

ivent estre) subjectes. Car il y a plusieurs marys qui ne veulent pas 
yr ou endurer le bruit et la tintamarre que donnent souvent les 
fans. » 



Malgr6 ces objurgations pressantes, les choses ne s'am^liorent pas. 
Lude Joly, en 1667, nousapprendqa'ilse trouve encore quelquefois dans 
petites villes « de bonnes et bonnestes damoiselles qui ne tiennent 
nt k deshonneur de rendre k leurs enfants ce bon ofQce que la' nature 
ir ordonne (2) ». 

Le doyen de la Faculty de m^decine en Tan 1708, Philippe Hecquet 
>rend la m^me th^se et, tout comme fait aujoord'hui le professeur 
lard, 11 soutient que Texcuse tir^e de lafaiblesse dela m^re ne saurait 
e accept6e (3) ; etil se livre k des calculs d*une physiologie un pen fan- 
siste pour le d6montrer. 
Quels r^sultats obtiennent-ils pourtant? 

Bien petit, sansdoute, puisque dix ans apr^s, en 1718, Dionis, dansson 
liU general des accouchements pent ^crire : « Aujourd'hui, non seule- 
nt les dames de quality, mais encore les simples bourgeoises et les 
imes des moindres artisans ont perdu Thabitude de nourrir leurs en- 
ts. » 

Voila oti on en ^tait au xviii" si^cle et Franklin remarque (4) juslement 
alorsun Talleyrand, un Lauzun, ou bien une petite bourgeoise comme 
^ Roland dtaient habituellement mis en nourrice. 
Faut-il pourtant dire que le public ne puisse 6tre jamais touchy par de 
mes raisons? Certes, non, et ce qui le prouve c'est que Tapparition de 
nile, en 1762, fit une veritable revolution si bien qu'on constata une 
rudescence de tendresse maternelle et qu'un certain nombre de 
imes, un grand nombre m^me au t^moignage de Desessartz (5), se 
^ent k allaiter leurs enfants. Tout le monde voulait faire son devoir et 
icrifier ses plaisirs; Marie-Antoinette, devenue grosse en 1778, disait k 
;sone qu*elle voulait vivre en m^re et nourrir son enfant, si bien que 
md elle accoucba, le 19 d^cembre, il y avait \k trois nourrices qui 
mdaient le nouveau-n6. Les bonnes resolutions avaient disparu tout k 
ip et S^bastien Mercier, dans ses Tableaux de Paris, disait tranquille- 
at : « Pendant un temps les femmes ont voulu nourrir elles-m^mes ; 
is ce n'^tait qu*une mode, elle a pass6. » 

Pour moi je ne doute pas qu'on arrive k r^tablir cette mode et k la 
e durer et qu'on ^coute aujourd'hui, s'ils savent parler fort, les hygi6- 
es, les accoucheurs, les conseillers sinc^res et autoris^s, les hommes 
ants et ^loquents comme Piuard qui leront mieux certainement que le 
losophe de Geneve assez mal qualifl^ pour parler des devoirs des pa- 
ts envers leurs enfants. 



1) Ca. JoLY, Traits de la nourriture des petits enfants, etc, 

2) Hecquet, De VindScence aiix hommes d'accoucher les femmes. 

3) Franklin, loc. cit. 

4) Desessartz, loc. cit. 



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VARlfiTfeS. 

C'est une campagne qu'il faut reprendre et contiouer longtemps 
se lasser. 

Mats il ne faut pas oublier, d'autre part, que Telat social aclue 
particuli^rement defavorable k rallaitement maternel dans la classc 
vriftre, c'est-ft-dire dans la partie laplas nombreuse de la population, 
est deplorable ; je ie d6pIore pour mon compte tout autant que mon 
Pinard, et je g^mis de ny pouvoir rien changer. Les circonstances 6c 
miques, les lois de la production industrielle sont destructives de I 
mille et j'appelle de tous mes vqbux Ie temps b6ni oh les femmes sera 
comme elles doivent fitre, les m^res, les nourrices, les ^ducatrice 
Tenfance, les gardiennes du foyer, et noa les rouages surmen^s c 
grande machine industrielle et commerciale. Mais ce temps viendra 

En tout cas, n'est-il pas loin encore? et en attendant ne fant-il 
qu'aux femmes que les habitudes sociales privent du devoir et des pl< 
d*6tre nourrices, alors mSme qu'elies Ie d^sirent et Ie veulent, nou 
sions : qu*au lieu de donner d leur enfant un lait quelconque oil fermente 
$e eultivent les germesdes maladies graves et mortelles,il faut donner di 
sUrilisi, 

Ce n'est pas I'id^al ; ce n'est pas Ie respect de la nature, c'est 
transaction n^cessaire; c'est un pis-aller, comme dit Tarnier, qu'il 
conseiller pourtant apr^s qu'on a constats que Fallaitement par la i 
n'est pas possible et que des circonstances sociales, barbares etcru 
sans donte, mais trop certaines, h^laslempdchent quelquefois les n 
de donner Ie sein k leur enfant. 



Les Prix de Vertu. 

DISCOURS DE M. JULES CLARETIE 

11 nous est impossible, k notre grand regret, de publier in extei 
brillant discours de M. Jules Claretie k TAcad^mie francaise sur les 
de vertu, mais nous tenons k en reproduire T^Ioquente p^roraison. 

« Votre rapporteur, contraint de r^editer, comme chaque ann^ 
qn'ont dit ses pr^d^cesseurs, craindrait, messieurs, je Ic r^p^te, de 1 
votre patience en ^num^rant tous les d6vouements que lui r^vfele la Ie 
de ces dossiers. Vous en trouverez la liste, vous en pourrez lire Ie r6cit 
ce livret des actions vertueuses qui est comme Tannuaire du d^vouei 
J'anrais pu rencontrer chez chacun de vos laur^ats un aussi grand no 
de traits ^mouvants, autant de noblesse instinctive, autant de verti 
peu uniforme peut-6tre. 

« Car, il faut bien I'avouer, Ie moule des verlus semble toujours Ie m 
da moins, s'il est U86, laisse-t-il de Tor pur au fond du creuset, et 
crime, plus vari6 et plus ing^nieux, trouve des raffinements de f6roci 
si je puis dire, se perfectionne plus que la vertu, c'est peut-6tre q 
vertu a tout de suite atteint la perfection absolue. Seulement, je song( 
effroi que les causes c^i^bres, les grandes affaires qu'un ironiste e 



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278 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

appelait les beaux crimes, font in^vitablement, et dansune proportion ma- 
th^matique, monter ]e tirage des journaux; et je ne suis pas bien siir qae 
la publication quotidienne du r^cit des belles actions et des rapports sur 
les prix de vertu ne le ferait point baisser. 

(( Le pessimiste Nietzsche, qui voit un signe de decadence dans une mo- 
rale altruiste, a 6crit : « On manque du meilleur des instincts quand on 
commence k manquer d'^goi'sme. » Vos laur^ats, messieurs, je dois le re- 
counattre, manqoent de cet instinct raffing. Ge sont des decadents k leur 
mani^re, ils s'en tiennent modestement k I'amour et au respect de la beauts 
morale. Ge sont des naifs aussi et qui consentent k vivre dans un triste 
monde, celui des d^sh^rit^s et des souffrants. 

« Gar ces paralytiques, ces impotents, ces aveugles, ces d^biles sont 
comme une cour des Miracles de la soci^l^; mais ces miracles, c'est la 
charity qui les fait. Et il est bon qu'il y ait, en ce monde, quelques specta- 
teurs attendris et quelques juges sp^ciaux par qui Ja mis^re soit signal6e, 
honor^e dans ses actes, car, en montrant les diverses facons de la conso- 
ler, on pent faire naitre aussi, par Texemple, le g6n6reux desir etl'app^tit 
de la vaincre. Le paup6risme, dont Textinction, probl^me social redou- 
table, est le rfive g^n^reux des philanthropes, ces braves gens que vous 
couronnez ne le d^truisent pas, h^las! — la charity n'est qu'un palliatif 
— mais les mis^res sontd6ji consoldes quand les mis^rables sentent qu'on 
les aime et qu'on les aborde fraternellement avec un sourire d'amour et 
de piti6. 

a Et c'esl pourquoi il est utile que vous c616briez trfes haut les vertus de 
ces messagers de fraternity. Le huis-clos est souvent mauvais. Autour du 
crime, le myst^re qui en enveloppe les secrets permet de former parfois de 
dangerenses l^gendes, inqui^tantes pour la conscience publique. Vous 
n'avez pas de huis-clos pour vos h6ros et ces actions qui s'accomplissent 
dans Tombre, vous les saluez en pieine lumi^re. EUes ne demandaient pas 
mdme cette recompense. Aucun de vos laur^ats n'a place sa vertu en 
viager. 

« II m'en a coi!lt6 de me s6parer de ces dtres vraiment sup^rieurs en leur 
obscurity poignante, pour reprendre, dans Texistence de tons les jours, la 
vie accoutum^e. Je m'6tais habitu6 k consid^rer le monde comme une reu- 
nion de h6ros et d'h^roines, et je me demandais pourquoi le roman et le 
th^dtre, dont les fictions sont parfois plus puissantes sur la foule que la 
reality mdme, ne nous montrent pas plus souvent le spectacle de ces su- 
blimes devouements, au risque de subslituer au vice en chapitres et en 
actes la vieille morale en action. 

« Je crois bien que la grande tristesse et la d^sesp^rance un pen faciice 
qui s'abattent sur certaines Ames s'att^nueraient siuguli^rement si lesirUel- 
lectuels, comme ils se nomment, dirigeaient leur attention vers ces humbles 
qui semblent avoir pris pour devise : « Gharit6 bien ordonn^e commence 
par autrui ». Et si la liste est longue des vertus que vous avez pu r^com- 
penser, plus longue serait celle des vertus anonymes que nous ignoronset 
qui fleurissent dans Tobscurite. On ne les voit pas, elles ont la discretion 
et la pudeur de leur h^roisme. II est d'admirables femmes qui gravissent 
les escaliers des pauvres, p^n^trent dans les mansardes, soulagent les mi- 



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VARlfeTfeS. 279 

s^res et laissent aprSs elles le souvenir de leurs bienfaits sans laisser Leur 
nom. Lesmalheureux disent d'elles : « Cest cettedame qui vient quelque- 
fois. » Ou encore elles prennent un faux nom, comme M°^° de Lamartine 
qui faisait le bien sous un ipseudonyme. Je parlais des vertus cach^es, des 
tertas instinctives dont ne se rendent mdme pas compte ceux qui les pos- 
sMenU Qu une occasion arrive, qu'une catastrophe survienne, alors ces 
tertns ^clatent, soudaines, irr^sistibles, inoubliables. Les proverbes, pessi* 
mistes aussi, pr^tendent que I'occasion fait le larron. Dans Tordre ciyique, 
dans Tordre miiitaire, ou la vertu s'appelle d'un mot tr^s simple, le devoir, 
partout, roccasion fait aussi des h6ros. Ne I'avons-nous pas vu, messieurs, 
dans ce tragique jour d*^pouvante, dont la date sera toujours pour Paris 
iin souvenir de deuil, lorsque les ilanunes du Bazar de la Charity consu- 
Di^rent, en quelques minutes, tant de creatures humaines, le matin sou- 
t^^%, heureuses, loutesallant au rendez-vous de Ubonte, les unes pour 
wndre, les autres pour acheter? En mdme temps que le sentiment d*hor- 
rearunissait tons les cceurs, le d^vouement inn^ qui git au fond des dmes 
poossaitdes spectateurs, des passants, k sauver leurs semblables et lamdme 
minnte qui faisait tant de victimes innocentes faisait aussi des h^ros im- 



• Elles d^veloppent imm^diatement, ^lectriquement, le sentiment de la 
solidarity humaine, ces grandes occasions de deuii qui sont comme les 
grands joars de la pitie. Plus de rangs; on s^aborde, on se parle, on s'en- 
tr'aide; pareilles aux grandes catastrophes nationales, ces heures d'6pou- 
Tante font les ccBurs confondus dans une mSme ^treinte, et c'est alors 
qn*apparaissent comme entour^s d'une aureole de flamme on de temp^tes 
les impulsifs de I'h^roi'sme, les entSt^s du sacrifice et du d^vouement. 
Ceux-)^, tout Paris sait leurs noms. Les recompenses, les m^dailles et les 
croix brillent sur leurs poitrines, et Thorrible journ^e a du moins permis 
de mettre en lumi^re de braves gens, comme elle nous a permis d'unir, 
<luis noe mdme admiration douloureuse, ceux qai sont morts, 1^-bas, de 
cette mort atroce, ces femmes, ces jeunes fllles, ces enffiints, toutes ces 
mariyres, k Theure oili la destin6e rdunissait dans une promiscuity lugubre 
one princesse royale et une fille du peuple, de ferventes chretiennes et des 
isra^Iites, une nihiliste et des soeurs de charity. Et dans ce tas afTreux et 
snblime, Fadmiration humaine n'a pas eu k reconnaltre les siens. Elle les 
a salons, elle les a honoris, elle les a pleur6s, Elle ne les oublie pas!... 

• Onserait presque tent^ de trouver k ces ^preuves sinistres, immerit^es, 
Kroces, comme k toutes les 6preuves humaines, guerres, 6pid6mies, mas- 
sacres, une sorte de farouche consolation en calculant I'esp^ce d'^closion 
spontan^e de d6vouements qui marque aussi les heures maudites de ces 
^catastrophes. La fraternity dans la mort enseigne la solidarity dans la vie 
«t le malheur fait soudain briller certaines vertus comme la nuit fait scin- 
^Uer les eloiles. Le coear homain a des ressources profondes, secretes et 
sacr^es, pour opposer la contagion de la charit6 k la contagion de la mi- 
**w. Parfois est-il dupe : le mendiant, frfere Cain du malheureux, exploite 
«tt nous ce que le xvih« si^cle appelait d'un nom charmant, la sensibility 
«tce que nous nous nommons tout simplement la bont^. M. do Montyon, 
^ ful sensible, connaissait le prix des vertus cach^es et n'ignorait pas le 



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280 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

pouvoir des vertus publiquement c616br6es. II ne s'agit pas ici de doaner 
raison au m6chant motde La Rochefoucaald : « La yertu n'irait pas loin si 
la vanity ne lui tenait compagnie ». II n'est point question de vanity, mais 
de justice. Qui, « il faut qu*uue action louable soit lou6e ». Peut-^tre le 
souvenir de quelque d^vouement fera-t-il nattre dans d*autres dmes Tam- 
bition, I'app^tit d'un sacriflce nouveau. En attendant, admirons ceux que 
nous couronnons aujourd'hui. Qui ne se sentirait un peu humili^ par ieur 
grandeur inconsciente? Toutes les belles phrases ne valent pas la plus 
simple de leurs belles actions et il y aurait uu moyen plus certain d'hono- 
rer nos laur6ats — un moyen h^rolque que je n'oserais proposer — ce 
serait de les imiter. Gontentons-nous de les saluer bien bas et de nous 
rappeler, au moins jusqu'ii demain, les noms vSn^rables de ces bons sau- 
▼eteurs et de ces filles braves qui nous apportent, si je puis dire, desann^es 
de d^vouement et k qui nous donnous, en ^change, une gloire d'une heure, 
un 6ioge d'une minute. Mais quoi I ils ne demandaient mSme pas cela, ils 
n'esp6raient rien!... ils faisaient le bien pour le bien; ils ne souhaitaient 
que la joie du sacrifice. L'Acad^mie ne Ieur eftt-elle rien accords qu'ils 
auraient encore la meilleure part! » 



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CHRONIQUE ETRANGERE 



AUemag^e. 

LA LUTTE CONTRE LA TUBERCULOSE 

En Hanovre vient de se fonder une association pour la lutte contre la 
tobercolose. 

Le but de cette association est de r6pandre dans le public, par voie de 
conferences et de brochures, les notions relatives k I'^tiologie et k la pro- 
phylaxie du terrible il6au qui fait tant de ravages parmi les hommes. 

LE TRAVAIL DES ENFANTS 

L'inspection industrielle en AUemagne a fait cette triste constatation 
que le travail des enfants va de uouveau croissant. Non seulementle nombre 
des adolescents de 14 i 16 ans, employes dans les fabriques, a consi- 
tl^rablement augments (9,1 0/0 de 1895 k 1896), mais encore celui des 
enfants au-dessous de 14 ans s*est accru de 23,2 0/0 dans cette seule 
ann^e (les mines de sel et les salines, qui occupent un nombre consi- 
derable d'enfants, n*y ^tant point compris.) 

Dans le rayon de Gassel, le chifTre a mSme augments de 50 0/0 et la 
dar^e moyenne de la journ6e ouvriSre pour les enfants se trouve 6tre de 
dix heures. Dans une raffinerie de sucre k Leer, prfes de la frontifere hoUan- 
daise, les fabricants, aprfes avoir 6t^ r6primand^s par le gouvernement 
pour Temploi 6tendu qu'ils faisaient du travail enfan tin, allftrentau delude 
la frontifere recruter des petits ouvriers en Hollande. La loi allemande se 
troava hors d'etat de prot^ger ces jeunes Strangers, qu*on avait eu soin de 
manir de certidcats hollandais les dispensant de I'^cole. 

Un autre grave inconvenient consiste dans le travail mercenaire des petits 
ecoliers pendant leurs heures de loisir. 

Le conseil municipal de Berlin se propose de voter un r^glement 
defendant Temploi des enfants au-dessous de 14 ans comme commis- 
sionn aires, porteurs cle kit, de pain, de journaux, etc. Le Berliner 
Tagblatt remarque fort justement qu'une telle loi sera illusoire pour 
ramelioration du sort des enfants. Au lieu de gagner en f aisant des courses, 



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REVUE PHILANTHROPIQUE, 

devront ^changer ce metier fatigant contre le travail bien plus ruineux 
Tindustrie k domicile. 

D^j^ d'innombrables enfaDts sont employes pendant toutes leurs heures 
res k coudre des boutonni^res, k fabriquer des fleurs artificielles, des 
s en papier, des boites en carton, etc. ; Touvrage k domicile, exempt de 
i contrdle et de loute inspection, leur ablme le corps, leur abAtit I'es- 
t et empSche les pauvres 6tres epuis6s de tirer avantage de Tinstruction 
laire, qu'ils sont trop fatigues pour suivre attentivement. 
Cependant la mis^re sociale ne permet pas k bien des families de se 
iser des minces ressources rapport^es par le sacrifice des enfants, le 
'liner Tagblatt appuie sur TinutilitS d'une surveillance de police tant 
on ne donnerapas aux families indigentes une compensation mat^rielle. 
On pourrait peut-6tre aussi combattre d'une mani^re efficace, le travail 
! enfants en ^largissant le syst^me des asilesjournalierspour la jeunesse, 
ctionnant sous le nom de « Kinderhorte ». Ces asiles abritent les ^coliers 
ivres pendant leurs heures de loisir, les r^unissent sous une surveillance 
sonnable pour les devoirs et les jeux en commun. Berlin en poss^de k 
1 pr^s 40. 

lultipli^s, r^form^s, les « Kinderhorte » pourraient Hre destines non 
ilement k soustraire i'enfance aux dangers et ill la corruption de la rue, 
is aussi k une usure pr^malur^e par le travail indastriel. Les repas 
tuits ofTerts aux ecoliers d^dommageraient en quelque sorte les parents 
igents de la perte occasionn^e par le chdmage des enfants. 

Adelb Schreiber. 






LKS SANATORIA POUR LES TUBBRCULEUX 

Le D"^ Gumprecht (d*I6na) public des notes int^ressantes sur les sanatoria 
tuberculeux indigents cr^^s jusqu'ici. L'Angleterre en poss^de 18, pou- 
\i recevoir ensemble 7 000 malades, les £tats-Lnis disposent de deux, 
France (1) et TAutriche chacune d'un seul. La Belgique n*a aucune ins- 
ition de ce genre, la Suisse, par contre, en comptera bient6t 10, et en 
emagne i i sanatoria fonctionnent d6j^ dans toutes les parties de I'em- 
e, tandis que sous peu leur nombre sera plus que triple. La fondation 
iuvres pour les tuberculeux est r6solue dans les localitSs suivantes : 
dreasberg, Altena, Altona, Baden, Berlin, Danzig, Erfurt, Hagen, Halle, 
aau, Hannover, Kassel, Kdnigsberg, Leipzig, Nilrnberg, Oldenburg, 
peln, Regensburg, Siichsische Schweiz, Stettin, Stiege, Stuttgart, Sulz- 
n, Hurzburg. 

L'un des plus beaux sanatoria, k Harlaching en Bavi^re, est pr^s d'etre 
lev^; on esp^re que Tinauguration pourra avoir lieu en aatomne 1898. 
; frais de construction s'^l^vent k 1 228 000 marcks. L'^tablissement abri- 
a 400 tuberculeux, dans deux divisions s^par^es a proportions ^gales 
ommes et de femmes. Des halles ouvertes longeant toute la facade per- 

(1) Lc sanatorium d'Angicourt en preparation. 



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CHRONIQUE tTRANGfeRE. 283 

Jiiellent m^rne aux plus malades de respirer Tair salubre des bois envi- 
I'onnants, les lits 6tant k cet effet flx^s sur des roulettes et se transpor- 
^^^ sans difficult^ aucune. 

^ien entenda le sanatoriam sera pourvu de tout confort, rien n*y man- 
l^era pour y rendre le s6jour aussi efficace et aussi agr^able que possible. 



A.S. 






1- EFFET DES ASSURANCES EN GAS DE MALADIE ET DES CAISSES 
DE PR6vOYANCE pour LA ^lEILLESSE SUR LB PAUP^RISME 

i#7 ^^'^ce statistique de I'empire allemand vient de publier (1) les r^- 

^'une enquSte entreprise A la demande du chancelier imperial par 

Qvernements des divers 6tats conf(5d^r^s afin de s'assurer Si les 

*"«ijjes iiQposdes par les diff^rentes lois d'assurances ouvriferes se- trouvent 

^^VipeasSes par ime ^conomie dans les charges d*assistance publique, et, 

si oBi, dans quelle me sure. 

C'est, croyons-nous, la premiere fois que la question est pos6e. 
Les renseignements recueillis ont 6t^ de deux sortes : en promier lieu, 
une statistique d^cennale (1884 A 1894) du nombre total de chefs de families 
obtenant des secours de 1' Assistance publique et la somme to tale par annSe 
de ces secours; en second lieu lesr^ponses k un questionnaire adress^ par 
TofQce imperial de statistique de Berlin k toutes les administrations 
d*assislance. 

Cest une enqu^te tr^s m^thodiquement con9ue et qui peut sinon per- 
mellre de trancher cette face curieuse de la question du d^veloppement 
du paup^risuie, tout au moins apporter des ^l^ments d'information exacts, 
susceptibles de servir de base k des enqu6tes analogues, en Allemagne ou 
dans d'autres pays. 

Les r^sul tats de cette enqufite r^sument environ 1500 r^ponses k ce 
questionnaire. En g^n^ral les administrations allemandes d'assistance 
considerent que les operations dues aux lois sur les assurances ouvriferes 
onlemp^ch6 leurs charges des'accrottre aussi rapidement qu'elles Teussent 
lutsiceslois n'existaient pas; mais le nombre des personnes assist^es et 
le montant des secours ont augment6 plut6t que diminu^. 

La loi sur les accidents a eu moins d'efTet que celle sur I'assurance 
^Dtre la maladie et celle de pr6voyance pour la vieillesse sur le d^velop- 
pement du paup6risme. Cette demiftre aurait permis k un grand nombre 
^ personnes de ne pas recourir aux fonds des pauvres. Par exemple, k 
"*™n le nombre de malades envoy6s dans les hdpitaux municipaux par les 
caisses d'assurances en cas de maladie a augments pendant que le 
nombre des patients envoy^s dans ces 6tablissements par les ad- 
J>^iQislrations d'assistance publique a diminu6. De plus, le pourcentage de 
* population berlinoise secourue k domicile par les m^decins de I'Assls- 

PnLi ^^^^^i^^^^f^^ -S'' Statistikdes deutschen Reichs, Jahrgang 1897 ; Rerlin, 
™W«umner et Muhlbrecht. 



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284 Rj:VUE PHILAxNTHROPIQUE. 

tance est tomb^ de 4,46 — chiffre de 1883 — k 2,79 en i 887-88 pour re- 
monter h 3,76 en 1891-92, taux encore inf^rieur k celui de 1883. II est fort 
regrettable que Tenqu^te n'ait pas port^ sur les ann^es 1894 k 1896. 

L'enqu^te allemande assignearaugmentationdunombre des personnes 
r^clamant I'aide de I'Assistahce publique une cause que nous signalons 
parce qu'elle influe, croyons-nous, sur le d^vcloppeniement des d^penses 
d'assistance parlout oh. la r^gularit^ du secours distribuS transforme le 
pauvre occasionnel en indigent inscrit, immatricul^ et rent^. Une parlie 
de la population ouvri^re allemande, ne jouissant pas du b^rK^fice des 
lois d'assurance ou n'en jouissant que parti ellement, a une tendance 
mcu'qu^e & accepter plus volontiers qu'autrefois les secours de TAssistance 
publique et affirme mhne son droit aux secours publics, 

Dans une parlie de la Prusse, cependant, Taugmentation des d^penses 
d'assistance est attribute k la loi sur les pauvres de 1891 , sans que nous 
puissions nous rendre compte de cette assertion. 

Enfln,* dans certains cas, les autoritds bienfaisantes ont aIlou6 des 
secours k des families ou k des individus recevant une rente des institu- 
tions d'assurance — surtout des vieillards — parce que la faiblesse de la 
pension vers^e aux assures 6tait telle qu'ils ne pouvaient subsisler saus 
Taide de I'Assistance. Ge dernier contingent sera de plus en plus r^duit au 
fur et k mesure que les lois sur Tassurance s'appliqueront plus com- 
pl^tement. 

G. G. 



Angleterre. 

Poplar hospital for accidbnts (H6pital de Poplar pour les accidents). 
— En facade sur Gommercial Road, en plein quartier des Docks, dans 
Test de la ville, adossS aux quartiers les plus pauvres de Londres, Stepney 
et Whilecbapel, se trouve le Poplar hospital, qui se donne pour mission 
principale de soigner les accidents el qui, sur la couverture de ses pros- 
pectus et de ses rapports imprimis, affirme que le nombre des accidents 
trait^s par ses soins est de plus de quatre par heure chaque jour. 

Le voyageur qui longe Gommercial Road d6couvre ais6ment, k cinq 
minutes de la station de Poplar, un double bdtiment dont une partie a 
deux stages sur rez-de-chauss6e, avec un bow-window k la fenfire m^diane 
du premier 6tage, et dont Tautre partie ofTre sur la rue une facade ^troite 
k trois Stages avec deux Urges balcons. Ges constructions de style bien 
anglais sont couronndes de simili-crSneaux. D^s qu'on arrive k Tune des 
extrSmitSs de la grille qui s6pare de la rue les constructions, un grand 
Scriteau frappe le regard : Gocbbrs ! vkuillez marcher au pas devant l'hopital ! 

.Si vous 6tes en voiture, vous pourrez remarquer que votre cocher ne 
manquera pas de se conformer k Tavis qui est ainsi formuld, et qu'il ne 
reprendra son allure ordinaire qu'apr^s avoir lu, k Tautre extr^mild de la 
grille, une nouvelle pancarte ingSnieusenient reconnaissante : Merci, co- 
ghersI 

Le Poplar hospital a H6 fondd il y a quarante-trois ans. Mais, depuis 



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CHRONIQUE feTRANGfeRE. 285 

qaelques ann^es, il s'est agrandi, amSlior^, et grdce aux souscripteurs et do- 
naleursg^n^reux, il peut faire face aux d^penses croissantes de son budget. 

Actuellement (1896) ses recettes s'^l^vent^ 21 056 livres (526400 francs] 
et sesd^penses se balancent exactement ayec ses recettes, mais il convieat 
d'ajouter qa'on volt figurer aux recettes les legs et ie samaritan fund et 
qu'aox d^penses se trouvent mentionn^es plus de 15000 Jivresde dSpenses 
exlraordinaires. 

D'apr^s les comptes du dernier exercice, chaque malade externe coilte 
k Tadministration 1 shelling 1/2, soil 1 fr. 85, et chaque hospitalism re- 
Tient i30 shellings par semaine, soit environ 5 francs par jour. 

Le nombre de lits n'est pas considerable et 52 sur 65 en moyenne ont 
^tdoccupes en 1896; le nombre des hospitalises a et6 de 876, savoir : hom- 
mes 506, fern mes 125, gar^ons de moins de douze aus 162, (illes 83. La 
dur^e raoyenue du s^jour de chaque hospitalise a H€ de 22 Jours. 

Les malades trait^s dans la partie reservde aux consultations pour les cas 
d'accidents ont H6 de 17 479, soit 48 par jour. 

La iDorlalite n'a pas atteint 6 p. 100, puisque 51 d^ces ont ete constates 
sor 876 malades; encore faut-il constater que 3 d^c^s ont eu lieu pendant 
le transport k Thdpital et que beaucoup parmi les autres sont morts quel- 
qnes heures apr^s leur entree k Thdpital. 

Quoique la situation fiuanci^re soit bonne, les ad minis trateurs n'ont pas 
riotenlion d'augmenter le nombre des lits ; ils pensent seulenient k in- 
^'er una dizaine de lits pour un service de maladie des yeux et un ser- 
vice dentaire. Ces services sont rendus n^cessaires par ce fait que dans 
Textrdme est de Londres il n'y a aucun hdpital special pour les dents et 
Jes yeux. 

I^'autre part, retablissementveot faire bien, dAt-il faire moins, et r^ser- 
ver ses ressources en provision de Taugmentation du nombre des malades 
externes qui, en onze ans, de 1885 k 1896, s'est eieve de 7 000 k 17000. . 

£uQo,il ne veut pas economiser sur son personnel. Ild^pense actuelle- 
ment U19 livres en salaires et gages (35 475 francs) dont 580 pour les in- 
finnieres (13 500 francs). 

" C*est un miserable calcul, dit le dernier rapport du comite d'adminis- 
tration, que d'economiser sur les infirmieres », et il ajoute que les malades 
troQTent autant de proQt que les infirmieres quand on ne les surm^ne pas 
etqu'onleur donne une demi-journee de conge tons les huit jours et, 
lOQsles mois, 60 heures de suite qu'elles peuvent passer loin des salles. 

Depuis le mois d*avril 1896, on a pris Thabitude de demander aux ma- 
lades exteraes 2 deniers (environ 20 centimes). On a vbulu ainsi eviterdans 
nne cerlaine mesure les malades non compl^tement denues de ressources 
el qui Tont de consultations en consultations. Mais il va de soi que le ma- 
^equi ne peut payer celte petite somme est soigne tout de mSme; de 
plus on n'exige rien pour les enfants; — on estime en eflfet que les parents 
Qenverraient peut-eire pas leurs enfants kin consultation s'il leur fallait 
P^yer ?ingt centimes poor chaque fois. 

^ Poplar hospital y comme la plupart des autres hdpitaux de Londres, a 
'^f-omit^de dames qui visitent les malades en traitement. 

L'^tablissement est administre par un president, un vice-president eti 



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286 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

des gouverneurs. Dix goaverneurs au moins forment le comiti qui se 
r6anit obligatoirement une fois par semaine. line cotisation d'une guinee 
donne le titre de gouverneur. Le versement de dix gain^es au moins est 
n^cessaire pour ^tre gouvemeor k vie. Le president du comity est actuelle- 
ment Thonorable Sydney Holland. 

Henri Napias. 



Antricbe. 

LE DEFICIT DES FONDS d'aSSURANCB GONTRE LES ACCIDENTS 

Apr^s avoir examine la situation en Allemagne, nous signalerons les 
conditions peu satisfaisantes des caisses autrichiennes d'assurances en cas 
d'accidents pendant les derniSres ann^es. 

En 1893, le deficit, c'est-ii-dire Vexc^s des depenses sur les recettes, 
^tait de 1825000 francs; en 1894, il montait au total inqui^tant de 
2 061 000 francs et en 1895, 11 a epcore atteint le chiffre de 1 158500 francs. 

Ges chiffres portent sur les caisses d'assurances soumises k la loi de 
juillet 1894, mais ne comprennent pas les caisses de mineurs, regies par 
le code minier et qui sont dans dee conditions de prosp6rit6 relative. 

Le deficit que nous relevons ne tient nullement k un recul de Tesprit 
de pr6voyance en Autriche, car de i 231 818 en 1890, le nombre des assures 
a moot6 k 1 877 194 en 1895 ; mais, bien qu'on semble g6n6ralement d'accord 
dans les milieux ofQciels k assignor com me cause le taux trop bas des 
primes, nous croyons que ce n'est pas \k le motif veritable de la crise 
f&cheuse que traversent ces int^ressantes institutions. Le motif serait plu- 
t6ty selon nous, dans les d^fectuosil^s de la loi autrichienne qui permet 
trop ais^ment aux patrons d'^chapper aux responsabilit^s et aux verse - 
ments qu'en bonne ^quit6, dans de nombreux cas, ils devraient faire aux 
caisses auxquelles sont assures leurs ouvriers. 

G. C. 

Belgique. 

Bel^que. — Le Gongr^s pour le repos du dimanche, qui s'est tenu 
iBruxelles, a vot^ k la grande majority de ses membres qu'il fallait une 
loi pour assurer le repos dominical; il s'est prononc^ en faveur d*une 
mesure s'appliquant pour Tindustrie k tons les employes sans distinction 
et il a 6t6 d'avis que, toute reserve faite sur la mesure de Tinterveution 
des pouvoirs publics, cette intervention pourra se produire ^galement en 
vue de la fermeture des magasins le dimanche. 



Russie. 

LES AMBULANCES URBAINES 



Les voitures.d'ambulances urbaines^ qui rendent chaque jour k la po- 
pulation parisienne d'inappr^ciables services, out fait leur apparition en 



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CHRONIQUE ^TRANGtRE. 287 

Pologne grdce a la g^nSreuse iaitiative de M. le comte Przezdziecki ; un 
service d'ambu lances urbaines vient, depuis quelques mois, d'etre inaugur^ 
iVarsovie, ou il jouit de lafaveur populaire. Lors de leur r^cente visile en 
Pologne, I'Empereur et I'lmp^ratrice de Russie se sont vivement inUress^s 
k cette oeuvre, appelee k rendre de grands bienfaits, et ont compliments le 
philanthrope qui lai a donn^ Tessor. 

Les voitures d'ambulances de Varsovie n'ont pas cependant la ISgSretS, 
l*616gaQce et presqae la gattS de nos voitnres parisiennes. GopiSes sur 
celles qui fonctionnent k Vienne, elles sont lonrdes, d'aspect un pen lugubre, 
et sent trainees par deux chevaax. Telles qu'elles sont, elles rendent de 
T^rilables services qui justiflent I'enthousiasme que les habitants profes- 
sent pour Toeuvre. 

Puisque nous parlous des ambulances urbaines, il convient de rappeler 
que c'est en France qu'elles se sont manifestoes pour la premiere fois en 
Europe, grdce k M. le docteur Nachtel. 

En 1880, le docteur Nachtel faisa it, lo 30 novembre,une communication 
^ TAcad^mie de mOdecine touchant la creation d'ambulances urbaines. 
Cette communication faisait, en fOvrier 1881, Tobjet d'un rapport favorable 
de VAcad^mie, rapport qui a eu un 6norme retentissement, et k la suite 
dnquel M. le docteur Nachtel, soUicitO par M. le baron de Mundy,commu- 
niqnaitice personnage les bases du fonctionnement qu'il prOvoyait pour 
Toenvre, en m6me temps que la description sommaire de la voiture qu'il 
convieodrait d'employer. C'est sur ces derni(»res qu'un service d'Ambu- 
l^ces Urbaines fut ct6& k Vienne avec des voitures insufflsamment Stu- 
^Ij^es, k la suite du terrible incendie qui dOti*uisit de fond en comble le Karl 
Tbeater, vers 1883. 

Oq sait, en ce qui touche les ambulances urbaines de Paris, qu'A la 
*^te d*un rapport favorable du Conseil d'hygifene du dOpartement de la 
Seine et du Conseil municipal de Paris, datant de 1884, Tojuvre ne fut 
"^ogur^e qu'en 1888. Elle compta, parmi ses protecteurs, les personnages 
^6s plus illustres, notamment le regrelt6 Jules Simon, eut comme pr6si- 
"Cntes M"«" la baronne de Mohrenheim, la duchesse de Doudeauville 
** <luchesse de Rohan, etc., et fut remise solennellement k la ville de Paris 
«n 1893, 

Aujourd'hui on se propose de crSer un service d'ambulances urbaines 
a Londres, qui en est encore priv6. Soutenu par la sympathie de lord 
*^**ter, du president du conseil municipal de Londres, du lord-mayor et 
^autres pouvoirs publics anglais, M. le docteur Nachtel poursuit avec sa 
^outumi^re activity sa philanthropique campagne, k laquelle on ne saurait 
'''^P applaudir, car elle a pour objet le soulagement de ThumanitS. 



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INFORMATIONS 



L'H6pital Boucicaut. 

Le l^'d^cembre a eu lieu, dans la plus grande solennit^, rinaoguration 
de I'hdpital Boucicaut sous la pr^sidencjs du President de la R^publique. 

Le 8 d^cembre 1887, M""** Boucicaut mourait,laissant un testament aux 
termes duquel TAssistance publique ^tait institute l^gataire universelle. 

L'ensemble de sa fortune d^passait quarante millions. La majeure 
partie de cette somme 6tait afTect6e k des institutions de charity publique 
ou priy^e, et, tout comple fait, apr^s la d^livrance de ces divers legs dont 
le total s'^levait k 33 millions, I'Assistance publique ne conservait pour sa 
part qu'une somme de 7 millions 500 000 francs, destin^e, dans Tintenlion 
de la testatrice, k fonder un hdpital dans nn quartier avoisinant le Bon 
March^ d'oii cette fortune 6tait sortie. Cette obligation cependant se trou- 
vait subprdonn^e k cette condition que le reliquat de la fortune totale res- 
tan t entre les mains de I'Assistance publique atteignlt un chiffre de 
8 millions de francs. Cette administration ne se trouvait done pas stncte- 
meot tenue k fonder un hdpital : elle pouvait, d'accord avec les ex^cuteurs 
te stamen taires, appliquer le disponible k des oeuvres quelconques. Mais, 
jalouse de rester scrupuleusement dans Tesprit de la testatrice, elle d^cida 
de surseoir k la construction de ThApital jusqu'^ ce que les int^r^ts capita- 
lists de la somme qui lui revenait fussent devenus suffisants pour parfaire 
les 8 millions indiqu6s. Ce moment yenu, elle ouyrit un concours sur un 
programme 61abor^ par ses soins et dans ce programme elle s'effor^a de 
tenir compte de toules les indications de la science et de Thygi^ne mo- 
dernes. Ainsi les services de chirurgie devaient 6tre divis^s non seulement 
par sexes, mais par categories de malades : de mdme les services de m&- 
decine se trouvaient disposes de fa^on que les contagieux ne fussent 
jamais m^lds aux autres malades, m^me k Tentr^e de rhdpital, dans le 
service de la consultation. La volont^ de I'Assistance publique fut scrupu- 
leusement respect^e par les concurrents. Sur une trentaine de projets 
pr^sent^s, huit re^urent une prime. C'est sur celui de MM. Legros p^re el 
fils que s'arr^ta le choix d^finitifdu jury. On leur conlla la direction des 
travaux, et au cours de I'ann^e 1894 le premier coup de pioche fut donn^ 
dans le terrain acquis par I'administration au centre du quartier de Javel 
absolument denu6 jusque-R de tout ^tablissement hospitalier. Ce terrain. 



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INFORMATIONS. 289 

d'one snperficie de 30000 metres, avait coilt4 545 348 fr. 85. Les construc- 
tions qui le couvrent sar une surface de 7500 metres, et qui sont aujour- 
d*hui termin^es, oot eotraiaiane d^pease de 2855 471 francs ; les frais fails 
pour rameublement tout spScialement soign^, ne s'dl^venl pas h, moins 
de 270000 francs. L*ensemble de I'op^ration revient done h un total 
de3670819fr. 85. 

Le nouvel h6pital, dii k la gSn^rosit^ de M°^* Boucicaut, se compose de 
bait pavilions, dont quatre de mSdecine et quatre de chirurgie. 

Ges paTilloDS sont d'in^gales grandeurs, les plus grands affect^s aux 
hommes, ceux-ci Temportant sur les femmes dans la proportion de trois 
pour deux. En outre des services de m6decine et de chirurgie g^n^rales se 
troove on service d'accouchement qui comprend 20 lits. Ghaque pavilion 
se compose d'une salle k rez-de-chauss^e sur6lev6 et de ses annexes, au- 
dessas desquelles, seules, se trouvent plac^es, au premier 6tage par conse- 
quent, des chambres r^serv^es aux malades du Bon March^ qui ont, en 
outre, la jouissauce exclusive d'un petit bcitiment, sorte de cercle con- 
strait a leur usage. 

L'hdpital contiendra en tout 152 malades formant trois services, 
confi6s : celui de m^decine au docteur Lctulle, celui de chirurgie au 
docteur Marchand, enfin la maternity au docteur Dol^ris. Huit religieuses 
deTordre des dames augustines de rHdtel-Dieu et cinquante infirmiers 
ou infirmi^res laiques composent le personnel de Thdpital. 

Aa point de vue des dispositions architecloniques et des mat^riaux em- 
ployes, ThApital Boucicaut offre un int^rfit tout particulier. Les salles, de 
forme ogivale, m^nagent un cube d*air renouveie de 80 rafetres par ma- 
lade et par heure, toutes construites 6n fer et en briques avec soubasse- 
meat de meuli^re. La paroi interne est s^par^e du mur ext^rieur par un 
matelas d'air et rev^tue de briques de lieges enduites d'une peinture ver- 
iuss6e. A rextr^mite de chaque salie se trouve une veranda orn6e de 
plantes k Tusage des malades et qui leur servira de fumoir. Le sol est en 
gr^s c4rame. Le chauffage est & circulation de vapeur, r^clairage se fait 
par reiectricite. Tons les services sont pourvus d'un ascenseur ainsi que 
d'un roonte-charge et relies entre eux pcu'une galerie souterraine desservie 
par an petit chemin de fer, de telle sorte qu'a Texterieur rien n*appa- 
raisse du fonctionnement de ThApital. 

L'etablissement est d6cor6 de plantations et de Jardins riants qui lui 
donnent un cachet particulier. 

M. Felix Faure, accompagn^ de M. Barthou, a 6t6 recu par M. Peyron, 
directeur de I'Assistance publique, MM. Sauton et Dubois, presidents du 
conseil municipal et du conseil general, Henri Monod, directeur de 
I'hygiene et de TAssistance publiques, de Selves, prefet de la Seine, et 
Charles Blanc, pr^fet de police, F61ix Voisin, president du conseil de sur- 
veillance, Louis Lucipia, president de la commission d'assistance du con- 
seil municipal, Alphonse Humbert et Chauvi^re, deputes de Tarrondisse- 
ment, Paul Strauss, s^nateur de la Seine, de nombreux conseillers munici- 
paux. 

Un grand nombre de notabllit6s m^dicales et scientiGques assistaient 
k la ceremonie. 

REVOE PHnJl!fTHROPIQUE. — H. 19 



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290 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

Des discours applaudis ont 616 prononc^s par MM. de Selves, Sauton et 
Pejrron. 

Au nom des ex^cuteurs testamentaires, M. Plassard a remerci^ le presi- 
dent de la R6publique d*avoir assists k cette f^te, puis M. F^lix Faure a 
prononcd quelques paroles. 

« G'est au nom des malhenreux, des souffrants et des mis^rables que 
I'adresse k la fondatrice uo hommage que je diraipresque national. Nous 
sommes venus ici pour honorer le travail, la charity et la reconnais- 
sance. » 



La Commission de revision des Listes d'Indigents. 

Le conseil sup^rieur de TAsBistance publique s'etait prononc^, dans la 
preparation du d^cret snr les secours k domicile k Paris, en faveur de la 
creation d*une commission devant laquelle seraient port^es les rc^clama- 
tions des indigents el des n6cessiteux. Gette disposition n'a pas 6l€ main- 
tenue par le conseil d'Etat. 

Mais, k la suite d'un vceu du Conseil municipal, et en raison des disac- 
cords survenus entre Tadminislration centrale et les bureaux de bienfai- 
sance au sujet d«; Tinscription ou de la radiation des listes d*indigents, et 
sur I'avis conforme du Conseil de surveillance, un arr^t^ vient de constituer 
cette eommission de revision. 

Cette commission, charg^e de se prononcer sur les contestations aux- 
quelles peut donner lieu Tinscriplion ou la radiation des lisles d'indigents, 
sera pr^sidSe k tour de r61e par le president dm Conseil de surveillance et 
par le president de la commission municipale d'assistance. 



Les Inflrmiers et Inflrmi^res des H6pitaax. 

Le personnel secondaire des h6pitaux parisiens a ^t^ r^cemment aug- 
mentS pour une somme de 203 641 francs, sp^cialement vot^e k cet efifet 
par le Conseil municipal. 

L'augmentation est de 84 francs pour les surveillants et surveillantes, 
les sous-surveillants et sous-surveillantes, de 63 francs pour les suppliants 
et suppleantes, de 43 francs pour les premiers infirmiers et premieres in- 
firmi^res, de 48 francs pour les infirmiers et inflrmi^res de premiere 
classe, de 43 francs pour les infirmiers et infirmi^res de deuxi^me classe, 
les garcons et fiUes de service de premiere et de deuxiSme classe. 

line circulaire du 25 juin 1897 a ainsi r6glement6 le recrutement du 
personnel secondaire : 

Article premier. — Le personnel des infirmiers, infirmiferes, garcons et 
filles de service, comprendra d^sormais deux categories : 

\^ Les infirmiers, infirmi^res, gardens et filles de service stagiaires; 

2^ Les infirmiers, iofirmi^res, garcons et filles de service titulaires de 
premiere et de deuxi^me classe. 

Art. 2. — Les infirmiers et infirmi^res, garcons et filles de service sta* 



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INFORMATIONS. 291 

giaires, seront recruits par les directeurs des ^tablissements; ils seront 
sonmis au plus tard dans les huit jours qui suivront leur admission pro- 
visoire, d an examen medical qui aura pour but de determiner si les can- 
didal sont exempts d'affections contagieuses et s'ils poss^dent les apti- 
tudes physiques n^cessaires pour remplir les fonctions qu'ils sollicitent. 
Si le r^sultat de cet examen leur est favorable^ ils seront admis A accomplir 
QD stage dont la dur^e sera de six mois au moins, et k I'expiration duquel 
ils pourront Hre nomm6s infirmiers titulaires, sous la condition expresse 
qae pendant ce laps de temps, ils auront donn6 toute satisfaction k leurs 
chefs et que le stage dont 11 s'agit aura 6t6 accompli dans le m^me ^ta- 
blissement et sans interruption. 

Ceax qai, au contraire, n'auront pas 6i6 jug^s aptes k remplir les fonc- 
tioDs d'infirmier ou d'infirmi^re devront dtre cong6di6s dans uu d^lai 
maximum de huit jours. 

Art. 3. — Les infirmiers et infirmi^res, gar^ns et filles de service sta- 
giaires, recevront ind^pendamment des prestations en nature, une indem- 
nity calcul6e k raison de 350 francs par an et payable par mois. 

Art. 4. — Le grade d'infirmier, inflrmi^re, gar9on et fiUe de service 
titulaire sera conf6r6 et ne pourra 6tre retir^ que par le directeur de 
TAdministration. 

Art. 5. — Toot titulaire qui quitterait r^tablissement oh il exercait ses 
fonctions, sans y avoir €i6 autoris^ par le directeur de 1' Administration, 
perdrait le benefice de son grade. 

11 ne pourra dtre admis de nouveau dans les ^tablissements dependant 
de Tadministratipn qu*en quality de stagiaire et dans les conditions pr6- 
▼ues k Tarticle 2. 

Cet arr6t^ a eu son efifet k partir du !«' juillet 1897. 



Le Service medical de nnit. 

A la suite d'une question de M. Paul Bernard sur le fonctionnement du 
service medical et pharmaceutique de nuit, le Conseil municipal de Paris 
a adopts la proposition suivante de M. Patenne : 

« En cas d'accouchement, les brigadiers des postes de police donneront 
la preference au m^decin demand^ par les families lorsque le medecin 
sera inscrit sur le tableau de service. » 

Une autre proposition, formui6e par M. Paul Bernard, a et6 renvoy^e 
k Texamen de la cinqui&me commission. Elle est ainsi concue : 

« Le service medical de nuit sera assure, dans chaque quartier, en 
instituant le service par semaine au lieu d'etre k tour de r61e par nuit. 

« Les ordonnances k prescrire, k Toccasion du service de nuit, seront 
laiss^es k la liberty pleine et enli^re du medecin, dans riutSrSt du ma- 
lade. » 

Par une r^cente circulaire, M. le pr6fet de police vient de donner, aux 
agents charges de la requisition des m6decins de nuit, des instructions 
nonvelles. 



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292 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

Dor^navant, chaque fois qu'an m^decin de nuit appel^ aupr^s d'an ma- 
lade, jugera nScessaire I'assistance d'uQ de ses confreres, il sera proc^d^ 
d'urgence k uae seconde requisition : chacun des m^decins touchera la to- 
talit6 de rindemnit6 allou^e par visile de nuit. 

Gette decision a 6U proyoqu6e par un fait signal^ par M. Ribemont- 
Dessaigne, chef du service de la Maternity k rhdpital Beaujon. 

Un m^decin de nuit, appel^ aupr^s d'une albuminurique en coaches, 
dont nne sage-femme avait en vain tent^ la d^livrance et chez laquelle une 
abondante h^morrhagie s*6tait d6clar6e, refasa d'intervenir et prdfera en- 
voyer imm^diatement la malade k ThApital. Gelle-ci, qu'une intervention 
rapide edt peut-^tre sauv^e, succombait au moment m6me ou elle ^tait 
hospitalis^e. 



La Tuberoolose dans rArmde. 

Dans sa stance du 8 avril 1897, le Gonseil g^n^ral de la Seine avait 
adopts une proposition de MM. Glairin, Bompard, Prache et Gervais, ten- 
dant k combattre la tuberculose dans Tarm^e. 

M. le Di* Dubois a propose de son cdt^ un projet de vobu, qui vient d'etre 
adopts par la m6me assembl^e, pour « que Tautorit^ militaire tienne l^gi- 
timement compte des constatations et des certificats des m^decins civils 
int^ressant les jeunes gens qui se pr^sentent devant les conseils de revi- 
sion, et que tout jeune homme suspect de tuberculose soit soumis k une 
observation approfondie et qu'il ne soit envoys au regiment que si Texa- 
men bacteriologique I'a reconnu indemne du bacille de Koch. » 



L'Enseignement medical. 

L*Union des Syndicats m6dicaux de France a adopts, dans sa reunion 
annuelle de novembre 1897, la resolution suivante k TunaQimite : 

Gonsiderant que le nombre des Facultes actuellement existantes sufOt 
amplement k assurer le recrutement et que leur creation ne r^pondant k 
aucun besoin des populations, serait de nature k augmenter I'encombre- 
ment d^jd trop grand de la profession : qu'il serait surlout n^cessaire de 
renforcer Tenseignement dans les Ecoles, afin de donner plus de valear 
aux dlpl6mes professionnels, I'Assembiee gen^rale de TUnion des Syndi- 
cats medicaux de France signale le danger de toute nouvelle creation de 
Facultes ou Ecoles de mddecine. » 



La Dispense du Timbre pour les Afflches philanthropiques. 

Le Gonseil municipal de Paris, sur la proposition de M. Gherioux, a 
invite Fadministration k faire, d'urgence, les demarches n^cessaires en vue 
d'obtenir, soit k litre de simple tolerance, soit aulrement, que les affiches 
k placarder k I'exterieur, emanantdes oeuvres philanthropiques (caisses des 
ecoles, creches laiques, dispensaires, bureaux de placement gratuit et 



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INFORMATIONS. 293 

antres (Buvres similaires), soient dispens^es du droit de timbre et puissent 
dtre imprim^es sur papier blanc. 

Afin d'^viter les abus, et pour sauvegarder les droits du fisc, la liste 
des oBUTres qui seraient appel^es k b^n^ficier de cette mesure serait arrd- 
t^e, tons les ans, par M. le Ministre des finances, apr^s entente avec le 
Conseil municipal et les pr^fets de la Seine et de police. 

Le Conseil g^n^ral de la Seine s'est associ^ k ce vceu pour le d6parte- 
ment tout entier. 



Prime anx Families nombreuses. 

M. Gervais, conseiller g^n^ral, a propose au conselller g^n^ral de la 
Seine d'allouer k tout homme de service ou ouvrier du d^partement, dont 
les salaires ne d^passent pas 2 400 francs par an, une somme de 50 francs 
par enfant au-dessus de deux enfants. 

L'administration pr^fectorale a ^t^ charg^e d'^tablir la statistique des 
enfanis susceptibles de recevoir la somme de 50 francs. 



La Maison maternelle. 

DISCOURS DE M. l£0N BOURGEOIS 

L*as8embl6e g^n^rale annuelle de la Maison maternelle a eu lieu le 
^ novembre sous la pr^sidence de M. L^on Bourgeois, assists de MM. Mar- 
guery, president de la Maison maternelle, et Vorbe, conseiller municipal, 
^ce-pr4sident; de MM. Th^ophile Roussel, s^nateur; Moreau, maire du 
XlX'arrondissement, e\ de M"<* Louise Koppe, directrice de la Maison ma- 
ternelle. La f^te s'est lermin^e par un brillant concert vocal sous la di- 
action de M. £mile Bourgeois, chef d'orchestre k rOp6ra-Comique. 

M. Uon Bourgeois a prononc^, k cette occasion, un discours ^mu, dans 
leqnel il a rappel^ le but de la Maison maternelle, cette oeuvre si simple et 
si toucbante, fondle et dirig^e par une femme d*6nergie et de coeur, 
M"" Louise Koppe. 

" line faut pas, a dit M. L^on Bourgeois, il ne faut pas qu'un Stre humain 
menre s*il y a un moyen social de Temp^cher de mourir. Et, quand il s'agit 
de Tenfant, le devoir est encore plus sacr^. On peut discuter avec Thomme 
fait, on peut lui demander s'il n'est pas jesponsable, dans une certaine 
mesure, de T^tat de mis^re et de p6ril dans lequel il est tomb^. On ne de- 
^t pas discuter; car cette loi me parait absolue : il ne faut pas qu'un 
homme puisse mourir m^me s'il est coupable, m6me si c'est par sa faute 
qo'il est arrive k cet ^tat de mis^re. Mais quand il s'agit de I'enfant, peut- 
>i ^tre responsable de quelqne chose? A-t-il fait le mal? Est-il responsable 
<ie son 6tat de d6 nuement et de faiblesse ? Et ne le sommes-nous pas 
covers lai si, alors qu*il n'est pas responsable, nous le laissons p^rir sans 
I'aider, sans lui tend re la main pour le sauver? 

Victor Hugo a dit de Tenfant : « Double virginity ! Corps ot rien n'est 
"wnonde! Ame oh rien n'est impur!... » 



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294 REVUE PHILANTIIROPIQUE. 

Eh bien! puisque ce petit corps, que cette dme ne connaissent pas le 
mal, ie devoir de tous est de sauver cette dme et ce corps, et qui ne le fait 
pas, pouvant le faire, manque au premier des devoirs et m6rile d'etre 
appel^ un m^chant et un malhonn^te homme, tout aussi bien que s'il avail 
fait un de ces actes que nous appelons des actes de m^chancet6 et] de mal- 
honn^tet^, comme de prendre la bourse du voisin, ou lui donner ua coup 
violent. 

Nous lisons, k chaque instant, le r^cit de souffrances et de mis^res 
cruelles, de suicides aflreuz; un p^re et une m&re de famille meurent avec 
leurs enfants ; il ne s'agit pas d'enfants abandonn^s pouvant 6tre recueillis 
par TAssistance publique, mais d'enfants vis-4-vis desquels la loi dit : II y 
a une famille r^guli^rement constitute, je n'y peux rien; le p^re n'a qu'i 
travailler, la mSre doit Clever ses enfants. Gela est juste, cela est l^gal. 
Mais vous lisez tous les jours ce r^cit dans les joumaux : On a ouvert la 
porte 4 un cinqui^me ou un sixi^me 6tage, on u'avait pas vu japparattre 
les habitants de ce logement depuis quelques jours; on croch^te la porte, 
on entre, et sur le lit on trouve le p^re et la m^re et k cdt4 les enfants 
morts et le r^chaud 6teint. 

Je le disais, il n'y a pas seulement une question de plus ou de moins de 
bienfaisance, de bienveiliance : c*est un devoir strict de ne pas laisser s'ac- 
complir des faits semblables. G'est ce qu'on se dit en lisant de pareils 
r^cits, mais on lit et ou passe. 

Eh bien ! il ne faut pas qu'on passe, il faut qu'on s'arr^te, qu'on emp^che 
ces maux de se renouveler. 

II faut sauver Tenfant sans d^truire le lien de famille, sans I'enlever a 
ses parents, sans contraindre ceux-ci k I'abandon. Tel est le but de la 
Maison maternelle. L^, on dit aux parents : Nous recevons votre enfant, 
mais nous vous supplions de venir le reprendre, et de venir le plus tdt 
possible, car vous feriez de la place pour uu autre, et nous vous prions 
aussi de venir le visiter le plus souvent possible; de vous assurer qu'il est 
en bonnes mains, de rester les parents de cet enfant dont nous nous faisons 
les tuteurs. » 

« Nous faisons en mdme temps, ajoute M. L^on Bourgeois, T^ducation des 
parents. Croyez-vous qu'il ne leur est pas salutaire de penser que I'enfant 
n*est pas s^par^d'eux, qu'il est tout pr6t k retourner avec eux? Dans cette 
lutte qu'iis vont engager pour I'existence, I'idee de cet enfant qui les attend 
ne va-t-elle pas 6lre incessamment k leur esprit? II faut faire sentir aux 
parents que i'enfant les attend, comme, quand nous ^tions internes dans 
nos grandes pensions, nous attendions le jour de la visite des parents, 
pour voir a la porte du parloir le visage aim6 de la maman ch^rie. 11 faut 
que Tenfant se dise : « Papa ou maman vont revenir domain apr^s avoir 
trouv^ la situation dont ils parlaient ». Et il confondra dans sa recon- 
naissance la maman provisoire, M"* Koppe, et la maman definitive, qu'il 
aura retrouv^e, et de son coeur jaillira un grand mouvement de reconnais- 
sance et d'amour pour une soci^t^ dans laquelle il y a des gens qui agissent 
ainsi... 

Que de fois un ouvrier, une pauvre femme, entratn^s par mille tentations 
et les mille occasions qu'ofiTre la society troubl^e de nos nlles, ont M 



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I INFORMATIONS. 295 

' aiT^t^s an seuil de rabfme par cette pensee : « L enfant est k la maison ! » 

I Croyez-le ! Souvent le bouton de la porte d'un cabaret, d^j& dans la main 

de Touvrier qui aliait y ddpenser sa paie, a ^t6 ldch6, parce que brusque- 
menty dans cette l^te un peu obscure et peut-^tre d^j^ obscurcie par d'autres 
arrets dans d'antres cabarets, est apparue cetle vision du b^b6 qui attend 
Ik'hsLS k la maison. (Applaudissements.) II ne voyait autour de lui que le 
plaisir prochain, facile ei ddprimant, et tout k coup k son esprit et k son 
c(£ar est apparue Timage d'un autre plaisir plus pur qui ne devait lui 
laisser ni tristesse ni regret, I'image du petit enfant qui aliait lui tendre les 
bras. 

L'enfant, c'est pour nous un 6tre sacr6 ; ce n'est pas seulement le petit 
dtre charmant, d^licieux, aimable autour duquel il est si doux de r^unir la 
famille pour rire de ses saillies, de ses joies, de [ses curiosit^s, pour 
s'int^resser k ses mouvements, au d^veloppement rapide de son esprit; 
c*est quelque cbose de plus encore : c'est la race, c*est la patrie, c'est Tes- 
p^ce humaine. 

C'est en effet dans Tenfance qu'on pent commencer k donner cet dbran- 
lement int^rieur de la conscience qui produira plus tard une action bien- 
faisante. C'est trop tard si on s'adresse k I'homme fait, si on veut lui per- 
suader qu'il a des devoirs : il est pris par ses passions, ses int^rfils, les 
habitudes de sa vie. II est tard pour faire un humain. C'est tout petit qu'il 
laut le prendre. Ce que nous voulons trouver dans les yeux do& petits eu- 
fants, derridre leurs fronts, c'est le commencement de la conscience, car 
ce que nous voulons d'eux plus tard, c'est qu'ils soient des hommes capa- 
bles d'accomplir le devoir bumain. » 



L'Assembl^e des Dames firanfaises &la Sorbonne. 

M. Poincar^, vice-preside ut de la Chambre des d^put^s, a preside, le 
19 novembre, dans le grand amphitbMtre de la nouvelle Sorbonne, I'As- 
sembl^e gdnerale de TAssociation des Dames francaises, Soci^t^ de secours 
anx militaires en cas de guerre, aux civils dans les calamit^s publiques. 

^me p^iix Fdure avait accepts la pr^sidence d'bonneur de I'Assembl^e. 

Les divers rapports sur la situation mat^rielle et morale de I'association 
ont 6i€ lus ensuite par M™' Delaruelle, M. Pruvost et le docteur Duchaus- 
soy, fondateur et secretaire general. II en r^sulte que la situation de la so- 
ciety devient d'annee en ann^e plus prosp^re. Cette ann^e, cinquante-hix 
dames se sont pr^sent^es aux examens : quarante-six ont 616 admises et 
des prix d'bonneur out ei6 decern6s k neuf d'entre elles. De plus, une 
vingtaine d'autres dames ont fait leur stage d'inflrmieres k I'bdpilal de 
rAssociation ; une d'elles, M"*' Polack-Meyer, a 6i6 jug6e digne du titre 
d'infirmi^re-major. Cet b6pitai a rendu, au cours de i'ann^e r^volue, de 
grands services : il a recu, tant dans ses salles que dans ses services de 
consultation, plus de 40000 malades, dont 5 500 ont 616 op^r^s et pansys. 
Les divers comitds de TAssociation ont distribu^, dans le m^me temps, aux 
soidats rapatri^s et aux victimes des d^sastres publics une somme de 
75 000 francs. 



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296 REVUE. PHILANTHROPIQUE. 

Mais, pour ^tendre encore son action bienfaisante, TAssociation a be- 
soin de concours nouveaux. Gette ann^e, vingt-deux comit6s noaveaux ont 
6i6 fond^s; les plus iipportants sont ceux de Grenoble, Voiron, Talle, Brive, 
Aries, Bruxelles, Arcueil-Gachan, Montruuge. II est permis d'esp^rer qu^un 
jour prochain viendra oil le nombre des comit^s de femraes francaises de 
la Croix-Rouge ^galera celui des comit^s'de femmes allemandes. C'est par 
Texpression de cette esp^rance que le docteur Duchaussoy a termini son 
int^ressant rapport. 

Aprds Tex^cution par les musiciens du regiment de Preobrajensky de 
la mazurka de Golka, op^ra de Mokerviesko, et de I'ouverture de Rouslane 
et Ltuimilaf op^ra de Glinka, des mddailles d' « honneur au d^vouement » 
ont ^te remises a M°^^" la baronne de Hirscb, Altemer, del6gu^e k la pro- 
pagande, Fayolle, ducomit6 de Montmorency, Rabel, du comity de Meulan, 
Hutrel, du comity de Xice,Villot, dela section de laBiblioth^quemilitaire, 
et au docteur Chaplain, d^l^g^ regional d Marseille. En outre, des m^ 
dailies de reconnaissance ont 616 accord6es aux membres de TAssoclation 
qui se sont distingu6s par d'heureuses initiatives : citons parmi ces der- 
nidres celle de notre confrere L6on Prieur, chroniqueur judiciaire au 
Soleil. 

M. Poincar6 a pris ensuite la parole. 

II f6iicite I'Association des Dames francaises d'etre « neutralis6e entre 
les partis, jcomme elle le serail en cas de guerre entre les bellig6rants, de 
savoir Eloigner d'elle tout ce qui divise etretenir tout ce qui unit ». 

Apr6s ce discours trds applaudi, au nom du ministre de rinstruction 
publique ont 6t6 proclani6es les nominations que voici : 

Officiers de Tlnstruction publique : M*"® Pilliet, docteur en m6decine, 
et le docteur Renouard, tous deux professeurs h I'Association des Dames 
francaises. 

Officiers d'acad6mie : le docteur Dubosc, professeur, et M"® Vasseur, 
r6p6titrice de TAssociation. 

La reunion s'est termin6e par Tex^cution de la marche de la Vie pour 
le Isar, ex6cut6e par les musiciens russes. 



L'Orphelinat de la Seine. 

> ous sommes heureux de reproduire cet Eloquent appel du Con- 
seil d'administration de Torphelinat de la Seine : 

VOrphelinat de Ui Seine a 6t(5 fond6 sous le coup desd6sastres de 1870-71 
et pour contribuer liles r6parer. QEuvre k la fois philanthropique et so- 
ciale, il est venu au secours de Tinfortune la plus touchante, celle de Ten- 
fant, et a travaill6 h Tunion entre Fran^ais. 

A cette id6e doublement humanitaire se sont aussitdt associ6sles esprits 
les plus lib6raux, les bommes les plus en vue : Henri Martin, Schoelcher, 
Quinet, Littr6, Louis Blanc, Victor et Jules Guichard, Sadi Gamot, Victor 
Hugo, Faidherbe, Denfert-Rochereau, Jules Ferry, £tex, Boucicaut, Salicis, 
Henri Monod, Buisson, Th6ophile Roussel, et combien d'autres! l/un d*eux, 



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INFORMATIONS. 297 

Henri Martin, J'historien natioDal, president d'honneur de rOrphelinat, en 
a ainsi d^fini i*id^e : 

a Notre principe estTappel &tous et la reception de tous : orphelins par 
Tabandon comme par la mort de leurs parents ; orphelins de la guerre 
civile comme de la guerre etrang^re ; enfants dont les p^res ont eu la mort 
glorieuse des champs de bateuUe de la defense nationale ; enfants dont les 
p^res ont disparu fatalement -dans le gouffre de nos discordes, aidez-nous 
k les r^unir dans ces asiles de la fraternity I G'est une oeuvre de reparation 
et d'union que nous poursnivons. Heureux qui, h un degr6 quelconque, 
aura contribu6 k refaire la palrie I » 

Et, depuis plus de vingt-cinq ans, ce but a 6t6 poursuivi sans d^fail- 
lance, d'abord an profit des orphelins de la guerre et des deux sieges, puis 
de cenx que recommandait ieur abandon ou leur d^tresse. Au d6but, des 
garderies leur ont ^t^ ouvertes k Paris, puis une grande maison k la 
Varenne-Saint-Hilaire. L'effectif moyen a ^t^ de cent enfants k I'ficole et 
60 apprentis. 11 en a ^l^ ainsi adopts 600. . 

Tous ont suivi les 6coles publiques jusqu'^ leur treizi^me ann^e, m^lds 
aux autres de leur dge ; tous, sans exception, ont fait un apprentissage 
complet, chose de plus en plus rare pour les enfants rest^s dans leurs 
families, et ils ne nous ont qultt^s qu'eo possession des moyens de se suf- 
lire. Telles 6taient les prescriptions de nos Statuts : « Recueillir sans dis- 
tinction de culte, le plus grand nombre possible d'eiifants du d^partement 
de la Seine, orphelins ou abandonn^s, et leur assurer I'^ducation, Tinstruc- 
tioD et Tapprentissage d'une profession. » 

Le succ^s moral a ^t^ des plus satisfaisants. A peine si quelques-uns, 
Tictimes d'un triste atavisme ou de mauvais exemples retrouv^s k la sortie 
de Torphelinat, ont d6serl6 la voie du travail honn^te que nous leur avons 
indiqu^e. La presque totality a r^ussi k un degr^ qui nous a surpris nous- 
m^mes. 

Mais la mission de TOrphelinat de la Seine n'est point flnie sur ce 
succ^s. 

Si les blessures de la guerre sont en partie cicatris6es, les plaies sociales 
restent profondes et s'enveniment peut-6tre. Loin d'avoir k nous reposer, 
la t4che accomplie, nous avons a redoubler d'elforts ; ainsi Texige un sen- 
timent du devoir de la solidarity toujours plus intense dans la Society con- 
temporaine. 

Ce sentiment a suscit6 k c6te de nous de grand es et nobles oeuvres de 
protection de Tenfance : oeuvres de sauvetage, de patronage officiel ou 
libre pour les enfants en danger moral, de gu^rison dans les stations mari- 
times. Ces oeuvres se partagent justement les sympathies de la bienfai- 
sance ; mais notre rdle demeure essentiel. Pour une multitude de mferes, 
de p^res isol^s, de vieux grands-parents sans ressources, nous sommes 
Teducation, sans laqueile leurs enfants vont se perdre. 

M. Henri Monod, directeur de Tassistance et de Thygi^ne publiques, 
nous disait k Tinauguration du nouveau batimenl de TOrphelinat: « Vous 
venez au secours de la situation la plus douloureuse que je connaisse dans 
notre soci^t^ fran^se, celle de m^res veuves, divorcees ou abandonn^es, 
pauvres et charg^es de petits enfants ; il n'est pas de situation plus digne 



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298 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

de compassion, plus d^poanrue. Notre legislation n'a rien organist pour 
Tenir an secoars de ces m^res-l^, Qu'une m^re qui vent Clever honorable- 
ment ses enfants ne le puisse pas ; qu'elle soit accul^e an d^shonneur, k 
Tabandon de ses enfants ou k la mort, cela est abominable. » Voil^ les mi- 
s^res aaxquelles nous Tenons en aide, mais c*est surtout auz enfants qui 
en sont les victimes. Mai sur?eilMs, laiss6s k eux-mdmes pendant les 
lougues heures de travaU du pdre ou de la m^re, ils se fourvoient in^vita- 
blement dans les mauvaises fr^quentations de la rue, et de maiheureux 
qu'ils etaient, devienneut des mis^rables. Nous sommes pour nos pupilles 
an complement indispensable de la famille : sans nous ils seraieot des 
moralement abaudonn^s. 

Nous Savons par une p^nible experience, par le uombre considerable 
d'enfants que I'insufQsance de nos ressources laisse frapper iuutilement a 
notre porte, qu'il faut etendre Taction denotre oeuvre, la doubler, la decu- 
pler peut-etre, dans un departement aussi prodigieusement peupie que le 
n6tre. 

Aussi, M. Theopbile Roussel, apr^s avoir, comme il le disait, « apporte 
le temoignage de son respect k Tceuvre humaine, morale el fran^aise » que 
nous avons fondee, et salue « cet esprit large et liberal qui avait enchatne 
sa reconnaissance », ajontait-il ces paroles dont nous avons a cceur )a pro- 
chaine realisation : 

« II faudra de nouveaux moyens et de nouveaux efforts pour poursuivre 
et completer roeuvre de I'Orphelinat de la Seine ; 11 faut de nouvelles res- 
sources, il faut de nouveaux adherents. Mais Tentreprlse est si belle et son 
succes est si necessaire, qu'elle s'accomplira. Un jour, dont je ne doute 
pas, Toeuvre de la Societe se resumera en ce resultat supreme : un groupe 
nombreux, compact, d*honnetes gens sortis de son sein, qui seront ses 
fermes soutiens et qui inscriront sur leur drapeau la plus belle devise 
qu'on puisse trouver pour notre civilisation et pour notre patrie : faire des 
hommes. » 

C'est k coUaborer k celte oeuvre que nous convions tons ceux qui ont 
au coeur la pitie pour Tenfance malheureuse et Tamour de la France. 

LR CONSEIL D ^ADMINISTRATION 

President : M. M.-J. Gaufr^s, membre du Gonseil superieur et du Conseil de 
surveillance de FAssistance publique. 

VicB-pR^siDBifTs : MM. Fehiinand Bellmann ; Henri Aron, maire-adjoint du 
II* arrondissement ; Maurice Muret, conseiller g^ndral de Seine-et-Oise ; P. Pra- 
dines, conseiller k la Cour de cassation. 

Secretaires des stances: MM. F. Cabanis, rentier ; E. Patin, rentier ;E. Lava, 
commis principal au ministdre des Finances ; E. Delaville, inspecteur au Bon- 
Marc he. 

Tri^sorier : M. L6on Decaye, associ6 d'agent de change. 

TrEsorier-adjoixt : M. a. Mayrargues, ancien professeur. 

Membhes : MM. Boivin-Champeaux, av^ocat & la Cour de cassation ; R. Bompard, 
conseiller municipal ; F. Buisson, professeiu* k la Sorbonne ; Ganat, instituteur ; 
Ch. Delamare, ancien conseiller municipal de Vlncennes ; le general F6vrier, an- 
cien grand-chancelier de la Legion d'honneur ; F. Gabriel, rentier; Geny, ancien 



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INFORMATIONS. 299 

adjoint au maire da XVII* arrondissement ; Robert Guichard ; E. Horn ; Houzeau, 
n^ociant ; M. Lailler, avocat h la Conr d'appel de Paris ; le D' Albert Mathieu* 
m6decin des hdpitaux de Paris ; H. Math6, ancien d6put6 ; Melouzay, professeur 
dc lUniversit^ ; Ernest Melouzay, ancien n^gociant ; A. MoUeni, fabricant d'op- 
tique ; Charles Quentin, ancien directeur de 1' Assistance publique ; A. Vanden- 
dorpel, propri^taire, ancien adjoint au maire du III* arrondissement. 
Secretaire gEnEral : M. E. Blondel, 28, rue Saint-Lazare, i Paris. 



Gaisse des Olfraades nationales. 

Les operations en 1896 de la caisse des ofTrandes nationales en favenr 
des armies de terre et de mer ont ^t^, succinctement r^sum^es, les sui- 
vantes : 

Au 31 d^cembre 1896, le nombre des rentiers 4tait del688, n^cessitant 
one d^pense de 145 970 francs. Les titulaires de complements de pensions 
6taient au nombre de 7216 pour une somme de 1 216 851 francs. 

Le nombre de secours permanents ^tait de 1101 et la d^pense de 
110440 francs. 

Dans le courant de I'ann^e 1896, le comity sup6rieur a accords, par di- 
Terses decisions, 3 374 secours eyentuels;la d^pense faite sous cette ru- 
brique s'est eiev6e a 254 380 francs. Les secours ^ventuels ne peuvent se 
cumuler avec une rente viag^re, un complement de pension ou un 
secours permanent. 

Pour Tann^e 1897, les provisions budgOtaires accusent un exc6dent de 
rentes de 194252 francs; cet excOdent est destine k donner des secours 
evenlueb k d*anciens militairesou marlns blesses, ainsi qu'aux veuves, aux 
ascendants ou aux enfants mineurs, d'hommes morts de blessures ou 
d'inflrmites contraclees au service. 



Gaisse nationale des Retraites pour la VieiUesse. 

Les versements recus en 1896 sont au nombre de 1 811 685 et s'eifevent 
k 37913363 francs. Les chiffres correspondants de 1895 etaientde 1 338859 
versements et de 32638 155 francs. 11 y a done augmentation de 472826 sur 
le nombre etde 5275 208 francs sur le montant des versements. La moyenne 
par versement a ete de 21 francs ; elie avait ete de 24 francs en 1895. 

En comparaison avec Texercice precedent, les versements coUectifs ont 
augments de 469621 en nombre et de 5 068114 francs dans leur montant. 
Quant aux versements individuels, iis prOsentent egalement un excOdent 
de 3206 sur les nombres et de 207 114 francs sur les sommes versOes. 

L'augmentation du nombre et du montant des versements coilectifs re- 
sulte principalement du fait que Tapplication des dispositions de la loi du 
29 join 1894, sur les retraites des mineurs, n'a eu lieu d*une mani^re com- 
plete qu'en 1896. 

Le nombre des rentes viag^res en cours au 31 dOcembre 1896 etait de 
208241 pour une somme totale de 33396864 francs. Ges chiffres accusent 
une augmentation de 7 501 sur le nombre des titres de rentes et de 



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300 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

245 686 francs sur le montant des rentes. La moyenne par litre est de 
460 francs et est inf^rieure de 5 francs k celle de 1895. 

La caisse a pay 6 pendant i'ann^e 31 839 452 francs d'arr6rages de rentes 
et a rembours^ 13142131 francs de capitaux r^serv^s anx h6ri tiers de 
7 485 titulaires d^c^d^s. Les remboursements ont diminu^, en comparai- 
son avec 1895, de 2872012 francs en sommes et de 919 en nombre. La 
moyenne des remboursements est de 1 756 francs au lieu de 1 905 francs 
en 1895. 

Le taux de 3,50 p. 100 & servir aux d6posants a 6t6 maintenu en 1897 
par dScret en date da 27 d6cembre 1896. Jusqu'^ present le taux moyen 
des placements de la caisse a pu rester tr^s voisin de ce chiffre et s'en rap> 
proche plus que de celui de 3,25 p. 100. Or le taux des tarifs de la caisse 
ne pent varier que par fractions de 0,25 p. 100, ce qui, entre autres consi- 
derations, justifie le maintien du taux actuel k 3,50 p. 100. 

Les frais d'administrationrelatifs a Tann^e 1896 s'^l^vent^ 942 618 francs 
et ne d^passenl que de 7 231 francs les frais occasionn^s par Texercice 
precedent, bien que le nombre des operations se soit accru dans une pro- 
portion plus considerable. Le coiit moyen de chaque operation effectu^e 
par la caisse, qui etait de 0,46 en 1895, s'est abaiss^ en 1896 k 0,37. 



Un Restaurant cooperatif d'Ouvriers. 

Une society vient de se former pour foumir des aliments de bonne qua- 
lite et k bon marche aux nombreux ouvriers des chantiers de TExposition 
de 1 900. Les principaux caract^res de cette soci^td resident dans la parti- 
cipation du personnel aux benefices, la creation d'une caisse de secours, 
le partage, apr^s les prei^vements stipul6s aux statuts, entre tons les ou- 
vriers consommateurs, de tons les benefices realises au prorata des repas 
ou consommations qu'ils auront pris au restaurant et enfin dans la Oxa- 
tion k un extreme minimum de la part falte au capital de fondation, 

La Societe est fondle sous le titre : « Society anonyme du restaurant coo- 
peratif des chantiers des Champs-Elysees ». Son siege social est fixe provi- 
soirement k la Soci^U de participation aux b^rUfices, 20, rue Berg^re, Paris. 

EUe est administree par un conseil compose de sept membres an 
moins, de douze au plus, pris parmi les associes. 

lis sont nommes pour trois ans. Le premier conseil est compose de: 

MM. BuissoN, directeur de I'Association d'ouvriers peintres « Le Tra- 
vail » ; Felix FiTSCH, president de la Soci6te cooperative de consommation 
du xviii« arrondissement; E.-O. Lamf, president de T Association coopera- 
tive de consommation des sciences, des lettres et des arts, membre du con- 
seil d' administration de la Societe pour I'etude de la participation aux bene- 
fices; Maghubon, directeur de la Banque cooperative des associations de 
production; Provost, membre de TAssociation ouvriere d'alimentation; 
L. SoRiA, secretaire general du comite central de I'Union cooperative des 
societes fran^aises de consommation; Steinmetz, administrateur de la so- 
ciete cooperative de consommation « La Solidarite » ; Thuiluer, conseiller 
municipal de Paris, membre de. la Societe pour la participation aux bene- 



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INFORMATIONS. 301 

fices; TuLBUy membre du conseil d* administration de la Soci^t^ pour 
r^tude de la participation aux b^n^flces. 

Le conseil nomme parmi ses membres un bureaa compost d'un presi- 
dent, d'un ou de deux vice-presidents, d'un secretaire et d*un tresorier. 
lis n'ont aucune part dans les benefices de TAssociation et leurs fonctions 
sent gratuites. Toutefois, il pent leur etre attribu^, suivant decisions de 
Tassembiee generate, des jetons de presence, destines k les defrayer des 
depenses que leur occasionne Texercice de leur mandat. 

Aprfes le payement des frais generaux et depenses de toute nature, y 
compris ramortissement des depenses de premier etablissement, il est 
preieve avant tout partage des benefices : 

i^ 5 p. 100 pour la formation d'une reserve legale; 

2<» 10 p. 100 pour la constitution d'un fonds de reserve special; 

3« 3 p. 100 affectes au capital verse. 

Les benefices nets seront ensuite distribues de la mani^re suivante : 

A la caisse de seconrs: 10 p. 100; 

Au personnel, suivant le mode de repartition adopte par le conseil : 
30 p. 100; 

Aux consommateurs : 60 p. 100 au prorata des consomraations et repas 
pris aux restaurants. 

La repartition des benefices se fait : 

1* Aux consommateurs ^ur production de tickets deiivres par la Societe 
et representant sur chacun d'eux le total de chaque depense journalifere. 
Cette repartition se fera suivant la decision du conseil, et, au plus tard, 
tous les trois mois ; il en sera donne avis par des affiches apposees dans 
les etablisseroents de la Societe et par la voie des journaux, dont un d'an- 
nonces leg ales. 

2« Au personnel, tous les six mois apr^s Tinventaire et retablissement 
da bilan et des comptes. 



Le Refage de Nenilly. 

La Maison Israelite de Refuge pour TEnfance, administree par un 
Gomite de Dames, sous la presidence de M'^^ Goralie Gahen, chevalier de 
la Legion d'honneur, a ete fondee en juillet 1866. Etablie A Romainville 
(Seine), dans des conditions tout k fait modestes, elle n'etait destinee, k 
Torigine, qu'A recueillir et k guider dans la voie du bien les quelques 
jeunes filjes arretees dans le departement de la Seine pour vagabondage 
et autres deiits, ou pour fautes de conduite plus ou moins graves, en vertu 
de I'article 66 duGode penal. Ces enfants jusque-1^ avaient 6t6 detenues 
k la prison de Saint-Lazare. 

Deux cEuvres confessionnelles, le patronage de la rue de Vaugirard, le 
disciplinaire de la rue de Rennes, avaient donne Texemple. 

Le nombre des enfants soumis k la correction etaut restreint, la Mai- 
son fut ouverte k des orphelines, k des enfants abandonnees, k celles que 
leur naissance irreguliere eioignait des autres institutions hospitaliferes, 
aux jeunes filles qu'il etait urgent de soustraire k de dangereuses in- 



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302 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

Iluenced et k de pernicieux exemples, enfln k celles dont le caract^re dif- 
ficile ou Tintelligence pea d^velopp^e demandaient une surveillance 
attentive que leurs parents, obliges soavent de travailler au dehors, ne 
pouvaient exercer sur elles. 

Ainsi, le but primitif de TCEuvre, atteint tout d'abord^ se trouvait d6- 
pass6 d^ik et, pen k peu, ]e caractdre de la Maison subissait une heureuse 
transformation. Gr^^e, dans le principe, en vue d*une action ripressive, la 
MaisoQ de Refuge ^largissait son cercie moralisateur et prenait le carac- 
t^re essentiellement prdventif qu'elle rev6t aujourd'hoi. 

Successivement, le refuge fut install^ k Romainville, k Neuilly (boule- 
vard Eugene), et enfin, grdce k de g^n^reux donateurs et au puissant 
concours de M. Zadoc Kahn, dansde nouveaux bdtiments 6difi^s k Neuilly 
et inaugur^s le 4 juin 1883. 

Les pensionnaires sont au nombre de 100 a HO. Trois ateliers : cou- 
ture, broderies d'art, coupe de robes, sont ^tablis dans la maison. Les ate- 
liers prennent des coramandes et chaque enfant re9oit un quart des b6n^ 
fices r^alis^s sur le produit du travail. Ces sommes, plac^es en livrets de 
caisse d'^pargne, lui sont remises k sa sortie. 

Les 6l^ves sont plac6es par les soins du comity de Tceuvre et mises 
sous la surveillance spdciale d'une des dames, qui doit rendre compte du 
travail et de la conduite de sa prot^g^e. 

De nombreux livrets de Caisse d'^pargne, das k la g^n^rosit^ des 
Dames du Gonseil d'administration et s'^levant k pr^s de i 400 francs par 
an, sont ^galement distribu6s k litre de recompenses scolaires, profession- 
nelles et personnelles, lors d'une distribution de prix annuelle, institute 
solennellement depuis Tann^e 1887. 

Outre les ouvri^res formSes par la Maison, quelques-unes des jeunes 
fiUes, t^moignant d'aptitudes sp^ciales, sont sorties, les unes munies de 
dipl6mes d'institutrice et de brevets spdciaux (gymnastique, etc.), les 
autres comme employees de commerce. Toutes sont k m^me de se suffire 
bonorablement par leur travail. 

Les pensionnaires de la Maison prennent part au service de r£tablis- 
sement et de la cuisine ; elles sont ainsi mises au courant des soins divers 
que comporte Tentretien d'un manage. 

Les enfants en correction sont absolument s^par^es des autres. Un pa- 
vilion special ieur est r6serv6; elles Thabitent jusqu'i ce que leur con- 
duite leur ait m6rit6 la faveur de la vie en commun, comme recompense 
de leurs efforts vers le bien. 

Le rapport de Tann^e 1896, pr6sent6 k TAssembl^e g^n^rale du 
23 mai 1897, marque une situation financi^re des plus briUantes. 

Les Iib6ralit6s faites en faveur de Toeuvre out d^pass^ de beaucoup les 
provisions. Les recettes ont atteint 141 221 fr. 30, tandis que les d6- 
penses n'ont et6 que de 60658fr. 80. Un solde de 70000 francs a6te vers^ 
an fonds de reserve. 



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ECHOS 



La Commission d'Assistanoe pnbliqne da Gonseil municipal de 
Paris. — Notre coilaborateur M. Louis Lucipia a ^t^ 61u president de la 
commission d*assislauce publique du Gonseil municipal de Paris, en rem- 
placement de M. Paul Strauss, d^missionnaire. 

La Revue Philanthropiqtie est heureuse de f^liciter M. Louis Lucipia de 
eette designation flatteuse. 

Secoors aux Expuls6s. — Le pr^fet de la Seine vient, en ex6cu1ion 
d*Qne deliberation du Gonseil municipal qu'il a approuvee, de prendre un 
arrets par iequel il est allou^, k litre de subvention, pour bons de loge- 
ment a distribuer par les mairies de Paris anx victimes d'expulsion, une 
somrae de 15.000 francs qui sera r^partie entre les vingt mairies au pro- 
rata de la population indigente de chaque arrondissement. 

L^Asile Moreau & Jamac. — L'inauguration de Tasile Moreau ^ Jarnac 
(Cbarente), s'est faite avec edat. Le nouvel etablissement contient 16 lits 
et pent recevoir 13 vieillards indigents et 3 pensionnaires payants. 

M. Laporte, s^nateur, maire de Jarnac, a preside cette f6te, k laquelle 
assistaient le president du Gonseil de prefecture, M. Brisson, maire de 
Cognac, et de nombreux assistants. 

£cole municipale d^Inflrmi^res du Havre. — Le jeudi 28 octobre 
a en lieu Tinauguration de TEcole d'infirmieres k I'Hdtel de Ville, devant 
one nombreuse et brillante assistance, venue pour temoigner sa sympa- 
thie k roeuvre nouvelle. M. Marais, maire du Havre, pr^sidait ayant k ses 
cdtes le sous-prefet, M. Gathala, MM. les vice-presidents de la Gommission 
administrative des hospices et du Bureau de bienfaisance ; daos la salle, 
plusieurs conseillers municipaux, les professeurs de TEcole, des medecins, 
les ei^ves, et un nombreux public. 

Apres un discours de M. Marais et les remerciements de M. le D» Lau- 
nier, au nom des professeurs, M. le D' Sorel a fait la premiere lecon du 
cours de chirurgie. 

Le professeur Tamier. — Le professeur S. Tarnier, le ceiebre pro- 
fesseur d*accoachements k la Faculte de Medecine de Paris, vient de mourir ; 



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304 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

ses obs^ques ofncielles ont eu lieu k Paris k la Madeleine. Apr^s la cM- 
monie, le corps a 6t6 transports k Dijon ; M. le professeur Pinard et M. le 
D' Pierre Budin onl prononc6 d'Sloquenls discours, ie premier au nom de 
la Faculty, le second au nom de TAcadSmle de mSdecine. D'autres alloca- 
tions ont StS prononcSes par MM. Hergott, Demelin et Louis Dubrisay. 

M. le D' Pierre Budin a r6sum6 ainsi les admirables titres de son 
maitre k la reconnaissance publique : 

« Tarnier est mort; avec lui disparait une des plus grandes figures roS- 
dicales de notre 6poque. 

G'est au nom de TAcadSmie de mSdecine, k laquelle il appartenait 
depuis Tingt-cinq ans et dont il avait 6tS le President en 1891 , que nous lui 
apportons notre tribut d'admiration. 

Avant qu'il f^t admis dans notre Gompagnie, son nom y avait 6tS bien 
souYent prononc6 pendant la memorable discussion sur la fi^vre puerp^- 
rale. Par ses observations, en efTet, par ses statistiques, il avait 6t6 conduit 
k admettre I'existence d'un « poison », d'un « virus capable de se propager » 
d'un « miasme contagieux ». Anssi, apr^s avoir montrS la nScessit^ d'iso- 
ler les malades, fut-il un des premiers k accepter et k enseigner les bien- 
faits de Tantisepsie. 

II fit plus, c'est 4 lui que nous devons I'usage si jastement rSpandu du 
sublinU. II a done puissamment contribu^ k diminuer la mortality des 
femmes en couches. 

Ceux qui ont vu Tarnier n'oublieront jamais sa physionomie si carac- 
tSristique : il Stait calme, il Stait pensif, il opSrait avec une grande babilet^ 
et un grand sang-froid, puis il r6fl6chissait longuement aax difficultSs 
qu'il avait rencontr6es : il cherchait alors avec tSnacitS les moyens d*en 
triompher dans I'avenir. C'est ainsi qu'il fat condait a imaginer un cer- 
tain nombre d'instruments qu'il a success! vement prSsentSs k I'Acad^mie 
de m^decine. 

Tarnier, par ses d6couvertes, fut un bienfaiteur de Thumanltd ; en 
tSmoignage de reconnaissance, le Gonseil de surveillance de rAssist^nce 
publique, sur la proposition de M. ledirecteur general, a dScidS que I'hdpi- 
tal ou il avait fait son enseignement dans ces derni&res annSes, s'appel- 
lerait dSsormais la Glinique Tarnier. 

11 avait done toutes les qualitSs qui sont le propre de I'homme de 
science accompli : il a 6t6 un professeur d'une clartS lumineuse etun ^cri- 
vain d'une remarquable precision ; il fut ie veritable maitre, dont la vie 
doit sei-vir d'exemple ». 

Petition des Sages-Femmes. — Ls^ « ligue de protection des accou- 
cheuses de France » vient d'adresser au Parlement une petition pour 
demander: !• I'abrogation de la loi de I'an XI, qui interdit aux sages- 
femmes i'emploi du forceps; 2° raugmentattoii de durSe des etudes pro- 
fessionnelles, qui seraient portSes de deux k trois ans, dans le but d* (Clever 
le niveau scientifique de la corporation. 

Ecole d'Infirmiers et dUnflrmi^res des asiles d'a]i6n6s da la 
Seine. ~ La distribution des recompenses aux Slaves de I'Ecole d'infir- 



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&GHOS. 305 

miers et d'iaflrmidres des asiies d'ali^n^sa ea lieu ie samedi 13 novembre 
k deax henres k TAsile clinique, sous la pr^sidence de M. Emile Dubois, 
president da Conseil g^n6ral de la Seine, assists de MM. Paul Bronsse, 
Qiaosse, Andr^ Lef^vre, Levraud, Navarre, Henri Rousselie, conseillers 
g^n6ranx, Le Roux, directeur des Affaires • d6partementales, Prestat, 
membre de la Commission de surveillance des asiies d'ali^nds, Louvard et 
Pelletier, chefs de bureau, et de plusieurs membres da personnel medical 
des asiies. 

Apr^s le compte rendu des r^suUats de Tann^e scolaire par M. le Doc- 
teur Taule, directeur de Tasile Sainte-Anne ou asile clinlque, deux allocu- 
tions applaudies ont ^t^ prononc^es par M. Emile Dubois, President du 
Conseil g^n^ral, et par M. le docteur Boumeville. 

Le Legs Marjolin. — Un d^cret vient d'autoriser la Faculty de m6de- 
cine de Paris k accepter le legs fait k son proOt par M. Ren6 Nicolas Mar- 
jolio, et consistant dans la nue-propri^td d'une maison sise k Paris, 
5, place des Vosges, dont le revenu sera employ6, apr^s le d^c^s de Tusu- 
fruiti^re, au remboursement des frais d'inscription d*6tudiants en m^de- 
cine fran^ais, internes ou externes des h6pitaux de Paris, s'6tant fait 
remarqner par leur z^Ie, leur exactitude et ayant recueilli avec soin des 
obsenralions dans leurs services. 

Le Honoment des f^res Lionnet. — L'Assistance publique de Paris 
garde nn souvenir reconnaissant k la m^moire des fr^res Lionnet, qui out 
pendant si longtemps organist des concerts dans les hospices de Bic^tre 
et de la Salp^tri^re. Aussi le conseil de surveillance a-t-il vot^ une sub- 
vention de deux cents francs k T^rection d'un monument k ces artistes 
philanthropes. 

Un Bienfaiteur. — M. Adam Ledoux, qui fut pendant longtemps le 
doyen du conseil municipal de Gourbevoie et qui vient de mourir k Vkge 
de qoatre-vingt-cinq ans, a, par son testament, l^go4 une somme de 
iOOOOO francs k la commune. Gette somme est destin^e k cr^er des pensions 
de retraite pour de vieux ouvners faisant partie de la soci6t6 de secours 
mutuels de Gourbevoie. 

M. Ledoux laisse en outre 50 000 francs k Thospice municipal de vieillards 
du Cayla. 

La Groix-Roage ft*aii9ai8e. — Le conseil central de la Soci^t^ de se- 
eonrs anx blesses militaires (Groix-Rouge fran9ai8e) vient de nommer le 
g^n^ral Davout, due d'Auerstaedt, grand chancelier de la Legion d'honneur, 
president de la soci6t^, en remplacement du due d'Aumale. 

En execution du vote ^mis par le conseil, une double d-marche a M 
faite par le bureau aupr^s du president de la R^publique, qui a donn^ sa 
bante approbation k ce vote, et aupr^s du g6n6ral Davout, qui a accepts 
&Tec empressement la pr^sidence de la soci^t^. 

L*nnion des Socidt6s de Patronage. -^ Le conseil central de 
lllnion des soci^t^s de patronage de France a repris ses travaux sous la 

ISVCK FHQ.A1ITHR0PIQUS. — U. 20 



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306 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

pr^sidence de M. le conseiller k la Gour de cassation Charles Petit, presi- 
dent d'honnenr de TUnion, assists de M. Louiche-Desfontaines, secretaire 
g^n^ral. 

La stance da 42 novembre a 616 presque enti^rement consacrSe k 
retude du programme du 4* congr^s national de patronage, qui se tiendra 
en 1898 k Ulle, pendant les vacances de la Pentec6te. 

Gette society poursuit ce double but: la preservation et le sauvetage de 
Tenfance abandonn^e ou coupable et )e reclassement, dans un haut int^ret 
social, des lib^r^s repentants. A ses efTorts^le jury de la section d'^cono- 
mie sociale k I'Exposition de Bruxelles vient de rendre hommage en d^cer- 
nant k TUnion un de ses dipl6mes d'honneur. 

La Sooi6td de Secours aux militaires coloniaux. — L'assembMe 
g^n^rale annuelle de la Society de secours aux militaires coloniaux a eu 
lieu le 21 novembre. 

G'est M. Etienne, ancien sous-secretaire d'etat des colonies, president 
du groupe colonial de la Chambre et raembre du comite de patronage 
de la Societe, qui pr6sidait. 11 etait assists du president, des membres du 
comite de patronage, des membres du conseil d'administration et du re- 
presentant du ministre de la Marine. 

Le compte rendu financier a €i6 presents par M. Emile P^an, secr^- 
taire-tresorier. L'oraleur a dit combien )a society a prosper^ depuis sa 
fondation. Mais les besoins ont egalement augments, le dortoir jefectoire 
de la place de la Ghapelle est devenu insufflsant en presence du grand 
nombre de soldats liber^s qui s'y pr^sentent. 

Ensuite M. Lemire, president honoraire, a dit quelques mots sur la 
maison de convalescence des militaires coloniaux. 

Apr^s la lecture d*un rapport de M. A. de Pouvourville sur la marche 
du comite de Nancy et un discours de M. Etienne, un concert a eu lieu. 



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REVUES ET PUBLICATIONS FRANgAISES 



) 



M. Andr^ Honnorat poursait, dans le Rappel, sa campagne en faveur 
des d6pdls pharmaceutiques et de Tinstruction medicate. 

« De nombrenses lettres nous sont parvenues au sujet de Tarticle que 
nous aTOQs r^cemment public sur la question des pharmacies rurales. 

« Uune d'entre elles, qui ^mane deM. ledocteur Fr6bault,nousfaitcon- 
ndtre que le projet que nous avons expose a d^'}k recu un commencement 
d'ex^cution par la creation de ['Association des Ambulancieru de France, 

« II DOQS manque seulement, ajoute-t-elle, le concours de la presse 
pour mener k bien ToBUvre que nous avons entreprise. 

« C'est une invite toute gracieuse &,radresse de ce journal et du signa- 
taire de ces llgnes, et c'est une invite qui pent d'autaut inoins nous laisser 
indiff^rents que la tentative de M. le docteur Fr6bault a droit k tons les 
^loges et k tons les encouragements, 

« Notre honorable correspondant nous permettra cependant de lui faire 
'ine toote petite observation : c'est que, pour r6pondre compl^tement k 
I'idie qae nous avons d6veiopp6e Tautre jour, V Association des Ambulanciers 
de France devrait pr^ciser davantage le but qu'elle se propose. 

u D'apr^s Tarticle premier de ses statuts, elle est constitute en vue « de 
r^pandre dans le public des vilies et des campagnes les notions ^l^mentaires 
et pratiques de medecine et de chirurgie pour permettre de donner aux 
malades et blesses les soins indispensables avant Tarriv^e du docteur ». 

c C'est 1^ une tr^s noble t4che,mais c'est 1^, k notre avis, une tdche qui 
n'est pas tout & fait suffisante. 

« Comment r^pandre, en efTet, ces notions 6i6mentaires et pratiques de 
mMecine et de chirurgie? En instituant dans toutes les communes des 
sections charg^es d'organiser des cours et des conferences, nous dit M. le 
docteur Fr^bault. 

« Mais comment r6unir dans chaque commune tons les concours n6ces- 
saires^Mais comment 6lre assure que le public r^pondra k Tappel des 
organisateurs, qu'il suivra les cours et les conferences de Tassocialion ? 

« Voilk ce qu'on pent se demander avec inquietude, et voil§. ce qui peut 
faire craindre que Toeuvre des Ambulanciers de France ne rende pas tous 
les services qu'on est en droit d'en attendre. 

« Qu'elle ajoute, au contraire, au premier article de ses statuts un para- 



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308 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

graphe disant qu'elie a ^galement pour but de cr^er des d^p6ts de medi- 
caments de premiere n^cessit^ dans chaque commune, et de suite on dis- 
tingue beaucoup mieux les r^sultats qu'elle pent atteindre. 

« U ne s*agit plus seulement en efTet d'ane lente dififusion des connais- 
sances m^dicales. II s'agit en m^me temps d'une immediate amelioration 
aux defectueuses conditions dans lesquelles se trouvent places les habi- 
tants des campagnes lorsqu'ils sont victimes de quelque accident ou de 
quelque indisposition. 

« Pourquoi M. le docteur Frebault ne compl^terait-ii pas ainsi son 
oeuvre ? Pourquoi n'^largerait-il pas son champ d'action? 

« II nous sembie qu'ii n'aarait pas de peine k grouper de cette fa^on de 
nombreux conconrs et qull obtieudrait sans grande difBculte des subven- 
tions des deparlements et de TEtat pour cr^er chaque ann^e quelques nou- 
veaax d^pdts pharmaceatiques dans des localit^s 6loign6es? 

« Geci ne Tempdcherait nuUement de r^pandre des notions ei^mentaires 
de medecine et de chirurgie dans le public, et ceci donnerait au moins k 
V Association des Ambulanciei's de France un caract^re d'institution pratique 
qu'elle n'a peut-^tre pas assez nettement pour tout le monde. 

« M. le docteur Fr^bault nous fera sans doute observer qu'il rencontrera 
pour etablir ces d^pdts les m6mes obstacles qu'il rencontre aujourd'hui 
pour organiser des sections d'instruction m^dicale. 

« Mais ne pense-t-il pas que dans les communes oil il y a une sage- 
femme, par exemple, il trouvera en elle une aide tout indiqu^e et que 
dans les communes oil il n'y a ni m^decin, ni pharmacien, ni sage- 
femme, il lui sera ton jours facile de confler la gestion de cesd6p6ts soit 
k rinstituteur, soit k Tinstitutrice ? 

La question, en tout cas, vaut d'etre etudi^e, et puisque M. le D' Fr6- 
bault veut bien nous recommander V Association des Ambulanciers de 
France, k notre tour, nous prenons la liberty de recommander notre pro- 
position k cette interessante et belle association. » 

M . le docteur Ed. Toulouse examine, dans la Revue de Psychiatrie, le 
cas du tueur de bergers; il fait observer que la loi ne permet pas de priver 
indeflniment de sa liberty un individu qui a presents des troubles men- 
taux consistant m^me en des impulsions homicides ; il ajoute qu'on ne 
pent garder inddfiniment s^questr^ quelqu'un qui poss^de une possibility 
de deiire dangereux. Mais il estime que Torganisation actuelle des asiles,oili 
un m^decin est charge de 1200 malades, est de nature k faire nailre des 
erreurs d'appreciation ; il recherche ensuite comment la society pent se dd- 
fendre centre le danger des desequilibres. 

« Faut-il les punir? Pour ma part, je ne serais pas tr^s eioign6 de cette 
opinion que ces degln^res lucides k impulsions perverses devraient etre 
jnges et mdme condamnes comme des individus tonus pour sains d' esprit. 
Une ordonnance de non-lieu, me ttant hors de cause, sur une simple exper- 
tise m6dicale, uu de ces criminels me paratt une chose tout k fait mau- 
vaise, car enfin personne de nous n'est responsable de son organisation 
bonne ou mauvaise; alors pourquoi cette inegalite de traitement et pour- 
quoi ^carter du tribunal une categoric de priviiegids? C*est au jury, repre- 



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REVUES ET PUBLICATIONS FRANgAISES. 309 

sentant de la soci^t^, qu'il appartiendrait dans tous les cas de prononcer, 
apr^s atis des m^decios, les mesures k prendre. 

f< Gette inviolability inscrite dans ie code p6nal en faveur du citoyen 
ali^n^ est une chose ai>solument inique et dangerease. Pour ma part, je 
suis persuade que la crainte d'une mesare de repression ou de protection 
sociale est un frein capable d'agir sur les impulsions de certains d^s^quili- 
br6s; en tout cas c'est le seul moyen de suggestion dont on dispose et il se- 
rait d^raisonnable de ne point s'en servir. 

t( II est, d'ailleurs, un terrain sur lequel tout le monde peut se mettre 
d'accord. Qu'on admette ou que Ton rejette la responsabilit6 des ali^n^s 
criminels, chacun est d'avis qu'ii faut se preserver de leurs actes. Appelons 
la mesure k prendre pimition ou protection, pen importe ; mais il est clair 
qu'il en faut prendre une et ce ne peut ^tre qu'une mesure d'isolement. 
£tre anormal, ^crivait r^cemment M. Paul Brousse, il n'est pas fait pour 
la normale liberty. Actuellement un ali6nd commet un crime. II est ac- 
quitt6 parce que irresponsable. S'il est envoys dans un asile, ce n'est que 
par ?oie administrative et non pas k la suite d'un jugemenl. Par conse- 
quent, le m^decin peut y maintcnir un temps plus ou moins court cet 
ali^ne. Or voil& ce qui est monstrueux. Que Ton sauve rali6ne de la prison, 
la chose peut se justifier. Mais qu*on ne le condamne pas k un isolement 
de dur^e determin^e ulterieurement dans chaque cas par une commission 
de mapistrats et de m^decins, voil^ qui est inadmissible. 

« 11 faut done modifier la legislation sur ce point et decider que tout 
ali^ne criminel sera toujours juge, d'abord ; qu'il sera ensuite, en cas de 
decision du jury, isoie d*office dans un asile special, d'oii il ne pourra 
sortir qu'apr^s avis motive d'une commission medico-judiciaire. Si une 
telle reforme avait ete faite il y a quelqnes annees, Vacher, qui a ete dej^ 
interne k Fasile pour avoir commis une tentative criminelle, ne serait pas 
sorti si facilement de son asile. II aurail ete plus soigneusement examine 
et vraisemblablement soumis k une observation plus prolongee en raison 
de la cause de sa sequestration. Et c'etait peut-Stre une vingtaine d'ado- 
lescents qui auraient ete ainsi sauves Jes grifTes du monstre. » 

VEclair appuie la requite des m6decins, admin is trateurs et eieves de 
la Salpetriere en faveur de la decoration de M^^*' Bottard, surveillante, dont 
TAssistance publique ceiebrait le 29 Janvier 1891 les cinquante annees de 
bons et loyaux services. 

M^^® Bottard appartient depuis cinquante-six ans aumeme etablissement, 
et, aprfes avoir servi sous les ordres de I'illustre professeur Charcot, elle est 
aujourd'hui la coUaboratrice du professeur Raymond. 

« De sa main, M. Charcot a ecrit la petition adressee au ministre d'alors 
pour que la croix de M"« Nicolle passe k M"® Bottard. Tous les eifeves et 
anciens ei^ves de Charcot tinrent k honneur de signer : MM. Gilles de la 
Tourette, Brunot-GeofFroy, mfime ceux qui etaient k Lyon, MM. les doc- 
teurs Picrret et Lepine ou Pitres k Bordeaux. 

c Hier encore, nous nous entretenions de cette excellente femme avec 
M. Jean Charcot, qui nous rappelait maintes anecdotes deiicieuses, et no- 
tamment comment, un jour, les internes projet^rent de lui faire franchir 



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REVUE PHILANTHROPIQUE. 

>rtes de la Salp^tri^re. lis se flrent ses cavaliers servants et lui de- 
^rent de venir diner avec eux. Elle accepta : c*dtait sa premiere sortie 
s depuis six ans. « Oh voalez-vous que j'aille, raes enfants? disail- 
>uis-je pas mieux ici que partout ailleurs? » Ge soir-l&, cependant, 
i laissa faire, et les grands jeunes hommes, tcndres et respectueux, 
,e ils eussent fait pour leur m^re, conduisirent maman Boltard chez 
rouse, puis au th^dtre, voir jouer Surcouf, Puis, ils remmen^rent 
r. Ah ! dame ! quand on se d^bauche pour la premi^refois k 70 ans il 
ider la coupe du plaisir jusqu'au fond ! 

1 n*y a qu'elle, nous rappelait M. Gilles de la Tourette, qui sClt apaiser 
[irroux du patron. Quand Charcot n'6tait pas content, que nous 
i eu quelque d^faillance, seule maman Bottard avait le secret de le 
ler k sa hienveillance coutumidre. Elle raimait et le devinait si bien! 
u'il mourut, elle voulut, k pied, jusqu'au cimeti&re Montmartre, dans 
ags de la famille mdme, k c6t6 du fils, suivre le funfebre convoi. » 
leure paratt venue dlionorer cette serv.ante des pauvres, depuis pr^s 
Xante ans, sur la br^che, sans une parole de regret, qui s'est faite, 
saint Vincent de Paul, « leur soeur par la gr&ce. » 

le D' Bourneville examine, dans le Progr^s midicaly 1*6 tat des services 
)uchements k Paris et leur utilisation par la Faculty de m^decine au 
de vue de Tenseignement ; il commente le r^glement de 1891 qui 
( les 6tudiants en m^decine k faire un stage d'un mois dans une des 
ues de la Faculty ; il rappelle la promesse faite que les ^tudiants 
aient ^tre autoris6s k faire leur stage dans les autres services d'accou- 
ent des h6pitaux. 

Depuis cette 6poque, depuis 1891, quVl-il 6t^ fait? Rien. Pardon! 
oublions deux petites modifications. Afln que les internes et les ex- 
i des h6pitaux puissent continuer k suivre sans interruption les ser- 
de m^decine et de chirurgie, ils sont aatoris6s k faire, la nuit^ un 
d'un mois a la clinique Baudelocque (!). Quant aux internes et 
nes des services d'accouchement, un certiflcat de leur chef de senice 
[es dispenser de ce stage nocturne. 

Ainsi done il y a, dans les^hdpitaux de Paris : un service d'accouche- 
k la Charity, k la tSte duquel se trouve M. Porak ; un autre k Beaujon, 
6te duquel se trouve M. Ribemont, avec un assistant, M. Lepage; un 
k Lariboisifere, k la tfite duquel se trouve M. Maygrier; un autre a 
ital Saint-Antoine, k la tdte duquel se trouve M. P. Bar, avecunassis- 
M. Tissier ; un autre & J'H6tel-Dieu, k la tSte duquel se trouve M. Cham- 
r de Ribes; un autre a la Piti6, k la tdle duquel se trouve M. Dol^ris; 
itre k rhdpital Saint-Louis, k la tdte duquel se trouve M. Auvard ; un 
k rhdpital Tenon, k la tdte duquel se trouve M. Bonnaire, et, dans 
1 de ces services, les ^tudiants ne sont admis k faire leur stage, 
irmi ces chefs distingu^s, MM. Ribemont-Dessaignes, Maygrier, Bar, 
aire sont agr6g6s de la Faculty de m^decine ; ils sont charges par 
ie I'enseignemeut th^orique (cours professoral, conferences, cours aux 
s sages-femmes) ; ils sont d^sign^s par T^tat pour faire passer les 
lens de doctorat, et pas plus que les autres accoucheurs des hdpitaux 



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REVUES ET PUBLICATIONS FRANgAISES. 311 

ils ne sont admis k donner un enseigneinent clinique qui Boit consid^r6 
par la Faculty comme ayant quelque valeur pour les etudiants. Si nous 
ajoutons qu'il ne serai t probablement pas bien difficile d'obtenir que les 
femmes enceintes qui se pr^senteut pour 6tre revues dans les asiles soient 
examinees par les etudiants ; que la visite du chef de service de I'asile 
Ledru-Rollin, ou se trouvent les femmes convalescentes de suites de 
couches, soit de temps en temps suivie de plusieurs Etudiants inscrits, on 
pourrait presque r^p^ter le mot rest^ c616bre d'un professeur 6lranger, 
qui, visitant Paris avant 1870, disait en parlant de Tanatomie pathologique : 
« Quel immense materiel 1 et tout cela perdu I » S'il en est ainsi, ce n'est 
certainement ni la faute de FAssistance publique, ni celle du Gonseil mu- 
cipal. 

c( Unfait recent, qui aeuun immense retentissement dans Topinion pu- 
blique et a vivement ^mu le corps medical tout entier, est venu mettre en 
relief Finsuffisance de Fenseignement de la Faculty. Ce n'est pas toujours 
la faute des jeunes m^decins s'ils n'ont pas une pratique s6rieuse des ac- 
couchements. Les moyens d*enseignement existant k profusion, des mat- 
tres en nombre convenable s'ofTrant, la Faculty manquerait k ses devoirs 
sociaux si elle tardait plus longtemps k organiser largement Venseignement 
pratique des accouchements, en utilisant tons les services et tons les accou- 
cheurs. » 

Pour faire suite k la note ajout^e au Bulletin de la Soci^t6 de mendi- 
city contre les enfants relatant le projet de M.Lenoir, adjoint au maire de 
Versailles, sur les families nombreuses (1), voici les explications fournies 
hn Journal de Versailles par Fauteur du projet : 

« M. Lenoir s'est pr^occup^ de rechercher les ressources n^cessaires 
powt couvrir cette d^pense. 

« II s'est dit que, dans une association mutuelle, comme est une nation, 
chacun doit contribuer aux charges en raison de ses ressources, c'est-i- 
dire en proportion des garanties et de la protection qu'il refoit de la so- 
ci6t^ ; qu'il est Evident que les families qui ^Ifevent pour la patrie plus de 
trois enfants lui procurent une source de prosperity et de puissance, et 
qo*k raison des sacrifices qu'elies s'imposent elles m6ritent d'etre aid6es 
par la communautS; qu'il n'est pas moins Evident que les families de 
moins de trois enfants resolvent des families plus nombreuses une protec- 
tion plus grande que celles qu'elies apportent elles-m^mes, et que par 
consequent il serait de la plus stricte 6quit6 de leur demander, k raison 
de leurs moindres charges, une contribution, afin de venir en aide aux 
families plus charge es. 

u Continuant le travail de statistique qu'il avait commence, M. Lenoir a 
troav6 qu'il y a ^ Versailles : 

957 families de 3 enfants, 
l.«19 — de 2 enfants, 
2.708 — de 1 enfant, 
2.588 — sans enfants. 

(1) N" 1 de la Revue philanlhropique, p. 154. 



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312 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

823 c^libaiaires de 21 h 25 ans, 
1.836 — de26d45ans, 

379 — de 46 & 55 ans, 
et 634 — de plus de 55 ans. 

« II a pens6, et nous croyons qu'il a eu raison, que personne ne trouve- 
rait excessif de demander une contribulion de tin centime par jour k toute 
famille non indigente n'ayant que deux enfants, — de deux centimes par 
jour aux families n'ayant qu'un seul enfant, — de trots centimes par jour 
aux families sans enfant, et de cinq centimes par jour k tout c^libataire ne 
faisant point partie de I'arm^e active. 

« Partant de ces chiffres bien modiques, il a trouv^ que : 

« Les 1.619 families de deuxenfants produiraient 3fr. 60x1.619=5.828. 

« Les 2.708 families n'ayant qu'un enfant 7 fr. 20 x 2.508= 19.497 fr. 

« Les 2.588 families sans enfant produiraient 10 fr. 80 x 2.588=27.950. 

« Et les 2.849 c^libataires non compris dans I'arm^e active, 18 fr. x 
2.849 = 51.281 francs. 

a La somme de ces contributions serait de 5.828 + 19.497 + 27.950 + 
51.281 francs = 104.556 francs. 

« La d^pense totale ^tant de 125.000 francs il manquerait 125.000 fr. 
— 104.556 francs = 20.444 francs. 

« Le centime addilionnel au principal desquatres contributions directes 
produisant k Versailles environ 8.000 francs, il sufBrait d'une imposition 
sp^ciale de deux centimes et demi pour couvrir cette difference. 

« M. Lenoir termine en nous faisant observer qu'il s'est plac^ dans le cas 
maximum de Tassistance h toutes les families de plus de trois enfants, 
sans exception. » 



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BIBLIOGRAPHIE 



r«a M61aiicolie, par les docteurs J. Roubinovitch, chef de clinique des 
maladies mentales k la Faculty de M^decine de Paris, et Edouard Toulouse, 
m^decin de TAsile de Villejuif, ouvrage couronne par VAcad^ie de nUde- 
cine (Prix Lef6vre, 4896). ln-18 de vin-424 pages avec figures et traces dans 
le texte. (Masson et Cie, ^diteurs.) 4 francs. 
I Get oavrage, qui a obtenu Tann^e derni^re le prix Lef^vre k rAcad^mie 

de m^decine, est le dernier livre qu*on ait 6crit sur la nUlancoliey cet dtat 
TUorbide observe si commun^ment dans les milieux hospitaliers et en ville. 
H n'esl pas nouveau que par la date, mais aussi par les id^es g^n^rales et 

I les tendances exp^rimentales qui y sont manifestoes. On y trouvera une 

critique de la throne de Lange, qui donne aux conditions physiques des 
Amotions la premiere place, antOrieare raOme au fait de conscience. On y 
I ^rouTera aussi de nombreux traces, graphiques et photographies; c'est 

■ \k d'ailleurs un des c6t6s originaux de celte monographie, qui marque un 

r^el ppogr^s sar toutes ses devanciftres par I'application k FOtude des ma- 
I ladies mentales de la mOthode expOrimentale. Enfin les praticiens y liront 

, a?ec plaisir un trfes substantiel chapitre de thOrapeutique, longue revue 

' S^'^^rale sur tons les moyens de traitement employes centre ces Otats 

■. "^entanx qui vont de la simple neurasth6nie k la m61ancolie d^irante et k 

^ stupear,en passant par Thypochondrie. L*eau, I'air, la lumifere, tons les 
I agents physiques, les scrums, les mOdicameuts hypnotiques et sOdatifs, le 

f^^iOent par le lit sont 6tudi6s ; la technique de ralimentation artifi- 
cieue y est exposOe avec beaucoup de details. Mais les paragraphes les plus 
pportantg ^qq^ ^g^^ consacrOs au traitement moral, si dOlicat, et k Tin- 
"^^naenL A cette occasion, les auteurs se livrent k des appreciations, 
J7^^^^ sOvSres, sur Torganisation des asiles d'aliOnOs et van tent les bien- 
^ ^e Tassistancefamiliale. 

«. ^^^8 8oci6tte de premiers seoours en Allemacrne. — Le D'' George 
4tn^^** vient de publier chez Seitz et Schauer, k Munich, deux excellentes 
^^3 sar les soci0t6s de sauvetage et TAssociation du Samaritain(Sama- 
^^** tinterricht) au siOcle pass6. 

^^Ite Otude historique, pleine d'apercus et de comparaisons utiles, est 
^W6t4e par une seconde brochure : Das Samariter und Rettungs-Wesen im 



L 



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REVUE PHILANTHROPIQUE. 

>iit nous recommandons la lecture k tous ceux qui s'in- 
ions de secours imm^diats aox malades et aux blesses 
itres ou a la camp ague. 

G. C. 

icole. lies patronacres (V. Lecoffre, ^dit.). — Sous ce 
nn, professeur au CoLUge litre des sciences sociales, publie 
r6s documents, que voudront lire tous ceux qu'int^resse 
sse. On s'accorde k reconnaltre aujourd'hui qae I'^du- 
kole primaire ne suffit pas. II lui faut un complement. 
> apprenti — ouvrier ou employ^ — trouve sur sa route, 
guides. M. Max Turmann, qui n'est pas un ^conomiste 
qui a d^pens^ dans les oeuvres d'assistance morale une 
ctivite, semblait d^sign^ pour retracer les origines et les 
IS patronages, soit des ^coles congr6ganistes, soit des 
'a fait avec une precision remarquable, et, ce qui ne 
mis beaucoup de son coeur. Dans un rapport officiel 
i de rinstruction publique, M. fidouard Petit parle « des 
tier ordre, tr^s completes, de lumineuse precision, dues 
». Nous n'ajouterons rien k cet ^loge. Nods indiquerons 
jartie historique est jointe une partie pratique, qui fait 
lel tr&s utile pour la formation et la direction des patro- 



J. B. 



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316 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

d'assistance de Rouen donnait une adhesion ^clatante aux grandes lignes 
du projet vot6 par le Gonseil sup^rieur sur le rapport de M. Sabran; un 
excellent rapport a ^t^ soumis k la Chambre par M. Fleury-Ravarin sur ce 
projet de loi ; la Chambre a proclam6 qu'il convenait d'organiser dans le 
plus bref delai possible Tassistance des infirmes et des vieillards indigents 
par la contribution des communes, des d^partements et de TEtat; les 
t^moins les plus impartiaux s'accordent k reconnaitre que la situation 
pr^sente est intolerable. Voici en quels termes s'exprime le rapporteur 
du budget du minist^re de rinl^rieur, M. Maurice Lasserre : « Si done 
I'assistance des vieillards et infirmes existe k I'^tat facultatif et d'une 
mani^re plus ou moins imparfaite dans les villes de quelque importance, 
elle est nulle, ou peu s'en faat, dans les campagnes. En presence des cas 
extremes, un seul moyen s'offre k I'administration d'^pargner k cette 
catdgorie de malheureux les tortures de la faim et du froid : c'est de les 
assimiler aux vagabonds, aux mendiants et de les placer dans un dep6t de 
mendicity. » 

11 n'y a point dans cette constatation le moindre pessimisme,le sort des 
vieux indigents apitoie les plus indifT^rents. Pourquoi, dans ces conditions, 
ajourner I'^tablissement du regime d'assistance obligatoire qui seul per- 
mettra de rem^dier k ces mis^res et de mettre un terme k un spectacle 
aussi affligeant? Les raisons manquent pour justiOer ou pour excuser an 
retard aussi grave dont les consequences sont k ce point funestes et dou- 
loureuses. 

« 

La r^gle mentation des creches, pr^par^e et discutde par le Gonseil 
supdrieur de I'Assistance publique.sur le rapport de MM. Marbeau et Henri 
Napias, n'a pas encore va le jour, et la lenteur avec laquelle s^accomplis- 
sent les plus modestes r^formes ne permet pas d'esp^rer une solution pro- 
chaine. Et pourtant, s41 est une mati^re ou Tintervention des pouvoirs 
publics est urgente, c'est bien celle-1^. Depuis quelqaes ann^es, la creche 
tend k se developper, k jouer un rdle de plus en plus considerable dans 
la protection des enfants du premier kge. On ne considere plus, tout 
au moins en theorie, cet etablissement comme une simple garderie, 
comme un vestiaire d'enfants, et les hygienistes et les medecins ont montre 
la haute importance d'une institution qui n'est pas n^cessairement bien- 
faisante par elle-meme et peut faire courir les plus grands dangers k ses 
jeunes beneficiaires. Non seulement la creche doit etre install6e dans des 
conditions irreprochables d'hygi^ne, mais elle a besoin, pour etre utile et 
tuteiaire, de fonctionner d'une mani^re intelligente et convenable. M. le 
docteur Gauchas a d^montre, parses observations loyales et attentives, que, 
mdme avec une surveillance m(5dicale toujours en eveil, les creches 
n'etaient pas k I'abri d'accidents et de mecomptes survenus du fait des 
parents. M. le docteur Gharles Leroux, m^decin en chef du dispensaire 
Furtado-Heine, a fait ressortir avec beaucoup de force, dans une etude 
recente (1), I'importance du service medical dans les creches. 

(1) Journal de clinique et de th4rapeutique infantiles, 5« anneci n» 4, 7 octobre 
1897. 



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BULLETIN. 3n 

« n faut absoloment, dlt-il, qu'une cri^che soit dirigie par un nUdecih 
mique, ehargi du service, responsable moralement des r^sultats obieniis, Dans 
ces coDditions seules, le service sera bien fait. Le m^decin attach^ k I'^ta- 
blissement doit chaque matin pratiquer, dans une salle Isolde bien entendu, 
Don seulement Texamen de tons les nouveaux arrivants — ce qui est de 
rijgle; — mais aussi faire i'inspection de tons les anciens; faire en somme, 
apr^s sa consultation d'admission, sa visite des salies, c'es(-a-dire voir si 
quelqne affection de contagion douteuse n'a pas ^chapp^ <i Fexamen de la 
directrice k Tentr^e du matin ; r^gler ralimentatton, les bains ; peser les 
nourrissoos » etc. 

M. le docteur Leroux consid^re que le m^decin doit avoir )a haute main 
sor tout le personnel, veiller k la bonne execution du r^glement au point 
devue de I'examen des enfants par la directrice, des mesures de propret^, 
d'antisepsie, etc. ; bref, il lui attribue, non sans raison, la responsabilit^ 
absolue du fonctionnement de T^tablissement. 

Apr^s une vive discussion, le Gonseil sup^rieur de TAssistance publique 
avot^ r&rticle 7 du projet de r^glemeut minist^riel portant qu'un m^- 
decin a la direction du service hygi^nique et medical. Ge n'est pas sur le 
papier et d*ane fagon decorative que cette stipulation s'impose. 11 est vrai 
<IQe les praticiens acceptent par d^vouement ces fonctions honorifiques, 
6^ comme on ne saurait exiger d'eux un sacrifice trop 61ev6, les adminis- 
^teurs des creches font appel au concours de plusieurs m^decins ; la gra- 
tnit^ u'est pas faite pour favoriser cette organisation m6thodique dU ser- 
^'ce medical. 

^' en estde mdme du personnel, qui n'est pas toujours assez nombreux, 
'^samment exerc^. Une creche module, telle que I'ont propos^e les doc- 
*^«rs Henri Napias et Landouzy, et une 6cole normale, telle que I'a r6v6e 
^** Madeleine Br^s, r^pondraient k un besoin de plus en plus pressant, k 
"**« n^cessit^ chaque jour plus ^vidente. La nouvelle r^glementatiou des 
creches, qui, sans ^tre parfaite, favorisera ces ameliorations projet^es, 
J ^^ ®8t que plus n^cessaire et plus urgente et le gouvernement a le devoir 
® 'Je pas la diff^rer longtemps. 



^« Albanel, juge d'instruction au parquet de la Seine, a communique k 

"istitut international de statistique qui a derni^rement si6ge k Saint- 

^^rsbourg une etude sur les enfants traduits en justice (1) qui merite un 

''leux et sympathique examen. 

*-»*^titeur a limits son champ d'observations et d'etudes statistiques au 

^ort du tribunal de la Seine dont la jurisprudence liberale s'inSpire 

. ^f^xisement des travaux du Comite de defense des enfants traduits en 

^^*'ce et de renergique et infatigable propagande de M. Adolphe Guillot. 

J . ^Ux* ce terrain parisien, si perilleux pour les enfants negliges ou de- 

^^s, la criminalite infantile ne subit pas cette aggravation dontun emi- 

^**^ philosophe s'est tant alarme. Qu'on en juge plut6t par les renseigne- 

1^^*^) Paris, Imprimerie et Librairie generale de jurisprudence Marchal et Bil- 



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318 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

meats autoris^s de M. Albanel. Le nombre des arrestatious est tomb^ de 
722 en 1887 k 403 en 1896, gr4ce k la pratique pr6conis6e et adoptee de 
n'arrdter que les enfants r^eliement d^linquants et susceptibles d'etre tra- 
duits en justice; les courtes peines ont suivi une progression d^croissante : 
217 en 1887, 93 en 1888, 133 en 1887, 30 en 1896. Les condamnations tant 
k ramende qu'i remprisonnement, qui s'^levaient k 243 en 1887, 154 en 
1888, ne sont plus qoe de 37 en 1896. 

Pour la France enii^re, la statistiqaeiiedonne pas le chifTre des mineurs 
arrdt^s et M. Albanel regrette de ne ponToir ^i&blir une comparaison 
entre les poursuites exerc^es et les affaires class^es, mais le rapport sur 
les r^suitats statistiques de la justice criminelle en France et en Alg^rio 
pendant I'ann^e 1895 (1) n'en marque pas moins un r^sullat significatif : 
« Au point de vue de Tftge des pr^venus, ^crit le Garde des sceaux, nous 
sommes heureux de constater une diminution notable de la rooyenne aussi 
bien que de la grande criminality des mineurs. » Gette amelioration s*est 
produite non seulement pour les mineurs de seize ans, dont le nombre 
ne crotl gu^re, mais encore pour les pr^venus de seize k vingt et un ans 
doni la progression nximMquepr^sentaUdepuis longtemps une rigulariU et une 
rapidiU inquiHantes : 20 836 en 1875, 32 317 en 1894. L'ann^e 1895 a yu 
s'interrompre cette mont^e funeste et le d^nombrement tombe k 30763 
pour 1895. 

Ge r^sultat ne donne pas assortment le droit de chanter victoire, et la 
statistique d'une seule ann6e est trop pr^caire pour qu'on se r^jouisse pr6- 
matur^ment. Toutefois, si Ton rapproche ces constatations des etudes de 
M. Albanel pour Paris, un indice rassurant s'en d^gage, c'est que I'emploi 
des moyens ^ducatifs, pr^ventifs et pr^servateurs commence k porter ses 
fruits. M. Albanel est parfaitement p^ndtr^ de cette v6rit6 : « Le r61e da 
magistral, dit-il, doit, dans I'esp^ce, consister plut6t k pr^venir qa'k punir. 
II doit apparattre k Tenfant comma un ^ducateur chez lequel la s^vdrite 
n*exclut pas la bienveillance. » On nous permettra d'ajouter que moins les 
enfants vicieux, vagabonds, seront en contact avec les juges, mdme avec 
les plus indulgents, et plus cette t&che de rel^vement pr^ventif sera fa- 
cilit^e. 

M. Albanel 6met le yobu de voir se g^n^raliser la jurisprudence du tri- 
bunal de la Seine, qui a compl&tement renonc^ a la procedure des fla- 
grants d^lits, depuis la belle initiative de M. Adolphe Guillot; il voudrait 
que, dans toute la France, on piUt constituer, par une statistique oniforme 
et une information approfondie, les Archives morales et sociales des enfants 
d^linquants et de leurs families. « Muni de ces renseignements, le magis- 
tral instructeur pourra prendre, k regard de I'enfant, telles mesures de 
repression ou de protection que sa conscience lui diclera. Mais le crimi- 
naliste et le l^gislateur y trouveront surtout, chaque ann^e, des rensei- 
gnements pr^cieux, et, grdce k ces documents, pourront rechercher les 
reformes k effectuer. » 

La p6dagogie des enfants arri^rds, des faibles d*esprit, y puisera de son 
c6te plus d'un enseignement; le moraliste et I'educateur consulteront un 

(1) Journal officiel du 9 novembre 1897. 



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BULLETIN. 319 

pareil dossier avec an profit extreme. La protection morale de Tenfant 
eslle plus sAr rempart centre la criminality jav^oile et les iastitations qui 
graviteat autour de I'^cole et de I'atelier foumissent le vaccin le plus effi- 
cace da Tice et de la depravation pr^coce. 

« » 
Le savant M. G. Tarde a victorieusement d^montr^ que le danger de la 
crimiDalitI juvenile n'^tait pas circonscrit k la France et que le mattre 
d*^cole ^tait exempt de toute responsabilit^. D'ailleurs, dans nn noarel ar- 
ticle para dans la Revue Bleue, le c^l^bre auteur de Tarticie retentissant de 
la Rmie des Deux Monde8,U. Alfred Fouill^e, remet lai-mdme les choses au 
point : « La principale raison, ^crit-il, da ficheux exc6dent de la crimina- 
lity, surtout chez les jeunes, est Tinsafflsauce de Tdducation dans la fa- 
mille ». Tout en mettant en cause ce qu'il d^nomme la toute-puissance 
de TeDseignement immoral dans la presse fraucaise, M. Alfred Fouill^e, 
sans m^connaltre rinflucnce da regime industriel et de rorganisation du 
traTail ^loquemment signal6e dans la Revue socialiste par M. Georges Re- 
nard,conclut qu'il j a lieu de se pr^occuper davantage de T^ducation et 
de la protection des enfants pauvres ; il consid^re que morality et immo- 
rality oat des causes principalement morales. « Ge n'est pas sur le regime 
mtoe de la propria t^, ce n'est pas mdme sur la question d'estomac », 
quelle qu'en soit la valeur, que les r^formes doivent porter exclusivemeat 
ni mdme principalement : plus importante encore est la question du 
< coeur »; plus que les fortunes valent les consciences (1) ». 

Nous n'avons pas k discuter ici des probl^mes aussi difflciles, des 
theses aussi redout€d)les; il nous paralt toutefois que le cel^bre philosophe 
amoindrit k Texc^s la part des agents ^conomiques. La condition de la 
femrae, de la m^re, d^tourn^e par des servitudes industriel les de son rdle 
domestique, intervient dans des proportions ^normes dans le d^laissement 
p4rilleux des enfants et des adolescents ; Tinsalubrite, Tincommodit^, Tin- 
suflisance des logements jouent un rdle considerable dans I'extension du 
vagabondage ; combien d'autres facteurs, Tinferiorite des moyens de trans- 
ports, le defaut d*education domestiqne et menagSre, d^terminent Taban- 
don da foyer, la ir^quentation des cabarets, les progr^s de Talcoolisme ! 
Mais, ces reserves faites, il convient de retenir que les contradicteurs 
de tonte opinion, M. Alfred Fouill6e, M. G. Tarde, M. Georges Renard, 
sont ananimes k r^clamer un surcrolt de vigilance et d'^ducation de 
V4cole. 

A d^faut des parents retenus hors du logis par leurs occupations, I'au- 
toril^ scolaire est tenue d'accorder an supplement d*bospitalite aux ei^ves 
^^ la loi lui confie. L'institution des classes de garde, qui correspond aux 
Etudes sorveiliees des lyc^es et colleges, ne doit pas dtre facultative, mais 
obligaloire dans tous les cas od les families ne peuvent elles-mdmes assu- 
nier les charges de cette surveillance. II n'est pas possible de tol^rer qu'en 
^chors des heures de classe, et notamment depuis la fermeture de Fecole 
^P^\ la tombee de la nuit, des ecoliers soient livr^s k eux-mdmes, libres 

(1) Betme Bleue du 30 octobre 1897. 



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3i0 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

de leurs mouvements et de leurs fr6quentations, abandonn^s h. toutes les 
promiscuit^s de ]a rue. Envainrinstituteur s'efTorcera-t-il de les moraliser. 
« Us sont bien loin des sermons da maltre d'^cole, ces petits, a 6crit 
M. Georges Renard, quand ils rentrent le soir an logis, ou les parents 
harasses et maossades leur donnent la becqa^e qui pr^c^de le sommeil. » 

De toutes les mesures de precaution k prendre pour sauvegarder et 
completer les bienfaits de I'^cole, celle de la generalisation des classes de 
gardey de la surveillance continue en dehors des heures d'^cole, n'est pas 
la moins importante ni la moins urgente. 

En economie sociale, tout se tient, les solutions les plus eioign^es ont 
leur repercussion lointaine ; le prolongement d'action, de surveillance et 
dliospitalite de recole primaire est le premier, le plus simple et le meil- 
leur des patronages pour suppieer la famille et preserver Tenfant pauvre 
des dangers de la rue, pour moraliser la jeunesse fran9aise. 

Paul Strauss. 



Le Dtrecteur-girant : PAUL STRAUSS. 



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2 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

I vie : nous voulons dire pas Ih qu'ils sont fortuits, mais on 
3vrait penser plut6t qu'il n*y a rien de fortuit, que tout s*en- 
lalne et se determine par la logique 
lots d 'accident et de hasard, dont noui 
ous servent ^ couvrirnotre ignorance 
ne pas nous en corriger. 

Les orateurs adressentaux accidents 1 
« aveugle », de « stupide », mais les 
ms doute de se r^server ces ^pithi 
ii'ils n'aient pas pris le soin d'emp^ 
)uvaient 6tre ^vit6s, soit qu'ils ne vei 
n6vitable. 

De m^me nous ne parlous toujours 
js « disgraces » de la fortune, « destn 
autres [choses semblables et, commo 
)us peuplons ainsi TUnivers de toute 
tpricieuscs qui nous dispensent de co 
J nous reformer. 

S'agit-il des accidents de la nature, ( 
^clones, inondations, Eruptions de vol 
rre : nous les disons « accidents » pan 
^yons pas et que nous sommes incapa 
insemble des ph^nom^nes. S*agit-il de 
Lgnent notre activity propre, qui se mi 
) nos travaux et de nos jeux, nous ne 
I'ils sont les suites, les rdsultats ou les 
ais tr^s certains, de nos erreurs et de 
icccident n'est qu'une hypoth^se llal 
nee et il seraitplus sincfere et plus av 
y a pas d'accidents. 






11 nous faut bien pourtant rassemble 
Eiccidents et consid6rer comme tels toi 

impr^vus qui abondent dans la vie el 
)mmes entre eux et avec les filaments. 



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LA PSYCHOLOGIE DES ACCIDENTS. 323 

Les accidents sont relativement beaucoup plus nombrenx 
surmer que sur terre, et dans Fair que sur la mer; ils sont 
infiniment plus nombreux de toutes faQons dans le travail des 
champs que dans celui des villas. La simple piqilre qui tourne 
mal, le coup de come ou de pied de la b6te qui tue le conduc- 
teur ou le berger, la chute de Tarbre qui 6crase le bAcheron, 
r^boulement de la montagne qui entraine avec elle le hameau, 
sont des exemples pris au hasard entre la foule des accidents, 
connusetinconnuSy quisonfsem^s journellement dansT^tendue 
des campagnes et produisent une quantity de maux et de souf- 
frances bien sup6rieure sans nul doute ft toute celle qui provient 
du travail urbain ou minier. 

Mais ni les malheurs des paysans, muettes victimes, ni 
ceux des marins 6parpill^s sur les mors ne frappent Topinion 
comme les accidents et les catastrophes qui surviennent dans 
les grandes villes et dans les centres du travail industriel. 

La question des « accidents du travail », c'est-ft-dire plus 
particuliferement du travail industriel, est aujourd'hui et restera 
loDgtemps encore Tune des preoccupations dominantes du 
Ifigislateur dans toute TEurope, depuis que les machines ont 
mulUpIi^ les risques retentissants et que les ouvriers plus 
instruits sont devenus dlecteurs et Tune des forces qui d6ter- 
minent la politique des ^tats. 

II n'est pas du tout certain que les accidents soient plus 
nombreux sous le regime du machinisme ft vapeur et des appli- 
calions de r6lectricit6 que dans Tabsence de toute machine, 
lorsque les hommes doivent subvenir ft leurs besoins sans autre 
secoars que celui de leurs propres membres. S41 est vrai, 
comme on croit Tavoir d6montr6 par les statistiques, qu'il y a 
moins d'accidents de voyages, moins de bless6s et d'^cras^s 
avec les chemins de fer qu'il y en avait autrefois avec les 
diligences, on est amen6 ft ponser qu'il en est de mSme dans 
toules les parties du travail et de Tactivit^ humaine, sous le 
gouvemement de la science. 

Ces navires cuirasses sur lesquels se multiplient les cata- 
strophes sont plus sArs que les canots d'6corce des sauvages, 
etlacharrue 4 vapeur estropie moins sou vent le paysan que la 



L 



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324 REVUE PHILANTHROPIQLE. 

simple b^che ou que les cailloux, les plantes et les bdtes, lors 
qu'il travaillait la terre de ses mains. Dans eel 6iat primitif d( 
rhomme, une quantity innombrable d'accidents k peine sentii 
produisent, par la suite, les maladies les plus graves, des mu 
illations et des pertes de membre? '*"'^ ^'^^'^ '^^ °**'* ^ ««£»iii 
cause rapporter. 

Mais, comme les machines foi 
efifroyables etquelcs explosions, les 
causent tout d'un coup un grand nor 
des ouvriers rassembI6s dans une i 
on est frapp<5 par ces spectacles, et, 
cit6 les porlant k la connaissance 
notre civilisation abonde en catastro 

Tout paradoxe mis k part, il est 
r5gne de la science et des machines 
coup d'accidents et de maux, et m 
que les guerres modcrnes servies pa 
dables et par des explosifs d'une p 
en definitive moins de victimes que 
et k Tarme blanche. 

Mais il faut tenir compte du non 
nombre des travailleurs, et si les < 
maine sont infiniment agrandis et m 
prodigieuse de moyens d'action tou 
faudra pas s'6tonner si le nombre re 
cidents, des blessures et des morts p 
digne depiti6. 

* 

Pendant vingt ans, nous avons 
texte de loi gdn^ral qui assure aux ti 
tion des accidents qui les frappent ( 
traite s'ils ne peuvent plus travail 
dcrivons ces lignes, nous apprenoi 
S6nat se sont mis d'accord pour no 
temps attendue, mais certainement 



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326 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

oil sont rassembl6es un grand nombre de personnes : th64tres, 
salles de concert ou de bal, ^glises. Nous avons eu rdcemment 
chez nous un exemple, dont le souvenir effroyable restera Ion- 
temps present k toutes les m6moires. 11 y a quelques semaines, 
une 6g\ise de Russie a ^16 le th^^tre d*une catastrophe presque 
semblable. Sans doute, il y 1^ une maladresse premiere, une 
^tincelle qui tombe, une tenture qui s'enflamme, mais avec un 
peu de sang-froid on serait vite maltre du feu, tandis que le d6s- 
ordre el la panique perdenttout en un instant. Tout le monde 
a sa part dans de telles calamit^s, et si on voulait soutenir que 
celui qui a laiss^ tomber la premiere 6tincelle est responsable 
d'une si grande quantit6 de souffrances, on commettrait une 
grande injustice. 

Je citerai un exemple tout individuel, et qui n*eut qu'une 
victime, mais il prouve aussi tr^s clairement que le caractere 
propre des accidents est de n'avoir pas de responsable. Je veux 
dire cette jeune miss Maud qui, sur une sc^ne parisienne, 
faisait tons les soirs applaudir et frissonner les spectateurs par 
la hardiesse et la siiret^ de ses exercices de trapeze. Elle est 
tomb^e du haut du trapeze sur le sol, on Ta relev6e, on I'a 
conduite k Thdpital : elle expira. 

Paris a oubli6 cette jeune martyre du th6Atre. L'accident 
doit ^tre rang6 parmi les accidents du travail. Elle n'avait point 
manqu^ son but, mais le trapfeze s*6tait d^croch6. Voil^ une 
chose bien extraordinaire! Un 6v6nement hors de toute pro- 
vision possible! c*est le p5re de Tenfant qui lui-m6me ac- 
crochait le trapfeze. Ce pfere devait prendre toutes les precau- 
tions que pent dieter la prOvoyance humaine. II appuyait sur 
Tappareil, le tirait, Tessayait, vOrifiait les crochets, avec tout 
le soin que pent y apporter un homme qui va livrer h ce jeu 
son enfant et sa fortune k la fois. Ces crochets-1^ sont fails de 
telle sorte que Tanneau du trapeze ne pent absolument pas s*en 
Ochapper. Certainement, il y a eu une faute humaine. Ce n'est 
pas un malfaisant gOnie qui est venu dOcrocher le Irapfeze. 
Mais la faute, quelle qu'elle soit, k qui vous permettrez-vous 
de Tattribuer? C'cst un accident, un de ces fails impr6vus sur 
lesquels on se dispute en vain apr^s coup. 



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LA PSYCHOLOGIE DES ACCIDENTS. 321 

Je trouve bien t6m6raires ces statistiques qui complent 
29 pour 100 d'accidents dus h la faute des patrons, 26 pour 100 
dus k la faute des ouvriers, 33 pour 100 provenant de cas for- 
tuits, et le reste, de causes inconnues. Accidents, causes in- 
connues, cas fortuits, ce sont li autant de synonymes. 11 faut 
chercher Fexplication des accidents dans Timperfection des fa- 
cult^s de rhomme et dans Timperfection de ses moyens. 

Les enqu^tes administratives sur les accidents peuvent nous 
donner des renseignements pour le perfectionnement des 
moyens m^caniques, et surtout pour rinstruction et T^ducation 
des hommes qui travaillent et des chefs qui les dirigent. Nous 
ne conseillons pas de n^gliger ces enqu6les et de vivre en 
aveugles au milieu de tons les risques de Tindustrie. Mais c'est 
la une recherche qui doit 6tre poursuivie par les savants : les 
magistrats y apportent peu de lumi5re. Nous ne pouvons 
compter que sur le d^veloppement des qualit^s d'attention 
pour pr6venir, et sur les progr^s de Tesprit de solidarity pour 
r^parer, dans la mesure du possible, les accidents qui afiligent 
une riche et iilustre soci^t^ si fidre de ses inventions et de sa 
science. Quant aux p6nalit6s que Ton croit utile d'y ajouter, 
elles font penser h ces parents assez incultes qui ne manquent 
jamais d'ajouter quelques sdvices suppl^mentaires et de luxe 
aux accidents, coups et blessures que leurs enfants se sont 
attires par m^garde et qui sont les p^nalit^s de la nature des 
choses ! 

HECTOR DEPASSE. 



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MEDECINE PUBLIQUE 

►E QUELQUES RfiFORMES A OPfiRER 



)q ne saurait denier une haute port6e philanthropique h 
s les questions qui se rapportent, directement ou indirecte- 
k la protection de la sant6 publique; k ce titre la Revue ne 
a pas de son programme en accueillant quelques consid6- 
IS critiques d'ordre g^ndral sur diverses particularit^s de 
inisation sanitaire actuelle : ioutes ces remarques sont ba- 
;ur des observations personnelles prises sur le vif. 

t d'abord il est permis de se demander si, en fait d'hygi^ne 
ime de m^decine publiques, ce qui reste des anciennes 
utions, des organismes offlciels d'antan est susceptible de 
3ter harmoniquement, sans modifications serieuses, aux 
nces des nouvelles lois, des d^crets en vigueur, des der- 
r^glements. En d'autres termes, et i d6faut d'une riorga- 
on d'ensemble dont Topportunit^ pourrait d'ailleurs tr6s 
se soutenir, conviendrait-il de ne plus tarder k proc^der k 
;orte de mise an point d'une legislation que les donnSes, 
ivues il y a quelque vingt ans, de la science moderne font 
IS d'un endroit apparaitre comme surann^e et incomplete? 
)mbreux sont les exemples de telles d^fectuosit^s. Ainsi, 
jrmes de la loi municipale du 5 avril 1884 , le maire seul, 
outes les communes de France, reste en premier res- 
[) invesli du droit et du devoir d*assurer « le maintien de 

V. d^faut du maire, c'est le pr^fet qui, suivant les cas, intervient soil par 



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330 REVUE PIIILANTHROPIQUE. 

liveou absolue de la plupart d'entre eux, mais qui, en attendant, 
laissent le champ libra k T^closion et k Tessor des maladies ^vi- 
tables. 

Nous venons de faire allusion k Targument d'incomp^tence 
que pourrait ^ventuellement all^guer le maire; pourtant, il y a 
quelques ann^es, le ministfere de Tlnt^rieur a fait parvenir 
d'office k toutes les communes la s^rie des Instructions detail- 
l^es rddigies par le Comity consultatif d'hygi^ne publique. 11 
est certain que, partout, ces instructions doivent 6tre pour 
ainsi dire sous la main du maire afm de le renseigner sur les 
mesures ^ prendre vis-k-vis des difF^rentes ^ventualitds 6pid6- 
miques; mais, en faity il n'est nullemenl prouv^ que, dans 
toutes les communes, la collection de ces documents reste tou- 
jours au complet et k la porlde de qui de droit. Et puis, si in- 
telligibles que paraissent leurs prescriptions, du reste obliga- 
toirement couQues en termes g^n^raux, ne peut-il pas s'y 
trouver quelque particularity dont, notamment pour une 
municipality rurale, Tinterpr^tation precise devienne Tobjet 
d'un r6el embarras sous le rapport de la decision a prendre, 
comme de Tex^cution k assurer? L'article 3 de Tarr^l^ du mi- 
nistre de Tlntdrieur en date du 23 novembre 1893, rendu con- 
form^ment a Tarticle 15 de la loi du 15 novembre 1892, dit 
bien que les formulcs de declaration des maladies ^pid^miques 
« peuvent contenir Findication des mesures prophylactiques 
jugdes utiles » par le m6decin declarant; mais quand cet avis 
technique tout facultatif ne fera pas d^faut, il sera le plus sou- 
vent conQu en termes trop brefs et trop peu explicites pour 
sugg^rer a un profane les voies et moyens de detail suscep- 
tibles d'une prompte realisation pratique. Dans maintes cir- 
constances, il faudra aussi renoncer k obtenir verbalement, de 
la part d'un praticien tr^s occup^, parfois seul pour plusieurs 
communes, les commentaires topiques et les explications mi- 
nutieuses indispensables, k la campagne surtout, pour appro- 
prier i tel ou tel cas determine les instructions du Gomite. En 
presence de pareilles incertitudes, n'est-il pas k craindre que 
plus d'un maire de petite ville ou de village ne se laisse alter 
k temporiser, sinon k renoncer k toute initiative d assainisse- 



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MfeDECLNE PUBLIQUE. 331 

ment rationnel, au grand dommage de la sanl6 de ses admi- 
nistr^Sy dont la sauvegarde ei^t au contraire exig6 la mise en 
CBuvre immediate d'actives mesures preventives? 

S'il s'agitd 'habitations h d6sinfecter, on objectera peut-^tre 
la possibility th^orique de recourir aux Commissions des loge- 
ments insalubres, institutes par unc loi du 13 avril 18S0, mais 
seulement k litre facultatif, et par suite n'existant ou ne fonc- 
tionnant pas, tant s*en faut, dans toutes les localities. Or, il y a 
lieu de le remarquer, leur competence et leurs droits l^gaux 
sont h pen prfes nuls : elles ne peuvent d'ailleurs qu'6laborer 
de simples rapports, sur lesquels, l^galement, il ne saurait6tre 
delib^re ni statue par le Gonseil municipal avant un mois, 
deiai imparti aux interess^s pour produire leurs observations. 
En fait, les decisions h intervenir font le plus souvent defaut 
ou sont au moins sans portee effective, en Tabsence de sanction 
penale precise; et puis — autre atermoiement suspensif de 
loute execution de mesures urgentes — il reste en cas de conflit 
la faculte d'en appeler au Gonseil de prefecture, juridiction 
sans competence en matifere d'hygiene publique. En somme, 
il n'y a actuellement aucun fond h faire sur la loi archaique 
relative aux logements insalubres, tombee du reste presque 
partout en desuetude ; il faudrait la reprendre en entier ou tout 
au moins en eliminer les timidites et les anachronismes. 

Quand il eprouve quelque embarras au sujet des mesures 
particulieres d'hygiftne ou d*assainissement appropriees a cer- 
taines 6ventualites epidemiques, le maire peut-il du moins 
s'adresser k litre consultatif k la Commission cantonale ou 
meme au Conseil dhygihie d'arrondissement, dans les attribu- 
tions desquels, pour la circonscription correspondante, ren- 
trent de droit les questions de cet ordre? Nous n'etonnerons 
personne en affirmant qu'en province, tels qu'existent et fonc- 
tionnent aujourd'hui ces comites — dans les regions oil ils 
existent reellement — leur intervention officielle, k laquelle 
d'ailleurs nul ne contesterait Fautorite technique requise, ris- 
querait souvent de ne [pas s'exercer k temps : les formalites et 
d^lais de convocation, ainsi que les deplacements, expertises 
et discussions scientifiques k pre voir avant le vote de la moindre 



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132 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

conclusion pratique occasionneraient les plus inopportuns ater- 
noiemcnts. 11 arriverait m£me certainement que des raisons 
malogues viendraient par anticipation f rapper de st^rilit^ le 
•ecours direct du maire au Conseil dipartemental dhygihne. 

Quel parti prendre dans un tel ddsarroi et en presence des 
njonctions sArement plus cat^goriques comme des responsabi- 
it6s accrues de la future loi sur la protection de la sant^ pu- 
)lique? Tons nos voeux appellentla creation d'une organisation 
complete et syst^matique de la m^decine publique, qui com- 
)rendrait une sorte de hierarchic medico-administrative allant 
le la Direction centrale institute au ministfere jusqu'au ser- 
vice sanitaire cantonal, sinon communal, en passant par les Di- 
ections r^gionales ou ddpartemen tales , dot6es d'ailleurs 
I'une large autonomie en veriu de la plus legitime d^cen- 
ralisation. 

Mais en attendant une semblable r^forme, il faudrait refaire 
>u rajeunir I'antique loi de 1850 sur les logements insalubres 
it de plus chercher h. tirer tout le parti possible de Tinstitution 
les midecins des dpiddmies, aprfes avoir remanie h fond la charte 
le leurs devoirs officiels et de leur competence 16gale. En droit, 
lexiste aujourd'hui, par arrondissement, un de ces fonclion- 
laires, dont le mandat se borne k Telaboration de rapports qui 
lagu^re etaient centralises au minist^re du Commerce, puis 
ransmis h TAcademie de medecine,ou, une fois Tan, la lecture 
n public d'un compte rendu solennel les tire pour quelques 
nstants de Toubli. La creation des medecins des epidemics re- 
Qonte h une epoque tr^s lointaine oti nul n'aurait pu prevoir 
'extraordinaire developpement actuel de Thygi^ne publique, 
li par suite la complexite du rdle militant aujourd'hui devolu 
. tons ceux qui professionnellement s'en occupent, comme k 
eux dont les attributions fonctionnelles impliquent le devoir 
I'en faire observer les regies. 

Avec Textension prodigieuse et toujourscroissanteimprimee 
, cette heure aux differents problemes de la prophylaxie sani- 
aire par les doctrines modernes issues des memorables decou- 
^ertes de Pasteur, ce ne serait plus Tarrondissement, mais bien 
e canton — sinon la commune, comme le proposait M. Droui- 



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MfeDEGINE PUbLIQUE. 



333 



neau (1) — qui devrait devenir le ressort l^gal du mMecindes 
6pid6mies. NommS par radministration d^partementale, mais 
sur la proposition de Y Inspection rigionale de Fhygiine pu- 
blique (2), ce qui assurerait aux choix ainsi faits toutes les 
garanties de competence possibles, il serait d^sormais oblige 
de se transporter sur les lieux i toute requisition de Tautorite 
rnunicipale et meme spontanement d^s la premiere nouvelle de 
1 'apparition d'une maladie transmissible. Apr^s examen de la 
situation, de concert avec le ou les m^decins du pays, il pren- 
drait vis-&-vis de la municipality la responsabilite technique 
cies indications sp^ciales k donner en fait de prophylaxie ou de 
^alubrite publiques, sauf Si en rendre compte immediatement 
au pr6fet k qui la loi du 5 avril 1884 (art. 99} attribue un veri- 
table contrdle de Thygiene communale. Une pareille mission, 
autrement active que Tancienne, comporterait, en province, 
de tr^s frequents et inopines deplacements aux extremites de 
circonscriptions souvent fort etendues et parfois sans moyens 
rapides de communication ; il appartiendrait aux pouvoirs pu- 
blics d'examiner la question de I'indemnite k lui attribuer de ce 
chef. 

Dr BEDOIN. 

(1) J. Rochard, Encyclop^die d*hygidne et de m^decine publique^ t. IV, p. 898. 

(2) Cre6e par un d6cret du.23 avril 1888 qui pr6voit les rapports naturels k 
^tablir entre ce nouvel organisme et les m6decins des 6pid6mies, ainsi que les 
<^onseils d'hygiftne et de salubrity de la region. 



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LA PROTECTION DE L'ENFANCE 

EN BELGIQUE 



On peut discuter — et Ton ne manque pas de le faire — le 
droit, r^el ou suppose, des adultes pauvres k se faire secourir 
par la collectivity que repr6sente I'Etat, la province ou la com- 
mune. Certaine 6co\e ^conomique poussant la logique de la doc- 
trine jusqu'k ses consequences extremes conteste m6me le droit 
du gouvernement k se substituer aux families pour 61ever 
leurs enfants, moralement, physiquement ou intellectuelle- 
ment. Mais pen de gens, parmi ceux-l& mftmes qui protestent 
contre la transformation de Tinstruction primaire en service 
public ou qui s'insurgent k la pens^e que la commune veuillc 
clever sur le fond commun dans les pouponni^res, dans les 
creches ou les 6coles gardiennes, les enfants de la classe ou- 
vri^re, soutiendraient que la Socidt6 ou que ses repr^sentants 
doit se d^sint^resser du sort des enfants tomb6s aux mains de 
parents brutaux, vicieux ou criminels. Une m6g5re trouvera 
des accents indign^s pour bMmer Thomme qui aura frapp^ un 
enfant ! les passants s'arrfiteront, nombreux, devant un petit 
bonhomme qui racontera, en se lamentant, quelque abracada- 
brante histoire et ils lui rempliront la poche de gros sous en 
guise de consolations. Qu'un instituteur irrit^, 6nerv6, donne 
une taloche k un gamin indiscipline et Ton criera au mariyre. 
L'enfant maltraite, ou vivant au milieu de parents indignes,a le 
don d'emouvoir particuli^rement. On prend fait et cause, tout 
de suite, pour le premier marmot qui vous assourdit les oreilles 
de ses cris. En France, ce penchant k s'apitoyer sur cette cat^- 



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SFANGE EN BELGIQUE. 335 

^s vif. Mais la manifestation de 
. Nous sommes en cela, comme 
s hommes du premier mouve- 
prficherons la croisade contre 
lendemain d'un fait divers de 
u zMe s'^vanouit bient6t. U en 
e chose, un pen d'agitation en 
, agitation qui finit ordinaire- 
t6. 

iepuis le jour lointain oil Jules 
le d'une Societe pro tec trice de 
ie la Socidt^ protectrice des ani- 
;ique, il existe de ces soci£t6s 
s. Elles sont calqu^es Ics unes 
a plupart d'entre elles se sont 
, d'oBUvres frangaises, du Saw- 
s. Mais le titre de Society pro^ 
eu froid aux Beiges qui savent 
5 sensibles, ils lui ont pr6f6r^ 
En f ants martyrs (1). Cela fait 
IX plus durs : frissons et larmes 

Soci^U protectrice de VEnfance portant 
{He a plus de trente ans d 'existence. D6s 
Belgique une crdche ^cole-gardienne. 
remier des statuts est : 
it 6tre n^cessaire ou simplement utile a 

3ment les enfants des n^cessiteux contre 
s : manque ou insuffisance d'alimenta- 
des locaux insalubres, etc.; en un mot, 
ifants et de les preparer h la culture de 

ut par tons les moyens dont elle pourra 

s pouponni^res, colonies maternelles et 

it du public sur les divers dangers qui 

IS ou des mauvais traitements dont ils 

ihysique et morale toutes les r6formes 



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336 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

font k ToBUvre le cortege qui lui convient et s'^changent centre 
bonne monnaie k la caisse de la Soci^t^ qui en a besoin pour 
atteindre son but. 

Ce que se proposent ces soci6t6s, le statut de celle de 
Bruxelles nous Tapprendra : 

Art. 2. — La Soci^t6 a poar but de prot6ger, par tous les moyens en 
son pouvoir, la personne morale et la personne physique des enfants de 
toutes conditions et de tout ^e, conlre Tabaodon, Tincurie, la mis^re, 
Fexploitation, les mauvais traitements, I'^ducation pernicieuse ou crimi- 
nelle, les exemples immoraux auxquels ils peuvent 6tre exposes de la part 
de leurs parents ou des personnes charg^es de leur garde, en un mot, dans 
toutes les circonstances ou ils ont besoin d'aide et de protection. 

On couQoit que les moyens de r^aliser un si vaste pro- 
gramme soient varies: comment done op6rent ces soci6t^s? 
S'agit-il d'enfants maltraitds, brutalis^s par ceux qui en ont la 
garde ? Un des commissaires de la Soci^t^ va trouver au nom 
de celle-ci les bourreaux. Cette seule intervention leur donne 
peur bien souvent. lis changent d'attitude. Continuent-ils 
leurs cruels agissements? La Soci6t6 adresse une plainte au 
procureur du Roi qui les fait appeler au parquet. La perspective 
de la prison est salutaire. Rarement les coupables recom- 
mencent,car ils se sen tent surveill^s par les reprdsentants de 
la. Soci6t6 protectrice. Quand il y a d6lit, exploitation de Ten- 
fant en le faisant mendier par exemple, la procedure est la 
m£me. 

Pour les enfants moralement abandonn^s, enfants excites 
au mal ou vou6s k la d^bauche par Fexemple des parents, la 
Soci^t^ est, en partie,d6sarm^e. La Belgique ne connait pas la 
d^chdance de la puissance paternelle. M. Le Jeune, Tancien 
ministre dcla justice, dont le nom est attache en Belgique & 
toutes les oeuvres de charity, a d^pos^ il y a des anndes un 
projet de loi en ce sens qui n'est pas encore votd. En attendant 
qu'il le soit, les parents Idgitimement unis, vivant tous deux, 
peuvent k loisir corrompre leurs enfants, les livrer au vice. 

Si les Societis protectrices de FEnfance ne peuvent rien en 
faveurde ces enfants (sauf dans les cas signal6s plus haut), il 
n'en est pas de mfime pour les enfants naturels ou les orphe- 



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► E L'ENFANCE EN BELGIQUE. 337 

teur incapable ou indigne ? La Soci^t^ 
destitution. Les juges de paix secon- 
de bienveillance la soci^t^ en nom- 
iteurs soit tuteur, soit subrog^-tuteur. 
5, on le devine, la Socidt^ obtientdes 
miable. Que deviennent les pupilles 
elles, tout enfant recueilli est d'abord 
6t6, rue des Com^diens, 25, ddnomm^ 
1 du propri^taire de Fimmeuble, qui 
Ltuite h la Soci6t6. L'enfant y est sou- 
l. Son caractfere, ses habitudes, ses 
urant une quinzaine de jours. Apr^s 
R6 suivant TAge et certaines circon- 
nne charitable qui le demande (une 
tble sur cette personne par laSoci^t^), 
end comme apprenti, log6, nourri. Le 
chez un cultivateur que Fenfant est 
les cas, Tenfant qui demeure sous 
la Surveillance est emp^ch^ de re- 
ignes. Le lieu de pension de Fenfant 
isementi ceux-ci. Pour justifier cette 
ifere vue, paraitre cruelle, les admi- 
t)ro tec trices de VEnfance expliquent 
5es parents, quand ils parviennent a 
Fenfant qu'on leur a enlev^, est de 
I nourricier, k se rebeller contre son 
5t surtout, les plus pervers et les plus 
rents, n'apparaissent qu'au jour ou 
leur rendre service (1). 
?s raisons, il le faut reconnattre. 



ft » 



conversion employes par la Soci6t6 
de FEnfance, pour ramener au bien 

>tectrice des Enfanis marhjn de Bruzelles pour 
11. 22 



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338 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

quelques-uns des enfants dont elle est devenue la tutrice, il en 
est un qui paraltra un peu strange, quoique scientifique. C'est 
rhypnotisme. Les m^decins de la Soci6td, convaincus de Futi- 
lity de la suggestion appliqu6e sp^cialement au redresscment 
moral des enfants vicieux, font usage de Thypnotisme quand 
les mdthodes naturelles ont dchou^. 

D^fauts et perversion de caractfere, penchant ou impulsion 
aux vices, mauvais instincts, peuvent Hre toujours am^lior^s 
ou gu6ris, affirment ces m6decins, par la suggestion, « proc^d^ 
inoflfensif d'orthop^die morale » (1). Le bulletin delaSoci6t^ 
k Tappui de ces affirmations, cite le cas d'une enfant dedix ans 
« menteuse, voleuse, entM^e et mdchante » qui, hypnotis6e et 
suggestionn^e, est devenue, apr^s une douzaine de stances, 
« une enfant douce, soumise, franche et respectueuse du bien 
d'autnii, faisant m£me la morale h ses compagnes de Tasile et 
leur montrant le bon exemple ». 

D'autres enfants ont 6t6 gudris d*habitudes vicieuses, d'in- 
firmit^s nocturnes. Si, r6ellement, la suggestion permet les 
r6sultats merveilleux qu'annoncent les mddecins de la Soci6t6 
protectrice des Enfants martyrs de Bruxelles et, en particu- 
lierM. le docteur Van Velsen, directeur de I'lnstitut hypno- 
tique, quelles espdrances ce mode artiflciel de culture ne per 
met-il pas d'entretenir? 



* 



Les Soci6t6s beiges de protection des Enfants Martyrs 
n'existent pas uniquement.par Tinterm^diaire de leurs repr6- 
sentants r^guliers, les membres de leur bureau ou commis- 
saires de quartiers ; tons les adherents sont invites k marcher 
dans la m^me voie, et laSoci^t^ leur en fournit la possibility 
en les instruisant des lois et rbglements concernant I'Enfance 
et en les priant d'en assurer le respect en toute occasion. A 
son OBUvre, la Soci6t6 conviele public tout entier. 

On a pu voir sur les murs de Bruxelles et dans les princi- 

(1) Rapport de la Soci6U protectrice des Enfants martyrs de Bruxelles pour 
Tann^e 1894, 



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LA PROTECTION DE L'ENFAxNGE EN BELGIQUE. 3?9 

paux ^tablissements publics des affiches illustr^es oil elle 
recommandait au public « de ne plus rien acheter aux petits 
colporteurs, dans Tintdrfet m6ine de ceux-ci ». 

£mus qu'on voulAt empficher de pauvres enfants de gagner 
leur vie ou de venir en aide h leurs parents en vendant des 
allamettes ou des mannekenpisse, de braves gens se sont 
rfcriis. La Soci^t^ protectrice, tenant bon, a r^pondu : « Nous 
avons fait une enqufete sur la situation r^elle de ces jeunes 
colporteurs. Le r^sultat en a 6t6 navrant. Ou ce sont de petits 
vagabonds abandonn^s par leurs parents et vivant de rapines, 
ouce sont des victimes de parents indignes qui les font tra- 
vailler h leur place. Quiconque donne k ces enfants encourage 
le vagabondage ou favorise Todieuse exploitation des parents. » 

Aux moyens divers qu'elle met en ceuvre pour arriver h la 
r&lisation de son programme, la Soci4t4 protectrice des Enfants 
martyrs de Bruxelles que nous prenonspour type afin de ne pas 
ressasser les observations, en a r6cemment ajout6 un autre. 
Ce mode d'action nouveau constitue une innovation prdcieuse 
qu'il importe d'autant plus de mentionner ici qu'il a 6t6 pr6- 
conis^, voil& assez longtemps d6j&, au conseil municipal de 
Paris, par M. Paul Strauss, aujourd'hui s^nateur de la Seine : 
c'estlafoujrniture, dans les meilleures conditions possibles de 
bon marchg et de quality, du lait pour les besoins de la classe 
pauvre (1). 

A cet effet, la Soci6t6 protectrice des Enfants Martyrs a in- 
stalls k son si^ge social, rue des Com^diens, 2S, k Bruxelles, ou 
se trouvent d6}k Tasile et la creche (2), une Laiterie fnaternellej 



(1) Le 7 d^cembre 1896, sur la demande de M. Paul Strauss, le Conseil muni' 
c»pal de Paris constituait une Commission d'6tude de I'alimentation par le lait. 
Les travaux de cette Commission ont 6t6 consign^s dans un rapport de M. Pierre 
^din, accoucheur en chef de la Maternity, qui conclut & la distribution h. prix 
JJ^<™>t aux mferes n^cessiteuses de lait frais ou st6rilis6 et ^ la reduction des frais 
de transport du lait sur les voies ferries. 

(2) Nous nous abstiendrons de parler de ces locaux. Pr6t6s obligeamment par 
^ des meiUeurs soutiens de rinstitution, M. de Grimberghe, ils sont d'un entre- 



L 



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340 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

destinee a distribuer du lait pur stMlisSy gratis ou seulemeni a 
ban marcM, Ce service fonctionne depuis trfes peu de temps. 
La salle de sterilisation est pr^c^d^e d*une chambre ou sont 
nettoy6s, m^caniquement, les biberons. Ghaque bouteille-bi- 
beron regoit 150 grammes de lait de ferme et 4 grammes de 
Sucre. EUes sont ferm^es i I'^meri, puis plong^es dans Teau 
bouillante pendant trois quarts d'heure. La t^tine ^tant sur la 
bouteilie pendant cette operation se trouve ^galement st^rilis^e. 
Ces flacons sont d^iivr^s aux parents pauvres jug6s dignes de 
cette faveur apr^s enqufite. Une surveillance est exerc^e a 
TefTet de savoir si ce sont bien les enfants qui consomment ce 
lait. Le nombre des families servies par la Laiterie matemelle 
est encore tr^s restreint. Mais I'idde germe (1). Ce qu*une so- 
cidte priv^e a tent^ dans un pays voisin, la Ville de Paris n'a- 
t-elle pas le devoir de rexp^rimenter au plus t6t chez elle, 
comme le demande, en ses conclusions, le rapporteur de la 
Commission de Talimentation par le lait? La fourniture de lait 
sain, nourrissant, 4 bas prix, n'est-elle pas, des multiples 
moyens avanc^s pour lutter contre la mortality infantile, celui 
dont les effets sont les plus certains? 

Faut-il dire que la sympathie du public ne fait pas d^faut 
aux soci^t^s qui ont assume la t&che de prot^ger les enfants 
contre les mauvais traitements ou les honteux exemples?Des 
societies dont le nombre augmente d'ann^e en ann^e collectent 
fr^quemment a leur profit. Des bienfaiteurs connus et inconnus 
envoientdes dons de toute nature. Des propagandistes ardents 
vont porter la bonne parole aux quatre coins de la Belgique. 
M. Le Jeune leur a donn^ I'exemple. C'est grice Ji son d^voue- 
ment infatigable Ji la cause de Tenfance que la society m^re de 
Bruxelles a vu naitre sur diflF^rents points et grandir vite des 
societ^s sceurs qui Tout vaillamment imit^e. 

tien tr^s coilteux et ne satisfont point aux besoins. Telle a k\Jk notre impression 
lipr(;s les avoir visit6s. II est des dons on^reux. 



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:E en BELGIQUE. 341 

Soci^t^s protectrices des 
eurs mauvais c6t6s qu'il 
[n6me que dans la foule 
;idt6 protectrice des ani- 
d'un z^le excessif et par- 
des Soci6t^s protectrices 
. voir par tout des petites 
artyrs »i n'en fftt-il plus 
ssent leurs investigations 
[ions : ils se m61ent sou- 
lais ce reproche, sont-ils 



ALBERT xMONTHEUlL. 



Buvres identiques dans les pays 



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lSILES JO] 



dans le dernier c 
ion annuelle des 
attre au congr^s 

qui 6taient, disa 
t le monde non 
it bien des philai 
ahn Bost et elle 
ait desirable qu 
I'ont permis de V( 
; de visiter ce gr 
mme un eharma 
[)mmairement le 
iost sont exclusii 

protestante. Jol 

Ilavait, au d^bi 
d'un veritable ai 
berg et des Liszt. 

pens^e de deve 
veritable fut cell 
e i La Force (Doi 
s idiotes qu'il aii 
isance, et seul, s( 

son inspiration 
ie la vie. 
rt est int^ressant 



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N BOST. 343 

rapidement faire connaitre 

nque. 

t neuf ^tablissements diflf6- 

n destind aux filles et aux 

3oteau, se compose de : 
X jeunes filles orphelines, 
de protestants dissdminds; 
les filles infirmes ou incu- 
;6cit6, idiotes, imbeciles ou 

aes filles dpileptiques ; 

L des filles idiotes, gMeuses, 

dpileptiques qui sont idiotes 

stitutrices incurables, des 
,mes veuves ou cdlibataires 

rvantes, des femmes veuves 
isources, que leur education 

, h trois kilometres environ 

IS. II comprend : 

is infirmes ou incurables, 

)ts ou imbeciles ; 

3 dpileptiques ; 

i des gargons idiots g&teux 

Lce, dpileptiques idiots et 

uf asiles dtait en 1896 de 

B considerable d'assistance ; 
t asiles sont exclusifs aux 
passion pour les gargons; 
rde pour les filles, ce sont 
le population. Les autres, 
ssistance, pen vent contenir 



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344 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

des d^sh^rit^s de la vie, mais non des infirmes, quoiqu'il y en 
ait ^videmment quelques-unes dans le nombre. 

Ges asiles ont 6t6 cv66s successivement ; John Bost faisait 
des quotes, des tourn6es, pr^chant pour son oeuvre dans les 
paroisses du cuite protestant, en France et k Titranger; il for- 
mait Qa et \h des groupes sympathiques h ses id^es qui lui 
fournissaient des subsides ; les donations importantes arrivfereni, 
et k mesure que les ressources augmentaient, les creations 
nouvelles se faisaient; ce fut d'abord la famille ^vang^lique; 
Bethesda^ Eben-Hezer, Bethel, Siloi viennent ensuite. Alors 
ToBuvre ^taitfaite, les bases r^elles en^taient jet^es, et e'en 6tait 
assez assur^ment pour que John Bost reQilt en 1861 le pris 
Monthyon. En 1877, les asiles John Bost furent reconnus ^ta- 
blissement d'utilit^ publique, et depuis ce temps, et malgr£ la 
disparition du fondatcur, ToBuvre continue son fonctionnement 
rdgulier, s'am^liorant sans cesse, mat^riellement surtout, car 
moralement, c'est dvidemment toujours le m^me esprit reli- 
gieux et les m^mes preoccupations morales. Au point de vue 
materiel, le vieux Bethesda a disparu, et c'est aujourd'hui un 
asile neuf, pour lequel il a fallu trouver 200000 francs de res- 
sources extraordinaires. Un ch&teau d'eau a 6td elev6; une 
etuve fixe i vapeur sous pression assure avec un pulv^risateur 
un service complet de disinfection. Dans le pavilion de Bethesda, 
une infirmerie trfes convenable avec une salle d'op^ration oi 
les antiseptiques sont de rigueur, est destin^e aux maladies 
incidentes graves. Enfin, c'est passer un moment plutdt 
agr^able que triste que se promener dans le village fait d'asiles 
s^pards, au milieu de potagers, de voies ombragdes, de jardins; 
on a ddnommd les chemins qui s'entre-croisent aux alentours 
des asiles; il y a une avenue Jcanne-Lapeyre, la rue du Ghftteau- 
d'Eau, la sente du Prieurd, la sente des Accacias. Rien ne rap- 
pel le extdrieurement les misferes physiques abritdes sous ces 
toits et au milieu de cette vdgdtation. C'est, on le voit, une con- 
ception autre des dtablissements d'assistance, et c'est un point 
sur lequel il conviendrait d'insister, car il y a lit mati^re k de 
prdcieuses indications pour Tavenir. 

Intdrieurement, la propretd la plus miliculeuse partout, 



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,LES ASILES JOHN BOST. 345 

pas de luxe, mais ce qu'il faut, lout ce qu'il faut; de Fair, de la 
lumi^re et du soleil, une application tr^s m^thodique des con- 
seils de Thygifene, pas de lits entass^s dans les dortoirs, des 
salles de reunions, de classes ou de travail. Des pieces pas trop 
grandes et permettant une selection des enfants, tout cela est 
^galement trfes bien, je puis m6me dire que cela ^tonne, ^tant 
donn^ le petit personnel secondairc qui est aflFect6 aux divers 
asiles. 

Mais on a 6rig6 en principe qu'il fallait dans ces asiles ^lev6s 
par la charity priv^e se venir en aide, et alors chacun travaille 
dans la mesure de ses forces physiques et intellectuelles. 

Quand il s'agit des travaux int^rieurs, de manage, rien k dire, 
et rien n'est, en somme, meilleur que d'entrainer m^me les 
faibles d'esprit, les idiots non g&teux vers ces soins int^rieurs ; 
ce n'est pas toujours ais^, beaucoup s'y refusent ; c'est alors 
qu'il faut s'ing^nier k lesy decider par des moyens et des arti- 
fices d'oii la violence, bien entendu, est toujours exclue; aux 
asiles John Bost un personnel de choix arrive vraiment k des 
r^sultats bien int^ressants. Cependant, sur un point, je n'ac- 
eepte pas volontiers la rfegle en honneur k La Force et qui nalt 
de celte solidarity charitable et 6vang6lique qui est un puissant 
moyen d'action, je le reconnais; c'est en ce qui concerne les 
soins aux malades ; je ne parle pas de ce qui est purement me- 
dical, tout it fait hors de cause ici. Mais qu'un petit ^pileptique 
en ^tat de mal, concha dans son lit, tant les crises sont fr6- 
quentes, soit assists par un autre malade, assis pr^s de lui, j'es- 
time que c'est pousser loin la solidarity et de tels infirmiersou 
infirmi^res seraient sujets it blendes m^faits dont onne saurait 
vraiment les rendre responsables. 

Ici, la surveillance demande un certain effort d'intelligence 
que des d^biles nesont pas toujours en ^tatde fournir; sans 
doute, on n'a pas eu k constater k La Force d'accidents et la sur- 
veillance g^n6rale, les soins des directeurs ou directrices les 
out pr^venus. Mais le pass^, fAt-il heureux, pourrait-il 6tre 
garant de Tavenir ? C'est au moins un doute et c'est pour cette 
i raison que je n'accepte pas jusqu'k cet extreme la solidarity 

charitable. 



i 

f 

L 



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346 REVUE PHILANTHROPIQUE^ 

Mais en dehors de ce cas particulier, il faut reconnalire 
qu'elle est vraiment tr^s encourageante par ses r6sultats. Ce 
n'est pas sans quelque Amotion qu'on entend Thistoire de Co- 
ralie Walter depuis vingt ans k Bethesda qui, ayant perdu ses 
deux avant-bras, s'est mise courageusement, sans mains, k ap- 
prendre h ^crire, k faire de la tapisserie, k se servir d'un cou- 
teau, d'une cuillfere, d'une fourchette, d'un verre comme une 
valide, qui a d6velopp6 aussi son intelligence de telle sorte 
qu'elle est devenue T^ducatrice de T^cole enfantine. S'occuper 
sans cesse de ces intelligences atrophi^es ou arri^r^es, leurap- 
prendre des choses usuelles, exercer leurs membres, accroitre 
leur adresse par des petits travaux, cr6er pour eux des classes, 
des ateliers, occuper le plus possible leur esprit, tout cela est 
mis en pratique danslesasiles des garcjons etfilles perfectibles 
et fort heureusement. Disons aussi que la confiance est venue 
apr^s avoir vu ce que le docteur Bourneville avait d6ji si bien 
r^ussi k Bic^tre, M. le docteur Holland le declare lui-m6me 
dans un de ses comptes rendus. 

Uadministralion enti^re des asiles est confi6e k un direc- 
teur g^n^ral, M. le Pasteur Rayroux; il est assists d*un con- 
seil d*administration qui se recrute lui-m6me et se renouvelle 
dans des conditions prdvues dans les statuts, et d*une com- 
mission de permanence. 

Asiles. Population. D^penses. Prix de revient. 

La Famille 79 27871,40 0,95 par jour. 

Bethesda 124 30831,10 0,70 — 

Eben-Hezer 57 16275,45 0,78 — 

S1L06 83 21716,70 0,71 — 

Bethel Compassion. . . 90 23399,25 0,71 — 

Repos 29 17597,10 1,66 — 

Retraite 26 10753,40 1,13 — 

M1S6RICORDE 52 13378,05 0,70 — 

Toutes les operations financiferes sont contr6l6es avec soin. 
Un Sconomat gSnSral a mission de s'occuper de toutes les ques- 
tions Sconomiques et de la gestion matSrielle. Ghaque asile 
a son autonomie, sa direction et sa d^pense. Aussi on pent se 
rcndre compte tr^s exactement du prix de revient de chacun. 



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LES ASILES JOHN BOST. 347 

On m'a communique trfes gracieusement ies r^sultats de Tann^e 
1895-1896; je n'en prends ci-dessus que Ies chififres d*en- 
semble. 

On voit que ce prix de revient qui comprend la totality des 
d^penses n'est pas 61ev6, il tSmoigne d'une vigilante 6conomie. 
Gependant le chapitre reiatif h Talimentation repr^sente k lui 
seul, pour un ensemble de d^penses ordinaires s'^levant k 
235681 fr. 77 une somme de 99 257 fr. 25, c'est dire qu'elle con- 
stitue la grosse et importante d^pense et par sa proportionna- 
lit§, on juge de la preoccupation sur ce point de la direction et 
de Fadministration des asiles. 

Quant aux recettes, la charity priv^e y pourvoit et sous des 
formes varices. 

Telle est dans son ensemble Toeuvre de John Bost; il est 
difficile d'en montrer dans un rapide expose tons Ies avantages 
et toutes Ies particularites interessantes. 

Je veux seulemeni, en terminant, en degager Ies traits sail- 
lants. Ce qui frappe dans ces asiles, c'est que tout converge 
vers I'hospitalise lui-m6me; on voit nettement qu'il est Tob- 
jectif principal, exclusif, moralement et physiquement ; puis, 
conception un peu inusitee dans notre pays, ces asiles sont ou- 
verts, ou plutdtne sont pas mur^s; leurs cl6tures sont faites 
d'une grille, d'un chemin, d'une haie. C'est un village au mi- 
lieu duquel on circule; le medecin y asa demeure, ainsi que le 
pharmacien, et c'est en vain que I'etranger, imbu de nos habi- 
tudes architecturales, chercherait, en arrivant k La Force, le 
bfttiment clos de murs solides et it fagade monumentale; il 
ne le trouverait pas. 

J'ai dit plus haut que cette conception etait k retenir, et je 
suis convaicu que c'est ainsi qu'il faudrait comprendre des 6ta- 
blissements de bienfaisance qui nous fontdefaut et que quelques 
d^partements songent k edifier, Ies asiles d6partementaux pour 
incurables. En pleine campagne, ainsi amdnag^s, ils rendraient 
Ies plus grands services ; car si la charite priv^e a fait La Force 
pour Ies protestants^ si un etablissement analogue, dit-on, 
existe dans le Gantal k Ladev^ze pour Ies catholiques, il faut 
reconnaitre que ces efforts de la charite priv^e et religieuse ne 



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J5a REVUE PHILANTHROPIQU 

lemagne, qui est aujourd'hui le pays qui ei 
Maisons de travail k Paris, et dans quelqu 
province ; — Colonie ouvri^re libre agricol 
)bjet est toujours le m^rne^ precede du m6 
litaire : ofiFrir aux travailleurs dans Temfa 
poraire en ^change d'un labeur utile ; ren< 
Idvoy^s qui, succombanta Tadversit^ ou aa 
lements, ont perdu la notion du devoij 
xavail. 

Relativement au nombre immense d'ir 
30urrait utilement s'appliquer, ce genre de 
;rop pen r^pandu. En France, il existe k p< 
m mati^re d'assistance par le travail agrici 
3lus moralisateur et aussi le plus productif, 
'aire chez nous. 

Quand nous aurons fait connaitre les j 
jes diverses organisations, d'apr^^s des not 
me r6cente tourn^e en Belgique et en Hoi 
)eut-6tre contribu^ a h&ter la solution de c( 
'eux et difficile : Assurer Texistence de toi 
nalheureux, en ^change d'une t^che adapts 
iomme consequence, diminuer le vagab( 
nendicite, d^sencombrer les prisons. 

Dans r6tat actuel de notre legislation, 
uite de circonstances fftcheuses dont il n'es 
le trouve pas d'ouvrage, et, partant, pas d 
ixpddient, pour ne pas mourir de faim, que 
►u de se faire arrfiter comme vagabond. 

Mendiant, quand il demande et rcQoit 1 
»ond, quand, sans moyens d'existence, il a < 
aent qu'il ne pent payer, la loi ne disting 
ans se pr^occuper du mobile qui a fait ag 
ans tenir compte de la necessity impanel 
>eut le comdamner k la prison. 

A defaut d'autres refuges, le dep6t de n 
3 convert et la nourriture,lui apparalt com 
e salut, comme un sort relativement heure 



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u^ 






L'ASSISTANCE PAR LE TRAVAIL AGRIGOLE. 351 

Apr^s un court s^jour, qui n'a rien de bien r^confortant, il 
en sort d%rad6, aigri, m^ditant sur son crime qui consiste h 
n'avoir pu se procurer d'ouvrage ; et, s41 ne survient pas quel- 
que heureux incident, ou quelque intervention bienfaisante, il 
retombera bientdtdans Tomi^re, reviendraau Ddp6t et entrera 
dans la categoric des r^cidivistes. 

L'intervention bienfaisante devrait 6tre Tassistance par le 
travail. Et pour produire tons ses efifets, il faudrait qu'elle se 
manifesto avant la premiere chute, avant la premifere condam- 
nation. 

En 1891, un de nos d6putds les plus distingu^s, M. Maurice 
Paure, pr^sentait ^ la Chambre une proposition de loi ayant 
pour objet la creation d'asiles pour les invalides du travail, et 
de maisons dites de travail pour les ouvriers valides sans 
ouvrage. — Et voici ce qu*il signalait dans son expos6 des 
motifs : 

« Quand un homme a subi une premifere condamnation , 
pour vagabondage et mendicitd, il est condamnd par celam^me 
Ji devenir un r6cidiviste. 

« Sur une moyenne de 60000 individus conduits aud6p6tde 
police, ceux qui onl dt6 arr^t^s pour vagabondage et mendicity 
figurent pour un tiers. 

« 11 en est, parmi ces derniers, qui sont des vagabonds 
d'habitude et des mendiants de profession; mais laplupartsont 
des malheureux sans travail et sans abri, de pauvres gens qui 
n ont pas eu de gtte le soir, et qui n'ont pas trouv6 de place 
dans les asiles de nuit, ou qui ont 6puis^ les trois jours r^gle- 
mentaires accord^s dans ces 6tablissements. » 

Cette observation vise sp6cialement Paris qui poss^^de d'im- 
portants moyens d'hospitalisation temporaire, dus en grande 
partie k Tinitiative priv^e. 

L'argument n'a que plus de force en ce qui conceme la 
banlieue et les d^partements limitrophes de Paris, oil lenombre 
des individus sans travail et sans abri augmente d'ann^e en 
ann^e, et o\x il n'y a pour tout refuge que des d6p6ts de mendi- 
city, ou m6me moins encore. 

« On les arrfite, continue le rapporteur, et on les relllche, 



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r 

I 



L'ASSISTANCE PAR LE TRAVAIL AGRICOLE. 353 



le sentiment d'aller se livrer k des inquisiteurs, qu*il ne soit 
pas contraint do se courber, comme pour subir une peine ou 
une degradation. 

C'est ici que Tintervention de la bienfaisance privde est n6- 
cessaire pour donner Ji cette sortede charity, car cen est bien 
une, un caract^re discret et affectueux, pour faire en sorte que 
le secours donn6 n'ait pas Fair d'une aumdne, que le mode 
d'information sur r^tat et la condition de la personne soit r^»duit 
aux moindres formalit^s et ne soit pas une enqu^te judiciaire, 
que le registre d'entr^e ne soit pas assimil6 k un registre d'^crou , 
que le moral de Tindividu soit relev^ et non humili^. 

II faut que Tesprit de la direction, le caract^re du personnel, 
Vallure g6n6rale d'un tel ^tablissement, donnent k ses h6tes 
Timpression d'un milieu familial, d'unc certaine libertd, du 
calme et de Tapaisement si n^cessaires aux malheureux tour- 
ment^s par les rigueurs dela vie. II faut qu'apr^s la premiere 
p^riode de recueillement, de r^confort physique et moral, les 
individus hospitalises comprennent qu'ils ont aupr6s d'eux, 
non des gardiens, mais des guides, non des juges, mais des 
conseillers. 

Alors apparait Timmense importance de la question du pla- 
cement, question difficile entre toutes, mais qui est le comple- 
ment necessaire, Texutoire indispensable de toute oeuvre 
d'assistance par le travail, industriel ou agricole. Car ce n'est 
pas tout de donner Tabri et la nourfiture, d'occuper les bras, 
d'enseigner k Tun ou k Tautre le maniement d'un outil ; ce 
n'est que la moitie de la besogne. 11 s'agit de faire reprendre k 
rhomme rhabitude d'une occupation r^guliere, de Tameiiorer 
enpeu de temps, assez pour pou voir le recommanderJi un patron, 
le placer, le r^integrer dans le monde du travail, en un mot, 
pour assurer son existence ulterieure par ses propres moyens. 
Telle une barque desempar^e par la bourrasque et jetee k la 
c6te, qu'il faut r^parer d'abord et remettre k flot ensuite. 

Plus cer^bultat sera vite obtenu, et plus I'oeuvre rendrade 
services; car pour un nombre donnd de places, moins les 
s^jours seront longs, plus grande sera la faculty d'admission. 
Nous aurons Jiciterplus loin Texemple dela modeste colonic 

WVIE raiLAXTHROPIQUE. — II. 23 



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354 REVUE PIIILANT 

de Haeren (Belgique), qui, avecSC 
h un ing^nieux syst^me de placec 
ann6e prfes de 300 individus. 

Mais examinons d'abord la colo 
est le prototype de toutes les autres 
ayant 6i6 fondle, il y a environ 
soci^te priv^e, la Socidt^ de Bienfa 

I. LA COLONIE ACRICOLE DE FI 

Le programme de cette Soci6t6, 
son acte de constitution, ^tait de 
donnant une occupation et un ap 
hommes valides, malheureux et si 

Apr^s les guerres du commenc 
^puise tons les pays d'Europc, des m 
vaient sans ressources et sans emp 
r^pandaient aussi bien dans les cam 
tendaient k devenir Funique moye 
de gens. C'est alors qu*on vit en 1 
mifere fois une oeuvre d'assistance ] 
humanitaire se doublait d'un bu 
mise en valeur de terrains incultc 
vente pouvait ^tre obtenue k tvhs I 

En 1816, le g^n^ral Van don 
des indigents k mettre en culture 
un syst^me qu'il avait d^j^ mis lu 
dans une colonic de Chinois ^tabl 

11 se disait que si un homi 
instruction, sans metier, sans habi 
faire produire a la terre le moyen 
raison, des indigents appartenant 
vaient ^tre en ^tat de suffire ^ leurs 

II ne s'agissait que de trouver d 
des terrains, un local et le premier 

Le travail agricole, une bonne 
m^thodique devaient utiliser les 



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L'ASSISTANCE PAR LE TRAVAIL AGRIGOLE. 35;; 

voir k leur existence, am^liorer leur moral, etles rendre utiles 
k la Soci^t^, aa lieu qu'ils lui fussent h charge. 

D^s la premiere annde, plus de 20000 souscripteurs appor- 
taient a roeuvre leur obole, formant un total d'environ 55 000 
florins ou 115 000 francs. On acheta 300 hectares de terre 
d'assez mauvaise quality dans la province de Drenthe, pr^s de 
Steenwijk, et la premiere colonic fut cr^6e, sous le nom de 
Fr6d6riksoord. Une partie de ce domaine 6tait une plaine sa- 
blonneuse, coup6e de petits cours d'eau;rautre 6tait bois(5e. 
Pour payer cette acquisition, la Socidtdfitun emprunt amorlis- 
sable en 16 ans. Avec le surplus de ses ressources, elle con- 
struisit 52 maisons ou Ton installa 52 families, formant une 
population totale de 356 individus. A chaque maison ^tait 
raitach^e une concession de 2 hectares et demi. 

On. 61eva aussi une 6cole, un magasin d'approvisionnc- 
ment, et on rendit navigable la rivi5re qui traversait la pro- 
pri6t6. La main-d'oeuvre pour tons ces travaux fut presque 
enti^rement foumie par les nouveaux colons. 

Deux ans plus tard, la Soci6t6 installait une seconde co- 
lonie de 50 habitations. Tannic suivante une troisi^me, en 
1816, une quatridme, de sorte qu'en 1821, il y avail en tout 
200 maisons de construites, abritant une population de 
1450 personnes, et 300 hectares de terre etaient en pleine 
culture. 

La Soci6t6 comptait 23 000 souscripteurs qui lui versaient 
chaque ann^e 95000 florins, soit plus de 200000 francs do 
colisations. 

La conduite de Texploitation 6tait confine h un directeur 
assists de quatre sous-directeurs. Chaque colonic (5tait divisee 
en districts occupds chacun par 25 colons, sous la direction 
d'un surveillant, qui pouvait ^tre pris parmi des colons capa- 
bles, ayant fait leurs preuves au point de vue du travail et de 
la bonne conduite. 

Quelques regies de discipline dtaient ^videmment neces- 
saires pour tenir en main une si nombreuse agglomeration 
d'individus. 

L'insubordination, une conduite irrdgulicre, Tivresse, des 



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REVUE PHILANT] 

es non autoris^es, la pares 
ameubles ou du materiel 
ci consistaient en amendes ] 
ans les cas graves ou en cas 
pable. On a rarement ou 1 
iS de rigueur. La tenue g 
[ du temps, excellente. 
z'\ maintenant comment ont 
aandation du comity, d'une i 
a de toute personne honora' 
*t sans occupation, seul ou 
our entrerk la colonic, en r 
— 11 lui est donne connaissa 
• commencer, on le place co 
^tablies sur le domaine et 
installc, s'il est c^libataire, 
narid et p^re dc famille, dai 
ites par la Soci^td. II y troui 
Is, dont la soci^t^ lui fait Ts 
)mmence par travailler a 1 
g^ndrale. 11 y osl nourri, aii 
son travail soit convenable 

un l^ger salaire. 
)Out d'environ six mois, qua 
cultiver h pen pres seul, c'e 

surveillant gdndral de Te: 
les deux hectares et demi 
luifournit des sonienccs et 
ne vache ou des brebis, ni( 
I passe au rang de cultivatei 
rmais, il est maitre chez lu 
son potager, il vendra au mz 
jxifeme ou Iroisieme ann^o, 
m plein rapport, il aura a p? 
\Y tout loyer, une redevance 
'ois install^ dans sa maison 
re cullive et exploile a sa j 



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L'ASSISTANCE PAR LE TRAVAIL AGRICOLE. 357 

sonnel, sous la surveillance g^n6rale du directeur, et avec la 
seule restriction de ne pas vendre en dehors de la colonic le 
foin, la paille et le fumier, dont la Soci^t^ a toujours besoin 
pour reuforcer le produit de ses propres fermes, et qu'elle paj e 
au cours du march6. 

11 a aussi toute liberty de travailler h. gages au dehors, 
quand Toccasion s'en pr^sente, par exemple k TSpoque de la 
fenaison. 

S'il ne r^ussit pas comme fermier libre, il redescend au 
rang de simple ouvrier, et est employ^ dans une des fermes ou 
dans les ateliers d'industries accessoires. 

Chacun se nourrit selon son goAt et ses moyens. Le pain, 
le seigle, les pommes de terre, le saindoux, lesoeufs, lejambon, 
le laitet le fromage sont en g^n^ral le fond de Talimentation. 
La bi^re n'est pas d^fendue, mais on n'en consomme pas 
beaucoup, car on n'en vend pas dans Tinlc^rieur du domaine. 
D' ailleurs, les colons ont toute liberty d'acheter au dehors tout 
ce qui leur plait. 

Quant k I'habillement, Ik aussi, liberty complete, lis peu- 
vent acheter des chaussures, du linge, des blouses k la colonic 
m^me qui fabriqueces articles. 

En dehors des occupations agricoles, les colons trouvent k 
s'employer dans les ateliers, notamment en hiver oil il y a 
moins k faire pour les travaux du dehors. 11 y a un atelier de 
charpente, une forge, un atelier de tissage oil Ton confec- 
lionne des sacs, des couvertures de toile, des paillassons, un 
atelier de vannerie ou Ton fait des paniers, des malles en 
osier, des sieges de jardin, des corbeilles de tous genres. — 
Enfin, il y a, dans la colonic, des tailleurs, des cordonniers et 
des boulangers. 

Dans tous ces metiers, on forme des apprentis, pris parmi 
lesenfants des colons, selon leur gout personnel et leurs apti- 
tudes. 

Les produits de ces industries sont en grande partie uti- 
lises dans la colonic m^me, sauf la vannerie, qui est vendue 
au commerce en assez grande quantit6, et fournit un benefice 
appreciable. 



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338 REVUE PHILANTHROPIQL E. 

En 1882, on a cr66 une importante fabrication, tr^s appro- 
pri6e a ce milieu de petite culture. C'est une usine pour les 
conserves de Idgumcs et de fruits. La quality du sol se pr^tait 
admirablemonl au d^veloppement de la culture maraich^re, 
^tant sablonneux et facilement irrigable. Les fruits y r^ussis- 
saient 6galement tr^s bien. La creation de cette nouvelle in- 
dustrie a vivement stimuli le zele des cultivateurs. Et Tusine 
est maintenant assez largement approvisionn^e pour produire 
chaque ann6e de 18 k 20 000 boites de conserves. Trente 
jeunes filles ont trouv(5 k s y employer, en dehors, bien en- 
tendu, du personnel d'hommes et de jeunes gens, auxquels est 
rdservd le plus gros de la besogne. 

Cest done 1^ une precieuse ressource pour la colonie, 
puisque cette fabrication stimule Textension des travaux agri- 
coles, emploie des bras disponibles, et procure des benefices a 
la Socidt^. Enfin, on a cv66 tout r^cemment une installation 
pour la fabrication du beurre et du fromage. Les appareiis 
refrigerants, les caves k tempc^^rature constante sont organises 
d'apr^s le systc^me danois. 

Ces industries annexes, qui ont ndcessitddes mises de fonds 
d'une ccrtainc importance, ont notablement am6lior6 le ren- 
dement g6n6ral de la colonie. 

L'enseignement est parfaitement organist dans la colonie, 
et a toujours et6 Tobjet des soins particuliers du comity de sur- 
veillance. Cinq Creoles ont 61^ bMies sur les diflf^rents points de 
la proprietc'*, et chacun des directeurs est un instituteur nomm6 
et rdtribu^ par I'Etat. 

Ceux-ci sont aid^s par six instituteurs et deux institutrices 
libres (car la population scolaire est fort nombreuse) ; et, en 
outre, par deux maitresses spdcialement charg^es de Tense i- 
gnement des travaux mahuels. 

Les ecoles sont baties dans d'excellentes conditions; toutes 
ont un vaste jardin, un gymnase et un prdau couvert. L'a^ra- 
tion des salles est largement assur6e. II n*y a jamais plus de 
quarante enfants r^unis dans une m^me classe sous la direc- 
tion d'un maitre. 

Une commission de trois membres nomm6s par le ministre 



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L'ASSISTANCE PAR LE TRAVAIL AGRICOLE. 359 



de rint6rieur, sur la presentation des membres du Comity, a 
le contrdle g^n^ral de Tenseignement. 

C'est le directeur de la colonic qui a la surveillance des bA- 
timents et des ^l^ves. II signale ceux qui ne fr^quentent pas ia 
classe^ et adresse aux parents les admonestations n^cessaires. 
A r&ge de 12 ans, quand les enfants quittent T^cole pri- 
maire, ils ont la faculty d'apprendre le dessin et de suivre les 
eours du soir, oil ils regoivent un enseignement plus g^ndral 
etplus 6lev6. II y a enfin, pour les sujets d'6lite qui manifes- 
tent des dispositions sp6ciales, une s6rie de cours pr6para- 
toires aux emplois administratifs, soit pour les fonctions de 
commis, soit pour entrer dans les chemins de fer, les postes ou 
les teldgraphes. 

Au point de vue du placement au dehors, cet enseignement 
a une importance considerable. C'est le vrai moyen d'all6gerles 
charges des families trop nombreuses, de cr^er des places dis- 
ponibles dans la colonic, et en m6me temps d'utiliser les faculty 
des jeunes colons qui ne se sentent pas de dispositions pour la 
culture de la terre. 

La colonic poss^de aussi une biblioth^que, riche de plus de 
1 800 volumes, dont un quart environ sp^cialement destine k 
lajeunessc. — Les ouvrages sont prM^s gratuitement aux fa- 
iniiles; et c'est la grande ressource des soirees d'hiver. Le 
nombre des pr^ts d^passe chaque annde 5 000. C'est dire les 
services que rend cette fondation, due presque exclusivement 
^ux liberalites des particuliers. 

Une autre creation importante, dont la ddpense a 6t6 de- 
"^y^e egalement par un g6nereux donateur, est celle de TEcole 
" horticulture et de TEcole de sylviculture. 

L'enseignement tout special qui y est donn^ embrasse une 
P^riocle de trois ans. Lk encore, on forme des sujets distingues, 
"^* He manqueront pas de trouver plus tard au dehors des em- 
P*^^'s bien retribues. 

Eixfin, pour que cette description soit complete dans sa 

'^^^Vete, mentionnons qu'il y a sur le territoire de la compa- 

^^^ deux eglises, une catholique et une protestante ; et une 

*iSoii pour les vieillards incapables de travailler, dans la- 



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LASSiSTANCE PAR LE TRAVAIL AGRICOLE. 361 

s'ils sont en 6tat de fournir un travail convenable, Taident k 
vivre, Tain^ prenant autant que possible la place du pfere. 

Par le fait, il entre tout auplus, chaqueann^»e, en moycnne 
dix k douze families dans cette immense Colonie. 

Ceux quiy sont install^s y restent; mais, par suite de Tin- 
suffisance des ressources financi^res, il ne se cr^e presque pas 
de maisons nouvelles. La sphere d'action de Tceuvre se trouve 
ainsi forc^mcnt limit^e, tant qu41 ne lui viendra pas de nou- 
veaux dons ou de nouvelles souscriptions, pour 6tendre ses 
constructions. 

Tout autres seraient les moyens d'action de la Soci(^t6 si 
elle se bornait a garder les families pendant le temps stricte- 
ment suffisant pour les mettre en ^tat de gagner leur vie, pour 
les rdconforler aprds des p^riodes de mis^re, pour les perfec- 
Uonner dans un metier, pour les placer d*une mani^re quel- 
conque. 

Alors le roulement annuel de la population de la Colonie, ft 

^lendue et k ressources 6gales, pourrait profiter k plusieurs 

^^entaines d'individus, et au lieu d'etre un grand phalanstfere 

^ffricole, ce serait une a3uvre d'assistance, d'apprentissage et 

"6 placement, qui rendrait des services infiniment plus nom- 

*>reux, plus rapides et plus pratiques. 

C'est dans ce sens que s'est exercee Tactivitd 6clair6e du 
^omit^ (les Colonies ouvri^res libres de Belgique, dont nous ex- 
posei»ons Topuvre dans la seconde partie de cette ^tude. 

ll. LA COLONIE OL'V«I]feBE LIBRE DE HAEREN (bELGIQLE) 

^^'est au d^but de Tann^e 1893, qu*un groupe de philan- 
op^g beiges, incites par Texemple des fondations faites en 
" ^ude et en AUemagne, se forma pour cr^er ft Bruxelles une 
ison de travail. 

■--^ but ^tait toujours semblable : ofTrir ft Touvrier valide et 

^ occupation le moyen d'employer ses bras, lui Monner un 

^*^ temporaire, la nourriture, des vfetements, et, ce qui ca- 

^^^^risela fondation beige, Taider ft trouver un emploi. 

*^H Maison de travail ouverte en f^vrier, dans un des fau- 




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362 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

bourgs de Bruxelles avail d^j^, au bout de six mois, recueilli 
135 malheureux. — II est intdressant de parcourir les rapports 
annuels de la Soci^t^ et de suivre la progression des entries, 
les ameliorations rdalis6es, et surtout Torganisation si mitho- 
dique et si efficace de TcBuvre du placement. 

Si le but poursuivi par le Comity beige est identique a 
celui des fondateurs des colonies agricoles hollandaises, Tor- 
ganisation de I'entreprise, surtout ^ Torigine, en a ei6 infini- 
ment plus modeste ; elle a quelqu^ analogic avec Tassistance 
par le travail, telle quo nous la voyons fonctionner chez nous. 

Le Comity beige commenga par louer dans un des bas quar- 
tiers de la ville, dans la region des terrains vagues, une mai- 
son quelconque, moyennant un loyer annuel de mille francs; 
et il obtint de la commune la concession de 60 ares de terre 
situ6s k proximity. — Que nous sommes loin des 1500 hectares 
de Frdderiksoord ! 

On installa des lits, une cuisine, un r^fectoire, et les diflf6- 
rents services les plus nicessaires, aussi simplement, aussi 6co- 
nomiquement que possible. 

Les hommesfurent mis au travail de la terre, sous la direc- 
tion d'un surveillant-jardinier, et, dans Tespace de quelques 
mois, les 60 ares de terrain, nagu^re encombr^s de detritus et 
de gravats, ^taient transform6s en un potager, fertilises par les 
boues des rues que fournissait la ville, et donnaient, au debut 
de rete, une abondante r^colte, qui fut consommie paries pen- 
sionnaires de la maison. 

En dehors de la culture, les hommes etaient, bien entendu, 
employes a tons les travaux de la maison, a I'entretien, a la 
cuisine, aux nettoyages, aux services de tout genre; et de plus, 
pendant la mauvaise saison, a la fabrication de fagots et de 
margotins. 

Le soir, des lectures publiques etaient faites sur des sujels 
instructifs et divertissants. — Une fois par semaine, un insti- 
tuteur de Bruxelles, tout devoue k roeuvre, venait faire une 
conference, choisissant particuli^rement comme themes, les in- 
ventions modernes, les entreprises de Tindustrie et de Tagri- 
culture, la biographic d'hommes arrives, par leur travail et 



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L'ASSISTANCE PAR LE TRAVAIL AGRIGOLE. 363 

leur perseverance, h de hautes situations, de faQon a bien in- 
culquer 4 son auditoire, que le travail et la conduite r6gl6e 
sont la source de tout relfevement materiel et moral. 

Unebiblioth^ueetm6mequelquesjournauxillustresetaient 
mis a la disposition des habitants de la maison. 

Le r^glement intdrieur n'a rien de bienrigoureux. Le matin 
k 6 heures, les hommes aptes aux travaux de culture se ren- 
dent sur le terrain, et travaillent jusqu'^ midi sous la direction 
d'un premier ouvrier choisi parmi les plus capables et les plus 
s^rieux. Ceux qui savent un autre metier s*occupent dans Tate- 
lier,selon leurs connaissances sp^ciales. A midi a lieu le diner, 
puis la recreation. Le travail est repris k unc heure et demie, 
jusqu'a six heures du soir, puis vient le souper, une lecture pu- 
blique, et k neuf heures le coucher. 

A rheure des recreations, Touvrier pent sortir librement, 
pourvu qu'il avertisse le surveillant chef, et qu'il lui dise le lieu 
oil il se rend et Tobjet de sa sortie. 

La journee du dimanche est entierement consacree au re- 
pos. Toute liberie est laissee aux hospitalises de remplir ou 
^on leurs devoirs religieux ; ils peuvent se rendre en ville de 
neuf heures k midi et de deux heures h sept heures. 

Voici maintenant dans quelles conditions se font les admis- 
sions et dans quelle mesure le travail est retribue. 

Pour toute formalite, Thomme qui desire entrer k la colonic 
"Oil se procurer aupr^s d'un protecteur quelconque, d'un par- 
^iculierqui le connait, d*un juge de paix, d'un deiegue de la 
Boui^e du Travail, etc., un bulletin de la Societe, libelie 
conanne suit : 

MAISON DU TRAVAIL 

COLONIE OUVRIERE LIBRE 

*-^ soussigne 'propose k Tadmission dans la Colonic ouvri^re libre le 
Donaine 

- u ^^ Pr^sentera au bureau du Directeur entre 8 heures du matin et 
'•^^ures dusoir. 

^^liyrT6 k , le 

Bourse du Travail, VEmploye d^Ugue, 



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364 REVUE PII ILANTHROPIQUE. 

II faut dire qu'en Belgique, les Bourses du Travail, 6traii- 
g^res k tout r6le politique, s'occupent efTectivement de venir 
en aide aux travailleurs dans Tembarras. 

Une marge est r^serv^e pour les renseignements qu'on pour- 
rait, le cas ^chdant, fournir sur Tidentit^ du porteur. 

Ces renseignements et cette demande d'admission sont 
donn(5s par la personne qui recommande le postulant et qui a 
^16 Tobjet d'une soUicitation de sa part. 

La Soci6t6 a fait imprimer au bas de ce bulletin, la note 
suivante qui resume enti^rement le but de Toeuvre et qui pour- 
rait 6tre grav(5e au fronton de la Maison : 

Tout homme qui veut travailler, dans la mesure de ses moyens, est ad- 
mis, occupy, log^ et nourri k la Golonie, quels que soient ses antecedents 
ou son origine. 

Au moment o\\ Touvrier sans travail se pr^sente pour fetre 
admis dans la maison, il luiest donn^ lecture du r^glement im- 
prim6 au dos d'une feuille de papier, qu'il doit signer, du mo- 
ment qu'il en accepte les termes, et ou il inscrit son nom, son 
^ge, sa profession, sa derni^re r(5sidence, son lieu de naissancc 
et son domicile de secours. S'il a un easier judiciaire, il doit 
aussi en faire mention. On prend note (^galemcnt des effets el 
objets qu'il a sur lui k son arriv6e. 

Au bout de tr^s peu de temps, huit ou quinze jours, Tou- 
vrier tant soit peu capable ou laborieux rcQoit un I6ger sa- 
laire. Le montant en est 6videmment trfes faible, variant de 25 
a 30 centimes par jour, au maximum; c'est cependant une r^ 
tribution raisonnable, si Ton r^lldchit qu'en dehors de cette 
gratification, il est loge, pourvu des soins de propret6, et 
nourri trfes suffisamment, aux frais de la Soci6t(5. 

Mais rimporlant au point, de vue du relbvement moral, au 
point de vue de la sauvegarde de Tamour-propre de I'individu, 
c'est qu'il ne reQoit pas la charite. Ce n'est pas un indigent au- 
quel on fait Taumune sous une forme quelconque : c'est un 
travailleur qui se rend utile dans la mesure de ses moyens, en 
attendant une situation meilleure, et qui est r^mun6r6 pour 
son labeur d'une faQon ing6nieuse et discrete. 

Les cons(5quences de ce. syst^me sont faciles k ddduire. 



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\AVAIL AGHIGOLE. 36:i 

ravail, aspire de nouvcaii a 
e lui donncr la s^curitd du 
le ou d^bauch^, il se forme 
s*aperQoil qu*on n'en meurt 
1. La part jfaite a la culture 
rprend agrdablement. Com- 
lais entendu une parole in- 
3SSUS tout, la liberty relati- 
est aecordee leur donne 
itacte, qu'ils sont la de leur 
our ^chapper aux entraine- 
, ils sortiront uu jour de la 
humiliation, reconfort6s et 

documents publics par la 
npte de son ddveloppement 
ot de ses ressources, de ses 

3 d*existence, elle avait rcgu 
« rCEuyre du Travail », ijn 
donateurs lui fournirent un 
ae centaine de souscripteurs 
)mme totale de 2300 francs ; 
ae de ces souscriptions ^tait 

it^ressante il parcourir. En 
donn6 chacune cent francs, 
rencontre presque unique- 
iq francs, ^manant de mo- 
ommerQants, d'hommes de 

riche cit^ comme Bruxelles ! 
lans la suite. Mais du ca- 
i modestes se d^gage I'im- 
B d6but, il y a une certaine 
, il y a un sentiment de soli- 
courage pour lavenir aux 



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VUE PHILANTHROPK 

5. Et quoi que puisse 
rerait assur^ment enc 
modeste citoyen qui 
mais qui les donne, < 
e au millionnaire disl 
Maison du Travail, ( 

5 seront les gros bata 
vivre les oeuvres de ( 
peuple, Tatelier, la f 
jc-mdmes par des mon 
; qu'ils connaissent; 
j services que rend la 
dus fermes et les plui 
consiater que, d^s 1 
)athie en faveur do Vc 

insensible ou incrddi 
s que ceux constates 
ionnement ? 
t, celui de 1894, enre; 
is et de 8300 franc 

ns s^6lfevent ^6800 1 
Ts pour 1 000 et 1 200 
francs. 

y a pour 3200 francs ( 
progression est conti 
3mitd redouble d'acti' 
:rc la fondation en ( 
IS ceux qui vont veni 
ille de Bruxelles une 
terrain, et la dispoi 
boues de rues pour 
d^frich6 par les pensi( 
suivant, une abondan 



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ICOLE. 367 

piques g6n6reux 
1 pour baiir une 
^ts du chemin de 
itale et lou^ par 
francs par an. 
ort pen dispcn- 
ises de Scine-et- 

5s et paralleles, 
tout en briques 
t de plain-pied, 
mrs marches. li 
•vent de grenier 
ration et la lu- 
js sont suffisam- 

e buanderie, un 
mi un cheval et 
leux vaches, un 
couvert; le tout 

se d6tachc on 
nere litre. — Et 
jui ont pour tout 
Her de toile, on 
amille de culti- 
rouver tout pr6- 
rtable, libre de 
confortde par la 
ion que donne le 

ni pas se prolon- 
is son d6veloppe- 
attendre trop 
lent par oublier 
tier a reprendre 
irekeix-m^mes. 



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»AR LE TRAVAIL AGRIGOLE. 369 

5S qui parlent d'eux-mfemes : 

f avait eu 135 admissions. 

— 195 — 

— 201 — 

— 268 — 

I s^jour avait 6l6 de 4 semaines. Cer- 
se placer au bout de 8 4 10 jours; — 
leureusement, sdjournaient pendant 
lie, soil pour cause de faiblesse phy- 
le k un travail r^mun^rateur. On cite 
ireux, incapable de tout effort s^rieux, 
►rit, quoique jeune encore, qu'il a fallu 
iemi,et qu'on a pu placer difficilement 
[u'il n'a m^me pas pu conserver. Mais 
omme celui-ci ne se pr^sentent pas 
les de mesures d'hospitalisalion sp^- 
quatre ans h peine, de mars 1893 k 
at6riel de 80 lits, en tenant compte 
de Haeren n'a 6tdinstall6e qu'en 189S, 
)r6s de 800 malheureux, auxquels elle 
Tentretien, un l^ger salaire et, k un 
IX, un emploi. Et cola avec un budget 
e 20000 francs, 
'analyse : 

vons dit, ont 6t6 concedes moyennant 
mt Ji la maison actuelle construite a 
^ralit^s particuli^res,elle ne coiite Ji la 
Tais d'entretien. Les principales d^- 
i'alimentation n^cessaires pour com- 
din, la literie, le combustible, la r^tri- 
mati^res premieres pour la culture 
recettes, en dehors des dons et des 
gure un b^n6ficc d'environ 2000 francs 
3n des fagots. 

ire avec trfes pen d'argent, avec beau- 
fivdrance, d'energie et d'initiative per- 
de la vie ont 6i^ recueillis et ont eu 

II. 24 



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370 REVUE PHILANTHRO] 

la sensation d un milieu familial, au li( 
un d6p6t de mendicity, ou le regime esl 
sont r6pugnants, od la d^chdance est i 
avili et m^prisd. Des jeunes gens, qui 
vagabondage et peut-6tre du crime, so 
ouvriers, apr^s quelques mois pass6s k 
grand air, loin des mauvaises frequent; 
rinjustice humaine ou de la mauvaise 
ralement et physiquement par Jes angc 
ont (5t6 r6confort^es, ramen^es a envisa] 
leurs moins sombres, pourvues d'un gj 

Et tons, h c6te du secours mat6r 
lavement intellectuel, le secours moral, 
tion, Texemple du travail, de Tordre, 
sont sentis accueillis et non internes, 
voie par la persuasion et non pouss6s ^ 
troupeau de formats, 

lis ont iravaill^, et ils ont 616 pay^s 
sortis de 1^, librement, comma ils y 6i 
sans humiliation, pouvant se presenter i 
que ce soit, ameliorc^s par le travail, re 
dignity, capablcs de renaitre au bien. 



* 
* * 



Si maintenant il fallait ^tablir un pa 
agricole hollandaise de Fr^d^riksoord 
libre de Haeren, notre tache serait assez 
institutions n'ont, en somme, gul^re de [ 
Leur but seul est idcntique : c'est la r^ 
parte travail agricole. 

A Freddriksoord, 'c'est un immense 
pens^, depuis plus d'un demi-si^cle, des 
terre, a batir desmaisons, des fermes, 
c'est un modeste terrain d'une quinzai 
strict n6cessaire pour donner un abri el 
cinquantaine d'individus. 



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L'ASSISTANCE PAR LE TRAYAIL AGRIGOLE. 371 

Mais k Fr^ddriksoord, nousl'avons signald, malgr6 la per- 
fection des cultures et de rorganisation, les services rendus 
sont relativement restreints ; les families s'y immobilisent, le 
nombre des nouveaux arrivants est mimme, puisqu'il ne s'y 
cr^e que rarement des places disponibles ; et si de nouvelles et 
importantes subventions ne surviennent pas k la Soci^t^, ellq 
estvou6e api6tiner sur place, peut-6tre m6me ksetrouverdans 
Tembarras. 

Au contraire, k Haeren, par le soin tout particulier apport^ 
k TtBuvre de placement, chaque semaine des lits deviennent 
libres ; le roulement est continu ; — et avec ses faibles res- 
sources, son modeste dortoir et sa petite culture, Toeuvre re- 
cueille chaque ann^e plus de deux cents personnes, les'pr^serve 
de lamisftre, de la prison et les ram^ne dans la voie du travail 
etde rhonneur. 

Ce n'est pas pour critiquer le syst^me hollandais, qui a sa 
raison d'etre, de par les cir Constances, d'oii il tire son origine, 
de par la nature du pays, de par le nombre et le caract^re de sa 
population. Ce n'est pas non plus un bl&me a Tadresse du co-* 
mit^ de la Soci^t^ de Bienfaisance des Pays-Bas, dont Tintelli- 
gence et le sens pratique n'ont d'6gal que le d^sint^ressement 
et le d^vouement de tons les instants. 

Mais si nous examinons ces deux creations a notre point de 
vue national, c'est-^-dire au point de vue du profit que nous 
pourrions en tirer pour notre pays, c'est 6videmment au sys- 
t6me beige d'assistance par le travail agricole que nous devons 
donner lapr^f6rence, comme^tant celui qui, avec le minimum 
de d^penses et lorganisation la plus sommaire, donne les 
r^sultats les plus rapides, au profit du plus grand nombre 
possible d'individus. 

« La plupart du temps, ^crivit derni^rementun de nos ju- 
ristes les plus distingu6s, c'est faute d'une intervention judi- 
cieuse et prompte que des hommes, dont les capacit^s et Tin- 
lelligence sont au-dessous de lamoyenne, descendent lesdegr6s 
deT^chelle sociale. L'ouvrier sans travail, press^par la faim et 
le froid, n'a qak choisir entre la mendicity, une mauvaise 
action ou Ied6p6t. » C'est Ied6p6t qu'il choisit g(5n^ralement, et. 



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312 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

dans r^tat d'abattement oil il se trouve, on ne pent demander 
delui ni un acte do courage, ni une grande resolution. 

La promiscuity avec les vagabonds et les malfaiteurs, le 
regime du D6p6t, Vallure quelque peu brutalc d'un personnel 
qui a parfois 3 ou 4 000 sujets, et d^s pires, a tenir en respect 
(et c'est 1^ son excuse), Tabsence de tout r^confort moral, 
tout cela n'est pas fait pour relever un homme. On le sustente, 
onl'hdberge pour un temps, puis on le rejette sur la voie pu- 
blique, en luirecommandant de se tirer d'aflairecomme il pourra. 
A cela on objectera qu*il est impossible i une grande admi- 
nistration publique de pourvoirau placement deceuxqui vien- 
nent par milliers 6chouer k sa porte, et que c'est d6jk une charge 
enorme de les abriter, de les nourrir, de les occuper tant bien 
que mal k des travaux int6rieurs. On est submerge par ce flot 
qui augmente d'ann^e en ann6e. 

Mais ne devrait-on pas plut6t rechercher s*il n'appartient 
pas k d'autres qu'aux pouvoirs publics d'apporter une solution, 
au moins partielle, un remade au moins relatif, k ce doulou- 
reux 6tat de choses? 

N'y aurait-il pas un r6le hautcment bienfaisant et morali- 
sateur k jouer, en venanl au secours de Tindividu non coupable 
— en offrant k celui qui ne demande qu'i travailler, mais que 
Tadversitd poursuit, un refuge d'aspectfamilial,exemptde con- 
tr6le policicr, ou il puisse gagner sa nourriture avec ses bras, 
et attendre des jours meilleurs? 

N'y a-t-il pas lieu d'apporter aussi dans ce genre de charity 
et d*assistance des iddes nouvelles de decentralisation, d all^ger 
les grandes villes de tant de lourdes charges, de tant de mal- 
saines agglomerations? 

Ce qui a assure le succfes des colonies ouvriferesen Hollande 
en Belgique, en Allemagne, ce sont les initiatives particuli^res 
et locales. Des hommes devou6s, pen6tres de leurs devoirs so- 
ciaux vis-k-vis de leurs concitoyens malheureux, se sont mis 
les premiers a roeuvre. Les souscripteurs sont venus ensuite; 
puis les municipalites, les provinces, TEf^t m6me, qui ont 
consolide par leurs subventions, par des concessions de terre 
ou de b^timents Tentreprise qui leur apparaissait clairement 



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^AIL AGRICOLE. 373 

es, comme un avantage 
mme un 6l6ment d'am6- 
aivailleurs malheureux. 
e priv6e se mettrait en 
lans plusieurs centres h 
jue de Tassistance par le 

lI pas de grandes diffi- 
m^me pas a inventer, il 
>armi les exemples pro- 
urtout en Belgique et en 
6jh r^sum^ a leur profit 
lans les autres pays, 
(car dans bien des d^- 
TEtat puisse disposer), 
hectares; on y ^Idverait 
t pen compliqu6es dont 
tmbreuses combinaisons. 
3up de ddvouement per- 
ir chez nous, chaque fois 
tunes immdritdes et de 

e semblable ne serait pas 
fortunes de ce monde, 
ju^s des Bourses du Tra- 
une large communaut^ 
e ceux qui peinent et qui 
rti, d'aucune confession, 
die aurait de quoi tenter 
I'il y a dans chacun de 
p de situations doulou- 
revenir, et, d'autre part, 
3 ressources h mettre en 

ttendu si longtemps; ce 
ler k nos traditions de 
us longtemps en arri^re. 



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REVUE PHILANTHROPIQUE. 

Sauver de la prison ceux dont le seul crime est de ne pas 
>uverd'ouvrage, faire des d6sesp6r^sde laviedestravailleurs 
^nn^tes et courageux, voilJi de quoi 
jhes, le d^vouement de lous ceux qi 
iti^re de philanthropie et de r^habil 

Aucune t&che ne serait pluseffic 
§ments que Ton veut mettre en gi 
itres, pour ramener au bien des vie 
laiser les haines et les rancunes qu< 

souffrance. — II ne faut pas qu'au 
lisse, dans un pays d6mocratique el 
jr errer sans secours et sans appui, 
bles suggestions du d^sespoir ou de 



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r 



SIMPLICE 



CONTE DE NOELt*) 



II y avail dans un coin des montagnes dc la Crease une 
famille de paysans qui ne vivait pas en paix. EUe se composait 
du p^re paralytique et de quatre gardens dont T&ge variait de 
dix a seize ans. lis ^taient violents, et s'ils ne connaissaient pas 
la douceur, c'6tait sans doute parce qu'ils avaient perdu la m6- 
moire des baisers de leur m5re ddfunte. Us dtaient paresseux 
et par consequent travaillaient sans joie ; ils ^taient ^goistes et 
par consequent toujours mecontents, ayant fait de leur per- 
sonne une idole insatiable. Ils m^prisaient leur p5re parce 
qu'il ne pouvaitrien pour eux, et au lieu de le servir avec defe- 
rence, ils le narguaient de sa faiblesse. Aussi le ccBur du 
malade s'etait aigri, et il restait tout le soir dans son vieux 
fauteuil de paille, impuissant, jusqu'a ce que la resine fdt con- 
sumee, songeant k son malheur et murmurant contre Tinjustice 
de Dieu. Alors le domestique, anime de Thumeur mauvaise des 
maitres, le portait sans egards sur sa paillasse ou il Tetendait. 

Un hiver, vers le temps de Noel, cette famille etait reunie 
autour de Tfttre et soupait de chMaignes bouillies trempees 
dans du lait, de pain noir et d'une boisson faite avec des poires. 
lis demeuraient silencieux. Le p^re songeait tristement i sa 
belle metairie qu'il avait soignee vingt ans durant avec tant 
d' amour etqui periclitait dans les mains de ses enfants et de ce 
domestique sans bonne volonte, les fr^res se chicanaient pour 

(I) Ce conte a 6U compost i I'mtention des enfants de rUnion fran^aise pour 
le sauTetage de l*enfance, et leur a 6t6 lu h I'arbre de Noel. 



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376 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

des motifs futiles qui ne mdritaient pas 
ratlention, le chien Tomy r^vait en rej 
flammes quand le Valet s*6cria : 

— Mais qu'a done ce chien, il est agit 
En effet, Tomy remuait la queue et raba 

inquietude et son museau tourn^ vers la 
quer qu'un visiteur approchait. 

Com me il n'aboyait pas, on n'y prit pas | 
et le maitre, qui ne se piquait pas de fai 
exactes, rdpondit : 

— Ce chien se nourrit trop, il devic 
loup. 

— 11 a mang^ toutes les poules, dit Tui 

— Dame, reprit le valet, il ne veut 
viennent picorer dans sa soupe ; sa sou 
moins. 

Et il se redressa tout fier d'avoir p 
poules dont Testomac de Tomy s'cStait si b 

— II n'en mangera plus, gronda Taind 
ai pendu une au cou pour Ten d^goiiter. 

Le plus jeunc dit en ricanant : 

— C'(^tait notre derni^re, c'est pour eel 
plus. 

— Laissez Tomy tranquille, repartit 
mieux que vous. 

Mais on entendait vraiment un craquc 

la porle s'ouvrit soudain. L'on vit un enfai 

ri^re lui, toutc blanche de neige immaculd 

a lune, avait un air irr^el de paysage c6\e 

Ce n'est pas la coutume de chasser u 
par un jour de neige, par un jour tout 
dans toute autre chaumifere de la vallde 
petit inconnu, outre sa place a Tdtre, une 

Le maitre s'^tant tourn6 k demi s( 
meler : 

— AUons, approche, vaurien, chauffe 
L'enfant surgit en pleine lumi^re. C'^ 



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SIMPLICE, 377 

de douze ans v6tu pauvrement et k la mode des enfants de ces 
campagnes, il s'assit sur la pierre de Tdtre aux pieds de Tin- 
firme el lui dil en le regardant avec des yeux pleins de caix- 
denr: 

— Ne me chassez pas, je veux rester ici. 

— Resler chez moi, fit Thorame avec m6pris, est-ce que je 
n ai pas assez de ces paresseux d'enfants a manger mon pauvre 
bien et la terre nous a-t-elle donn^ des grains de reste? D'oii 
viens-lu, toi, d'abord? 

Le nouveau venu eut un joli sourire muet et montra 
rorient, puis il se tut, baissa les yeux, el, tirant de sa veste une 
grive k demi-morte de froid, il T^chaufTa doucement pour la 
rammer. 

Au bout d'un moment Thomme remarqua que le petit 
stranger arrangeait avec soin sa couverture qui avail glissd sur 
ses jambes amaigries de malade, puis ramassait une k une 
toutes les brindilles de bois perdues dans les cendres, les ras- 
semblait et en avivait le feu k demi-mort que personne ne 
s'avisait d'entretenir, de sorte qu'une bonne chaleur p^n6trait 
ses moelles. II fit reflexion aussi que le chien avail pos6 la t6te 
sur les genoux du petit, ne flairant pas un m^chant, que ses 
membres dtaient forts, ses mains d^j^ fermes et endurcies au 
travail et qu'il lui ob^irait peut-6tre. 11 consentit k le garder 
quelques jours. 

Et quand le brutal valet eut couchd le vieil homme, celui-ci 
seutit des mains adroites qui bordaient sa paillasse, redres- 
saient son oreiller, puis effleuraient son front d'une caresse et, 
comme sous Tempire d'une magie, il s'endormit d'un bon som- 
meilqu'ilne connaissaitplus. 

Le lendemain il y avail tant de neige autour de la chau- 
mi^re qu'il fallut la deblayer avec de grands et lourds balais de 
Jxjuleaux, elle roulait k droite et i gauche en atomes menus el 
brillants plus blancs que de la rapure de marbre, el, pen k pen 
le chemin se d6couvrait tout noir au-dessous. Les fils du me- 
tayer ne cessaient pas de se plaindre, soufflant dans leurs 
^^igts, essuyant leur nez mouill^ sur la manche rude de leur 
veste, puis ils se chicanferent, s'accus^rent de paresse, inter- 



L_ 



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378 REVUE PHILANTHROP 

rompirenl leur besogne pour se battr 
stranger se mit avec ardeur au travail et 
las de s'invectiver, ils virent que le sen 
la route et que Ic chien Tomy y garabadi 
Un peu honteux, ils suivirent cet en 
maison, et le maitre, accoutum^ h leur h 

— Avez-vous sit6t fini? 

— Nous n'avons pas perdu de temps 
Et ils n'os^rent protester ni m^me s 
11 demeura avec eux les jours suiva 

les travaux du dehors, coupant le bois k 
ramassant les foug^res, enlassant les fe 
chAtaigneraies, hachant lesbetteraves dai 
est coutume a cette ^poque de Tann^e, 
saient rien, s'allant mettre tout seul k 
les fr^res, entrain^s par son exemple e 
flexible douceur, ne tardaient pas a le n 

II ne riait, ni ne pleurait, ni ne se pla 
de son p^re, ni de sa m^re, et paraissail 
Quand on lui demandait son nom, il se 
pondre et comme, avec cela, il ob^issail 
parlait que quand c'dtait n^cessaire, on 1 
ceux qui n'ont pas de sagesse prennent 
de la naivet6. Et comme il 6tait simple 

Insensiblement une paix inconnue f 
mi^re. Simplice parlait si doucement q 
clever la voix aussi haut que par le pa 
s'impatientait presque plus contre ses fil 
de Simplice et que le tendre et imp6ri< 
sans qu'il s'en rendit trop compte, fond 
qu'un flocon de neige k la flamme. 

Les travaux rustiques se poursuivaiei 
rit6. Le poulailler regorgeait de poules 
ment Simplice avait convaincu le chien, 
plus manger aucune. C'est que Simpli 
faire aimer, le don du ciel qui donne la 
comprendre et ob6ir m6me d'un pauvi 



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SIMPLICE. 379 

encore la t^elle beautd du travail joyeusement accompli, les 
fibres en avaient contracts la noble habitude. Quelquefois 
Tun disait : Je ne suis pas bien ici et ma tAche est trop rude. 
Alors Simplice changeait aussildt de place avec ce dernier et 
ex^culait sa besogne avec lant de goikt et de promptitude que 
I'autre en ^tait surpris et avait honte de s'dtre plaint. II arri- 
vait que le cadet des gargons, un petit coiff^ de cheveux roux 
et h^riss6s, 6tait charg6 de paitre la vache; il jurait, tempfttait 
aprfes la pauvre b^te, Taccusant de toutes sortes de m6chantes 
incartades. etillaramenait le soir k grands coups de fouet dans 
ratable; le m^me animal, veilld par Simplice, broutait paisible- 
ment sans chercher h allonger sa corde : voyant cela, le gamin 
se rendait bien compte que c'dtait lui qui ^tait m6chant et non 
la vache. 

Cependant comme le maitre et ses fils croyaient Simplice un 
innocent, ils ne remarquaient pas assez que ses id^es ^talent 
belles et bonnes et que de les suivre rendait toute besogne 16g^re, 
de sortequ'ils ignoraient que la Sagesse mfime les avait visit^s. 
Bientdt une ann^e 6tait accomplie depuis que Tenfant 
stranger avait franchi le seuilde la chaumiftre. Au fur et k me- 
sure que s'^coulaient les jours, les paroles de Simplice deve- 
naientplus rares, mais remplies da vantage d'inoubliables choses. 
Un jour, il mena ses frferes, car il donnait maintenant ce titre 
aux fils du paysan, dans les champs et il les arrfita pr^s du der- 
nier sillon oi Ton venait de jeter le bl6 et qui formait une 
courbe velout^e sur le renflement de la colline. — Voyez, dit- 
"> quand on a convert la semence, il faut pour la faire germer 
oe longs jours d'attente, — et un geste de lui leur fit saisir la 
"isolation morne de laterre nue, — mais bientdt il y aura ici 
"6 1'herbe drue qui portera plus tard un bl6 superbe que ne bru- 
lera pas le soleil. 

Et ils songeaient entre eux : « Lldiot est sorcier, il lit dans 
* «veiiir, il salt que le bl^ sera lourd. » 

^ais les arbres secou6rent toutes leurs feuilles qui jonch^- 
rent les bois de leurs grandes mains d'or fr6missantes au vent; 
1^ bruy^res qui rev^tent les montagnes de la Creuse d'une 
?loire pourpr^e p&lirent, la neige vint qui couvrit les rochers 



1 

L 



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380 REVUE PHILANTHROPIQl 

de granit bleu et rendil noirs les yeux des i 
nouveauon se r^unit autour de I'&tre, le s< 
ch&taignes en parlant des f6es d^funtes. Et 
dans la chaumi^re, mais avec un coeur pli 

Or, la veille de cette grande f6le, le 
tomba dans des reflexions profondes et eu 
lui etaient jamais venues. 

II appela Simplice. 

L'enfant vint et le paysan lui dit : 

— Simplice, quand tu es venu chez mc 
as apporte Tordre et Taisance sous ce toit. 
le disent mes fils etquel est ton secret? 

Les yeux du jeune stranger brillaient d 
grande joie, il r6pondit : 

— Je n'ai que de la bonne volont6. 

— Ecoute-moi encore, dit le maitre 
attendri; je ne me reconnais plus, au lieu 
mon malheur comme jadis, je ne songe qv 
ma terre et k donner des conseils judiciei 
Les b^tes sont redevenues grasses et proi 
emplira les greniers, le domestique a soin 
brutalisc plus, petit Simplice, c'est de toi 
bien, tu ne me quitteras jamais? 

— Homme, r6pondit Tenfant, je serai 
On mit la bAche de Noel dans Tdtre ce 

massive racine de ch^ne oil s'attachaitenc 
mais, quand elle flamba, Simplice ne la vit 

Et pour la premiere fois le paraly tique 
reQu son bonsoir si doux et ses tendres soil 

II lui sembla qu'il s'assoupissait en pi 
r6veillait tout a coup, que Simplice ^tait ai 
riant. 

Alors le paysan s'^cria, a sa vue. 

— Comme tu rentres tard. Oil 6tais- 
Puis une terreur le prit, car Simplice i 

ments de petit patre. ll^tait environn6 com 
neuse. II disait : 



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381 

)urae vers mon Pfere. Et 

lit et il sanglotait : 

us, car je te reconnais k 

me quitter. 

js r^sigiK^ et bon, r6pon- 

aqu'une grande lumi^re 

du paralylique et Tem- 

LCQUES FRfeHEL. 



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LA SOI 



SOCIETE EN FAVEUR DE 

A LAUSAN 



J ai dit, dans un pr6c^dent a 
malheureuse pr6occupe, en Si 
appartenant k loutes les claj 
Vaud, pays protestantou il est 
servants du culte d'etre ma 
laiques et ministres de la rel 
que les autres sur les questioi 
ne cherchent point a agir s^j 
traver I'effort individuel, acc( 
connaissant k celui qui lui fou 
lique. Rien de plus facile, aux 
que d'obtenir du gouvernemeB 
facilities matdrielles. 

G'est ainsi qu'en 1881, a 1 
Solidarity fut donn^e par MM 
bureaucrates k la gare des i 
altruistes avaient r6dig6 un 
chaque terme avait 6i6 miirem 
convoqu^ le plus possible de b 
d'oublier leurs chefs et sup^rie 
de tMonnements, la Soci6t6 se 
naitsous Tinipulsion d'un com 

(1) Les cantines scolaires, n" 4 de la 



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LA SOLIDARITY. 383 

rel^Te surtout des noms officiels. D'abord celui de M. le juge 
cantonal Gusiave Correvon, actuellement encore pr6sident de 
la Solidarity. Le nom de M. Samuel Cu^noud, k cette ^poque 
maire de Lausanne ; celui du directeur des postes, M. Deles- 
sert; celui d'un conseiller d'Etat en retraite, M. J. Berney ; 
d'autres encore, qui Equivalent Jt un gage donn6 par le gouver- 
nement. Et celadEmontre que les parrains de la SocitE nouvelle- 
ment n^e n'entendaient pas rester inactifs. Cinq ans plus tard, 
devenue grande fille, la Solidarity 6tait, le 1®' mars 1886, recon- 
nue personne morale par d^cret du grand Conseil (Chambre des 
d^put^s de TEtat de Vaud) et inscrite de ce chef au registre du 
commerce. 

En France, elle avail ddjJi pris rang : le 23 juin 1884, la 
Society frauQaise d'encouragement au bien lui avait d§cernE un 
dipl6me d'honneur. 

Son but? A la fois g6ndreux et fort simple. Retirer les enfants 
pauvres de leur milieu naturel, si ce milieu est viciE, puis les 
conduire elle-mfeme jusqu*i TAge d'homme. En outre, venir en 
aideaux p^resde famille honnfites et travailleurs, trop pauvres 
pour clever leurs enfants avec soin. Adopter, de plus, lesorphe- 
lius, les abandonn^s, et leur reconstiluer un foyer. 

Pourmettre en pratique ces intentions excellentes plusieurs 
moyens sont prdconisEs, et les circonstances particuli^res a 
chaque enfant en d^terminent Temploi. Aux rejetons du vice 
et de I'alcoolisme allferent d'abord les premieres soUicitudes. 
Eolev^s a ceux qui les Eduquent pour le mal, ils spnt places 
tlans des families honn^tes, et la Solidarity qui paie leur pen- 
sion leur devient comme une tr^s haute et peut-^lre un peu 
^inlaine providence. Je dis lointaine, car, 6tant donnE que le 
dfeint6ressement sincere a peu cours dans le monde, on ne pent 
toujours 6viter certaines experiences fdcheuses. Mais, avant de 
voir les r6sultats, il faut considdrer Tintention premifere, telle 
qu elle se trouve expos6e dans divers statuts du comit6 : 

Art. 14. — La Soci6t6 exercera son action, soit en aidant 
^ttci^rement des parents capables d'^lever leurs enfants dans 
des principes d'ordre et de morality, soit en plac^ant les enfants 
^hez des personnes dignes de confiance. 



L 



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38i REVUE PHILANTI 

Art. 15. — Les enfants seront a( 
par ordre d'inscription, sans egard 
religion. 

Art. 16. — Les demandcs d'adm 
pr6sent6es au comity par dcs mer 
rechercheront les enfants malheui 
que les besoins les plus grands se 
pauvres honleux. 

Art. 17. — La Soci^td prend a sj 
les d§penses n6cessaires pour metti 
de gagner leur vie^ quand ils auron 
sances ndcessaires. 

Art. 18. — Le comity et ses \ 
enfants en bons p^res de famille et 
loppement, afin de connaitre leurs i 
les aider dans le choix d'une carrifei 

Ces points principaux rdgl6s, 
d'admission et de sortie. En princi] 
k celui de cinq ans, comme limite 
6tre ddpass6e) k celui de dix-neuf. 

Mais la grande, la serieuse diffi 
mille id^alea laquelle on confierait 
la question de parfaite morality, il 1 
des ndcessitds matdrielles. Ce n'^ 
c'dtait aussi le corps du d6shdrit6 q 
meilleure. Et, pour la culture de 1 
ndcessaires au second, la Solidaril 
mince pension de 15 a 18 francs p 
chose etait compliquee ; k la campa 
res elle devenait plus facile. Mais il 
en hygiene, on le perdait en culture 
au hasard des champs comme une 1 
que certains logeurs, attires par le 
r6guli^re, ne se monlr^rent gu^re s 
indignes...Et il fallut un grand cou 
m^me. 

Cependant, ^dress6 a dure ecol 



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LA SOLIDARITY. 385 

tales, on finit par augmenter consid^rablement les chances de 

i^ussito. Telqu'il est actuellement organist, le placement dans 

les families campagnardes offre de meilleures garanties qu'au 

d^but. D'abord, sur les logeurs qui s'offrent, des renseigne- 

ments sont demand^s au maire de la locality qui connait assez 

bien ses subordonn^s, puis au pasteur de cette m^me locality, 

qui peut-6tre les connait encore mieux. La premiere condition, 

c'est qu'ils habitent une autre commune que celle habitue par 

les parents de Tenfant, ce qui est une precaution fort sage. La 

seconde est qu'ils puissent justifier d'une existence suffisam- 

ment large pour qu'on n'ait pas k redouter une alimentation 

trop asc^tique, un logement malsain. On leur demande aussi 

« de jouir d'une reputation irr^prochable, d'avoir de Tordre 

domestique, des sentiments paternels vis-2i-vis de Tenfant 

adopts ». II faut encore qu'ils soient de la mdme confession 

religieuse que lui, et defense leur est faite d'avoir plus de trois 

pensionnaires k la fois. 

Tout cela trouve — Ton juge si c'est facile ! — la Solidarity 

avant de conclure aucun contrat avec le logeur exige une p^- 

riode d^essai qui doit durer un mois. Pendant ces quatre 

semaioes, Tenfantale temps de s'acclimater k sa vie nouvelle, 

et de son c6ie Thdte pent Tetudier k Taise. Tdche evidemment 

ardue des deux c6tes, et qui plus d'une fois a procure, procu- 

rera de lourds soncis au Comite bien intentionne. Suspicion, 

manque de patience, injuste severite d*une part; sournoiseries, 

vices hereditaires, rebellion k toute contrainte de Tautre, pro- 

duisent, heias ! des chocs qui endurcissent encore ces ftmes d6]k 

trop fermees. Le Comite Ta si bien compris, qu'il se reserve 

expressement le droit de retirer Tenfant « en tout temps, sans 

avertissemeni prialable et sam indemnity ». 

Enfin supposons Telftve place et bien place, et voyons-le 
entrer dans sa nouvelle famille. D'abord,une premiere joie bien 
inconQue, celle de posseder un trousseau modeste, mais parfai- 
temeuten ordre. 

II y a un article 20 qui parle ainsi : « Si les parents ne peu- 
veat le lui procurer, les frais sont k la charge de la Solidarite. 
Le Comite demande, suivant les circonstances, k la commune 

MVUB PHILANTHROPIQUl. -- II. 



1 



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386 REVLE PHILANTH 

d'origine de I'enfant, de participer « 
par I'achat du trousseau. II doit Hn 
la soci6t6 une note exacte de toui 
trousseau de chaque enfant. » 

Voulez-vous maintenant savoir 
Pour les garqons : un v^tement com] 
ton, gilet et pantalon. Un v^temei 
travail et une blouse. Deux paires < 
socques. Un chapeau de feutre, un c 
quette. Six chemises; six mouchoir 
six paires de chaussettes en coton ; 
en laine. Un peigne, un peigne fii 
Pour les fxlleties : trois robes, doi 
jupons dont deux en laine. Deux 
quatre bonnets de nuit. Quatre ta 
Deux chapeaux, six chemises, six 
paires de bas en laine, six paires en 
paires de souliers. Un peigne, un p( 
veux. 

Lorsque ces v^tements sont foi 
logeur doit veiller aux reparations 
pouvoir en tout temps montrer le 
m^me pour les fiUettes un excelle 
m^nag^re. 

Je ne sais si je me trompe : mi 
ces derni^res, accessibles par leur 
toilette, il me semble que cette pro 
remplai^ant tout k coup les maigr< 
leur procurer une sensation douce 
de se sentir « vfetues comme tout 
ment cette abondance pent leur de\ 
series et de rappels k Tordre. Si ell 
n^es, a unem^nag^re pointilleuse, q 
il n'en manque pas en pays protests 
arrivent k maudire cette richesse ii 
misfere de jadis. Mais si Ton sail & 
choses pour leur apprendre la teniic 



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LA SOLIDARITY. 387 

Autre enseignement, bien plus compliqu6 et plus d^licat : 
« L'^l^ve doit avoir un lit particulier ; il ne peut coucher avec 
un autre enfant ou une grande personne sans Tautorisation for- 
melle du Comity. 

« Les garQons Ag^s de plus de douze ans, et les fiUes ayant 
plus de onze ans ne peuvent ^galement pas coucher dans la 
m^me chambre que des grandes personnes sans que le Comity 
ait donn^ express^ment son consentement. » 

Precaution excellente, quoique tardive, h^las! Si Ton songe 
aux entassements des logis ouvriers, et k la prdcoce exp6rience 
des enfants venus au monde dans certains bouges par trop 
encombr^s! 

Afin de rem^dier autant que faire se peut aux mauvais 
exemples, on r^duit au minimum les relations de Tenfant avec 
son milieu primitif. Aucun pensionnaire ne peut quitter — ne 
Wl-ceque pour un jour — la famille oil il est plac6 sans auto- 
mation du Comity. Ses rares visites k la maison paternelle ne 
sont permises par ce dernier que lorsque le moral de Fenfant 
ne doit pas souffrir de ce retour momentan^ k ses habitudes 
d autrefois. En outre, il est bien recommand^ au logeur d*occu- 
per son pensionnaire. A c6t<5 des heures d*4cole auquel nul, en 
Suisse, ne peut se soustraire jusqu'i Vkge de seize ans (car la 
loi eslformelle et veille s6vferement), il est facile, k la campagne, 
de Irouver Temploi d'une journ^e. Certains gargons de douze k 
seize ans, sains et vigoureux, peuvent fort bien remplir Toflice 
dun petit domestique de ferme. Trfes judicieusement, les fon- 
dateurs de la Solidarity ont pr6vu la chose, et ils s'en sont servis 
pour diminuer la pension de Tadolescent capable de se rendre 
utile, tandis qu'on augmente fr^qtiemment la pension d*un en- 
^t tr^s jeune exigeant de nombreux soins. Par la m^me rai- 
^n, certaines pensions sont abaiss^es durant les mois d'^tS oti 
se font les travaux agricoles, tandis qu'elles se reinvent pendant 
Inactive saison d'hiver. Voici Ik-dessus les dispositions du 
Comity : 

" L' education d'un enfant en has Age exigeant beaucoup de 
^ins et d'aifectioa, le prix de pension de Tenfant au-dessous 
deneufans doit 6tre suffisamment r^mundrateur pour que le 



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388 REVUE PHILANl 

Comity puisse exiger les soins et 1 
la part de la famille k laquelle I'e 

« Par centre, pour les enfants ] 
des services qu'ils peuvent rendre 
habitent. (Si IVl^ve est employ^ 
xgricoles, I'on ne peut exiger de 
nables et mod^r^s et k la conditioi 
de nature h nuire k son d^velopp 
et moral.) 

« Pour les garQons places dans 
sont diff^rentes, puisqu'ils ne peui 
^es mfemes services aux families qi 
Pour ceux-ci le prix va en augmei 
entrent en apprentissage. 

« En ce qui concerne les fiUes 
compte, pour le prixde la pension, 
rendre dans Tinl^rieur du manage 

Ainsi est enlev^e, pour certaii 
rhumiliation de se sentir tout k i 
lance d'autrui. Peut-6tre, du res 
presque introuvable. Nul doute qu 
k mesure que s'affineront les mass 

Une bonne education ne va po 
Les logeurs sont tenus d'avertir le 
la moindre maladie. Pour parer i 
cins et les pharmaciens de campag 
assez louer le d6sintdressement. P 
cours k rhospice de Tenfance, ou 
Ces deux ^tablissements, situ^s k Ls 
de premier ordre, et leur renomm 
la fronti^re Suisse. Dans Tune et 
lades, installds dans des dortoirs 
sitds par un personnel medical d 
Qoivent k prix r6duit les soins 1 
Tenfant est ressortissant d'une < 
cette derni^re qu'on pr6sente la i 
que le traitement soit fort long : i 



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LA SOLlDARlTJfe. 389 

remontent k des sources si lointaines qu'elles sonl ingu^ris- 
sables... Malgrg tout, les rapports du Comity constatent — 
non sans orgueil — combien la mortality de ses prot^g^s est 
faible. 

Pour veiller a tant de preoccupations diverses, le comit6 
si^eant k Lausanne (et ne se dSplagant qu'en des occasions so- 
lennelles) a dii, cela se comprend, se donner des aides. Un pen 
partout, dans le canton dont Lausanne est le chef-lieu, il s'est 
choisi des membres auxiliaires qu'il a baptises du nom d!ass€S' 
seurs, Ceux-ci doivent en r^f^rer pour toutes choses au groupe 
si^eant dans la capitale; mais pour les questions de detail et 
surtout pour les inspections, leur utility est grande. Car la ve- 
rification du bien-6tre des enfants est la vraie pierre d'achoppe- 
ment de la Solidarity. L*on devinera sans que je m'y appesantisse 
combien il est difficile et d6licat d'obtenir, soit des logeurs, soit 
des enfants, des attestations parfaitemenlv6ridiques. Partout oti 
il y a dissentiment, il y a passion. Alors, comment savoir ce 
qui est exactement Equitable? 

Pourr^soudre cette difficulty grave, la Solidarity s'est inspi- 
r^e de son principe primordial, qui est, nous Tavons vu, de re- 
crter une famille aux enfants orphelins ou mal partag6s. Fai- 
sant de cet id6al moral une r^alite effective, elle imagina de 
nommer un protecteur special k chaque enfant pris sous sa 
sauvegarde. A chacun done, le Comit6 central d^signe un cor- 
respondant qu'il appelle patron. Ce patron a mission de suivre 
cet enfant tout sp^cialement, de visiter ses logeurs, d'inspecter 
sa nourriture, de verifier les m^thodes d 'education mises en 
^sage pour lui, enfin d'envoyer sur son d6veloppement de fre- 
quents rapports au Comite directeur. 

Sans peine on con^oit combien cette fonction exige de tact, 
^e finesse, de bonte eclair^e. Elle ne saurait done 6tre confine 
^u premier venu, d'autant que les rapports avec le logeur doi- 
vent 6tre empreints d'une certaine cordialit6; que la morgue 
^* le ton cassant iraient k Tencontre du r^sultat d6sire. Aussi, 
dans les campagnes, le grand recours du Comite est-il encore 
'e maire et surtout le pasteur. Les fonction^ de ce dernier, qui 
^^portent de nombreuses tournees pastorales, se combinent 



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390 REVUE PHILANTIIRO 

a merveille avec cetle inquisition n^ces 
De plus, le pasteur jouit en g6n6ral 
lui permet de p^n^trer au coeur des ft 
les confidences; on le juge moins intin 
de la ville ». Autre avantage : le repo 
6tre une femme, la compagne du past 
au moins aussi qualifi^e que son mar 
la Solidarity, chaque enfant doit rece\ 
tron ou de sa patronne au moins tou 
Comitd central doit fetre chaque fois a^ 
sanitaire. 

(rest beaucoup, si Ton considfere le 
en tutelle; c*est pen, si Ton envisage h 
est terriblement encombr^ de mauvaise 
veut ensemencer de bon grain ! Souvei 
ftmt, vrai sauvageon battu de tons le 
averses, n'a jamais distingu^ le mal d 
ne sont pas plus indemnes que les pi 
voyaient faire a leurs parents r^els et ( 
faire dans leurfamille adoptive, quelle 
cervelle! Rien d'^tonnant k ce que I'l 
souvent signal^s au Comity soit le mens 
figure un gout furieux pour Tind^pend 
bondages. Habitudes d'autant plus diff 
sont le r^sultat de profonds atavismes 
enfants a s'enfuir de chez leurs logeu 
rent le gtte probl^matique et les nourrii 
r^gulifere, tracee d'avance, coupant toi 
k la fantaisie. J'ai dit, du reste, que c( 
d'etre k la hauteur de la mission qui I 
serait k d6sirer que leur Education, k € 
comply t6e. 

Je ne puis m'emp^cher de songer qi 
fuit, cela suppose au moins une assez f( 
comprim^es. Les fugitifs sont vite re] 
s'^chappent encore. Deux fois, trois fois 
d^test^, k moins qu'il ne soit prouv6 qu 



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r 



LA SOLIDARITY. 391 

tort, auquel cas Fenfant est change de demeure. Si malgr^ tout 
eet enfent persiste h vouloir reprendre sa vie errante et bal- 
lott^e, de guerre lasse on rabandonne. 

Dans les rapports du Comity, je trouve la mention de ces 
abandons, qui toujours ont des origines attristantes. En pre- 
mier lieu, les d^plorables conseils donnds aux enfants par des 
parents qui savent tromper toutes les surveillances. Quelques- 
ans des petits pensionnaires ont 6U litt^ralement volSs k la Soli- 
darity, et celle-ci n'a jamais pu les reprendre. II est arriv6 aussi 
qoedes p^res, des m^res, se sont 6nergiquement refuses h lais- 
ser leurs enfants sortir de chez eux ! Et ces parents ^taient de 
ceux qui donnaient les pires exemples. En pareil cas, la Solida- 
rity pent provoquer Tinterdiction des pouvoirs paternels, el ob- 
lenir de Tfitat que Tenfant lui soit confix. Mais ce sont moyens 
extremes qu'on r^pugne h employer. 

On les emploie pourtant, surtout lorsque Tobjet en litige est 
une fillette guett^e par la d^bauche. 

Une difficult6 encore, c'est le flottement qui se produit chez 
les jeunes gens, lorsque TAge est venu pour eux de choisir leur 
carrifere. Entre tant de metiers qui s'offrent, lequel choisir? 
Peu habitues k raisonner leurs actions et leur vie, ils h^si- 
tent, se trompent de voie, au bout de quelques mois s'apergoi- 
vefht de leur erreur, et tout est k recommencer. D'aucuns ont 
r^ussi cependant k conduire jusqu'au bout leur apprentissage, 
puis, ayant gagn^ une somme suffisante, sesont fait une joie de 
rembourser la Solidarity des d^penses faites pour eux, — rem- 
boursemeut toujours bien accueilli : c*est la rauQon d'un nou- 
veau prisonnier de mis^re. 

Car pendant bien des anndes elle ne fut pas riche, la Solida- 
rity. EUe connut m^me le deficit sous toutes ses formes, ayant 
souvent plus d'enfants itsa charge que ses revenus ne Tauraient 
comports. Trfes brave, elle fit face aux difficult^s, rognant hardi- 
ment son capital de reserve lorsqu'elle se trouvait au-dessous de 
ses affaires, n'h^sitant point chaque ann^e k solliciter la g^n^- 
rosit^ publique. Bazars de charity, demandes de subsides aux 
communes, annonces dans les journaux, quotes k domicile, 
tout lui fut bon pour parfaire la somme n6cessaire k son ann6e 



I 



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LA SOLIDARITY. 393 






C'est done par centaines qu'il faut compter les bdn^fieiaires 
de cette institution qui, en si pen d ann^es, a tant agrandi son 
champ de travail. 

A Tftge de seize ans, qui est en pays protestant T^poque de 
la premiere communion, et comme une porte de sortie par la- 
quelle on s'^chappe deTenfance, on fournitaux enfants un petit 
trousseau de c^r^monie. 

II se compose, pour les garQons : d'une jaquette, un pan- 
talon, un gilet, un chapeau, une paire de souliers, une che- 
mise. (Le tout ne doit pas d^passer une valeur de 60 francs.) 

Pour les jeunes fiUes : d'une robe, un jupon, une paire de 
souliers, un chapeau, une chemise. (Ne pent d^passer une va- 
leur de 50 francs.) 

Seize ans, sa communion faite et le temps d'^cole termini, 
la loi permet au jeune homme d'entrer en apprentissage, k la 
jeune fiUe de se placer comme bonne dans une maison bour- 
geoise. Lit encore la Solidarity intervient, apportant Tappui de 
son experience et de son autorit6. 

Pour 6tre franc, il faut avouerqu'elle n'est pas toujours r^- 
compens^e de sa sollicitude. N'importe. Sa besogne est bonne 
et elle la poursuit avec une tdnacit^ tranquille. Aussi, mdme 
qiiand elle n'aurait qu'un seul r^sultat excellent pour dix r^- 
sultats m^diocres — ce qui n'est pas le cas — encore faudrait-il 
louer bien haut les deux modestes promoteurs de cette oeuvre 
vraiment humaine et d^sint^ress^e. 

M- GEORGES RENARD. 



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L'ASSISTANCE ID^ALE. 393 

reorganisation sur des bases impr^cises quidemeurenttoujours 
Imsondable mystdre. 

Et comme il ressort des elements constitutifs d'une admi- 
nistration que ses participants n'ont pas quality pour eflFectuer 
spontan^ment le remaniement des services sans passer par une 
th6orie de d^bats, de commissions, d'avis et de deliberations, 
qui diminuent et parfois annihilent Teffet bienfaisant d'une 
reforme dans son principe, il y a lieu de desesp^rer bien sou- 
vent de Tissue des plus gendreux eflforts. 

J'insiste : ils sont trfes rares dans la presse, ceux qui, avec 

^ne relative competence accusent quelque propension k pene- 

^I'er clairementau fond des questions d'assistance. Ils paraissent 

pour la plupart, oublier que la notre depend des pouvoirs 

publics, et qu'elle ne pent etre modifiee que de leur chef. Fon- 

dee sur le principe de libre charite, succedane du droit de 

propriete, elle est mandataire irresponsable des vices de son 

principe, aussi bien que de ceux qui resultent de I'application 

terdigrade d'une jurisprudence souvent anterieure ft son organi- 

sation unitaire dejJi bientdt semi-seculaire. Ge n'est pas k dire 

9^® la saine influence de Michelet, Jules Simon, Gerando, 

"^ophite Roussel, et autres emerites philanthropes, n'ait sug- 

ger^ cle s6rieuses ameliorations en la mati^re, mais j^imagine 

^^otxtjgps que la comparaison, proposee plus souvent aux lee- 

eur^ d'eiite, entre des syst^mes d'assistance ideale, congus 

^^^ les donnees rationnelles propres k chacun de ceux qui 

'^ *^«*€nt la facile, mais sterile ironie, et le statu quo, suscite- 

**' *^^quemmentdes idees novatrices et progressistes, et s'affir- 

**^it ainsi plus utile k la cause publique. 

*-^^jJl les seuls parallMes etablis entre les r^glements etran- 

^^^ ^t les n6tres ont ete pour nous un precieux element de 

|, ^^-^euses recherches. II n'est done nul besoin d'exhaler de 

^^iionie en souhaitant que la charite n'apparaisse point 

^'^^^e uneatteinte k Tamour-propre, voire une tare, k quelque 

^ition d'4ge ou d'etat social qu'elle s'adresse. 

^^ n6tre reconnait jusqu'ici Timpossibilite materielle ou elle 

V^^jours ete de venir en aide k d'autres indigents que ceux 

» ^pontan^ment, lui revfelent leur mis^re. Or, de toutes les 



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REVUE PHILANTHROPIQ 

sitions civiques, celle de TAssisti 
vue la micux qualifi^e pour alii 
preoccupations budg^taires, et i 
ine question de credit, k T^poi 
lidnations de capitaux, pour r^di 
Sl^ments de secours et de ce che 
^ciation charitable, lequel est de ] 
[)ssible, les atteintes de la mis^] 

la veillo d y succomber. 
rs surgit le plus imminent des 

domicile, 

glements actuellemenl en viguei 
5S allocations variant de 4 & 20 f 
, et pendant un temps ind^termii 
d'entre les b^n^ficiaires de ces 
isualit^s, et susceptibles de s'en ] 
^d,ce k de subtiles combinaisohs, 
opes, et mat^riellement irr^press 
> dans la perspective de faciles 
nt comme dues, par la force de 1 
I pens^e de changer leur situatio 
oportionn6 k leur dge ou k leurs 
lignement procurer, 
en revanche, il apparait impossil 
;lementation de venir utilement i 
passag^re a d^courag^s, et auxqi 
un secours imm^diat, susceptible 

de francs permettrait de repren 
squ*il est & pen prfes prouv§ que 
laque mois aux indigents officiel 
$ plus experts, qu'un tr^s m6dio< 
u budget une grosse d^pense, n 
e dispenser dans une mesure toi 
i, dfes qu'adroitement couQue ? 
scours les plus urgents sont, de 
ut est de preserver Tindigent dei 
*ance8 d'une nuit hivemale sans 



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L'ASSISTANCE ID^ALE. 397 

bons de pain, de viande et de logement en pareil cas, et I'in- 
scriplion en vue de la d^Iivrance de ces bons jusqu'ii Tor^e des 
jours meilleurs, suppriment d'office toute id6e d'abus, en Tes- 
pftce, car elles supposent chez le b6n6ficiaire I'id^e bien arrAt^e 
de se tirer de la mauvaise passe oil il s'est involontairement 
engage, en m6me temps qu'elle ^carte celle d'une speculation 
possible entretenuc par Tapp&t d'un secours monnay^. 

C'est alors qu'intervient, pour tons ceux dont la situation 
s'affirme digne d'int^r^t, la n^cessit^ d'une enqu^te s^rieuse k 
Veffet de justifier la concession d'un premier secours utile, de 
100 francs, par exemple, susceptible d'etre renouvel^, une fois 
et m^me deux, et accords de telle faQon qu'il ressorte bien de 
ce mode d'assistance qu'i moins d'Mre victimes de Fin^luc- 
lable fatality, tons ceux qui n'ont pas pu normaliser leur exis- 
tence le doivent surtout h une coupable ^conomie d'efforts de 
leur part. 

Ce raisonnement, sp^cieux en apparence, devient essentiel- 
iement rationnel, si Ton ajoute qu'en vue de pallier le deplo- 
rable eflfet de r^goisme moderne, on doive s'inquieter de la 
creation d'un office du travail pr^cisement destine k ceux qui, 
uUlement secourus selon les proc6d6s precit6s, s'empresseraient 
^y '•ecourir, etnon ft ceux qui, apr^s trois ou quatre jours de 
contrainle morale, pr^fferent Toisive mendicity aux p^nibles 
wbeixi^^ ainsi que Tetablissent malheureusement les statis- 
'?^es relatives aux oeuvres actuellement existantes d'assistance 
f^^ lo travail. 

^^ I Office du Travail ne serait d'ailleurs, en raison mSme 

. ^^o but, couQu selon aucune des donn^es que les pr^cedentes 

* *'^t\jitions de ce genre laisseraient supposer. 

^^ntralise dans un des services de T Assistance publique, il 

^ttacherait par sa nature k la Division des Travaux dont la 

^"^l-on parait chaque jour devoir s'imposer en raison de Tim- 

j. ^^-nce croissante et du nombre des constructions hospila- 

**^^, et serait de ce fait en relation directe avec les entrepre- 



U^xi^ ' ^ 

xij. ^ constructeurs et industriels, foumisseurs de toules 

^^^es d'ouvrages, ainsi qu'avec leurs syndicats. 

'i lui serait loisible de ce chef, de relever les emplois 



L 



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398 REVUE PHILANTHR( 

d'ordres varies susceptibles d'etre d( 
investigation adroitement conduite au: 
mis^re inavouee, el que la perspective 
honn^te, rendra capables des plus gro 

Et je ne donne ici cet ordre de reb 
vital, comme noyau primitif d'op^ra 
adjoindre certains d'enlre les emploii 
stration hospitali^re dans ses propres 

Le cercle s'^tendrait avec le temp 
baucher dans leur personnel des ge; 
abnegations pour ^chapper k la mis^i 
patrons & donner la preference aux ol 
vail. 

Oui, il s'impose, le devoir de disc€ 
et de les preserver du malheur quand 
sans attendre qu'humilies, ils formule 
tile et qui devient un reproche trop sc 

Mais, comment? s'6crie le philan 
tel par decret ou par arr6te, et qui n'e 
tique de TAssistance qu'cn vertu de r( 
ment prdvenir cette mis^re sans por 
personnelle, et sans s'exposer k de vio 

Evidemment, ce n'est pas en con! 
d'anciens militaires meritants et bono 
dans la pratique du devoir et de Th 
reconnaltre, mais atrophies moralen 
profession oii la rudesse apparente 
toutes les intemperies physiques et i 
investissant de ce soin des neo-bacheli 
k merveille sur la morale sociale,mai: 
k des catamites d'ordre multiple aux 
bourgeois cossus ne saurait pardonner 
que Ton pourrait obtenir les amelioi 
quisse ici le schema. 

Mais, ce qu'il existe incontestable! 
gens, au sens moral encore intact n'et 
k fait epuisee, c'est, dans chaque q 



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L'ASSISTANGE IDfeALE. 399 

chaque rue, trois ou qualre de ces natures d'^Iite, de ces coeurs 
d'or, dont le spectacle des perp^tuels conflits de I'^goisme hu- 
main et des rancunes sociales, n'a pas annihil^ la sensibility, 
et qui seraient les premiers it mettre k profit pour la bonne 
cause, les renseignements officieux qu'observateurs affin^s, ils 
sauraient recueillir q^ et \k sur ceux d'entre leurs voisins que 
le destin s'appr^te k marquer d'une croix n^faste. 

La gen^se de ces misferes est presque invariable. Cesont les 
sacrifices ou les deceptions, la maladie ou les impr^Tnes ca- 
tastrophes qui pr^parent le triste roman, et presque aussitAt 
Vappel d^sesp^rfi k la bonne volont6 des foumisseurs, cr^an- 
ciers imm6diats, du boulanger et du boucher ; c*est it la surve- 
nue du terme, Taveu p^nible de Tinsolvabilit^ que Ton esp^re 
6ph6mfere. 

Qu'on suppose dans un quartier pris au hasard, seulement 
une trentaine de ces pr^curseurs k qui sourirait la perspective 
d'aider au salut d'un semblable, pour la seule satisfaction du 
devoir accompli, telle Toeuvre d'art, cisel^e en d6pit de toutes 
les critiques et dont Tunique souci nous fait traverser Texis 
tence indiff^rents au reste des choses, qu'on se les imagine, 
mettant^quitablement & profit les indications recueillies, pour, 
aux jours de reunion du comity par eux ainsi form6, les 
transmettre aux visiteurs, qu'un long s6jour dans Farrondisse- 
ment recommanderait k la consideration g^nerale, qui ^carte- 
raienl de leurs preoccupations toutes idees d'intrigues politi- 
ques, et qui soumettraient aussitdten cas d'urgence, et dans les 
deux jours, lorsque la mis^re n'apparaitrait pas tr^s immi- 
nente, le r^sultat de leurs enqu^tes au service des secours. 

Si favorable, desinteressement imm6diat des foumisseurs, 
dans une mesure proportionn6e aux depenses accus^es, etavis 
de ce secours pr^ventif aux interess^s. 

Le visiteur, loin d'etre half ou redoute s'il est correct et 
d'esprit subtil, saura amener k bonne fin sa delicate mission. 

De sa visite il resultera plusieurs conclusions possibles se 
relativant toutes plus ou moins k la suivante lorsque pro- 
pices k rinteresse: — L'indigence est profonde; le secours en 
Hj^nre ou en argent s'affirme indispensable , et ledit inte- 



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400 REVUE PH 

ress^ fait preuve d'une sto'iqi 

C'est a celui-ci qu'iront d 
viande, le secours de loyer, 
mcnt k sa p^nurie ; ei, si Tei 
favorable, s'ii en ressort netl 
grande somme d'efTorts, ma 
en presence des circonstanci 
les allocations plus s^rieuses 
sa rentr^e en rade, apr^s ce 
des autres p^cheurs amis et 
lui enfin que TOffice du Trai 
sorte que son amour-propre 
ment, il s'attachera volontiei 
aura 616 Tobjet, non comme 
ches minuscules k la rapacity 
le caract^re le d^gage de toi 
une avance utile que son pre 
Taube des jours meilleurs, 
perspective inqui^tante d'un 
sociale. 

Et dans le cas d'une enqi 
ment contrdl^e comme telle 
secours en nature de prime 
mesure du possible les quelqi 
encore Tindividu et de lui r 
de son prochain. 

Voici done, brifevement 
pr^ventifs digne d'un peupli 
blicaines, et qui semble s'6c 
temporains quelque peu re 
romain. 

Mais il semble supposer 
les r^partir la libre dispositi( 
devrait pouvoir suffire ft se 
Tintromission int^ress^e dc 
dispositions. Non, il ne faut 
repr^sentent, ft vrai dire, en 



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L'ASSISTANCE ID^ALE. 401 

sion de Tavenir, le mois d'avance, le placement du bon pferede 
famille. Que Targent des pauvres, leur appartenant, soit dis- 
Iribu^, fort bien, mais i condition toutefois que si Tenti^re 
repartition est aujourd'hui effectu6e, les affam^s qui survien- 
dront deoiain ne s*en retournent point le goussetvide, parce 
que tout a ^t^ distribu6. 

Distribuez tout pour complaire a quelques proseurs m6- 
contents dont le caquetage soi-disant litt^raire denote une re- 
doutable ignorance de toute T^conomie d'un pays, et puis oyez 
ensuite les recriminations du corps medical, a qui Tinsuffi- 
sance des credits ne permettra pas de crder des salles d'op^ra- 
tions, d'installer des frigorifiques et de conslruire des services 
sp^ciaux dans les ^tablissements. 

Mais ce sont Ih questions subsidiaires, et il importe de gra- 
viter autour du principe, k savoir que le plus ou moins d*ur- 
gence, la plus ou moins-value des secours h allouer et du tra- 
vail k procurer d^pendront de la sinc6rit6 des enqufites, ce qui 
implique pour ces derniferes un contr6le minutieux, d^gagd de 
tout personnel parti pris stranger aux questions de paup6risme. 

* 

Se pr^sente ensuite k Tesprit du philanthrope la question 
des secours k la vieillesse. 

Llndigence des vieiilards quiert sa source la plus g^n^rale 
dans Tabsence d'une caisse nationale des travaiileurs, destin^e 
i les pr^munir riellement contre les difficulties des derniers 
jours. 

Si la pens^e, dans la solitude, se mi]iritet s'affine,si Thomme 
^loigni de ses semblables est plus apte k les juger sainement, 
il n'en est pas de m6me quant aux choses de Texistence mat^- 
rielle. 

Seule, Ta^sociation est de nature k faciliter les moyens 
d'existence, k quelque point de vue qu'on se place. Une mul- 
titude de petits efforts concentres vers un m^me but devient 
un ineluctable levier, et puisqu'il est impossible it tons ceux 
qui occupent Touvrier de lui assurer, outre le present, Tave- 

RKVCK PHILAIVTHROPIQUB. — U. 26 



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402 REVUE PHILANTHROPI 

nir, dans la mesure de leurs moyens in 
de r^unir leurs efforts en vue de cr^er d 
ratives capables de manager, moyennan 
tion, les six ou huit cents francs ann 
Texistence de ces anciens laborieux. 

Je m'arrSte i ce chiffre d'ail leurs pen 
respond k pen pr^s au tarif d'entr^e de 
ouvertes aux humbles, et parce que je v 
les avantages ^vidents que trouverait 1 
de ces 6tablissements, sur ceux oti, gra 
grSce ^ d'ang6liques patiences ainsi qu'i 
il semble devoir h la commiseration publ 
vie de labeur honorable, si modeste, lui 
droit d'exiger. 

Indubitablement mieux traits, gr^ce 
taires ainsi augment^es par Tappoint in 
d^s son entree; plus libre de ses insta 
pourra jouir en toute s^r^nit^ du fruit di 
laire, et demeurer en paix avec son amou 
cr6puscule de la vie. 

On objectera, dans Tesp^ce, que les 
genre ne sont pas assez nombreux pour 
tous les vieux ouvriers. 

C'est, a la vdrit6 regrettable, et la fai 
imputer h personne, attient en fait aux in 
k Tagglomeration des masses dans um 
subvenir k I'existence de tous ceux qui 
par un s^jour suffisant, le domicile de s( 

Mais, outre que tous les veterans du 
pas, s'ils ont encore quelques vestiges de 
k rinternat de ces invalides civils, il n'ei 
semblable que la perspective de cons 
grftce aux associations gen^rales et profes 
le montant des pensions individuelles, k 
titulaires au moyen desdites pensions, sei 
pour TAssistance publique, etTinciterait 
k ^difier des maisons de retraite sp6ci 



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L'ASSISTANGE IDfeALE. 403 

diverses professions, le pr^c^dent ayant 6t6 d'ailleurs avanta- 
gensement 4tabli, conform^ment aux dispositions teslamen- 
taires de feu Br&in, par exemple, pour Thospice de la Recon- 
naissance, enfaveurdes forgerons; icelles de M"® veuve Rossini 
lilafondation Rossini, hYigard des artistes malheureux; k celles 
de William Galignani k Neuilly, relativement aux ouvriers du 
livre et de la pens^e. 

GonQoit-on, dhs lors, combien seraient ainsi all6g^es les 
charges de tons ceux d'entre les laborieux obliges le plus sou- 
vent de pourvoir k Tentretien de vieux parents inaptes au tra- 
vail, voire mfime infirmes, combien aussi serait diminu^ 
I'effectif des mis^reux de nos grandes cit6s? 

U y a mSme lieu de s'itonner de ce que, jusqu'i ce jour, 
apr^s la creation des syndicats professionnels de toutes sortes, 
riStat, qui a su pourvoir iTavenir de tous ses fonctionnaires, 
ait ainsi, de grd ou de force, n^glig^ les 6l6ments les plus 
notoires de sa vitality : Touvrier de la terre et celui de Tusine, 
et se soit, pour ainsi dire d6sint6ress6 de son sort, sous le pr6- 
texte vain d'une fallacieuse diff6renciation entre les affaires 
publiques et celles privies. 



Le secours k Tenfance complete la trilogie de charity qui 
nous prdoccupe. Ind^pendamment des moyens d'assistance 
maternelle pr^conis^s dans le bel ouvrage de M. Paul Strauss, 
YEnfance malheureuse, et dont quelques-unes d6jk sont en voie 
de fructueuse application, il apparait indispensable aux condi- 
tions de Texistence modeme, d'abolir k jamais le coupable 
pr^jug^ qui s'attache k la b&tardise, cause d'un si grand 
nombre d'abandons non volontaires et r^solus pour la plupart 
k dessein de respecter des conventions tout artificielles. J6sus, 
fils de Marie ! Le jour oil le fils naturel, fils de Famour le plus 
souvent, aura l^galement reconquis la place qui lui est due dans 
la soci^t4, la question des abandons sera presque r^solue. De 
plus, li^e intimement k la solution du problfeme paup^riste et 
d<jkatt6nu6e enthrone, paries moyens pr^ventifs sus-indiqu^s. 



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404 REVUE PHILANTIIRC 

il ne restera plus h rem^dier qu'a 
transitoires susceptibles de se produ 
rapplication r^guli^re des vrais prin( 
Ce n'est pas en coupant les derni^ 
Tarbre de sa ruine, mais en 61aguant 
terre ou s'alimente sa racine, pour 
d*une s^ve nouvelle et bienfaisante. 

A ces m^mes comit^s de quartier, 
de la mis6re, echerrait la delicate m 
enfants malheureux, et de les signaU 
est de ces petits desh^rit^s qui, les 6\& 
prouv^, demeurent ignores, et dont lei 
pour la soci^t6, tant k cause de rint6r 
tur^s peuvent apporter k Tirr^v^latioi 
de la pusillanimity des voisins, h^sita 
sid^rent comme une d^nonciation c 
vengeance. 

Ge syst6me,qui trouve sonapplicat 
certains cantons helv6tiques, apport 
d'avantages k la situation des petits q 
d'all6ger du poids des tares que ses 
eux. 

Au titre conclusif, 1' Assistance pul 
fonctionnement, ainsi que le d^clarail 
tance communale M. Fleury-Ravarin, 
dans ses bases pour qu'il y ait int^r^t 
que dans les details, k condition toutef< 
nomie implicitement suppose parcette 
integral, cequi, malheureusement, n't 
Mais il n'en appert pas moins netl 
du sentiment k la bonne gestion ad 
imp^rieuse dans ce rouage social, du f 
sous peine des'attirer haine et r^prob 
probit6 la plusrigoureuseetlaclairvoy( 
devraient 6tre exig6es ^toute heure,de 
auxquels incombe le soin de discernei 
mis^re, et de lui dispenser des secours 



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3S1STANGE ID^ALE. 405 

ratives, d6ja trop loin du mal pour en 
deviner I'utile remade, s'imposent des 
oire d'ilots, et qu'enfm, trois natures 
lemandent k Hre g^n^ralis^es dans un 
antir la s^curit^ morale du pays, savoir : 
11 et place de la minuscule et sp^cieuse 
[ de huit francs, tropl6g^rementr6partie 
jRs PR^vENTiF s^ricux, conuexe k Toffice 
iu laborieux marqu6 passag^rement du 
; enfin, la Caisse sociale de Retraite des 
dre, deslin^e k les pr6munir contre les 
la vieillesse. 

jolutionner ces trois grandes questions, 
)[es,seraproche de V^rede f6licit6id6ale 
:e rejette rageusement au rang des st6- 
jue ce si6cle serale prochain, puisque le 



ALCANTER DE BUAHM. 



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LES COLONIES DI 



Dans les num6ros 2 ct 6 de cette i 
D' Delvaille ont plaids avec une ferv( 
des colonies de vacances. 

En effet, non seulement les enfani 
habitant la ville, travaillant sans i 
mise en 6tat de passer annuelleme 
repos complet au grand air de la cam 
forces consum^es par le travail. D 
calculd que cette tr^ve r^guli^re p 
tiers la dur^e de la vie dans les clasi 
r^duirait d'un tiers la mortality ! 

Malheureusement; la realisation 
moment une chim^re ; cependant, en 
fants, en les fortifiant et en les gudri ss( 
gagn^. Leurs corps aguerris r6sistero] 
la vie, h Tinfluence pernicieuse du 
misfere. 

C'est encore bien peu, mais gutta ( 
colonies de vacances m6rite done d'^ 
notre Anergic. II s'agit de trouver un 
teux, permettantde soulager avec d 
milliers et des milliers d'enfants. II n 
etendue, r^gl^e, occasionnant la moi 

La bonne volonti de quelques fer 
ques propri^taires campagnards ne 
bien petit nombre de n^cessiteux ; d'f 



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408 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

Combien de stations pourrait-on ainsi fonder ! 

Chaque endroit joliment situ6, jouissant de qualit^s clima- 
t^riques, de for^ls et de prairies s'y adapterait. 

Une organisation philanthropique obtiendrait sans difficulty, 
je crois, la permission d utiliser les 6coles dans ce but bienfai- 
sant et le grand nombre de bMiments permettrait de ne plus 
6tre oblig6 de limiter le chiffrc des secourus. 

Ces colonies provisoires, il est vrai, ne seraient gu^re 
luxueuses; dans les salles de classes transform^es en dortoir 
on se bornerait k poser de bons matelas, munis d'un oreiller 
et d'une couverture, on reslreindrait les uslensiles de manage 
au strict n^cessaire, mais ce s^jour h la campagne n*en serait 
pas moins salubre et efficace, et ce modeste mobilier serait ais6- 
ment conserve pendant Tannde scolaire dans un grenier lou6 
k cet effet ou cdd6 gracieusement par quelque fermier. 

Les habitants de la locality et les propridtaires des environs 
fourniraient volontiers chacun une partie des vivres. 

Un tel se ddclarerait pr6t k faire cadeau de pommes de terre 
et de Idgumes, un autre de lait, d'oeufs, un troisifeme de farine 
ou de beurre; le boulanger procurerait du pain k des prix 
exceptionnels, le boucher la viande. 

En effet, je crois qu'avec un pen d'encouragemenl et de sti- 
mulation, bient6t chaque endroit supporterait k lui seul les 
frais de « sa colonic ». 

A Taide de la presse, avec Tintervention des prdtres des 
villages et des maitres d'dcoles, on gagnerait la sympathie de la 
population. Combien de sous gaspillds, d'objets superflus pour 
leurs propridtaires viendraient enrichir les fonds de la colonic I 

M6me les frais de voyage (restant toujours k la charge de 
la Socidtd, ainsi que la paie des personnes de surveillance) se 
rdduiraient considdrablement par la possibilitd d'envoyer les 
enfants dans la colonic la moins dloignde, sauf ceux dont Tdtat 
de santd exigerait des conditions spdciales de sdjour. 

Je crois qu'avec ces donndes d'dconomie on parviendrait a 
soulager moyennant une somme relativement petite un grand 
nombre d'enfants. On rendrait accessible k tons ce qu'on ne 
pent pour le moment accorderqu'^ quelques centaines. Et pent- 



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LA MIE DE PAIN. 

e dans le Figaro, d'autres ( 
Its k Foeuvre nouvelle, la 
Uastr^es s'int^ressent k el 
aspects. Un jour, elle aur 

es Dames de la Halle qu 
e en sc^ne vaut qu'on la i 
brel894. Faute d'argent, 
e qiielqu un eut Tid^e de 
nsionnement facile, comi 
idiants, d'apprentis et d' 



Aux Dames de la Halle. 



IS int^resser i TCEuvre de la J 
tribuer pendant les jours les 
I malheureux qui se pr^sentei 
t de d6passer le chifTre de sc 
irces sont modestes. Malgr^ n( 
suspendre bientftt notre cBUvre 
ijue vous ne refuseriez pas de 
3 charity ; notre espoir ne sera 
;tudiants se pr^senteront h voi] 
leur remettre. 



linsi qu'ils Tavaient anno 
s k bras, se rendirent aux 
zcfiSy qu^tant pour les pa 
coches s'ouvrirent. Les cc 
imes de terre, choux, nave 
Q fut telle, qu'elle suffit 
J fonctionnemont de TeBuv 
luit rdguli^rement. Chaq 

bb6 Lemire h la Chambre des d^ 
inique d^signant le petit carr^ 



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412 REVUE PHILAN' 

diants rendent visite aux Dames 
aussi, en t^moignage de reconnais 
nage Saint-Joseph de la Maison- 
gratuite. 

D'aulres concours se joignent 
vriers, des journalistes, des Dami 
flu de les enum^rer. Qu'il nous si 
de Pain se developpe, 6tend son a 
multiplier) t. Nous poss^dons k cet 
catifs. 

Voici, ann^epar ann^e, la liste 
la fondation : 

Premiere annee (489i-92). Litres c 

— — Moyenn 

— — Bons d( 

— — V^teme 

Le refectoire a 6U ouveri 

Deuxi^me annee (1892-93). Litres c 

— — Moyenm 

— _- . Bons dc 

— — Vfiteme 

Le refectoire a eU ouvert 

Troisifeme annee (1893-04). Litres d 

— — Moyenn 

— — Bons d€ 

— — V^teme 

Le refectoire a iti ouveri 

Quatri^ine ann6e (1894-95). Litres < 

— — Moyenm 

— — Bons d( 
— Vfiteme 

Le refectoire a et6 ouver 

Cinquifeme ann^e (1895-96). Litres < 

— — Moyenm 

— — Bons d( 

— — Vdteme 

Le refectoire a M ouvert 



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LA MIE DE PAIN. i] 

>6-97). Litres de soupe 40 000 

— Moyenne par soirie 666 

Bons de pain 40 000 

— Vetements 2 800 

ire a Mouvert pendant 60 jours. 

616 distribu^, depuis rorigine : 125300 li 
bons de pain; 14 500 vfitements. Stalis 
I on pense qu'il a pu se trouver dans li 
grand nombre de gens ayant faim e 
lis statistique consolanfe, si Ton envisag( 
nt 6i6 secourues ! 

gression conslante des chiffres. Pendan 
;efois, ils fl^chissent sensiblement. Ilfau 
nque de ressources. Pour y rem^dier, oi 
:erie. Autoris^e par le Pr^fet de police 
commerce parisien (cette protection s'es 
lagnifiques), la loterie de la Mie de Pair 
897. Son succ^s al^gitim^ les esp6rancef 
es met h, m^me de payer leurs detles, dc 
^ au moins pendant quelque temps, leui 

sont multiplids, Torganisation est deve 
IX distributions dc soupes et de bons de 
ules au d6but, s'ajoul^rent presque im- 

de v^tements, linge et chaussures. Au- 
)ntinue, pendant toute Tannic, par : 
IS m^dicales gratuites ; 
3 placement des enfants orphelins ou 

n d'unions ill6gitimes et la legitimation 

de bons de travail et de logement (c€ 
nt une extension considerable) ; 
es pauvres qui se charge de la corres- 

ces lignes, la Mie de Pain va commencer sa sep- 



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REVUE PIIILANTIIROP] 

des renscignements, dfts rapa 
a de la soupe par les jeuncs ou 
isiniers et servit6urs des pau\ 
Afin de la mieux connaltre, 
1, la visiter ensemble. 



uivrons la route k pied, qu 
5 cochers de fiacre la conna 
maitre pas du tout. 
Lvoir gravi la coUine des Gobe 
loulevards ext^rieurs qui, pari 
place d'ltalie. Puis, on bifui 
]Iailles. Des ruelles 6troites, 
is hautes ot profondes, tristei 
3st laid. Au haut de la rue B 
espace s'agrandit; Thorizon d 
palissades, d'immenses terra 
; qk et 1^ quelque misiSrable b 
1 trou, descendent vers la Bih\ 
itions, Bic^tre dresse sa mas 
aeuse d'hiver, ou les flammes ; 
brouillard avec peine, ces ch 

tr^s confuses, chaos d'imag( 
Bs obscurit6s ind6cises dans le 
p6le-m6le, ceux qui n'ont riei 
nous, i Tangle de deux rues p 
s'interrompent, font place i 
tre un mur, nous devinons da 

distinguons, une foule qui 
bre, six cents, sept cents pen 
autres, coudes serr^s pour avi 
ience sous Toeil apitoy^ de d 
des portes. Sur eux, un silen 
joup, dans le mur, une porte 
, projette une clart^. Nous v 



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LA MIE DE PAIN. 415 

blanchis h la chaux, sans autre omement 
ic, au-dessous de lui, cette devise : « Ai- 
es autres. » Sur de longues tables — des 
'6teaiix — sont align^es de copieuses ga- 
r anse est fich^e une cuiller d'dtain. 
is; nous sommes en retard. Vite un b6ret, 

besogne. Plusieurs de nos amis (les jeunes 
ettent une sorte de point d'honneur h arri- 
Dus ont devancds. Depuis deux heures, ils 
ain, ^pluchant les Idgumes, attisant le feu, 

office, autour de six ^normes marmites de 

venu d'introduire les pauvres et de les 

t sans bruit sur les bancs disposes autour 

dans leurs doigts raidis. <( Apr5s Tattenle 

chaleur de la salle leur donne un instant 

[Is ont un sourire fugitif lorsqu'on leur sert 

jettent dessus avec une avidity febrile. Des 

enfants grelottants et blfimes, de jeunes 

5b^tds par le froid et la faim, de vieux 

3t hirsutes (4)... » Quelles misbres sont 

[rames se pressentent? Celui-ci est un ing^- 

vail depuis de longues anndes. Celui-la est 

rvatoire, ancien maitre de chapelle de deux 

autre, revient d'une colonic lointaine ou 

jheuses Font ruin6. Ce petit enfant venu 

ste vie : son p5re mort dans un accident 

ilade, son frfere infirme; il doit k quatorze 

LC famille. 

uns se livrent, font des confidences, se 
r de leur pass^. Mais c'est une exception, 
ire se tait, reste morne. On n'ose les obser- 

I d^pcndance du patronage Saint-Joseph de la Maison- 

;es gamelles est d'un litre et demi environ. 
t6e pour faire la cuisine et servir la soupe. 
lique de M. Andr^ Hallays dans le Journal des Debats. 



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416 REVUE PHILA^ 

ver, dans la crainte qu'ils ne sais 
sit^ apitoy^e, et qu'une souffra 
qu'elie soit, ne leur gdte la joie 
gamelle chaude 

Avant qu'ils ne commencent, 
Pere qui etes aux Cieiix,.. donne 
guottdien... » Le souvenir de U 
fond de ces &mes. A voix basse, i 
tent. Et des regards se tournent 
retenlit : « Bon app6tit, mes amis 
unanime. On ne per^oit plus, p( 
le bruit des cuillers. 

A mesure que les gamelles 
baiss^es, se reinvent. Les yeux 
peu de sang circule sur les pau^ 
de ce spectacle, des sentiments 
Tftme. On 6voque le souvenir de 
d'or se gaspille, par exemple dc 
converts k 45 francs par t6te. On 
journaux mondains : 

Exquises les pdtes aux fraises ayan 
fruit nouvellement cueilli. C'est en ce 
dessert k la mode. On lui donne la f( 
Sucre ! On le sert dans des coupes de ci 
Yeille pour plaire k la vue avant de sal 
fisent k completer le convert. Mais on 
savoureuses, les plus fines, et chaque i 
de coquetterie k se cr^er en ce genre u 

Ou encore : 

Voici les derni^res nouveaut^s pou 
petit paletot de basin bleu k ample coll 
ebon destin6 k les prot^ger sur les rou 
de drap vert chasseur, liser^ de drap 
avoir, autant que possible, son costum< 
dtoife, k celui de sa maitresse. 

On fait des manages. La jeune ^poi 
avec collerette de tulle. Au collier, du 
maria^e, de la fleur d'oranger. La cort 
iiierveille, vStements varies, mouchoi 
grelots d'or et colliers de perles.*. 



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LA MIE DE PAIN. 417 

Alors, ce luxe insolent apparait comme un crime. Pourquoi 
388 inigaliWs? Pourquoi toutes les jouissances aux uns, aux 
etutres toutes les mis^res? On s'afflige, et Ton s'indigne. C'esl 
\rraisemblablement k Vid6e d'un tel conlraste que Lucien Des- 
caves cria le cri de colfere qu'il a mis en exergue de son der- 
nier livre (1) : « Les philanthropes distribuent des soupes; j'en 
trempe. » 

Lorsque les gamelles sont vides, les mis^reux se retirent 
pour faire place k d'autres. Rapidement on nettoie les tables 
avec de la sciure de bois. On prepare de nouvelles gamelles. 
El le d6fil6 recommence. Cent cinquante personnes seulement 
peuvent prendre place h la fois. 11 y a chaque soir trois et 
quatre fourn6es successives. Que vont-ils devenir en sortant? 
Oil dormiront-ils? 

L'autre nuit, apr^s avoir mang^ la soupe, un vieillard est 
all6 mourir sur les fortifications — ce dernier abri des gueux. 
Quelques-uns s'adressent k THospitalit^ de nuit. Mais^ pendant 
rhiver, les refuges sont encombr^s. La Mie de Pain distribue 
iceux qui n^ont pas de gite des bons de logemenl grftce aux- 
quels ils sont recueillis dans les garnis du quartier. Ce c6t^ de 
Toeuvre se d^veloppe de plus en plus. 

» 
» « 

Lorsque tout est fini, apprentis, ouvriers et ^tudiants retrous- 
sent leurs manches, balayent le plancher, nettoient les tables, 
ou bien, transform^s en plongeurs, lavent la vaisselle. II y a 1& 
huit cents gamelles, autant de cuillers, six grandes marmites 
qu'il fauttenir prates pour le lendemain. Car chaque soir, la 
distribution recommence. Chaque soir, des centaines de mal- 
heureux, quelquefois venus de tr^s loin, reprennent le chemin 
de la bonne demeure, au seuil de laquelle il semble qu*une 
main bienfaisante ait ^crit : « Vous qui avez faim, entrez et 
mangez. » 

La Mie de Pain apparait encore comme une 6cole de solida- 

(1) Soupes f par Lucien Descaves (1898). 

MVUB PHILAlfTHROPIQUB. — II. 27 



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418 REVUE PHILAN 

rit6. C'est un point sur lequel il c 
jeunes apprentis sur tout, c'est k 
t^moignera le plus d 'affection au] 

Celui-ci apporte huit sous, s( 
appelle Targent qu'on lui donne ] 

Celui-1& demande la permissic 
gamelle. II la porte chez une p 
pent sortir. Puis, — la charity i 
deux agents de police qui station] 
le bon ordre, remettant cinq frar 
Comment accueillera-t-on une so 
cusent presque : « C'cst le produ 
nous. Nous nous connaissons e 
Nous Savons que ceux qui vier 
courus. » 

C'est encore un ancien client ( 
« tir6 d'affaire » qui tient k deve 
qui apporte son obole. 

La liste de ces faits serait ic 
dont la beaut6 vaut qu'on le m 
redire, tr^s simplement, comme ( 

Ghaque dimanche, au patrons 
sur un registre par groupes de ( 
eux un roulement pour assurer 
Albert P... s'6taitinscrit comme 1( 
il avait contribu^ k distribuer le 
selle. 

C'^tait la premiere fois qu'il ^ 

Chez lui, on est presque dam 
de buanderie, sa m^re, confection] 
r^ussissent k force de travail, d'o 
k leurs enfants une sorte de bien 
se distinguent de leurs petits ami 
Leur logis connait la propretd, — 
Jamais ils n'ont souffert de la fail 

Aussi Albert est-il profond^me 
il a 6t6 le t6moin I Son Amotion s' 



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LA MIE DE PAIN. 419 

ie ressources, va 6tre obligee de fermer ses 
er ses pensionnaires. 

evenir, les mioches d^uenill^s, presque nus, 
jr une gamelle de soupe, dont, lui, e6t fait 
itte pauvre m^re qui sollicitait comme une 
p pr^s du po6le pour r^chauffer son enfant k 
;es vieillards qui, converts de haillons sor- 
ssouvie, explorent les gamelles de leurs voi- 
I'y d^couvrir quelques bribes ! 
rentre chez lui, des sentiments confus, inex- 
ent son ftme. II se reproche presque de ne 
, lui, d*avoir un bon lit k partager avec son 
toujours bien v6tu, d'avoir toujours suffisam- 

deux heures de corvee de vaisselle, ce n'est 
part de d^vouement n'est pas suffisante, qu'il 
lelque chose pour aider la Mie de Pain. 
t k ses camarades d'atelier ! S41 leur deman- 
itre eux une collecte. C*est une id^e cela! II 
nt bon ccBur an fond. Silrement, ils ne lui 
ir un refus. 

5 la nuit, il songe k la fagon dont il s'y 
e un plan de bataille. II mtlrit ses questions 
: — Toi, je te fais toutes tes commissions; tu 
jf user deux sous. — Toi, tu boiras un canon 
Btc. 

)re en arrivant k Tatelier. Sa gait^ ordinaire 
a air de tristesse, comme un reflet de ce qu'il 
le son visage. Tristement, il gagne son ^tabli, 
imentil s'y prendra pour lancer son appol, 
entree en mati^re. 

imarades arrivent, se mettent an travail, apr^s 
ign^es de main, lis sont de bonne humeur. 
presage. Quelques-uns grognent vagtiement 
qui, venu en retard, n a pas sufftsamment 
giis ga ne tire pas k consequence. En travail- 
ufife vite. Et Tatelier d6borde de vie. Le grin- 



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420 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

cement sourd ct continu des limes met comme une sourdine au 

chant cadencd des marteaux. Quelques-uns causent ; d'autrcs 

sifflent. Le bruit des outils et des voix se confond, se m^le... 

Albert, qui vientde bourrerle poftle, croitle moment venu: 

— Vous ne vous plaindrez plus. Le voici tout rouge, le 
po^Ie ! II fait bon ici, tandis qu'au dehors, tant de malheureux 
ont froid... 

Et, brusquement, la voix tremblante, il raconte sa soir6c h 
la Mie de Paiuy et explique i ses compagnons ce qu'il attend 
d'eux. 

— Bravo, petit, dit un vieux. La misfere, nous connaissons 
Qa ! A r^poque de mon accident, j'ai 6td heureux que les 
copains se cotisent. Prends ton b6ret et fais le tour des ^tablis. 
Ceux qui n'ont pas d'argent sur eux en apporteront tant6t, ou 
bien on leur en prfitera. 

L'apprenti ne selefait pas r6p6ter. II va d'^tabli i Stabli, 
recueillant Tobole de chacun. Ilsembleque lediscoursdu vieux 
rcQoive Tapprobation unanime, lorsque tout k coup une protes- 
tation s'^lfeve : 

— Pour qui me prends-tu? Ce n'est pas it moi qu'il faiit 
conter ces blagues. Plus souvent que je te donnerais de la mon- 
naie pour des feignants ! Et cela s'accompagne d'une bord^e 
d'injures. 

Albert ne souffle mot. II a d'abord rougi. Sa nature ardente 
a fr6mi sous Tinsulte. Mais il regagne sa place. Et, sans avoir 
le courage de compter le produit de sa collecte, il se met k limer 
avec rage. L'atelier, tout k Theure si bruyant, est presque 
silencieux. Plus de lazzis, plus de chansons. Un sentiment de 
g^ne oppresse tout le monde. Les limes mordent plus durement 
le fer, comme pour hurler la plainte que Tenfant a su contenir. 

A deux ou trois reprises, Touvrier qui est ]a cause de ce 
changement veut entamer une conversation. II essaie de 
gouailler,mais, hesitant devant les visages soudain plus durs, il 
lente une diversion. D'un bout k Tautre de Tatelier, il crie k 
un camarade : (^ On mange ensemble aujourd^hui. C'est moi qui 
regale. — Non, r^pond Tautre. J ai invito Albert. Je Temm^ne 
kla maison. » Et, pour mieux marquer la mise k I'index, le 



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^INSTITUTION 



DES 



CAISSES D'fiPARG 



Au-dessous des agitations pol 
blent nos soci6t6s modernes, il se 
dans ie calme des trdfonds social 
tinu, puissant, qui prdpare les vr 

Ainsi, en France, depuis vingt- 
si^cle, — long espace de la vie hi 
riode active d'une g^n^ration, — 
notre pays cinq pr^sidences, tout 
solant de ministferes varies et les 
soufflant actions et reactions, au gi 
dehors, dc la paix int^rieure et de 
On pourrait citer des projets de lo 
(sur les mutualit^s, sur les retraite 
ans, remani^s constamment sous 
attendent encore une solution et 
oeuvres tronqudes et stdriles. 

Mais au-dessous de ces courai 
fois funestes, certaines institutio 
organis6es ou ddvelopp6es par dc li 
samment servi le travail national, 
gr^s moral et materiel du peuple 
grand journal anglais The Times^ 
regard de ce qui se fait en dehoi 
sujet de Tinstitution frauQaise des 
si heureusement rdussie depuis 1 
chez tons les peuples civilises : « In 



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L'INSTITUTION 6DUGATRICE DES CAISSES D'fePARGNE. 423 

En v^rit^, e'est un grand succ^s pour la France! » Et M. de 
Bismarck ^tant chancelier de TEmpire, a ddnonc^ \k un des 
signes de notre relfevement nationaL 

En 1874, comme en 1870, notre pays 6tait en arrifere de 
tons les principaux peuples civilises sous le rapport des Gaisses 
d'^pargne, de la plus importante des institutions populaires 
du monde modeme : la France ne comptait dans ses Caissesr 
d'^pargne que deux millions cent mille d^posanis, et un stock 
d'^pargnes en d^p6t de cinq ceM quarante-cinq millions de 
francs; elle compte aujourd'hui plus de huit millions de d^po- 
sants, et plus de trois milliards de francs en d^p6t. 

Et les rapports officiels du ministere du Commerce, aussi 
bien que les comptes rendus annuels des administrations lo- 
cales de nos Gaisses d'^pargne, de nos Gonseils g^n^raux et de 
nos autorit^s scolaires constatent que ce progr^s est dA en 
bonne partie aux Gaisses d'^pargne scolaires : cette institution 
a exerc6, depuis vingt ans, une grande influence sur Textension 
de la clientele adulte des Gaisses d'^pargne, soit par le nombre 
des ^coliers devenus ouvriers, soit par le nombre des ouvriers 
amends aux Gaisses d'^pargne, gr&ce k la propagande instinc- 
tive des ^coliers dans leurs families et des instituteurs parmi 
les populations de leur entourage, h Toccasion de I'exercice des 
Gaisses d'^pargne scolaires. 



G'est en France que la veritable id^e premiere des Gaisses 
d'^pargne scolaires a surgi, en 1834, et c'est en France que 
rinstitution, apr^ quarante ann^es de tentatives rest^es Isoldes 
ou incertaines, a pris en 1874 son oi^anisation precise, facile, 
siire et essentiellement educative; ce qui est un fait assez rare, 
chez nous, dans notre pays oh les id^es naissent nombreuses, 
mais le plus souvent vont se r^aliser et grandir k Tdtranger, 
d'oCi elles nous reviennent plus tard comme des oeuvres 6tran- 
gferes. En 1874, la France ne possddait encore que sept Gaisses 
d'6pargne scolaires; depuis Torganisation r^l^e en 1874, Tin- 
stitution s'est propag^e dans pr^s de vingt-quatre mille 6coles 



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42i REVUE PHILANTHROPIQUE. 

(= 23 980). Et ce progrfes s'est accompli par une libre initiative 

faisant appel k des d^vouements v^^'^TifnirAa • p/Asf AnonrA \h nn 

fait k remarquer, car il montre ( 

initiative existe avec autant de p 

les plus iiers de cette pr^cieuse 1 

vivifiant pent se r6v61er k tout dij 

Paris, mais encore en province, 

dans nos municipalit^s, dans no 

raires, industrielles, agricoles, ( 

autres compagnies ^conomiques 

d^partements m6me les plus 61oij 

Voil^ ce que d'^minents ho 
strangers ont reconnu, et (nous d 
de la meilleure grftce du mond 
viennent surtout d'Angleterre, d( 
magne. 

Dans deux articles tr^s appr 
glaise. The XIX^^ Century y a d6cr 
Caisses d'^pargne scolaires. Voici 

« Cest k la France qu'appart 
elle pent Hve justement fifere — 
de Caisse d'^pargne scolaire; ju 
plusieurs pays d'Europe, des essa 
part n'avaient rien d'un syst^mc 
catif... 

« En 1873, M. de Malarcecomb 
scolaire sur la base d'une institui 
et ^ducatif. Les premieres ann^e 
depuis 1874 ont ^videmment pro 
de bon syst^me que, durant les < 
les Caisses d'^pargne scolaires 6 
de tentatives Isoldes et peu r^usi 
venu k obtenir des notabilit^s 1 
pr^voyait pas ; et k son appel pai 
discours et autres moyens de pro 
seignement k tous les degr^s ont 
tique et un sens d'^ducateurs to 



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L'lNSTITUTION feDUGATRIGE DES CAISSES D'fePARGNE. 425 

depuis que la m^thode franQaise de 1874 a 6td formulae, ily 
avail eu en Angleterre sur ce sujet un tant soit peu seulement 
de Tesprit public quia £t^ cr^^ en France par la sage et habile 
politique et Tindomptable Anergic de Torganisateur frauQais, 
nos instituteurs et nos Boards of Schools ne seraient pas resl6s 
la plupart dans rindiff^rence ou Tignorance des recommanda- 
tions que notre D^partement de TEducation a adress^es dans 
ces demi^res ann^es... 

« Une Caisse d'^pargne scolaire n'est pas une banale coUecte 
de sous, mais elle doit Mre un exercice d'^ducation : elle diff^re 
d'une Penny-Bank ordinaire en trois points distincts: 1** elle 
forme partie int^grante desexercices de T^cole; 2<> elle est di- 
rig^e, op6r6e et comment^e par Tinstituteur, k Texclusion de 
tout intrus, de toute personne ^trangfere k T^cole; 3** Ies<5colier8 
sont seuls d^posants, et ils ne d^posent queles menues sommes 
de leur propre argent de poche. » 

On voit qu'en Angleterre, les esprits d'^lite ont bien com- 
pris le caract^re ^ducatif et la port^e morale de cette institution, 
qui, k rinstigation de la France, et depuis 1876, a trouv6 dans 
la Grande-Bretagne de dignes promoteurs, d'abord k Liverpool, 
k Birmingham et k Londres. 

Un 61oquent commoner^ M. Samuel Smith, M. P. pour 
Liverpool, a dit cette parole de profonde observation morale et de 
haute port^e sociale : « Ces faits d'ipargne de la part de nos 
enfants sont des actes de sacrifice; et toutes les grandes choses 
se font par la vertu d*un sacrifice; Texercice habituel et m^- 
thodique de T^pargne des 6coliers, dirig^ et ^clair^ par le 
maitre, dans T^cole m£me, forme ainsi des 6nergies morales et 
bien r^gldes qui, dans la vie de Tadulte, se retrouvent d6cu- 
plSes... » Lord Derby, r6v6que d*Exeter et d'autres moralistes 
et^ducateurs de grande autorit^ ont consacr6 parleurs discours 
k Liverpool, d'apr^s Texp^rience, des observations analogues. 
En 1896, la ville de Liverpool comptait 82 School-Banks, avec 
36 327 ^coliers ^pargnants, ayant un ensemble de petites 
^pargnes en d^p6t de 5739 livres st. (= 143475 francs). 

A Birmingham, dans la grande cit6 industrielle, le 
T. Hon, Joseph Chamberlain, ancien chef du parti avanc6. 



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426 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

actuellement ministre d'etat, a donn^ une forte impulsion aux 
School Savings Banks de la viile qu'il repr^sente au parle- 
meDt et qui est aujourd'hui munie de School Savings Banks 
dans toutes les dcoles du Board municipal. Le rapporteur de ce 
Board constate que ce sont les directeurs des ^oles qui ont 
demands Torganisation dans leurs ^tablissement^ de cette nou- 
velle branche auxiliaire d'^ducation; ils consid^rent que cet 
exercice scolaire a augments Tattrait et Tint^rfit des enfants et 
des parents k regard de T^cole. 

Ce qui s'est y^rifid d'ailleurs plus largement dans les six 
demi^res anndes, depuis la loi nou velle dite Free Education 
Actf mise en vigueur le 1" septembre 1891. Cette loi, imitie 
de la loi frangaise de 1833, a exon^r^ des frais d'^colage la ca- 
tegoric des dcoliers la moins ais^e. Au moment de la promul- 
gation de cet Acty le Conseil royal de F^ducation adressa k to us 
les directeurs d'6cole une circulaire ou il leur rappelait qu'une 
bonne ^cole ne se borne pas k preparer les 6lftves k des examcns 
d'instruction, mais s' applique aussi k agirsur le caract^re 
moral des enfants ; que d6jk le Parlement avail 6dict6 qu'une 
^cole ne serait qualifi^e d'excellente^ litre donnant droit k la 
plus haute gratification parlementaire, que si elle pratiquait 
Texercice ^ducatif de la Gaisse d'^pargne scolaire ; et qu'une 
occasion se pr6sentait de populariser plus encore les School 
Savings Banks, dijk stabiles dans plus de 2 500 6coles en An- 
gleterre : les instituteurs, les pasteurs, les juges de paix, les 
trustees et autres notables locaux, pourraient engager les fa- 
milies exondrdes des frais d'^colage par la loi nouvelle k 
employer cet argent disponible en recompenses donn^es de 
temps en temps k leurs enfants, suivant leurs bonnes notes de 
classe et leurs m^rites k la maison ; et les enfants mettraient 
ces pennies k la Gaisse d'^pargne scolaire. La recommandation 
a parfaitement rdussi; et d^s Fannee suivante, en novembre 
1892, on constatait qu'un beau quantum des sommes liberies 
avail dejJt pris refuge dans les School Savings Banksy soil une 
somme totale de 143 000 livres sterling (3 575000 francs). Et 
ces bons effets sont signal6s dans les campagnes comme dans 
les villes. A Londres, ou, en 1887, sur 1075 directeurs d'^coles. 



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L'lNSTITUTlON feDUCATRICE DES CAISSES DMfePARGNE. 427 

922 avaient agr^6 Is, School Savings Bank, les families des 6co- 
liers ont parfaitement r^pondu k Tappel duGonseil d'^ducation. 
Ces progr^s avaient €16 fort bien pr^par^s par les efforts du 
savant et illustre aveugle, Henry Fawcett, professeur d'^cono- 
mie politique de TUniversit^ de Cambridge, ministre d'Etat 
(grand maitredes postes) de 1880 k 1884. 

En Allemagne, ou M. le pasteur Senckel a fait organiser, 
depuis 1877, 2 899Caisses d'^pargne pour la jeunesse, ayant 
243 933 6pargnants, M. de Bismarck, 6tant chancelier de Tem- 
pire germanique, a recommandd aux ^ducateurs allemands : 
« cette nouvelle branche d*^ducation, la Schulsparcasse^ Tap- 
prentissage de la vie dconomique et morale du peuple travail- 
leur, le siminaire de toutes les autres institutions populairesy 
comme une des forces du relbvement de la France, qui forme 
d^s r%e malleable les generations nouvelles k la vie sobre et 
r^glee, k la domination de soi, k ces vertus domestiques et 
sociales qui constituent chez les adultes les caractferes forts, 
virils... » 

Et le grand stratfege de I'AUemagne, lemar^chal de Moltke, 
dans sa retraite, a tenu le mdme langage aux maitres d'^cole 
allemands, k ces Schulmasters qui, disait-on, avaient prdpard 
la victoire, et qu'on s'occupe aujourd'hui de stimuler « k for- 
mer encore, pour Tarmee, les enfants de TAllemagne par un 
apprentissage de la vie 6conomique et morale, de la vie forte 
et regime, par Texercice habituel du sacrifice, notamment par 
la pratique de la Caisse d'^pargne scolaire, k Tinstar de la 
France »• Etil a contribu^ de ces dons, autrement assez parci- 
cimonieux, pour encourager par des m^dailles et des prix les 
educateurs de sa province, et ensuite de toute TAUemagne, a 
etablir des Schulsparcassen, s^minaires de discipline morale, 
facteurs de force nationale. 

En Autriche-Hongrie, Franz D6ak, le r^novateur de la Hon- 
grie, dont la mort (1876) fut marquee par des fun^railles dignes 
d'un Sobieski ou d'un Franklin, a laiss^ k ses amis une sorte 
de testament politique, ou, entre autres conseils, il leur rappelle 
ce qu'il avait dit it M. de Malarce dans un entretien, k Buda- 
pest, sur les institutions populaires : « J'ai bcaucoup pensd k 



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REVUE PHILANTHROPIQUE. 

; je sens bien que si j'ai fait mon peuple politique- 
le reste & le former suivant les moeurs ^conomiques 
; aux qualit^s brillantes, vaillantes, tout en dehors el 
de nos races orientales, il faut ajouter les vertus plus 
! rOccident, la sobri6t6, Tesprit d'ordre, la vie r6gl^e, 
•6voyance, qui les arracheront un jour aux vaines 
s, au gaspillage et i I'usure : ce que feront excellem- 
laisses d'^pargne, et surtout les Caisses d'^pargne sco- 
ig6es et comment6es par nc 
it ainsi, d6s T^ge tendre, les v 
s. » Suivant le voeu de Franl 
al, Franz Weisz, president d 
e, vint i Paris en 1878 s'^cl 

t de retour Ji Budapest, il fit cr6er une section sp^- 
la Handels-Academia pour la propagation des Caisses 
scolaires. 

•tugal, comme en Espagne, cette institution fran^aise 
ris^e par de notables hommes d'Etat, de science et 
ration : ainsi par Tancien premier ministre, M. de 
m^s, M. da Costa Goodolpheim, de TAcad^mie des 
jt M. Jos6 Ribeiro, directeur du Monte Pio official ; 
rid^e ing^nieuse d'apposer aux murs des 6coles ces 
pour r^dification des maltres, des icoliers et des 



>as de meilleur instrument pour ouvrir au peuple la vraie voie 
ition que la Caisse d'^pargne scolaire. 

Franz D4ak. 

\ d'^pargne scolaire enseigne la sage ^conomie comme on en- 
rertu en la faisant pratiquer. 

Malarce. 
iliation k toutesles institutions de pr^voyance. 

LUZATTI. 

on est et doit Stre Tiniliation pour la vie complete. 

Spencer. 



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L'INSTITUTION feDUCATRlCE DES CAISSES D'fePARGNE. 429 



II 

L'exercice scolaire de la Gaisse d'6pargne a, en effet, le m6- 
rite de montrer complfetement k V6lh\e, au futur ouvrier, ce 
qu'est une caisse de compensation 6conomique;elle fait toucher 
du doigt Tavantage de cette operation k double effet, oh d'abord 
on se prive de quelque objet futile pour obtenir ensuite, plus 
lard, par compensation, un objet n^cessaire ou d*une s^rieuse 
valeur. Seule, de toutes les institutions de pr^voyance popu- 
laire, la Caisse d'^pargne permet k un ^colier de jouir de cette 
compensation k courte ^chdance, dans un temps mesur^ suivant 
son esprit d'enfant k courte vue : les sous qu'il 6pargne aujour- 
dliui en les sauvant de petits gaspillages, de d6penses en bon- 
bons, chiffons et autres futilit^s, illes retrouvera dansquelques 
mois, dans quelques semaines, et avec quel honheur ! — pour 
s'acheterun livre, un objet de v6ture, que sa famille ne pour- 
rait peut-6tre pas lui acheter k ce moment; ou encore, pour 
contribuer k une bonne oeuvre, non pas avec des sous subtilises 
k la faiblesse de ses parents, mais avec des sous de son propre 
petit p6cule, recompenses de ses m6rites k r^cole et k la mai- 
son, et qui repr^sentent fi^rement, par la mise k T^pargne, les 
sacrifices de r^colier aux vertus d'ordre, de sobriety, de pr6- 
voyance. 

Et \oi\k pourquoi on a nomm6 la Gaisse d'^pargne scolaire 
recole pratique d'initiation de toutes les institutions de pr^- 
voyance. 

Plus tard, quand les vues de Tecolier, devenu apprenti, 
s'etendront, il sera prepare pour comprendre la compensation 
economique k plus longue port^e qui s'offre au travailleur 6co- 
nome dans les combinaisons des societ^s de secours mutuels 
pour les cas de maladie et pour la vieillesse. 

Mais k Fenfant de dix k douze ans, gardons-nous de dire 
qu'il ne recevra le fruit de ses ^pargnes actuelles qu'6 une 
ipoque indefinie, inddpendante de sa volont^ou tr^s lointaine; 
il penserait qu'en fait vous le leurrez par une sorte de confisca- 
tion. Si ses Spargnes etaient affect^es k une society de secours 



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430 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

mutuels^ elles prendraient la forme de cotisations mensuelles 
rigoureuses, peu en rapport avec ses ressources de poche va- 
riables, et deviendraient ainsi des cotisations servies par le pfere 
qui plus nettement ferait mieux de payer par versement direcl 
k la Soci^t6 mutuelle les cotisations de son enfant. L*^coUer n( 
ferailplus I'exercice salutaire, ^ucatif, moralisant, deT^pai^^ 
libre et personnetle. Et si les ^pargnes de Tenfant ^taient affec- 
t^es ^ une caisse de retraite, T^colier comprendrait moins en- 
core une compensation de ses ^pargnes qui ne se r^aliserait que 
dans trente ou quarante ans. 

Et cette premiere impression d'enfance : les institutions de 
pr^voyance voilant une confiscation, pourrait affecter poai 
toujours Tesprit de Tenfant devenu homme, et» le rendre mal 
dispose k appr^cier, dans Tind^pendance de son ^ge viril, h 
Soci^t^ de secours mutuels et de retraite. 

Lorsque, k la Caisse d'^pargne scolaire, T^colier aura vu el 
touch6, a sa guise, suivant son d^sir et son besoin, Tai^nl 
qu'il a confix nagu^re k la Caisse d'^pargne, et qu*il vcut em- 
ployer aujourd'hui pour une satisfaction utile, quand il aura 
pratiquS pendant plusieurs ann^es de son enfance cette caisse 
de compensation, vous pourrez, k sa sortie de Ticole, offirir au 
jeune homme qui va devenir ouvrier, un livret de Sociit^ dc 
secours mutuels et m^me de Retraite pour la vieillesse ; alors il 
comprendra, car son Education 6conomique de prdvoyance sen 
faite, et T^conome apprenti deviendra bon mutualiste et boB 
coop^rateur. 

Done, que Tinitialion aux institutions de compensation 6ca- 
nomique commence par la Caisse d'^pargne scolaire; et que 
cette Caisse d'6pargne scolaire fonctionne dans son plein exer- 
cice de compensation : ouverte pour recevoir les sous de pach( 
personnels de l*6colier, ouverte aussi pour rendre les ^pargnes I 
I'^colier.Que si,k la distribution des prix qui termine les dtudei 
primaires d'un 6colier, on le gratifie d un livret de Soci6t6 di 
secours mutuels ou de retraite, au lieu d'un livret de (^aiss< 
d'^pargne (puisque Tdcolier poss^de d^ja son livret de Caisse 
d'ipargne acquis par ses propres, efforts), rien de mieux 
Et voilii ce que Ton devrait faire de I'argent que les municipa 



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r 



-rr^ 



L'INSTITUTION feDUCATRICE DES CAISSES D'tPARGNE. 431 

lit^sou les comit^s soolaires emploient aujourd'huikdistribuer, 
enprix,deslivretsdeCais8ed'6pargne; on gratifierait de Sfrancs, 
10 francs et plus un certain nombre de livrets de soci^t^s de 
secours mutuels, et on remettrait ces livrets ainsi amorces anx 
4l^ves sortants des 6coles primaires. 

Ainsi se r^glerait Vidtkcation de lapr^voyance. 

Cette education de la pr^voyanoe n'est pas moins importante 
pour les fiUes que pour les gar^ons : 

En 1876 et 1877, sur un rapport de M. de Malarce, le Con- 
grades agriculteursde France, pr^sid^ parM. Drouyn deLhuys, 
^mettait k Tunanimit^ deux voeux, fortement motives et ap- 
puy^s par M. le conseiller d'fitat Tisserand, directeur g6n6ral 
de Tagriculture, k savoir : « que les 6coles et les fermes-^coles 
soient dot^es de Caisses d'^pargne scolaires partout ou les eir- 
constances locales lepermettront; — et que les 6coles de fiUes 
soient munies de Caisses d'^pargne scolaires comme les 6coles de 
gar^ons. » 

On invoquait ce motif que, dans les manages d'ouvriers, et 
surlout dans les formes, la femme est la veritable minagere de 
la famille; que la femme fail la d^pense par le menu au jour le 
jour, et qu'ainsi elle pent faire T^conomie ; que la femme a aussi 
le soin des grosses d^penses, loyer, v6tures, approvisionne- 
ments de m^age, etc., et que oe souci la porte i la pr6voyance 
joumali^re, h. la discretion pour les d^pcnses courantes, sur 
lesquelles on doit faire des ^pargnes en vue des d^penses plus 
fortes etplus lointaines; et enfin qu'eng^n^raljdans lesfermes, 
c'est la femme qui dirige la basse-cour et tient les comptes des 
petites exploitations. 

Ces vues justes et pratiques ont ^16 bien comprises, enFcance 
et ensnite k T^tranger. Ainsi, notamment, aux Etat-Unis, ou de- 
puis vingt ans, k Texemple de la France, des hommes degrande 
autorite tels que les Hon. S. Pomeroy Townsend, president de 
la principale Caisse d'^patgne de toute TAm^rique, et S. Mer- 
rill, fondateur et president des Faculty et college de Belloit, 
et, M- J. H. Thiry, ancien president de Board of Schools, ont 
suscit6 la creation de nombreuses Caisses d'^pargne scolaires 
dans les Etats de TEst de la grande R^publique am^ricaine 



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432 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

une femme de haute culture intellectuelle, M"* Sara-Luis 
Oberholtzer, publiciste tr^s vers6e dans les questions d'6duca 
tion, s'est appliqu^e k la propagande des School Savings Bank 
pour r^ducation 6conomique et morale des femmes. A un 
6poque et dans un pays ou Ton tend i augmenter les droit 
16gaux de ia femme, il parait convenable de fortifier par Tddu 
cation les habitudes et les Energies de la femme, pour 6lever se 
facult6s au niveau de ses nouveaux devoirs et de ses droit 
acquis. 

Ge n'est pas seulement dans le nouveau monde am^ricai 
que institution frangaise des Caisses d'^pargne scolaires a ^t 
bien comprise et propag6e pour le biendu pen pie; bienplusloi 
encore, dans VAustralasie, k nos antipodes, dans ce nouvea 
monde du xix® sifecle, une soci6t6 s'est constitute, d5s 1871 
pour propager les Caisses d'^pargne scolaires (suivantle system 
de France, dit Texpos^ des motifs de la fondation). Et le gouvei 
neur de la colonic de la Nouvelle-Z^lande, Lord Normanb) 
dans son discours d'inauguration de cette ceuvre fondamei 
tale de T^ducation populaire, dit aux colons, aussi ardeni 
aux d^penses extravagantes qu'Ji la conqu6te de la fortune 
« Vous venez ici pour acqu6rir les moyens de vivreensuite hei 
reux. Eh bien, si vous voulez vous assurer cebonheur, but d 
votre ambition, travaillez detoutesvos forces, mais d^pensc 
avec mesure. Pour le travail. Go ahead! AUez de Tavant. Mai 
pour la jouissance, Sc//re^/ram// Soyez mesur^s. Voilkce qu 
les enfants de ce nouveau monde apprendrontexcellemment pa 
la pratique famili^re de \h School Savings Bank. » 

Par cette oeuvre frangaise des Caisses d'^pargne scolaires 
la France, au lendemain de ses d6sastres, et dans cette period 
p6nible de Tisolement que fait le malheur, notre ch^re Franc 
s'est bientdt sentie relive avec la plupart des hommes d'Etal 
de science ou de bien des diverses nations ^trangferes; de tou 
les pays civilises du monde,, m6me de TAUemagne (lettre spor 
tan6e du 1®'' juillet 1876 du ministre d'etat Stephanz, gran 
maitre des postes de Tempire germanique), des t^moignagc 
d'accession impr^vus, sont arrives k Paris au secretaire g^n^ 
ral de la Society des institutions de pr^voyance de France c 



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r 



L'INSTITUTION ^DUCATRICE DES CAISSES D'fePARGNE. 433 

de r Association permanente du Congr^s universel des institu- 
tions de pr6voyance : ceuvresde science et de propagande fondles 
par M. de Malarce sur ie succ^s des Gaisses d'^pargne scolaires 
el pour ^tendre Taction h toutes les institutions populaires, 
Caissesd'6pargnedetoutordre,ordinaires,postales,etc.,Soci6t6s 
desecours mutuels,Retraites, Cooperations. Et suivant Tobser- 
vation, unanimement applaudie, d'un illustre savant stranger, 
L. Luzzati (plus tard ministre d'Etat), disant le dernier mot de 
notre premifere session de 1878 k Paris, oil tous les peuples 
civilises ^taient repr^sent^s : « La France, malgr^ ses malheurs, 
vient de nous r6apparaltre comrae le paysessentiellement uni- 
versel, Torgane central des id^es g6n6reuses et bienfaisantes. » 
Surce, ilest permis dereconnaitrequeTinstitutionde 1874 
2 bien m^rit^ de la patrie frangaise, non moins que du peuple 
fravailleur de tous pays et de la civilisation. 

Nous ne pouvons mieux terminer cette dtude histori^ue 
<Itt'en donnant un extrait de la revue TUnion postale dniver- 
'ELLE, organe de V Office international officiel institu^ i Berne 
P^i* tous les feats agr^g^s dans cette Union, c'est-k-dire par 
tous les ^tats civilises du monde ; dans sa livraison mensuelle 
^^ d^ccmbre 1897, cette revue contient une notice approfondie 
^} estcomme la r^sultante des opinions exprimdes, surTin- 
^^^Ution des Caisses d'^pargne scolaires, par la plupart desgou- 
^^^ments et administrations d'Europe et d'Am^rique dans 
5&% Verniers temps. 

Aprfes avoir montr^ le caractfere de cette nouvelle branche 
auxiliaire de T^ducation, la Revue universelle appr^cie cette 
institution comme la base de toutes les institutions de pr6- 
voyance; elle constate que « les premiers essais de 1834 4 1873 
ne firent que peu de progrfes en France, et it T^tranger, ofi pour- 
tant Tidee avait p^n6tr^, et que ce fut seulement par Taction de 
Torganisateur frangais, qui avait pu constater, au cours de 
voyages d'<5tudes effectu^s k travers TEurope en 1873-74, les 
d^fauts inh^rents aux divers systfemes usit6s, que Tidee regut 
nn d^veloppement rationnel par une m^thode administrative 
facile et siire... Depuis 1874, depuis vingt-trois ans, Tinstitu- 
tion ainsi organis6e s'est d6velopp6e en France et duns d*autres 

MVUB PHILARTHROPIQCE. — II. 28 



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VARIETES 



L'As flistanoe m^dioale grratuite dans le d^partement 
de I'Bure. 

RAPPORT DE M. SAVOUR^-BONVILLE 

En raison de I'importance du service d'assistance m^dicale gra- 
t^te, et k litre d'exemple, nous empruntons au rapport de M. Sa- 
Tonr^-Bonville, inspecteur d^partemental d*assistance publique de 
I'Eore, un aper^u du service et des observations gdn^rales dont nos 
lecleurs appr6cieront l'int6r^t : 

Dans mon rapport de I'ann^e derni^re» j'ai 6tabli que le service de 
I'assistance m^dicalegratuite, organist k la fin de 1894, avail fouctionn^ 
d^ le 1« Janvier 1895, el que, dans le cours de 1895, la mise en pratique 
<)e laloi du 15 juillel 1893 s'^lail op^r^e d'une mani^re salisfaisanle, pro* 
gressivement. 

En 1896, la sitaation s'eslaccentu6e de telle sorle qu'on pent afQrmer 
V^^f dans I'Eure, le service fonclionne normalemenl, dans loules ses 
parties. 

Toutefois, dans rapplication d'une loi aussi compleze que Test celle de 
I'assislance m^dicale graluite, el dans un d^parlemenl comme celui de 
I'Eare ou le nombre des communes est tr^s grand, il n'esl pas surprenanl 
d'avoir a relever certalnes irr^galarit^s de principe, cerlaines difficullds, 
oa des cas d'inertie. 

C'est ainsi que, malgr6 des inslraclions precises, r^it^r^es, qaelques 
communes onl continue, en 1896, k payer direclement leurs d^penses me- 
dicates et pbarmaceutiques, alors que celles-ci, anx lermes de la loi, doi- 
vent ^tre payees par le d^partement. 

Ges irr^gularit^s, il y a tout lieu de le penser, ne se reprodniront pas. 

C'est ainsi que plusieurs administrations communales onl marqu^ une 
tendance k vouloir s'affranchir, au detriment d'autres collectivity, jde d^- 
penses iear incombant du chef de leurs malades indigents. 

G'est ainsi, eneore, que des administrations communales, s'^cartant des 
dispositions l^gales, onlcru devoir, en vue de b^nSficier de la subvention 
dipartementala pr^vueau bar^me A (article 27 de laloi du 15 juillel 1893), 
ioserire k leurs budgets des centimes sp^ciaux k Tassistance m^dicale gra- 
tiite, abrs qoe leurs budgets pouvaienl supporter les d^p^nses dej ce ser- 
^ saas 1 aide d'one imposition extn^ordioaire. 



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436 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

De sorte qu'elies ali^geaient indictment lears charges an d6trimei 
d^partement. 

Mais une verification minutieuse des budgets communaux par la S 
vision de la prefecture, conform'ement k vos instructions, a remis tc 
choses au point. 

Vous avez di!l, Monsieur le pr^fet, rappeler k certaines communes 1 
obligations et m6me proceder k des inscriptions d*ofOce. 

Mais ce sont \k des faitsinh^rents k la p^riode de debut de I'applici 
de la loi ; ils disparaltront d'autant plus s(kement que nous nous attac 
k faire observer les prescriptions Mgales par toutes les coliectivites, 
moyen de sauvegarder les interets de chacune d'elles, en mdme temps 
ceux des indigents malades. 

Ainsi qu'il sera etabli en detail dans la deozi^me partie de mon 
port, le nombre des inscrits comme celui des malades soignes tant a 
micile qu'& Thdpital se sont accrus, en 1896, mais dans des proporl 
difrerentes. 

Alors que le nombre des inscrits s*est l^g^rement eieve (12853 au 
de 12736), celui des malades soignes k domicile a subi une augraenta 
veritable : de 3575, chiffre constate pour 1895, il s'est eleve 4 4151, 
une difference en plus, pour 1896, de 576. 

Celui des malades soignes k rhdpital a ete de262 au lieu de 205. 

De cet accroissement du nombre des malades, il est resuJte neces 
rement une augmentation de d^penses. 

Gette progression ne saurait causer la moindre surprise. Elle etait 
vue, dansce sens que la mise en pratique de la loi du 15juillet 1 
quelque pen incomplete en 1895, s'est generalisee, en 1896, dans pres 
toutes les communes du departement. 

A cetegard, il y avait interdt k pouvoir comparer nos depenses 
celles des departements oil le service de Tassistance medicale gratuii 
fonctionne en 1895. 

Le nombre de ceux-ci a ete de 57, mais il convient d*en retranche 
dans lesquels le service n'a fonctionne qu'en partie. 

Le tableau coniparatif annexe k mon rapport sous le n® 5 res 
toutes les depenses de ces departements pour Tassistance medicate , 
tuite. II etablit que la depense moyenne a ete, par matade, de : 

8 fr. 32 c. pour honoraires des medecins; 

6 fr. 84 c. pour frais pharmaceutiques ; 

23 fr. 09 c. pour Tensemble du service. 

Dans I'Eure, la depense moyenne, par- malade, a ete de : 

6 fr. 84 c. pour honoraires des medecins; 

7 fr. 30 c. pour frais pharmaceutiques; 
22 fr. 60 pour Tensemble du service. 

Le departement de TEure se trouve done, quant aux depenses, dans 
situation normale d'autant plus satisfaisante que son service d'assisU 
medicale gratuile fonctionne dans toutes ses parties et dans toutes les c 
munes, k quelques exceptions pr^s. 

Neanmoins, le fait de Taugmientation tr^s sensible des depenses m 
cales et pharmaceutiques, par rapport k Tannee 1895, aussi bien que c 



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y ^ wT ' ^ 



VAR1£t6S. 437 

de la constatation d'on certain nombre d'abus, vous ont amen6, monsieur 
le pr^fet, k adresser a MM. les m^decios et pharmaciens des instructions 
sp^ciales et precises, touchant les d^penses pharmaceutiques, et k faire 
appel au concours d^vou6 des m6decins et pharmaciens. 

VoQs a?ez rappel^ ainsi que la loi du 45 juillet 1893» inspir^e par un 
sentiment huraain et d'int^rSt social, rdpondait k une n^cessit^ d^mocra- 
tique incontestable, mais que la bonne application de cette loi se trouvait 
sobordonn^e k la mani^re de faire des coUaborateurs de cette oeuvre so- 
ciale. 

En effet, si ces coUaborateurs ne s*inspirent pas de Tint^rdtdes finances 
pobliqaes, comme de I'int^r^t des malades indigents, il peut arriver que 
les communes et les departements, effray^s des consequences flnanci^res 
de ladite loi, ne tardent pas k se montrer rebelles k Tapplication, exacte 
toot au moins de celle-ci. 

Ge qui revient k dire que les m^decins et pharmaciens doivent, aussi 
bien que les communes, s'efTorcer d'assurer le service le plus ^conomique- 
ment possible. 

L'avenir de la loi du 15 juillet 1893, sauvegarde des malades indigents, 
depend de Tobserration stride de ce principe. 

Les instructions adress^es aux m^decins et pharmaciens, par vos circu- 
laires des 5 et i8 roars 1897, tendent k ce but. 

Je les reproduis ici : 

Circulaire d MM. les Midecins du Service de C Assistance m^dicale gratuite. 

c Monsieur le docteur, le service de Tassistance m^dicale gratuite, qui 
foDctionne dans le d^partement depuis le mois de Janvier 1895, tend k 
charger de plus en plus les finances communales et d^partementales. 

« 11 convient de se pr^occuper, d^s maintenant, de cet ^tat de choses, 
dans Tint^r^t des finances publiques comme dans Tint^rdt m^me des 
indigents. 

« Pour produire lous ses effets^ le service de Tassistance m6dicale gra- 
toite ne doit pas comporter de d^penses superfiues. 

« Or, Texamen des ordonnances m^dicales, d61ivr6es par un certain 
nombre de m^decins, explique Texag^ration des d^penses pharma- 
ceutiques. 

« Certains m^decins prescrivent des medicaments composes d'un prix 
eieve, dans lesqueis les sirops, dont la vertu th^rapeutique est uulle, sont 
une cause de d^penses superfiues. 

« D'autres m^decins ordonnent avec une facility excessive des prepara- 
tions medicinales k base de vins de Bordeaux et de Malaga, ou autres vins 
fins et sucr^s, alors que la substance active seule devrait etre prescrite; le 
vin pouvant soit etre achete par la famille ou foumi par des personnes 
charitables, soit etre deiivre par le bureau de bienfaisance, au m6me titre 
que le pain, la viande, etc. 

« Enfin, certains produits, d'un prix relativement eiev6, ont ete ordonn^s 
par quantites reellement enormes. 

c La therapeutique du service de Tassistance m^dicale devrait, sauf des 



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438 REVUE PHILANTHR' 

cas exeeptionnels, ^tre faite aa moyen de q 
par la pratique et d'une efficacit^ incon testa 
le sulfate de quiDine, I'ip^ca, Tiodnre et 
liqueur Fowler, la pondre de charbon, i'exti 
(c Poor Tantisepsie, les solutions boriqi 
Swielen, riodofonne, en petites qnantit^s, 
soffisantes. 

<f Telles sent, monsieur le docteur, les 
I'examen des d^penses pharmaceutiques. 

« En les formnlant, je n'ai pas eu la p 
^troit dans lequel vous deviez limiter vos 
ment k appeler tout particali^rement vol 
absolue d'assurer, aussi ^conomiquement < 
si stance m^dicale gratuite, k seule fin de n( 
de la loi du 15 juillet 1893 snr Fassistance 
par les sentiments humains et d^mocratiqn 
impose aux communes et au d6partement ( 
« Je compte, monsieur le docteur, sur y 
vegarder, par une sage reserve dans vos oi 
rations m^dicinales, les int^rdts des colle 
surer aux indigents les seconrs m^dicaax ei 
u Agr^eZy monsieur le docteur, Tassur 
distingu^e. 

« Le pr6fet c 



Circulaire a MM. ks M^dedn 

« Monsieur, la commission de v^rificat 
Tassistance m^dicale a constats avec regr 
de cas, les prix de certains medicaments 
d'apr^s les quantit^s inscrites au tarif, si 
vient de ces medicaments par livre ou par 

« Je citerai, par exemple, richthyol, qu 
i^ francs pour 60 grammes, prix conform 
du calcul les 10 grammes indiqu6s comme 
2 fr. 50, mais nullement Equitable si on 
de ce medicament lorsqu'il est achete ai 
prix du kilogramme, en effet, est de 50 fri 

« Pour prevenir le retour de ces exag 
informer, conformement k I'avis de la c 
MM. les pharmaciens ne devront plus, k 1 
dn service de Tassistance m^dicale gratuit 
saperieures k celles indiqu^es au tarif. 

« Lorsque, dans les cas exceptionnels 
d«cins croiront devoir s'^carter de cette r^ 
de medicaments superieures k celles port^ 
fcromir briftvement Texplication dans leu 



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VARltTfeS. 489 

le savez, doivent 6tre formal^es sur Tordonnance d^tach^e da billet de 
mite special aa serYice de ['assistance m^dicale gratuite. 

K Agr^ez, Monsieur, rassnrance de ma consideration distingu^e, 

« Le pr^fet de i'Eure, 

« Sign6 : Beverini-Yico. » 

Je ne doute pas qoe MM. les m^decins et pharmaciens qui» pour la pin- 
part, sont natarellement disposes k seconder Tadministration, repondront 
k Totre appel. 

A ce sujet, je ferai remarquer que, dans le cours de chaque trimestrey 
les m^decins et pharmaciens envoient k radministration des paquets de 
pieces et m^moires se rapportant k Fassistance m^dicale gratuite, et dont 
un certain nombre leur sont renvoy^s pour rectification. lis se plaignent 
de la formality et des frais de rafifranchissement. 

II serai t juste, je crois, de leur accorder la franchise postale pour leur 
correspondance avec le pr6fet, et r6ciproquement, pour tout ce qui touche 
I'assistance m^dicale gratuite. 

D'autre part, quelques h6pitaux paraissent vouloir s'affranchir, dans 
certains cas, de d^penses leur incombant de droit. 

Tantdt, ils refusent de recevoir an indigent tomb^ malade sur le terri* 
toire de la commune dont depend i'hdpital, et, alors, ils oublient que la 
loi du 15 juillet i893 sur Tassistance m^dicale gratuite n'a modifi^ en 
rien les dispositions de la loi du 7 aoilt 1851 sur les hdpitaux et hospices. 
Aux termes de Tarticle l^'' de cette loi, 11 ne peut dtre exig^ aucune condi- 
tion de domicile pour Tadmission k llidpital de tout individu priv6 de 
ressources qui tombe malade dans la commune oh est situ6 cet hdpital. 

Taotdt, lorsqu'il s'agit d'op^rations chirurgicales, ils demandent que 
les malades soient admis dans un autre hdpital. Quand le fait provient 
d'un scrupule, toujours trfes louable, du m^decin de I'hdpital, c'est assu- 
r^ment fort juste. 

Mais la demande, si elle est bas^e sur ce fait que T^tablissement ne 
dispose pas d*appareils ou d*instruments spdciaux, n'est pas equitable : 
d'une part, elle 6tablit que T^tablissement hospitalier ne poss^de pas un 
bon senrice de chirurgie; d'autre part, elle entraine, pour la commune du 
domicile de secours du malade, une d^pense suppl^mentaire correspon- 
dant a r^l^vation du prix de joum^e de Fhdpital ayant accepts le malade. 

Jusqu'ici, il n'y a pas eu abus sur ce point; mais j'ai cru utile de mar- 
quer la tendance, sans doute irr6 Archie, de deux ou trois hdpitaux. 

Le nombre des communes ayant invoqu^ les dispositions de Tarticle 35 
de la loi du 15 juillet 1893 s'est accru, en 1896, de deux. 

Ces demandes portent k sept le nombre des communes ainsi en in- 
stance aupr^s de I'administration sup^rieure en vue d'etre autoris^es k 
a?oir une organisation sp^ciale. 

EUes ont, toutes, et6 transmises, avec avis favorable, k M. le ministre 
de llnt^rieur, dont les decisions ne me sont pas encore parvenues. 

Mais la plupart de ces communes ne paraissent pas appel6es k recevoir 
satisfaction. 



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440 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

Les demandes de cette nature sont examinees par le Gonseil sup^rieur 
de TAssistance pablique. Or, ce Gonseil semble s*dtre ralli^ a cette opinion : 

1*^ Que i'article 35 est consid^r^ comme devant permettre k certaines 
grandes villes de conserver Tancienne organisation, trds satisfaisante 
parce qu'elles sont bien outiii6es; 

2<> Que les dispositions de Tarticle 35 ne doivent pas 6tre appliqu^es 
aux communes qui ne sont pas pourvues d'une organisation d'assistance 
complete et puissante (bureau de bienfaisance, hdpital, hospice, etc.)- 

Les commissions cantonales ont eu h se prononcer sur 46 reclamations 
en inscription sur les listes d'assistance : elles ont donn^ une suite favo- 
rable k 10 de ces reclamations. 

La commission de veriQcation institute par le r^glement a examine 
avec soin toutes les affaires qui lui ont.^te soumises: elle a op^r^ des re- 
ductions sur 326 memoires de m^decins, pharmaciens et sages-femmes. 

Son mandat expirera k la fin de Tannle. 11 y aura done lieu de la re- 
constituer pour le !•' Janvier 1898, point de depart d'une nouvelle p^riode 
de 3 ann^es. 

Je rappelle ici que cette commission est compos^e de 4 medecins et de 
2 pharmaciens, eius par leurs confreres du d^partement. 

Nous aurons k renouveler aossi, pour une periode de 3 ann^es, k courir 
du !«>* Janvier 1898, les tarifs de medicaments, d'appareils et d'operations 
chirurgicales. 

Somme toute, je le repute, le service de Tassistance medicale gratuite, 
dans TEure, a fonctionne reguli^rement, en 1896, dans toutes ses parties. 



Le deuxi^me Diner des Mutualistes. 

DISCOURS DE M. AUDIFFRED 

Le deuxi^me Diner des Mutualistes a eu lieu le 17 decembre au Grand 
Vefour sous la presidence de M. Lebon, ministre des Colonies. Le Presi- 
dent de la Republique s'etait fait representor par le commandant Serpette. 
Le banquet comprenait environ deux cents convives parmi lesqaels 
MM. Paul Deschanel, Deloncle, Papelier, Treiat, Ghaudey, Marmottan, Bory, 
Guillain, Ouvre, Escudier, Plassard, Van Brock, etc. Les deiegues des asso- 
ciations departementales des Mutualistes etaient : MM. Dumond, Dethieux, 
Bouchet, de Lyon; Roche, de Lille; Demelin,deSenlis; Gillet et Gagneux,de 
Tours, etc. 

Au dessert, M. Audi fired a prononce le di scours suivant : 

« Quel but poursuivons-nous ? Nous voulons contribuer au developpe- 
ment des institutions de prevoyance, el determiner tous les Francais k se 
garantir contre les consequences de ces deux grandes causes de misere, 
la maladie et la vieillesse. 

«Dans notre societesi agitee,sollicitee par Tetude de tant de probl^mes, 
nous ne devons certes rester etrangers k aucune des recherches instituees 
pour rendre I'homme plus instruit, plus capable de decouvrir les secrets de 



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VARlfeTfeS. 441 

la nature et de mattriser ses forces, pour lai assurer une plus haute culture 
morale et loi garantirune existence mat^rielle meilieure. Mais, comme il 
est necessaire de divisor et de sprier les questions, Tobjectif de la Mutua- 
lity nous paratt 6tre, k Theure pr^sente, de s'appliquer sp^cialement h cetle 
tdche restreinte et d'une port^e si considerable que nous venous d'indi- 
quer. 

c Nous trouverons sur notre route des obstacles nombreux, des j)r^jugds, 
des erreurs a dissiper, et notanament cette croyance a la toute-puissance 
de I'Etat, trop r^pandue et qui deviendrait mortelle pour notre pays si elle 
parvenait k s'accr6diter. 

« G'est Tindividu qui doit ^tre Partisan de son sort, c'est lui qui doit 
faire acte de pr^voyance en vue des ^ventualit^s fdcheuses, pr^lever r6gu- 
li^rement sur ses gains quotidiens les quelques centimes n^cessaires k 
Tassurance contre la maladie etla vieillesse.Et c'est ^d^velopper ce senti- 
ment de la pr^voyance que doivent tendre toutes les preoccupations d'une 
nation fi^re et g^n^reuse comme la n6tre. 

u La loi sur les Soci^t^s de secours mutuels en preparation depuis quinze 
ans et qui sera promulgu^e avant la fin de la legislature actuelle, notre 
caisse existante des retraites, la loi en preparation sur les retraites qui ap- 
portera, dans des conditions determinees, des subventions et des encoura- 
gements aux citoyens, faciliteront I'exercice de la prevoyance. 

« Gertes, la prevoyance n'est pas une vertu facile ; elle est le resultat d'un 
effort coiitinu, d'une privation volontairement et peniblement consentie, 
mais comme elle eieve et trempe les caracteres, comme elle fortifie et 
reod puissante la volonte ! 

« Toute une ecole la combat et la denigre, essayant de persuader k des 
esprits trop accessibles k de pareils conseils que Tepargne est impos- 
sible, voire mdme condamnable ; qu'il faut, sans souci du lendemain, tout 
consommer au jour le jour, et redamer imperieusement k Tfitat Tassis- 
tance dans les moments difficiles, sous cette faliacieuse raison que la pro- 
sperite de TEtat serait faite uniquement du travail des salaries. 

c Ce n'est pas au moment ou, de toutes parts, les nations etrangeres 
s'outillent pour produire ce qui leur est necessaire et lutter avec nous sur 
tons les marches du monde, od entrent egalement en lice les peuples 
d'Extreme-Orient, qui n'onl pas nos besoins et se contentent de salaires in- 
fimes, qu'il faut laisser passer sans les combattre ces theories dissol- 
vantes. 

« Un de nos convives nous apprenait recemment qu'atia; Etats-Unis,pour 
la $eule assurance en cos de (kcds,8478100 adherents avaient d^jd realist des 
assurances en capitaux d^passant 35 milliards 975 millions de francs, 

« Comme nous sommes loin de ce merveilleuxresultatobtenu par le seul 
effort de Tinitiative individuelle, sans la moindre intervention de TEtat I 

« Que pour les faibles, les inflrmes, les vaincus de la vie, nous ayons un 
budget d'assistance, suffisamment dote, rien n'est plus legitime. 

« La Republique n*a pas manque ^ cette partie de sa tAche,et tout recem- 
ment encore elle organisait Tassistance medicale gratuite, qu'elle dotait de 
credits annuels depassant 12 millions. Mais en dehors de cette minorite 
d'assistes, qui doit aller sans cesse diminuant, sous Tinfluence du progr^s 



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442 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

g^n^ral de la richesse, c'est par la pr^voyance, c'est par Tefforl persons 
que nous devons r^aliser Tassarance contre la maladie et la eonsiitatio 
de la pension de retraite pour la vieillesse. 

«Nous y parviendrons, si nous voulons bien r^solument nous livrer k ( 
travail de propagande, dans le but de faire cr^er partout des Soci^t^s d 
secours mutuels et de retraites, ou des Soci^t^s de retraites pures k c6l 
de Soci^t^s de secours pour la maladie, et si nous nous appliquons k fail 
connaitre les conditions, aujourd'hui bien d^termin^es, que doivent ren 
plir toutes nos associations, pour donner k to us leurs membres les m^m( 
avantages pour les mSmes cotisations et pour garantir la s^curit6 d< 
dpargnes. 

« Les esprits sont partout pr6par6s k cet enseignement.Nous serons su 
pris des rSsultats que nous obtiendrons, si nous savons poursuivre ave 
m^tbode, avec perseverance et tenacity, cette entreprise patriotique. 

« Monsieur le ministre des Colonies, je vous ai remercie d'avoir bie 
voulu repr6senter ici le gouvemement : permettez-moi de vous dire qt 
vous devez Hre pour nous un coUaborateur n^cessaire. 

« La pratique de la prSvoyance devient plus facile dans un pays 4 mesui 
que ses ressources augmentent. Avant d'^pargner, il fant pourvoiraux di 
penses n^cessaires et nos exigences, au point de vue intellectuel et mat< 
riel, vont beureusement grandissant. Pour faire face ^ toutes ces necessity 
nous sommes condamn6s k produire plus economiquement et davantag 
La science, avec ses merveilleux progr^s, en nous permettant d'utiliser h 
forces naturelles, a decuple nos moyens d'action. Nos colonies noi 
ofTrent un champ immense a defricher. Laissez-moi vous dire que les am 
de la pr^voyance saivent avec int^rdt vos travaux, et atteudent de tous U 
hommes de progr^s qui vous secondent une partie des ressources qui lei 
permettront de r^aliser le but qu'ils poursuivent sans cesse, d'assurer at 
malades toutes les ressources qui leur sont n^cessaires, aux vieillards 1< 
moyens de vivre dignement. 

« Lorsque votre collogue, M. Barthou, a pr6sid6 notre premier banque 
je lui ai demand^ de nous faire autoriser, par M. le ministre de rinstru< 
tion publique, k cre^r des Soci^t^s de secours mutuels enlre les ei 
fants de nos etablissements secoudaires et de nos ^coles primaires, afm c 
d^velopper entre ces enfants d'origine et de fortunes diverses des Hei 
d'affeclueuse solidarity. Ce voeu a et6 bien accueilli. 

« Permettez-moi, en terminant, de vous adresser une requite d'un aulj 
ordre. 

« La maladie nous coilte en France, aimuellement, plus d'un milliarc 
elle nous enl^ve 825000 personnes. Les maladies infectieuses et cont 
gieuses que la science, depuis Pasteur, declare si^irement ^vitables, cai 
sent 220000 d^ces, plus que la guerre de Fannie terrible. Dans la r^ceni 
expedition de Madagascar, ot nous avons eu 49 soldats qui sont mortsp] 
le fait de blessures, nous avons enregistr^ SOOOd^c^s du fait de maladie 
infectieuses et contagieuses. 

« Aprfes le vote de la loi sur les Societes de secours mutuels, la Gommi 
sion du Pari Mutuel a bien voulu, conform^ment k une decision de I 
Ghambre que j'avais provoqu^e, accorder une subvention de 125000 fran 



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VARliTfeS. 443 

qui sera renonvel^e, je I'esp^e, pour faciliter^ nos savants les rechercbcs 
poor la d^coiiTerte de nouvelles in^thodes de traitement de ces maladies. 
Llnstitut Pasteur et 20 laboratoires de Paris et de province ont 6t6 dot^s 
deressources indispensables. Je vons prie, monsieur le ministre,d'examiner 
s'ilvous serait possible d'instituer danenos principales colonies, comme le 
S^n^gal et Madagascar, des recherches de ce genre, en assurant, k nos sa- 
vants de la ni^tropole les moyens d'y poursuivre k certains moments 
leurs ^tndes si f^condes. 

«< Un des grands obstacles k la raise en valeur de nos colonies, qui doit 
nous aider k alimenter nos budgets de pr^voyance, c*est la maladie. Vous 
poQvez contribuer a le faire disparaltre ; la t^che est de celles qui peu- 
vent tenter votre esprit g^n^reux et §lev^. 

« Je me resume. Si nous qulttons cette reunion avec la resolution bien ar- 
TH4e de r^pandre ces id^es de prtvoyance qui nous ont group6s ce soir, si 
radministration des colonies nous aidait k r^duire ce tribut de la maladie, 
qui gr^ve si lourdement le budget des Soci^t^s de secours mutuels, notre 
soiree n'aurait pas 6t6 perdue. » 

Apr^s Thonorable d^put^ de la Loire, des toasts ont 6t6 port^s par 
M. Martin Ginouvier, fondateur da diner; par M. Bonjean, president de 
I'Association des voyageurs; par M. Arboux, secretaire g^n^ral de la Ligne 
de la Mntualite. 

EnQn I'auditoire a fait k I'allocution de M. le ministre des Colonies le 
phis chaleureux accueil. 

Cette reunion cordiale a laiss^ sous la meilleure impression tons ceox 
qui y participaient. 



Traitement de la Tuberculose & domicile. 

RAPPORT DE M. LE DOCTEUft THOINOT 

Comme suite aux documents d6ji publics (1) sur les Iravaux de la grande 
Commission de la tuberculose, nous reproduisons aujourd'hui le rapport 
de M. le D' Thoinot sur les tuberculeux indigents soign^s k domicile. 

Messieurs, 

En commengant ses travaux votre sous-commission a tenu k se pronon- 
cer sur une question de principe et I'a fait k I'unanimit^: le tuberculeux 
soign^ k son domicile ne pent 6tre plac^ dans de bonnes conditions de 
gn^rison. II y est en outre la source de contagions constantes dans son 
entourage. Seule I'bospitalisation dans des milieux pr6par^s pent foumir 
les conditions de non-contagion et de gu^rison . 

Les dangers dont le tuberculeux soign6 k domicile peut 6tre la source, 
la stalistique suivante les d^montre nettement. 

L'Administration, sur I'invitation de la sous-commission, a recbercb^ 

(1) N* 3 de la Betme Philanthropique, p. 438 et 439, et n" 4, p. 593 et suiv. 



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444 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

combien de tuberculeux ^taient soign^s actuellement k domicile, et com- 
bien de ces tuberculeux vivaient c^libataires, combien en famille. 

Elle a relev^ 348 tuberculeux k domicile, chiffre assurement au-dessous 
de la r6alit^, mais ce qui s'applique k ces 348 malades serai t vrai pour un 
nombre dix ou vingt fois plus grand. 

Or sur ces 348 tuberculeux, 36 vivent isol^, 312 vivent en famille, et 
I'enqu^le nous montre 852 personnes eutourant ces 3i2 tuberculeux; en 
d'autres termes, 852 personnes sont expos^es k la contagion tuberculeuse 
par le traitement k domicile, si nous ne venous pas efficacement k leur 
aide. 

L'assislance m^dicale du tuberculeux k domicile est done unmal social, 
mais c'est un mal longtemps encore inevitable. 

Comment en att^nuer les dangers dans la mesure du possible ? 

Votre sous-commission vous propose les trois moyens suivants : 

\^ Le tuberculeux, traits k domicile, recevra par les soins de TAdmiDi- 
stration un cf*achoir, l\ y aura ^videmmentlieu de munir cbaque malade de 
deux crachoirs du module de celui que vptre sous-commission a choisi 
pour les salles des hdpitaux ; 

2*» L'Administration vulgarisera danstoute la mesure les notions fonda- 
mentales et ^l^menlaires comprenant la propbylaxie de la tuberbulose. 

Ces notions ont^t^ condensdes enune plaquette r^dig^e par votre sous- 
commission. 

Cette plaquette sera remise k tout malade soign^ k domicile par TAssis- 
tance, qu'il s'agisse ou nond'un tuberculeux, et la Commission comprendra 
le sentiment qui nous a fait rejeter la dislribution aux seuls tuberculeux. 

Mais la sous-commission estime qu'une diffusion plus large encore s'im- 
pose et qu'il y a tout avantage k faire p^n^trer ces notions dans la popula- 
tion, r^ducation faite par elle ^vitera sans doute plus d'une contagion 
tuberculeuse. Elle desire pour ces instructions la publicity la plus large et 
par tons les moyens possibles. 

Voici r^nonc^ de notre plaquette. 

ADMINISTRATION O^NERALE DE L'aSSISTANCB PUBLIQUE A PARIS 

INSTRUCTIONS CONTRE LA TUBERCULOSE 

1« La tuberculose est la maladie la plus r^pandue. 
2» La tuberculose est ^vitable. La tuberculose est ga^rissable. 
3<* Si la tuberculose est si commune, c*est qu'elle est propag6e par 
les crachuts du malade. 

On 6vite la tuberculose en faisant la guerre aux crachats. 

Le malade doit, h domicile, ne cracher que dans un crachoir toujours pourvu 
d'une certaine quantity de liquide : au dehors, ^ d^faut de crachoir, ne cracher 
que dans un mouchoir. 

Tout crachat tomb6 sur le sol (parquet, tapis, paillasson, trottoir, voitures, 
wagons, etc.) r6pand la tuberculose. 

Autant de crachats d^trults, autant de tuberculoses 6vit6e8. 

4" Le crachoir devra 6tre nettoy6 chaque jour en le mettant dans de I'eau 
froide que Ton fera bouiliir pendant cinq minutes. 

Tout linge sur lequel on aura crach^ (mouchoir, serviette, etc.), devra, comme 



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VARlfeTfiS. 445 

le crachoir, Stre plong6 et maintenu cinq minutes dans I'eau bouillante ou soi- 
gneusement mis h part pour 6tre Iivr6 aux services public de disinfection. 

{Instruction ridig4e par la Commission institute d, V Assistance publique de 
Paris, pour la prophylaxie de la tuberculose.) 

3« Le troisi^me moyen prophylactique vis6 par votre sous-commission 
consiste k 6tendre dans la plus large mesure possible la disinfection, disin- 
fection au cours de la maladie, disinfection apr^s terminaison de la 
maladie. 

Mais les moyens proposes resteraient inefOcaces s'ils n'^taient consi- 
gn^s que dans une plaquette populaire et dans les circulaires administra- 
tives. La Commission ne saurait oublier que, pour la prophylaxie de la tu- 
berculose k domicile, elle a des auxiliaires tout d^sign^s dans les m^decins 
du traitement k domicile. 

A euxrevientla tdche d'6clairer directement le tuberculeux et sa famille 
surla necessity et la facility des moyens de lutte centre la contagion; k 
eux de veiller k Temploi rigoureux du crachoir; k eux d'appeler le service 
de disinfection toutes les fois que la n^cessit^ en apparatl. 

Votre sous-commission fait appel k ces m^decins par la lettre circu- 
laire suivante qu'elle soumet k votre approbation et que i'Administration, 
forte de votre opinioh, pourra alors faire tenir, en son nom, k chacun de 
ses m^decins du traitement k domicile. 

Messieurs, 

L'assistance k domicile est une oeuvre humanitaire qui s'impose : mais au 
point de vue de I'hygifene familiale et publique, elle n'est exemple, vous le savez, 
ni de difficult6s, ni d'inconv^nients. 

Le tuberculeux, difficilement curable k domicile, devient un danger pour son 
entourage. Soigner les tuberculeux k domicile, c'est augmenter incontestable- 
ment les points de contact et les surfaces de tuberculose. 

Le traitement du tuberculeux & domicile doit, vous le comprenez, comporter 
autant de prophylaxie que de th6rapeutique. 

Le m6decin doit se pr6occuper autant de Tentourage du tuberculeux que du 
tuberculeux lui-mdme, pour r^duire au minimum la contagion. 

U lui appartient de se faire I'^ducateur du malade et de son entourage, pour 
que chacun soit k m^me de se d6fendre centre la tuberculose, en ayant appris h. 
connaitre son mode de contagion. 

Cest le crachat, vous le savez, que doit viser le m^decin ; c'est en vue de 
cette guerre k faire aux crachats qu'a 6t6 libellde VInstruction conb'e la tubercu- 
lose, r^dig^e en plaquette, qui, par les soins du bureau de Bienfaisance, devra 
p^n^trer chez tout malade traits comme tuberculeux. 

Vous aurez k d6velopper, smvant Toccasion et les milieux, les instructions de 
cette plaquette, et k veiller k leur application. Cest dans cet ordre d'id6es que 
vous aurez, en particulier, k appeler le service de la disinfection toutes les fois 
que vous en verrez la n6cessit6, tant pour le linge que pour le logement, soit 
pendant la vie du malade, soit aprds le d^c^s. 

II y a tout int6r6t — int^-^* du malade, int6r6t familial, int6r6t public — ^ ce 
que ce^ instructions soient lormellement remplies. Elles le seront d'autant mieux 
que votre experience et votre tact auront su faire comprendre leur importance ; 
que vous aurez trouv6 Toccasion de dire que la tuberculose est curable, qu'elle 
est 6vitable, et que nous n'en sommes plus ^ I'^poque ou Von voyait dans un 
tuberculeux un phtisique incurable. 



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446 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

L'assistance des tuberculeux k domicile ne sera plus seulemeat une OBuvre 
humanitaire, vous n'aurez pas seulement assists, soulag6 et gu^ri les tubercu- 
leux, vous aurez 6t6 la sauvegarde de la famille, ei vous aurez puissamment 
servi la grande cause de la prophylaxie de la tuberculose. 

Tel est, Messieurs, rensemble des mesures propbylactiques, arr^t^ par 
Yotre sous-commission pour pallier, autant que faire se pent, aux dangers 
inh^rents k Tassistance dn tuberculeux k domicile; elle les soumet k YOtre 
approbation. 

Un dernier point a pr^occup^ enfin Yotre sons-commission, c'est celle de 
Tassainissement des Bureaus de bienfaisance. 

II n'est pas utile d'insister pour d^montrer la n^cessit^ de cet assainisse- 
ment: chacun sait en efTet que les locaux de consultation constituent de 
dangereux entrepdts de germes de contagion aussi varies que nombreux. 

Yotre sous-commission estime qu'ily a lieu: 

i* De munir chacun de ces locaux d'uu ou plusieurs crachoirs, du type 
adopts par votre sous-commission pour les crachoirs communs des escaliers, 
coiirs, corridors des hdpitaux. 

L'AdministrationL fera placarder un avis portant defense de cracber ail- 
leurs que dans le crachoir etinstituera une sanction centre les d^linquaiits; 

2<' Lavage antiseptique quotidien du local par le personnel attacb^ k ce 
local, le balayage k sec et le cirage^tant^naturellementproscrits; et disin- 
fection m^thodique, k intervalles r^^uliers par les soins du service muni- 
cipal de disinfection. 

II y aura lieu, enfln, d'afflcher dans le local, en un format special, faci- 
lement visible et lisible par tons, les instructions centre la tuberculose 
dont nous avons donn^ lecture tout k Fheure. 



La Situation des Inflrmiers et Inflrmiires des H6pitaiix 

de Paris. 

UN DISCOURS DE M. H. D^ROUIN 

A la distribution des prix de Tficole mnnicipale d'infinniers et 
d*infirmidres de Bic^tre, M. H. D^ronin, secretaire g6ndral de TAssis- 
tance publique, a fait cet expos6 de la condition morale et matdrielle 
des infirmiers et inflrmi^res : 

Depuis vingt ann^es les Ecoles d'inflrmiers de Paris accomplisseni leor 
oeuvre. Elles sont tellement li^es aujonrd'hui k notre organisation hospiU- 
li^re qu'on ne pourrait plus concevoir la possibility de recruter, sans ce 
foyer d'enseignement, un personnel en 6tat de r6pondre aux besoins des 
malades et du corps medical. Gr^ce k elles, la valeur du personnel secon- 
daire des ^tablissements hospitallers de Paris est devenue incontest6e ; 
aussi est-ce k notre porte que les hdpitaux de province viennent frapper 



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VARlfeTtS. 447 

quand ils out besoin de coticours experiments ; bien plus, et nous en 
arions Texemple il y a quelques mois, il arrive mdme, en cas de guerre, 
que les ambulances ^trang^res font appel k nos inOrmiers, parce qu'elles 
saTent trouver en eux, avec le courage, Tintelligence et Taptilude. 

En effet,alors que lachirurgie modeme montre tant d'exigences; alors 
que Tapplication de la m^thode anliseptique n^cessite, chez ceux qui sont 
appel^s k soigner les blesses, des precautions minutieuses, que ne prennent 
pas ceux ou celles qui n'eu connaissent pas Timportance, le dipldrae des 
Ecoles crepes par le h^^ Boumeviile est une garantie pr^cieuse et la plus 
certaine de toutes. 

Et pourtant quelles luttes ont dt ^tre engag^es lors de la creation des 
Ecoles? Quelle persistance de volonte a dill d^ployer M. le D' Boumeviile, 
quand, malgr^ tant d'obstacles, il a voulu importer en France ces Ecoles 
professionnelles inconnues k Paris, et qui cependant existaient d^j^ depuis 
longtemps aux Elats-Unis, en AUemagne et en Angieterre I 

Gette ^re de luttes est aajoard'hm close. 

En m^me temps qu'on constataitles heureux et indispensables r^sultats 
des Ecoles professionnelles, on jugeait aussi, et il y avait Rune correlation 
n^cessaire, qu'ii fallait rendre enfin justice, en les retribuant mieux, k 
ceux et celles auxquels ces l^coles sont destinies. 

Bien que les traitements actuels soient encore minimes, quelle diffe- 
rence enorme entre leur montant en 1853 et en 1897! 

En 1853, a la suite d'une augmentation d*appointements qui fut alors 
tres appreciee, les sous-employes de premiere classe, c'est-ii-dire les sur- 
veillants et les survei Halites forent appointes de 360 francs par an; les 
sous-surveillants et sous-surveillautes, qu'on appelait alors sous-employes 
de deoxieme classe, recurent 250 francs. 

Pour les infirmiers, garcons et filles de service, on considera alors que 
les femmes n'avaient pas des droits egaux k ceux de Thomme. On n'accorda 
que 180 francs par an aux infirmiers, 150 francs aux garcons attaches aux 
services generaux; les inflrmieres ne recurent que 450 francs et les filles 
de service que 120 francs. 

II est vrai que, par un syst^me aujonrd'hui abandonne, il existait alors 
des augmentations periodiques. Au bout de dix ans, les infirmieres et gens 
de serviee des deux sexes pouvaient etre augmentes de 48 francs et au bout 
de quinze ans de 60 francs. 

L'annee 1861 fut une annee genereuse. 

Les sous-employes de premiere classe recurent comme traitement annuel 
on minimum de 360 francs, avec droit k une augmentation de 24 francs p£ir 
an jusqu'aun traitement maximum de 500 francs. 

Les sous-employes de deuxieme classe obtinrent un traitement annuel 
minimum de 320 francs avec une augmentation annuelle de 12 francs jus- 
qu'au traitement maximum de 380 francs. 

Les serviteurs de premiere classe ou suppteants recurent 252 francs 
avec une augmentation annuelle de \2 francs jusqu'au maximum de 
300 francs. - - 

Les infirmiers et gens de service obtinrent 180 francs par an, avec une 
augmentation annuelle de 18 francs jusqu^i un maximum de 252 francs. 



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448 



REVUE PHILANTHROPIQUE. 



L'Sgdit^ des sexes se trouYait ainsi proclam6e dans les services hospi 
taliers, k une 6poque oil on ne s'occupait guhre encore de ce qu'on appell 
aujourd'hui le f^minisme. 

En 1875, nouvelle r^forme : les infirmiers et gens de service, en verti 
d'un arrdte de 1' Ad ministration, recurent le droit d'atteindre leur maxi 
mum de traitement au bout de deux ans an lieu de quatre. 

De U, il faut passer k 1878 et 1879 pour trouver la trace de nouvelle 
ameliorations. 

Les budgets de 1878 et 1879 constatent qu*en ces deux annees, le Gonsej 
municipal de Paris a accord^ pour Tam^lioration des traitements du pei 
sonnel secondaire un credit total de 184000 francs, sur le rapport d 
D' BourneviUe, alors membre de ce Gonseil. 

En consequence, le directeur de TAssistance publique r^glait comm 
il suit, par arrets du 5 mai 1880, les traitements du personnel secondair 
pour les deux sexes : 



Sous-employ6s de !'• classe. 
Sous-employ6s de 2« classe. 
Serviteurs de 1" classe. . . 



Serviteurs de 2* classe. 



!'• section 600 francs 

2* section 540 — 

1" section 480 — 

2* section 420 — 

!'• section 360 — 

2* section 330 — 

!'• section .300 — 

2« section 270 — 

3- section 240 — 



Dans un rapport sur le budget de I'Assistance publique de 1882, M. 1 
D' BourneviUe, conseiller municipal, s'exprimait ainsi: 

« Au nombre des augmentations de credit r^clam^es par I'Administrs 
lion, vous avez remarqu^ une somme de 114000 francs destin^e ^ Tei^vc 
tion des traitements des sous-employes et serviteurs; M. le Directeur, a 
Gonseil de surveillance, parlant de cette nouvelle augmentation, ajout 
que le Gonseil municipal ne refusera pas de la voter et qu'il en a la coi 
viction. M. le Directeur aurait pu aller plus loin et declarer que celte au^ 
mentation, il Tinscrivait &la demande du Gonseil municipal. En effet, c'es 
sur* vos instances reiterees et vos vceux repetes que le personnel secondair 
doit Tameiioration de son traitement. » 

Et k la suite du vote du nouveau credit de 114000 francs, un arrete di 
7 avril 1884 du Directeur de TAssistance publique fixa les traitement 
com me il suit: 



Sous-employes. 



Serviteurs. 



1" classe. . . 

2* classe. . . 

1" classe* . . 

2« classe. . . 



1" section 800 francs 

2* section. 700 — 

I'* section 600 — 

2* section 500 — 

i** section 400 — 

2* section 300 — 

1" section 330 — 

2« section 300 — 



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VARlfeTfeS. 449 

suppliants et suppl6antes (anciens serviteurs 
;ection) ^tait porlS de 400 k 425 francs, celui 
rmi^res de 360 k 400 francs, celui des infir- 
ire classe de 330 k 380 francs, celui des infir- 
me classe de 300 k 350 francs, 
resultant de cette r^forme entratnait un cr^- 
vot6 par le Conseil municipal et k pr61ever 
Taugmentation des salaires de tous les tra- 

1 nom de lacinqui^me Gomraission, pr^sid^e 
nseiller municipal Navarre d^posait un rap- 
ent vetoes, tendanl k Tallocation d'un credit 
slevementdu traitement du personnel secon- 

on qui a H6 faite de ce credit, 
lents de chacuue des cat6gories du personnel 
doubles et le personnel peut attendre avec 
il et les no uvelles augmentations de traite- 
s ult^rieurement et aussi le rel^vement des 
se plus n^cessairement encore, k mon avis, 
lepuis 1877. 

int, en disanl qu'on ne s'est pas occupy de 
gt ans. Par une bienveillante decision du 
e D' Bourneville n'est pas Stranger, le Direc- 
, d'accord avec le Conseil de surveillance et 
aadmis les chefs d'atelier de Bic6tre ^b^n^- 
n argent dans les mSmes conditions que les 
re. 



n. 29 



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CHRONIQUE ETRAINGERE 



Allemagne. 

UN NOUVEL HOPITAL A BERLIN 

La fondation d'un h6pital grandiose a 6i6 r^solue k Berlin. Les frais son 
pr^vus k 13100 000 Mk. Eutre aatres, Thdpital contiendra an bdtimen 
pour la graduation du sel, revenant au prix de 1 demi-million. Cette gra 
duation, ex^cul^e d'apr&s les principes reconnus excellents k Reichenhall 
ofTriraaux personnes soufTrantdes organes respiratoires tous lesavantage 
ohtenus dans les localit^s de cures salines. 

L'espace destine k cet ]i6pital est si vaste qu'on pourrait y placer cii 
quanle-six fois tout THOtel de Ville de Berlin! 

On se propose de cr^er un ^tablissement modMe, r^unissant tous le 
avantages hygi^niques. La salle mortuaire, dont la facade contient 19 fe 
netres, disposera des plus completes ressources pour T^tude de raaatomi 
et sera destinee aux recherches scientifiques. 

A. S. 

LES ACCIDENTS DE FABRIQUE 

Les accidents occasionn^s par I'industrie allemande en 1895 furent a 
nombre de 300000, dont 6000 mortels. Les ouvriers constructeurs partici 
pent a ce chifTre pour 34000 accidents et 800 morts.Un grand nombre d 
ces sinistres ont 616 6vit6s au moyen d'une inspection am^lior^e, Tinspec 
tion actuelle^tant absolument insufflsante, en plusieurs provinces presqu 
d^risoire. Les sommes vot^es sont minimes ; Wurtemberg d^pense dans c 
but 7 000, la Baviere 8000, la Saxe 15 000 Mk par ann^e. 

A. S. 



Angleterre. 

MAISONS DE CONVALESCENCE 

I'n service hospitalier, si bien lenu et amenagd qu'on le suppose, n'ei 
tout k fait complet que si on a prevu des salles ou des asiles sp6ciau: 
pour les convalescents. 



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CHRONIQUE tTRANGfeRE. 451 

La convalescence est qaelquefois plus longae que la maladie; elle pent 
etre abr^g^e si le convalescent est ^loign6 du milieu nosocomial, s'il est 
dans un air pur et s'il pent b6n^Qcier d'un regime particuli6rementr6con- 
fortant. L'int6r6t du malade n'est pas doateux ici ;ajoutonsque i'int^rdt de 
r^tablissement est ^galement enjeu. En effet on ne pent songer k immo- 
biliser des lits trop longtemps dans un hdpital qui, suivaot une ancienne 
definition francaise trop oubli6e est et doit dtre une machine a soigner des 
malades. hhs que la maladie a cess4, d^s que des soins m^dicaux ne sont 
plus indispensables, c'est k Fasile de convalescence que Thospitalisd doit 
hire envoye. Nous avons en France deux 6tablissements modules pour les 
convalescents des h6pitaux de Paris : I'asile national de Vincennes pour 
les hommes, I'asile national du V^sinet pour les femmes. La ville de Paris 
a cr^e des maisons de convalescence pour les accouch^es. Quelques hdpi- 
taux de province (Lyon, Rouen) out des maisons sp^ciales pour leurs con- 
valescents. 

Les asiles de Vincennes et du V^sinel, ceux des hdpitaux de Lyon sont 
en pleine campagne, dans les domaines ^tendus et bois^s; ils rendent des 
services si importants que, d^s qu'on les connait, on s'^tonne de ne pas 
voir toutes nos grandes villes pourvues de maisons de convalescence ana- 
logues. 

En Angleterre, cette question des convalescents est depuis longtemps 
r^solue etle nombre des ^tablissements qui lesadmettent est considerable ; 
mais c*est surtout depuis une dizaine d'ann^es que ce nombre s'est aug- 
ments et qu'il tend k crottre encore. Beaucoup des grands hdpitaux de 
Loadres ont des asiles de convalescents ou bien out pass^ un traits avec 
des etablissements priv^s pour envoyer leurs malades se refaire au grand 
air des champs ou mSme au bord de la mer. 

Certains de ces etablissements sont r6serv6s aux convalescents de ma- 
ladies contagieuses, les uns sont reserves aux hommes et les autres aux 
femmes, qnelques-uns ne resolvent que des enfants, d'autres des femmes 
et des enfants, d'autres enfln sont ouverts k la fois aux hommes, aux 
femmes et aux enfants. 

Le nombre total de ces etablissements est de 326, dont 146 k la cam- 
pagne et 180 au bord de la mer. 

Les maisons r^serv^es pour les convalescents d'affections contagieuses 
sont au nombre de 3, toutes situ6es k la campagne. — Celles qui re9oivent 
^ la fois des hommes, des femmes et des enfants s'^l^vent au nombre de 
136. — II y en a 94 qui regoivent des femmes et des enfants. — 28 ne re- 
Qoiventque des femmes. — 63 ne sont ouvertes qu'aux enfants. 

Les prix pay^s pour les convalescents, par les personnes charitables 
qui les assistent ou par les hdpitaux, varient beaucoup dans ces ^tablis- 
semeats selon les conditions de confort, de 7 shillings k 3 livres par 
semaine. 

H. N. 



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452 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

Belgique. 

LES HABITATIONS A BON MARGUi;: 

L'Inddpendance beige expose dans quelles conditions a pris naissanc 
Scbaerbeck (faubourg de Bruxelles) le probl^me des habitations ouvri^i 
il est r^sult^ de la disposition des impasses insalubres de la rue i'Oii^ 
appel6es k disparallre. Celte demolition aura pour effet de priverde lo 
ments un tr^s grand nombre de families ouvri^res qui 6prouvent de ce 
un assez grand embarras. 

Ons'estmis d'accord pour Tallocation d*un credit de 150000 francs d 
tin^ k la construction d'habitations k bonmarcli^ du cdt^ oppos^ k la futi 
6cole moyenne, dans la nouvelle rue reliant les rues Van Dyck et rOlivi 

£taDt donn^e la cherts des terrains dans cetle purtie agglom^r^e, 
commune ferait ^difier, dans ce quartier, de vastes maisons de rappor 
cinq 6tages ou I'air et la lumi^re seraient r^pandus k profusion et q 
pour un modeste loyer, donneraient asile aux families d'ouvriers et pel 
employes. 

Les rez-de-chauss^e de ces b&timeiits qui auraient un di^veloppemi 
de facade de 12 metres seraient convertis enmagasins. Chaque ^tage c< 
tiendrait quatre chambres spacieuses avec annexe, latrine, robinets d'e 
et deversoirdes immondices. Ceux-ci, d^vers^sdans une colonne, serai( 
recueillis dans des poubelles que les ouvriers de la voirie viendraient vie 
chaque jour. 

D'aprfes les premiers calculs, le prix moyen de location mensuelle j 
chambre serai t de 7 francs. 

Teiles sont les grandes lignes du projet qui a obtenu Tadh^sion 
tous les membres du College. Le diff^rend porle uniquement sur les moy( 
d'exploitation de cesimmeubles. Les uns veulent confler cette exploitali 
k des soci^t^s dans lesquelles la commune s'interesserait k concurrei 
d'une soinme flx^e par le College; les autres veulent conceder cette expl 
tation au conseil des hospices et au bureau de bienfaisance. 

D' autres encore veulent tenter la constitution d'un domaine commun 

Le Conseil communal aura k se prononcer entre les trois syst^mes. 



titats-Unis de FAm^rique du Nord. 

LA CONDITION DES NEGRES DANS LES YILLES 

Depuis longtqmps d^ja les philanthropes am^ricains signalent les c( 
ditions d'ezistence d^plorables des families n^gres dans la plupart < 
grands centres de TUnion et demandent que, surmontant leurs pr^jug 
les hommes de bonne volont6 viennent en aide, mat^riellement et mo 
lement, aux pauvres n^gres, abrutis par la mis^re et par ralcool, < 



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. CHRONIQUE £TRANG6RE. 

^ouillent dans une honteuse promiscuity, dans certains faubourgs d'o] 
lentes citds am^ricaines du Nord et du Sud. 

Ges plaintes ont flni par ^mouvoir le public, et J'universit^ d' Atlanta 
a entrepris et men^ a bonne fln une int^ressante enqu^te sur les conditii 
d'existence des n^gres ciiadins en Am^rique. Un avocat de Boston a c 
duit cette vasle euqudte d'une facou scientifique et a cherch^ k en ti 
d'utiles indications pour la solution de la question toujours si discut^e 
rel^vement et de T^ducation da n^gre am^ricain. 

Gette vaste enqu^te a M conQ6e, la plupart du temps, & des homi 
ou k des femmes de couleur intelligents (surtout dans les villes du Sud) 
itaient mieux k mSme que des blancs de p4n4trer dans I'intimit^ des 
milles n^gres et moins susceptibles d'etre influences par le pr^^jug^ dec( 
leur, si puissant encore aux Etats-Unis. 

Une premiere constatation a montr^ que Taccroissement du nombre 
maisons ou fermes acheUes ou loupes par des n^gres,dans les Etats S 
de la confederation, est eu r^alite beaucoup moindfe qu'on se I'imagin; 
Gela est tres regrettable, car le n^gre vit beaucoup plus confortablem 
etpius moralement a la campagne q\x*k la ville et certains fermiers nc 
ont su se constituer de tr^s belles situations. 

Uoe seconde constatation, toute k Thonneur des sentiments des feme 
n^gres, a montre que beaucoup de femmes de couleur subviennent tota 
meat ou pour une tres forte part k Tentretien de toute la famille, prin 
palernent en allant travailler hors de chez elles, ce qui les oblige malh< 
reusemeut a negliger leur inl^rieur et leurs enfants. 

Enfmla mortalite excessive desnegrescitadins(enraoyenne73,8p.mi 
est attribute k leur ignorance presque absolue des lois les plus^ei^mi 
taires de I'hygiene ; les maladies les plus meurtri^res sont non des affectii 
aisement transmissibles import^es du dehors, mais des affections dues, 
majeure partie aux conditions mis^rables et anti-hygieniques de la yie 
I'immense majorile de ce proletariat noir. 

La defaillance du p^re de familJe n^gre qui se soucie peu, en genei 
des besoins des siens, a eu Tinfluence la plus detestable sur la vitalite 
lamoraliie de la race plus particuUerement dans le Sud. 

Comme remade k ces maux, on preconise la creation d*associations p( 
veniren aide aux mferes de families de couleur, de creches et d'ecoles ( 
fanlines auxquelles elles pourraient confler leurs nourrissons et leurs 
tits enfants pendant leur travail. Enfin on se propose de former des as 
ciationsde visiteurs qui, periodiquement, iront encourager les chefs de 
mille k se creer un « home » propre et confortable, associations dans l 
quelles eutreraient des hommes de couleur honorables et devoues k o 
de blancs philanthropes. 

On voit, d'apres les resultats de cette enqufite que le douloureux p 
bieme de la mis^re des families nombreuses citadines est a pen pr^s 
meme sous toutes les latitudes : qu'il s'agisse de n^gres dans TAmedq 
du Nord, d'lrlandais dans les cites industrielles d'Angleterre,d'Alleman 

(1) Annals of the American Academy of political and social sciences; Philac 
phie, 15 seplembre 1897. 



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454 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

de Francais ou d'ltaliens dans les grands centres d'Earope, Taction mor 
lisatrice et bienfaisante des noj^les coeurs trouve toujours k s'exerc 
utilement. 

G. C. 



Hollande. 



D'apr^s le journal Soziale Praxi8,le gouvernement a pr6sent6 un proj 
de loi pour etablir des assurances contre les accidents en faveur des oi 
vriers de certaines professions consid6r6es comme plus particuli^reme 
dangereuses, notamment les mines, la navigation et les transports. 

En cas de d^cfes, les domraages et int^rfits consisteraient en une somr 
Sgaie k 10 p. 100 du gain annuel de Touvrier tu^,^ titre d'indemnit6 
fun^railles, ensuite eri une pension 6gale k 30 p. 100 du gain annuel 
profit de la veuve ou du veuf survivant et de 15 p. 100 au proflt 
chaque enfant mineur. 

En cas d'infirmit6 totale,la pension serait de 70 p. 100 du gain annu( 
et en cas d'infirmit^ partielle, Touvrier estropi^ recevrait une pension pr 
portionn^e k la gravity de son ^tat. 

Les patrons seraient, d'apr^s ce projet de loi, divis^s en plusieurs cal 
gories payant divers tarifs de primes, et la banque de Hollande centralis 
rait les primes et accumulerait les int^r^ts des sommes vers^es pour c 
fonds d'assurances, qui seraient g^r^s d'apr^s la m^thode autrichienne d 
Kapital Qeckung, 

On pent prdvoir que ce projet sera prochainement di8cut6 et adopts ji 
les Ghambres n6erlandaises. II r^alisera un grand progr^s 6conomique 
social et sera un utile instrument de pacitlcalion dans le monde ouvri 
hoUandais. 



Russie. 

LES ASILES POUR LES ALCOOLIQUES 

Le docteur russe H. Olderagge propose de fonder un sanatorium pour 
gu^rison des alcooliques dans une des lies d* Aland; Tid^elui a 616 inspii 
par une visile ^I'lle de Walaam, dans le lacde Ladoga. Gette lie, ou s'^lc 
comme unique habitation un monast6re, sert depuis longtemps k y isol 
les alcooliques des villages voisins. Priv6s de toute communication, ] 
alcooliques ysont mis dans Timpossibilit^ de se procurer des boissons e 
vrantes. SurveiJ16s par les moines qui les exhortent k la penitence, its i 
prennent Thabilude du travail et retournent gu6ris dans leurs families 
ils persistent souvent k rester sobres et religieux. 



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ONIQUE fiTRANGfeRE. 455 

le si les moines de Walaam, n'ayant d'autres 
et la pri^re, parviennent a obtenir des r^sultats 
m muni de tous les auxiliaires de la science 
1 m^me temps et les d^dts du corps et ceux de 
irprenants. 

A. S. 



Suisse. 

f NOUVEAU SANATORIUM 

I etablissement pour les tuberculeux. II sera bclti 
iUT admirablement expos6e dans la commune de 

da grand et beau village de ce nom. L'emplace- 
nidi. II est protege par desbois etdes replis de 
)res du Nord et de TEst. II se trouve k une alti- 
ssus, par consequent, de la zone des brouillards 
ver, s'^tendent pendant des semaines, souvent, 
i 800 metres sur le plateau situ^ entre les Alpes 
is faites avec soin pendant deux hi vers ont per- 

peut compter au Faltiberg sur autant de jours 
a Davos. L'eau est abondante et d'excellente qua- 
itour6 de forfits, enfin la vue sur le lac de Zurich 
belle et (^.tendue. 

posera de trois bdtiments, un pter I'administra- 
s, un pour les femmes. II pourra recevoir une 
s devis pour la construction sont ^valu^s k 



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INFORMATIONS 



La Ligue fratemelle des Enfants de France. 

La Ligue fratemelle des Enfants de France a tenu le \ 9 d^cembre, dans 1 
Salle de la Soci6t^ d'horticulture, rue de Crenelle, son assembl^e g^n^ral 
annuelle, sous la pr^sidence de M"* Lucie Faure. 

• Cetle ligue, fondle en 1895, sur rinitiative de M"» Faure, a, on le sail 
pour but de grouper les jeunes gens ou les jeunes flUes qui jouissent d 
Taisanco, en vue de venir en aide aux enfanls pauvres, orphelins ouaban 
donnas . 

Devant un public trfes nombreux, ou Ton remarquait beaucoup d'61fevc 
de nos grandes 6coles et de nos lyc^es, M. P.-E. Decharme, secretaire g^ 
n^ral, et M*'« de Gourlet, trisorifere, ont pr6sent6 les rapports moraax < 
financiers sur T^tat de la ligue. 

La ligue, d'aprfes les reuse igne men ts fournis par M. Decharme, compi 
aujourd'hui 10000 membres; son budget est de 56000 francs. Elle a fern] 
des comit6s au Havre, i Bordeaux, & Dreux, k Pau, k Vesoul, ^ Dunkerqa( 
k Gray; elle esp^re en former prochainement dans d'autres villes; elle 
des adherents, non seulement dans toutes les parties de la France, ma 
de TEurope. 

Grdce au d^veloppement pris par la society et aux recettes r^alis^i 
surtout lors de la representation de gala doun^e k TOp^ra avec le concou] 
de Tamagno, la ligue a pu yenir en aide k bien des mis^res int^ressanb 
pendant Tann^e qui vient de s'dcouler. La commission des secours, pn 
sid6e par M"« Lucie Faure, est venue en aide k 296 families. La commissic 
du placement des flUes a op^r^ 139 placements d^finitifs. Enfin, la con 
mission du placement des garcon s a efTectu^ 23 placements d^finitifs et \ 
placements provisoires. 

Le rapporteur M. Decbarme qui a retrac6 ici mSme (1) les origines c 
la Ligue, a montre le rdle du d^l^gu^ de lyc^e et du del^gu^ de quarti< 
dans la jeune association : 

ft Le deiegue de lyc^e est charge de porter autour de lui la bonne p 

(i) N" 1 de la Revue Philanthropique, p. 57 et suiv. 



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INFORMATIONS. 

role, de faire connaitre k ses camarades Tesprit de notre OEuvre 
recueillir leurs adhesions pour les soumettre directement k noire 
dente. 11 nous permet ainsi de ne pas recourir ^ rintervention a 
mais ofQcielle, des mattres on des directeurs, et il noas donne la i 
tion de penser que, s'il a du socc^s, il le doit uniquement k la be^ 
la cause qu'il soutient, an zMe ardent avec lequel il s'en fait Tinte 
Plusieurs fois, cette ann^e, les d^l4gu^s des Ijc^es de Paris se sont 
au Palais de TEIys^e, sous Ja pr^sidence de M"" Lucie F. Faure, p 
cevoir des remerciemenls et des conseils, et presenter eux-mdme 
observations. Les jeunes filles des lyc6es Molifere, F^nelon, Racine 
Hugo et du college S^vign6, suivront prochainement cet exempl 
comptons beaucoup sur les uns et sur les autres. 

«Le d^le^u6 de quartier, davantage maitre de son temps et de si 
Teroents, a un rdle plus complexe. Ce rdle, je vpudrais non pas von 
finir(car sa vraie d^fioition reside dans le d^vouement ing^nieux et 
siaste avec lequel il est rempli), mais vous Tesquisser k grands tra 
qu'il ne soit ^personne comply tement Stranger. 

« Un des premiers devoirs du d^l^gu6 de quartier est de faire aui 
dement, aussi en detail que possible les enqu^tes qui lui sont den 
par le Couseil d'adminislration, et pour cela non seulement de vis 
eufants chez eux, mais encore de s'adresser aux diff^rentes GEuvres ( 
faisance du voisinage, pour constater que les families dont la situa 
signal^e comme digne d'int^rSt ne se procurent pas des ressou 
pen de tous cdt^s. S'il y a des pauvres elTront^s, il y en a de hoi 
ces derniers, il faut enseigner par quels moyens lis peuvent l^gi 
solliciter Tappui d'institutions oflicielles comme FAssistance publ 
ne pas craindre de les guider sur les cberains longs parfois et 
qa'ils doivent suivre. 

« Le d^l^^u^ doit Htq, cela va de soi, en relations constanles c 
collogues, puisque aussi bien son champ d'action a des limite: 
fictives, oil il serait invraisemblable que les affaires dont il s'occupe 
r^guli^remenl et rigoureusement renferm^es. II doit encore, et 
plus d^licat, mais non moins n^cessaire, connattre la plupart des n 
actifs de son quartier, afln de s'^clairer de leurs lumi^res et de 
de leur force. Les jeunes filles, notamment, ayant plus de loisirs 
jennes gens, peuvent se r^unir de temps k autre pour mettre en 
leur talent de couture, et tout en travaillant, faire en commun de 
d'aveoir pour leur ch^re Ligue. 

«Le d61egu6 doit enfin porter aux prot^g^s de la Ligue les sec( 
esp^ces ou en nature qui leur out et6 accord6s, veiller k ce que, a 
cas, les enfants auxquels il s'int6resse fr^quenlent T^cole, soient 
aux classes de garde, b^n^ficient des cantines scolaires, leur cherc 
tard de bonnes places d'apprentissage, et, cela fait, ne pas les pe 
core de vue. Chacun trouvera d*ailleurs en soi-mfime je le r^j 
meilleures inspirations. » 

M*^« de Gourlet, tr6sori6re, a indiqu6 dans son rapport que . h 
des recettes atteint Tan dernier a M presque exactement double ; 
tal de la ligue est quatre fois ce qu'il ^tait k la pr^c^dente asseml 



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458 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

n^rale. « II vous appartient, a-t-elle ajout^ en s'adressant k Tassembl^e, 
d' assurer la continuity de cette progression; Tavenir de la fraternelle so- 
lidarity de Tenfance est entre vos mains. » 

Apr^s une chaleureuse allocution de M. Paul Desjardins, Tassembl^e a 
proc6d^ k TMection de six nouveaux membres du conseil,enremplacement 
de membres mari6s ou demissionnaires ; puis M. Maingon, avocati la Cour 
d'appel, a expose qu'une revision des statuls 6tait rendue n^cessaire par la 
demande de reconnaissance d'utilit6 publique de la Ligue, demande qui 
sera examinee prochainement par le Conseil d'fital. Lecture a 6t6 faite des 
nouYeaux statuls, que Tassembl^e a adopt^s k I'unanimit^. M"« Lucie P. 
Faure a prononc6, pourclore la s6ance, cette br^ve et delicate allocution : 

« Je tiens k remercier, au nom de la Ligue Fraternelle des Enfants de 
France, toutes les personnes qui sont venues nous apporter ici Tencoura- 
gement de leur sympathie. 

<(Je remercieparliculi^rement M. Paul Desjardins, pour les baotes et 
belles paroles qu*il a bien voulu nous adresser. La Ligue en conservera 
toujours le pr^cieux et vivant souvenir. Je remercie ^galement Torchestre 
et les cbojurs que nous avons tons admires dans la savante et delicate 
execution d'oeuvres magislrales. Grdce a leur concours, notre reunion s'est 
par^e d'un nouvel attrait, et, dans une barmonie tr^s douce, le prestige de 
leur art s'associe k notre pens^e fraternelle. 

« Combien de remerciements ne devrions-nous pas encore ajouter k 
ceux-ci! L'^num^ration en serait trop longue. Mais, apr^s deux ann^es 
d'existence , ayant rencontr^ les marques d'un int^rfit Si touchant et si 
spontan^, notre Ligue envisage I'aveiiir avec confiance. Elle esp^re fpie 
son action sera de plus en plus efficace, de plus en plus large, de plus en 
plus affecteuse : car, — nous ne Foublions pas, — elle ofifre son aide au 
nom de Taffection. Et Ton dprouve tant de joie k s'entr'aider ainsi, que 
nous n'avons jamais su, que nul ne saura jamais lequel des deux doit reraer- 
cier son fr^re : de celui qui donne on de celui qui re^oit! » 



Les Enfants martyrs. 

M. le procureur g6n6ral Naquet, de la cour d'Aix, vient d'adresser aux 
procureurs de la R^publique du ressort une circulaire relative k la re- 
cherche et k la repression des « actes de cruaut^ que des parents indignes 
commettent sur leurs enfants ». 

Aprfes avoir indiqu^ la « frequence relative » de ces actes qui consti- 
tuent « un danger social des plus graves », et d^plor^ « la repugnance » 
qu'ont ceux qui les connaisseat k les signaler aux parquets, M. Naquet 
poursuit ainsi : 

« L'action publique doit done s'exercer avec une vigilance toute particu- 
li^re pour decouvrir les coupables et avec une fermete irr^ductible pour 
les punir. Certes, la mesure est n6cessaire en toutes choses, et les agents 
et officiers de police ne doivent pas, pour des motifs futiles, so livrer k 



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INFORMATIONS. 459 

des recherches inquisitoriales qui troubleraient la Tie de famille. Mais ils 
De doivent pas h^siter, non plus k ^couter tous les bruits du dehors de na- 
ture k les mettre sur la trace de crimes ou d'abus et k vous saisir d'urgence 
d^s que ces bruits prennent une certaiDe consistance. 

« Je compte sur votre intelligent d6vouement pour faire comprendre k 
MM. les commissaires de police le sens et la haute port^e morale de 
mes instructions etpour veiller a ce qu'elles soient slrictement ex6cut6es. » 

Le procureur g^u^ral appelle ensuite Tattention de ses auuliaires sur 
les suites l^gales & donner aux faits criminels dont il s'agit : 

« La tendance des parquets, dit-il, est de correctlonnaliser les afTaires de 
ce genre, en vue, sans doute, de mieux assurer la repression ; je voudrais 
au contraire, si c'etait possible, qu'on les criminalisdt. 

« Les crimes commis par des parents sur leurs enfants r^voltent au plus 
haut point la conscience publique et seront sainement appr^ci^s par le 
jury el punis par lui avec une juste rigueur. II ne s'agit point la de faits 
d^licats ou compliqu4s, demandant un examen difficile pouvant d^passer 
la mesure commune du discernement; il s'agit, au contraire, de faits simples 
compris de tons. Dans ces conditions, les jur^s sont les meilleurs Jtiges, 
car ils jugent avec leur coeur autant qu'avec leur raison, et il se trouve (|ue 
I'instinct du ccBur yient ici fortiOer la Yoix de la raison. 

« C'est, d'ailleurs, une id^e qui est tr^s g^n^ralement accept^e aujour- 
d'hui et qui paratt 6tre dans les tendances du Parlement, puisque la 
Chambre des d^put^sapris en consideration les projetis de loide MM. Odi- 
lon Barrot, Henry Cochin, Julien Goujon, destines k r^primer les actes 
de cruaute commis sur la personne des enfants. (Chambre des deputes, 
21 et 26 Janvier 1897.) 

« Vous devrez, en consequence, vous preoccuper sp^cialement de la qua- 
lification legale a donner aux faits qui vous seront signaies. Cette qualifi- 
cation pourra varier suivant les esp^ces, mais elle se rattachera le plus 
soavent au crime de coups et hlessures ou de detention arbitraire. 

<c Les coups etblessures dont les enfants sontvictimes sont presquetou- 
jours accompagnes de premeditation et deviennent ainsi punissables de 
peines criminelles toutes les fois qu'il en est resulte une incapaciie de 
travail ou une maladie de plus de 20 jours. 

c< Quant k la detention arbitraire, elle sera tantdt absolue, tantdt rela- 
tive; meme dans ce dernier cas, vous n'hesiterez pas k requerir le renvoi 
en cour d'assises. 

« Je vous prie, d'ailleurs, de vouloir bien me consulter toutes les fois 
que vous aurez quelque doute sur le sens des requisitions que vous 
devez prendre. 

« Vous voudrezbien, egalement, inviter MM. les jugesd'inst ruction k in- 
diquer sur les notices, par une mention speciale, les crimes ou delits quel- 
conques commis sur des enfants par leurs parents ou par des personnes 
ayant autorite sor enx. Ils pourront, par exemple, faire suivre la qualifi- 
cation des mots « mauvais traitements sur des enfants par leurs parents ou 
« par des personnes ayant autorite ». 



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460 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

(Euvres d'assistance du Gorps medical. 

Les m^decins se d6vouent assez pour qu*on sMnteresse k leurs 
efforts mutuels, It leur solidarity corporative, d*autant plus qu'unc 
affaire r6cente prouve que ces efforts ue sont pas superflus. 

Voici, d'apr^s le Bulletin officiel du syndicat des medecins de k 
Seine, la nomenclature des oeuvres d'assistance du corps medica 
frangais : 

Association m^dicale mutuelle du departement de la Seine, approuv6e pai 
arr6t6 minisl^riel du 7 d^cembre 1886. — Si^ge social : i4, rue Desbordes- 
Valmore. 

President : D' Rondeau. — Secretaire g^o^ral : D' Signez, 123, boulevarc 
Voltaire. 

En payant une cotisation de 10 fr. par mois, tout docteur en m6decin< 
exercant dans le departement [de la Seine peut s'assurer le droit a un( 
indemnity de 10 francs, pour toute joumee d'incapacite profession nelli 
soit temporaire, soit permanente, par suite de maladie ou d'accident 
quelle qu'en soit la dur^e. — Les vieillards inflrmes et tout k fait incapa 
bles d'exercer recoivent Tindemnit^ de maladie. 

Lors du d^c^s d'un assure, il est alloue k sa veuve, ou k ses enfants, urn 
indemnity proportionnee k Timportance du capital reserve. 

Droit d'entr^e : 1 franc par ann^e d'Age du candidal. — La limite d'Agi 
pour Tentree est fix^e k quarante ans. 

Association des Medecins de la Seine, fondle en 1833; si^ge social 
Faculte de m^decine. 

- President : D*" Brouardel. — Secretaire general ; D» Earth, 2, rue Saint 
Thomas-d'Aquin. 

Distribue k ses membres malheureux, k leurs veuves, k leurs enfant 
des allocations, des secours temporaires ou annuels, des pensions d 
retraite. 

Droit d'entree : 12 francs; cotisation annuelle : 20 francs. 

Association amicale des Medecins frangais. Siege social, 23, rue d( 
Dunkerque. 

President : D"" Cezilly. — Secretaire general : D' Jeanne, k Meulan (S.-et-O. 

Donne une indemnite de maladie de 10 francs par jour pendant les deu: 
premiers mois; k partir du troisieme mois, I'indemnite est de 100 franc 
par mois, mSme en cas de chronicite indefinie. 

Le chiffre de la cotisation est proportionnel k Tdge des membres (de 5i 
k 100 francs par an environ). 

Association generate de prevoyance et de secours des Midedns de Fhmce 
approuvee en 1858. Siege social : 7, rue de Suresne. 

President : D' Lannelongue. — Secretaire general : D' Lereboullet 
44, rue de Lille. 

Le but est de venir au secours des societaires kg6a, infirmes ou roalades 
de secourir les veuves, les enfants et les ascendants laisses sans ressourcei 
par des societaires decedes. 



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462 REVUE PHILANTHROPtftUE. 

Get 6tat olTre cet int^rSt qu'il permet de suivre et de aoter les amelio- 
rations accomplies ou projet^es, dans les villages comme dans l«s grands 
centres, dans Tint^r^t des malheureux. 



Constitution de dots par I'assurance aox Enfants Assist68. 

M. de Grisenoy expose, dans son int^ressante monographie des questions 
d*as8istance et dhygi^e publiques trait^es dans les Conseils genirauXy les r^- 
sultats obtenus par une combinaison d'assurances en vue de constituer 
une dot aux enfants assists parvenus k leur majority. 

Deux Gompagnies d'assurances sur la vie, VAbeille et la Natumale, ont 
ofTert aux Gonseils gSn^raux leur concours dans ce but, le capital k verser 
devant dtre fourni k leur majority aux garcons, k Tepoque de leur mariage 
aux fiUes. 

Gette proposition, adoptee le "26 avril 1895 parle Gonseil g^n^ral du 
Puy-de-D6me, a ^t^ r6alis6e dans ce ddpartement. 

Tons les pupilles du d^partement seront assures, les garcons k partir 
de sept ans, les lilies k Vkge de six ans, moyennant le versement d'une 
somme annuelle. Gette assurance est destin^e k leur constituer une dota- 
tion de 500 francs k delivrer aux pupilles lilies, lors de leur mariage k par- 
tir de dix-huit ans et aux pupilles garcons k partir de vingt et un ans, tant 
pendant leur sejour au regiment qu'aprfes leur retour dansle d^partement. 

Un arr^te pr^fectoral a cr^e et r6glement6 une Gaisse de pupilles de 
FAssistance publique d^partementale du Puy-de-D6me qui depend de la 
Gaisse des D^p4ts et Gonsignations. Le montant de chaque assurance 
n'6tant pas vers^ ea une seule fois, les sommes payees par la Gompagnie 
sont capitalis^es. 

Gette int6ressante combinaison a 6te accept^e en principe par les d6- 
partements de Gonstantine et d'Oran. M. de Grisenoy nous apprend que le 
Gonseil g6n6ral de la Ni^vre en poursuit I'^tude, que celui des Deux-S^vres 
a decide d'accorder des dots de 300 francs k ceux de ses pupilles qui se 
marieraient avant vingt-cinq ans; utie decision de principe analogue a 6i6 
prise dans la Loire-Inf^rieure; le d^partement du Galvados majore les 
versements des enfants assist^s k la Gaisse d'^pargne. 



Comity central des oeuvres d'assistance par le travail. 

L'AssembMe g^n^rale annuelle s'est tenue lundi 14 d^cembre 4 4heures 
dans la salle de TUnion des Femmes de France, 27, chauss^e d' An tin. 
Elle ^tait pr6sid6e par M. M^zi^res, de I'Acad^mie francaise, assists de 
M. Ferdinand Dreyfus, ancien d^put4, membre du Gonseil sup^rieur des 
prisons, et de MM. Tr^zel et Lecointe, avocats au Gonseil d'Etat. 

Apr^s une ^loquente allocution de M. M^zi^res, M. le D*" Bouloumie, 
secretaire g^n^ral, a pr6sent^ un rapport tr^s int^ressant et tr^s compLet 
sur Tassistance par le travail k Paris et dans les d^partements. 

Nous en publierons des extraits importants dans notre prochain num^ro^ 



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FORMATIONS. 

^sent^ les comptes qui ont 6i^ approuv^ 

Uance presque tous les repr^sentants ( 
:6s, Brueyre, Charles Petit, Louis et Alb 
6ral Parmentier; M™" B^quet de Vieni 



6 des Visiteurs. 

at le si^ge est rue de Lille, 25, constitue u 
lont6s, eu vue de procurer un appui mo 
i peuvent Hre relev6s de lamis^re. Son 1: 
nilles dignes d'int^rfit qui n'ont pas encc 
ont la volont^ de vivre par le travail, et n 
les voient k domicile, se rendent compte 
nt avec elles des relations de sincere et cc 
s emplois, leur font au besoin des avanc 
ees k I'extinction de leurs dettes. 
'est d^velopp^erapidement; elle compte a 
s actifs, appartenant aux conditions, aux oj 
iriees, maisr^unis dans un parfait accords 
3 et f^conde. Grdce au z6le des visiteurs 
jlle qu'ils se sont apport^ dans leur tAc 
!, la Soci^t6 a oper6 d^j^ de v^ritables sa 
elle s'est occupee, 00 ont dej^ 6t^ mises ( 
3 secours de la charity, 
ats assurent Tavenir de la society : inspir 
, de charity, et par une vive compr6hensi( 
attirer k elle tous ceux qui out la l^gitin 
^^s social par des actes et non par d 



dtal d'Auteuil. 

r TAssociation des Dames francaises et qi 
aure, a ses salles de malades ferm6es pei 
let; toutefois les salles de consultation re 

li sont occup^s par des malades pauvre 
3ntes dont Templacement est fixe dans I 
treport^ en temps de guerre k 124. D'auti 
^,- dans laquelle sont soign6s ou op^r^s I 
T chez eux, recoit chaque matin envirc 
tation sp4ciale pour les maladies des yeu 
es dents. Au lit des malades, k la salle d( 
iullations, Tenseignement est donn^ au 



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464 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

Dames fran^aises. Elles font le service d'inOrmi^res volontaires dans le 
salles, aux consultations et k la pbarmacie. 

L'hdpital des Dames francaises est le premier hdpital d'enseignemen 
^tabli en France pour ies Dames de la Groix-Rouge. Les autres pays sont 
comme en beaucoup d'autres progr^s, plus avanc^s que nous; cbacun i 
plusieurs bdpitaux de ce genre. 

Malgr^ le pen de ressources dontelle dispose, TAssociation des Dame 
francaises a donn6 Texemple chez nous. Le D*" Duchaussoy, le fondateur e 
le secr6taire g6n^ral de roeuvre, felicity par le president de la Republiquc 
iui a dit que la prosp6rit^ de I'Association 6tait li^e k celie du pays; aoss 
les Dames francaises demandent-elles k toutes les femmes de coeur, k tou 
les patriotes de les aider dans la mesure de leur fortune, de travaille 
avec elles a secourir les victimes de la maladie, en attendant de orte 
secours aux victimes de la guerre. 



L' Assistance mutuelle des Professeurs 
de Lyo^es et de Colleges. 

En conformity avec une decision du recent congr^s des professeurs de Tei 
seignement secondaire dont nous avous expose les travaux(l),il a 6tecr6^ 
apr^s ]acl6turede ce congr^s, une Society temporaired'assistance mutuelk 

Cette society est ouverte k tons les professeurs, charges de cours < 
d^l^gu^s de Tenseignement classique et de Tenseignement modeme; au 
professeurs et maitres des classes 61^mentaires ; aux instituteurs et insti 
tutrices charges des classes ^I^menlaires, primaires et enfantines; au 
professeurs et charges de cours de dessin; aux professeurs de gjmnastique 
aux pr^parateurs (en exercice dans les lyc^es et dans les colleges de gai 
^ons), et, dans les mdmes conditions, aux professeurs et charges de coui 
du prytan^e et des 6tablissements libres agr^^s par le ministre de Tin 
struclion publique et inscrits au tableau d'anciennet^. 

Elle a pour but de venir en aide k un soci^taire ou k sa famille (veuv< 
enfants, parents k sa charge) dans le cas oil la loi n'accorde pas de secoui 
ou n'accorde que des secours iusigniflants. 

Son si^ge est aulyc^e Louis-le-Grand. 

Au 10 octobre dernier, apres le paiement des d^penses d'administratio 
et de plusieurs secours, il y avait dans sa caisseune somme de 10 733 franc! 
Elle compte 66'}k pr^s de 2 000 membres appartenant k 161 lycees ou co 
16ges : c'est le tiers du personnel de Tenseignemeut secondaire. 



L'jficole Braille. 

Cette Ecole, qui deviendra plus tard la maison des Aveugles, a ^i6 fond^ 
par la « Societe d'assistance pour les aveugles », dont le si^ge est a Thoi 
pice national des Quinze-Vingts. 

(1) Articles de M. H. Mooin (n^* 1 et 4), de M. Michel, n*> 3 de la Revue Pkilai 
ihropique. 



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INFORMATIONS. 

Ouverte k Maisons-Alfort, ie i«' Janvier 1883, avec dei 
6tait bientdl transportee h Paris, 152, rue de Bagnolet, p 
abriter les pupilles que lui confiaient la Ville de Paris et le 
de la Seine. 

L'6tablissement de la rue de Bagnolet fut bientdt reconn 

Un grand ^v^nement pour Tavenir de cette oeuvre venai 
duire. 

Le Conseil g^n^ral de la Seine prenait enti^rement TEcol 
le l«'-mai 1887, et d6cidait, dfes 1888, de louer k Saint-Mand 
stitution Ancelio, 7, rue Mongenot. 

Cette institution pourra r^pondre longtemps auz besoins 

Silude k rentr6e du bois de Yincennes, elle r^unit k peu | 
conditions que les fondateurs de TEcole Braille peuvent d^s 
^tablissement naissant. 

La superficie est de 5 000 metres environ. 

Elle a quatre cours, dont trois sont affect^es au service 
ouvriers divis^s en grands, moyens et petits. 

Les dortoirs spacieux et bien aer6s ont k chaque extr6 
veillant. 

Deax inQrmeries et une pharmacie j sont instances. 

£a fondant TEcole Braille, la « Soci^t^ d'assistance pour 
etie Conseil general, en Tadoptant, se sont propos6 de co 
cfine et d*olfrir k Taveugle le moyen de sufflre k peu pr6s se 
^Qce, sans recourir k la mendicity. 

^a Soci6t6 et le Conseil g^n^ral de la Seine n'ont pas voul 
"fi^'ancierset se contenter de cr6er un asile,une 6cole, une i 
^<^fait pour Taveugle un aide et un secours teniporaires. 
'^s ont cherch^ k devenir pour toujours les tuteurs de ces 
Apr^g avoir re^u Tenseignement primaire, Tenfant avf 
^i^lier ou il exerce le metier dont il a fait Tapprentissag 
^* ^O.n6es pr6cedentes. 

/^ 1 '^teller, il est consid^r^ comme un ouvrier, et il doit 
* * bolder toutes ses d6penses. 
„ * 5^^^ lefois, le Conseil g^n^ral consent k' venir k son aid 
., *^^, jusqu'i sa majority, ^ passer deux heures par, 
^^tes, et il alloue au jeune ouvrier, encore inhabile, un 
^^*X calcul^e d'aprSs ses m^rites. 
. p v^r 6lablir ses calculs, TEcole fait tenir des feuilles de 
^^Mltats mensuels sont port^s sur le livret de Touvrier. 
^^ feuilles quotidiennes indiquent, avec les beures 
^, ^^^ k Tatelier, la nature du travail ex6cut6, sa valeur e 
^ Jp^lentle prix dela matifere premiere employee. 
..,, *i^s permettent k la Direction de contrdler exactement 
^^ mati^res et de guider stlremcnt le jeune aveugle en 
^Ue les 61oges ou les reproches qu'il aura m^ritds. 
. ^« matitre$ premieres sont livries a litre d'avance a Couvri 
^^Hon de VEcole, qui se charge d'icoukr les produits fabriqui 

HEVUE PniLANTHROPIQUE. — H. 



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466 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

L'instructioii primairc et professionnelle est donn^e aux enfants dg< 
de 6 ^ 13 ans. 

Le programme d*6tudes comporte : 

La lecture et T^criture en points saillants d'apr^s le syst^me Brailh 
Torthographe, le calcul, T^tude des objets usuels par la manipalation < 
les lecons de choses, la g^ographie d'apres des cartes sp^ciales faites 
TEcole, les recits les plus saillants de notre histoire nationale, la biogn 
phie des grands hommes, les excercices de recitation, les explications dc 
mots, la musique. 

A 13 ans, apr^s examen, I'atelier leur est ouvert. Jusqu'^ leur maj< 
rit6, ils doivent chaque jour, k l*Ecole, suivre les cours d'adultes. 

A la majority, ils donnent tout leur temps k Tatelier. 

Des dortoirs sp^ciaux recoivent les enfants et les adultes. 

La maison met des logements pour cdlibataires, raari6s ou sans famiih 
k la disposition des ouvriers raajeurs qui n'acceptent pas la vie en commui 

Le mobilier des logements est la propri6te de Taveu^le. 

Les ouvriers majeurs ne seront pas tonus de prendre leurs repas au 
r^fectoires. Ils pourront, ileur gr6, faire leur cuisine chez eux ou prendi 
leurs aliments k la can tine de T^tablissement. 

L'ouvrier ne quitte la maison que lorsqu'il est devenu incapable d 
travailler. II est alors plac^ dans un ^tablissement special, s'il n'a p 
amasser un p^cule suffisant pour prot^ger sa vieillesse. 

Le paresseux, Tindisciplin^ est purement et simplement renvoye. 

L*6tablissement peut recevoir cent cinquantes Hhves ou ouYriers dc 
deux sexes. 

Une commission de surveillance et de perfectionnement, designee pi 
le Gonseil g^n^ral de la Seine, qui a d^l^gu^ ses pouvoirs au fondateur d 
TEcole, dirige la Maison. 

Le personnel administratif, enseignant et servant, se compose d'un di 
recteur, d'une institutrice en chef, de six institutrices, de cinq institutric( 
aveugles, d'une surveillante g^n^rale, d'une sous-surveillante, des che 
d'ateliers pour la vannerie, le cannage etTempaillage des chaises, les coi 
ronnes de pedes (la flleterie et les travaux de tricot et de crochet sont ei 
seign^s par les maitresses aveugles), et enfin des gens de service. 

Le service de sant^ est confix k un m^decin ; les m^decins consnltani 
(oculiste, chirurgien, dentiste) sont ceux des Quinze-Vingts. 

Tout enfant aveugle, Ag6 de 3 i 13 ans (i), incurable, indigent, r 
de parents francais domicili^s dans le d6partement de la Seine, est rec 
gratuitement k I'Ecole. 

Une notice sp^ciale indique les formalites k remplir par le candid^ 
pour obtenir son admission. 

Gette notice est fournie par la Direction de Thospice national d< 
Quinze-Vingts. 

(1) L'fecole matemelle qui recjoit les enfants de trois ^six ans a 616 ouver 
le 15 juin 1897. 



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iLi^iiOS 



A rinstitntion nationale des Jennes Aveugles. — Le President de 
iaR^pablique et M. Barthou, ministre de Tlnt^rieur, ont visits le 15 d6- 
^embre Tlnstitution des jeunes aveugles, boulevard des Invalides. M. F^lix 
?aure etait accompagn^ de deux officiers de samaison militaire et du chef 
le son secretariat. 

Le directeur et les maltres de r^tablissement ont recu le president en 
lui offrant leurs souhaits de bienvenue. lis Font conduit en suite dans les 
classes, les ateliers, Tinfirmerie, le gymnase oCi les enfants ont 6te inter- 
'og^s sur rhistoire, la g^ographie, leurs dispositions personnelles, leurs 
>arcDts et leur sant^. 

Les petits aveugles ont donn^ la mesure de leurs talents k leurs h6tes, 
rbarm^s, dans des choeurs d'un ensemble parfait ou par des soli executes 
1760 brio. G'6tait un vrai concert, et les artistes ont 616 chaleureusement 
ipplaudis. 

Parmi les invit6s qui s'int^ressent au fonctionnement de Tceuvre se 
rouvaient MM. Labiche et Leydet, s^nateurs, et la duchesse d'Uz^s. 

Le President de la R^publique apportait une bonue nouvelle, accueillie 
ivec enthousiasme. La croix de la Legion dTionneur a 6i6 d^cern^e a un 
ncien ^l^ve de rinstitulion, M. Maurice de la Sizeranne, T^minent fonda- 
Bur de TAssociation Valentin Hauy. Celui-ci n'^tait pas present, n'ayant 
^s 6t6 pr^venu de cette visite. 

M. Martin, directeur de Tlnstitution, a ^te fait offlcier de rinstruction 
)ablique; les palnies acad6miques ont 6t6 reraises It plusieurs profes- 
ears. 

H. Maurice de la Sizeranne. — M. Maurice de la Sizeranne, le bien- 
iiteur des aveugles, a 6i6 d^cor^ par le President de la R^publique. Cette 
§compense si m^ritde a ^t^ unanimemeut approuv^e, et la Revue Philan- 
hropiquey k laquelle M. Maurice de la Sizeranne a bien voulu accorder son 
r6cieux patronage, joint ses felicitations k toutes celles que cet acte de 
istice a provoqu^es de toutes parts. 

La Soci6t6 de prdvoyance de la Prefecture de Police. — M. Bar- 
LOU, ministre de rint6rieur, ayant k ses cdt^s MM. Vel-Durand, Charles 
lane, pr^fet de 'police, et Laurent, secretaire general, a preside, le 12 de- 



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468 . REVUE PHILANTHROPIQUE. 

cembre, h la Sorbonne, Tassembl^e g^n^rale de la Soci^t^ amicale et 
pr^voyance de la prefecture de police. Plus de quatre mille employes, i 
specteurs ou gardiens de la paix, emplissaient jusqu'au cintre la gran 
salle des ffites. 

M. Vel-Durand, president de la Soci6t6, a sonhait6 la bienvenue au n 
nistre et fait T^loge des morts de rann^e derni^re : MM. Gamescasse 
Clement. II a adress^ k M. Lupine, anclen pr^fet de police, rhommage i 
connaissant de ses anciens subordonn^s et assure de leur d^vouement 
nouveau pr6fet M. Blanc. Puis, il a demand^ k M. Barthou de soulenir d 
vant le S6nat, comme il Ta fait devant la Chambre, avec une €nergie do 
tous lui sont reconnaissants, la cause des caisses des soci^t^s de secou 
mutuels. 

Le ministre, en une allocution tr^s applaudie, a remerci6 les membi 
de rassociation. 

11 promet k la Soci6t6 son concours le plus d^vou^ et fait Teloge 
MM. Charles Blanc et Laurent. 

Le pr^fet de police prononce quelques paroles ^mues ; puis M. Guill 
min, inspecteur g^n^ral de la navigation, lit son rapport sur la situali< 
flnanciere dela Soci^t^. 

Enfin, le ministre remetau docteur Chambellan, m^decin de rAssoc 
tion, la rosette d'officier de Tinstruction publique et les palmes d'offici 
d'academie k MM. Ferr6, inspecteur principal du XVII« arrondissemei 
Boy, brigadier des garnis, Moitrier et Millier, commis principaux, et V( 
Durand, avocat. 



LaSocidtd mddicale des Bureaux de bienfaisance de Paris. — 

banquet annuel de la Socidt^ medicale des Bureaux de bienfaisance de Pari 
eu lieu, le vendredi 3 d^cembre 1897, sous la prt^sidence de M. le D' Sdaill 
president de la Soci6t6. 

A ce banquet, auquel assistaient M. Peyron, directeur g6n6ral de VI 
sistance publique, el M. Baudouin des Salles, chef de la division des secou 
avaient 6te invites gracieusement les m^decins des Bureaux de bienf 
sance nommes au concours au mois de juin dernier. 

Au dessert, le president de la Soci(jt6 a port6 un toast k ses jeunes c 
I6gues et remercie M. le directeur de ^Assistance publique d'avoir acce] 
I'invitation de la Soci^t^. M. Peyron a bu ensuite, en excellents termes, 
la bonne entente entre Jes mddecins des Bureaux de bienfaisance et Vi 
ministration, au plus grand profit de la population indigente parisieni 
Apr^s une allocution de M. Billon, secretaire gen6ral, et de M. Roiill 
M. L6vi (Leopold) a remerei^ la Soci6t6 de son aimable accueil, au n< 
des nouveaux promus. En resume, excellente soiree pour la confratern 
et la solidarity m^dicales. 

La Soci(''t6 medicale des Bureaux 4e bienfaisance a renouvel^ son 1 
reau dans sa stance du 8 d6cenibre. Ontet6 nommes pourTann^e 1898 

President : M. Gourichon ; vice-prisidents: MM. Bimsenstei?] et Dufourni 
secHiaire g^n^ral:ii. Billos ; archiviste : M. Gastinel; secrHaires des seana 
MM. Pascal et Malbe . 



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fiCHOS. 469 

L'Atelier familial. — Mercredi 15 d^cembre, k huit heures et demie 
du soir, a eu lieu, dans la salle des ffites de la mairie du IX" arrondisse- 
menl, rinauguration de TAtelier familial. Un nombreux public s'etait rendu 
a Tappel de la fondatrice de cette (Puvre, et bien avant Theure fix^e par 
ses invitations. il n*etait plus possible de trouver une seule place dans la 
salle iquantitede personnes ont dH renoncer k y p^n^trer. 

Nous avons ^t^ tr^s heureux de constater la croissante sympathie que 
rencontre partout Tinstitution nouvellement cr^^e (i). 

Le but g^n^reux que se propose M™« Jane Elias a ^t6 montr^ d'une 
fagon convaincante dans une vibrante allocution prononc^e par M. Paul 
Strauss qui avait bien voulu accepter de pr^sider cette int^ressante soiree. 
L'bonorable s^nateur a esquiss6 le r61e de la femme dans la soci6t^ 
modeme ; il I'a convive h redoubler encore d'^nergie et de d^vouement 
pour contribuer an d^veloppement des oeuvres de solidarity etd'assistance 
qui ont pris un si grand essor dans ces demi^res ann^es. 

Parmi tous ceux qui ont applaud! k ses chaudes paroles, nous citerons 
^mct Kergomard, Schmabl, Delaporte, Deremis, Devri^s, M. et M"*® Zadoc 
Kahn,M. Roux, M. et M=»» Chain, M»« Faure-Budin, M.et M"»« de Saint-Preux, 
M. et M™« Dupuy Wallbaum, M. et M"*« Meyer Bemheim, le docteur De- 
cours.etc, etc. 

Plusienrs artistes ont offert leur pr6cieux concours k M™** Jane Elias, 
M. et M™« Charles Hayera, M™®» L6a Maujan, Marie Denis, Marie Chassaing, 
Van Parys, Florida Salacoglu, MM. Veyret, Depas, Paul Seguy, Hirsch, 
Andrieu, tous ont particip6 au succ^s de cette briilante soiree qui laissera 
<ians les espijts un souvenir durable et f6cond. 

L. 

Congr^s du Patronage & Lille. — Le prochain Congr^s des Societds 
^^ patronage aura lieu k Lille dans les salies de la Socidt6 industrielle, du 
^^i^ai aul"juin 1898. 

^"oici le programme des travaux : 

^ ■"• Section : Horames. — 1° De Tengagement dans Tarmee des con- 

oo^*^*^^* correctionnels (Question renvoy^e par le Congrfes de Bordeaux). 

vin^Kes sont les relations k <5tablir entre les institutions d'assistance et 

ceuyres de patronage en vue de pr^venir la mendicity el le vagabon- 

^ Action :Femmes. — 1° De Torganisation des refuges pour les jeunes 

p^ ^ ciu les femmes Iib6r6es. 2° L'expatriation des femmes condamn^es 
Q^^^*^terait-elle certains avantages au point de vuede leur reclasseraent ? 
J ^ ^ I'affirmative, k quelles categories de condamn^es pourrait-elle 6tre 

1^^ . ^ Action : Enfants. — 1® Des ameliorations k introduire dans la pratique 



^^^ire en mati^re de correction paternelle. 2° De la mani^re d'orga- 

^ ^ous rappelons aux personnes d^sireusc 

^ Action nement de I'A teller familial qu' 

^lias, la fondatrice, 53, rue de Maubeuge. 



|g ^ ^ Nous rappelons aux personnes d^sireuses d'avoir des renseignements sur 
ui^^^ Action nement de I'Atelier familial qu'elles n'auront qu'a s'adresser h 



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470 REVLE PHILANTHROPIQUE. 

niser la surveillance des enfants patronn^s places chez les particuliers et d 
concours a obtenir dansce but des oeuvres et des autorit6s locales. 

4« Section: Patronage international. — i° Rapatriement des mineui 
strangers en danger moral. 2° Des mesures k prendre en vue de faciliter I 
patronage, dans leur pays d'origine, des individus expuls^s. 

La stance d'inauguration aura lieu le 30 maly h Lille. 

La Commission de contrMe des asiles manicipanx de femmes. - 

En conformity d'une d4iib6ration du Gonseil municipal de Paris, prise su 
Tinitiative et sur le rapport de M. Louis Lucipia, le pr^fet de la Sein 
vient de constitiier ainsi qu'il suit la commission administrative charg6 
du contrdle du fonctionnement des asiles municipaux de femmes (Asiie 
Michelet, Ledru-Rollin, Pauline RoUand, George Sand) : 

MM. le pr^fet de la Seine, president; Louis Lucipia, Faillet, Emile Du 
bois, Navarre, Ranson, conseillers municipaux, ^lus par le .Gonseil; Jule 
Siegfried, Paul Strauss, s6nateurs; Risler, maire du vii« arrondissement 
F^lix Voisin, vice-president du conseil de surveillance de TAssistance pu 
blique; le docteurThuli^, vice-president du conseil sup^rieur de TAssistanc 
pablique, membres d^sign^s par le pr^fetde la Seine; les docteurs Budi 
et Napias, medecins design^s par le pr6fet de la Seine ; Menant, directea 
des affaires municipales ; le docteur A.-J. Martin, iuspecteur general d 
service d'assainissement; Gontant, chef du bureau du travail, secretaire. 

Soci6t6 de secours mutuels mnsnlmane. — Le 4 d^cembre a e 
lieu i Alger la f^te de Finauguration de la Societe de secours mutuels « li 
Musulmane », fondee par des notables musulmans d' Alger et quelques Fran 
cais pour secourir les indigenes malbeureux. Gette Society est la premier 
de ce genre qui ait ete fondle en Alg^rie; aussi i'inauguration a-t-ell 
eu le plus grand eclat. 

Le gouverneur general, M. Lepine, a assiste k la ceremonie de la mos 
quee de Sidi-Abi-Er-Rohman. 

Une distribution de couscous a ete faite grataitement aux indigenes ne 
cessiteux. 

Ali-Gherif, conseiller general, Timan de la mosqueo, M. Faure, anciei 
officier; Ahmed ben Brimat, ancien interpr^te militaire, et M. Lepine on 
prononce des allocutions. 

Gette solennite a vivement impressionne les indigenes. 



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iCATIONS FRANgAIS 



lappel, propose la creation de pb 
oici : 

riirales en soul^ve une autre qui 
3st celle des pharmacies commui 
rurales. 

'et, que de se procurer i la cam 
besoin. 

chef-lieu de Tarrondissement, qu 
lis d'un village ou d'un hameau au 
-lieu de canton, il y a souvent 
metres ne se franchissent pas fa 
pas la precaution d'avoir chez sc 
i6e, on pr^ffere neuf fois sur dix 
journ^e pour aller chercher un 

2 qii'il sufdt souvent d'un de ces 
depend pas forc^ment d'ane on 
adie. 

ie de d^poser b. la mairie de cha< 
^dicaments de premiere necessity 

3 de Vichy, les th^s purgatifs, 
\, tels que I'acide ph^nique et Vi 

voisine serait charg^ de Tentreti 
et les habitants de I'endroit troi 
re, tons les medicaments dont oi 
'acult6. 

ipplication du public. Mais ou n 
jront les m^res qui appuyeront 



Brueyre prend part, dans la Re 
le engag^e entre MM. Alfred Fi 
e ; il est d*accord avec M. Tai 
nt est le produitdu milieu ou il 
que ce que valent les parents de 
nmunale eiaut ouverte h, tous, e 
lors que dans certains milieux oi 
immorality, les ei^ves, reflets 
e une atmosphere pemicieuse c 
etes, est une cause de demoralise 
I dans la discussion qui s'est en§ 



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472 REVUE PHILANTHROPIQL'E. 

la criminality juvenile anglaise ; il n'accepte pas Topinion de MM. Henri 
Joly et Louis Riviere evaluant ^70p.i00i'accroissementde cette criminality 
et il se livre k une analyse tr^s sdv^re des statistiques dont il d^couvre les 
contradictions. 

(c En r^sum6, dit-il, bien qu'il soit possible que la criminality juvenile 
ait diminu6 chez nos voisins, T^lat de leurs statistiques, k la suite de leurs 
changements de jurisprudence, ue perraet pas d'en fixer le quantum. II 
faut cependant, comme nous Tavons dit plus haut, tenir compte du fail 
que la population (Angleterre et pays de Galles) s'est ^lev^e de 2141299^ 
habitants en 1864, h, 30060763 en 1894, augmentant ainsi en trente ans de 
pr^s de moiti6 et que, par consequent, ce ne sontplus les chiffres des con- 
damnations qu'il faut comparer, mais leur importance sp^cifique par rap- 
port k la population. Mais oh cesse la contestation, c*est que, sans Tadmi- 
rable creation des Industrial Schools, la criminality [aurait 6i6 inflnimeni 
plus considerable; ce qu'ilfaut aussi louer chez nos voisins, c'est leur ef- 
fort par les m^thodes les plus vari(5es et les plus ing^nieuscs, pour subsli- 
lueraTemprisonnement soit des p^nalit^s plus efflcaces, soit une Educa- 
tion appropride, soit les bienfaits de Tassistance et de la charit6. La soci^t^ 
Howard a 6i6 Fun des principaux promoteurs de ce mouvement, et nous 
devons la saluer avec respect. Et, comme le dit avec raison M. Morrisoi 
dans son excellent ouvrage Juvenile Offenders : « La criminality de Tenfanct 
« a pour facteurs les conditions sociales et individuelles au milieu des 
« quelles il est forc6 de vivre. Ce sont ces conditions qu'il faut am^liorer, 
(c si on veut TamEliorer lui-m^me. Le chdtiment n'est que sccondaire. >» 

«Il r^sulte de ces principes Ir^s justes que puisque les facteurs de la 
criminalite anglaise ne se sont pas, pour la plupart, modifies dans uc 
sens favorable, k Texception de la belle creation des 6coIes industrielles, 
la criminality ne saurait avoir decru, malgr6 les apparences d'une statis- 
tique ouue figurent ni les admonestations ni les condamnationsii Tamendc 
qui ont remplac6 les anciennes p^nalilEs! Ce qu'il fallait d6montrer. » 

M. le docteur Variot expose, dans un remarquable article de son /ouma< 
declinique et de th^rapeutique infantiles, les r^sultatsde ses observations sui 
Tusage du lait pur dans Tallaitement artificiel; il rappelle Topinion hostile 
des m^decins am^ricains et en particulier de M. Morgan Hotch et dc 
M. Marfan. 

« Les faits que j'ai observes, ecrit-il, depuis dix-huit mois sur enviroE 
200 nourrissons, sont directement contraires aux assertions de Morgai 
Rotch et de M. Marfan. 

« Aucun raisonnement ne pr6vaut contre les faits, et je ne crains pa! 
d'affirmer maintenant, qu'aprfes TAge de un mois, V immense majority des 
enfants supporte parfaitement le lait pur, et que leur croissance v6rifi6c 
par des pes^es hebdomadaires s'efTectue tres normalement. Sur ce point 
je suis enti^rement d'accord avec M. Budin, dont Topinion a ^t^ geuerale- 
ment combattue tant en France qu'i T^tranger. 

« Pendant les cinq ou six premieres semaines de la vie, Testomac subit 
de profondes modifications tant dans sa structure que dans sa capacity qui 
varie de 30 k 90 centimetres cubes. 



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BLICATIONS FRANgAISES. 473 

Q de grands managements, et pendant cette 
ble de faire couper le lait d'un tiers d'eau 
ler soigneusement la quantity en suivant les 
>gique de Teslomac. En mSme temps qae ie 
gratuitement aux m^res de petites bouteilles 
laque t6tee est marqu6e suivant I'^ge, les 



sterilise, non seulement comme un aliment 
in remfede pr^cieux centre les troubles gas- 

iberons gradu^s suivant I'dge des enfants, en 
de capacity calcul4es d'aprds les meilleurs 
onstater que les enfants 61ev6s au lait pur 
[uantit6s moindres de lait qu'on ne doit s'y 
:emple qu'un nourrisson normal de 5 mois 
tin de 150 grammes loutes les deux heures 
ires. A cet dge, la plupart de nos nourrissons 
de lait pur k chaque t^tee. — Cette remarque 
int k tous les enfants, car il en est que]ques-> 
, qui boivent moins ou plus, etqui se d6ve- 
itites filles boivent un peu moins en g6n6ral 
iracbe pur ^lant bien plus ricbe en principes 
, il ne faut pas s*6tonner que I'app^lit des 
les quantit^s de lait moins fortes que s'ils 

uvoirapporterlesr^sultats si encourageants 
, en faveur de Tallaitement artificiel avec le 
Une statistique rigoureuse des faits obser- 
le sera prochainement publico par Tun de 

t pur, je la consid^re comme bien pr^s d*6tre 
. Marfan dont la competence est si grande 
ablement 6i^ tromp6 par une sdrie de faits 

,r nos nombreux nourrissons allait^s au lait 
s du lait pur ». 

nserve encore des doutes sur ce sujet, k venir 
r les 70 ou 80 nourrissons qui sent apport6s 
aire de Belleville, k 9 heures du matin. II 
es enfants 61evds au lait pur ne s'en portent 

iants que les recherches de ce genre peuvent 
J bienvenus. 

st pas une de ces d^couvertes k grand fracas 
mpare pour les r^pandre partout ; le corps 
lur de cet admirable progr^s dans Tallaite- 



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47i REVUE PHILANTHROPIQUE. 

ment artificiel. G'est \k un rdle humanitaire bien digne de tous les mMe- 
cins (1). » 

M. le docteur Michaut soutient cette th^se dans rEnfant, la publication 
dirig^e par M. Henri Rollet, que, suivant I'expression d'un voyageur an- 
glais, le Japon est le Paradis des enfants. 

D'apr^s lui, nulle nation europ^enne ne peut rivaliser avec le Japon aa 
point de vue de son organisation universitaire. Au Japon, ralimentation 
lact^e artificielle est inconnue, le biberon n'existe pas, et la mortality dans 
la premiere enfance est bien sup^rieure acelleindiquee par nos statistiques. 
On n*y fume pas, on n'y boit pas. 

L*enfant japonais Slev^ k F^cole de la sobri^t^ devient robaste et sain, 
les maladies si nombreuses qui d6ciment notre enfance roalheureuse 
n'exislent pas au Japon. Ayant une bonne hygiene, les enfants n'ont pas 
besoin de m^decin. 

Inclinons-nous et profitons si possible de cet exemple dono^ par un 
peuple ^loign^. 

Un dernier point sur lequel je voudrais insister, bien que la place me 
soit mesur^e et qu'il me faille indiquer plut6t que d^velopper les ques- 
tions qui touchentdi i'iustruction desjeunes Japonais est celui-ci : I'enfance 
malheureuse n'existe pas au Japon. I/ceuvre de cet bomme bienfaisan 
que nous admirons tous, Toeuvre de Maitre Rolletn'aurait pas lieu d'exister 
au Japon, ce qui n'empdcbe que, tel est Tentbousiasme dont les Japonais 
sont anim6s pour tout ce qui int^resse Tenfance, M. Rollet serait port6 
aux nues au Japon, car nulle part ailleurs on n'adore mieux les enfants 
et ceux qui les aiment. 11 n'y a pas d'enfants abandonn^s, il n'y a pas 
d'enfants livr^s a la charite d'oeuvres de bienfaisance. Pourquoi? Parce 
que I'enfant estsacr^. L'enfant est toujours bien elev6. Quand son p6re ou 
sa m^re lui manque, ce sont des parents qui le recueillent. Plus une fa- 
mille a d'enfants, plus elle est consid6ree ; c'est une distinction d'avoir 
beaucoup d'enfants et quand malgre la polygamie, le mari n'a que quatre 
ou cinq enfants, il adopte d'autres enfants pour grossir sa famille. G'est 
cette prolifique affection pour les enfants qui fait la prosp^rite du pays. 
Les Japonais commencent b. avoir des colonies prosp^res et depuis le com- 
mencement du si^cle la population a presque double... Le Japon est en 
train de devenir une grande nation. Remarquez que le pays est pauvre si 
vous le jugez h. un point de vue ^troit, car il ne poss^de pas de b^tes k 
corne et pas de vignobles; un rdti de boeuf, ungigotde mouton de m6me 
qu'un verre de vin y sont aussi introuvables qu'un ivrogne ou qu*un en- 
fant abandonn^ ou qu'un bomme qui ne sait pas lire. Mais les Japonais ont 
suivi le principe de T^vangile : « Groissez et multipliez » auxquels par sar- 
croft lis ont ajout4 : « Protegez et instruisez les enfants, » et le Japon es 
grand. » 

(1) La consultation de nourrissons du dispensaire de Belleville a lieu tous les 
vendredis k 9 heures, 124, boulevard de Belleville. Les m6decins et les ^tudiants 
qui d^sirent approfondir les questions d'allaitement sont admis librement. 



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'U 



BULLETIN 



La lulte centre la tuberculose n'int^resse pas exclusivement les mdde- 
cins et les hygi^nistes, elle met eu jeu des responsabilit^s multiples; elle 
rentre k proprement parler dans ces questions sociales qui prennent une 
place de plus en plus grandedans les preoccupations des pouvoirs publics. 
Une d-marche solennelle a et6 faite aupr^s de M. M61ine, president du con- 
seii des ministres, par le president et les rapporteurs de la commission 
sp^ciale institute ft FAssistance publique, MM. Brouardel, Grancber et Thoi- 
not, par les repr6sentants du Conseil municipal et du conseil de surveil- 
lance de TAssistance publique, par le directeur de FAssistance publique, 
pour appeler toute la soUicitude du gouvernement sur un danger grave et 
inqui^tant. Les d^l^gu^s ont rappel^ que la tuberculose fait chaque ann6e 
en France 225 000 victimes. 

D'ici quelques jours, lorsque le S6nat examinera en deuxi^me lecture le 
projet de loi sur la sant6 publique, M. Henri Monod, M. Brouardel et 
M. Ck)mil ne manqueront pas d'^voquer ce p^ril des maladies contagieuses 
et §vitabies pour faire ^clater aux yeux les plus pr^venus F^norme impor- 
tance de ces mesures de prophylaxie commune qui s*imposent en Europe k 
la vigilance de tous les gouvernements. 

Pour Paris, un programme considerable a et6 dress^; il n'a pas 
encore et6 soumis k la ratification du Conseil municipal, dont le bon vou- 
loir n'est pas douteux, puisque la premiere initiative est venue de lui par 
Torgane de M. Raoul Bompard. Un premier credit de six millions a ^t^ 
mis k la disposition de FAssistance publique pour am6nager dans plusieurs 
h6pitaux de quartier des pavilions sp^ciaux destines au traitement et k 
Fisolement des tuberculeux ; une seconde cat6gorie d'^tablissements a et6 
pr^conisee, celle des sanatoria, comme celui d'Angicourt actuellement en 
construction. 

Le sanatorium d'Angicourt, dont notre collaborateur M. le D' A. Plicque 
exposait derni^rement lliistoire (1), avance lentement; il a ete dote sur 
les fonds du pari mutuel, et les ressources ne sont pas encore suffisantes 
pour ie mettre k bref d61ai en pleine activit6. Ces retards sont extrfime- 
ment regrettables, si Fon envisage Fextr^me urgence de cette creation qui 



M 






(1) N*' 8 de la Revue Philanthropique, p. 244 et suiv. 



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476 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

r^pond k une n^cessit^ absolue. La grande commission parisieane de la 
tuberculosey tout en donnant la pr^f^rence aux pavilions d'hdpitaux intra- 
urbains pour Thospitalisation des tuberculeux, a plac^ au m^me rang la 
construction de sanatoria, en ^mettant le vgbu que TAssistance publique 
etle Conseii municipal mfenent de front I'ach^vement d'Angicourt et I'or- 
ganisatioQ des pavilions sp^ciaux. 

Partout les administrations se hatent de reformer ou de compldtei 
leur outillage hospitalier. A Lyon, M. Sabran et le Gonseil g^n^ral des 
hospices pr^parent un sanatorium dans le d^partement de TAin. « Algei 
s'organise, nous apprend le docteur Leou Petit dans son Bulletin mensuei 
de VOEuvre des enfants tuberculeux, Orleans etle Loiret continuent avec ui 
plein succfes leurs collectes et leur campagne de propagande. Nice vient d( 
cr^er un service d'hygiene et de tuberculinisation des vaches laitieres, 
.pour emp^cher la propagation de la tuberculose et sa difTusion par le lait. 

A Troyes, plusieurs des conferences du mercredi k THdtel de Ville onl 
6t^ consacr^es k T^tude de la tuberculose et des moyens de la combattre 
A Nancy, la question est pos^e d'un sanatorium. La ville de Li^ge, prdoc- 
cup6e du grand nombre de dcc^s causes par la phtisie, fait des voeux poui 
que la charity publique cr6e des asiles pour les tuberculeux. 

Un de iios coUaborateurs 6num6rait, dans le dernier num^ro de h 
Revue P hilanthropique (1), les sanatoria existants : TAngleterre en pos 
shde 18, TAllemagne il,la Suisse en coraptera bient6t 10. Les nations ri- 
valisent de d^vouement, les cures d'air se multiplient, les tuberculeux in 
digents sont prot^g^s et soign^s comme les millionnaires. La France e 
Paris ne tiennent pas un rang honorable dans ces tentatives; k coup sAr le 
resolutions sont prises, les foods sont prdts tout au moins pour Thospitali 
sation urbaine des phtisiques, mais ce premier sanatorium d'Angicourt 
depuis si longtemps en voie d'ex^cution, n'ouvre pas ses portes, et lei 
apdtres de la lutte contre la tuberculose se d^solent' de tant de lenteur e 
d'une telle inertie. 

II appartient au Gonseil municipal, qui a pris une si grande part k h 
preparation de ces mesures de defense contre la tuberculose, de secouei 
ces torpeurs et d'accei6rer Tex^cution du programme de la commissioi 
dont MM. Grancher et Thoinot ont resume avec tant d'autorite les travau: 
et les conclusions. 

« 

L'6parpillement des efforts de la bienfaisance officielle, le morcelle- 
ment des etablissements publics, ont de longue date apparu comme aQ( 
cause d'inf^riorite, et, si la ville de Paris soufifre d'une organisation coii 
leuse et compliqu^e, les autres communes de France ne sont pas dani 
une situation plus favorable, bien au contraire. II n'y existe aucun poin 
. de contact, aucun lien direct entre Thospitalisation des malades ou de: 
vieillards et la distribution des secours £i domicile : partout, sauf k Paris 

(1) N* 8, chronique etrangere : les Sanatoria pour les tuberculeux, par A. S. 
p. 282 et 283. 



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■«r:T^.:T'7^'=':*' 



BULLETIN. 

dans les conditions peu satisfaisantes que nous avoiis dites, le bi 
benfaisance et I'bospice ont une administration separ6e ; ces deu: 
tutions ont le droit dene pas se conna!tre,de s'ignorer mutuellemc 
cone des deux commissions administratives, celle du bureau de 
sance et celle de Tbospice, agit comme si elle ^tait seule. 

En 1871 d^j^ les incon?enients de ce dualisme avaient 616 sig 
depuis de longues annees les philanthropes les plus qualifies d^plo 
separation nuisible aux int^rdts communs. Pourquoi Tindigent m 
le n^cessiteux secouru Ji domicile rel^veraient-ils de deux admini 
distinctes? N'y a-t-il pas, au contra! re, le plus [grand avantage h, i 
le traitement medical k domicile, di!it-on m^me accorder k I'indige 
Q^cessiteux ainsi trait6 un secours d'argent qui lui permette de 
de manger? Une des raisons qui rendent le s^jour de Thdpital i 
pour les raalheureux est qu'ils y trouvent le vivre et le convert, tai 
domicile, s'ils sonl hors d'etat de travailler, ils sont r^duits, dan: 
th^se la plus favorable, aux maigres subsides du bureau de bienl 
Les h6pitaux ^conomiseraient encore sur leur budget s'ils conti 
pour une certaine part k I'assistance k domicile de ces malades c 
pas rigoureusement besoin d'etre hospitalises et dont le s6jour a 
des leurs est preferable k tant d*egards. 

Combien d'autres motifs plaident en outre en faveur de Tunite 
nistration des etablissements d'assistance communale, et par suiti 
malentendu un certain nombre de commissions administratives 
accueilli avec hostiiite le projet gouvernemental destine k r6ali\ 
unite? Nous rignorons, mais nous avons Tespoir qu'un examen 
d'un texte qui respecte les patrimoines des etablissements distinc 
disparaitre plus d'une prevention. 

Le projet de fusion des commissions administratives des hoi 
des bureaux de bienfaisance, approuve par le Conseil superieur 
sistance publique et par le Conseil d'Etat, est soumis k Tapprob 
Senat; il est de nature k apporter dans le fonctionnement de TAi 
communale en France un nouveau progrSs, en concentrant les efil 
la loi de 1893 sur Tassistance medicale gratuite s'est dej^ pre 
reunir. 11 est k souhaiter que cette modeste reforme, grosse d 
quences pratiques, ne se fasse pas trop attendre et que les devoi 
missaires des pauvres et des hospices n'y voient pas une atteinte ^ 
dependance; Tunite d'administration, loin d'amoindrir leur aut 
fera au contraire que la fortifier et la vivifier. 

« « 

L'Assistance publique de Paris est lente k se transformer, k i 
aux besoins nouveaux de la science moderne ; elle ne tient cerU 
pas la tete en Europe, et la Faculte de medecine de Paris, si ricl 
lenls et en illustrations, ne fait pas tout le necessaire pour tirer 
merveilleuses ressources hospitalieres. En 1890, au retour d'ui 
d'etudes en Russie, M. Henri Huchard jetait un cri d'alarme ; 
avertissements ont ete proferes. 



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478 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

Paris est surtout arri6r^, iant dans son enseignement que dans son or- 
ganisation hospitali^re, au point de vue des sp^cialit^s; TAliemagne, TAu- 
triche-Hongrie, Tont visiblement distance sur ce terrain. 

Une reaction se manifeste contra cette m^connaissance des necessit^s 
contemporaines, et ie conseil de surveillance de TAssistance publique, 
avec Tactive adhesion de M. Peyron, a fait ie meilleur accueii au principe 
d'une proposition d'initiative municipale k laquelle nous portons Ie plus 
vif int^r^ En ce qui concerne Ie traitement des maladies d'yeux, i1 a H6 
reconnu que ces affections comportaient pour I'hespitalisation comme 
pour la consultation externe la creation de services sp^ciaux k titre d^fl- 
nitif et en mSme temps Ie recrutement de m^decins sp^ciaux, nomm^s au 
concours comme les m^decins, chirurgiens et accoucheurs des h6pitaux. 
II n'est que juste de reconnaitre que, contrairement k ce qui s'est pass6 
pour la constitution des accoucheurs des h6pitaux, Ie corps m6dico-cbi- 
rurgical a accueilli de bonne grdce cette innovation. 

II est d^s k present acquis que, pour completer lesdeux services d'yeux 
de rH6tel-Dieu et de Lariboisifere, un troisifeme service d'ophtalmoiogie 
sera 6tabli k Thdpitai Laennec; Ie programme du concours des oculistes 
des hdpitaux a ^t^ definitivement adopts, sauf en un point (1). 

La commission des sp^cialit^s n'a pas achev^ son cBuvre; il lui reste k 
soumettre au conseil de surveillance ses resolutions sur les maladies du 
larynx, de la peau, etc., et k conclure pour chaque esp^ce d'une maniere 
aussi heureuse que pour les affections des yeux. 



En ne faisant pas leur place auxsp^eia/i7^$, les h6pitauxn'accomplissent 
pas leur mission, ils manquent k leufs obligations envers les malheureux 
etles ddsh^rit^s; tout progrfes hospitalier est un bienfait pour les pauvres, 
pour les n^cessitenx. L'esprit de corps obscurcit parfois certains jugements 
qu'on aimerait k voirmoinsentach^sd'erreur; c'est ainsi qu*i notre grande 
surprise nous avonslu une protestation d'une des associations m^dicalesde 
Paris, Ie Syniicat general des medecins de Paris et du ddpartement de la Seine, 
centre Texcellente reforme relative k Tophtalmologie dans les h6pitaux. 
L'information, d'ailleurs inexacte en ces termes, que chaque hdpital soit 
pourvu d'une consultation pour les maladies d*yeux, a ^mu les membres 
de celte honorable soci6t6. 

En admettant par hypothfese qu'au lieu d'etre limit^es k trois ou quatre 
pour Tensemble de Paris, les consultations d'yeux soient g^n^ralis^es, en 
quoi cette innovation serai t-elle pr^judiciable k la corporation m^dicale? 
On objecte que les cliniques ^ratut^es suffisent et qu'il y aurait injustice k 
les d^pouiller de leur clientele. 

Gertes, les protestations du Syndicat giniral seraient fondles s'il s'agis- 
saitde restreindre la clientele payante des praticiens de la ville; mais Ie 
d^bat porte uniquement sur les clients gratuits. Ceux-ci reinvent sans con- 
tredit des h6pitaux, qui doivent leurs soins gratuits aux indigents et aux 

(1) Voir n» 7 de la Revue Philanthropique, informations, p. 143. 



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■PWCP^^'" 



BULLETIN. 



479 



n^cessiteux atteints d'une affection d'yeux, et les cliniques libres, dont 
qnelques-unes ont rendu de si grands services k rophtalmologie, ne sau- 
raient en prendre ombrage ; si elles sont dirigees par des maltres consom- 
mes, elles n'ont rien i risquer, les hdpitaux ne leur feront pas concurrence ; 
au contraire, si la comparaison tourne k leur d^savantage, il y aura lieu 
de se f^liciter d'une amelioration dont proQtent les malades pauvres. 

Que les syndicats de m^decins d^noncent les abus de I'admission des 
malades riches ouais^s dans les hdpitaux, ils d^fendent une cause juste; 
en m^me temps qu'ils servent un int^r^t ^minemment respectable, ils 
saavegardent le bien des pauvres ; ils out raison d'insister, d'en appeler k 
leur confreres des hdpitaux qui couvrent parfois de leur complaisance ces 
abus et de r^clamer des mesures administratives efficaces. Autant cette 
reclamation est fond6e et soutenable, autant Topposition au meilleur fonc- 
tionnement des hdpitaux tombe k faux. 

II est du strict devoir des administrateurs et des municipalit^sde porter 
leurs services hospitallers au plus haut point de perfectionnement, sauf 4 
redonbler de vigilance pour en r6server le benefice aux pauvres et aux 
malheureux. Plus les medecins pr^tent leur concours d^vou^ et d^sinte- 
resse aux mesures de progr^s et d'humauite et plus leur t^moignage aura 
de poids pour la delimitation des fronti^res de TAssistance mddicale gra- 
tuite; le probl&me est malaise pour Paris et les villes; raison de plus de 
I'aborder en toute impartialite et d'un esprit large et liberal. 



i& 



^m 



* 









Un honorable administrateur d'un bureau de bienfaisance de Paris a 
congn le projet de former un faisceau, d'etablir un groupement entre les 
vingt bureaux parisiens ; ii a interesse le Rappel k cette proposition, et 
M. Andre Honnorat, qui la soutient avec beaucoup d'habilete, expose 
qu'apr^s avoir rSve de reunir en une association fraternelle les 400 admi- 
nistrateurs parisiens, Tauteur du projet proposait en derni^re analyse aux 
bureaux de se faire representer par vingt deiegues : «I1 ne s'agit pas, bien 
entendu, fait observer M. Honnorat, de substituer un pouvoir nouveau aux 
pouvoirs actuels, deconstituer,au-dessus des bureaux de bienfaisance, une 
sorte de conseil superieur reglant et limitant leur action. II s'agit simple- 
ment de permettre aux representants des divers bureaux de s'entendre sur 
la repartition des secours, de comparer les resultats obtenus dans tel ar- 
rondissement avec les resultats obtenus dans tel autre, d'examiner en- 
semble sur quels points Torganisation actuelle devrait etre modifiee. » 

En effet, le projet n'a rien de subversif ; il emane d'un administrateur 
de\oue qui n'a pour but que de grouper des bonnes volontes et de coope- 
rer par cette entente au soulagement des malheureux, au meilleur fonc- 
tionnement de I'Assistance publique. 

II est k presumer que si Tidee federative a rencontre des objections, 
dans la forme primitive oh elle etait presentee, le souvenir des meetings 
bruyants organises pour manifester contre le decret de 1895 n'y a pas 
ete etranger. 

Aucune arriere-pensee de ce genre ne hahte Tesprit des organisateurs 












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480 REVUE PHILANTROPIQUE. 

da nouveau groupement, celui-ci n'eet pas destine ^sauvegarderles pr^n 
gatives des administrateurs, mais k rehausser leur rdle en les faisant part 
ciper d'une maniSre plus g^Q^rale k la recherche et k la promulgation d( 
meilleures m^thodes d'assistance k domicile. 

Ni le conseil de surveillance de TAssistance publique, ni le Gonseilmi 
nicipal ne se plain dront, suivant toute apparence, d'un regain d'activi 
des bureaux de bienfaisance, surtout si une telle initiative avait pour r 
sultat de susciter quelques-unes de ces petites r^formes, qui, additionn^e 
ont un si grand prix en philanthropie. Ledecret de 1895 n'est pas encoi 
appliqu6 dans son esprit, puisqu'il laisse aux bureaux toute latitude d'au| 
menter au dela de seize le nombre de leursadministrateurs. Un seul arroi 
dissement, le troisi^me, avait devanc^ le r^glement en fondant, d'apr^s I 
principes d'Elberfeld, une curatelle des pauvres tr^s active et trfes util 
Pourquoi cet exemple n'est>il pas suivi? Les autres arrondissements i 
peuvent s'en tenir ind^flniment au statu quo, confier k un seul administn 
teur un grand nombre d'administr6s, n^gliger les concours f^minin 
suivre les sentiers battus. G'est d6jd beaucoup que la loi ne les entra^ 
.pas et qu'elle ouvre la porte k des modifications grdce auxquelles le fom 
tionnement de nos bureaux de bienfaisance pourrait Stre radicalemei 
transform6. Seulement il convient de tirer de la loice qu'ellecoraporte, 
tout ce qui sera tent^ pour rajeunir les bureaux, pour leur donner la vi 
sera profitable aux pauvres. 

Paul Strauss. 



Le Directeur-G^rant : PAUL STRAUSS. 



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I\ 



L^ASSISTANCE PUBLIQUE 

LE PROJET DE LOI SUR L' ASSISTANCE AUX VIEILLARDS 
ET AUX INCURABLES 



1-e conseil d'Etat est charge par le gouvernement de pr^- 

P^i'Gr xin projet de loi sur Tassistance aux vieillards, aux infirmes 

^t atix: incurables. PeuWtre le moment est-il favorable pour 

'^otxtx-er que ce projet n'est pas isold, qu*il fait partie d'un 

^J^soixk J}le, d'un plan m^thodiquement suivi pour Torganisation 

®' ^-^sistance publique en France. 

^*^st en novembre 1886 qu'a 6i6 cr^^e au ministfere de 

*nt^i»ieur la direction de Tassistance publique. Du rapport 

aare^^^ iicette occasion par le ministre de Tint^rieur au pr^si- 

d^ la R^publiquc, j'extrais le passage suivant : 

/^ • - . Sans exposer ici le fonctionnemcnt des institutions de 

*^*^-isance, il est bon de rappeler que les dispositions Idgis- 

<i^ qyj l^g r^gissent no se sont presque jamais inspir^es de 

P^J^^ijifces gdn^raux et qu'aucune conception d'ensemble n'a 

pre&xd^ j^ leur elaboration. A une 6poque ou les questions d'as- 

^^^ ^CiesocialesontiTordre du jour et passionnent tous les 

^P^vt^^ il faut que Tadministration se tienne k la hauteur de 

^^che. La creation d'une direction de Tassistance publique 

^ ^^^itue un progr^s s^rieux, en permettant d'^tudicr le pro- 

^^^Uie dans son ensemble. » 

Musi, la direction nouvelle avait pour tAche d^dtudier 
^^ dans son ensemble » le probli^me des secours publics, en se 

BEVUE PniLAI^TIIROPIQlE. — H. 31 



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482 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

p^ndlrant des << principes g6n6raux » de fraternity et de soli- 
darity qui sont les principes r^publicains. 

Ces principes avaient 6i6 proclam^s en 1789. lis le furent 
aussi en 1848. Et cependant, s'ils avaient inspire beaucoup 
d'initiatives g^n^reuses, ils n'avaient pas inspire notre legisla- 
tion. Les secours aux malheureux dtaient abandonnes aux 
hasards des bonnes volont6s, publiques ou privies. Aucune 
categoric de malheureux n'^tait assur^e par la loi de recevoir 
les secours dont elle avait besoin. 

La loi rangeait bien les d6penses faites en faveur des enfants 
assist6s parmi les ddpenses obligatoires des communes, mais le 
service est d^partcmental, et la d^pensc n*est pas obligatoire 
pour le d6partement, de telle sorte que si un ddpartement se 
d^robe, totalement ou partiellement, k son devoir sur ce point, 
Tobligation des communes disparait. 

La loi des alidn^s 6tait une loi de police plus qu'une loi 
d'assistance. 

Des h6pitaux, des hospices, des bureaux de bienfaisance 
existaient; ces ^tablissements n'dtaient dus qu'h des impulsions 
individuelles et fonctionnaient surtout avec des fonds prove- 
nantdela charity priv^e (1). D'ailleurs plus d'un tiers de la 
population de la France n' avait pas de bureau de bienfaisance; 
pr^s des trois quarts de cette population n'avaient pas de 
moyen d'hospitalisation dans un dlablissement public. 

Certes, il y avait beaucoup de bien produit, mais sans r^gle 
directrice; sans plan; sans m^thode; abondance ici, Ih disette; 
c'6taitdcsmembres6pars, cen'^taitpas unorganisme, cen'^iait 
pas un corps ayant et donnant la vie. 

Que fallait-il faire ? 

II fallait sans doute rechercher d'abord et fixer les principes 
sur lesquels doit 6tre fondle une assistance publique ration- 
nelle, en dvitant les dangers et les fautes que nous r^v^le 
notre propre experience ou la pratique d'aulres nations, et ne 
passer h Tapplication que lorsque, ces principes etant bien 



^1) En 1885, prfes de 73 millions, sur 95 millions depens^s, avaient cette en- 
gine. 



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L'ASSISTANCE PUBLIQUE. 483 

vus, le terrain de Faction se trouverait nettement d61imit6. 
Pour s'^clairer dans cette ^tude, le gouvemement cr6a le 
conseil sup^rieur de Tassi stance publique. II y appela les bommes 
qui lui parurent les plus comp^tents dans les questions de la 
bienfaisance, quelques-uns d'origine et d'opinions politiques 
ou religieuses fort diverses^ en maintenant n^anmoins dans le 
conseil une forte majority r^publicaine, car il importait que 
Toeuvre sociale entreprise par la R^publique fiit couQue et con- 
duite dans Tesprit rdpublicain. 

L'exposition de 1889 offrit en outre Toccasion de r^unir k 
Paris un premier congr^s international d'assistance^ oti vingt- 
cinq nations se trouv^rent representees par les bommes qui, 
sur tous les points du globe, s*etaient le plus utilement et le 
plus gdnereusement adonn^s h I'etude de Tassistance publique. 
La aussi, dans cetle grande assembl6e, dont les travaux ont 
une s^rieuse importance, ce fut Tesprit de fraternity, Tesprit 
r^publicain qui pr^valut. 

Ce fut aussi un esprit de sagesse et de prudence. 

Dis le debut des travaux du congrfes, la question de I'assis- 

tence obligatoire fut pos^e. Le rapporteur demandait que le 

pnncipe en fiit proclame sans limitation. C*6taitle principenon 

limits qui avait inspire la legislation anglaise. Cetait celui 

qu'adnaettent un grand nombre de ceux qui ont traite de la 

'^^^i^re. C'etait, h mon avis, celui qui avait fait ecbouer les 

^«stes projets de la Convention. C*etait ce principe que Ton 

6toiij^g de voir consacrer en ces termes par un ecrivain aussi 

^"''v^oyant que Montesquieu : 

^* Quelques aum6nes que Ton fait Ji un homme nu dans la 

we n^ remplissent pas les obligations de TEtat, qui doit k tous 

^ ^^tcjyens une subsistance assuree, la nourriture, un vete- 

^^^^ Oonvenable et un genre de vie qui ne soit pas coatrairc 

^'^ ^^iite(l). » 

, ^st ce principe de Tassistance publique obligatoire gene- 

^^^ qui met si justement en defiance les esprits reflechis. 

*^^ congrfes de 1889 se refusa k Tadopter. Ceux qui ont 

^ Esprit des Lois, 1. XXIlf, cb. xxix : Des Hdpitaux. 



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484 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

assists k cetle s6ance se rappellent rintervention decisive dans 
la discussion de M. le professeur Ulysse Tr^lat qui, avec sob 
admirable eloquence, montra les c6t6s « redoutables » de la 
solution propos^e, la n6cessitd de limiter Tobligation de Tassis- 
tance, et, ramenant Tassemblee k la proposition qui lui avail 
6t6 soumise dans le discours d'ouverture du Congr^s, d6fendi1 
Tobligation de Tassistance aux enfants, aux malades, aux vieil- 
lards avec autant d*6nergie qu'il en mettait k ^carter de Tobli- 
gation ceux qui n'^taient pas incapables de travail. 

Apr^s de longs ddbats, le congr^s vota, k Tunanimit^ moins 
une voix, la formule suivante : 

« L'assistance publique doit 6tre rendue obligatoire par la 
loi en faveur des indigents qui se trouvent, temporairemenl ou 
d^finitivement, dans rimpossibilit6 physique de pourvoir aux 
n^cossit^s de Texistence. » 

C'est sur cetle formule que nous vivons : c'est elle qui a 
depuis lors inspire tons les travaux du conseil sup^rieur, tons 
les projets de loi pr^par^s par le gouvemement. 

Ceux qui se trouvent dans Timpossibilit^ physique... 

C'est-Ji-dire : les enfants, les malades, les vieillards, les 
infirmes et les incurables. 

Ainsi se trouvaient d^s Tabord 6cart6s le plus grand em- 
barras et le plus grave p^ril. 

Si, en elTet, toute organisation de Fassistance publique pr(5- 
sente \m danger dcvant lequel reculent, non seulement les 6co- 
nomistes purs, mais presque tons ceux qui ont quelque peu 
^tudid sans parti pris les questions sociales, n'est-ce pas que 
Ton craint que cette organisation ait pour r^sultat d'entretenir, 
et mOnie de d^velopper le paup^risme? Mais ce rdsultat n^rasto 
n'est k craindre qu'autant que lessecours publics vont aux indi- 
gents valides, dont on risque d'encourager la fain^antise et dc 
faire des parasites sociaux. Li, le danger est Evident, et jamais 
il ne doit 6tre perdu de vue. Plus Ton est p(^n(5tr^ du devoir d( 
Tassistance, plus il faut redouter de diminiler, si peu que ce soit 
ce stimulant au travail qui est la n^cessit^ de vivre. 

Ce danger n'existe pas quand il s'agit d'enfants, de malade^ 
pauvres, de vieillards. Ici, la cause diJtcrminante du secours, h 



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L'ASSISTANCE PUBLIQUE. 485 

faiblesse, Tinvalidit^, ne dependent pas de la volenti de Tas- 
sisl^. Et si Ton objecte qu'au moins pour les malades et les 
vieillards, il y a une autre condition essenlielle du secours qui 
peat leur ^tre imputable, Tiadigence, qu'ils auraient pu 6viter 
cette indigence par plus de pr^voyance, par une vie mieux 
r^gl^e, il est permis de r^pondre que leur faute en ce cas n'est 
pas une raison suffisante pour ne pas leur venir en aide. Dans 
un pays ou la loi contraint le p^re h venir au secours de son fils 
dans le besoin, quels qu*aient 416 les torts de ce fils, la patrie ne 
peut refuser a ses enfants, eussent-ils^td impr^voyants ou dissi- 
pateurs, les aliments n^cessaires k leur existence quand il est 
^tabli qu'ils sont dans Timpossibilit^ physique de se procurer 
ces aliments par leur propre effort. 

Ainsi, le conseil sup^rieur a considdr^, et le gouvernement 
a consid^r^, que Tassistance publique ne devait ^Ire rendue 
obligatoire qu'en faveur des enfants, des malades, des vieillards 
et des infirmes. 

L'on a commence par les enfants. La loi du 24 juillet 1889 a 

permis de retirer la puissance paterneJle aux parents indignes. Si 

i ofciigation n'a pas 6t6 inscrite dans cette loi , c'est que les enfants 

^oralement abandonn^s dtaient par cette loi assimil6s aux enfants 

^sist6s pour lesquels Tobligation n'existait pas (robligation est 

P^opos^e dans un projet de loi soumis depuis plusieurs ann^es 

^ s^nat) et que de tels avantages ^laient faits aux ddparlements 

"^ Voleraient cette assimilation qu'il n'y avait pas k douter de 

^^ ^.dl^^sion. L'assentiment fut en effet unanime. La loi fonc- 

'^^^^ ; actuellement, le nombre des enfants qui, en vertu de 

^ *^^i, ont ^t6 retires de milieux abjects ou de la plus extreme 

^spv^^ qui ont 6t6 confiis aux services d^partementaux et qui 

^^^xdront, en trfes grande majority, d'utiles citoyens ou de 

^^^^^ m^res de famille, d^passe 15000. 

-^^pr^s les enfants, les malades. En faveur de ceux-ci inter- 

^ ^^ loi du 15 juillet 1893 sur Tassistance m^dicale gratuite. 

^^^ ^lle, le principe de Tobligation entra dans notre droit pu- 

^^^^- V^'opposition Jt cette loi fut beaucoup moins forte qu'on ne 

^^vail pr^vu. D^s Fannie 1895, elle a fonctionnd dans 63 d6par- 

Iftinents; cette ann^e-li, grftce h cette loi, 12995 malades pau- 



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486 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

vres ont ^t^ hospitalises qui n'auraient pu T^tre en vertu de h 
ioi de 1851, et 107 569 malades de plus que les ann^es pr6c6 
denies ont 61^ secourus h domicile. 

Le gouvemement a done suivi jusqu'ici une marche m^tho 
dique. Le projet de ioi organisant I 'assistance aux vieiilardi 
est une troisi^me ^tape dans la carri^re qu'il se propose d< 
parcourir. 

C'est la plus difficile^ parce que c'est la plus obscure, sinoi 
par le devoir qui doit nous y guider — ceiui-l& parait assez clair 
— du moins par les r^sultats, sociaux et financiers, auxquel 
elle pourra conduire. En cette mati^re, des informations authen 
tiques sont presque impossibles h recueillir; Tadministratioi 
n'y a pas m6nag6 ses efforts; elle a jusqu'ici ^chou^. 

Une premifere question se pose : La Ioi est-elle n^cessaire? I 
est Evident que, quelle que pilt6tre lajustesse devuesth^oriques 
si, en fait, la totality, ou la presque totality, des vieillards oi 
des incurables pauvres recevaient en France les soins qu'exig( 
leur etat, il ne faudrait pas mettre en mouvement Tappareil 1^ 
gislatif, au risque d'effrayer, ou de d^courager des initiative: 
privies g^n^reuses. 

Mais, hSlas, il n'en est pas ainsi. 

M. Sabran, president du conseil g6n6ral des hospices d 
Lyon, a 6t& charg6 par le conseil sup^rieur de lui presenter ui 
rapport et un projet de Ioi sur Tassistance aux vieillards et au: 
incurables. « Si nous cherchons, dit-il, h savoir comment cett< 
assistance est exerc^e, nous pourrons facilement nousconvaincr 
par les plaintes qui s'dl^vent de tons cdt^s, par les douloureu: 
abandons dont nous avons ^ chaque instant le spectacle affli 
geant, que cette assistance est insuffisante, surtout dans lei 
campagnes, malgr6 les g^n^reux efforts tenths de divers c6te 
par la charitd priv6e. 

« Le vieillard indigent, dont I'ftge a affaibli les forces, et qu 
n'est plus capable de fournir un travail quelconque, n'a le plui 
souvent d'autres ressources que le bureau de bienfaisance oi 
des secours lui sont donnas au m^me titre qu'aux autres indi 
gents, mais vous savez combien ce secours est insuffisant pou 
assurer Texistence d'un vieillard incapable de gagner sa vie 



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L'ASSISTANCE PUBLIQUE. 487 

car il r^sulte des demi^res statistiques que la moyenne des se- 
coars allou^s par ies bureaux de bienfaisanee s'^l&ve annuelle- 
ment k 19 fr. 50 par personne, et m^me cette assistance, tout 
insttffisanie qu'elle soit, ne peut 6tre procur^e partout, puisque 
19000 communes enyiron n'ont point encore de bureau de 
bienfaisanee. 

« Si Ies bureaux de bienfaisanee sont insuffisants pour se- 
eoorir Ies vieillards indigents, peut-on compter sor Fassistance 
bospitali^re, et troaverons-nous dans Ies ressourees dont nous 
disposons Ies ^I6ments suffisants pour venir en aide k Findigent 
devenu incapable de travailler? 

« lA encore la r^ponse sera negative. 

a ... Nous n'apprendrons rien h personne en affirmant que 
Fassistance est insuffisante et qu'il ne se passe pas de jour ou 
Ies administrations bospitali^res, Ies bureaux de bienfaisanee, 
Ies mairies, ne sment sollicit^s par de malheureux yieillards ri- 
diiits au d^nuement le plus absoiu ou, cbose plus p^nible en- 
core, par de malheureux incurables dont la mis^re est aggrav^e 
par la maladie. 

«... Nous rdsumons cette premifere partie de notre rapport 
en disant : 

« que, d'apr^s notre legislation, Tassistance des vieillards et 
des incurables est purement facultative ; 

a qu'en fait elle n'existe r^liement que dans Ies vilies d'une 
certaine importance; 

« qu'elle s'exerce souvent au detriment des malades dans 
quelques h6pitaux ; 

« qu'elle s'exerce presque partout an prejudice des pension- 
naires des d^p^ts de mendicity; 

c qu'en tons cas elle est insuffisante et que nous serious ex- 
poses h une situation bien plus doulou reuse encore si la cha- 
rity priv^e ne recueillait un grand nombre de vieillards. » 

A Tappui de ses conclusions, M. Sabran fournit le tableau, 
vraiment lamentable, de Tassistanee des vieillards dans un cer- 
tain nombre de d^partements. Dans Ies vilies Ies plus riches, 
rtput^es Ies plus chari tables, des vieillards pauvres restenl sans 
secours, et n'ont d'autre moyen de vivre que la mendicity. 



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488 REVUE PHILANTHROPIQLE. 

M. Sabran cite Ic fait, signals par le pr^fet de la Gironde, d'uD 
incurable qui n'a pu 6tre hospitalism k Bordeaux, parce qu'il 
n 'avail pas les 20 ans de residence qu'exige le r^glement de 
cette ville. II declare que « sur diifdrents points du territoire, 
des vieillards, des incurables incapables de gagner Icur vie 
souffrent, et meurent, faute d'assistance. » 

Dans les villes qui forment la banlieue de Paris, et ou Tas- 
sistance est organis^e mieux que dans beaucoup d'autres, celle 
aux vieillards est tr^s insufiisante. Rapporteur devant le 
conseil g^n^ral de la Seine, M. Paul Strauss s'exprime ainsi : 

« La notori6tm publique, les dol^ances de nos collogues, 
notre propre experience nous ont r6vel6 de longue date Tinsuffi- 
sance des secours communaux h la vieillesse. Toutes les com- 
munes du d^partement de la Seine sont pourvues de bureaux 
de bienfaisance, mais les vieillards ne rcQoivent que des allo- 
cations d6risoires, et les moyens d'hospitalisation de la vieil- 
lesse font totalement d^faut dans la moiti^ de ces communes. 
Pr^s de 200000 habitants du ddpartement de la Seine ne dispo- 
sent pas d'un seul lit d'hospice pour leurs vieillards indigents, 
pour leurs infirmes, pour leurs incurables (1). » 

S'il en est ainsi aux portes de Paris, on pent juger de ce qui 
se passe ailleurs. 

Une circonstance particuli^re permet d'fitre renseign^, au 
moins partiellement, sur une categoric d'incurables : les aveu- 
gles. Cette circonstance, c'est Texistence des pensions des 
Quinze-Vingts. 

Eh bien ! les aveugles sont en France dans la condition la 
plus cruelle. J'ai les mains pleines de preuves, et chaque cour- 
rier, pour ainsi dire, m'en apporte de nouvelles. J'ai dans mes 
cartons 1 800 demandes de secours d'aveugles &g6s de moins de 
60 ans, 270 demandes d'aveugles ftg^s de plus de 60 ans^ et 
Tadministration n'a aucun moyen de soulager ces mis^res, qui 
parfois sont v6ritablement atroces. Les rares pensions des 
Quinze-Vingts ne sont attributes qu'aux aveugles les plus Ag^s 
et combien meurent avant qu'il ait 616 possible d'accueillir 

(1) Paul Strauss, Rapport au Conseil g^niral de la Seine, 18 d^cembre 1895. 



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L'ASSISTANCE PUBLIQUE. 489 

leur demande ! Depuis un an, sauf quelques cas tout k fait ex- 
ceptionnels, il n'a pu 6tre attribu6 de pension qu'aux aveugles 
ayant d^pass^ 70 ans. 

Veut-on quelques exemples? Je les prends au hasard. 

Un aveugle fait 6crire : 

Y..., demeurantk M..., fut, le i«' mai 1863, compl^tement aveugl^ par 
un coup de mine, la poudre avait fus^. Bepuis cette ^poque, il est r6duit 
k )a pire extr^mit^, vivant des quelques rares aum6nes qu'il peut recueil- 
lir. Par charity on Ta pris en demi-pension dans une petite auberge oCi 
pour cinq (^ous par jour on lui trempe sa soupe, quelle soupe ! et on lui 
fournit son miserable coucher. Detail navrant ! 11 y a des jours ou ce pauvre 
malheureux n'arrive pas k ^quilibrer ce budget si pr^caire. 

Un autre signe les lignes suivantes : 

Le a mars dernier, vous avez bien voulu m'informer que ma demande, 
tendant h obtenir \m secours viager sur les fonds de I'hospice national des 
Quinze-Vingts, est r^guli^rement inscrite. 
• Depuis r^poque susdite, mon 6tat s'est beaucoup aggrav^. 
Ma femme est malade depuis vingt ans, je n'ai aucun moyen d'existence 
qae la mendicity, et cette trlste ressource est sur le point de memanquer. 
Je suis infirme et ne peux plus marcher; ma belle-m^re, qui m*a servi de 
guide jusqu'4 present, ne peut plus m'^tre utile, h cause de son grand 
dge. 

D'un autre, le pr^fet ^crit : 

C^libataire, sans parents^ sans moyens d'existence et sans asile, il ne 
peut se livrer k aucun travail en raison de son infirmity. 

Pour un autre, c'est le maire qui s'exprime en ces termes: 

11 s'agit d'un vieux soldat de Tarm^e d*Orient, qui fit parlie de Fexp^dition 
de Crimea et re^ut pour sa belle conduite une m^daille avec agrafe. 

Quand, priy^ de la vue, il est rest6 k la charge de sa famiUe, tons ceux 
qui Fapprochaient admiraient la resignation avec laquelle il supportait son 
afTreox malheur et ses continuelles soufTrances. Jusqu'ici sa vieille femme 
et une fille maladive ont pu lui assurer Texistence; mais elles deviennent 
elles-m^mes incapables de travailler, et Ton se demande avec inquietude 
qui donnera du pain au pauvre aveugle. 

n importe cependant de ne pas laisser mourir de faim un digne vieil- 
lard, ancien d^fenseur de la patrie. 

Je pourrais continuer longtemps. Et je ne transcris pas les 
demandes de secours individuelles directes, demandes toujours 
sujettes h suspicion. Je cite des documents officiels ou des de- 



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490 REVUE PHILANTIIROPIQUE. 

mandes transmises et certifi^es par des pr^fets et des maires^ 
qui^ en m^me temps qu'ils les prodaisent, d^clarent ne rien 
pouvoir pour adoucir les infortunes qu'ils d^peignent. 

Mais si Texistence des pensions des Quinze-Vingis fait que 
nous sommes mis en presence de ces mis^res, que dirons-nous 
des autres categories d'incurables? Nous n'en connaissons offi- 
ciellement presque rien, parce que Ton sait que TEtat ne dis- 
pose d^aucun moyen de leur venir en aide. Les idiots? Les 
^pileptiques? Tons ceux qui ont habits la campagne ont 6te les 
t^moins attristds, parfois indign^s, de situations horribles aux- 
quelles personne n'apportait de remade. La remade, c*est la 
mort, ou la mendicity. 

Dans une lettre que j ai reQue il y a quelque temps de Bre- 
tagne, mon correspondant me signale un malheureux vieillard 
&g6 de 75 ans, paralyse des deux jambes, sans parents, et abso- 
lument d^nu^ de toutes ressources, incapable m^me de mendier 
vu son 6tat, qui agonise absolument depuis des mois. « Ne pour- 
rait-on pas, dit-il, le caser dans quelque hospice de vieillards 
incurables ?... Le maire, en vrai rapace paysan qu'il est, refuse 
de faire une demande, de peur de grever le budget de la com- 
mune de sa part d'hospitalisation. J 'aide ce malheureux comme 
beaucoup d^autres, h6las I mais son cas d^passe Thorreur cou- 
rante. » 

Que pent Tadminislration, dans r6tat actuel de nos lois, 
pour assister ce malheureux? 

De loin en loin, une correspondance administrative signale 
des faits qu'il n^est certainement pas tdm^raire de g^n^raliser. 

Le 29 d^cembre 1896, un pr^fet 6crit : 

Sur le vu d'un certificat d^livre le 10 d^cembre 1895 par le m^decia de 
Tassistance m^dicale gratuite, M. le maire d'H... a fait admettre k rh6pi- 
tal de T... le sieur G..., recueilli dans sa commune et atteint d'emphys^me 
pulmonaire et d'arthrite du genou gauche. L'enqu^te que j'ai prescrite a 
fait ressortir que ce malheureux, u6 k D..., le 16 juin 1828, exer^ait la 
profession de chanteur ambulant et, depuis loogtemps, n'avait pas de 
domicile fixe, mais qu'avant son retour dans son d^partement d'origine, 
il avait s^journ^ pendant plus d'une ann^e sans interruption dans un 
autre d^partement ou 11 avait ainsi acquis et conserve le domicile de 
secours d^partemental au sens de la loi du 15 juillet 1893. Mes informa- 
tions ont 6t^ corrobor^es par mon collogue de ce d^parteraent qui a n^an- 



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L'ASSISTANCE PUBLIQUE. 491 

moins d^clin^ la charge des frais d'hospitalisation k raison du caractdre 
d'incurabilit^ des affections dont Tassist^ est atteint. 

11 ne me paraltpas possible de r^clamer k la ville de D..., lieu denais- 
sance du sieurC..., le paiemeot des d^penses de s^jour de ce vieillard 
incurable h Tbdpital ; j'estime, en outre, que mon d^partement n'esi tenu 
envers lui k aucun devoir d'assistance. 

D'an autre cdW, il serait inhumain de renvoyer de Thdpital oh il est en- 
toore de toos les soins desirables cet infortnn6 qu'une paralysie progres- 
sive des membres inf^rieurs empdche aujoord'hui de marcher et mdme de 
se tenir debout, et qui ne pourrait vivre p^niblement que de la charity 
publique. 

Dans cette situation, je vous serais reconnaissant, monsieur le ministre, 
de Touloir bien me faire connattre votre avis... 

Le 30 d^cembre de la mdme ann^e, un autre pr^fet ^crit: 

Conform^ment aux prescriptions de votre d^p^che du 24 de ce mois, 
j*ai Thonneur de voos faire connaltre, ci-apr^s, les raisous qui out motiv6 
Tadmission k Thospice de... du nomm6 L..., malade incurable actuelle- 
ment en traitement dans cet ^tablissement. 

Cet homme, qui est originaire de mon d^partement, est arrive dans 
cette commune le 2 juillet 1895 et s'est prdsent^ devant le maire pour 
obtenir son hospitalisation. 11 ^tait porteur d'un livret d'ouvrier d61ivr6 
par. le maire de M... (d6partement voisin) et sortait de Thospice oh il 
avait s^joume du 9 octobre 1894 au !•' juillet 1895. A sa sortie de cet 6ta- 
blissement, il avait ^t^ dirig6 sur P..., son lieu de naissance qu'il avait 
quitt^depuis 1847. II n'avait done ni domicile de secours d^partemental, 
ni domicile de secours communal puisque, atteint de paralysie depuis 1890, 
iln'avaitfait depuis cette 6poque que vagabonder dans les d^partements du 
Calvados, de la Manche et de TOrne sans y acqu6rir le droit k Tassistance 
publique. 

Gompl^tement indigent, sans parent pouvant lui venir en aide, il 6tait 
atteint, an moment de son hospitalisation, de paraplegic qui lui permet- 
tait difflcilement de se tenir debout et lui rendait la marche presque impos- 
sible. II se trouvail dans Tincapacit^ de travailler pour gagner sa vie et 
m^me de mendier, ainsi qu*il r^ulte d*un certificat d^livr^ k la date du 
43 juillet 1895 par M. le D' C..., m6decin de I'hospice de S... et dont copie 
est ci-jointe. C'est en presence de cette situation sp^ciale et par mesure 
d'humanit^ que mon pr^d^cesseur crut devoir le maintenir a Thospice en 
attendant que vous voulussiez bien prendre une decision d^Onitive k son 
^gard. 

A la date du 11 d^cembre 1895, en vous transmettant la liste nomina- 
tive ci-incluse des malades dont Tassistance incombe k TEtat, j*eus I'hon- 
neur de vous signaler ce malade tr^s int^ressant par une annotation sou- 
ligD^ et consignee dans cette liste et de vous demander s'il devait 6tre 
8oign6 au comple de Tfitat ou si sa sortie devait 6tre ordonn^e. Je vous fai- 
sais toutefois remarquer que, dans cette demifere hypothftse, c^^tait pour 
hii la mort sur la voie publique... 



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492 REVUE PHlLAiNTHROPIQUE. 

Je vous serais reconnaissant, de me faire savoir quelle roesore je dois 
prendre, pour ravenir,i Tegard de cet infortnne qui, je le r^p^te, est inca- 
pable de marcher et par consequent de pourroir k son entretieu et qui ne 
poss^de ni domicile de secours communal ni domicile de secours d^parte- 
mental. 

Encore une fois, que peut faire radministration ceniralc 
pour ces malheureux abandonnc^s par les administrations locales? 

II est impossible de pr^tendre que le projet de loi n'est pas 
justifi^ par la condition en France des vieillards et des incu- 
rables indigents. 

Dans une democratic, au sein d'une R6publique qui se re- 
clame de la fraternity, il n'est pas possible d*admettre qu'un 
grand nombre de citoyens, incapables de travail, ^tant affaiblis 
par Tftge ou par les infirmit^s, n'aient d'autres ressources que 
les pratiques hasardeuses et ddgradantcs de la mendicity pour 
ne pas p^rir d'inanition. 

Le gouvernement a done d6cid6 de presenter au Parlement 
un projet de loi r^glant les secours publics ft accorder aux vieil- 
lards et aux incurables. 

II a demands au conseil d*£tat de preparer ce projet. II a 
pens^, d'accord en cela avec le conseil sup^rieur de Tassistance 
publique, que la loi devait fttre fondle sur la base de Tobliga- 
tion legale. Les raisons qu'en donne M. Sabran semblent d^ci- 
sives : 

Cette assistance doit-elle avoir un caract^re obligatoire, comme le con- 
seil sup^rieur Ta d^cid^ pour Fassistance medicate gratuite? Telle est la 
premiere question d r^soudre, et de la solution de laquelle depend le sort 
du projet. Apr^s un ^change d'observations, la majority des membres qui 
composent voire troisi^me section n'a pas b^sil^ k adopter cette opinioD, 
et nous croyons, en effet, que si Tobligalion n*6tait pas impos6e, tout pro- 
jiH qui serait pr^sente d^nu^ de sanction ne recevrait aucune application. 

II faut bien reconnaitre que I'assistance des vieillards et des incurables, 
par sa nature, se rattache plus a Tassistance medicate qu'^ I'assistance 
donn^e k des indigents valides. Le vieillard et Tincurable peuvent k bon 
droit ^tre assimil^s k des malades, et les mdmes raisons qui nous out d^ 
terminus k inscrire Tobligation en t^te du projet de I'assistance m^dicale 
doivent nous engager k raccorder k notre projet. 

N*oubIions pas du reste que les lois de 1851 etde 1873 n'ontpas formula 
d'obligation, mais ont laiss^ la faculty aux communes et aux commissions 
hospitali^res d'assister les vieillards et les inOrmes. L'exp^rience est \k 
pour nous d^montrer qu'on n'a us6 de cette faculty que d'une fa^on abso- 



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LASSISTANGE PUBLIQUE. 49$ 

lument excepiionnelle et que, par apathie, d^faut de ressources ou d^faut 
d'entente, les articles 2, 3, 4 et 17 de la loi du 7 aoClt 1851 n'ont recu que 
de bien rares applications. 

Lemdme sort serait r^serv^ k tout projet qui ne prescrirait pas Tobli- 
gation de Tassistance et nous vous proposons done de decider que le ca- 
racltre de Tassistance des vieillards et des incurables, sera Vobligalicn 
telle que tous Tavezd^finie dans vos stances pr^c^dentes (1). 

II est inutile en effet de faire une loi, si cette loi ne doit pas- 
6tre ob6ie. 

Quant k la persuasion, Tadministration croit en avoir dpuis6 
les moyens. II faut lire, k la suite du rapport de M. Sabran, le 
rdsum6 des r^ponses des conseils g^n^raux k la circulaire du 
l^'^^aoilt 1888, par laquelle le ministre de Tint^rieur les enga- 
geait a organiser les secours h domicile en faveur des vieillards. 
Bien pen de di^partements organis^rent un service effectif, et 
Ih m^me oil les conseils g<5n6raux montrferent de la bonne vo- 
lont^ ils ne furent pas suivis, et durent revenir les anndes sui- 
vantes sur leur decision, les communes ayant obstin^ment 
refus6 de voter leur part contributive. Dans la Charente-Inf6- 
rieure, le conseil g6n6ral avait inscrit au budget de 1894, comme 
essai, un premier credit de 6 000 francs. U a 6ti constats Tannde 
suivante que le pr^fet, en presence des resistances des com- 
munes, n'avait pu d^penser que 2 090 francs, et le credit fut 
naturellement r^duit. Dans la Somme, le conseil g^n^ral avait 
vote le credit n^cessaire pour venir en aide, par un secours de 
120 francs par an, dont moitie a la charge des communes, k 
cinquante vieillards. Les resistances des communes furent 
telles qu'au cours de Tannee 1894, on n'en put secourir quo 
dix-huit. Deux deparlements, le Puy-de-Ddme et le Doubs, 
crurent repondre i la pensee du minislre sans charger les 
finances departementales ni communales en organisant legale- 
ment la mendicite, et leurs conseils generaux emirent le voeu 
que Ton presentSt au parlement un projet de loi qui debutait 
ainsi : 

Article premier. — Le territoire de la R^publique est interdit aux men- 
diants de nationality ^trang^re. 

(I) Publications du Conseil sup^rieur de I'Assistance publique, fascicule n° 32, 
p. 54. 



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494 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

Xrt. 2. — Tout vieillard, infirme, malheureuz, incapable de IraTail, qui n'a 
pas d'autre moyen de subsister que Taumdne el qui n'aura pa ^tre hospi- 
talism, devra solliciter Tautorisation de demander la charity. 

II recevra une carte sp^ciale, etc. 

11 n'y a done pas h compter que les d^partements, et surtout 
les communes, s'acquitteront de leur devoir d'assistance envers 
les vieillards et les infirmes s'ils n'y sont pas contraints par la 
loi. 

Cest pourquoi cette loi doit avoir un caractfere d'obligation. 

On dit : Vous allez ddcourager T^pargne, affaiblir Tesprit de 
pr^voyance; la pr6voyance n'est-elle pas un meilleur instru- 
ment social que Tassistance ? Ah ! ce n'est pas moi qui le nie. 
J'appelle de tons mes vceux un 6tat de choses oil la pr^voj'ance 
sera plus encourag^e encore qu*elle ne Test, sans examiner si, 
elle aussi, ne devrait pas 6tre rendue obligatoire, comme elle 
I'a ^t^ dans un grand pays voisin. Mais la question actuelle 
n'est pas Ik. La question est de savoir si Thomme qui est arrive 
k la vieillesse et k Tincapacitd de travail, et qui n'a pas 6i6 
pr^voyant, qu'il n'ait pas pu ou qu'il n'ait pas su Tfitre, doit 
6tre secouru, doit avoir un abri et du pain; s'il ne doit pas 
exister une organisation telle qu'il ne puisse pas se trouver 
sans abri et sans pain. Pour Tinfirme incurable et pauvre, la 
plupart du temps, la question d'une pr^voyance possible ne se 
pose mdme pas. A celui-l& aussi un abri et du pain ne doivent- 
ils pas 6tre assures? 

II semble que la r<^.ponse ne saurait Ure douteuse. 

On dit encore : Quelle sera la d^pense ? Combien y a-t-il de 
vieillards, d'incurables k secourir? Je rdponds franchement : 
Je n*en sais rien. Mais qu'importc, si le devoir de les secourir 
est certain ? 

Quand on a ^dict^ la loi sur les ali6n^s, avaii-on pu calculer 
d'avance la d^pense? Savait-on combien il faudrait intemer 
d'ali^n^s en France? Ce qu'on a fait alors pour la s6curit^, on 
doit le faire aujourd*hui pour rhumanil6. 

Quand on a r^solu de rendre en France Tinstruction pri- 
maire obligatoire, a-t-on 6t6 arr6l6 par la provision des dnor- 
mes ddpenses qu'entratnerait ce service ? N'est-il pas permis de 



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L'ASSISTANCE PUBLIQUE. 4»5 

penser que le droit k la vie prime le droit i Tinstruction ? 

L'^valuation des d6penses possibles, ou probables^ n'est pas 
ici la chose importante. 

La collectivity doit-eUe, ou non, venir au secours des vieil- 
lards sans ressources ? 

Si elie ne le doit pas, je serais assez dispose k croire qu'elle 
n'a m^me pas le droit de le faire, et que, conform^ment k la 
jurisprudence du conseil d'Etat qui ne permet pas les impo- 
sitions extraordinaires pour constituer des secours auxpauvres, 
Tassistance publique n'^tant pas obligatoire, n'est pas m^me 
facultative, car Targent des contribuables ne pent 6tre Idgitime- 
ment employ^ que pour des services publics. 

Si elle le doit, elle le doit quelle que soit la d^pense. 

Ce n'est pas le cas de dire : Nemo liberalis nisi liberatiis. 
L on ne fait pas de Iib6ralit6s aux d^pens d'aulrui. L'Etat, le 
d^partement, la commune, satisfaisant ii Tobligation du secours 
aux vieillards, ne font pas une lib^ralit^ : ils assurent un ser- 
vice public. 

Le souci de menager TeflFort des contribuables n'est pas seule- 
ment legitime ; il est de devoir ^troit. Mais de ce souci, quelle 
doit ^tre la consequence ? De ne pas accorder le secours du ? Ce 
serait sacrifier un devoir pour en accomplir un autre. La con- 
sequence doit 6tre d'entourer Tallocation du secours de pre- 
cautions telles que Ton ait la certitude qu'il n'ira qu'i Tabsolu 
besoin, et dans la mesure de Tabsolu besoin. 

A toutes les 6poques, les republicains ont affirm6 le devoir 
social de Tassistance obligatoire. II est permis maintenant de 
privoir que cette grande entreprise, renfermee dans des homes 
prudentes, sera r^alisee par la troisifeme republique. 

En quoi consistent ces homes prudentes ? 

D'abord, comme je Tai montr6, k n'admettre k Tassistance 
que des malheureux qui se trouvent dans Timpossibilite phy- 
sique de sortir de leur misfere. 

Ensuite, k ne recourir k Tassistance publique que dans les 
cas oil il a iii prealablement constate que tout autre secours 
fait defaut. 

En troisieme lieu, k maintenir la distinction, qui me parait 



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496 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

fondamentale, entre le droit aux secours et le devoir social 
d'assistance. 

Enfin, k ne jamais abandonner cette rfegle qui a 6li afRrm^e 
par Ic congrfes de 1889, confirmee en toute occasion par le con- 
seil sup^rieur, qui est comme le palladium de Tassistance pu- 
blique, la digue efficace contre les abus possibles : Tassistance 
est en principe communale, et la commune doit 6tre financifere- 
ment int6ress^e k limiter le nombre de ses assist^s. 



HENRI MONOD. 



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L ORTHOPEDIE ENFANTINE 



1 



Des d6couvertes r6centes, deTordre chirurgical, permettent 

"sfjfirmerque, dans un avenir assez rapproch^, la plupart des 

^^ants qui naissent afflig^s de diflformit^s ou de tares muscu- 

^'res et anatomiques pourront 6tre non seulement soulag^s 

*^3is gu^ris, redresses, all^gfe, rendus pareils aux camarades 

® '^vir &ge, favorises par la sant^ et privil^gicJs par la consti- 

^tioj:^ physique normale, harmonieuse. Les miracles racontes 

P^p l*,^vangile sont ainsi k la veille d'etre r^alisis par cette 

ocien^^^^ dont on s*est trop press6 de proclamer labanqueroute. 

^^A l^s boiteux marchent droit, les bossus reprennent la posi- 

tioa i:*^ctiligne,avec T^pine dorsale perpendiculaire, les b^gues 

P*''^^^^*^^* nettexnent, les strabistes regardent en face, et peut-6tre 

Ediso^j^ en ce moment se dispose-t-il h nous montrer des 

aveu^j^g qui voient, d^passant le ph6nomfene de la clairvoyance 

obtexix:!^^ ft Taide des rayons Roentgen. 

^'c^rthop^die enfantine physique est un fait, et la soci(5t6 en 

gc^^r^l^ comme les families, si longtemps affligdes par des 

" ^^^tions, des infirmit^s, des asym^lries riput^es incurables, 

'*^^^Vent les bienfaits d'un effort scientifique habilement dirig6. 

^^ reiouche la nature imparfaite et Tart vient rdparer ses 

oublis, rectifier ses erreurs. 

^sl-il possible de r^aliser, dans ledomaine moral, lagu6rison 
Aiufirmit^s originelles plus fftcheuses pour Findividu, et sur- 
lout pour la soci^t^, que la claudication, le bdgaiement, la 

REVUB PHlLAlfTBROPIQUB. — U. 32 



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498 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

gibbositd? "Existe-t-il une orthop^die enfantine morale? Est-il 
permis de supposer et de pratiquer un redressement, vers le 
Bien, vers le Droit, vers le Juste, des ftmes tortues, des con- 
sciences louches? Est-il scientifique, est-il possible d*ad- 
mettre et d'accomplir la rectification intellectuelle et sentimen- 
tale de ces 6tres malfaisants, qui, selon le langage populaire, 
ont la bosse du crime? 

Le probl^me est peut-^trc Tun des plus importants k t6- 
soudre, car si Tordre social, si la prosp^rit^ des £tats s'accom- 
moderaient mal dune multiplication des bossus, des bancals, 
et d'autres 6tres impropres k la reproduction d une noble race, 
aussi bien qu'aux divers services ettravauxexigeant des hommes 
normalement constitu^s et bien portants, encore plus cet ordre 
social etTEtatr^clament-ils une jeunesseinofiFensiveethonn^te. 
La soci^t4 ne tarderait pas k se d^sagr^er et k p^rir, si les 
vices, les debauches, les mauvais instincts gangrenaient de 
plus en plus, d^s le jeune Age, ceux qui doivent 6tre plus tard 
des hommes, des p5res de famille, des serviteurs de la patrie, 
des citoyens. 

A toutes les ^poques, on a essays de corriger, de moraliser 
Tenfance vicieuse. Les legislations antiques donnaient au chef 
de famille, au maitre, au patron, au juge, le droit de mort. 
Sparte expurgeait sans piti6 les enfants venus au monde avec 
des difformitds physiques : elle livrait k la hache et retranchait 
de la cit6 les adolescents en qui se reconnaissaient des instincts 
d61ictueux. La fameuse anecdote du renard vole, mordant sous 
sa tunique le jeune Spartiate, qui contenait sa douleur et de- 
meurait impassible devant le juge, prouve non seulement Tin- 
difference k la douleur de Taccus^, mais aussi la s6y6nX6 avec 
laquelle la justice laced^monienne recherchait les jeunes delin- 
quants. 

Jusqu'k present, pour am^liorer Tenfance, on a surtout cher- 
che k TefiFrayer ou k la punir. On lui a inflig^ les ch&timents 
du code reserves aux hommes, lorsque la loi Ta autoris^; on 
la menace des punitions divines, quand la p^riode de discer- 
nement ne se trouvait pas atteinte. L'effroi d'une peine celeste 
et future, ou Tintimidation d'un ch&timent terrestre et immediat, 



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L'ORTHOPfiDIE ENFANTINE. 499 

voilk tout ce qu'ott a trouv^ pourcontenir ^galementlesadulteset 
les enfanls. Le Gendarme et le Diable composent tout Tarsenal 
d^fensif de la soci^t^, qu'il s'agisse de m^faits d'adultes ou de 
perversit^s d'adolescents. 

Remarquons ici combien il est t^m^raire de compter sur la 
crainte desp^nalit^s extra-terrestres, aussi bien pour leshommes 
que pour les jeunes gens. La peur de Tenfer n^arr6te que ceux 
quicroientiTenfer. Sont-ils vraimentnombreux?Nousn'avons 
pasii^tudier ici les causes de la criminality juvenile. Elles sont 
multiples, sociales et accidentelles. La mis^re, la paresse, Taban- 
don, Tinsuffisance de la surveillance patemelie, la facility de va- 
guer par les rues avant el apr^sles heures de classes, les f&cheux 
exemples, la tentationdesplaisirs, les occasions de libertinage et 
de godaillerie foumies par les villes, les lectures et les conver- 
sations dans les ateliers, dans les centres de travail, sont les 
principaux agents de la corruption pr^coce. L'enseignement se 
trouve d6sarm6 etne saurait 6tre mis en cause. Des hommes de 
parti, des publicistes passioDU^s et injustes ont prdtendu rendre 
rinstruction laique responsable de la demoralisation des jeunes 
gens. II y a eu des coupables imberbes k des ^poques o\x Ten- 
seignement religieux ^tait la r^gle universelle. La morale est 
ind^pendante des cultes, des exercices. Le pr^tre k la chapelle 
et Tinstituteur dans sa chaire enseignent les m6mes principes 
de morality. Les commandements de Dieu sont reproduits dans 
tons les manuels d*enseignement la'ique. Ce n'est pas T^cole 
sans Dieu qui fa^onne les kmes criminelles. Pour que le cat^- 
chisme et Tinstruction confessionnelle puissent servir de frein 
k la jeunesse, il faudrait que cette jeunesse eAt la foi. La reli- 
gion enseign^e et m6me pratiqu^e ne suffit pas. Paudrait-il k 
I'appui citer les noms de criminels fameux qui avaient rcQU 
une exceilente education religieuse? Pour ne parler que du 
plus recent des sc^l^rats notoires, est-ce que Vacher n'^tait pas 
un fort bon ^l^ve des pferes maristes? L'enseignement religieux 
et la pratique m6me du culte ne sont susceptibles d'am61iorer 
et de retenir sur la pente du crime que ceux qui redoutent les 
peines ^temelles et ^prouvent, en confessantleurs fautes, leurs 
penchants, ce que FEglise nomme la contrition. La morale 



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500 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

laique ne peut agir que sur ceux qui ont conserve le don du 
remords. 

L'inefficacit^ de la vieille m6thode repressive et ^ducatrice 
est affirm^e par raugmentation loujours croissanle de la crimi- 
nality juvenile. La plupart des crimes non passionnels, princi- 
palement les attaques a main arm6e, par escalade ou sur les 
voies publiqueSy les vols par associations de malfaiteurs, les 
incendies, les rixes sanglantes, les vols qualifies, ont pour 
auteurs de tr^s jeunes gens, presquc des gamins. Faut-il rap- 
peler les noms hideusement c^l^bres de Gamahut, d*Abadie, et 
de vingtautres h6ros pr^coces denos cours d'assises?Ces jeunes 
criminels avaient k peine atteint Tftge de la responsabilit^ en 
justice; mais,avant d'accomplir des m^faits qui les ont envoy^s 
devant le juged'instruction,combien de menus actes, mauvais, 
bUmables, d^liclueux n'avaient-ils pas commis^ attirant sur 
eux Tattcntionet les reprochesdeleurs parents, de leurs maitres, 
des voisins, des passants? 

Rien cependant n'avait 616 experiments pour amSliorer ces 
mauvaises plantes humaines ; aucune greffe de bonte^ de dou- 
ceur, de justice ne fut teniae sur ces sauvageons rebelles. La 
society n*a m^me pas cherche h se dSfendre contre ces parasites 
venimeux. EUe a eu seulement recours au fer du bourreaupour 
les extirper, mais combien trop tard, et alorsque tant de victimes 
montraient Tinsuffisance de la sScurite sociale. U est possible 
que Tonefltechoue dans une tentative d amelioration de tels cer- 
veaux surexcites par les passions nocives, autant qu'engourdis 
par la paresse et le goOt des plaisirs acquis sans travail. Mais 
que de jeunes gens qui n'ont pas atteint, heureusement pour 
eux, le degr6 de notoriety dans le crime de ces sceierats fameux, 
ont cependant traine une existence miserable dans les prisons, 
faute d'avoir dte corrigSs, redresses dans leur jeune 4ge ! 

Des institutions bienfaisantes, tout en ayant le caractere 
penitentiaire, existent sans doute en grand nombre, ayant pour 
objet Tameiioration de Tenfance vicieuse. On a lu ici mdme 
les travaux de M. Lucipia h propos de la maison de Montesson, 
recommandantque, dans les prisons pour Tenfance, les jeunes 
delinquants fussent traitSs comme dans une 6co\o de moralisa- 



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L'ORTHOPfeDIE ENFANTINE. 501 

(ion, de travail et de douceur. La philanthropic religieuse, de 
son c6td, a multipli^, surtout pour les fiUes, les ^tablisse- 
ments hospitaliers, les ouvroirs, les refuges. Tous ces moyens 
sont excellents, tous font honneur k la nature humaine, 
tous r^alisent certainement des progr&s sur Tordre de choses 
existant jadis, mais ces rem^des sont insuffisants ; ils ne peuvent 
donner que des r^sultats partiels, peu appr^ciables, et ils consti- 
tuent une augmentation formidable dans les d^penses de tout 
ordre, sans qu'on en soit r^compens^ par une diminution sen- 
sible de la criminality juvenile. 

II fallait done trouver autre chose, tout enlaissantsubsister, 
tout en d^veloppanty tout en enrichissant, par des subventions 
et des dons, les ^tablissements qui ont pour but la preservation 
sociale en isolant Tenfance contamin^e par le milieu, par les 
mauvais exemples, ou impr^gn^e de tares ataviques, auxquelles 
il ne faut pas cependant attribuer une influence trop absolue, 
trop pessimisle. II convient de chercher dans un ordre pure- 
ment scientifique, en dehors de toutes preoccupations judi- 
ciaires, politiques ou confessionnelles, la solution du grand 
problftme de Torthop^die morale des enfants. 

C*est dans ce but que, sans pr^tendre apporter la panache 
k ce mal presque universel, car il sfevit non seulement dans 
toutes les regions civilis^es du globe, mais encore dans toutes 
les classes, m^me les plus cultiv^es, les plus favoris^es par le 
luxe et par le milieu, je signalerai les tr5s int^ressantes obser- 
vations auxquelles ilm'a 6U donne d'assister, faites par M. le 
D' Berillon, dans sa clinique de la rue Saint-Andr^-des-Arcs, 
me ref6rant aussi aux trfes int^ressants rdcits d'exp^riences aux- 
quelles se sont livr^s ses coUaborateurs, notamment le D' Paul 
Farez. 

C'est par rhypnose quele D'Berillon, s'inspirant des maitres 
comme Liebeault, Bernheim, Li^geois, etc., a tente la m^thode 
curative de Tenfance dont la moral est gangrene. II ne s'agit 
ici ni de charlatanisme ni de miracles, comme on Tentendait 
autrefois. L'hypnotisme, cette merveilleuse science moderne, 
ne doit pas sortir du domaine de Texperience et des faits. Pas 
plus qu'&Ia vapeur, ft Teiectriciteetfttant d'aulres forces physi- 



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502 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

ques, il ne faut rdclamer Timpossible et le supra-naturel, on 
ne doit demander k la su^estion hypnotique d'aller au deli dcs 
limites de son 6nergie ct de sa port^e. 

D^finissons d*abord, en langage vulgaire, la suggestion et le 
sommeil hypnotique, vulgairement appel^ somnanbulisme. 
L'dtre plac^ dans le sommeil hypnotique se trouve transports 
dans ce qu'on appelleTStat second; il conserve sa personnalitd, 
mais sa volontS se trouve subordonnSe aux commandements 
de la personne qui a provoquS le sommeil; il n'accomplit, il 
n'entend, il ne subodore, il ne savoure que ce que TopSrateur 
veut, et dans les conditions oil il le veut. 

II faut, bien entendu, pour que cephSnomfene si surprenant 
de Tanesthdsie de la volontS, de la subordination complete d'un 
6tre k un autre se produise avec toutes ses consequences, qu'il 
n'y ait pas resistance intSrieure ni parti pris du sujet; il est 
nScessaire que ce dernier soit dans les conditions d'aptitude 
suggestible nScessaire. Tout le monde n'est pas hypnotisable. 
Ainsi, pour les enfants soumis d6}k aux experiences de M. le 
D' Berillon et de ses emules, il a 6te constate que certains 
petits sujets eiaient absolument refractaires aux suggestions 
hypnotiques, par consequent incurables moralement. Ces 
jeunes fttres refractaires se trouvaient invariablement parmiles 
moins intelligents, les plus balourds, les indolents, ceux qui, 
au premier aspect, pour un observateur superficiel, imbu des 
anciennes methodes, auraient paru les plus faciles k amender, 
k mater, comme disaient les antiques magisters. 

Cette observation prSsente ce caractfere consolant que les 
jeunes gens, vicieux, pousses au mal, disposes i la cruaute 
envers les animaux, en vers les personnes, les precoces debau- 
ches, les voleurs imberbes, sont generalement ceux qui ont 
rintelligence la plus vive, les facultes les plus ouvertes, k 
quelque condition qu'ils appartiennent. Cette precocite de Fin- 
telligence chez les garQons et les lilies dont les parents signa- 
lent les mauvais instincts a ete constatee de tout temps; ce 
n'est pas une decouverte particulifere k Thypnotisme. L'intelli- 
gence plus ouverte, la ruse, la malice de ces enfants, les ren- 
daient plus impropres k profiter des bonnes legons des mattres 



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L*ORTHOPfeDIE ENFANTINE. 503 

etdes parents, h suivre Finfluence morale des milieux sains, 
et h recueillir les bienfaits des enseignements, des exemples, 
voire des ch&timents qu'on multipliait k leur dgard. La dispo- 
sition favorable k TorthoptSdie morale, d'apr^s Tancienne 
m^thode, 6tait en raison inverse de Tactivit^ c6r6brale de Ten- 
fant. Sa superiority intellectuelle, d^veloppant ses forces de 
resistance, le pla^ait dans une inferiority curative. 

Avec la cure hypnotique, au contraire, ces enfants, qui 
sortent des maisons de correction pires qu'ils n'y sont entr^s, 
plus exerc^s, plus entraines au mal, ayant pour ainsi dire 
passe par Tecole normale du vice, en attendant qu'ils prennent 
leurs degres sur la voie publique ou dans les penitenciers, se 
trouvent dans les conditions les meilleures pour ressentir la 
domination hypnotique, et pour guerir radicalement. La fa- 
culte de comprendre, la reflexion, la comparaison, jouent un 
r6le decisif dans le travail interieur de la suggestion morali- 
sante. 

• Les premiers essais de cette medication mentale speciale ont 
eie faits par le D' Berillon et les autres medecins de sa clinique 
pour des defectuosites k la fois mentales et physiques, par 
exemple pour premunir et guerir Tenfantd'habitudes vicieuses, 
d'incontinence d'urine, d'onycophagie, etc. Par une serie de 
patientes remontrances, de degoilts suggeres, d'admonitions 
patemelles, dans presque tous les cas qui leur ont ete soumis, 
les operateurs ont obtenu des resultats satisfaisants. Puisqu'on 
pouvait detourner un enfant de la repugnante manie de ronger 
ses ongles, indice presque toujours d'un caract^re difficile, d*un 
temperament vicieux, d'indolence et de paresse, Tinduction 
devait venir de chercher k corriger, par la mdme methode, le 
penchant au vOl, la disposition k la brutalite, peut-dtre le gotit 
du sang. 

Si, dans Tordre physique, la chirurgie et Torthopedie pro- 
cMent pareillement et obtiennent les memes resultats, qu'il 
s^agisse d'operer un malade dont le strabisme, la claudication, 
la gibbosite soient anciennes ou recentes, il n'en est pas de 
meme dans cette chirurgie morale. Pour que le resultat soit 
certain, pour que la guerison de Vkme depravee soit radicale, il 



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504 BEVUE PHILANTHROPIQUE. 

faut prendre le sujet dfes sa plus tendre enfance. Les r^sultats 
obtenus jusqirici sont d'autant plus encourageants qu'& la cli- 
nique de la rue Saint-Andr^-des-Arcs on n'amfene g^n^rale- 
ment que des sujcts d6]k avanc^s dansTadolescence, des enfants 
pour lesquels on a ^puis^ tous les moyens de r^primande ct de 
coercition paternelle, qui ont 616 renvoy^s des ^coles, et qui 
passent pour incorrigibles. Les parents et les maitres procfedent 
pour cette cure comme lorqu'on va trouver, en presence de 
maladies graves et chroniques, un grand m^decio, c*est-8i-dire 
quand il n'y a plus grand*chose k esp^rer, aprfes avoir partout 
consults et essays vingt remfedes. 

Si, au contraire, dfes les premieres impressions de Tenfant, 
lorsque sa jeune imagination s'^veille au monde ext^rieur, 
quand la sensibility enfante rintelligence, quand au moyen du 
monde ext^rieur qui se r6vMe h lui Tenfant perQoitson moi, en 
m^me temps qu'il s'initie k Text^riorit^, quand il acquiert la 
notion de la chose en soi, et de ce que Schopenhauer appelait 
la representation, c'est-k-dire le monde existant par le fait de la 
pens6e humaine qui le conQoit, si k cette heure favorable, el 
sans attendre que naisse Tessaimdes pens^es malfaisantes,sans 
laisser se produire dans le jeune 6tre les mauvajs d^sirs, les 
coupables tentations, qui chez lui sont choses innocentes, 
puisqu'il ignore le bien et le mal, on appliquait avec m^thode, 
avec perseverance, avec adresse et precision, la suggestion 
hypnotique, on serait k peu prfes certain d'obtenir une jeune 
generation saine, et, si ce mot n'avait pas un caractfere de 
phraseologie un peugenevoise, on pourrait dire une generation 
vertueuse. 

Cette education de la premiere heure a ete vainement 
essayee par les parents, par les pedagogues, par les directeurs 
d'asile, par les instituteurs religieux. On a dA avouer que Ton 
ne pourrait agirsur Tenfance que vers huitans, par lesoraisons, 
les catechismes, les livres de morale, pieuse ou laique, et, d'une 
faQon plus efficace, vers quinze ans seulement, par la revelation 
des penalites que le code reserve k ceux qui portent tort k 
autrui. Sans nier Timportance et Tinfluence, au point de vue de 
la protection sociale et de la mise en garde contre les mauvais 



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L'ORTHOPfeDlE ENFANTINE. 505 

instincts des jeunes gens, du gendarme, nous devons recon- 
naitre qu'il n'est pas toujours suffisant, ei cependant c'est ft pen 
pr^s le seul frein s6rieux que nous ayons h noire disposition 
pour contenir les passions, les app^tits, les haines. 

Avec la nouvelle m^thode, au contraire, onn'attend pas que 
le mauvais arbre ait donn6 ses fruits, on Tattaque dfes les 
premiers bourgeons. N'est-ce pas \k une belle et vraiment scien- 
tifique m^thode? Pour extirper un mal comme celui de la cri- 
minality, ce n'est pas dans les branches qu'il faut porter le fer, 
c'est dans les racines que, cherchant la s^ve mauvaise, il faut la 
purifier, la d^tourner, la rendre salubre et bienfaisante. 

C'est done h la premiere enfance que doit s'adresser Ten- 
seignement moral par la m^thode hypnotique, avant m^meque 
rinstituteur ait regudes parents etde la socidt^ le jeune cerveau 
dans lequel il va ddposer la notion des faits, Tenseignement de 
la lecture, de I'^criture, du calcul, des devoirs envers les 
parents et envers TEtat. C'est au seuil de la premiere enfance, 
avant Talphabet, aprfes la nourrice et pendant la dentition, 
qu'il conviendrait de confier ces jeunes enfantsft un mddecin en 
qui on aurait confiance. Celui-ci examinerait soigneusement 
le sujet et le soumettrait ft une medication mentale, qui accroi- 
trait d'abord le champ de ses jeunes id^es, de ses impressions 
neuves, et qui imprimerait dans cette vierge intelligence des 
notions ineffaQablesdebien, de travail, d'applicationet d'ob^is- 
sance. Toute sa vie il en garderait le d6pdt. 

Voilft Toriginalite de la m^thode du D' B^rillon, voilft ce qui 
fait de Torthop^die enfantine non seulement une des branches 
les plus neuves et les plus hardies de la th^rapeutique mentale, 
mais encore la m^thode la plus efficace et la plus simple de pe- 
dagogic. En Temployant, la tftche 6ducatrice du p^re de famille 
et du maitre sera simplifi^e par la suite. On pent affirmer que 
les maisons de correction, que les colonies p^nitentiaires, que 
tous ces tristes refuges, qui ne sont point des ports paisibles et 
definitifs, mais des caravans^rails hasardeux oti le jeune vice fait 
halte seulement, pourraient 6tre non seulement diminu^s, mais 
dans un avenir rapproche definitivement ferm^s. La society 
n'aurait plus en face d'elle que des criminels adultes, bien 



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506 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

moins nombreux, car, ainsi que le prouvent les registres des 
greffes, les enqufites judiciaires, les dossiers de police, en dehors 
des cas exceptionnels, dus k Talcoolisme ou aux passions 
amoureuses, le crime adulte est toujours issu do Tenfance per- 
verse. 



II 

Les avantagesde lam^thode hypnotique pour I'am^lioration 
de la race humaine, pour son Education, pour son perfection- 
nement moral, sont indiscutables et reposent sur le fait scien- 
tifique de Tautomatisme, ou se trouvent ploughs les indi- 
vidus endormis, aptes h suivre toutes les impulsions qui leur 
sont donn^es. Mais un probl^me se dresse : ces a vantages ne 
sont-ils pasachel6s au prix d'une sorte de viol de la conscience 
humaine? Tenfant hypnotist se trouve comme le cadavre 
dont larfegle desj^suites faisait lemod^ede T^tatde perfection. 
Le savant, le m^decin ont-ils le droit d'abuser de cette puis- 
sance singuli^re de la suggestion pour dominer un ^tre qui ne 
pent se d6fendre, pour lui imposer leur voIont6, pour le sou- 
mettre h tous leurs caprices, 8i toutes leurs fantaisies ? L'hypno- 
tisme ne peut-il devenir un instrument de perversion, et ne 
peut-on voir un hypnotiseur abuser de T^trange pouvoir qu'il 
aurait acquis sur un 6tre d^sarm6? Enfin, en admettant que 
jamais un m^decin n'ait la pens^e coupable de [forfaire k Taide 
de sa puissance, n'y a-t-il pas une violation du libre arbitre et 
de la conscience dans Tusage de la su^estion hypnotique ? Est- 
il permis de transformer Tenfant en machine, et n'est-il pas 
plus noble, plus juste de chercher Jt faire appel h sa raison, 
quandil est en 6tat de veille, quand il pent contr6ler les af6r- 
mations du pedagogue, lorsqu'il se trouve plac6 comme THer- 
cule de la fable entre le vice et la vertu, et qu'il pent faire son 
choix en toule liberty? 

Ce dernier raisonnement serait un pur sophisme. Est-ce que 
Tenfant doming par un instinct fiLcheux, influence par le milieu, 
subissant de . tristes influences h^r^ditaires, se trouve r^elle- 
ment libre de choisir entre le bien et le mal? en a-t-il la notion 



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L'ORTHOPfeDIE ENFANTINE. 507 

et peut-il en peser les avantages et les inconv^nients ? est-il 
libre, en un mot, de se conriger lui-m6me? II est Evident que 
cette liberie n'existe qu'en throne ; Texp^rience a d'ailleurs 
d^montr^ le peu de cas qu'il fallait faire Hu libre arbitre. Par 
consequent le m6decin, le pedagogue, le chef de famille, sans 
aucune esp^ce de remords, sans crainte, sans hesitations 
peuvent essayer d'imposer k Tenfant, progressivement, des prin- 
cipes moraux, une rfegle de conduite, les notions du juste et 
du bien, sans avoir k s'inquidter du libre arbitre de cet enfant. 
Est-ce qu'on tient compte de ce libre arbitre dans Teducation 
d'aujourd'hui, dans Tamas de notions, que Tdlfeve ne pent ni con- 
trdler, ni discuter, sur la Religion, sur la Patrie, sur Tobeis- 
sance aux Lois, la soumission aux sup^rieurs, voire sur les con- 
venances mondaines, et sur les ^gards dus entre personnes se 
connaissant, se fr^quentant? 

La society tout^enti^re repose sur un viol permanent du 
libre arbitre, dfes le jeune Age. Nous ne recevonspas les id^es 
avec la vie ; elles se ddveloppent successivement au contact des 
choses dans Tordre des sens et des observations que Tenfant 
pent faire lui-mdme directement. Mais ceci ne forme que le 
petit bagage de Tintellect naissant; c'est par Tenseignement 
oral de la nourrice, de la m^re, du fr^re aln^, de la grande 
s(Bur, que Fenfant acquiert des notions plus ou moins com- 
pletes, plus ou moins justes, plus ou moins profitables, sur 
tout le monde moral. Les idees de Dieu^ de foi, de bonte, de 
docilite, de courage, de respect, d'amitie, de charite sont ainsi 
imposees h Tenfant par de veritables suggestions h Tetat de 
veille, pratiqu^es en vertu de la crainte r^verentielle du petit 
etre envers les plus grands, les plus forts. C'est par une quoti- 
dienne tyrannic insensible, coutumifere, familiere, tr^s puis- 
sante pourtant, que ce qu'on appelle la liberty de Tenfant est 
des ses premieres annees enchainee. 

La legitimite, la moralite de la suggestion hypnotique re- 
sultent du but que se proposent les educateurs. Vous admettez 
vis-i-vis de Tenfant le droit patemel et social k la correction, 
ailons m6me plus loin, h Teducation, c'est-Ji-dire le plus sou- 
vent k la transmission forcee de jugements tout fails, de pre- 



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508 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

jugds, d'opinions courantes, d'antipathies et de sympathies de 
races, de religions, de castes, et vous oseriez contester le droit 
h rain6lioration sans chlitiment et h Tenseignement, par la per- 
suasion, desprincipes d'uneimmuable morale? Une seule objec- 
tion s^rieuse : Tenfant ^tant ^minemment suggestible, ne peut-il 
arriver que, d6jh entrain^ par des stances de suggestions pour 
le bien, il ne puisse 6tre facilement soumis h des suggestions 
pour le mal ? L'argument serait de nature h faire r^fl^chir les 
parents, les chefs dlnstitution, TAssi^tance publique, lorsqu'on 
viendra leur demander, au nom de ia science, des enfants pour 
les soumettre a la cure par Thypnose. II serait k redouter, par 
la suite, que ces enfants puissent ^tre su^^rds dans un sens 
diamdtralement oppose k celui des ^ducateurs. lis auraient 
acquis une aptitude suggestible qui pourrait faire d'eux Tin- 
strument passif, le joiiet facile de suggestionneurs d^prav^s, 
sc6l6rats ou d^s6quilibr^s. 

Cette objection tombe devant le fait suivant : 
Le D*" Liebeault, dont les beaux travaux sur cette mati^re, 
ainsi que ceux du professeur Li^geois et du D** Bernheim, sont 
la gloire de T^cole de Nancy, assure que la premifere chose h 
faire, en pratiquant la suggestion hypnotique sur un enfant, 
est de lui inculquer Tordre suggestif de ne se laisser hypnotiser 
ni sugg6rer jamais par aucune autre personne. La puissance de 
cet ordre est telle que jamais, en dehors du m^decin qui aura 
entrepris la cure, le sujet ne pourra tomber dans le sommeil 
hypnotique. Par consequent, le danger signals se trouvera con- 
jure. Mais, en admettant mdme que quelques bons efifets de la 
cure hypnotique soient d^truits par la suite, est-ce que la 
situation comme r^sultat serait pire que dans T^tat actuel des 
choses? A Texeat des maisons d'^ducation les plus estimables, 
aprfes avoir 6t6 lib^rds des ^tablissements de correction, apr6s 
6tre sortis de la famille ou d'asiles philanthropiques, ne voit- 
on pas des jeunes gens entratn^s au mal par des camarades, 
par de f&cheuses suggestions non hypnotiques? Par cons^ 
quent, on pourrait, enfaisant la part dumal, comme dans un 
incendie celle du feu, en retranchant ces d^chets, trouver en- 
core un benefice considerable, au point de vue de Tameiiora- 



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L'ORTHOPtDIE ENFANTINE. 509 

tion humaine, dans Temploi de Thypnose h Torthop^die des 
enfants. 

La m^thode k employer est simple, sans grande demon- 
stration ni charlatanisme ; il s'agit surtout de s'emparer de 
lattention et de la bonne volontd de Tenfant. Le petit 6tre se 
defend contre les taloches qu'il croit avoir m^rit^es pour 
quelque infraction en avangant son bras ploy^, de fa^on h pro- 
l^ger sa joue. Au moral, il se d6bat contre les remontrances 
et contre Tenseignement en se repliant sur soi-m^me, en con- 
tractant pour ainsi dire sa conscience. Le but du gu^risseur 
doit 6tre de forcer cette conscience repli^e h se d6tendre. C'est 
par la douceur, c'estpar un langage facile k saisir, etnullement 
menaQant, qu'il doit redresser les habitudes vicieuses. 

Par exemple, un enfant avait Thabitude inv^t^r^e de voler 
des pieces d'argent dans les poches de ses parents. C'6tait le fils 
d'un honorable instituteur : Tenfant n'avait sous les yeux que 
de bons exemples, il 6tait fort intelligent. Les coups, les me- 
naces, le croquemitaine h baudrier jaune 6voqu6 devant lui, 
rien ne pouvait Fempficher de pratiquer des larcins dans le 
porte-monnaie de son p^re ou de sa m^re, et m6me des per- 
sonnes dtrangferes venant visiter Tinstituteur. 

En d^sespoir de cause, on amena le jeune kleptomane k la 
clinique du D"" B^rillon. L'enfant fut endormi, puis on le fit 
approcher d'une table sur laquelle se trouvait une pifece de 
monnaie : « Tu vois, mon petit ami, cette pifece d'argent, lui 
dit le D*" B^rillon? Tu as envie de la prendre?... Eh bien ! 
prends-la si tu veux, et mets-la dans ta poche. » — L'enfant 
ob^it, et le docteur ajouta : « C'est ce que tu as Thabitude de 
faire, mon petit garQon, mais qa n'est pas bien ! Si tu avals de 
Targent k toi, et qu'un camarade vint, pendant que tu dors, te 
prendre une pifece de monnaie sur laquelle tu comptais pour 
Tamuser en ricrdation et t^acheter des friandises le jour de 
congd, tu trouverais que c'est bien mal?... Eh bien! puisque 
tu as compris cela, tu vas remettre la pi^ce d 'argent ou tu Tas 
prise, et d^sormais tu agiras toujours ainsi. S'il t'arrive k 
Tavenir, de succomber k la tentation, tu auras honte d'avoir 
vol6 et tu t'empresseras de remettre Tobjet k sa place. » 



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5i0 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

Geci se passait durant les vacances de Pftques de cette 
aim6e. Le D'^B^rillon, dinant chez moi, m'avait contd le faille 
premier jour oil ii commenQa sa cure; le pfere de Tenfant, in- 
stituteur dans une grande ville de I'Ouest, devait repartir au 
commencement de la semaine suivante. Quand j'ai revu le 
D"^ B6rillon, m'informant du r^sultat de la cure entreprise par 
lui, il m'apprit que rinstituteor ^tait reparti avec son enfant 
trois jours plus tdt qu'il ne le pensait, h la suite de quelques 
experiences. L'enfant n'avait plus jamais depuis touchy h des 
pieces d'argent qu'on avait laiss^es trainer exprfes sans qu'il 
s'en aperQftt; il n'est plus jamais retomb^ dans le mensonge, 
et, de mauvais 61^ve qu'il 6tait, il est devenu Tun des premiers 
de sa classe. 

Ce second bienfait de Thypnose 6tail dtl it ce qu'en le ser- 
monnant pour le gu6rir du vol, incidemment, et sans penser & 
cette amelioration sp^ciale, le D' B^rillon lui avait recom- 
mande de bien travailler, d'apprendre ses leQons, de t&cher de 
faire plaisir h ses parents et d'avoir de bonnes places dans ses 
compositions. La gu^rison de la paresse et du mauvais vouloir 
avait 616 obtenue par surcroit, et pour ainsi dire par raccroc. 

On poiirrait multiplier les exemples : les archives de la So- 
ciety d*hypnologie, les procfes-verbaux du congrfes de Nancy, la 
collection de la Revue de rHypnotisme sont remplis de faits 
indiscutables de gu^rison par la suggestion hypnotique d*habi- 
tudes vicicuses, d'incontinence d'urine, du vol , d'onycophagie, 
et aussi de la colfere, de la paresse, de la cruaute envers les 
animaux et d'autres f&cheux instincts. 

C'est done une m^thode k la fois neuve et ancienne qu'il 
s'agit d'appliquer : elle est neuve parce qu'elle substitue aux 
moyens physiques, aux punitions corporelles, k Temprisonne- 
mentpour Tenfance perverse, des moyens coiTectifs purcment 
moraux ; elle est ancienne, car tons les philosophes, tous les 
educateurs, tous les fondateurs de religion, ont eu recours pour 
perfectionner la race humaine & des suggestions vertueuses, it 
une morale qui se retrouve k peu prds la m6me dans la Bible, 
dans les Vedas, dans les ^vangiles, et dans le Goran. Les sa* 
vants modernes ne font done que perfectionner les moyens pi- 



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L'ORTHOPfeDlE ENFANTINE. 3H 

dagogiques et moralisateurs instituds par les l^gislateurs du 
genre humain. lis les rendent plus exp^ditifs en se servant de 
celte mysWrieuse ^nergie : Thypnose. 

L'orthop^die morale des enfants n'est ni une utopie ni une 
aberration. C'est un fait scientifique immddiatement applicable 
partout. Nous demandons que des essais de cette m^thode 
aient lieu en presence de savants et sous le contr6le des auto- 
rit^Sydu Gonseil municipal, du conseil de TAssistance publique, 
dans les hdpitaux oil se trouvent de jeunes enfants, dans les 
asiles, dans les ^coles maternelles, et enfin dans ces tristes 
maisons de repression ou les detenus sont des gamins. 

Quand Texp^rience sera connue de tons, T^cole commu- 
nale, sans cesser d'Mre un laboratoire du savoir primaire, de- 
viendra une clinique, oil, par la suggestion hypnolique, Tinsti- 
tuteur, m^decin mental et moral, r^alisera pour Tamendement 
et le perfectionnement moral de la race, des miracles que 
les l^islations et les religions ont 6t6 jusqu'ici impuissantes 
k accomplir. La culture de la plante humaine doit 6lre Tart 
supreme des civilisations. 

EDMOND LEPELLETIER. 



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r P_ 



LE CLASSEMENT DES ALIENES 

DANS LES ASILES 



Un detail de Tassistance des ali^n^s qui m'a frapp^ dans le 
voyage que j'ai fait en Ecosse avec la d6l6gation du Conseil 
general de la Seine, c'estle classement des malades. Lk-bas les 
individus internes sont r^pariis en des groupements nombreux. 
C*est d'abord les malades payants (private) qui sont sdpar^s 
des malades indigents (pauper) , comme cela s'observe chez 
nous. Mais alors qu'en France il existe des pensionnats ratta- 
ch^s k des asiles, en Angleterre, on trouve, outre ces annexes 
aux ^tablissements publics, des hdpitaux 6lev6s k Taide de 
souscriptions particuliferes at plus sp^cialement destines k re- 
cueillir des malades de la classe moyenne de la soci^t^ qui nc 
peuvent acquitter le prix integral d'une pension. Ces maisons 
regoivent les malades qui payent une retribution minime, inf6- 
rieure au prix de revient. De cette fagon se trouve satisfait le 
besoin de classement social qui est si vif et si r^pandu dans 
toute TAngleterre. Si Ton appartient k un rang quelque peu 
different de la condition populaire et que Ton peut payer une 
pension, m^me tr^s modeste, on est facilement plac^ dans un 
de ces grands et luxueux asiles-pensionnats. 

Les Anglais ont remarquS que cette pratique encourage les 
families k faire quelques sacrifices pour assurer St leurs parents 



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LE CLASSEMENT DES ALlfeNfeS DANS LES ASILES. 515 

uoe situation meilleure. Et de la sorte le comt6 et la paroisse 
y gagneni, puisque ces malades ne restent plus h leur charge 
commeils leseraient sans cctte possibility qui leur est donn^e 
de devenir des pensionnaires. En France ceux qui n'ont pas les 
moyens de payer le prix d'une pension sont class6s avec les^ 
indigents. Ne pouvant pas faire tout TefFort p^cuniaire n^ces-^ 
saire, leurs families ne veulent souvent en faire aucun ; et 
voilii des malades h la charge complete de la collectivity. 

II faut chercher Torigine de cette tendance anglaise au clas- 
sement dans ce sentiment si d^velopp^ outre Manche du rang^ 
social. Entrez dans un des grands bars de Londres. Vous ver- 
rez le plus souvent des box ou compartiments in^galement con- 
fortables. L'un est presque luxueux, Tautre est d'un am^nage- 
ment sommaire et le troisi^me est inlerm^diaire entre les deux. 
Chacun des consommateurs qui p^n^trent dans le bar prend une 
direction diff^rente : les gentlemen vont dans le premier, les 
ouvriers dans le second, et les gens de la classe moyenne choi- 
sissent le troisi^me. Et ne croyez pas que c'est parce que les 
consommations sont d'un prix in^gal qui varie avec la nature 
du box. Le prix est uniforme. Si les consommateurs se classent 
dans chacun des trois compartiments, c'est volontairement et 
parce qu'ils ont le sentiment du classement social. L'ouvrier 
de mise n^glig^e et simple se trouve mieux avec ceux de sa 
condition et prdffere leur compagnie h celle des messieurs bien 
mis qui n'ont ni le m6me costume ni les mdmes mani^res. 

Ge sentiment bien anglais du classement se retrouve dans 
les asiles. L^ ce ne sont pas seulement les petits pension- 
naires qui sont s^par^s des malades pauvres, mais bien d'autres 
categories d'ali^n^s et notamment les criminels. On salt qu'il 
existeit Broadmoor, pr^s de Londres, en Angleterre, et k Perth, 
en Ecosse, des asiles sp^ciaux, oil sont enferm^s tons les ali6- 
D& deiinquants, c'est-i-dire les pr^venus et condamnds deve- 
nus fous, les individus qui ont commis un crime et ont et6 
acquitt^s comme ali^n^s et enlin ceux qui, d6jh reconnus ali6- 
nfe, ont perp^trd au cours de leur internement un acte crimi- 
nel. Ainsi sont Isolds de la foule des malades les individus 
dangereux aux instincts pervers, de meurtre, de vol ou immo- 

REVUE PHILANTHROPIQUE. ~ H. 33 



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514 REVUE PHILANTHBOPIQUE. 

raux. Enfin le classement s'op^re encore, dans chaque asile, 
entre les diff^rentes categories des maladies mentales. Les 
etablissements anglais et ^cossais sont constita^s par de nom- 
breux et petits quartiers divis6s en dortoirs et salles de reunion 
destines k un petit nombre de malades. Aussi le m^ecin peot- 
il grouper ses malades d'aprfes leurs troubles intellectoels, leur 
sympathie r^ciproque, leur morality et leur condition sociale. 
En France, il n'y a rien de pareil. Ces divers classements — 
et je n'envisage ici que ceux qui ont une port^e morale — sont 
impossibles dans notre pays. Les asiles et particuli^rement 
ceux de la Seine sont de grand organismes oil triomphe 
une r^glementation ^galitaire. Les malades payants sont k 
part, dans les pensionnats. Et ceux qui ne peuvent payer le 
prix d'une pension sont, m6me s'ils acquittent int^grale- 
ment les d^penses qu'ils occasionnent, classes avec les indi- 
gents. En outre, les ali^n^s criminels sont mi\6s au reste 
des malades. 11 existc bien un asiie d'ali^n^s criminels, celui 
de Gaillon, mais il n'est affects qu'aux hommes et seulement 
aux condamn6s k des peines d^passant un an de prison et 
qui ont 6U atteints apr^s leur condamnation de troubles men- 
taux. La peine finie, le condamn^ ali^n^ est renvoy^ dans 
un asile ordinaire. Mais si un individu, aprfes avoir commis un 
crime, est acquitt^ comme ali^n^, TAdministration pent — 
remarquez qu'ellc n'y est pas obligee par un jugement — 
interner le malade, mais dans un ^tablissement ordinaire. Cette 
organisation est done bien diff6rente de celle qui existe dans la 
Grande-Bretagne, ou les asiles sp^ciaux contiennent, outre les 
criminels devenus ali^n^s, les inculp^s acquitt^s pour cause dc 
folic et les ali^nds devenus criminels. En France, ce n'est done 
qu'une petite partie des ali^n^s d^linquants qui est ^limin^e 
— pendant un temps limits — de la masse des fous et hospita- 
lisde h part. Enfin les asiles fran^ais ont en g^n^ral ^t^ con- 
struits k rinstar de vastes casernes, avec de grands quartiers, 
pouvant loger jusqu'i 100 malades et plus. Ces cent internes 
sont r^unis dans une m6me salle de reunion. Les dortoirs con- 
tiennent vingt-cinq k trente lits environ. C'est dire que tout 
groupement un pen medical est impossible. C'est la chaudiire. 



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LE CLASSEMENT DES ALlfiNtS DANS LES ASILES. 515 

oil Ton jette pAle-mfile tousles malades, au risque de les laisser 
s'exciter les uns les autres, se battre ou se corrompre. 

Cette situation est-elle r^ellement mauvaisc? Est-il n6ces- 
saire de diviser les grands quartiers d'alidnds, de s^parer les 
individus d'aprfes leur rang social, leurs d^lits ant^rieurs, leurs 
instincts vicieux et m6me leurs sympathies ? Sans raffirmative 
quels seraient les remfedes h T^tat de choses actuel? 

Qu'il y ait des inconv^nients au melange des conditions 
sociales — pour envisager ce premier ^l^ment de classification 

— le fait est hors de doute pour le m^decin. Mais Je classement 
social a d'autre part quelque chose d'anti-d^mocratique, et 
blesse violemment le sentiment ^galitaire que tout bon r6pu* 
blicain porte en soi. Cependant, il n'en est pas moins certain — 
el lav^rit^ doit toujours 6tre proclam6e — que le melange 
d'individus d^^ducation in^gale pent froisser certaines suscep- 
tibilit^s et parfois augmenter la douleur de Tinternement et 
m6me exacerber Tdmotivit^ morbide de quelques malades. C'est 
m^me 18l une des raisons de Timpopularit^ de tons les ^tablissc- 
ments publics et notamment des asiles. On est habitu^ dans la 
vie sociale k des groupements qui ont surv^cu h toutes les revo- 
lutions. Les chemins defer, la plupart des voiturespubliquesont 
deuxet mfime irois classes; au th^fttre, les categories sontplus 
nombreuses encore. En prison m6me, le regime cellulaire per- 
met aux individus appartenant k une certaine classe sociale 
de s'isoler. On tolfere toutes ces in^galites, et cependant elles 
sont justifiees par des differences de prix qui parfois ne de- 
passent pas un sou. Or, il suffit que Ton soit pris par une ma- 
ladie, et la pire de toutes — la folic — pour que ces in^ga- 
lites disparaissent. Si Ton ne pent payer la totality d'un prix 
de pension relativement eleve, on est m6le aux indigents. Dans 
les asiles de la Seine, entre le rdgime commun et celui de la 
pension de troisifeme classe (1), dont le prix est de 1 400 francs 
par an, il n'y a pas de classement interm6diaire. Beaucoup 
pourraient payer ou payent m^me jusqu'i 60 francs et plus 

— car Tassistance n'est pas gratuite et la commune a recours 

(i) On n'accepte plus actuellement de pensionnaires de troisifeme classe. 



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516 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

sur la fortune du malade — et sont confondus avec ceux qui ne 
donnenlrien. Cela esl-il juste? Certes, il est trfes beau en un 
sens que dans le malheur i'ali^n^ pauvre soit le voisin au point 
de vue du traitement de celui qui possfede certaines ressources. 
Mais cette 6galit6 pourrait exister tout aussi bien si Ton clas- 
sait les gens d'aprfes ce qu'ils payent. Les uns et les autres au- 
raient, tout en 6tant s^par^s, les m6mes soins et le mdme con- 
fortable. Remarquez que la difference existe bien entre le 
pauvre etcelui qui pent solder le prix integral de la pension. 
II serait done peu contraire k nos mceurs de constituer une 
quatri^me classe qui comprendrait des malades payant le prix 
de joumde r^lemeritaire ou m6me un prix inf^rieur. On pour- 
rait en peupler un ou plusieurs services, qui ne se distingue- 
raient en rien des autres. Les malades seuls seraient diff^rents 
par les habitudes sociales. Le d^partementaccorderait quelqnes 
bourses dans certains cas comme il le fait d6jk et le prix en 
serait moins ^lev^. Ce serait enfin un encouragement au rem- 
boursement par Tindividu des frais d*assistance ; et de ce fait 
le d6partementrecouvrerait bien des sommes qui sont aujour- 
d'hui perdues pour lui ; car les families, n ayant aucun int^r^t 
a payer, ne le font que si elles y sont forc^es et ne s'imposent 
aucun sacrifice. 

Plus je rdfl^chis sur cette question du classement social,plus 
je le trouve Equitable. Au premier abord, il choque le sentiment 
^galitaire. Mais Torganisation actuelle des trois classes de pen- 
sionnaires ne le choque-t-il pas davantage ? Ces pensionnaires 
forment mfime une aristocratic d'autant plus ferm^e que le plus 
bas prix de pension s'^carte davantage du prix pay^ par les 
ali6n6s places au regime commun. S'il y avait une quatri^me 
classe, la difference entre les deux regimes diminuerait encore. 
Le classement social — je le r^pMe — pousserait en outre les 
families k assister lours malades. Enfin ce serait une mesure 
m^dicale. Et c'est ainsi que je voudrais le voir surtout consi- 
derer, les ali(?nes etant classes plus encore d'aprfes leurs habi- 
tudes de vie, c est-4-dire d'aprfes leurs sympathies, que d'apr^s 
une r^glementation financifere tr6s rigoureuse. D'ailleurs le 
jour n'est peut-fttre pas tr^s eloign^ oil les progrfes de Tinslruc- 



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r 



LE CLASSEMENT DES ALltNtS DANS LES ASILES. 317 

tion et du bien-6tre att6nueront les differences d'dducation qui 
existent encore entre les diverses classes sociales. 

L'isolement des ali^nds criminels et des criminels devenus 
ali^n^s, c'est-Ji-dire de tons les malades k instincts pervert, 
serait une mesure encore plus utile. Les inconv^nients du 
melange de ces malades avec les autres ali^n^s sont nom- 
breux. Tout d'abord ils entrainent une discipline g^ndraletrop 
s^v^re et par consequent injuste pour la majority de la popu- 
lation hospitalifere. Ensuitc, ils sont des foyers de demoralisa- 
tion; et enfin ils commettent parfois des attentats sur leurs 
camarades. On se figure les alien^s commedes 6tresinconscients 
et incapables d*6tre touches par le spectacle et les conversations 
des gens qui sont autour d'eux. D'abord ce ne sont que les 
alien^s aiguS; qui seuls peuvent faire cette impression ; et ils 
sont la minority dans nos asiles actuels. La plupart des autres 
malades, A6g6n6T6s, alcooliques ou delirants partiels, sont des 
6tres lucides, susceptibles d'etre contagionnes au moral. C'est 
ainsi que les evasions ont lieu en s6rie ; les tentatives de suicide 
ebruitees en amfenent d'autres; les actes de violence pareille- 
ment. On pourrait meme dire que ces alienes lucides ou k demi 
lucides sont encore plus suggestionnables que les gens raison- 
nables. Ce sont des esprits plus faibles, qui versent facilement 
dans rimitation. La logique voudrait done que Ton ftlt plus 
severe pour le choix du milieu ou on les place. 

Mais les alienes aigus, ces maniaques qui gesticulent, chan- 
tent, parlent d'une faQon incoherente et qui representent pour 
le public le type du fou, eux aussi sont capables, tout comme 
les autres, de se laisser impressionner par le milieu oil ils 
vivent. II n'y a qn'k interroger les maniaques gueris, comme 
aussi les meiancoliques stupides, pour se rendre compte qu'ils 
ont conserve le souvenir de tout ce qui s'est accompli autour 
d'eux et qu'ils sont aptes k se laisser diriger par les impres- 
sions mauvaises ressenties pendant leur maladie. J'ai dansmon 
service une maniaque guerie qui, il y a quelques jours, etait 
dans une periode d'agitation extrfeme, chantant, gesticulant, se 
livrant k des actes obscfenes. Aujourd'hui, elle est douce, tran- 
quille, docile, de tenue reservee. Ellese rappelle parfaitement 



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HS REVUE PHILANTHROPIQUE. 

tous les faits dont elle a 616 t^moin durant sa crise; mais par 
une sorte de pudeur elle dit avoir oublid certaines de ses ex- 
centricit6s inconvenanles. J'ai public derni^rement Tobserva- 
tion d'une femme qui ^tait tomb^e, au cours d'une intoxication 
alcoolique aigu^, dans un ^tat de stupeur profonde. Elle parais* 
sait inerte comme une statue. Onpouvait latoucher, la pincer, 
approcher une lumifere de ses yeux, lui parler, crier; rien ne 
la faisait sortir de son immobility et de son mutisme. On 
aurait pu penser que, dans cet ^tat, elle ^tait incapable de se 
rendre compte de ce qui se passait autour d'elle, et un mise- 
rable aurait peut-6tre essayd dansces conditions deselivrer sur 
elle k quelque acte obscene. Mai lui en aurait pris, car une fois 
gu^rie elle a racont^ tout ce qu'on lui avait fait et tout ce qu'on 
avait dit. 

Les ali^n^s sont done — . k part les idiots, les dements 
et les paralytiques g^n^raux — des personnes capables de subir 
des impressions, et il est dangereux de mettre des gens hon- 
ndtes avec des gens d*instincts immoraux. Voili done une rai- 
son imp^rieuse pour justifier la separation des delinquants des 
autres alien^s. II est curieux de constater que, alors que les 
condamn^s de droit commun sont versus dans des regiments 
sp^ciaux, les fous condamn^s sont melanges avec la masse 
honnete. On objectera vainement que ceux-li sont irrespon- 
sables. Gar ils n'en sont pas moins des personnes d'instincts vi- 
cieux, anti-sociaux, et par consequent dangereux pour autrui. 
II seraitdonc necessaire d'avoirun asile special pour les alienes 
criminels et les criminels devenus alienes, qu'on retiendrait 
durant tout le cours de leur maladie. 

II y aurait peut-fttre lieu de creer un jour une section pour 
les filles publiques, qu'il est scandaleux de voir cohabiter avec 
des filles vierges. J'ai actuellement dans mon service une vieille 
alcoolique, qui a vecu durant quaranle ans dans les maisons de 
tolerance des grandes villes de France. Elle se fait gloire de- sa 
longue et briUante carrifere et decrit complaisamment les phases 
de sa vie accidentee, rappclant volonliers certains incidents 
fdcheux de son existence. N*est-il pas au plus haut point im- 
moral que cette femme, dont les moBurs, les habitudes, le Ian- 



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LE GLASSEMENT DES ALI6n£S DANS LES ASILES. 519 

gage, ont des stigtaates ind^libiles^ puisse viTre intimement 
avec des jeunes fillesii peine nubiles et chastes, et les corrompre. 
Mais quel ^l^ment de classement aurait-on aojourd'hui pour 
envoyer les prostitu^s dans la section sp^ciale? Tiendrait-on 
compte settlement de I'inscription reconnue des fllles qui n'ont 
jamais Hi mises en carte? D'autre part, la r^lementation est 
une mesore injuste, et en qnelqne sorte ili^gale ; il est inique 
de poursuivre jusqu'ii I'asile nne malhenreuse prostitute mise 
d^jk hors la loi durant sa vie libre. Mais cependant il n'est pas 
moins important de songer k la defense des instinetft moraox 
du plus grand nombre. Si la prostitution ^laitun d^lit, la ques- 
tion serait simplifi^e. On enverrait k Tasile d'ali^n^s criminels 
toutes les prostitutes condamn^es pour ce d6lit special. En 
attendant les filles publiques pourraient 6tre classics avec des 
femmes &g^es ou pen susceptibles de contamination ; mats 
pour cela il est n^cessaire d'avoir des quartiers nombreux et 
contenant un petit nombre de malades. 

Si je suis partisan de Tasile d'ali^nds criminels, je n'en 
aime point Tfitiquette, et je pense avec M. Paul Gamier que 
celle d'asile de siAreti conviendrait mieux. Cela permettrait 
d'^tablir une section d alcooliques r^cidivistes, condamn^s pour 
d^lit d'ivresse (1), et qui seraient soumis k un regime d'absti- 
nence et de travail. 

Enfin un dernier point resterait k ^tudier, la n^cessitd de 
rdpartir les malades d'apr^s leurs sympathies, leur morality 
g^n^rale, leur education. Les consequences de I'absence de 
tout classement k ce point de vue ont d^jk ^t^ en partie exami- 
nees. On pent dire que les asiles actuels ressemblent trop k des 
pensionnats et qu'Ji ce point do vue I'antipathie personnelle et 
Timmoralite y ont trop libre jeu. 

La necessity de nombreux groupements s'impose encore 
davantage si Ton consid^re le point de vue th^rapeutique. Cette 
6tude pourrait faire Tobjet d'un autre article; elle ne ferait 
d'ailleurs que montrer la necessity de diviser et subdiviser nos 
quartiers actuels. Mais on n'a pas besoin de construire denou- 

(1) Malheureusement la loi sur Tivresse n'est pas suffisamment appliqu6e. 



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B20 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

veaux asiles avec des pavilions nombreux et coAteux. Certains 
asiles ^cossais ne consistent que dans un seul blocky dans un 
b&timent unique ; et cependant les dortoirs y sont trfes petits, 
«t les salles de reunion multiples, de manifere que les malades 
y sont tr^s divis6s. On pourrait, en utilisant les vastes biti- 
ments de nos vieux asiles, en sectionnant les dortoirs et les 
salles de reunion, en am^nageant les couloirs en lieux de Ira- 
vail — c'est-k-dire i Taide de simples cloisonnements — cr^er 
des quartiers suffisamment morcell^s pour permettre le classe- 
ment naturel des malades. 

EDOUARD TOULOUSE. 



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LES 

TRAVAUX DU COMITE DE DEFENSE 

DES ENFANTS TRADUITS EN JUSTICE 

PENDANT L'ANNEE 1897 



RAPPORT 

LU A LA STANCE DE RENTR^E DU 19 JANVIER 1898^ 



L'ann^e 1897 a vu se completer la suite, non interrompue 
pendant sept ann^es, des efforts du Comity pour assurer k la 
jeunesse en p^ril la place qui doit lui appartenir parmi les 
preoccupations d'une justice r^ellement soucieuse des int^rdts 
sociaux. 

Dans un pays oh la population diminue chaque jour, ce 
n est plus seulement au nom de la philanthropic, mais pour la 
vie m6me de la nation, que le devoir s'impose de ne rien n^- 
gliger afin d'arracher aux ravages du vice cette portion si 
considerable de la jeunesse, contre laquelle les tribunaux sont 
appeles h agir. 

Son nombre seul suffirait k le rendre redoutable. Les der- 
ni^res statistiques criminelles (ann^e 1894) r6v6lent en eflfet 
un chiifre de plus de 40 000 mineurs deiinquants et criminels 
dont 7183 de moins de seize ans et 32 849 de seize k vingt et 
un ans. G'est, sans exag^ration, toute une armde. 

J) La stance 6tait pr^sid^e par M. Milliard, Garde des sceaux, assists de 
MM. Ployer, Mtonnier, president d'honneur; F61ix Voisin, conseiller h la Cour 
de cassation, vice-president. 



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522 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

Chaque jour le Comit6 est intervenu pour assurer k ses 
etudes des r^sultats se traduisant tout k la fois par de nou- 
veaux soulagements apport^s a la condition des jeunes pr^venus 
et par des soins plus minutieux donnas aux procedures ou leur 
sort se d&ide. 

Les questions de principe n*ont trouvi§ place dans ses ordres 
du jour qu'ii cette intention. 

Depuis que son action s'exerce, les mineurs ont 6te Tobjet 
d'une sollicitude de plus en plus active. lis ont 6t6 mieux 
defendus contre eux-m6nies. 11 faut bien le dire aussi, avec 
tristesse, contre leur propre famille. Leur mise en liberty 
a cess6 d'fitre considfir^e comme Tid^al de Tint^rfit que la 
justice peut leur t^moigner. Le regime hospitaiier s'est com- 
bing heureusement pour eux avec le regime p^nitentiaire, 
oil rid^e de preservation a de plus en plus p6n6tre; la juris- 
prudence est devenue tout k la fois plus ferme et plus clair- 
voyante k leur ^gard; le bon sens et Topinion publique mieux 
6clair6e, ont r^pudi^ presque partout, comme inutiles et cor- 
fuptrices, les courtes peiaes d'emprisonnement. 

Tout cela est d^jk quelque chose. Un jour ce sera plus encore 
si eeux qui nous remplaceront ne se lassent pas trop tdt. 

Dans cette salle du Conseil oii chaque bMonnier se plait k 
continuer les traditions d'une hospitality qui est raffirmatioB 
de la solidarity du barreau et de la magistrature pour la pro- 
tection de Tenfance, le Comity a pu avec les refur6sentants de 
r^tat et du d^partement faire une alliance dont les enfants 
traduits en justice ont chaque jour k s'apphiudir. 

Si on eonsid^re les snjets trait^s eette ann^e, en les rap- 
prochant de ceux des ann^es pr^c^dentes, on voit que tons, 
ob^issant k la mSme pens^, tendent k substituer de plus en 
plus r^ucation k la repression, la preservation, k la fletrissore. 

Toutes ces idees ne rencontrent gu&re de contradicteurs. 
Pourquoi ne sont-elles pas plus souvent appliqu^es ? Le but da 
Comite est de les faire entrer dans nos lois, dans nos habi- 
tudes judiciaires et administralives. 

La preoccupation du resultat a atteindre rapidement ne 
devait pas faire dedaigner les principes qui en sent U source. 



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LES TRAVAUX DU GOMIXfe DE DEFENSE. 523 

Pour d^fendre ees principes, des philosophes, des moralistes 
9ont venus prendre place ji c6t6 des magistrals et des crimi- 
aalistes. 

C'est ainsi qu'^ notre premiere stance, M. Hatzfeld, dont le 
nom appartient& TUniversitd, a trait6 devant vous la question 
de savoir ce qull faut entendre par le « discernement » dont 
parle Tarticle 66 du Code p^nal k F^ard des d^linquants de 
BH>ins de seize ans, elk partir de quel dge la question du dis- 
cernement doit se poser aux magistrals. 

C^tait bien k un philosophe spiritualiste qu'il appartenait 
de rappeler au Comity que, pour admettre la possibility de re- 
dresser Tenfant par T^ducation, il faut voir en lui autre chose 
que le jouet inconscient d'un d6terminisme implacable ou 
d'une h^r^dit^ fatale. 

&IaJs, tout en proclamant la responsabilit^ de la conscience 
humaine m6me chez Tenfant, le juge n'en doit pas moins, 
Urt'On dit avec raison, se montrer exigeant sur la preuve de la 
plenitude du discernement. * 

Comme il faut, pour que ce discernement existe, que Tenfant 
ait tout k la fois, par un double acte de son esprit, la connais- 
sance du mal el de ses consequences, et la volont^ de le com- 
meltre, on voit que le juge trouvera presque loujours, sans 
s'6carler de la v6ril6, une excellente et ti*fes irr^prochable rai- 
san de declarer que le mineur, tout en possddant d^ja la notion 
du bien et du mal, a besoin, dans la plupart des cas, qu'une 
education, plus r^formatrice que le ch^timent brutal, vienne 
parfaire son discernement. 

« Le nom seul du Comity, disail Ir^s justement le rappor- 
teur, indique assez quelle est k ses yeux Tutilit^ d'avoir pos6 
dans la plus large mesure la question du discernement. II y 
cherche surtout un moyeji de pouvoir sauvegarder et ramener 
au bien le plus grand nombre possible. C'est son but trfts g^n^- 
reux, tr^s noble, c'est aussi son honneur. » 

Cependanl la foi la plus robuste dans la puissance r^for- 
matrice de T^ducation est trop souvent ^branl^e par certaines 
manifestations du mal dans des &mes semblanl, malgr^ leur 
jeunesse extrdme, appartenir aux criminels les plus endurcis. 



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524 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

Tout r^cemment, en quelques jours, les chroniques judi- 
ciaires, moins rassurantes parfois que les chiffres variables et 
trop muets des statisliques, nous montraient un enfant de qua- 
torze ans ^gorgeant dans son sommeil un vieillard, son maitre, 
un ^colier de seize uns assassinant dans la m^me nuit sa mai- 
tresse de dix-neuf ans et une autre femme; un souteneur de 
seize ans tentant de luer une fiUe qui se refusait d'etre com- 
plice de ses vols ; une autre jeune fiUe de dix-huit ans k peine 
6tranglant, pour avoir un peu d'argent, deux de ses parentes 
apr^s les avoir endormies avec de la morphine, et h Theurc 
m^me, dans un de nos cabinets d'instruction, comparatt une 
enfant de quinze ans accus^e du crime d'infanticide. 

En presence de cette criminality pr^coce, ne peut-on pas se 
demander avec le rapporteur si, au lieu dlmposer au juge 
Tatt^nuation de la pdnalit^ des crimes commis avec discerne- 
raent paries mineurs, il ne serait pas pr^f^rable de lui en laisser 
la faculty, de peur que cette attenuation n'ait Tair quelquefois 
d'une sorte de prime donn^e au crime. 

Mais le Comit6 de defense a pens^ que son titre mis6ri- 
cordieux ne lui permettait pas de conclure h une plus grande 
s6v6rit6 et que, tout atroce que soit le forfait, il y a toujours 
quelque chose k mettre entre Tadolescent et le chdtiment. 

G'est au ddveloppement des mesures d'^ducation, ordonn^es 
par la justice, d5s que les mauvais instincts se manifestent, 
quel que soit le jeune Age de Tenfant, et continudes le plus 
longtemps possible, jusqu'Ji la majority, elev6e de seize k dix- 
huit et m6me k vingt et un ans, que tendait, comme les ann^es 
pr^c^dentes, T^tude philosophique qui a inaugur^ vos travaux 
cette ann^e. 

EUe r^sumait bien votre programme dans ces paroles hu- 
maines que les applaudissements ont soulign^es : « On ne doit 
laisser ^chapper aucune occasion de ramener au bien ceux que 
les circonstances peut-ftlre ind^pendantes de leur volont^ ont 
^garis ». 

C'est pour cela que le Comity suit, avec une sympathie vive 
et active chez beaucoup de ses membres, cette oeuvre compl^- 
mentaire nouvellement sortie de V&me de Taumdnier de la 



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LES TRAVAUX DU GOMITfe DE DEFENSE. 525 

Petite Roquette, en faveur des mineurs de seize, k vingt et un 
ans, r&ge oil se fait le plus sentir reflfet d'une mauvaise Edu- 
cation et oil se perdent le plus facilement les leQons de la 
meilleure. 

Mais comment doivent ^tre organisEes les mesures d'^duca- 
tion destinies i corriger le mineur et h prot^ger la soci^td 
centre ses fautes ? 

Tel a 6X6 tout nature! lement ensuite Tordre d'id^es sur le- 
quel Tattention du Comity a 616 appel6e. 

En premier lieu, M. Henri Joly, doyen honoraire de faculty, 
a bien voulu soumettre quelques-unes des observations int^- 
ressantes qu'il a pu faire au cours d'une mission des minist5res 
de rinstruction publique et de Tlntdrieur (1), Ji TefFet d'^tudier 
a r^tranger les divers systfemes d'dducation correctionnelle. 

Ses conclusions, que le Comity a approuvEes avec d'autant 
plus d'unanimitE qu'elles sont conformes aux opinions les plus 
r^pandues, c'est que partout lestrop grandes agglomerations de 
detenus sont une cause de r^cidive et que les petits etablisse- 
ments, i forme un pen patriarcale appelant des d^vouements 
plus intimes, exergant une sorte d'action familiale se prolon- 
geant au dehors par le patronage (2), sont pref^rables k tous 
les points de vuc k tout ce qui ressemble k de grandes casernes 
oil Tenfant est expose k devenir un num^ro. 

Les m^mes doctrines ont 6t6 6galement appuy^es avec au- 
torite par M. Louis Riviere, membre du conseil de la Society 
Generate des Prisons, k la suite d'un voyage dans le canton de 
Berne. C*est \k qu'un des plus grands philanthropes dela Suisse, 
M. Guillaume, lui avait dit : « En France vous avez trop d'ar- 
gent, vous depensez trop (sansdoute il avait visite Montesson!), 
vous mettez dans des palais des enfants de classes pauvres. 
Nous, nous les mettons dans de modestes chalets et nous avons 
moins de recidive. » 

En Angleterre aussi, M. Louis Riviere nous a montre les 

(1) Les Maisons (Viducation con^ectionnelle dans les diffirenls pays de I'Eu- 
rope. Voir aussi son livre A travel's l*Europe, enqudte et notes de voyage, 1898. 

(2) C'est sur ce principe que, le 29 juillet 1839, a 6t6 fond6e la colonie agricole 
de Mettray par M. le conseiller Demetz et son ami, M. le vicomte Bretigniferes de 
Courteilies. 



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326 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

bons r^sultats obtenus par les petits groupements et rinfluence 
du personnel enseignant au nom de la morale religieU8e. 

Le Comity 6tait k Tavance p^n^tr6 de ces v^ril<5s. S'il s'agis- 
sait de porter la conviction dans les esprits, la cause serait de- 
puis longtemps gagn66. 11 est plus difficile de convaincre les 
commissions du budget. Mais quand la question d'argent s'im- 
poseet met obstacle aux r^formes les plus urgentes, faudrait-ii 
au moins que Tfitat, providence Irop souvent impuissante, ne se 
privftt pas de Tappoint considerable que I'initiative priv^e offre 
de foumir. 

Les colonies priv6es qui lui prfilent un concours dont Tad- 
ministration p^nitentiaire, dans sa haute impartiality, aime k 
proclamer les avantages, sont expos^es k p6rir lorsqu'elles re- 
^oivent un prix de journ6e trop inf^rieur aux d^penses necessi- 
ties par Tentretien des enfants qu'elles reQoiventdela confiance 
du minist^re de Tlnterieur. 

Aussi, dans sa stance du 11 mars dernier, le Comite, apr^s 
avoir ^mis le vceu que FAdministration fasse le plus largement 
possible appel k Tinitiative particuliferc, a-t-elle pensd qu'elie 
devait appuyer aupr^s de la Commission du budget les justes 
reclamations des colonies privies afin que le prix de la joumee, 
qui n'est encore que do 75 et 80 centimes, chiffre vraiment di- 
risoire, soit mis un pen plus en rapport avec les exigences mo- 
rales et materieiles de la vie actuelle. 

Depuis, la Commission du budget k laChambre et auSenat, 
tout en reconnaissant le mal, a pense, sans doute k regret, que 
retat de nos finances ne permettait pas de voter un relfevement 
de plus de 10 centimes par jour. C'est au moins une marque de 
sympathie (1). 

L'examen compare dans les differents pays de TEurope des 
modes d'education correctionnelle, issus presque tons de notre 
loi du3 aoiit 1850, a ensuite amene le Comite k recherchersi, 

(1) Tous ceux qui suivent attentivement la distribution faite h des opuvres 
des millions provenant du Pari mutuel ont pu ronstater avec un certain ^tonne- 
ment, qu'aucune des demandes faites au profit des colonies privies, rccevant des 
enfants de I'^tat, ne parait avoir H6 accueillie. Ainsi ont ^t^ ajoum^s des ain4> 
liorations qui eussent ^t^ tr^s profitables It ces enfants, et dont les plans ^taient 
tout pr^ts. 



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LES TRAVAUX DU GOMlTfe DE DEFENSE. 527 

en France, certaines des dispositions de cette loi n'avaient pas 
616 trop n^lig^es, 

C'est ainsi que M. Puibaraud, inspecteur g6n6ral des services 
administratifs et membre du Conseil sup^rieur des prisons, 
a compl^t^ r^tude qu'en 1894 il vous avail pr^sentde sur les 
r^formes k poursuivre dans le regime des colonies correction- 
nelles et a signal^, dans un travail sur les conditions des en- 
fants sortant des maisons de correction, non pas des lacunes k 
combler, mais un texte trfes clair et tr^s imp^ratif k lirer de 
loubli. 

Ce texte, c'est Particle 19 de la loi de 1850 disant que « les 
jeunes detenus sonty d f Opaque de leur liberation, places sous le 
patronage de F Assistance publique pendant trois ann^es au 
moins ». 

Ce patronage qui n'a rien de commun avec la surveillance 
de la police, le Rapporteur le d^finissait trfes bien en disant : 
« Ce n'est pas la main qui tient rhomme par le collet, c'est la 
main tendue et parfois Taide de la main ouverte ». 

En songeant, comme A6]k en 1895 au Comity et dans la qua- 
tri^me section du Congrfes p^nitentiaire international le faisait 
remarquer M. Loys Bruyfere, membre du Conseil sup^rieur de 
TAssistance publique, qu'une r^gle aussi sage n'a pas m^me 
rcQu le moindre commencement d'ex^cution depuis prfes d un 
demi-si^cle, faut-il s'^tonner que la maison de correction n 'ait 
pas produit tons ses eifets et que la r^cidive s'^l^ve jusqu'k 35 
pour 100, au moins, Ik oil aucune protection ne s'^tend au de- 
hors sur Tadolescent lib^r6 (1)? 

II serait bien injuste de faire retomber sa r^cidive sur T^du- 
cation qu'il a rcQue. Elle a pu 6tre excellente. Les exhortations 
de raum6nier, les enseignements du maitre ont pu ne pas faire 
d^faut, mais en y6v\{6 comment supposer qu'ils conserveront 
leurs effets sur lui si, dans la liberty oil on le rejette, il ne trouve 

(1; Des colonies privies songent It se mettre en rapport avec de grandes oeu- 
vres parisiennes telles que le Patronage des Jeunes Lib6r6s de la Seine, I'Office 
central des institutions charitables, pour venir en aide aux jeunes gens arrivant 
k Paris k leur sortie de la maison de correction. C'est une id^e qu'on ne saurait 
trop enconrager. On sait que les engagements militaires trouvent le plus utile 
des appuis h Toeuvre patriotique de M. F^lix Voisin, rue de Milan, 11 bis. 



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528 REVUE PHILANTHROPIQU E. 

aucun conseil, aucun soutien, aucune force pour le raffermir 
et le rendre capable de r^sister aux suggestions Tattendant sou- 
vent dans sa propre famille? 

Sans doute, plus d'un jeune ddtenu n'aura pas 6t6 oubli^ 
dans sa vie correctionnelle. II aura 616 mis en rapport avee 
ces oBuvres admirables qui se nomment « le Patronage des 
Jeunes Iib6r6s » du d^partement de la Seine, et la « Soci6t6 de 
protection des Engages Militaires ». Celui-lft, k sa sortie, ne se 
trouvera pas seul, et il sera sauv^. Mais que deviendra lagrande 
masse? Elle continuera sa marche a Tabtme sans que rien ne 
VarrMe. 

C'est k elle qu'un Patronage g^n^ral comme celui que la pr6- 
voyante loi de 1850 voulait confler h TAssistance publiqueserait 
utile. 

Dfes ses premieres stances le Comity ^tudiera les moyens in- 
g^nieux proposes par M. Puibaraud pour organiser, avec Taide 
du personnel d^j^ existant, celui des inspecteurs d^partemen- 
taux des Enfants Assist6s, sous le contrdle des pr^fets, ce pa- 
tronage dont Tabandon a 6t^ une grande faute sociale. 

Toujours favorable au d6veloppement de Tinitiative priv^e, 
le Comity accueillera avec une faveur toule parliculi^re les 
demi^res conclusions que M. Puibaraud donne k son beau rap- 
port, en proposant que, dans chaque chef-lieu, un comitd 
de six personnes notables, choisies par parties ^gales par Tau- 
torit^ administrative et Tautorit^ judiciaire, soit chai^^ de vi- 
siter les colons lib^rds, de se mettre en rapport avec leur patron 
et rinspecteur de I'Assistance publique. 

C'est ainsi que la solution du probl^me que soul^ve le sau- 
vetage des mineurs d^linquants pourra 6tre surtout r^solue par 
1 'alliance de la charity priv^e et des efforts ofliciels. 

Le Comity se plait k voir un des instruments les plus puis- 
sants de cette grande id^e dans ToBUvre d6ji forte de rUnion 
des Soci^t^s de patronage de France (1) qui, par ses membres 
et ses doctrines, tient de si pr^s au Comity de defense. 

Au nom de Tid^c maitresse de T^ducation Femportant de 

(1) L'Union est admiaistr^e par un bureau central, place Dauphine, 14, au 
si^ge de la Soci6t6 g^n^rale des Prisons. 



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LES TRAVAUX DU COMITfe DE DEFENSE. 529 

plus en plus sur I'idfie inKrieure de p^nalit6, le Comity a tou- 
jours doDn6 ses preferences au systfeme de procedure le plus 
capable de mettre, en parfaite connaissance de cause, le jeune 
delinquant sous la tutelle d'une education appropriee k son 

etat. 

La question de la procedure est capitale ; dfes le premier 
jour, elle a appele Tattention du Comite. 

II a toujours ete Tadversaire des procedures sommaires 
appliquees aux enfants et il ne croit pas superflu de renouveler 
son sentiment sur ce point i une heure od des revolutions s*ac- 
complissent dans les regions de Tinstruction criminelle. 

La procedure du flagrant delit, si efl^rayante par son extreme 
rapidite, avait paru trop longtemps assez bonne pour les enfants 
dont les interets n'avaient pas encore eveille, autant qu'aujour- 
d'huiyla sollicitude que le peril social commande, meme aux 
plus indifferents, de leur temoigner. 

On ne voyait pas trfes nettement ce que la Societe gagnerait 
a prendre au serieux ces minces delits par lesquels les jeunes 
font leurs premiers pas dans le chemin trop frequente qui mene 
aux prisons. 

La lutte k entreprendre rencontrait bien des objections ; sauf 
chez quelques-uns, la conviction se faisait attendre. « Est-ce 
que la justice, murmurait-on plus ou moins bas, ne se dimi- 
nuerait pas, en laissant tons ces petits venir h elle, avant qu'ils 
soient devenus des criminels de marque? Est-ce que les cabi- 
nets d'instruction, dont les assassins font le prestige aupr^s 
d'un certain public, n'allaient pas descendre au rang de simples 
bureaux de bienfaisance ou de placement? Est-ce que les magis- 
trats n'avaient pas mieux h faire, pour eux surtout, qu'i perdre 
leur temps k vouloir changer le sort de ces enfants nes fatale- 
ment pour le vice et la mis^re? » L'honneur du Comite a ete 
de ne pas s'abandonner k ce pessimisme connu qui paralyse 
tout eflFort, de reagir contre ce dedain et cette indifference. II y 
a reussi en partie. Le premier pas est fait; il serait impossible 
de revenir en arrifere; c'est toujours en avant qu'il faudra mar- 
cher. L*ideal que le Comite s'etait propose dans son manifeste 
initial et dans celui qu'il a envoye il y a deux ans k tons les tri- 

lUEVUB PHILAXTHROPIQUE. — II. 34 



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530 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

bunaux de France, tend k devenir partout une r6alii^. U6cho 
en a retenti utilement dans les grands Gongrfes p^nitentiaires 
d'Europe, et tout r^cemment encore le gouvemement russe 
demandait la collection de tons les travaux du Comity. 

Notre programme est done sorti de la pure th^orie pour 
entrer non seulement dans nos moeurs judiciaires, mais encore 
dans le mouvement g^ndral des iddes en Europe. 

La premiere condition pour rendre efficace le r6le de la jus- 
tice en cette matifere a toujours paru 6tre Tunit^ de procedure 
et de jurisprudence, obtenue par Tattribution des affaires, con- 
cernant les mineurs, aux m6mes juges d'instruction et aux 
m^mes chambres correctionnelles. 

G'est ainsi que la 8® chambre du Tribunal de la Seine, sous 
la pr6sidence de deux membres de ce Comity, M. Paul Flandrin 
d'abord, et ensuiie M. Paul Bernard, a pu donner k la jurispru-. 
dence sur les envois en correction une fixite qui favorise chaque 
jour les oeuvres de patronage et a sauv6 bien des enfants. 

Au d^but, les parquets avaient pu s'alarmer de la difficult6 
k pourvoir au plus grand labeur que cette sollicitude nouvelle 
pour les jeunes d^linquants allait en trainer. 

Les choses ont 6t6 bien facilities k Paris et dans les plus 
grands tribunaux de France par les oifres de service qui sont 
venues spontandment des juges d'instruction eux-m6mes, en 
g6n^ral membres des Gomit6s de defense. 

Esp^rons que le surcroit d'efforts que la loi du 8 d^cembre 
1897 sur la procedure contradictoire va imposer & un per- 
sonnel, assur^ment trop nombreux, ne sera pas obtenu aux dd- 
pens des affaires des mineurs ; ce serait un malheur. 

L'ann6e derni^re, au moment ou se pr^parait cette loi, une 
occasion excellente avait paru s'offrir d'assurer aux mineurs 
inculp^s toutes les garanties de la procedure du droit commun 
et de r6aliser ainsi, dans Toeuvre de leur protection, un progr^s 
considerable. 

Le Gomite, dans sa stance du 6 Janvier, avait demands de 
conserver simplement dans la nouvelle loi, fragment d^tach^ 
d*un premier projet d'ensemble de r^forme de Tinstniction cri- 
minelle, une disposition de ce projet ainsi congue au rapport 



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LES TRAVAUX DU GOMlTfi DE DEFENSE. 531 

de M. le d6put6 Bovier-Lapierre : « La procedure sommaire 
n'est pas applicable aux mineurs de seize ans. » 

C'eAt 616 f avec la consecration absolue et irrevocable de 
Vid6e g6nereuse, dont le Comite s'est constitu^ le champion 
depuis plus de sept ans, le salut de bien des enfants. Notre 
legitime attente a 6t6 tromp^e! (1) 

On ne comprendrait pas que Tinterfit des mineurs ait 6te md- 
connu d'une fa^on si impr^vue, si on ne savait, de Taveu m6me 
du legislateur, comjbien d*idees sages et progressives se sont 
tout k coup, aprfes de longues ann^es d attente, trouv6es exclues, 
dans la precipitation de la derni^re heure, par une legislature 
arriv6e k son terme. 

En attendant que cette reforme puisse faire le sujet d*une 
proposition separee, bien faite pour tenter un jour quelque 
membre de nos Ghambres, la Girculaire aux procureurs gene- 
raux qui nous avait ete promise Tannee demifere pour leur re- 
commander d'adopter Tusage, dont le Parquet de la Seine, sur 
les vceux du Gomite, a donne Texemple de ne jamais traduire 
des mineurs devant le tribunal, soit sur citation directe, soit k 
I*£lat de flagrant deiit, sera la bienvenue. 

M. le garde des Sceaux Milliard a vu tout k Theure par les 
remerciements que M. F. Voisin lui a adresses, au nom du 
Gomite tout entier, qu'en nous annon<;ant Tenvoi de cette cir- 
culaire, il ajoutatt une faveur toute particulifere & sa visite, elle 
nous laissera ainsi un souvenir durable de sa sympathie pour 
I'enfance malheureuse. 

« II vous sera ainsi plus facile, disait-il aux magistrals 
nombreux dans cette assemblee, de ressaisir ces enfants; « il 
<c vous sera plus facile d'exercer votre bienfaisante influence 
« sur eux ; il vous sera plus facile d'en faire d'honnetes citoyens, 
« car c'est Ik votre but, le grand but de votre soci6te ». 
{Applaudissements. ) 

La loi du 8 decembre dernier, qui tend k assurer le benefice 
de rinstruction contradictoire k tout inculpe rendra de plus en 
rare, il faut Tesperer, le renvoi du mineur devant le tribunal 

(1) Voir notre rapport sur Tann^e 1896, p. 17, 18, 19, 20. 



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532 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

par voie de citation directe, ou son 61argissement sans instruc- 
tion pr^alable; elle sera un bien, s'il en est vraiment ainsi; 
mais d'un autre c6t6 quelques-unes des dispositions de cette ioi 
rigoureusement appliqu^es aux mineurs semblent en d6saccord 
avec leurs int^rfits et tout k fait au-dessus de leur comprehen- 
sion. 

Longtemps, avant m6me qu'il ne filt question de la Ioi 
nouvelle, les mineurs, par un accord entre le Gomit6, le bar- 
reau et les magistrats, ^taient pourvus d^s le d^but de Tinstruc- 
tion d'un avocat d'offlce, presque toujours membre, soil du 
Gomite, soit d'un des principaux patronages et ayant d^s lors 
par la pratique des ceuvres la longue habitude de ces affaires 
delicates qui demandent k 6tre envisag^es tout autrement que 
les autres. 

Suivant les excellentes regies, trac^es de main de maitre 
sous ce titre : « Des relations du magistrat et du d^fenseur avec 
les parents et les ceuvres », par M. le bfttonnier Cresson, vers 
lequel vont aujourd'hui nos coeurs attrist^s de sa lointaine 
absence et reconnaissants des services qu'il a rendus au Co- 
mity, le jeune avocat se plaisait h 6tre Tallin du juge, et non 
k se faire son contradicteur. Cette entente sur le terrain de la 
charity rassurait Tenfant et le disposait k ^couter les conseils 
bienveillants de ses deux protecleurs rarement en disaccord. 

Aujourd'hui on pent craindre que la faQon imperative dont 
la Ioi appelle I'avocat dans le cabinet du juge n'^veille dans 
Tesprit de Tenfant une id6e de defiance, de discussion et de 
resistance. 

La reponse qu'il fait k la premiere question traduit tout de 
suite son etonnement. Cette question imposee par la Ioi n'est 
pas faite pour lui, elle depasse la poriee de son discemement. 
C'est ainsi qu'une petite voleuse de douze ans, prise sur le fait, 
k laquelle j'apprenais quelle avait le droit de ne rien declarer (i ) 
me disait en me regardant d'un oeil inquiet : << Pourquoi voulez- 
vous done que je mente? Monsieur, on m'avait toujours dit 

(1) Art. 3 de la Ioi du 9 d^cembre 1897. « Lors de la premidre companition, le 
magistrat re^oit les declarations de Tinoulpd, aprds I'avoiraverti qu'il e$t libre de 
ne pas en /aire, » 



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LES TRAVAUX DU COMlTfe DE DEFENSE. 533 

que c'6tail vilain de mentir. » J'eus quelque peine — peut-6tre 
n'y ai-je pas rf^ussi — k lui faire comprendre que dans ma pa- 
role il n'y avait ni un pi^ge ni un mauvais conseil. 

La loi du 8 d^cembre devra 6tre suivie par le Comity avec 
une attention toute particuli^re toutes les fois qu'elle sera 
appiiqu^e aux enfants. Les observations recueiilies pourront 
completer Texp^rience loyale qui se poursuit en ce moment, 
avec un d^sir 6gal chez tons, de mettre dans la procedure la 
plus grande somme possible de justice et de g^n^rosit^ (1). 

Le souci de tout ce qui tend k perfectionner la procedure a 
continue comme les ann^es pr^c^dentes k marcher de front avec 
Tam^lioration de la condition mat^rielle des jeunes d^linquants. 

Mes pr^c^dents rapports vous ont d6}k r^sum^ les nombreux 
adoucissements apport^s au regime des postes de police, du 
d^p6t, de la souricifere et des prisons. 

Nous remercierons comme toujours le Conseil G^n^ral de la 
Seine, Tadministration de FAssistance publique, ceux de leurs 
membres qui assistent k nos stances de la force qu'ils ont 
donn^e k nos reclamations toutes les fois qu'ils ont bien voulu 
les appuyer. Des 6v6nements impr6vus viennent d'appeler au 
dehors M. le pr^fet de police Charles Blanc, il edt d^sir^ par sa 
presence, au moment oil il arrive ila Prefecture, nous montrer 
que, pour lui, comme pour son Eminent pred^cesseur M. Lu- 
pine (2), nos petits gavroches du pav^ de Paris, dont dix mille 
ne sent m6me pas inscrits sur les registres de nos ^coles, aban- 
donn^s, exposes aux dangers des rues, ne seront pas, parmi 
ses administr^s, ceux aux souffrances. aux mis^res, aux perils 
desquels il s'int^ressera le moins. 

Cette annde, le Comity s'est aussi pr^occup^ d'am^liorer les 

(1) Dans I'int^r^t des enfants, on pent craindre qu'en voulant leur appliquer 
trop strictement I'obligation de la comparution devant un juge dans les vingt- 
quatre heures de I'arrestation, le parquet n'^prouve quelque difficult^ h les tra- 
duire deTant les magistrats specialises pour leur service ; mieux vaut pour un 
mineur paraitre quelques heures plus tard devant un juge experiments que d'etre 
amene sur Theure devant un juge sans experience de ces sortes d'affaires et les 
dedaignant. 

(2) Le Gomite n'oublte pas qu'il avait toujours pu compter sur Tappui bienfai- 
sant de M. Lepine. 11 gardera le souvenir de la sympathie que son administra 
tion, 81 edairee, aimait toujours h temoigner aux oBuvres d'assistance. 



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534 KEVUE PHILANTHROPIQUE. 

conditions d^fectueuses et vraiment inouies dans lesquelles se 
faisait, avec tons les dangers de la promiscuity, bien que le mal 
ait 6t6 signals depuis 1848 et 1855 par deux ministres dont 
I'un ^tait M. Dufaure, le transferement des mineurs d'un lieu h 
un autre, des postes au d6p6t, du d6p6t aux prisons, des pri- 
sons au tribunal, h TAssistance publique, aux ^tablissements 
de correction dans les d^partements. 

Le sujet avait paru si important que M. le Conseiller k la 
Gour de cassation Voisin a voulu le traiter lui-m6me. 11 nous a 
montr^ dans des tableaux affligeants les enfants arr^t^s h. Paris, 
transport's, s'ils sont mal v6tus (est-ce leur faute?) avec ce que 
la police ramasse de plus vil dans les rues. 

Nous avons tout lieu d'esp6rer que M. le pr'fet de police ne 
tardera pas k prendre les mesures n'cessaires pour que la mi- 
sfere sordide de la plupart de ces enfants ne les condamne pas 
k cette Yoiture que Targot appelle cc le panier k salade » et oii 
les plus mauvais contacts sont k redouter. 

En province, c'est au ministre de I'lntdrieur que le Comit' 
fait appel pour que le transport des jeunes detenus soit Tobjet 
d'une plus grande attention. Le rapport de M. Voisin nous les 
montre dirig's sur les maisons d'^ducation correctionnelie par 
les m^mes voitures qui emportent les r'clusionnaires et les 
formats . 

Ecoulez ce dernier trait, dont m'informait, il y a quelque 
temps le comif de Toulouse : Un enfant de quinze ans arrfeli 
par ordre de justice dans une locality k une distance de vingl- 
huit kilometres de la prison a di!i faire trois fois de suite, k pen 
de jours d'intervalle, le trajet k pied entre deux gendarmes. Get 
enfant n'^tait ni un pr^venu, ni un de ces jeunes condamn's 
dont vous parlait ici m6me le President du Comit' de Marseille 
qui des tribunaux du ressort d'Aix viennent en appel & la Gour 
enchain's avec les autres prisonniers. Get enfant 6tait tout sim- 
plement soumis k la correction patemelle. Quel souvenir k 
jamais irritant Tautorit' paternelle servie de la sorte a-t-elle 
dA laisser dans son esprit! 

Au mois de juillet dernier, des d-marches ont 6t6 commen- 
c6es avec succfes par votre bureau pour que Taccord se fasse le 



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LES TRAVAUX DU COMITfe DE DEFENSE. 535 

plus promptement possible entre Tadministration et les com- 
pagnies de chemins de fer en vue d'am^liorer les conditions du 
Iransftrement des enfants auxquels le minist^re des Travaux 
publics parait appliquer de vieilles circulaires qui ne sont plus 
de notre temps, sans tenir aucun compte de ce qui a ^t^ fait 
dans ces demi^res ann^es pour la moralisation de Tenfance. 

Nous sayons par une longue experience que Tappui de 
M. le Directeur des services p6nitentiaires est toujours acquis 
aux r^formes g^n^reuses. La Commission du budget a 6t6 par 
lui saisie d'une demande de credit pour que les enfants soient 
conduits k part sous la surveillance de gardiens sp^ciaux. II 
ne s'etonnera done pas que nous ne cessions de lui recom- 
mander la suite de ces r^formes. En le faifsant, le Comity res- 
tera plus que jamais fiddle h sa noble mission, de m6me que 
Tadministration poursuivra la sienne en rempla^ant de plus en 
plus le gedlier par Tinstituteur. 

La question du d^placement des jeunes detenus a pris cette 
ann^e un int^rfet d'actualit^ tout particulier depuis qu'un quar- 
tier de Nanterre est devenu la maison d'arr^t cellulaire des 
filles privenues mineures de seize ans. C'est de cette maison, 
ou plutdt de cette ville p^nitentiaire, qu'elles viennent passer 
vingt-quatre heures k Paris, dans une cellule du d6p6t qui leur 
sert d'h6tellerie, toutes les fois qu'elles doivent 6tre entendues 
par le juge, ou visit6es par Tavocat, dont le zfele serait vrai- 
ment mis k une trop rude 6preuve s'il devait lui-mfeme faire le 
voyage. On lui am^ne sa cliente. La justice vraiment ne sau- 
rait mieux faire. 

Au moins faudrait-il que ces allies et venues fussent mieux 
organis^es et mieux surveill^es qu'elles ne le sont. La dur6e 
du voyage simple est de deux heures et demie environ. On n'a 
pas pu encore assurer le retour dans la m6me journ^e et si 
Tenfant est extraite le samedi, elle ne pent 6tre reconduite 
que le mardi. Elle couche au D^pdt dans une cellule sans 
doute bien tenue, mais de passage et beaucoup moins bien in- 
stance que celle de Nanterre ; le plus grave, c'est que le voyage 
se fait dans des voitures h compartiments dont les minces cloi- 
sons et les portes k grillages laissent entendre par les enfants 



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536 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

les propos les plus corrupteurs, que pour les pervertir — on ap- 
pelle cela « les d^saler » — se plaisent k ^changer les lilies 
soumises, les adultes, r^clam6es par la police des moeurs, les 
filles en correction patemelle, que ces voitures de honte trans- 
portent en m^me temps, sans qu'il y ait pendant ce long trajet 
d*autre garde que celle d'un agent de la prefecture. 

Faut-il s'etonner que les d^vou^es surveillantes de Nanterre 
aient souvent Toccasion de remarquer que les d^placements 
imposes aux enfants dans de telles conditions exercent sur elles 
une influence fdcheuse qui persiste pendant plusieurs jours (1). 

Gependant vous avez toujours pens^ que ces inconv^nients 
— on ne saurait les nier — sont encore moins k craindre, tel- 
lement le mal ^tait grand, que la promiscuity permanente dont 
les enfants avaient eu k soufiFrir dans leurs anciennes prisons. 

Jetez un regard en arri^re, reportez vos souvenirs i ce 
temps, si proche encore, oil les petites filles 6taient entass^es 
dans les vieux bfttiments de la Conciergerie, d'ou elles ne sor- 
taient que pour se perdre davantage dans certains asiles qui 
avaient usurps le beau nom de Patronage et dans cet 6tablisse- 
ment qui, en voulant 6tre un module, a attache au nom de « la 
Fouilleuse » et k Tid^e m^me de T^ducation correctionnelle, le 
souvenir encore vivant d'exp6riences pour le moins impru- 
denies. 

Sans remonter si loin, il suffit de se rappeler en dernier 
lieu combien 6tait insuffisante Tinstallation improvisie pour 
ces jeunes filles dans Tun des b&timents de Saint-Lazare et pour 
reconnaitre que le Comity a obtenu un r^el progrfes le jour oil 
elles furent envoy^es k Nanterre dans des chambrettes dont 
ring^nieuse disposition enlfeve au regime cellulaire ce qu*il au- 
rait de trop dur et lui laisse son action moralisatrice. 

Depuis Touverlure de cequartier cellulaire, le 21 d^cembre 

1896 jusqu'au 1*' d^cembre 1897, 215 jeunes filles y ont 616 
mises, sous mandat de d^pdt, sur lesquelles 115 ^taient ma- 
lades par suite de leur mauvaise vie. 

(1) Sur le rapport de M. Voisin, le Gomit6 a ^mis le vcbu suivant le 5 mai 

1897 : o Qu*& Paris une maison d*arrit ceUulaire aoit idifUe h proximiU du Palais 
de justice et exclusivement riservie aux mineurs de seize ans, filles et gatxons. • 



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LES TRAVAUX DU GOMlTfe DE DEFENSE. 537 

Vos r6clamations en faveur de ces enfaats ont obtenu enfin 
que les soins n^cessaires puissenl lour 6tre donnds h Nanterre 
mftme dans une infirmerie cellulaire parfaitement install^e, 
sous la direction d*un m^decin (1). Gr&ce k cette rdforme, les 
jeunes pr^venues, quelque soil leur ^tat de sant6, peuvent tout 
de suite 6tre envoy^es en cellule par le mandat de d^pdt du 
juge d'iilstruction, au lieu de voir leur s^jour se prolonger a 
rinfirmerie sp^ciale de Saint-Lazare oil souvent elles ^taient 
conserv6es comme auxiliaires de service (2), etoii leur morality 
achevait de se d^truire sous la deplorable influence du regime 
en commun. Aujourd'hui Toeuvre de la gu^rison morale dans 
la cellule marche de front avec Toeuvre de la gti6rison corpo- 
relle; elles se prfetent un mutuel appui. Ce progrfes obtenu au 
profit des mineures de seize ans poursuivies judiciairement sera 
peut-6tre un point de depart pour d'autres r^formes. 

Qui sait si un jour le regime du traitement isol6 ne viendra 
pas remplacer pour toutes les femmes que la police des moeurs 
consigne i Saint-Lazare, sans que la justice ait k sen occuper, 
ces d^plorables agglomerations oil le vice se propage en liberty 
et oil la prostitution est cultiv^e plutdt que combattue comme 
le piredes^fleaux. 

II est triste de penser qu'un Comit6 qui a pris pour r^gle de 
se consacrer exclusivement k la protection des enfants de moins 
de seize ans, ait renconlr^ tout d*abord Thorrible prostitution 
parmi les dangers dont ils sont constamment menaces. Nous 
ne pouvions, sans aller au delft de notre programme, soulever 
la question de savoir si c/est une bonne manifere de d^fendre la 
morale que de mettre les femmes perdues hors la loi, le Comity 
pense tout au moins qu'il lui est permis de dire qu'une fiUette 
de moins de seize ans ne saurait, sans barbarie, ^tre appel^e 
une femme perdue ; vous savez dejft par quels moyens I6gaux 
il a cherche ft la mettre sous la protection du droit commun et 
y a r6u8si dans une certaine mesure. 

L'arrfit souvent cit6 de la Cour d'appel de Paris du 10 mars 

(1) M. le docteur Laugier. 

(2) Sous le nom de soubrettes, de cahieties (tenant le cahier de visiles du 
m^decin). 



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538 REVUE PHILAxNTHROPlQUE. 

1893, en rappelant que la prostitution ne saurait jamais 6tre 
consid^r^e comme un moyen d'existence avouable, au sens de 
Tarticle 270 du Code p^nal, dans sa definition du vagabondage, 
a fonde une jurisprudence que vous avez heureusement pro- 
voqu^e et dont la consequence a 6U de faire consid^rer comme 
vagabondes les petites prostitutes de moins de seize ans. 

Ainsi ont pu 6tre defer^es chaque jour k la justice'de v^ri- 
tables enfants, trainant leur vie de debauche de garnis en 
gamis, avec la complicity des logeurs rendus, gr&ce k vous> 
plus souvent responsables qu'autrefois de leur strange faQon 
d'entendre la liberty du commerce; les enfants victimes de la 
debauche v6nale ontete mieux protegees h Taidede cette nou- 
velle pratique appliquant Tarticle 66 du Code p^nal pour 
remplacer Tinefficace r6glementation de la police des mceurs 
par rinfluence prolongde et rfiformatrice de Teducation correc- 
tionnelle. 

Le Comit6, cette annde, s*est pr^occup^ d'une autre faQon 
encore de garantir la morality des mineures autour desquelles 
les perils, tout d^nonc^s qu'ils soient, ne font que s'accroitre 
davantage. 

Les plus optimistes sont bien obliges de constater que les 
attentats contre les mceurs vont en progression et que Fenfant, 
si bien prepare au mal par la licence des rues, n'est pas assez 
protege contre les raffinements du vice. 

L'un de vos confreres, M. Paul Nourrisson, frappe de la 
gravite du mal et s'inspirant des avertiss^ments de la statis- 
tique elle-mftme, a bien voulu se charger d'etudier les reformes 
& apporter au Code penal pour fortifier la repression des delits 
et des crimes contre la moralite des mineurs de seize ans. 

Ses conclusions, qui vont etre examinees prochainement, 
consistent k soumettre k la commission de revision du Code 
penal plusieurs propositions qui tendent principalement k pro- 
longer de treize k seize ans Tftge oh le consentement de Ten- 
fant ne fera plus disparaitre la criminalite de Facte dont il 
aura ete victime, k mieux assurer la repression du deiit d'exci- 
tation k la debauche, si mal defini par une loi qui semble s'etre 
trop preoccupee d'epai^ner certains coupables, et la repression 



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LES TRAVAUX DU COMITfi DE D6FEx\SE. 539 

du crime de d^toumement de mineurs presque toujours impuni 
par le jury. 

Le rapport de M. Paul Nourrisson soulfeve aussi une ques- 
tion d'une haute port6e qu'il a d^jh trait^e avec succ^s dans 
d'autres enceintes (1). 

C'est la question de savoir si la justice ne. trouverait pas un 
auxiliaire des plus pr6cieux dans Taction des particuliers, k 
Texemple d'autres pays, comme TAngleterre, oix la magistra- 
ture k coup sAr n'est ni moins honor^e ni moins forte qu'en 
France. 

N*est-ce pas surtout dansles efforts faitsenfaveur desjeunes 
fiUes mineures de seize ans que Futility de ce concours des 
CBUvres privies se manifeste de la fa^on la plus 6vidente. 

L'id^e d4nt6resser la justice k la protection de ces malheu- 
reuses, qui paraissent ^tre vou^es k Finfamie, semblait une 
entreprise bien hasard^e. 

Demandez-vous pourquoi Tid^e de leur sauvetage est main- 
tenant plus facilement accept6e, pourquoi un souffle de piti6 et 
de redemption a pass^sur ces ftmes d6jk pr6tes pour la marque 
officielle de la degradation. 

Les magistrats m^l^d journellement k ces mis^res vous r^- 
pondront: c'est qu'il s'est trouv^ dans les murs des prisons et 
k leurs portes des femmes admirables, religieuses et laiques, 
sans distinction de cultes, sceurs des prisons, membres des Pa- 
tronages, toutes unies pour tendre la main k ces infortun^es, 
pour leur apprendre qu'il n'est pas d'avilissement si profond, 
dont on ne puisse se relever. Dans leurs prisons oh elles les vi- 
sitaient, dans les asiles oxx elles les recevaient, elles leur mon- 
traient Tesp^rance et la possibility du relfevement. 

« Si tu es lassie de ce honteux metier oil t'a pouss^e la 
brutality de Thomme, oh Tignorance te retient, oil Thabitude 
t'enchaine, oil le m^pris te clone, sache qu'il est ime maison 
tranquille, solitaire et bienfaisante oil tu n'auras qn'k frapper 
pour que Ton t'ouvre, ainsi qu'il est promis dans TEvangile, oil 

(1) De la participation des particuliers it la poursuitedes crimes et des dilits, 
ouTrage couroim^ par TAcad^mie des sciences morales et politiques (Revue Pi- 
nitentiaire de mars 1896). 



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540 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

ToQ ne te demandera pas de suite le repentir, oil I'on ne te de- 
mandera que le regret et le d^gotlt de ce pass^ dont il depend 
de loi de te s^parer en une minute. » 

Ces lignes 6taient dcrites par Alexandre Dumas, il y a long- 
temps d6}k (1) k propos de Tasile Sain te- Anne (2), pour les 
pauvres fiUes repienties ; elles s'appliquent admii*ablement k 
toutes ces oeuvres de mis^ricorde que chaque jour voit naitre 
cette terre Frangaise, oil la charity se relfeve plus forte de ses 
^preuves et de ses catastrophes. 

N'est-ce pas cette ann^e encore que, grftce aux magnifiques 
lib^ralit^s de dames charitables, dont les enfants de Nanterre 
et de Saint-Lazare connaissent toute la bont^, il s'est fond^ k 
Clichy, sous le titre gracieux de « Notre-Dame du Bon Con- 
seil » (2\ un asile contenant soixante lits install^s dans les 
conditions les plus satisfaisantes qu'on puisse imaginer pour la 
vie morale et mat^rielle des jeunes filles dont la justice peut 
avoir k s'occuper. 

La creation de cette maison, d6jk reconnue d'utilit^ pu- 
blique, s'ajoutant aux oeuvres anciennes, m^ritait bien d'etre 
mentionn^e (3), k propos des questions auxquelles le comity 
porte le plus d'int^rdt et dont elle peut h&ter la solution. 

Par cet expos6 pour lequel j'ai dA demander une trop 
longue attention, les membres du comity qui n'ont pas suivi 
dfes le premier jour la marche de ses travaux ont pu voir de 
quelle faQon il a toujours compris ce qu'il se plait k appeler 
« la defense des enfants traduits en justice ». 

Dans le langage ordinaire « defense » veut dire « effort 
pour combattreune accusation » etil semble que Tacquittement 
soit le seul but qu'elle ait k poursuivre. 

Pour le Comity, la defense de Tenfant devant la justice, 
c'est Teffort fait pour soumettre ses mauvais instincts au frein 
qui leur est n^cessaire, c'est la recherche ^clair^e, c'est Tappli- 



(1) Les Madeleines repenties, Alexandre Dumas fils, broch. de 35 pages, chex 
Dentu, 1869. 

(2) A Ch&tiUon, Paris. 

(3) OEavre de preservation et de rehabilitation des jeunes fllies de quinze 4 
vingt-cinq ans, boulevard de Lorraine, h Clichy. 



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LES TRAVAUX DU COMITfe DE DEFENSE. 541 

cation ferme, prompte et prolong6e des mesures que reclame 
son ^tat moral. 

On se tromperait done sur les intentions du Comit6 si on 
voyait en lui un adversaire du systftme consacr^ par Tarticle 66 
du Code p^nal, de Tenvoi en correction, tel que i'a perfeclionn^ 
la loi de 1850. Eile en a fait par la faculty de la liberty condi- 
tionnelle un veritable instrument de preservation et de tutelle 
prolong^e jusqu'^ la majority. 

Ce que le Comity combattra toujours avec ^nergie c'est la 
peine d*emprisonnement appliqu^e au mineur de seize ans. 

II faut des maisons d'^ducation correctionnelle dans cer- 
tains cas, tout le monde le reconnait, TAssistance publique elle- 
m^me. 

En th^orie, ilest facile de prendre parti, soil pour le systfeme 
hospitaller, soit pour le syst^me p^nitentiaire ; quand on 
passe k la pratique, on s'aperQoit bien vite que si les syst^mes 
sont difiF6rents, les enfants sont les m^mes, et que quoi qu'on 
fasseil y en aura toujours un certain nombre pour lesquels le 
regime de la liberty, de Tindulgence prolong^e et du laissez 
faire sera un danger. 

G'est pour cela pr^cis^ment qu'on ne saurait donner assez 
de temps et de reflexion aux a£Eaires qui ont pour objet de 
choisir le traitement, preservation, r^forme ou correction, qui 
convient h chaque cat^gorie de jeunes delinquants. 

II y en a auxquels le regime de la correction qui ne doit 
jamais exclure d'ailleurs ni la douceur, ni Taction morale est 
indispensable. Les partisans les plus convaincus, comme je le 
suis, des mesures de preservations savent tr^s bien qu'elles 
ont souvent besoin d'etre compietees par des procedes plus 
severes et qu'il y a bien des moralement abandonnes, frferes 
jumeaux des pupilles de Tadministration penitentiaire , dont 
la place est dans la maison de reforme ou dans les quartiers 
de correction paternelle que nos colonies publiques ou privees 
mettent k la disposition de T Assistance publique. 

On se souvient que quand TAssistance publique a bien 
voulu, et on ne saurait assez Ten remercier, mettre son hospice 
de la rue Denfert-Rochereau k la disposition des juges d'in- 



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542 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

str action pour qu'ils puissent y envoyer dans un asile tempo- 
poraire des enfants paraissant dignes d'une compassion 
particulifere, il semblait aux optimistes que les maisons de cor- 
rection allaient devenir inutiles, que pour assurer le sort d*un 
enfant, il suffirait au magistrate pour peu qu'ii ftlt un peu 
press^ de mettre sa signature au bas d*un ordre k peine motive 
d'envoi k Thospice (1). 

Qu'est-il arrive bientdt? C*est que TAssistance s'est vue d^- 
bord^e et d^tourn^e de sa mission. Les m^decins des enfants se 
sont plaints qu'on empoisonn&t leurs salles par des fiUes faites 
pour les infirmeries de Saint-Lazare et de Nanterre. Des na- 
tures indisciplin^es et vicieuses ont souvent trouv6 trop de li- 
berty dans les douceurs d'un r^glement hospitaller. L'Assistance 
se sentant d^sarm^e n'a eu d'autres ressources que de se d^- 
faire de ces enfants, en les renvoyant au juge, et elle a eu bien 
raison, avec des notes tellement mauvaises que c'^tait par elles, 
en fin de compte, que les tribunaux se d^terminaient k Tenvoi 
en correction. 

Le comity n'a pas de parti pris. Sa m^thode est celle de 
Tobservation et, tout en rendant hommage, en faisant une 
large place aux id^es g6n^reuses de T Assistance, si bien repre- 
sentee dans ses rangs et k ses belles oeuvres, il s'effraierait 
justement au point de vue de Taccroissement de la criminality, 
sHl voyait la Justice, par une sorte d'enervement de la repres- 
sion, ne plus comprendre tout le profit que I'enfant pent 
tirer de I'education correctionnelle, sagement combin^e avec 
la liberte conditionnelle et le patronage; malgre ces echecs 
auxquels aucune (Buvre n'a pu echapper, elle arrive cependani 
k sauver du delit et du crime les deux tiers des enfants qu'on 
lui confie, bien que dejft trop pervertis ; ce sont souvent des 
miracles qu'on lui demande d'accomplir. 

Le comite fera ceuvre utile en s'eflforQant de pr^venir cer- 
taines preventions qui viennent d'une connaissance trop su- 



(1) II serait k d^sirer que dans le bulletin d'envol, dont les formules ont ^t6 
arr^t^es entre la justice et Tassistance, te juge fasse toujours bien connaltre 
la situation morale et famiiiale de Tenfant et ses titres particuUers h une mesurc 
de faveur. 



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LES TRAVAUX DU GOMlTfe DE DEFENSE. 543 

perAcielle de I'organisation actuelle des colonies correctionnelles 
et du bien qui s'y fait, gr&ce k I'admirable d^vouement des 
hommes g^n^reux et modestes qui y mettent toute leur &me, 
en mSme temps qu'il s'eiforcera d'appuyer tout ce qui serait de 
nature h am6liorer encore ces ^tablissements et k leur ramener 
la coniiance n^cessaire et m^rit^e de la justice. 

II y a au fond de certaines preventions, mftme dans les mi- 
lieux judiciaires, une question de mot qui a son importance. Ce 
qui trouble le plus les esprits, c'est que ce mot matson de cor- 
rection dit aujourd'hui autre chose que ce qu'il devrait signifier 
pour le pnblic, les families et la justice. 

On le sent si bien que I'administration p^nitentiaire elle- 
m6me doni^e k ses ^tablissements le titre, plus heureux et plus 
vrai, de colonies d'^ducation p^nitentiaire, maistantque Tar- 
tide 6 du Code P(§nal n'aura pas 6t6 change, le litre I6gal de 
maison de correction restera dans les esprits et entretiendra la 
defaveur. 

EUe existe, il faut le reconnaitre. On est arrive k r6pandre 
cette id^e funeste qu'il vaut mi^ux jeter un enfant dans la rue, 
le rendre k une famille indigne, le confier k Tun de ces asiles 
dont les moyens de sauvetage sont quelquefois les d^pdts de 
mendicity ou les asiles de nuit, que tout vaut mieux enfin que 
de le mettre dans une maison de correction. 

II suffirait peut-6tre d*un changement de mot, d'une termi- 
nologie plus exacte pour ^clairer le public. 

En r6alit6, si Ton r^fl^chit, qu'est-ce que le syst^me de la 
correction ? C'est la mise en tutelle de Tenfant, c'est le droit de 
garde retir6 aux parents, sans aller jusqu'i cette d^ch^ance qui 
semble souvent briser la famille elle-mfeme; c^est le pouvoir 
d'^ducation transporte de mains indignes ou impuissantes k 
une administration ^clair^e et ferme. 

Supposons que le jugement qui intervient pour le jeuned^- 
linquant fasse bien comprendre cela, rassure au lieu d'eifrayer, 
que la loi permette au tribunal, jugeant peut-6tre sous une 
forme plus paternelle et moins publique, de remplacer les mots 
x< envoi en correction » par les mots : « placement sous la tu- 
telle de VtXdX », charge d'assigner k 1 enfant parmi des 6tablis- 



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544 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

sements de categoric vari^e celui qui conviendrait le mieux k 
sa situation, on ne s'indignerait plus, on ne crierait plus & la 
barbarie; lejuge n*aurait plus le public contre lui. 

Les mauvaises definitions entretiennent des erreurs, et ces 
erreurs devenant des l^gendes finissent par impressionner les 
magistrats eux-m^mes, quand ils n'ont pas le temps ou Tocca- 
sion de se faire une opinion par T^tude directe des choses. 

G'est une des causes des trop nombreuses mises en liberty 
des mineurs arr^t^s. 

Je voyais dernidrement dans une statistique partielle que 
dans un cabinet d'instruction sur 102 enfants traduits, 6 seule- 
ment avaient 6t6 envoyds en correction. La statistique de la 
Petite Roquette constate les m6mes tendances. L'ann^e derni^re 
sur 1 100 enfants mis sous mandat de dep6t ,216 seulement ont 
4i6 soumis k T^ducation correctionnelle . Cette ann^e, sur 
859 places sous mandat, 123 ont 616 mis en correction. 

En deux ann^es, 1 603 enfants ont ^t^ Tobjet d'ordonnance 
de non-lieu. Si on ajoute k ce nombre d6]k effrayant ceux que 
le petit Parquet met si facilement en liberty sur une premiere 
impression, on est bien oblige de convenir qu'il ne reste plus 
gu^re pour T^ducation correctionnelle et pour les patronages que 
des r^sidus d6testables, que des enfants si profond<^ment per- 
vertis qu*il devient bien difficile de les amender; de lirei6va- 
tion du chiflFre de la r^cidive. 

On a le droit de s'inqui6ter quand on voit quele remede mis 
k la disposition des magistrats pour combattre le ddveloppe- 
ment de la criminality ^veille en eux des defiances qui les 
emp^chent de Tappliquer k temps. 

En m6me temps que du Comity partira sans cesse un appel 
k la magistrature pour qu'elle use avec la m^me sollicitude, 
mais moins de faiblesse, de son droit d^imposer T^ducation cor- 
rectionnelle, il en partira aussi des voeux pour que les m6- 
thodes de cette Education soient sans cesse perfectionn^es. 

Tel avail 6t6 d^ji le but du projet de revision de la loi 
de 1850 prepare en 1871 par deux membres de TAssembl^e na- 
tionale, MM. d'Haussonville et Voisin,et en 1879 par M. Th^o- 
phile Roussel. 



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LES TRAVAUX DU COMlTfi DE DEFENSE. 545 

Les questions qui, h cette 6poque, paraissaient Ji la veille 
d*6tre r^solues et qui Tauraient ^t^ sans les ^v^nements poli- 
tiquesy h la satisfaction des amis les plus ^clair^s de Tenfance^ 
ont souvent, depuis, rencontr^ Tappui du Comit6, il a t&chd de- 
les faire avancer. 

II ne voudra pas se s^parer sans en avoir r6uni les conclu- 
sions derni^res de ses travaux dans une proposition d'ensemble 
en vue de donner au Code p^nal et k la belle loi de 1850 tout ce- 
qui peutleur manquer encore pour que la justice, de plus en plus- 
p^n^tr^e de sa responsabilit^ vis-Ji-vis dujeune d^linquant, 
n'^prouve aucune h^itation k se servir des moyens l^gaux mis- 
Ji sa disposition pour le prot^ger ou Tarracherau mal. 

Un grand service aura 6t6 rendu au pays. 

ADOLPHE GUILLOT. 



RSTUB PHiLAirrHRonQUE. — n. 35 



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HISTOIRE DTN AVEUGLE 



Les hommes sont aveugles el sur le bien 
et sur le mal. 

F^NELOX. 



L'aveuglc dont je veux center ici Thistoire n*est pas un 
inconnu pour vous; ne Tavez-vous pas vu souvent assis sous 
le porche de T^glise ou, Ik-bas, sur le pont, roulant sous ses 
paupi^res rougies ses yeux blancs inutiles et faisant sonner un 
sou de cuivre dans un gobelet de fer-blanc? Ne I'avez-vous pas 
maintes fois rencontrd, conduit par un enfant ennuy^ ou par 
une bonne femme indiff^rente — ou simplement par un chien 
qui tire sur la corde tendue au bout de son bras gauche allonge, 
— marchant a petits pas trainants, le corps en arri^re, la IMe 
haute et tMant de son biton les murs et les trottoirs? 

C'est de cet aveugle-la que je veux parler, et si je ne dis 
d'abord ni son nom ni quel pays Ta vu naitre, c'est que ces 
renseignements, pour utiles qu'ils puissent paraitre, seront 
mieux k leur place un peu plus loin et que, par 6gard pour 
Topinion de Toussenel, qui affirmait que ce qu'il y a de meilleur 
chez rhomme c'est le chien, je veux avant tout dire quelques 
mots de cecompagnon de notre aveugle. 

Ceux d'enlre nous qui ont commence de descendre la pcnte 
des ann^es se souviennent sans doute que c'^tait autrefois un 
caniche blanc, d*une candour un peu ternie, qui excellait i 
tenir dans sa gueule une petite sdbille qu'il tendait aux passants. 
Mais la mode a fini des caniches blancs (car il y a une mode 



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r 



HISTOIRE DUN AVEUGLE. 547 

pour les chiens commc pour les fourrures); les dames — qui 
out toujours aim6 les b6tes — out successivement favoris6 de 
leurs tendresses les kings-charles aux longues oreilles soyeuses, 
les frileuses levrettes en paletot, les havaaais de laine blanche 
moussue, puis les caniches noirs tondus en lion avec des man- 
chettes de poil aux pattes et iila queue et des bracelels d'argent 
brillant. Aujourd^hui le caniche noir lui-m6me n'est plus de 
mise et c'est — dit-on — le chien ^cossais h longs poils, h 
museau de renard avec unc queue en panache qui tient toule 
la place dans les caprices f^minins pour la race canine. 

Le pauvre aveugle ne peut suivre ces modes qui ne laissent 
pas d'etre dispendieuses et le chien qui le guide est mainte- 
nant d'une espfece quelconque, anonyme, croisde au hasard 
des rencontres, offrant au naturaliste comme un compendium 
de loutes les races connues. 

Telqu'il est, c'est un brave homme de chien, compatissant 
aux souflFrances des malheureux avec lesquels il vit, et c'est 
assez qu'il ait la bont^ sans la noblesse. 

Le d^partement ou est n6 notre aveugle, il y aura bient6t 
soixante ans, est naturellement un de nos plus beaux ddparte- 
ments et ressemble pourlant h tons les autres. Les habitants 
ont une raison native d'en 6tre fiers; je ne songe pas h les en 
bl&mer. — On y parle, parmi eux, de charity, de bienfaisance, 
i^assistancey voire de solidarite, et il n'est pas de discours un 
peu officiel, prononc^ par un personnage 6lu, fiit-ce au conseil 
municipal de la plus petite commune, qui ne fasse cliqueter 
ces mots dans des phrases creuses, comme un grain de sable 
dans un grelot, en guise d'^loquence. 

On y est individuellement secourable au prochain; pour- 
tant la collectivity laisse les hdpitaux et hospices qui soignent 
les malades ou recueillent les vieillards dans un (Jtal de d61a- 
brement et de p^nurie regrettables et, pour les aveugles, le 
conseil gdn6ral a imaging de voter chaque annde unc somme 
fixe qui sort h entretenir autant d'enfants ou d'adultes atteints 
de c^cit^ que la chose est possible sans d^passer les credits. Si 
cela ne peut permeltre de secourir que deux ou trois aveugles, 
sur cinq, il n'importe gufere. Quand on a fait cette assistance 



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548 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

incomplete mais k bon march^, on se tient pour satisCait. 
Je le serais aussi bien volontiers si on voulait seulement, 
en m6me temps, supprimer des discours grelottants dont je 
parlais tout k Fheure, le mot de solidarity qui vraiment jure un 
peu trop avec les faits. 

Et comme il n'est pas inutile de se montrer ^clair^, mdme 
en parlant des aveugles, il me parait juste de mentionner ici 
qu'en 1885, d'apr^s une enqufite faite par les soins du minis- 
tfere de I'lnt^rieur sur les d^penses publiques d'assistance^ 
rfitat donnait pour les aveugles 495 000 francs environ, savoir : 
315 000 pourThospice des Quinze-Vingts et 180 000 pour Tlnsti- 
tution nationale des Jeunes Aveugles ; la mftme ann^e les d6- 
penses des d^partements s'6levaienl de ce chef i 187 086 francs 
et les d^penses consenties par les communes k 222 fr. 50. 

Mais ces dfipenses, qu'elles soient faites par ]'£tat, les 
d^partements ou les communes, s'appliquent k la fois, dans 
leur ensemble, k Tassistance des aveugles de tons les Ages, sauf 
liceux k qui la vieillesse ouvre les portes des hospices; et si 
elles sont insuffisantes pour tons, dans une proportion difficile 
k dtablir, on pent dire que certainement elles sont insuffisantes 
de plus du dixi^me pour les seuls aveugles do Tdge scolaire. 
En effet, on comptail alors 1053 aveugles de V&ge scolaire et si 
TEtat en entretenait, avec les concours d^partementaux, 236 k 
rinstitution des jeunes aveugles, il enrestait 817quinepouvaient 
profiter de cetenseignementn'ayant,pour une part, c'est-Ji-dire 
pour 697 d'entre eux, que Tenseignement d'^coles privies mal 
outill^es et tout k fait insuffisantes. Enfin, 120enfants aveugles 
ne recevaient aucun enseignement malgr6 le voeu formel de 
la loi. 

Au m6me moment, en 1885, onze d^partements ne votaient 
aucun credit en faveurdes aveugles! Cela ne prouve pas que 
c'6taient n^cessairement des d^partements clairvoyants. 

Mais s'il en 6tait ainsi en 1885, quelle ^tait, ily a cinquante 
ou soixante ans, la situation des pauvres aveugles? Quelles 
d^penses occasionnaienl-ils k notre pays? Nous ne le savons 
gu^re ; et pourtant, si nous sommes sArs que les d^partements 
et les communes d^pensaient pour eux moins qu*ils font au- 



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HISTOIRE D'UN AVEUGLE. 549 

jourd'hui, nous sommes plus siirs encore que les aveugles 
n'^taient pas moins nombreux. Certainement, au contraire, les 
aveugles dits de naissance^ c'est-li-dire ceux qui donnent une 
proportion de 30 ou 40 p. 100 du total T^taient bien davan- 
tage; Tophtalmie purulente des nouveau-n^s faisait plus de 
victimes en I'absence des moyens antiseptiques ou des proc^d^s 
aseptiques sipeuconnus aujourd'hui encore et si mal appliques. 

C'est 4 cette ophtalmie purulente que notre aveugle dut sa 
c^it^. 

Sa mfere 6tait une pauvre femme de la campagne, enfant 
trouv6e, 6lev6e chez des paysans et venue au chef-lieu pour se 
placer. Elle y trouva la banale aventure de beaucoup de pauvres 
filles : la seduction par la facile et fallacieuse promesse du 
manage, Tabandon l&che et cruel, la grossesse d'abord cach^e, 
puis apparente, le renvoi par des maitres qui trouvaient I3i une 
occasion de manifester une farouche vertu personnelle par la 
condamnation delafauted'autrui que peut-£tre lis avaient aid^ 
k commettre, — sinon dans cette circonstance au moins dans 
quelque autre analogue, — enfin le recours ultime h. Thospice. 

L'hospice de la ville ou cela se passait, et dont la ville^tait 
fiftre, 6tait un b&timent tr^s vieux, un ancien convent appro- 
pri6 vaille que vaille Ji son usage actuel, oh Ton entassait p6le- 
m6le, dans les m^mes salles, vieillards et malades, adultes et 
enfants, fi^vreux et blesses, contagieux et non contagieux, 
Seules les filles du dispensaire ^taient tenues k part dans un 
local d^labr^ prfts des communs et des 6curies; et, tout Jt cdt^, 
on pla^ait les femmes en couches dans une grande chambre 
qu'on appelait la g^sine. 

On disait la gisine comme on aurait ditla porcherie; c'6tait 
un lieu r^prouv^, oil les religieuses n'allaient pas, conform^- 
ment aux termes de leur contrat (1), et qui ^tait confix k une 
vieille femme malpropre, vfitue de loques sordides d'oii s'exha- 
lait une odeur complexe de tabac, de crasse et de mauvaise 

(1) La plupart des contrats passes par des congregations avec les commissions 
hospitalidres contiennent la clause suivante : 

« Les religieuses ne' donneront leurs soins ni aux filles de mauvaise vie, ni 
anx femmes atteintes du mal qui en procMe, ni aux m^res dans leurs accouche- 
ments. • 



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550 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

eau-de-vie. C*(^tait elle qui devait appeler la sage-femme au 
moment d^cisif etqui se passait habituellement de son concours 
dans les cas les plus simples ; on avail confiance en sa pratique 
qu'on prenait pour de la science k cause de son anciennet^; et 
si le local oil elle exercait son metier voyait mourir tant de 
pauvres m^res de fi^vre puerpdrale, c'est qu'on ^tait pcu accou- 
tumd alors aux soinsde propret^ et d'antisepsie.Neperdait-on 
pas, k Paris m£me, avant les r^formes dues k Tarnier et k ses 
^l^ves, 10 et parfois 20 p. 100 des accouch^es de la Matemit6; 
c'est une ^poque trfes voisine et qui parait lointaine aujourd'hui 
que des progr^s r6els ont 616 faits et que tant de vies ont pu 6tre 
^pargndes. II y a encore, il est vrai, des ^tablissements ou les 
choses ne vont gu^re mieux que jadis, mais si le nombre s'en 
fait constamment plus rare surtout depuis une quinzaine d'an- 
n^es, que de morts encore — morts inutileset injustes — dont 
on pourrait aujourd'hui m6me rendre responsables les com- 
missions administratives routini^res et mal ^clair^es, ainsi que 
le personnel insuffisant et incompetent qu'elles choisissent! 

La pauvre mfere qui accoucha IJi de notre triste h^ros fut 
^pargnde par I'infection puerp^rale : c'^tait une chance. Son 
enfant, moins heureux, eut une ophtalmic; et comme, avant 
de pr6venir le m^decin, on usa de divers remfedes conseill^s par 
rinfirmi^re, qu'on lui mit dans les yeux du lait ou d'aulres 
liquides organiques rdput^s souverains, il arriva que le m^de- 
cin vint trop tard et que Tenfant avail les deux yeux perdus dfes 
les premiers jours de sa naissance. II ne devait jamais voir ni 
le ciel bleu ensoleill^, ni cette autre clart^ douce el chaude 
qu'est le sourire de la m^re pench6e sur le berceau et, quand 
la pauvre femme Temporta dans ses bras et qu'il eut quitti 
rhOpital, personne n'y sentit de remords : ni la malrone qui 
continua de vaquer au dispensaire el k la g^sine, ni radmini- 
strationqui Temployail, ni le m^decin qui n'avait os6 dire aux 
administrateurs Thorreur de ce crime dont ils dtaienl tons les 
inconscients complices. 

La malhcureuse fille m^re abandonn^e s*en allail avec, dans 
ses poches, ses maigres ^cononomies de servante el, dans ses 
bras, le b6b6 aveugle. Elle aurait pu Tabandonner, le mettre au 



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HISTOIRE D'UN AVEUGLE. 551^ 

tour oil elle avail ^t^ d^pos^e elle-m6me, mais il se trouva qu'elle 
avail le cceur haul plac6 cl que, iaissant pour compte, au mi- 
sjSrable qui Tavait s^duitc, son ignoble I4chet6, elle eut le cou- 
rage el le sentiment de la dignity humaine. L'abandonner I Elle 
n'y pensa m^me pas; il semblait que Fintirmit^ du mignonpetil 
6lre vagissant le lui rendil plus cher et qu'elle exit trouv6 dans 
le devoir accepts le rachat sublime de la faute. 

Elle quitla le pays, tr^s vite, el s'en ful chercher fortune 
en une autre vilie plus grande et dloign^e. 

Elle plaQa pour quelque argent son enfant en nourrice chez 
une paysanne el se mil elle-m6me en service. La pens^e de son 
enfant loujours pr^sente, elle ful une domeslique infatigable, 
d^vou^e, soumise, supporlanl lout, acceptant tout : fatigues et 
rebuffades, durs travaux et dures paroles; si bien qu'on finil 
par Taimer pour son bon caract^re el son bon vouloir el que 
de longues ann^es elle resta dans la place ou elle dtail entree, 
chez des mallres devenus indulgents k qui elle put dire son 
secret el qui, d^s que Tenfant eut cinq ou six ans, Taidferent k 
le placer dans une pension locale qui recevail quelques pelils 
aveugles moyennant un prix modique et une subvention du 
d^partement. 

Elle se trouvait heureuse ainsi; heureuse de pouvoir de 
temps en temps courir embrasser son Ir^sor, de constaler que, 
s'il ne la voyait pas, il entcndait sa voix, devinait sa presence, 
cherchait avec ses petites mains k reconnaitre les trails de son 
visage. Elle goi]ltait aupr^s de son fils les joies malemelles les 
plus inlenses et les plus pures, les joies consolantes el fiferes, 
faites deson d^vouement et de son abnegation. 

C'esl qu'il dlait vraiment joli le petit aveugle avec ses 
bonnes joues rouges jet ses Ifevres roses el ses cheveux tout 
blonds qui frisaienl. Et si habile avec cela ! Et sachant si bien 
diriger ses pas h^sitants dans la cour et la maison paysanne oi 
il vivait, puis dans Tficole dont il 6tail devenu T^lfeve. Et il 
avail de si gentils rires et de telles gaieWs quand venait la 
maman ! Ne connaissanl rien, il ne regrettait rien, franchement 
heureux des caresses du soleil qui chauffaient son visage et des 
baisers maternels qui r^chauffaient doucemenl son coeur. 



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552 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

II apprit k cette ^cole les ^l^ments de la lecture en relief; 
mais rien de plus, et la mhre comprit bientdt que Tavenir res* 
terait inqui^tant et sombre si les connaissances de Tenfant ne 
s'^tendaient pas au delii du cercle ^troit oh il se mouvait. 

Cette pauvre illettr^e, qui savait lire k peine, 6coutait et 
retenait toutes les histoires d'aveugles qu'elle enlendait conter ; 
apprenant par les bribes recueillies des conversations qu'il y 
tivait des aveugles qui savaient des metiers, qui jouaient de 
Torgue ou d'autres instruments de musique. II y en avait un 
dans la ville qui accordait les pianos et qui venait chez ses 
mattres;elle le questionna;elle apprit qu'il y avait k Paris une 
institution nationale pour les aveugles; elle osa en parler It son 
maiire et — voyez k quoi tiennent les choses, — il se trouva 
que son mattre venait d'fetre nomm^ conseiller g^n^ral aux lieu 
et place d'un homme, d'ailleurs honndte et distingu^, qui avait 
mal r^ussi k satisfaire ses concitoyens dans une affaire de lavoir 
et de marchd convert. Le nouveau conseiller apportait k la 
prefecture une majority toute neuve et une autorit6 toute fratche ; 
il demanda pour le fils de sa bonne une bourse k Tlnstitution 
nationale des Jeunes Aveugles, et comme I'enfant avait dixans, 
ce qui est T&ge minimum d'admission, il Tobtint.* 

Sans cette question de lavoir et de march^ convert beaucoup 
de choses de cette histoire v6ridique ne seraient pas arriv6es. 
Ainsi va le monde ! 

Voici done notre jeune ami k Paris, k I'lnstitution des Jeunes 
Aveugles. 

L'Institution nationale des Jeunes Aveugles de Paris est la 
plus ancienue de toutes celles qui existent en Europe pour 
Tenseignenment des enfants atteints de c^cit^. EUea et6 fondle 
par Valentin Hatiy en 1784 et elle est rest^e une des meilleures, 
^inon la meilleure de celles qui existent actuellement. Ind^ 
pendamment d'un enseignement primaire sup^rieur et aa 
besoin d'un enseignement secondaire qui est loin d'etre sans 
^ucc^s (1), on y donne Tenseignement professionnel ; on y ap- 

(1) Un jeune aveugle de rinstituUon nationale, qui suit les cours au iyc^ 
Buffon, a obtenu, Fannie demi^re, neuf premiers prix & ce lyc6e ^classe de se- 
•conde), et en m^me temps, au grand concours, deux prix et un accessit. 



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HISTOIRE DUN AVEUGLE. 553 

prend la musique vocaie et instrumentalef le cannage et Tem- 
paillage des chaises, lafiieterie, Timpression sp^ciale des iivres 
pour aveugleSf le toumage du bois, le tricot et d'auti'es metiers 
qui ne permettent gufere k Taveugle de vivre de son travail 
mais seulemeut, quand il est devenu un ouvrier habile, surtout 
dans lasparterie et la brosserie, de ne demander k la bienfai- 
sance que la moiti^ de ce qui est n^cessaire k sa vie. 

Quelques ceuvres se chargent de pourvoir au surplus, telles 
r^cole Braille, laSoci^t^ des ateliers d'aveugles de Marseille, etc. , 
mais ce sont des oeuvres tr^s r^centes. — Seule la musique ouvre 
vraiment k Taveugle une carri^re; et c'est comme organiste, 
comme accordeur de pianos, qu'il trouve lo mieux k se placer 
et k gagner son pain. 

L'humble domestique eut cet espoir, d^s que son fils fut k 
Paris, qu'il pouvait devenir un musicien distingu^, et vraiment 
le gamin montrait d'heureuses dispositions. II 6tait habile de 
sespetites mains, avait J'intelligenceouverte, Toreille musicale, 
et dfes la premiere ann^e il semblait justifier les esp6rances 
maternelles. 

11 les eiit r^alis^es peut-6tre s'il eiit pu continuer ses etudes 
un temps suffisant; mais elles se trouv^rent tout k coup inter- 
rompues. — Le Conseil g^n^ral de son d^partement s'avisa que 
le prix de la bourse 6tait trop 6\e\i et, bien qu'il ne pay&t pas 
toute la pension qui s'^lfeve k 1 200 francs, il songea k faire une 
Economic en plagant le jeune boursier dans une ^cole priv^e 
qui coAtait beaucoup moins cher, h^las ! Le Conseil g^n6ral ne 
comprit pas, — et combien d'autres, de nos jours mdme s'ob- 
stinent k ne pas comprendre, — que les ^coles libres oil le nombre 
des jeunes aveugles est limits, ne peuvent ouvrir autant d'ate- 
liers qu'il faudrait pour assurer Tapprentissage d'une profession 
manuelle et sont trop pauvres pour s'assurer le concours des 
bons maitres de musique. 

Le conseil g^n^ral fit de la charity k bas prix au lieu de faire 
de Tassistance rationnelle et pensa avoir fait tout son devoir en 
m^ageant les finances du d^partement. Dans une question d'as- 
sistance il n'oublia que Tassist^. 

L'enfant, dans ce milieu insuffisant au point de vue de 



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554 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

rinstruction, perdit bien vitece qu41 avait commence d'apprendre 
& Paris; quand il en sortit k dix-huit ans il savait jouer assez 
mal de Taccord^on et du flageolet, et 6tait capable de rempailler 
grossi^rement quelques chaises rustiques. — Comment vivre 
avec cela ! 

La pauvre mfere, min^e par le chagrin et Tinqui^tude, 
s'alita un jour en venant du lavoir et mourut la semaine d'aprfes 
laissant Tenfant sans ressources, sans affection, sans appui 
moral, sans esp^rance. 

II n'y avait alors aucune soci6t6 r^guliferement constitute 
pour Taide morale des aveugtes; V Association Valentin BaUy 
n'existait pas encore (i) ni aucune autre analogue, et il est assez 
triste de penser que, aujourd'hui m6me, h peine 40 4tablisse- 
ments ou oeuvres diverses s'occupent des aveugles dans notre 
pays, et que si nous avons les Quinze- Vingts, un des plus vieux, 
sinon le plus vieux des 6tablissements d'hospitalisation, et si 
notre Institution Nationale est, pour Tinstruction, la premifere 
en date, nous nous sommes laiss^s devancer sur beaucoup de 
points par des strangers : allemands, suisses, anglais, etc. — - 
Rien qu'en Angleterre, il existe actuellement 42 oeuvres qui s'ef- 
forcent de donner des pensions et des secours it des aveugles; 
12 ^tablissements qui leur servent de refuge s'ils sont vieux ou 
infirmes; 38 dtablissements qui sont k la fois des maisons de 
refuge, des lieux d'dlude et des ateliers non sans analogie avec 
notre belle £cole Braille ; 78 ^tablissements qui ne reQoivent 
que des externes et qui sont destines & Tinstruction, T^ducation 
et le travail professionnel ; soit en tout 170 ^tablissements et 
oeuvres diverses en faveur des aveugles. 

Mais revenons k noire orphelin. II se trouva quelques per- 
sonnes charitables, ^mues de sadouleur, qui songdrent pendant 
quelque temps k s'en occuper ; et tr^s convaincues qu'iln'y avait 
qu'ft s'adresser k Thospice oil il 6tait n6 pour Ty faire admettre 
comme infirme, ellcs ^crivirent aux administrateurs ; mais 
ceux-ci r^pondirent qu'ils ne pouvaient grever le budget trop 
pauvre de Thospice par I'admission d'un indigent stranger; que 

(1) EUe a 4t6 reconnue d'utilit^ publique en 1891. 



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HISTOIRE D'UN AVEUGLE. 555 

sans doute si la m^re, au moment de sa naissance, Tavait aBan- 
donn6 comme il eiit 616 raisonnable, Thospice 6tant ddpositaire 
aurait contracl6 des devoirs qu*il aurait comme toujours rem- 
plis, mais dans Tesp^ce on ne pouvait absolument rien. 

11 fut 6tabli par cette r^ponse que, la mere ayant 616 une 
honnMe creature qui s'^tait sacrifice pour son enfant au lieu 
de le laisser h la charge de Tassistance, cet enfant devenu or- 
phelin 6tait repouss6 par Thospice oil il avail contracts I'oph- 
talmie qui Tavait fait aveugle presque en naissanl. L'hospice ne 
se sentait aucune responsabilit^ dans ce malheur et iaissait dans 
la rue Tinnocente victime de son incurie et de sa coupable 
routine. 

11 n'avait plus qu'une ressource pour vivre, — une seule, — 
mendier! 

I^ pauvre enfant commen^a bien i chercher quelque tra- 
vail, quelques chaises k empailler (il ne savait gufere autre 
chose), mais il ne trouva rien qui vaiile et, comme sa mfere lui 
avait donn^ Tannde d'avant, pour sa f^te, un bel accordion, et 
comme il avait un caniche blanc qu'il avait 61ev^, il s*enalla au 
hasard, devant lui, s'arr6tanl de porte en porle, jouant les airs 
qu'il savait et recevant quelque menue monnaie de temps 4 
autre. 

II couchait sur les routes, dans les meules de foin, dans les 
granges, dans les ^curies; il allait de village en village et de 
ville en ville, et, faute de pouvoir payer un gite ou de trouver 
un coin abritd, il couchait aussi dans les asiles et les violons oix 
le garde champfetre Tenfermait le soir avec des vagabonds : ou- 
vriers sans travail, trimardeurs d'habitude, errants parfaiblesse 
d'esprit et par paresse, qui contaienl tout haut leurs peines, 
leurs misferes, leurs vices et parfois leurs crimes et qui, plus 
d'une fois, profit^rent de son sommeil pour lui voler les quel- 
ques sous recueillis dans la journ^e. 

C'est ainsi qu'il fit Tapprentissage de la vie. — II sut, pour 
Tentendre dire, qu'il y a des gens trfes riches avec des belles 
voitures et de beaux chevaux qui valent autant qu'une maison 
avec un champ oii un homme simple et travailleur serait heu- 
reux pour toute sa vie ; il connut, par les r^cits des chemineaux, 



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556 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

Texistence des grands ch&teaux et des grandes fermes; et, dans 
les villes, des magasins pleins de tout ce qui est bon et de tout 
ce qui est beau ; mais, retenu de toute envie, k la fois par son 
infirmity, par sa bont^ native et par le souvenir des douces 
exhortations de sa m6re dont la pens^e ne le quitta jamais, 
il ne songea point k hair comme ses compagnons de misire; 
— il se dit seulement dans les jours allonges par le jeAne, par 
les froides nuits sans gite, qu'il y avait certainement quelque 
chose d'incomplet et d'injuste, un mauvais sort ou une inexpli- 
cable malediction qui pesait sur les pauvres 6tres sans defense 
comme son chien et comme lui-m6me. G'est ainsi qu'il devint 
philosophe. 

Une fois embauch^ dans la grande arm^e de la mendicity, il 
n'en devait plus sortir. II fut, en somme^un mendiant relative- 
ment honnfite ; il acquit avec les ann^es la sAre pratique du 
metier et y devint parfaitcment habile : nul ne sut mieux que 
lui prendre une voix dolente au moment precis oil passaient 
devant lui les promeneurs; nul ne connut mieux, dans les 
villes oil ii s^jouma, les bons endroits selon les temps et les 
saisons. II avait le don. 

Et d'ailleurs, comment aurait-il pu sortir de Timpasse oil il 
6tsit engage par la misftre ? Pas de famille, pas d'amis, personne 
qui songe&t k soUiciter pour lui soit une place aux Quinze- VingtSy 
soit d'abord une des pensions d*aveugles dont cet etablissement 
dispose. Sans doute, Tad mission aux Quinze-Vingts avec le lo- 
gement, le pain et 1 fr. 50 par jour eAt ^ii une fortune ines- 
p^r^e; s'il avait eu une femme et des enfants, les 30 centimes 
par jour pour la femme et les i5 centimes pour chaque enfant 
lui auraient fait un petit revenu trfes enviable ; mais il n'y a que 
300 aveugles qui puissent profiter de cette aubaine, et les places 
son! si rares, si recherchees, qu'il est au moins prudent d'avoir 
des prolecteurs influents pour esp^rer en profiter. 

Peut-6tre aurait-il pu d'abord (encore aurail-il fallu qu'il 
connAt cette ressource et que quelqu'un Taid&t k la soUiciter) 
profiter d'une des pensions que les Quinze-Vingts font k des 
aveugles externes. Ges pensions sont au nombre de 1830 et va- 
rient de 200 k 150 et 100 francs par an. Maiselles sont r^parlies 



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HISTOIRE DUN AVEUGLE. 557 

entre les aveugles de tous les d^partements^ dans une propor- 
tion qui ne donne aucune id^e de la statistique ddpartementale 
de la c^cit6, mais qui indique plut6t ie degrg d'activit6 et 
d'influence des d^put^s et s^nateurs qui repr^sentent chaque 
d^partement. 

D'autre part, sans famille et sans asile, qu'eM-il fait de 5 & 
6 sous par jours? Et ne lui et^t-on pas refuse cette pension parce 
qu'il vivait de mendicity? La charity des passants, habilement 
soUicit^e valait mieux que cela. Elle lui donnait autrefois 
3 francs par jour, parfois 4 et m^me 5 le dimanche et les jours 
de f6te. 

U Y^cut ainsiy les ann6es passferent, la vieillesse survint. II 
fut moins actif et moins habile; lass6 de souffrir.et blas^ de 
vivre, il ne rtogit plus aussi ^nergiquement contre la misfere. 
D'ailleurs le metier est devenu difficile; il s'en plaint avec une 
philosophie un peu amfere : 

« Depuis quelque temps, me disait-il Tautre jour, moiti^ s^- 
rieuXy moiti6 gouailleur, il s'est trouv6 des philanthropes ing4- 
nieux qui rdvent de r^soudre la question du paup^risme, en assis- 
tant le pauvre par le travail ; peut-6tre connaissent-ils mal les 
causes de la mis^re et les conditions du ch6mage, mais Tid^e est 
belle et on pent croire que quand tous les hommes auront appris h 
fabriquer des margoltins, on aura r^solu au moins le problfeme 
de r6galit6. Seulement rid6e ne vaut rien pour les aveugles k 
qui ce genre de travail ne convient pas; pour eux, cette id^e a 
€i6 plutdt f&cheuse, parce qu'elle a conduit beaucoup de gens k 
croire qu'on ^tait toujours malheureux par le refus de travailler 
et que, prenant quelques exceptions pour la rfegle, on donne vo- 
lontiers pour excuse k son ^go'isme qu'il est trfes mal de donner 
k des pauvres qui rembourrent leurs paillasses de louis d'or et 
d'obligations de chemin de fer. Cette opinion est commode et 
Sconomique, encore qu'elle soit exag^r^e. Les pauvres aveugles 
d'aujourd'hui en subissent le contre-coup, et tendre la main 
leur rapporte souvent 15 ou 20 sous par jour, avec quoi il faut 
se loger et se v6tir, et se nourir et nourrir son chien. » 

(c Je suis, pour mon compte, tout k fait las du metier et, bien 
volontiers, je donnerais ma demission d'aveugle!... j'appelle les 



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558 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

ann^es h mon aide, me souvenant qu'un administrateur phil- 
anthrope a pu dire qu'avant soixante ans nul n'a le droit d'etre 
aveugle dans notre pays ; m*y voili bientdt, et je bdnirai le jour 
qui m'ouvrira les portes de Thospice! » 

« Ce que je sais de la vie, me disait-il encore, m'a prouvd 
qu'il y a par le monde beaucoup de gens plus aveugles que moi; 
comment croire en effet, s'il y avail tant de gens clairvoyants, 
qu'on rencontrerait, comme je Tai fait souvent, des enfants 
abandonn^s aux suggestions, de la mis&re et du vice, des vieux 
inftrmes sans toit ni pain, des gens qui meurent de froid et de 
faim; et tant de crimes sociaux sans un tribunal k qui les pou- 
voir d6f^rer ! Et tant de mis^res k c6\6 de tant de richesses ! Je 
crois volontiers que la bont^ et la g6ndrosit6 ne manquent pas 
tout k fait dans notre pays ; peut-6tre est-ce seulement la ma- 
ni^re de s*en servir qui, en vue de plus de justice, devrait 6tre 
r^form^e; mais il n'est que trop certain que T^goisme ne 
manque pas non plus!... » 

Je ne veux pas dire que les plaintes de mon vieux mendiant 
soient toutes fondles; beaucoup y trouveront de Texagfiration, 
parce que, ne pouvant voir les choses dans un ^loignement fa- 
vorable comme ceux qui ont leurs yeux, il est oblige de les ap- 
procher de tr^s pr^s pour les toucher et qu'ainsi elles semblent 
plus grosses; mais vraiment on pent lui accorder que tout n*est 
pas pour le mieux dans le royaume des aveugles. 

N'est-il pas triste de penser qu'il y a des malernitds ou Ton 
observe Tophtalmie purulente ? Et cela est-il malaisd d y re- 
m^dier? II ne s'agit pas ici de d^penses k faire, mais de respon- 
sabilit^s k afflrmer et k mettre en cause. 

Nos^colesd'aveuglessontinsuffisantes, il faudrait, revenant 
k une id^e de la Convention, que le Gonseil sup^rieur de Fassis- 
tance publique a reprise pour Tdtudier, cr6er des 6colcs r6gio- 
nales pour Tinstruclion des jeunes aveugles. 

Les maisons de travail comme TEcole Braille, comme les 
ateliers d aveugles do Marseille, doivent 6tre favorisdes, d6ve- 
lopp^es, cr66es en nombre suffisant. 

Pour ceux k qui lout travail est impossible il faut ouvrir des 
maisons de refuge, sans quoi c'est bien inutilement qu'on affi- 



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IlISTOIRE D'UN AVEUGLE. 539 

chera sur les grandes routes, a Tentr^e des communes, que la 
mendicity est interdite. 

Mais je ne cherche pas aujourd'hui i savoir si tout cela cotX- 
terait cher; je conte une histoire que je sais, et ce n'est pas ma 
faute s'il se trouve qu'elie arrive h cette conclusion que cela serait 
juste, Je pense qu'il se trouve encore en France des gens pour 
qui cette consideration est de quelque valeur. 

Seulement je m'apergois que j'ai oubli6 tout h. fait de vous 
dire le nom de mon aveugle, et de vous apprendre le d^partement 
o& ii a vu le jour, — pas longtemps, h^las! 

Mais je me demande si vraiment cela est bien n^cessaire; ne 
se trouve-t-il pas dans cette histoire des trails qui sont com- 
muns h. beaucoup d'autresaveugles. Alors je suis d^cid^ h, laisser 
^ mon h^ros le b6n6fice de Tanonymat. II est sans vanity, sans 
d^sir de parattre; il ne m'en voudra pas de ne Tavoir pas 
nomm6... J'ai tout lieu de croire, d*ailleurs, qu*il ne lira pas 
cet article. 

HENRI NAPIAS. 



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ASSISTANCE AUX M£RES 



En 1784, Beaumarchais disait: « N'oublions jamais qu'il n'y 
a pas un sein tari sans qu'on trouve un enfant qui souffre. 
Rendons son cours k la nature ; le lait des mferes suppl^e k 
tout et rien ne suppl^e au lait des mferes. » 

Voici alors ce qu'il proposa : « Un institut de bienfaisance 
vers.lequel toute femme reconnue pauvre, inscritei sa paroisse, 
puisse venir dire, son enfant au sein et avec Tattestation du 
cur^ : Je suis m^re et nourrice ; je gagnais vingt sous par jour, 
mon enfant m'en fait perdre douze. 

« Vingt sous par jour, calculait I'auteur du Barbier de Seville , 
font trente livres par mois : ofifrez k cette mfere neuf francs ; 
avec les neuf livres qu'elle ne donnera plus k une ^trang&re en 
voilk dix-huit de retrouv6s. 

« La m^re aura bien pen de courage, si elle ne gagne pas 
huit sous par jour, en allaitant : voili les trente livres retrou v6es. » 

« Donnons gaiement pour le bon lait, ajoutait-il, et nous 
irons k la bienfaisance. Quand je devrais 6tre trait6 d'homme 
vain, d'ignorant, de sot auteur, j'y mettrai tout mon Figaro. » 

Aiusi agit-il et la cinquanti^me representation du Manage 
fut donn^e, le 2 octobre 1784, au profit de r(£uvre projetSe de 
Tallaitement maternel. 

11 avait ajoute, pour la circonslance, ce couplet chants par 
Figaro, et applaudi fr^n^tiquement. 

Rapprochons du sein des m^res 
L'enfant presque abandonn^. 
Faut-il un exemple aox p^res? 
Tout autant qu'il m*en nailra 
Ma Suzon les nourrira. 



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ASSISTANCE AUX MSRES, 561 

Malheureusement pour rceuvre naissante, Beaumarchais 
comptait un grand nombre de jaloux, qui firent ^chouer sa 
tentative... 

Les id^es bonnes et g^n^reuses ^taient cependant dans i'air 
et, en 1793, la Convention dlaborait un magnifique d^cret d'as- 
sistance nationale aux m^res. 

Voili plus d'un sifecle de cela, et pourtant en 1898 des mferes 
et des enfants meurent de faim. 

Beaumarchais ! oh est-il Tinstitut que tu as r6v6, ou la 
mfere n'aurait qu'4 se presenter pour 6tre k Tabri de la souf- 
france ? 

H^las! h^las ! surles cent soixante-dix mille enfants qui dis- 
paraissent chaque annde, plus de la moiti^ meurent faute de 
nourriture et de soins. 

On parle de depopulation, mais c'est nous qui la laissons 
mourir cette France de demain! 

On croit g^ndralement que toute mfere veuve ou c6libataire 
a droit aux secours de TAssistance publique, secours qui doi- 
veut lui permettre d'allaiter son enfant, ou de payer ses mois 
de nourrice. On consid^re cela comme un droit. Eh bien, la 
moitie de ces malheureuses, veuves ou c6libataires, dans les 
conditions les plus navrantes, ne peuvent obtenir ce secours. 

« V Assistance publiqtie ne dispose pas de ressources suffi- 
sanies. » 

Voili ce que Ton repond. Et j'avoue que je ne comprends 
pas. La France est riche, ses gouvernants saventtrouver en elle 
des sommes fabuleuses. 11 me semble que nourrir ses enfants 
est pour notre pays le plus grand int^r^t et le premier devoir. 

Ce n'est pas le pan du drapeau dont parle Michelet que re- 
clame Tenfant, c'est le berceau, c'est le lait de sa mfere auquel 
il a droit. Or, lorsqu'une malheureuse sort de Thdpital sans un 
sou, avec son enfant dans les bras, oti doit-elle porter ses pas? 
Quelle est la maison qui lui ouvre ses portes ? Quelle protec- 
tion lui oflFre son pays ? 

Elle a, il est vrai, la faculty d'abandonner son enfant... 

L'abandon! mais c'est monstrueux, eflfroyable 1 C'est m6- 
connaitre ce qull y a de plus beau dans Thumanit^: Famour 

RBVCE PBILAirTHROPIQUE. — II. 36 



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562 jaEVUE PHILANTHROPIQUE. 

materncl si fort, si puissant. Eh quoi ! ces femmes ont endurt 
les douleurs de renfantement, elles adorent ce petit fetre qui est 
leur chair et leur coeur. Et comme abri, comme appui^ je dirai 
presque comme recompense pour leur martyre, on leur offre 
quoi? — le bureau d abandon! 

Mais cela outrage et r^volte la nature qui, elle, n'a pas 
prdvu cette separation de deux 6tres qui n*en font qu'un. La 
p^riode qui s'^coule apr^s la naissance de Tenfant, et pendant 
la premiere ann^e, n'est que la suite de la creation dont la 
moitie s*est op^r^e h Tinlirieur et dont Tautre s'op^rera k Vex- 
terieur du sein de la m^re. 

Non, il ne faut pas permettre qu'un enfant soit enlev^ k 
une mfere pauvre, pour 6tre confix k une autre femme ^gaie- 
ment pauvre , qui ne Taime pas et que Tapp&t du gain seul pent 
guider. II faut que Tassistance se r^pande sur toutes les m^res 
qui font appel k elle. Que la maternity ne soit plus une appre- 
hension, que la mftre puisse en paix veiller sur les jours vacil- 
lants de son petit, et qu'elle puisse accomplir son devoir 
sacre. 

* 

En 1876, nous avons fonde une society d'allailement ma- 
ternel. 

Les secours qu'elle distribuc annuellement repr^sentent 
une somme de 63710 francs. De plus, les dames visiteuses don- 
nent personnellement des secours assez considerables; les 
unes paient des loyers, d*autres habillent les fr^res et sceurs 
de nos pupilles. * 

La Societe de Tallaitement matemel, comme on le salt, no 
tient compte d'aucune consideration de condition civile ou de 
croyance ; elle ne cherche qu'& soutenir la m^re moralement 
et materiellement, de faQon qu'elle puisse elever son en- 
fant, sans chercher de Touvrage au dehors, sans confier le 
malheureux petit aux creches, k des mains etrangferes et sou* 
vent inexperimentees. Les brouillards du matin, la pluie, la 
neige sont nefastes k ces petits etres, et le salaire de la femme 
est si derisoire, que tout travail qui la retient chez elle est prd- 



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ASSISTANCE AUX MfiRES. 363 

f^rable et compense facile ment les d6penses mat^rielles qu en- 

tralne Tabandon du foyer. \ 

Lorsqu'une femme est admise aux secours de rallaitement, | 

un dossier est ouvert k son nom et contient tous les details la \ 

concemant. Une dame visileuse in^ique les secours h attribuer ^ 

el donne tous les renseignements moraux et matdriels qu'elle ^ 

peut se procurer avec beaucoup de d^licatesse, afin que rien j 

dlnquisitorial ou de policier ne puisse froisser les int(5ress6es. '} 

Mais on peut 6tre tranquille sur ce point; les femmes qui 
metlent leur joie dans le soulagement des misferes, qui s'enrd- .^ 

lent dans les ordres ialques, sont des natures d'dlite chez les- J 

quelles Tamour du prochain est immense, et elles ont toutes t 

les d^licatesses. ^] 

Un m^decin de la soci^t6 est ^galement charge d'examiner 5 

la mfere et Tenfant, et d'indiquer F^tat de^sant^ de Tun et de J 

Tautre. j 

Trois sortes de secours sont alors accordds : j. 

Ghaque mois, trente-deux livres de pain et de la viande ; des I 

denr^es alimentaires, des fortifiantSy des medicaments sll y a ] 

lieu. Layette, vfitements, literie, selon les ressources du mo- ^ 

ment. , 

Du lait, quand le m^decin juge que le lait maternel est in- ^ 

suffisant. P^riodiquement on fait d^shabiller les enfants et on 
les pfese. 

On comprend les bons r^sultats de cette surveillance con- 
tinue et assidue. Enfin, dans des cas urgents et particuliers. 
des secoura^uAiques sont accord^s* 

Voil& ce que fait la Soci4ti6 de Fallaitement maternel fondle 
en 1876, reconnue d'utilit^ poblique en 1880. Elle a de cette 
faQon secouru irenie-quatre mtMr fuatre cent soixante-douze en- 
fants. Et elle s'est trouvde, faute de ressources suffisantes, 
d^sarm^e devant environ quaire cmt mille demandes parfai- 
tement fondles et int^ressantes. 

Pauvre oeuvre priv^e, soutenue par des acfii^sions, des dons 



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564 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

qu'il faut soUiciter, provoquer sans cesse, parune vente qui 
demande plus de peine et de fatigue qu'on ne ie croit g^n^ra- 
lement!... II fautsefaire mendianis, et lutter sans cesse contre 
r^goisme et la frivolity, pour arriver k sauver ces malheureux 
petits enfants, victimes d*un organisme social ddfeclueux. 

A ce point de vue, le Gonseil municipal et le Conseil g6- 
n^ral de la Seine m^ritent une mention particulifere. On sait 
quel int^r^t ces deux assemblies portent k Tassistance de Ten- 
fiance. 

L'appui qu'elles donnent k notre ceuvre scrait sans doute 
considerable, si les n^cessitds de leur budget d'assistance, mal- 
heureusement beaucoup trop restreint, le leur permettait. Der- 
ni^rement encore, une dame inspectrice, d^l^gu^e du Conseil 
municipal, a examine conscicncieusement, durant plusieurs 
jours, nos comptes, nos dossiers d'enfants, etc. EUe a pu se con- 
vaincre ainside la bonne gestionde notre Society. Nos frais d'ad- 
ministration sont r^duits, en effet, k un minimum impossible k 
atteindre dans une organisation publique : un loyer de 300 fr., 
une seule employee, tons les travaux ^tant faits par les mem- 
bres du Conseil administratif. 

Mais que sont les milliers d'enfants sauv^s par notre oeuvre 
k cdte de la population gdn^rale des autres enfants? 

En attendant des jours meilleurs travaillons sans rel&che 
k am^liorer la situation navrante de la m^re qui, dans le d^- 
nuement, accepte les charges de la maternity... Aidons-la k 
vivre et soutenons son cotlrage. 

MARIE BfeQUET DE VIENNE. 



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LES COMMISSIONS COMMUNALES 

D'ASSISTANCE 



Tout le probl^me de Tassistance municipale est pos6 devant 
le S^nat, sous la forme d'un projet de loi irfes modeste sur la 
representation des pauvres et V administration des itablissements 
d! assistance ^ et le gouvernement n'aura pas trop de toute son 
autorit^ pour obtenir une solution conforme h. ses d^sirs. II 
convient de louer la continuity de vues qui n'a cessd de pr^- 
sider, depuis dix ans, it cette elaboration delicate; les diff^rents 
ministres de Tlnt^rieur qui se sont succ^d^, M. Charles Floquet, 
M. Georges Leygues, M. Ldon Bourgeois, M. Louis Barthou, 
n'ont pas diff^r^ d'avis; chacun d'eux a fait honneur h. la signa- 
ture de son devancier et s'est attache 5 preparer une de ces 
r^formes dont Topinion indiff^rente n'aperQoit pas les avan-^ 
tages et qui ne s'en heurtent pas moins aux rdsisfances les plus 
fortes. 

Quel que soit le m^rite des ministres, le r6le de leur prin- 
cipal coUaborateur M. Henri Monod n'a pas 6t6 stranger 4 cet 
effort continu auquel le Conseil sup^rieur de FAssistance pu- 
blique a pr6te le concours de sa grande competence. Le Conseil 
d'etat lui-m6me, peu suspect de tendresse pour les nouveaut^s 
aventureuses, a sanctionn^ de son approbation savante le projet 
tendant \ unifier Tadministration des 6tablissements publics 
d'assistance. 

L'objet poursuivi par le gouvernement consiste en effet a 



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566 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

rapprocher des services similaires, & placer sous la inftme au- 
torit^ la direction des h6pilaux et hospices ei celle des bureaux 
de bienfaisance, compl^tement dislinctes en fait et en droit. Si 
a Paris cette unit6 d'administration a 616 r^alis^e, d'une ma- 
ni^re tr^s imparfaite (1), elle fait totalement dSfaut pour la 
France enti^re. 

Les bureaux de bienfaisance et les hdpitaux et hospices sont 
administr^s s^par^ment par des commissions administratives 
tout a fait ^trang^res Tune k Tautre. Ce double fonctionnement 
a d'abord Tinconv^nient d'augmenter les frais g^n^raux d*admi- 
nistration; il a surtout le grave d^faut de favoriser les doubles 
emplois, d'entraver Tassistance k domicile et de nuire au 
d6veloppement rationnel de Tassistance publique urbaine et 
rurale. 

Avec le regime actuel, les deux commissions administra- 
tives, rivales pour le bien, empiMent souvent I'une sur Tautre. 
M. le docteur Henri Napias, avec son habituelle silret^ d*infor- 
mation, a signals au Conseil sup^rieur quelques-uns de ces 
empi^tements et mfime do ces interversions d*attributions (2). 
A Caen, par exemple, Fhospice distribue des secours, et le 
service des malades est assure par le bureau de bienfaisance. 

A Saint-Malo, au Puy, les hospices secourent des families 
pauvres, tandis que le bureau de bienfaisance supporte les d^ 
penses du service medical. 

L'enqu6te du 31 juillet 1888, annex^e au rapport pr^sent^ 
par M. de Crisenoy au Conseil sup^rieur (3), fournit d'autres 
exemples de cette confusion. 

A BrianQon, Fhospice donne des secours de vieillesse, des 
secours aux malades indigents et aux malades n^cessiteux ; h 
Ch&lons-sur-Marne, il agit de m^me. Les hospices de Lille 
accordent des pensions mensuelles aux vieillards qui pr^fferent 
rester dans leurs families. 

A Beauvais, chacun des ^tablissements fournit de son cdt^ 
les soins du m6decin et les medicaments, de sorte qu'il se pro- 

(1) N* 8 de la Revue philanthropiquey V Assistance publique de PariSf p. 161. 

(2) Conseil sup6rieur de T Assistance publicpie, fascicule n* 31. 

(3) Gdnseil sup^rieur de i'Assistance public[ue, fascicule n* 26. 



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LES COMMISSIONS GOMMUNALES D'ASSISTANCE. 567 

duit des doubles emplois sans qu'aucun contr6le soil possible, 
en raison de la multiplicity des details du service. 

Le d6faut d'entente a d'autres consequences, plus g^n^rales 
et plus saisissantes ; il a pour effet d'encombrer les 6tablisse- 
ments hospitaliers de malades qui pourraient ^tre utilement 
traitds k domicile. Les commissions administratives d'AleuQon 
en firent Taveu dans TenquMe : un sixifeme des malades trait6s 
h rhospice pourraient 6tre soignfe k domicile. // en est de m^me 
pour les vieillards et les infirmes. 

En d6pit de Toptimisme d^concertant de la consultation de 
1888, il est certain que la situation doit 6tre la mfime dans un 
grand nombre de localites. 

Lorsque,aucontraire, les deux administrations se concertent 
— ce qui est une heureuse exception — comme k Brian^on, k 
M&ddres, k Annecy, k Chalon-sur-Sa6ne, k Sedan, ailleurs 
encore, Thospitalisation diminue au profit de Tassistance k 
domicile. 

A Rouen, oil le conseil municipal a vainement tent6 d'ob- 
tenir la fusion des deux services, Taccord n'en a pas moins 
616 atteint de la mani^re la plus heureuse ; les deux commis- 
sions administratives out 6t6 form^es des mfimes elements; le 
r^sultat en a 6t6 la creation de petits dispensaires, r^partis 
dans la ville, qui rendent les plus grands services et all^gent les 
charges des hdpitaux. 

La plupart des commissions administratives, il y a dix ans, 
ne paraissaient pas faire grand cas du traitement medical k 
domicile et leur scepticisme a quelque pen fauss6 le caract^re 
de la petite enquMe destin^e au rapport de M. de Crisenoy. 



Cette consultation du31 juillet 1888, qui a port^ sur 174 villes, 
dont 118 seulement ont r6pondu, n'a pas 6t6 decisive ; d'ailleurs, 
le questionnaire, trfes prudemment r^dig^, ne portait en grande 
par tie que sur Fhospitalisation de malades ou de vieillards 
pouvant 6tre convenablement soign^s ou secourus it domicile : 
« S'il est £tabli des dispensaires ou un service medical k domi- 



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568 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

cile, 6tait-il demands, par qui est-il dirig^ et qui en paye les 
d^penses? — Dans le cas contraire, conviendrait-il et serai t-il 
possible d'^tablir une entente entre les deux administrations 
charitableSy pour organiser un service de cette nature^ afin de 
n'envoyer k Thdpital ou it Thospice que les malades ou les 
infirmes pour lesquels Thospitalisation serait reconnue indis- 
pensable ? » 

Le questionnaire sugg^rait plusieurs combinaisons entre 
lesquelles les administrateurs des deux services ^taient invites 
k choisir. 1 1 villes ont r^pondu en adh^rant k F^tablissement 
d'une commission unique administrant led deux institutions 
dont les patrimoines demeureraient distincts : ce sont les villes 
de BrianQon, Sedan, Foix, Narbonne, B^ziers, Saint-Malo, Toul, 
Gompidgne, Belfort, Rouen et Monteux (Vaucluse). 

Les administrateurs de Carpentras se sont prononc^s pour 
Tunification compile; ceux de Valence, Romans^ Goutances 
et du Havre ont des preferences pour deux commissions admi- 
nistratives compos^es des mdmes membres. 

Le&administrateurs d'hospices et de bureaux de bienfaisance 
de vingt villes, tout en r^clamantle maintiendu regime actuel, 
acceptent Tid^e d'une entente etablie au moyen d'une commis- 
sion mixte consultative ; ils appartiennentaux villes deM6ziferes, 
Rodez, LaRochelle, Bordeaux, Rennes, Fougdres, Saint-^tienne, 
Montbrison, Mende, Vitry-le-Francois, Ghaumont, Dunkerque, 
Compi^gne, AlenQon, Glermont-Ferrand, Perpignan, Le Mans, 
Mantes et Montauban. 

26 r^ponses ont done et6 in^galement favorables it une 
r6 forme, officieuse ou legale. 

Toutes les autres commissions mixtes ont repoussi sans la 
moindre reserve toute modification du statu quo; ce sont celles 
de Bourg, Digne, Gap, Embrun, Nice, Privas, R6thel, Troyes, 
Carcassonne, Gastelnaudary, Villefranche ( Aveyron), P6rigueux, 
Caen, Vire, Angoulfeme, Bourges, Saint-Brieuc, BesanQon, 
Romans, Evreux, Louviers, Auch, Montpellier, Lodfeve, Redon, 
GhMeauroux, Issoudun, Lons-le-Saunier, Blois, Le Puy, Nantes, 
Orleans, Saint-L6, Cherbourg, Chftlons, Reims, Langres, Laval, 
Chftteau-Gon tier, Nancy, Lun^ville, Bar-le-Duc, Verdun, Vannes, 



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LES COMMISSIONS GOMMUNALES D'ASSISTANCE. 569 

Lorienty Nevers, Lille, Roubaix, Tourcoing, Gambrai, Douai, 
Yalenciennes, Bayonne, Lyon, Vesoul, M&cod, Ghalon, Annecy, 
Saint-Denis, Le Havre, Melun, Meaux, Versailles, Etampes, 
SainUGermain-en-Laye, Pontoise, Niort, Castres, Avignon et 
neuf communes de Vaucluse, Poitiers, Limoges, Epinal, 
Auxerre et Sens. 

Sans doute, le r6sultat de cette enqufite pr^liminaire n'est 
pas encourageant ; il n'a pas toutefois 6t6 de nature h modifier 
les intentions du gouvemement,ropinion du Conseil sup6rieur 
de TAssistance publique et celle du Conseil d'£tat. Un homme 
aussi mod6r6 que M. de Crisenoy, pen portd par son pass^ ad- 
ministratif aux solutions extremes, aport^ ce jugement sdv^re 
sur les r^ponses des honorables et d^vou6s administrateurs des 
hospices et des bureaux de bienfaisance : « Si les situations et 
les modes d'op^rer des ^tablissements d'assistance offrent une 
grande vari^t^, on a pu remarquer en revanche, dans la plupart 
des deliberations des commissions, un sentiment uniforme et 
tr^s marque de satisfaction de la marche de leurs services. Ge 
sentiment est naturel, il se justifie pleinement quelquefois 
par les r^sultats obtenus, et presque toujours par le devoue- 
ment et leseflForts personnels des membres descommissions.On 
comprend que des administrations laiss^es k elles-mftmes, 
ignorant ce qui se pratique ailleurs et ayant conscience du bien 
qu'elles font autour d'elles, se montrent satisfaites de leur 
oeuvre et soient pen portees i accepter des changements qui 
troubleraient d'anciennes habitudes sans qu*elles en aperQoi- 
vent clairement Tutilite. On ne saurait se dissimuler cepmdant 
que, malgri ces dtres, tout n'est pas par fait , qu'il y a dans beau- 
coup cTendroits des lacunesj des services defeclueux, incompletSy 
des ressources gaspilUes ou mal employees. On le lit entre les 
lignes de certaines deliberations, et Fexamen attentif du dos- 
sier de Tenquete, necessairement restreinte, que nous avons 
faite, suffirait it en donner le sentiment, alors mfime que les 
representants de Tadministration superieure ne viendraient pas 
le confirmer. » 

L'honorable et savant rapporteur au Gonseil superieurn'apas 
manque de relever les dires accusateurs tires de Fenquete elle- 



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570 REVUE PIIILANTIIROPIQUE. 

m^meet il a proclam6, malgr^ tout son respect pour les insti- 
tutions existantes, son vif dc^sir de voir aboutir les rSformes 
n^cessaires. 

Au surplus, la consultation de 1888 n'a pas eu la valeur 
d'un referendum; elle a 616 superficielle et restreinte. II existe 
en France, d'aprfes le plus recent volume de la Staiistique gi- 
n^rahy 1761 6tablissemeuts hospitallers (h6pitaux ethospices), 
sur lesquels 48 h Paris. Le nombre des bureaux de bienfaisance 
est d'environ 15000 (en 1892 exactement 15227). 

De plus, la loi du 15 juillet 1893 sur Tassistance mddicale 
gratuite a introduit un nouvel ^l^ment et cr^6 un troisi^me 
rouage, le Bureau d'assistance, dont la commission adminis- 
trative est form^e paries commissions administratives r^unies 
de rhospice et du bureau de bienfaisance, ou par cette demifere 
seulement quand il n'existe pas d'hospice dans la commune. 

Un premier pas a 6i& fait ainsi vers la fusion, vers Tunit^ 
administrative, puisque, dans le cas ou ils coexistent, le bureau 
de bienfaisance et Fhdpital-hospice sont associ^s pour la ges- 
tion du Bureau d'assistance. 

Pourquoi ne pas completer ce qui a 6t6 6bauch^, non seule- 
ment pour assurer Tunit^de representation des pauvresau point 
de vue juridique et contentieux, mais encore et principalement 
pour mettre un terme au d^sarroi, suivant Texpression de 
Texpos^ des motifs du projet de loi d^pos^ par M. fiarthou, et 
aussi pour grouper, coordonner en un faisceau plus compact 
et plus competent les repr^sentants de Tassistance publique 
dans chaque commune. 

On n'a pas Tillusion do croire que cette fusion suffira pour 
r^soudre toutes les difficult^s, mais on a le droit de penser que 
la constitution d'une commission municipale, et, sur un terri- 
toire plus ^tendu, de la commission d^partementaie d'assis- 
tance, fera beaucoup pour la r^forme et Textension de la bien- 
faisance publique (1) dans les villes et dans les campagnes. 

(i) Voir aux Info**mation8, dans le present numdro, le texte du projet de loi 
soumis aux deliberations du S6nat. 



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LES COMMISSIONS COMMUNALES D'ASSISTANCE. 511 

L'article premier du projet de loi stipule que toutes les com- 
munes seront pourvues d'un bureau de bienfaisance. Comment 
sera-t-il appliqu6? Le syndicat des petites communes pauvres 
nedevra-t-il pas intervenir, ou bienconviendra-t-il deg^ndraliser 
lesessais d'organisation de commissions cantonales d'assistance, 
dus k rinitiative de M. Alapetite, pr^fet du Pas-de-Calais? Le 
point d'interrogation se dresse de vant nous, mais k mesure que la 
loi sur Tassistance m^dicale gratuitercQoitune application plus 
gtendue et plus profonde, il sera possible de determiner si la 
petite commune a la force suffisante pour avoir une existence 
propre au point de vue de la bienfaisanc, et des conclusions ine- 
vitables s*imposeront pour le secours aux indigents comme 
pour Taide m6dicale et pharmaceutique aux n6cessiteux. 

L'unite d'action ne sera pas moins profitable aux institutions 
annexes, telles que les crfeches, les dispensaires d'enfants ma- 
lades, les orphelinats, qui gravitent autour de Fassistance 
publique sans se confondre avec elle, et que les conseils mu- 
nicipaux pourront, k leur gr6, placer sous Fadministration 
commune de leur assistance publique. 

Dix ans ont passe depuis Fenqu6te reduite du Conseil sup6- 
rieur, les idees d'assistance ont progress^, la notion du devoir 
social s'est elargie, et tout permet d'esp^rer que, si un grand 
nombre de municipalites et de commissions administratives, 
mieux informees, etaient sollicitees k nouveau k emettre un 
avis, la plupart sauraient s'elever au-dessus des prejug^s parti- 
cularistes et dchapper aux suggestions dc cet optimisme infe- 
cond et dficevant, contre lequel proteste le lamentable defile des 
mis^res et des souffrances inapaisees de Fimmense armee des 
malheureux (1). 

PAUL STRAUSS. 

N. B. La Revue Philanthropique publiera sur cet imporlant sujet les 
communications les plus contradictoires et leur accordera Thospitalite la 
plus impartiale. 

(1) Voir les Commissions cantonales d'assistance, par M. J. Pion, dans la 
Revue politique et parlementaire du 10 octobre 1891. 



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ASSISTANCE PAR LE TRAVAIL 

ASSEMBLE Gl^N^RALE 
DU C0MIT6 CENTRAL DES (EOVRES d'aSSISTANCE PAR LE TRAVAIL 

SOUS LA prMsidence de M. A. M^ZI^RES 
de TAcad^mie fran^aise. 

{ExtraUs du rapport du D' P. Bouloumie, secretaire general) 



Pendant I'exercice 6coul6, le comit6 central, poursuivant 
le cours normal de ses travaux, s'est aitach^^. il'^tude de toutes 
les questions int^ressant Tassistance par le travail et sp^cia- 
lement sa pratique et sa vulgarisation. En ce qui conceme le 
fonctionnement des oeuvres, il a particuli^rement ^tudi6 les 
modes d'admission, Tex^cution du travail, la durde de Fassis- 
tance, la quality des assist^s; il a fait une enqudte toute r^cente 
sur Fdtat actuel des oeuvres d'assistance par le travail en 
France et les rapports ^tablis entre ces oeuvres et les bureaux 
de bienfaisanee, conform^ment ^ la circulaire minist^rielle du 
8 novembre 1894 et k Tarticle 28 du d6cret du 15 novembre 
1895: 

11 a mis h T^tude certaines questions sp^ciales poshes par 
des oeuvres de province et donn6 des solutions auxquelles elles 
se sont utilement conform^es ; il a donn^ son concours aux 
oeuvres sous forme de subventions directement octroy^es ou 
obtenues des pouvoirs publics, etc. ; 

II a, par voie de conferences el de brochures, fait en faveur 
de rid^e et de son application une active propagande. 

Modes d' admission. — Le ban de travail remis aux sollici- 



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ASSISTANCE PAR LE TRAVAIL. . 573 

teurs valides nous parait toujours 6tre le mode d*admission k 
pr^coniser, mais il faut que les g^rants des oeuvres soient auto- 
ris4s it en d^Iivrer directement au solliciteur de travail qui se 
rend directement k I'atelier plutdt que d'aller mendier, m6me 
un bon de travail, dans la rue ou k domicile. A Paris, laplupart 
des (Buvres ont aujourd'hui admis ce principe et des bons en 
blanc sont laiss6s, par les adherents ou les conseils d'adminis- 
tration, k la disposition du directeur de Tatelier de travail pour 
en assurer Tapplication. 

Le bon doit fetre une carte d'admission au travail pour un 
temps plus ou moins long, mais non une lettre de change 
d'une valeur d6termin^e tirde sur Toeuvre d'assistance, car, 
dans ce cas, Tassist^ connait cette valeur et pent en r6clamer 
le paiementapr^s un simulacre de travail, les professionnels 
peuvent en trafiquer et les adherents peuvent en misuser en en 
donnant k tel solliciteur habile qui les vend ou k tel solliciteur 
int^ressant, mais sans Anergic ou incapable de reprendre 
jamais rang' parmi les travailleurs, qui d^s lors devient un 
pensionnaire de Tatelier et ne cherche plus k en sortir. 

Execution du travail, — Le comitd central et son v6n6r6 pre- 
sident, Jules Simon, n'ont ccssd de pr^coniser Tobligation d'un 
travail s^rieux, execute k la tdche autant que possible. Ces 
principes, adopt6s d6ji par un grand nombre d'oeuvres, tendent k 
se g^n^raliser de plus en plus. Comment n'en serait-il pas ainsi 
quand on voit les heureux r^sultats obtenus un pen partout 
et notamment St la maison hospitali^re de M. le pasteur Robin, 
k Tatelier de Bordeaux, etc., ou par Tapplication de ces prin- 
cipes, la production a augments du simple au double. Dans les 
ateliers ou la nature des travaux ne comporte pas le travail k 
la tdche, des primes de fabrication ont 6t6 utilement octroy^es, 
notamment k ToBuvre du march6 Saint-Germain. 

Dur^e de rassistance. — La durde de Tassistance ne saurait, 
dans des ateliers qui ne doivent foumir qu'un travail provi- 
soire, un travail d'attente, 6tre illimit^e. Elle doit varier sui- 
vant les localit^s, mais 6tre limit^e, avec possibility laissde au 
directeur de faire flSchir la rfegle g^n^rale dans des cas ou un 
s^jour exc6dant les limites r6glementaires est vraiment n^ces- 



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514 . REVUE PHILANTHROPIQUE. 

saire ; on ne peut, par cxemple, mettre dans la rue un homme & 
qui un emploi est assure et qui doit, quelques jours apr^s la 
date rdglementaire de sa sortie, entrer en possession de cet , 
emploi. 

Placement, — La plupart des a3uvres d'assistance par le 
travail se pr^occupent aujourd'hui du placement et le consi- 
d^reijit comme le compl6ment n^cessaire de leur action tempo- 
raire. Les opinions et les pratiques varient toutefois beaucoup 
avec Torganisation fondamentale des ceuvres. Ainsi, tandis 
qu'au march^ Saint-Germain, k la maison hospitali^re, le pla- 
cement est pratiqu6 aussi largement que le rapatriement, aux 
ateliers d'assistance de la rue Salneuve il est fait tr^s peu de 
placements. En voici la raison : au march6 Saint-Germain 
comme & la maison hospitalidre, le paiement du travail ^tant 
fait sous forme de logement, nourriture et v6tement, il ne s'y 
pr^sente gufere et on n'y garde que des individus (hommes seu- 
lement it la maison hospitalidre ; hommes et femmes au 
marchd Saint-Germain) plus ou moins capables et d^sireux de 
reprendre un travail r^gulier, il n'y a jamais dans les ateliers 
qu'un nombre de travailleurs assez limitd (25 k 50 au march6 
Saint-Germain, 40 2i 80 ^ la maison hospitali^re) pour qu*on 
puisse les bien interroger, surveiller et connattre, et on les 
garde pendant un temps relativement long, 15 Ji 20 jours et 
plus parfois, sur la simple production d'un bon de travail 
d^livr^ par un adherent. Aussi arrive-t-on k une proportion de 
placement qui atteint jusqu'i 30 et 40 p. 100. 

A la rue Salneuve au contraire, tout porteur d'un bon de 
travail sait qu'aprfes 3 heures de travail il recevra fr. 75 (la 
valour dtait jusqu*& present mentionn^e sur le bon] et, en 
plus, une soupe pendant les mois d'hiver ; le bon 6tant une 
lettre de change tir^e sur Toeuvre par Tadh^rent, qui a pay6 
ces fr. 75 en achetant son bon, Tceuvre ne peut refuser Tad- 
mission et la rdadmission ind^finie de tout porteur de bon (le 
directeur peut Texclure pour inex^cution du travail ou faule 
contre la discipline de Tatelier, mais ne peut refuser de Tad- 
mettre). De \k : un nombre parfois si considerable d'assist^ 
qu'il est impossible de prendre sur eux le moindre renseigne- 



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ASSISTANCE PAR LE TRAVAIL. Slo 

menty pourbeaucoup un passage de trois heures seulement dans 
les ateliers, et pour quelques-uns, habiles k se procurer des 
bons, des s6jours tr^s prolong^s ou trfes r6p6t6s, ce qui faisait 
dire avec raison au directeur, M. Pfeiffer, que je quesiionuais 
rdcemment au sujet du placement : « Du placement, mais je 
n'en peux pas faire avec mes assist6s ; les uns, je ne les con- 
nais pas, et les autres, je les connais trop. )> 

Ceci m'amfene h dire un mot de la quality des asstsi^s. Dans 
une ville comme Paris ou existent plusieurs ceuvres, la quality 
des assist^s varie d'une mani^re g^n^rale avec le mode de 
fonctionnement adopts par ces oBuvres; el le varie en outre 
avec les saisons. En province, elle varie avec les localit^s et les 
regions, industrielles, agricoles ou mixtes. 

Dans les ^tablissements de travail gardant longtemps leurs 
assist^s et r6mun6rant le travail en totality ou en partie sous 
forme de logement, nourriture et vAtement, on pent ^valuer h 
30 k 40 p. 100 les assistds pouvant ^tre placds, tandis que, dans 
les 6tablissements r^mun^rant le travail au jour le jour et en 
argent et acceptant sans distinction tons les porteurs de bons, 
il n'y a g6n^ralement que 10 k 15 p. 100 d'ouvriers pouvant 
6tre placi^s. 

La moyenne pour Paris nous parait ainsi pouvoir 6tre 
^valu^e k 20 p. 100, chifTre maximum. 

En province, notamment, d'aprfes les documents qui me par- 
viennent de Bordeaux, d'Amiens, de Marseille, la proportion 
des travailleurs assistds capables de reprendre une occupation 
r^guli^re me paratt 6tre sensiblement plus forte qu'^ Paris, 
sans queje puissetoutefoisT^tablir avec precision. 

Une cat6gorie d'assist^s a particuli^rement attir^ notre 
attention : je veux parlerdes valides dg^Sy ni vieillards ni infir- 
mes,et par ce motftg^s j'entends des hommes, pourtant dans la 
force der&ge,puisqu'ils n'ontque quarante k quarante-cinq ans, 
mais que Tindustrie classe et refuse comme ftg^s. A laporte de 
certains ateliers, on pent lire aujourd'hui unavis dans le genre 
de celui-ci : « Tout homme ayant d^pass^ quarante ans n'est pas 
embauch6 » ; tant ilest admis maintenant qu'uaouvrier est dans 
rindustrie consid^r^ comme vieux dds qu'il addpass^ quarante 



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576 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

ans. Que faire pour cette cat%orie noifibreuse d'individus que 
nous avons assist^s temporairement par le travail ? Nous nous 
le demandons avec anxi^i^ ct, personnellement j'e demande que 
pour eux s'organisent, par Tiniliative priv6e second6e par les 
pouvoirs publics, sur les points de la France oii ily a encore des 
landes incultes, des colonies agricoles de travail libre k Tinstar 
de celles qui ont donn^ de si beaux r^sultats k T^tranger. Ce 
n'est qu'en retenant aux champs ou en Ty ramenant qu'on 
pourra assurer la vie de Touvrier qui afflue actuellement vers 
les villes, surtout si la nouvelle loi contre les accidents du 
travail est appliqu6e telle qu'elle est propos^e, c'est-8i-dire avec 
des responsabilit^s telles pour le patron employant des hommes 
mari^s et des p^res de famille qu'il ne voudra plus dans un ave- 
nir prochain engager que de jeunes c6libataires. Ce sont ]k de 
graves questions dont nous avons le devoir de nous pr^occuper 
dbs a present. 

La question tou jours int^ressante k 6ludier est celle de 
la proportion dans laquellc sont utilises les bons de travail 
remis aux soUiciteurs, c'est-i-dire quelle est la proportion des 
valides r^ellement dignes d'int^rfit el cherchant 4 sortir de la 
misfere par le travail, parmi tous ceux qui tendent la main dans 
la rue ou sollicitent la charity k domicile, se disant r^duits k 
la mendicity par le manque de travail. Elle est difficile a r<5- 
soudre parce qu'on ne sait jamais exactementcombien de bons 
ont H6 distribu^s par les membres des diverses oeuvres d assis- 
tance par le travail. Nous avons cherch6 quelques 6idments 
precis d 'appreciation dans Tutilisation de bons que nous avons 
donnas gratuitement aux diverses oeuvres distribuant des ali- 
ments aux malheureux : 

En f^vrier et d^cembre 189S, nous avons r6parti 1200 bons 
de travail du comitd central cntre les soci6tes suivantes : la 
Society philanthropique (SOO), les Conferences de Saint Vincent- 
de-Paul (500), laBouchee de pain (200). Nous avons fait une 
nouvelle distribution de 250 bons k la Society philanthropique 
et 250 aux Conferences de Saint Vincent-de-Paul. — Aprds 
nous etre assures que tous les bons avaient 616 distribues (sauf 
.41 restant k la Bouchee de pain), nous avons constate, par le 



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^W'-^ 



ASSISTANCE PAR LE TRAVAIL. 577 

remboursement que nous avons fait aux diverses ceuvres d'as- 
sistance par le travail, auxquels les bons oiit ^t^ pr^sent^s, que, 
sur les 1659 bons distribu^s, 143 ont 6t6 utilises de f6vrier 1895 
k ddcembre 1895; 80 de dficembre 1895 ft d^cembre 1896, et 171 
de d^cembre 1896 h d^cembre 1897, soil au total 394, ce qui, 
pour 1659, donne une proportion approximative de 24 p. 100, 
chiffre notablement sup^rieur h la moyenne d'utilisation des 
bons distribu^s dans la rue. La moiti^ environ des assist^s qui 
se sont ainsi pr6sent6s aux ceuvres avec leur bon de travail 
n'ont pas travaill6 plus d'un jour ou ont mal travaill^; environ 
14 p. 100 de ceux k qui des bons ont 6i§ remis par les ceuvres 
de foumeaux ont bien travaill^ et manifesto r6ellement le d6sir 
de sortir de la mis^re par le travail; c'est environ 5 p. 100 de 
plus qu'on n'en trouve parmi les solliciteurs de la rue. 

Les ^tablissements les plus recherch^s par les porteurs de 
bons ont ^t^ ceux oti la remuneration a lieu en argent. 

Les femmes ont proportionnellement plus profits de Tassis- 
tance offerte que les hommes, et k ce sujet nous adressons nos 
plus sinc^res remerciements k M°* Ferdinand Dreyfus qui a 
donne une lai^e etgen6reuse hospitalite dansses ouvroirs ate- 
liers aux femmes munies de nos bons. 

II y a eu des erreurs de la part de quelques distributeurs de 
bons, ou des abus de la part de certains assistds, car nous avons 
retrouve jusqu'ft 20 bons^manant de la m^me oeuvre de four- 
neaux et portant le nom de la m6me personne. 

Les assistes de la Bouchee de pain ont utilise leurs bons en 
plus grande proportion que ceux des autres societes et ceux 
de la Societe philanthropique en plus forte proportion que ceux 
de la Societe de Saint- Vincent-de-Paul. 

Une nouvelle attribution de nos bons du comite central va 
etre faite k ces ceuvres. 

Entente entre les bureaux de bienfaisance et les ceuvres 
d'assistance par le travail. — La circulaire de M. Dupuy, mi- 
nis tre de rinterieur, en date du 8 novembre 1894, engageant les 
bureaux de bienfaisance k pratiquer Fassistance par le travail 
et le decret des 15-19 novembre 1895, portant (art. 28) que « les 
bureaux de bienfaisance pouiTont s*entendre avec les comites 

REVUE PHILANTBROPIQUE. — II. 37 



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578 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

d'assistance par le travail h TeflFet de substituer autant que pos- 
sible les secours en travail aux secours en ai^ent » ; il 6tait 
int^ressant de savoir quelle suite avait 6t6 donn^e h cette pres- 
cription ; nous avons demands des renseignements k ce sujet 
aux di verses oeuvres de Paris et de la province. 

A Paris, les oeuvres d'assistance par le travail du march^ 
Saint-Germain, des VHP etXVlParrondi8sement(rue Salneuve), 
du XVI® arrondissement ont ^tabli une entente avec le bureau 
de bienfaisance et donnent, apr^s travail, des secours jusqu'i 
concurrence d'une somme de 10 francs g^n^ralement^ suivant 
des modes diffdrant avec Torganisation etle fonctionnement de 
ces oeuvres. II est k remarquer que dans bien des cas les assistds 
ne sont pas encore choisis avec tout le discernement n^cessaire 
et qu'un bon nombre d'entre eux sont incapables de reprendre 
un travail normal aprJ^s le travail d'attente qui leur est donn6 
dans les ateliers d'assistance ; ilfallait du reste s'attendre ^cela, 
6tant donn^e la clientele sp^ciale des bureaux de bienfaisance 
et les attributions normales de ceux-ci. II est toutefois k sou- 
haiterque cette entente, pr^vue et pr^conis6e par le d^ret de 
novembre 1895, persiste, car, avec un peu plus d'habitude de la 
part des r6partiteurs des secours, elle pourra dtre f^conde en 
bons r^sultats. Dans certains arrondissements, dans le IP no- 
tamment, elle n'a pu s'6tablir malgr^ les d-marches faites dans 
ce sens par le president de la Soci6te d'assistance par le travail, 
M. Blachette. 

Les oeuvres d'assistance par le travail qui ont un but special 
(pour les Iib6r6s, les enfants et adolescents, les aveugles, les 
femmes) n'ontaucune relation avec les bureaux de bienfaisance. 

Douze oeuvres de province rdpondant k ma question m'ont 
fait savoir, les unes qu'elles ignoraient les dispositions du d6cret 
ou le ddcret lui-m^me, les autres que les dispositions 6taient 
pour les bureaux de bienfaisance rest^es lettre morte, mais 
qu'elles essaieraient d'^tablir I'entente pr6vue qui leur parais- 
sait en effet pouvoir 6tre trfes f^conde en r^sultats. 

L'assistance par le travail de Nancy est seule en relations 
r^guliferes avec le bureau de bienfaisance, qui lui donne ime 
subvention annuelle de 1500 francs et auquel elle donne en 



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ASSISTANCE PAR LE TRAVAIL. 579 

retourdesbonsde travail. EUe a re^u de lui 250 assist6s dans 
le dernier exercice. Les bureaux de bienfaisance achfelent 
quelques vMements pour les pauvres k Pau et k Bordeaux, un 
certain nombre de ligots a Tassislance par le travail. 

On peut done dire que, dans Tensemble, le d^cret est rest6 
lettre morte tout, comme- la circulaire minist^rielle de 
M. Dupuy, et que c'est sur Tinitiative priv6e qu'il faut compter 
pour d^velopper Tassistance par le travail et lui faire donner 
les r^sultats qu'on peut en attendre. II faudrait^ toutefois, que 
les bureaux de bienfaisance fussent bien convaincus de Futility 
qu'il y aurait k se conformer aux prescriptions du d6cret; les 
pauvres dignes de ce nom y gagneraient grandement. Ce qui 
s*est pass6 k ToBuvre du XVP arrondissement en t^moigne : 
sur 350 n^cessiteux envoyfe k Fatelier, 160 ne se sont m^me 
pas pr^sent^s et, comme ils ^taient en 6tat de travailler, ils ont 
pu 6tre sans scrupule ray^s de la liste des assist^s et les vrais 
pauvres ont profits de ce qui leur aurait 6i6 attribu^ sans 
eela. 

Parmi les questions mises ^ T^tude sur la demande d'oeuvres 
de province directement int6ress6es k leur solution, je citerai 
la question du certificai de travail et celle de la validity dun 
legs fait a un bureau de bienfaisance en vue d' organiser rassis- 
tancepar le travail, 

A Toccasion d'un incident survenu k Bordeaux (plainte 
port^e par des assist^s et demande d'explication de M . le procu- 
reurde la B^publique), M. P. de Pelleport-Burette, administra- 
teur g^n^ral deTOEuvre bordelaise de Tassistance par le travail, 
a pos^ au comity central la question suivante : Les (Buvres d'as- 
sistance par le travail sont-elles tenues de d^Iivrer aux assist^s, 
lors de leur sortie des ateliers, un certificat de travail^ confor- 
m6ment k la loi du 2 juillet 1890 sur le contrat de louage de 
travail? 

Sur un savant rapport de M. G. Frenoy, notre secretaire ge- 
neral adjoint, il a 6t6 admis unanimement qu'une ceuvre d'as- 
sistance par le travail ne pouvait 6tre assimilc^e k un dtablis- 
sement industriel, la remuneration du travail de I'assiste, 
une charite toujours sup^rieure k la valeur du travail produit, 



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T580 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

^tant plus qu un salaire. Un prdc^dent existait d'ailleurs k 
Paris, il nous a ^U signals au cours de la discussion par 
M. Brunei, directeur de la maison hospitali^re de M. le pasteur 
Robin : des assist^s ayant adress^ une reclamation k Teffet 
d'obtenir un certificat de travail ont 6t€ d^bout^s de leur de- 
mande par le commissaire de police. 

Nous avons toutefois formula Topinion suivante : « Le 
comity central estime qu'il est conforme au principe qui anime 
nos oeuvres de d^livrer aux assist^s qui le demandent et 
aprfts verification autant que possible de leur identity, une 
« attestation de prhence » etablissant uniquement d'une fa^on 
exacte et detaill^e le nombre d'heures ou de jours passes dans 
retablissement et les dates de ccs presences. 

Cetle attestation de presence ne pourrait 6tre confondue avee 
un certificat de travail ou m6me de s^jour, celui-ci ne pouvant 
gu^re s'appliquer qu'aux oeuvres qui hospitalisent leurs assis- 
tes. Les mentions port^es sur Tattestation doivent 6tre stricte- 
ment limit^es au nombre d'heures de presence et exclusives 
de toute indication d'un travail professionnel. 

Gette attestation n'a d'autre but et d'autre raison d'etre 
que de permettre & Tassiste de justifier de son moded*existence 
et de Temploi de son temps pendant le cours de Tassistance. 

A la suite de cette consultation, le comite de TOEuvre borde- 
laise de Tassistance par le travail a ajoute Tarticlesuivant it son 
r^glement : « Le directeur accordera une attestation de presence 
aux ouvriers, sauf le cas de fautes graves. » 

A Foccasion d'un legs important fait au bureau de bienfai- 
sance de Redon,en vue de cr6er ou faire fonctionner une oeuvre 
d'assistance par le travail, M. le maire de Redon nous a consultes 
pour savoir s'il pouvait ou non accepter ce legs dans les condi- 
tions enoncees. Dans un rapport trfes precis et tr^s documents, 
M. G. Frenoy a fait observer que si la loi du 7 frimaire an V, 
portant que les bureaux de bienfaisance sont etablis exclusive- 
ment pour procurer des secours k domicile, semblait interdire 
Tacceptation du legs, la circulaire du 8 novembre 1894, et le 
decret des 15-19 novembre 1895, sur Tassistance k domicile, 
portant (art. 28) : « les bureaux de bienfaisance pourront s'en- 



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ASSISTANCE PAR LE TRAVAIL. 58:1 

tendre avec les comit^s d'assistance par le travail a Teffet de 
substituer autant que possible les secours en travail aux se- 
cours en argent », semblait devoir Tautoriser, d'autant mieux, 
que d6jk plusieurs bureaux de bienfaisance, do Paris notam- 
ment, pratiquaient par rinterm^diaire des oeuvres priv6es Tas- 
sistance par le travail. 

Le comit6 central, adoptant les conclusions de son rapporteur ^ 
a engage M. le maire de Redon k accepter le legs dans les con- 
ditions 6num^r6es dans le rapport, c*est-8i-dire pour la fondation 
d'un ^tablissement d'assistance dans lequel des secours en travail 
seraient donn6s par le bureau de bienfaisance. Je viens d*ap- 
prendre que c*est ce qui a 616 fait. 

Deux autres questions sont encore en ce moment k Tordre 
du jour des reunions du conseil : (a) Les graves et les oeuvres 
d'assistance par le travail ; {b) Tassistance par le travail et les 
oeuvres de patronage des libdr6s. 

Fiddle h son programme : vulgariserTid^e de Tassistance par 
le travail, en faciliter et en g^n^raliser les applications, le 
comity central a donn^ un concours actif aux oeuvres d'assis- 
tance par le travail. 

Comme les annees pr6cddentes, nous avons employ^ les 
dons qui nous ont 6t6 faits et une partie de notre avoir a des 
subventions aux oeuvres de Paris et de la province. Les dons de 
M. Porg^s{l 000 fr.), deM.Desmazures(500 fr.),deM. Alexandre 
Weill (SOOOfr.), du cercle de la rue Volney (150 fr.) ont 6i6 
ainsi r^partis; 15 oeuvres ont regu des subventions variant de 
200 k 1800 francs suivant leurs bf soins, leurs ressources, les 
r^sultats obtenus. 

Nous avons mis au service des oeuvres notre activity, nos 
relations, notre influence pour leurfaireobtenir les subventions 
qu'elles demandaient et qui nous paraissaient justifi^es, et nous 
avons 6t6 assez heureux pour r^ussir dans nos d-marches. Nous 
en avons encore quelques-unes k tenter en ce moment, notam- 
ment en faveur des oeuvres d'assistance par le travail de Mar- 
seille et d'Amiens, qui mdritent tons les encouragements et 
tons les appuis; nous espdrons bien les voir aboutir prochaine- 
ment. C'est surtout auprfes de la commission de repartition des 



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582 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

fonds du pari mutuel que nous sommes pri^s dintervenir h 
Toccasion de fondations oud'agrandissements d*ateliers, mais k 
cela ne se bornent pastes demandes qui nous soniadressdes, les 
desiderata qui nous sont exprim^s. Un grand nombre d'oeuvres 
nous prient d'intervenir pour chercher h obtenir une modifica- 
tion k la jurisprudence adoptee jusqu'i ce jour. La Commission 
donne en effet pour un besoin urgent et exceptionnel, la con- 
struction ou la refection d'un atelier par exemple, mais elle ne 
donne rien pour aider au fonctionnement de Toeuvre. C'est une 
m^re qui se soustrait k la loi de Tallaitement matemel. Bien 
qu'approuvant absolument les considerations qui accompagnent 
le d6sir exprimd par nos correspondants, car nous savons 
quelle heureuse influence aurait une subvention, si minime 
Mt-elle, qui serait consid6r6e comme un t^moignage de bon 
fonctionnement, nous craignons fort de ne pas r6ussir sur ce 
point ii faire donner satisfaction it nos coUaborateurs, pourtant 
si d^vou^s et si dignes de rint6r6t des pouvoirs publics. Les 
oeuvres int^ressantes qui sollicifent des subventions sonl si 
nombreuses et les sommes attributes k I'assistance publique, 
et notamment au service de Tassistance mddicale dans les cam- 
pagnes, sur les fonds provenant du pari mutuel, que nous 
n'osons, quant k present du moins, espdrer une amelioration 
de la situation en ce qui conceme sp^cialement les ceuvres 
d'assistance par le travail. 

Nous avons fait une active propagande, tant par la cor- 
respondance manuscrite que par la parole et par Tenvoi de 
nos documents imprimis, en faveur de Tid^e et de ses appli- 
cations. L'an dernier nous avions adressi nos tableaux d*en- 
qu^te sur Tassistance par le travail en France k tons les con- 
seils g^n^raux qui, sur notre invitation, nous en avaient fait 
lademande; cette annde, sansnouvelle invitation de notre part, 
plusieurs demandes nous sont encore parvenues : nous nous 
sommes empresses d'y r^pondre et dans plusieurs d^partements, 
sur les 20 qui ont ainsi demands nos documents, Tid^e fait 
son chemin et la fondation d'oeuvres d'assistance par le travail 
nous parait prochaine. 

Je me suis personnellement, au cours de cette ann^e, occupy 



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ASSISTANCE PAR LE TRAVAIL. .>83 

de la fondation de Tassistance par le travail a Amiens, i Lille, 
h Reims, Jl Toulouse ; partout, j'ai rencontre des activit6s et des 
bonnes volont^s qui nous permetteni d'esp6rer un succ^s pro- 
chain. A Amiens, ce succ^sest aujourd'hui certain, TcBuvre est 
constitute et fonctionne d'une manifere remarquable. Je suis 
en outre cncorrespondanceavec Dijon, Pontivy, Poitiers, Tours, 
^pemay en vue d'y organiser Tassistance par le travail. 

Les difficult^s ou preoccupations qui arr^tent T^lan de ceux 
que s^duisent Tid^e et les r^sultats, aujourd'hui connus,de son 
application sont partout k peu prfes les m femes : il y a d6jh tarit 
d'oBuvres ! Quel travail ferons-nous exdcuter ? Comment trou- 
verons-nou.s T^coulement des produits du travail ? Ne va-t-on 
pas dire que nous faisons concurrence k Tindustrie locale ? A 
toutes ces preoccupations on pent r6pondre ; on pent mdme les 
dissiper en montrant ce qui se passe partout oti existent aujour- 
d'hui des ceuvres d'assistance par le travail. A cette objection: 
il y a tant d'cEuvres ! nous r6pondons : Tassistance par le tra- 
vail est I'ceuvre de pr^voyance des autres ceuvres comme de 
Tassistance publique ; elle tend la main k Touvrier temporaire- 
ment sans travail, pour lui conserver la quality et la dignity 
de travailleur; elle ne veut pas qu'il tende la sienne sans rece- 
voir une aum6ne, perde sa dignity et devienne un mendiant. 
Empfechant ses proteges de devenir successivement des oisifs, 
des mendiants, des ivrognes, des vicieux, des crimineh et de 
donner le plusfftcheuxetle plus contagieux des exemples,celui 
de la paresse, dans la famille et dans rentourage,nos ceuvres, 
par une assistance honorable donn^e en temps opportun, dimi- 
nuent, c'est incontestable, les charges qui incomberaient plus 
tard au budget de la charity puj>lique et priv^e, des ceuvres, de 
r^tat et de la commune qui auraient tour k tour k pourvoir k 
leur subsistance, car ils seraient sans elles venus augmenter le 
nombre d6jk si grand des parasites de notre vieille society. Et 
les pauvres, les vrais pauvres," ceux que nous aimons et respec- 
tons, ne seront-ils pas heureux que vous ayez d^fendu leur 
bien? 

Quant au travail, il doit 6tre, nous Tavons toujours dit, un 
travail banal, facile k ex^cuter sans apprentissage, ne consti- 



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584 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

tuant pas un Iravail industriel proprement dit, portant sur 
une mati^re premifere sans valeur, ne faisant pas concurrence, 
pr6cis6ment parce qu'il est de pen de valeur et qu'il ndcessite 
beaucoup de main-d'oeuvre, un travail industriel: fabrication 
de margotins ou ligots, d'^tiquettes pour colis, de sacs en 
papier, cassage de pierres pour macadam, triage de chiffons, 
d^pcQage de vieux corsets, effilochage de vieux clibles, triage 
de graines et autres travaux divers, polissage de pierre ponce, 
ajustage de debris de cuir pour talons de chaussures h bon 
march^, fabrication de liens pour Tagriculture, fabrication de 
chainettes on fer, reparation de vieux sacs, phage et mise 
sous bande d'imprim^s, etc., etc. 

L'6coulement du produit dii travail n'est r^ellement diffi- 
cile que s'il y a un tr^s grand nombre d'assist^s et par inter- 
valles seulement. II a fini par s'op^rer partout k pen pr^s r6gu- 
li^rement, grAce k Tactivitd d^ploy^e par les directeurs ou 
administrateurs des oeuvres et an concours donn6 par les adhe- 
rents, en ce qui concerne les margotins ; quant aux autres 
objets, ils s'dcoulent au fur et k mesure de la fabrication puis- 
qu*ils ne sont faits ou manutentionn^es que sur commando. 

Au point de vue des reclamations que pourrait faire en- 
tendre rindustrie, nous pouvons rassurer entidrement nos col- 
laborateurs, les fondateurs d*oeuvres d*assistance par le tra- 
vail. Ni It Paris ni ailleurs, aucune reclamation ne s'est pro- 
duite ou, pour etre absolument exact, une seule s'est produite, 
et de qui venait-elle? d'un entrepreneur de travaux dans les 
prisons? Cost tout au moins bizarre. Get industriel se plai- 
gnait que Toeuvre si interessante des jeunes adultes liber^s 
fondee parM. Tabbe Millard, et presidee par M. le conseiller 
Petit, recevant les jeunes detenus a leur sortie de prison, les 
rehabitu&t & la vio honorable en leur faisant executor dans 
ses ateliers d'assistance des travaux de polissage de cuivre et 
autres. 

Par contrc, et ceci a plus de valeur que cela, j'apprends par 
M. le conseiller Fournier qu'i Amiens « une Chambre syndicate 
d'ouvriers vient d'adresser k la Societe d*assistance par le tra- 
vail une somme de 202 francs recueillie dans une petite fete de 



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ASSISTANCE PAR LE TllAVAlL. 58& 

la corporation ». Je ne connais pas de plus touchant et de plus 
pr^cieux encouragement que celui donn6 par ce groupe ouvrier, 
et je suis plus heureux encore de le faire connattre que defaire 
savoir Tappr^ciation, pourtant tr^s flatteuse, du jury de Tex- 
position de Bruxelles qui nous a fait d^cerner un dipl6me 
d'honneur. 

SITDATION ACTUELLE DE l'aSSISTANCE PAR LE TRAVAIL 
EN FRANCE 

Si nous nous reportons k Thiver 1890-91, dont la rigueur 
exceptionnelle a n6cessit6 rimprovisation de secours excep- 
tionnels qui, par leur mauvais fonctionnement et leurs mauvais 
r^sultats, m'ont fait entrevoir la n^cessit^ de d^velopper et 
d'^tendre Tassistance par le travail et pour cela de fonder 
notre comit6 central, nous voyons qu*& cette 6poque, mettant h 
part les travaux dits travaux de charity, il y avait en tout en 
France dix oeuvres au plus pratiquant sous des formes diverses 
Tassistance par le travail, et que le mot et la chose n'dtaient 
connus que d'un petit nombre de philanthropes et d*6cono- 
roistes. 

Aujourd'hui, au contraire, grftce en grande partie k Tactive 
propagande faite par le comity central, au retentissement 
qu'ont eu dans la presse et dans le public les discours pronon- 
c^s dans ses assemblies g^n^ralespar ses ^minents presidents, 
M. L^on Say, M. Jules Simon, M. Alfred M^zi^res, il y a en- 
viron 30 ceuvres d'assistance par le travail fonctionnant sur 
divers points de la France; lout le monde salt qu'il existe un 
mode d'assistance dit assistance par le travail et tr^s nom- 
breux sont ceux qui Tappr^cient, le pratiquent et le pr^co- 
nisent. Les congr^s s'en occupent, non seulement au point 
de vuc de la repression de la mendicity, mais comme d'un 
moyen de maintenir Touvrier atteint par un ch6mage involon- 
taire dans la voie et Thabitude du travail. Une th^se vient 
d'Wre soutenue sur la question par M. Jacot, devant la faculty 
de theologie de Montauban, Tassistance par le travail est men- 
tionn^e au programme des cours d'^conomie politique k la Sor- 



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586 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

bonne. 11 y a m6me des outranciers de Tassistance par le 
travail, tel M. A. Marechaux dont M. Jean Voirien analysaii le 
travail sur Tassistance publique dans le num^ro de d^cembre 
de la Revue PhilanlhropiquCy qui propose une amende de 20 k 
500 francs, avee augmentation de p^nalit^ en cas de r6cidive, 
pour celui qui fait Taumdne dans la rue ou laisse mendier de- 
vant sa porte, alors qu'il pourrait donner un bon de travail. 
Nous ne sommes pas si fdroces, mais nous voyons sans peine 
ces exag^rations qui t^moignent des progr^s faits vers le but 
que nous poursuivons, la substitution du bon de travail k 
Taumdne banale pour tout individu valide. 

Tandis qu'auparavant les conseils g^n^raux se bornaient 
Jl ^mettre des voeux purement platoniques pour r^clamer des 
mesures propres k restreindre le vagabondage et la mendicity, 
vingt-quatre ont pr^conis^ Tan dernier dans ce but Tassistance 
par le travail, sur lesquels : sept se sont d^clar^s prdts k favoriser 
rinitiative priv6e qui voudrait Torganiser : ceux de TAriftge, la 
Dordogne,le Finist^re, TH^rault, le Jura, les Basses-Pyr^n^es, 
la Somme. Six approuvent Tid^e de Tassistance par le travail 
et ses applications; ce sont ceux de TAUier, la C6te-d'0r, 
TEure, le Haut-Rhin, les Vosges, ITonne. Quatre pr^conisent 
des ateliers municipaux d'assistance ; ce sont ceux de Tls^re, 
la Loire, le Maine-et-Loire, la Haute-Mame. Trois r^clament 
une maison de travail d^partementale ; ce sont ceux du' Loiret, 
de la Seine-lnf^rieure, du Vaucluse. Un demande la creation 
de gites d'6 tapes avec travail, celui de Sa6ne-et- Loire. Trois 
mettent la question k T^tude ; ce sont ceux de la Loz^re, le 
Nord, rOrne. 

Nous constatons avec plaisir qu'un certain nombre de d6- 
partements favoriseraient Tinitiative priv6e, et que plusieurs 
seraient disposes k cr^er des maisons de travail, qui seraient 
des d6p6ts de mendicity modernises et restreints k I'usage des 
individus ^qui le travail pourrait ^tre impost. Plusieurs ont 
adopts le projet d'organisation r^gionale d'assistance, si bien 
couQu, que M. Paul Deschanel a pr^sent^ au conseil g^n^ral 
d'Eure-et-Loir. 

Les circulaires ministdrielles des 8 novembre 1894 et i9 



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ASSISTANCE PAR LE TRAVAIL. 581 

avril 1895, aux pr^fets recommandent Tassistance par le tra- 
vail, les publications de Toffice du travail sur les soci^t^s privies 
d'assistance par le travail, le ddcret des 13-19 novembre 1895, 
la presence d'un reprdsentant de M. le President de la Rdpu- 
blique et des ministres h nos assemblies gdndrales tdmoignent 
deTintdrfet que les pouvoirs publics attachent i notre entreprise 
philanthropique et de Tappui moral qu'ils tiennent h nous 
donner. 

Les oeuvres nouvelles dont la fondation n'avait pas encore 
616 annoncde lors de la demi^re assemblde sont celles de 
Caen, Nancy, Amiens, Chartres et celle du V* arrondissement 
k Paris (58, rue Daubenton). 

11 n'y a pas de grands changements k signaler dans le fonc- 
tionnement des ceuvres de Paris; je signalerai ce pendant : 
Tannexion d'un bureau de placement gratuit h VQEuvre du W 
arrondissemoUf place des Petits-Pferes ; le prochaind^placement 
de VOEuvre du marchi Saint^Germain, la ville reprenant ses 
locaux pour y ddifier un palais des examens ; Taugmentation 
considerable des journdes de travail accord^es aux assistds 
munis d'un seul bon et Tam^lioration notable dans les condi- 
tions et lesproduits du travail, h VCEuvre desVIII'' et XVW 
arrondissement (rue Salneuve); Tachfevement de Torganisa- 
tion des ateliers et de son outillage et Tinstallation d'un four- 
neau pour distribution gratuite de soupes et distribution facul- 
tative d'aliments k bon marchd, k V Atelier d^assistance du XVI^ 
arrondissement (avenue de Versailles); Tach^vement du nou- 
vel atelier et des nouveaux dortoirs k la Maison hospitaliire 
(rue Fessart). 

V Association charitable pour les Pemmes du Monde (27, rue 
d'Anjou), prdsid^e par le g6n6ral Bdziat, ddveloppe de plus en 
plus Tassistance par le travail, de m6me que VOEuvre de la 
Charity par le travail {^y rue Blanche), et VOEuvre des femmes 
du Monde fondle par M"* Holstein (29, avenue de Wagram). 

Les socidtds pour femmes pauvres, ouvriferes ou domes- 
tiques suivent la m^me voie ; telles : VAsile temporaire pour 
femmes pro testantes (68, rue de la Villette), V Assistance par le 
travail (ouvroir rue du Val-de-Grftce), la Maison de famille^ 



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588 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

129, rue de TUniversit^), fondle par le P6re du Lac; VCEuvre des 
mhes de famille, dirig^e par la soeur Saint- Antoine, conjoin- 
tement avec V Hospitality du travail (de Tavenue de Versailles). 

Parmi les ceuvres h destination sp^ciale, quelques-unes ont 
subi quelques modifications ou transformations. Le Patronage 
des libMs (rue des C^vennes), pr6sid6 parM. lesdnateur B^ren- 
ger, a r(5uni en un seul ^tablissement^ par la construction d'une 
annexe importante, les deux ailes autrefois s^pari^.es, et facilit6 
ainsila surveillance, en diminuant les frais g^n^raux. La SociStS 
desjeunes adultes libMs (rue du Chemin-Vert), fond6e par 
M. Tabb^ Millard et pr^sid^e par M. le conseiller Petit, aujour- 
d'hui bien organis^e quoique de date r^cente, obtient au point 
de vue du travail produit et au point de vue moral d'excellents 
rdsultats. La Maisoii de travail pour jeunes gens (rue de TAn- 
cienne-Com^die) a organist solidement le travail, la sur- 
veillance des ateliers et des dortoirs et 6tabli une entente avec 
la commission des patronages pour faire surveiller ses assistds 
aprfes leur placement. Les Ateliers d'aveugles d^pendantde Tas- 
sociation Valentin Hatiy font travailier en atelier et Ji domicile 
et d^veloppent le plus possible Tapprentissage. Sur environ 
40 000 aveugles existant en France, environ 2000 seulement 
sont secourus par Tadministration, les devoirs et les charges 
dela soci^t^ sont done considerables et celles-ci augmentent 
d*autant plusqu'elle est plus connue et plus sollicit^e. LOEuvre 
des lib^r^es de Saint-Lazare, dirig^e par M""' I. Bogelot, voit ses 
chargesaugmenter grandement par Tapplication de la loi B^- 
renger, car ellc recueille et fait Iravailler, en attendant qu'elles 
trouvent un emploi, les condamn^es bdn^ficiant du sursis. 

En province : Amiens, — L'CEuvre amiennoise d'assisfance 
par le travail a 6t6 fondle k la fin de Janvier 1897. EUe fonctionne 
dans d'excellentes conditions et rend des services unanimement 
appr^ci^s ; ses travaux consistent en fabrication de ligols, triage 
de chiffons, ajustage de cuirs pour talons de chaussures. Elle 
regoit 43 assist^s par jour et a besoin d'agrandir ses ateliers. 
Elle demande une mcJeste subvention que nous nous effor- 
cerons de lui faire obtenir. 

Bordeaux, — L'organisation et la direction de Toeuvre sont 



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ASSISTANCE PAR LE TRAVAIL. 589 

parfaites et, grftce k la g6ii6rosit4 des administrateurs, et k la 
bonne r^glementation du travail, les recettes couvrenl les 
d^penses. 

L'oBuvre de Bourges nous signale la difficult^ de T^coule- 
mcnt des produits et nous demande notre appui. Les travaux 
ex^cut^s sont : cassage de noix, fabrication de paillassons^ de 
tresses d'osier, de margotins. 

Caen. — La Soci6t6 de solidarity sociale a fond6 en fSvrier 
1896 une oeuvre d'assistance par le travail, fonctionnant seule- 
ment pendant les mois d'hiver (cassage de pierres pour ma- 
cadam) ; Tassistance par le travail pour les femmes est en voie 
d'organisation. 

Chartres, — A Chartres, M. Andr6, procureur de la R6pu- 
blique, a greff^ sur la Soci^td de patronage des libdrds un 6ta- 
blissement d'assistance par le travail pour les hommes, libdrds 
et sans travail quelconque. Trfes beau local, admirablement 
situ6, tr^s bien amdnagd au point de vue des ateliers, dor- 
toirs, etc., entourd d'un terrain clos de 2 hectares. U peuthospi- 
taliser 30 assistds. 

Aprfes dix jours rdservds k la mise k Tipreuve, I'assistd, s*il 
veut rester, signe un engagement de sdjour de six mois, jugd 
ndcessaire pour la constitution d'un p6cule. II perd le droit au 
pdcule s41 sort avant, sans 6tre placd, ou se fait renvoyer, et son 
pdcule va, k titre de gratification, aux autres assistds. Travail : 
fabrication de chaussons de laine, broiement de briques pour 
ciment, travaux divers. Rdsultats trfes satisfaisants. 

Dans le m6me ddpartement Tadministration a annexe un 
dtablissemeut d*assistance par le travail au d6p6t de mendicity 
de Courville, le fonctionnement est sensiblement le m6me que 
celui de Tassistance par le travail de Chartres. 

Limoges. — De nouveaux ateliers ont6t6 ouverts grftce k la 
subvention obtenue de la commission du pari mutuel. La fre- 
quence des graves partielles a oblige k insurer dans les statuts 
que Toeuvre dtait r6serv6e aux seuls ouvriers atteints par un 
ch6mage involontaire. L'oeuvre d6velof>pe en ce moment le 
travail k domicile, plus moralisateur quand il est possible. 

Lyon, — Beaucoup d'assistds sont envoyds par. les mairies 



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590 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

et les asiles de nuit&i'assistance par le travail pour les hommes ; 
beaucoup de femmes sont aussi envoy6es par les mairies k Tas- 
sistance par le travail pour les femmes. 

Marseille, — L'assistance par le travail a6t^reconnuecomme 
(Stablissement d*utilit^ publique, — un terrain a 6t6 achet(5» un 
chautier dit « chantier module a 6t^ construit. L'oBuvre a pr^t6 
un concours actif k Tadministration municipale et aux pouvoirs 
publics lors des grands chdmages forces de 1897. Elie demande 
une subvention trfes justifi6e, que nous espfirons bien voir pro- 
chainement accord^e. 

Melim, — Une ailea 6i6 ajout^e k la maison de travail qui 
pent ainsi recevoir 32 assist^s et 36 au besoin. L'oeuvre a orga- 
nist cette annde, depuis le mois d'octobre, Tassistance aux 
femmes. Elles sont log6es et nourries au dehors. 

Nancy. — L'assistance par le travail a m fondle pendant 
rhiver 95-96. Elle fonctionne pendant 5 mois, il y a dans son 
organisation une d^fectuosit^ facheuse, c'est qu'il y a & c6t6 
des assist^s temporaires, pouvant rester pendant 15 jours au 
chantier, des assist^s permanents au nombre de 15 environ ; or 
les oeuvres d assistance par le travail ne sont faites que pour 
donner un travail temporaire, un travail d'attente, il ne faut 
pas Toublier. 

Ninies. — L'oeuvre ntmoise d'assistance par le travail est 
en bonne situation, mais parfois il y a encombrement par les 
produits fabriqu^s (ligots et sarments) et on doit fermer les 
ateliers pendant 3 mois d'dt^. 

Pati. — La soci6t6 a ajout^ Toi^nisation du travail de cou- 
ture k domicile k ses travaux ant^rieurs (sandales, parapluies, 
travaux de voirie). L'oBuvre est en progrfes. De concert avec les 
autres oeuvres, elle public un journal, le Bulletin mensuel de 
runion (T assistance. 

Po'pignan. — L'assistance par le travail a acquis un im- 
meuble au prix de 15 000 francs, sur lesquels 5 000 francs seule- 
ment sont pay 6s. II a 6td inaugur6 le 1*^ d^cembre. En dehors 
dc la dette contract^e, la situation est bonne, le travail estabon- 
dant et le concours de la population assurd. 

Toulouse. — L'assistance par le travail est, pour les hommes, 



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ASSISTANCE PAR LE TRAVAIL. 591 

r^serv^e aux Iib6r6s, dans I'atelier organist par la Soci(Sl^ de 
patronage. Nous esp^ronsqu'elle sera ulWrieurement 6tendue 
aux sans travail en g^n^ral. Pour las femmes, Thospitalit^ du 
travail, fond6e et dirig6e par le p^re Guillermin sur le module 
de rhospitalit^ du travail de Paris, fonctionne tr^s bien. 

Tours. — N'a encore, comme Toulouse, qu'un atelier d*assis- 
tancepar le travail pour les lib^r^s, mais M. Maurice, president 
du tribunal, qui dirige la soci^td du patronage, va fonder une 
0Bu\Te d'assistance par le travail pour les non-condamnds. 

Sedan. — L'oeuvre de la reconstitution de la famille, fondle 
par M"* F^licie Hervieu, a inaugur^ il y a plusieurs anndes les 
jardins ouvriers, donnant pour un an d'abord et pour plusieurs 
ann^es ensuite, du terrain, des graines, des engrais k des fa- 
milies d'ouvriers. Les r^sultats obtenuspar ce mode d'assistance 
aux travailleurs, par le travail de la terre, ont donn6 d'excellents 
r^sultats ; aussi des jardins ouvriers ont-ils ^t^ cr^^s depuis h 
Arras, Besangon, Boulogne-sur-Mer, Hazebruck, Mende, Mon- 
treuiUsur-Mer, Nantes, Orleans, Reims, Saint-^tienne, Sois- 
sons, Valenciennes, i pen prfes partout avec Tappui du clergd, 
qui a justement consid^r^ qu'il y avait Ik un excellent moyen 
d'6viter a Touvrier un s^jour prolong^ au cabaret et des promis- 
cuil6s dangereuses, en m^me temps qu'un moyen d'am^liorer 
les conditions d'existence de la famille ouvrifere. 



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VARIETES 



Visite da ministre de I'lnt^rieur k Tateller de runion 
d'assistance da XVI^ arrondissement. 

Le 24 jauvier, M. le ministre de I'lnterieur s'est rendu k Tatelier d'as- 
sistance ^tabli il y a dix-huit mois avenue de Versailles n** 7, aupr^s du 
pont de Crenelle, par 1' Union d'assistance du XV1« arrondissement, surun 
terrain que la ville de Paris lui a lou6 poor dix-huit ans. L'ann^e derni^re 
le ministre avait accord^ k Toeuvre une sorome de 2000 francs en vue de 
la creation d'une cantine pour les travailleurs de Tatelier, et il profitail 
de la r^cenie inauguration de cette cantine pour visiter Tatelier lui-m^me, 
se rendre compte de son fonctionnement et des services qu'il rendait. 

11 a ^t^ re^u ^son arriv6e par M. Gasimir Perier, president de la Soci^t^, 
le Gonseil d'administration, et quelques amis de ToBUvre. L'atelier conte- 
nait une soixantaine d*ouvriers, occup^s k la confection des ligois resin^s, 
comprenanl le sciage du bois au moyen d'une scie rolalive actionn^ par 
une roue que quatre hommes mettent en mouvement, le fendage, le ligo- 
tage, le r^sinage, enfin Tassemblage en paquet de cinq ligots. Le ministre 
a pass4 en revue ces difT^rentes operations, interrog^ un certain nombre 
de travailleurs, visits Fatelier des femmes oil Ton confectionne des sacs 
pour marchands de comestibles, le logement du chef de I'atelier et de sa 
femme qui y est attenant , et la cuisine ou se pr^parait le repas. 

Onze heures. Llieure du dtner ayant sonn^, la cloche a donn4 le signal 
de la cessation du travail, et les ouvriers se sont pr^sent^s au guichet de 
la cuisine, oil ils ont re^u "un bol de soupe, un plat de ragout, une demi- 
livre de pain et un quart de litre de vin. lis se sont rendus aux tables pr^- 
parses dans Tatelier mSme. Le ministre les y a rejoints, leur a demand^ 
ce quails pensaient de la cuisine, agoiit^ la soupe qu'il a trouv^e excellente 
et a fait la reflexion qu'il eUt H^ bien heureux d'en avoir de semblable 
au college. 

La soupe est donn^e gratuitement. Elle revient a cinq centimes par por- 
tion, et la d^pense est couverte par des dons des associ^s, qui s'inscrivent 
pour une semaine, un mois ; d^s le d^but. Tun d'eux a pris la soupe k sa 
charge pendant trois mois. Le reste du repas est pay6 par les travailleurs 
eux-m^mes sur leurs salaires, a raison de iO centimes par portion et de 
io centimes pour le quart de vin. Leur repas complet et tr^s substantiel 



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VAR1£t6s. 5»3^ 

puisqu'il s'y ajoate un litre de soupe environ, leur revient a 35 centimes. 
Quelques-uns ne prennentpas devin, en tout cas on u'en donne pas plus 
d'un quart de litre; d*autres apportent leur pain. 

II arrive parfois que le repas tout entier est donn^ gratuitement par un 
associ6 ou un visiteur charitable. G*est ce qui est arriv6 le jour de la visite 
du ministre. 

Pendant que le diner se poursuivait, M. Gasimir Perier a ramen^ le 
ministre dans I'atelier des femmes pour lui presenter ses coUaborateurs et 
lui donner qnelques renseignements sur I'atelier qu'il venait de visiter et 
sur Toeuvre elle-mfime. 

L*^tablissement completde i'atelier acoiit^ 40000 francs, dont33 000 pour 
les constructions, 4000 francs pour i'outillage qui est tr^s perfectionn^, et 
3000 francs pour le fourneau et la cantine. La d^pense a ^t6 couverte par 
une subvention de 30000 francs du pari mutuel, une allocation de 2000 francs 
du ministre de I'lnt^rieur pour la cantine, et le surplus par une souscrip- 
tion ouverte parmi les associ^s. 

Les ouvriers sans travail sont admis k Tatelier soit sur la presentation 
de bons de travail, soit directement, et ces derniers sont sonvent les plus 
dignes d'int^r^t, maisils ne gagnent qu'une partiedu salaire de 25 centimes 
environ par heure,soit 2 francs par journ^e de huit heures qui leur est 
donn^, le surplus reste k la charge de Tceuvre, ou plut6t d'un fonds de 
travail aliment^ par des donations sp^ciales. Ge fonds est employ^, soit 5. 
faire travailler les ouvriers qui se pr^sentent sans bons, soit k conserver 
les porteurs de bons le temps n^cessaire pour leur permettre de trouver 
de Touvrage. Le d^veioppement du fonds de travail quiconstitue I'^l^ment 
vital de Tateiier est en ce moment ^I'^tude. 

Pendant les dix derniers mois, du I*' mars au 31 d^cembre, ila 61^ regu k 
Fatelier 3700 bons de travail, et le travail fait repr^sente 4621 journ^esde 
huit heures, dont 2 708, c'est-^-dire plus de la moiti^ k la charge du fonds 
de travail. 

Le nombre des travailleurs a 6t6 de 801, dont 143 femmes. 

II a 6i6 pay6 8650 francs de salaires dont 6100 francs 4 des assist^s 
appartenant au XVI'' arrondissement. 

L'atelier n'est que Tune des branches de Toeuvre qui comprend en 
outre une agence et un ouvroir. 

L*agence est un bureau de renseignements au service des associ^s, de 
renseignements sur les indigents et de renseignements sur les ouvriers 
auxquels on pent recourir pour leur venir en aide. G'est, en outre, pour 
les indigents un secretariat dupeuple, s'occupant de leurs affaires. G'est enfin 
a Tagence que se tient et se centralise la comptabiiit^ assez compliqu6e des 
trois branches de Tceuvre. 

Elle n^nctionne a la mairie mSme dans une petite pi^ce que le maire a 
Men voulu mettre k la disposition de I'Union d'assistance. 

L'ouvroir donne du travail de couture k domicile aux m^res de famillc 
indigentes, un comity de dames en assure le fonctionnement, en dirigeant 
les confections et en procurant I'ecoulement des produits. L'oBUvre est labo- 
rieuse, ingrate, et 11 ne faut rien moins que le d^vouement k toute 6preuve 
de ces dames pour la mener k bien. 

REVUE PHUJkJCTHROPIQUE. — II. 38 



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594 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

A rouvroir, comme a i'atelier, le secoars materiel, le tra?ail procure 
ne repr^sente qn'une pari) et non la plus importante da bien qui se fait, 
c'est un terrain sur lequel se rencontrent les deux ^l^ments de Toeuvre, 
ceux qui sont tomb^s dan« le malheur et ceuz qui leur tendent la main. 
En mdme temps que Touvrage, les premiers recoivent le secours moral, le 
secours du coeur qui les r^conforte. L'ouvroir et I'alelier seraient peu de 
chose s'ils ^taient surtout le terrain oii s'exerce la charity active. 

M. Gasimir Perier a termini I'expos^ de Toeuvre en appelant Tattenlion 
du ministre sur les relations tr&s ^troites qui se sont stabiles entre TUnion 
d'assistance et le Bureau de bienfaisance. Grdce k de pers^v^rants efforts 
et apr^s beaucoup de t^tonnements, on est arrive k une application tr^s 
satisfaisante de cette entente. 

Le Bureau de bienfaisance a substitu^ les secours en travail aux secours 
en argent pour les n^cessiteux, hommes et femmes, en ^tat de travaiUer, 
et le travail est ex^cut^ k Touvroir ou k Tatelier de TCnion. Deux chiffres 
feront saisir les r^sultuts de cette entente : le Bureau de bienfaisance a 
donnS dans ces demiers mois 351 bons de travail, repr^sentant ensemble 
une somme de 3 360 francs. Le tiers de ces bons n'a pas M pr^sent^, les 
b^n^ficiaires ayant pr6f6r6 renoncer an secours plut^t que de le gagner 
par leur travail. 

Le ministre a vivement f^licit6 M. Gasimir Perier et ses collaboratears 
de Toeuvre qu'ils out accomplie. Pr^c^demment d6']k il avait assists k des 
reunions de soci^t^s d'assistance par le travail, mais il n'avait pas encore 
visits d'ateliers, ni saisi ce mode d'assistance en pleine activity, et il a 4t^ 
tr^s frapp^ des services qu'elle peut rendre lorsqu'elle est bien organis^e et 
dirig^e. Les entretiens avec un certain nombre de travailleurs I'ont toat k 
fait ^difi6 k cet ^gard. Un point a particuli^rement appel^ son attention; 
c^est; pour beaucoup, le manque de v^tements convenables qui les emp^che 
de se presenter chez des patrons. 11 serait k d^sirer que Ton pilt constituer 
un vestiaire au moyen de dons en nature ou de dons en argent avec cette 
destination sp^ciale. Le ministre recommande cette id^e qui lui paralt 
devoir completer tr^s utilement le fonctionnement de I'atelier. 

Mais ce qui I'a surtout frapp 6 dans tout ce qu'il vient de voir, c*est cette 
entente entre Toeuvre priv6e et le Bureau de bienfaisance, pour utiliser au 
profit des secours publics cette forme si delicate k manier de I'assistance 
par le travail. II adresse ses felicitations k M. Laffitte, adjoint du XVI* ar- 
rondissement, d^l^gu^ k la pr^sidence du Bureau de bienfaisance dont les 
efforts ont beaucoup contribu^ k la realisation de cette id^e, et |a remis 
la croix de la Legion d'honneur k M. Baillard, membre du Gonseil d'ad- 
ministration de TUnion d'assistance, qui, depuis des ann^es ,s'est consacr^ 
k cette oeuvre et n'a cess^ d'inspirer et de d^fendre toutes les id^es dont 
I'appli cation a abouti aux r^sultats qu'il a aujourd'hui sous les yeux. 

En se retii'ant, le ministre a traverse le grand atelier oh les travailleurs 
s'etaient r^unis pour le saluer. II s'est arr^te au milieu d'eux et les a 
exhortes k ne pas s'abandonner dans leur detresse momentan^e et k re- 
prendre courage en vojant que des dmes g^nereuses s'occupent d'eux, 
leur offrent ce travail qui les sauve de la mendicity. lis doivent recon- 
naitre le service qui leur est rendu en s'aidant eux-ni6mes, en s'efforrant 



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VARifiTES. 595 

de retrouver le plus vite possible le travail r^gnlier qui leur permettra 
de c^der la place k d'antres. C'est un abri temporaire qui leur est ouvert 
ici ; ils contribueront k en multiplier les bienfaits en n'y s^journant que le 
temps indispensable et retrouver un travail normal. JI. Casimir Perfer 
a vivement remerci^ le ministre de sa visite qui est pour lui et ses collabo- 
rateurs un pr^cieux encouragement ^continuer Toeuvre entreprise ; il I'a re- 
merci^ aussi des sages et r^confortantes paroles qu'ilaadress^esaux assist^s, 
et dont ils ont bien compris I'enseignement et la pens^e bienfaisantes. 

J. DE GRISENOY. 



Le Logement insalubre 

PAR LE PROFESSEUR BROUARDEL (1) 

Messieurs, il y a un peu plus d'un sifecle, en 1773, un membrede TAca- 
d 6mie des sciences, Leroy, avait cboisi corome sujet de lecture, pour la 
rentr^e publique de la Saint-Martin, une ^tude surlesh6pitaux, suivied'un 
projet de construction d'un nouvel Hdtel-Dieu. Le ministre, auquel le ma- 
nuscrit dut ^tre communique, engagea Tauteur k nepas faire cette lecture 
« de peur qu'elle ne donndt I'alarme ». 

Le silence imposd k Leroy ne rem^dia pas au mal, il retarda peut-^tre 
les r^formes, etles plaintes s'61ev^rent de plus en plus vives. Dans sa cor- 
respondance, Voltaire ^crivait k M. Paulet: « Vous avez dans Paris un 
H6tel-Dieu ou r^gue une contagion ^ternelle, oti les maJades enl asses les 
uns sur les autres se donnent r^ciproquement la pesle et la mort. » II 
ajoutait: « Personne ne songe k y rem6dier. » 

Sur ce dernier point, Voltaire se trompait. Saisie en 1777, par Leroy, 
du m^moire qu*il n'avait pu lire quatre ans auparavant, puis en 1785 d'un 
projet de translation de I'Hdtel-Dieu dress^parunarchilecle appel6 Poyet, 
I'Acad^mie fut profond^ment ^mue par le tableau des mis^res qu'on expo- 
sait devant elle; elle nomma une Commission compos^e de Lassone, Dau- 
bentoo, Tenon, Bailly, Lavoisier, Delaplace, Coulomb, Darcet et Tillet. 
Elle lui donna la mission d'^tudier d'une fa^ou g^n^rale Thygi^nc hospi- 
tali^re. 

Baiily, eu 1786, r^suma dans un brillant rapport les Etudes de ses col- 
logues Tenon et Lavoisier. 

Nous avons le droit de noter que dans cet effort vers le bien TAcad^mie 
des sciences a montr6 ses sentiments de profonde piti^ pour les malheu- 
reux; elle a fait plus: elle a su pr^ciser ce que Ton pouvait et Ton devait 
faire. C'est de ses indications que sont n^es les r^formes accomplies 
depuis lors. 

(4) Cette 6tude s\ir le logement insalubre a 6t6 lue par M.le professeur Brouar- 
del, doyen de la Faculty de m^decine et president du Comity consultatif d'hygifene 
publique de France, dans la stance publique annuelle de rAcad^mie des sciences 
du 10 Janvier 1898. 



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I 

I 596 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

' Je ne veux pas analyser les m^moires de Bailly, de Tenon, et exposer 

I devant yous les^vices d'one organisation hospitali^re ydritablement ^pou- 

vantable. Qu'il nous sufOse de suivre les commissaires de I'Acad^mie dans 

les salles de rH6tel-Diea : leur aspect nous ^clairera sur ce qui constituait 

alors un hdpital. 

II y avait deux sortes de lits: les grands et les pelits. Les premiers 
^taient les plus nombreux, chacan d'eux ^tait occapd par piusieurs ma- 
lades, quatre et parfois six, tellement serr^s les uns contre lesautres quUls 
n'avaient pas la possibility de se mouvoir dans le petit espace qui leur 
6tait r^serv6. 

Quand I'afQuence des malades ^tait trop grande on couvrait le lit d'une 
sorte de soupente dans laquellc on entassait cinq ou six nouveaux 
malheureux. 

« Dans ces lils, od on couche quatre et six, dit le rapporteur, la cha- 
leur morbidque particuli^re k chaque malade est d^natur^e et convertie 
en une chaleur commune. » Plus loin, il ajoute: « Les contagieux, 4com- 
mencer par les variolas, sont confondus dans les mdmes salles, dans les 
m^mes lits, avec des personnes dont les maladies ne sont pas contagieuses. » 
Ces horreurs datent d'un si^cle ! Je ne crois pas que dans la Divine 
Com^die la puissante imagination du Dante ait jamais invoqu6 de supplice 
aussi horrible que celui que la piti6 ainsi mise en pratique infligeait k ces 
malheureux. 

L'Acad^mie les prit sous sa protection . Les 6venemen(s qui se succ^- 
d^rent pendant les derni^res ann^es du xviii' si^cle, la suppression tem- 
poraire de rAcad6mie, interrompirent son OBuvre, mais sa voix avait M 
assez puissante pour 6tre entendue de toute la France et du monde entier. 
Aujourd'hui encore, lorsqu'il s'agit de construire un hdpital nouveau, 
d'apporter une amelioration mdme de detail dans les am^nagements int^- 
rieurs, les m^decins, quelle que soit leur nationality, invoquent les m6- 
moires et les plans qui furent alors soumis k I'Acad^mie. 

L'impulsion qu'elle avait donnee k la fin du dernier si^cle s'est done 
prolong^e jusqu'd nos jours. 

Je ne puis faire en ce moment une comparaison entre TH^tel-Dieu de 
1787 et les hopitaux actuels; quelques mots suffiront pour caract^riser un 
des progr^s accomplis; il est, suivantmoi, le plus important. Dans les 
anciens 6tablissements hospitallers, tout ^tait confondu : les malades et 
les maladies. Aujourd'hui chacune des affections contagieuses est ou sera 
prochainement isol^e dans un quartier special. Ce n'est pas sans lutte 
qu'une telle separation a ete obtenue et nous n'avons r^ussi que depuis 
quelques ann^es k isoler les uns des autres, dans les hdpitaux d'enfants, 
ceux qui sont atteints de dipht^rie, de scar la tine, de rougeole ; dans les 
salles de chirurgie, k distinguer les blesses en deux categories. Enfin, 
depuis un an, nous avons cr^e des quartier s ou des hdpitaux speciaux 
pour les malheureux tuberculeux. 

Un exemple permet de jugerTimportance de cette reforme et les diftl- 
culies de son application. 

En 1856, le professeur Tarnier etait interne k la Malemite de Paris; la 
mort enlevait une femme sur 17 accouchees. MO par un sentiment de pro- 



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VARlfeTES. 59T 

fonde piti^ pour ses malades, giiid6 par une sagacity exceptionnelle, une 
perseverance qui n'a connu aucnne d^faillance, Tarnier parvint k ^tablir 
que le'germe de la fi^vre puerp^rale se transmet d'une femme malade k 
ses voisiDe&; ii lui falint dix ans pour faire pln^trer sa conviction dans 
Tesprit de ses confreres, il lui fallut dix autres ann^es pour obtenir la 
construction d'un pavilion dans lequel les accouch^es fussent absolument 
Isoldes entre elles. On perdait une ferome sur 17, il n'en succomba plus 
qu'une sur 100. 

Qu'avait f$ut Tarnier? II avait appliqu6 le principe que TAcad^mie avait 
formula il y a un si^cle: il avait isol^ les malades dangereux les uns pour 
les autres. 

Depuis lors votre Compagnie a entendu expose r devant elle les im- 
mortelles d^couvertes de Pasteur. Elle sait que, dans des conditions 
ddtermin^es, les m^thodes antiseptiques pr^servent les malades de tout 
contage. 

Ce serait une erreur de croire qu'elles suffisent dans toutes les circon- 
stances. Dans un grand nombre de cas, le principe de Tisolement peut 
encore seul £tre appliqu^. L'expdrience faite dans les hdpitaux nous a 
moutr^ sa valeur, les d^couvertes de Pasteur nous out appris qu'il n'y a 
pas de maladie contagieuse naissant par generation spontanee. 

D^s* 1860, Trousseau disait: « Je professe que les maladies conta- 
gieuses se s^ment de graines, par consequent se transmettent par des 
graines. » 

Ce principe a triomphe dans Torganisation des hdpitaux actuels. Son 
application est encore bien incomplete, mais il n*est plus conteste. 

Devons-nous nous arreier? Pouvons-nous, quittant le malade rerua 
Tbopital, ne pas nous demander oii il a contracte sa maladie, dans quelles 
conditions elle est survenue, et ne devons-nous pas rechercher si celles-ci 
ne peuvent pas etre modiiiees? 

G'est sur ces candidats k Tbdpital que je voudrais appeler votre pitie. 
Je demande k TAcademie de prendre leur cause en main, de faire pour 
eux ce qu'elle a fait, il y a un siede, pour les malades de THdtel-Dieu. 

U est etabli qu'^ llidpital les maladies contagieuses se propagent de lit 
a lit. Ce qui est vrai dans les h6pitaux Test egalement en ville. C'estdans 
les logements etroits, encombres, que ces affections se cultivent. Le nombre 
des contacts se multiplie en raison de retroit espace accorde k chaque 
habitant. G'est dans ces logements insalubres que seconstituehtdes foyers, 
c'est de \k qu'ils rayonnent, frappant dans le voisinage et parfois k de 
longues distances, etablissant une solidarite funeste entre tons les citoyens 
d'une ville et mdme d*une nation. Cela est incontestable pour les maladies 
dites epidemiques, les fl^vres eruptives, par exemple; cela est vrai egale- 
ment pour d'autres maladies que Ton tient pour moins suspectes. Je vou- 
drais concentrer votre attention surtout sur Tune d'elles, la phtisie. 

Voyons comment elle se propage. Quand plusieurs personnes occupent 
une chambre unique, souvent pen spacieuse, si Tune d'elles devient tuber- 
culeuse, est-il possible de preserver les autres? 

Combien de fois les medecins n'ont-ils pas eu devant les yeux le triste 
tableau soivant: un onvrier vit assez k Taise dans une ou deux chambres 



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598 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

avec sa femme et ses enfants. II est pris de tuberculose. Sa femme le 
soigoe avec un d^voaement qui, je le dis avec fiert6, est une r^le dans 
lQU3 les milieux de notre soci^t6. Elle lutte pour subvenir aux besoins de 
sa famille; les ressources s'^puisent, la maladie du man s*aggrave, la mi- 
s^re s'abat avec ses privations sur la m^re et les enfants. Gette derni^re 
tombe malade, contagionnee par son mari; tous deux prennent le chemin 
de rh6pital. Les enfants sont recueillis par TAssistance publique, mais 
celle-ci les regoit inocul^s eux-m§mes par legerme de la maladie, vou^s k 
Ja mort ou aux infirmit^s. 

Ce n*est pas \k un fait exceptionnel, pris au hasard ; c'est le spectacle 
auquel, impuissants, les m^decins assistent chaque jour. 

G'est ainsi que se propage, se multiplie de plus en plus la tuberculose, 
qu'elle enl^ve les parents par phtisie et les enfants par la m^ningite, la 
tuberculose osseuse ou intestinale. 

De ces foyers primilifs la phtisie irradie dans la vide, en fait un centre 
redoutable pour le reste du pays, et comme gr4ce aux facilit^s de la circu- 
lation, les n^alades vont chercher k la campagne, dans des zones priviU- 
gi^es, une gu^rison ou une amelioration, ils diss^minent danstoute T^ten- 
due du territoire les germes de leur maladie. 

Chaque ann^e, la tuberculose tue en France plus de cent cinquante 
mille personnes. Elle pent revendiquer le cinqui^me ou le sixi^me de la 
mortality totale. Elle frappe sortout les jeunes, ceux qui n'ont pas d^pass^ 
vingt-cinq ans ; les uns n'ont pas encore constitu6 une famille, les autres, 
plus malheureux, en ont une; ils laissent leur femme trop souvent conta- 
tamin^e, des enfants qui tombent k la charge de TAssistance publique, 
gr^vent les Qnances de la commune et font plus tard, s*ils survivent, des 
hommes peu vigoureux. 

L'accoutumance est un terrible mod6rateur, elle ^mousserimpression, 
et nous assistons impassibles k ce d^sastre continu, se r6p6tant chaque 
ann^e. Nous ne semblons pas avoir conscience de sa gravit^. Prenons un 
example : n'eprouvons-nous pas un sentiment d'indignation, de rivolte, 
quand un accident deplorable, mais limits dans ses efTets, une explosion, 
une collision sur un chemin de fer, fait, comparativement k la phtisie, un 
nombre restreint de victimes. 

G'esl Timpr^vu, la crainte de Tinconnu qui nous etreint. La plus meur- 
tri^re des epidemics de cholera qui ait ravage la France, celle de 1854- 
1855, a fait en deux ans 145 000 victimes, un peu moins en deux ans que 
le tribut annuel de la tuberculose. Qui de nous n'a present k Tesprit Temo- 
tion provoquee, 11 y a quelques mois, par la crainte de voir debarquer 
dans nos ports la peste qui regnait k Bombay ? Gette crainte a boule verse 
le commerce. 11 en est de meme de toutes les epidemies. Le cholera de 
1884 a codte k laseule place de Marseille plus de 80 millions. 

Je voudrais eveiller en vous, pour les epidemics permanentes de tuber- 
culose, lliorreur que vous fait eprouver la crainte des autres fleaux. 

Je le veux pour deux raisons : nous ne sommes pas desarmes, nous 
pouvons enrayer la propagation de la tuberculose, nous n'avons pas le 
droit d'excuser par notre impuissance notre indififereiice apparente ; puis 
la phtisie n'est pas incurable, elle guerit m^me plus souvent que bien des 



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VARlfeTtS, 590 

maladies qui n'ont pas la m6me r^putatioD de gravity devant ropinion 
pnblique. 

EUe ga6rit si bien qu'h rouyerture des corps, dans plus de la moiti^ 
des eas, nous trouTons les traces d'uue luberculose aucienne, d^fiuitive- 
ment enray^e, n'ayant aucun rapport avec la cause de la mort. II en est 
ainsi rndme chez ceux que leur genre de vie, leurs habitudes ont priv^s des 
soins n^cessaires. Gette certitude doit augmenter notre courage et auto- 
rise k imposer pour la preservation et le traiteraent des tuberculeux des 
mesures d'un caract^re radme un pea vexatoire . 

II 7 a trente ans, eu 1865, Yillemin a d^montr^ que la tuberculose est 
iuoculable, contagieuse ; en 1882, R. Koch a determine les caract^res du 
germe tuberculeux. Nous savons comment celui-ci se propage, nous con- 
naissoDS notre ennemi, ses moBurs : deyons-nous renoncer k le combattre? 

GrAce aux travaux des ^l^ves de Pasteur, de Nocard en particulier, nous 
. sommes ou nous aliens ^tre arm^s pour en pr^serrer nos stables: ne pou- 
▼ons-nouB pas faire pour Tesp^ce humaine ce que nous prescrivons pour 
Tesp^ce borine ? 

Ou se fait la propagation de la tuberculose ? L'exp^rience de tons les 
slides nous r^pond : Dans les grandes villes. Ceux qui ont creus^ le pro- 
bl^me d'un peu plus ^hs ont fait remarquer que, k Paris, par exemple, la 
mort par tuberculose se rdpartit bien in^galement, qu'elle pr^l^ve une dime 
deux fois plus ^lev^e dans les quartiers pauvres, \k oil le logement est 
insalubre et encombr^ ; que, dans les communes ouYri^res qui entourent 
Paris, k Saint -Ouen, par exemple, la mortality par tuberculose est trois 
fois plus ^ley^e que dans les quartiers riches de la capitale. 

D'ailleursy si les conditions qui provoquent la maladie dans les grandes 
Tilles se produisent dans des agglomerations de moindre importance, le 
taux de la mortalite par tuberculose s'^l^ve et d^passe celui de la capi- 
tale. Ainsi, iOOOO habitants perdent chaque aim6e, k Paris, 31 tubercu- 
leux; Laval et Foug^res en perdent 60,8 i. Pourquoi ? Parce que \k encore, 
du moins il en 6tait ainsi il j a trois ou quatre ans; les tissserands Ira- 
vaillent dans des caves sombres et humides. 

Je pourrais multiplier les exemples, suivre Passot k Lyon et vous 
d^rire des logements tellement noirs, tellement humides, que, suivant 
son expression, « ils no conviendraient pas k des animaux », suivre le 
0^ Maurin k Marseille, vous montrer avec le D' Ou Mesnil ce qu'est le 
logement du pauvre a Paris. Partout ce sont les m^mes vices et j'ajoute- 
rai, parfois s'y ajoute une cruelle exploitation du pauvre par des dtres im- 
pitoyables. Chevalier, en 1857, a rapports Thistoire d'un terrain de 5 hec- 
tares, lou6 5 000 francs, et sous-lou^ par tranches k des mis^rables qui y 
avaient 6difid des huttes de toute esp^ce. Ce terrain donnait un revenu de 
22600 francs. 

Ceux qui ont lu le livre de M.Du Mesnil savent que la situation ne s'est 
pas modifl^e. 

II ne faodrait pas croire que ces logements insalubres, encombr^s, ne 
se rencontreut que dans les villes. Les m^decins de la campagne, les 
0» Munaret, Layet, Monin, nous ont ^clair^s sur ce point. Nous-m^mes, 
pendant les missions dont nous avons ^t^ charges lors des ^pid^mies de 



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«00 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

cholera, de suette, de typhus, en avons observe dans toutes les regions de 
la France. A Tourlavilie, dans la Manche, onze terrassiers couchaient dans 
nne ancienne Stable, sans fenfire, n'ayant d'air que par la porte, les lits 
se touchaient et on ne pouvait les atteindre qu*en passant les uns sar les 
autres. Six de ces ouvriers furent atteints de cholera en deux jours. 

Ge qui domine dans les vices de Thabitation dn paysan, c'est I'absence 
^'air et de soleil. Les oavertures sont r^duites an minimum. G*est k ces ha- 
bitations que peut s'appliquer le proverbe persan :«L& ou le soleil etl'air 
n*entrent pas, le m6decin entre souvent. » Nous dirions plnt6t pour la 
campagne la maladie entre souvent, car le paysan n'appelle pas volontiers 
le m^decin. 

II y a un si^cle, c'^tait dans les h6pitaux que la promiscuity assurait la 
formation de foyers de pestilence et de mort ; aujourd'hui c*est dans les 
logements insalubres, encombr^s que se cultive la tubercnlose. II en est 
d'ailleurs de m6me pour le cholera, le typhus, la peste. 

Les mddccins anglais venus k la conference de Venise, au commence- 
ment de cetle ann6e, nous oat donn6 sur ce point les relations les plus 
d^monstratiyes. Peu d'Europ^ens furent atteints de la peste k Bombay 
parce qu'ils habitaient des maisons saines, planch^i^es, mais| dans ces 
m^mes maisons les Indiens qui couchaient au rez-de-chauss6e, surlaterre 
battue, etaieiit frapp^s en grand nombre. 

Cette question des logements insalubres, la seule sur laquelle en ce 
moment j'appelle votre attention, n'estpas neuve en France. En 1850, un 
mouveroent g^n^reux provoqua T^laboration d'une loi sur les logements 
insalubres. A la t^te des combattants, nous trouvons les noms de plusieurs 
membres de Tlnstitut. Inspir^e par un noble sentiment, cette loi fut mal 
concue dans ses moyens d'aclion, et Tun de nos confreres actueU, M. Th^o- 
phile Roussel, pouvait, d^s cette ^poque, annoncer k la Chambre des 
^^put^s qu'elle resterait sterile. La prediction de M, Th^ophile Roussel se 
r^alisa malheureusement de point en point. 

Un grand nombre de nos confreres flrent de louables efforts ; ils con- 
stitu^rent des soci^t^s particulidres et cr6^rent des maisons ouvri^res 
salubres.^ Mais que peut la meilleure volonte si elle reste Isolde ? Nous 
admirons leur ardeur, leur perseverance, qui ne s*est pas dementie depuis 
un demi-siede ; elies ne sont pas restees sans resultal, mais devant Tim- 
mensite du mal, lorsque chacun est solidaire de son voisin, qu'attendre de 
rem^des locaux, sans coordination entre eux ? 

Le Parlementest de nouveau saisi de la question. Les esprits les plus 
droits, les plus ouverts aux idees gen^renses restent hesitants; obliges 
d'etablir une loi sur une base scientiflque,ils se deOent de leur competence. 
Si I'Academie veut se saisir de la question, si elle rent se souvenir de 
Toeuvre accomplie il y a un si^cle, du succ^s obtenu, je ne doute pas qn'elle 
ne donne k ce probieme une solution aussi henreuse. Lorsqu'elle aura 
mis en pleine lumiere les necessites auxquelles il faut pourvoir, les der- 
nieres hesitations s'evanouiront. 

11 y a quelques mois, M. Bernaert, president du Conseil des ministres 
de Belgique, recevait k Bruxelles les membres du Gongr^s des logements 
insalubres. 11 leur disait : « Ge sera Thonneur de notre temps d'avoir corn- 



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VARlfeTfeS. 601 

pris, mieux qu'aucane autre ^poque, qu*il y a des int^r^ts imp^rieuse- 
ment collectifs, que le bien de chaque partie du corps social est n^cessaire 
-au bien des antres, que le d^voaement etFamour du prochaiu ne sont pas 
seulement des vertas mais des devoirs, et qu'il appartient k ceux qui sont 
arrives aa sommet de la colline d'aider les autres k y parvenir k leur 
tour. » 

C'esl cette ceuvre de salut que je mets, plein de confiance, entre les 
mains de TAcad^mie des sciences. 



Socl6t6 des Visitenrs des Pauvres. 

DISCOURS DE M. JULES LEMAITRE 

L'Assembl^e g^n^rale de la Soci^t^ des visiteurs des pauvres 
dont nous avons parl6 dans notre dernier .num6ro, a tenu le 
dimanche 30 Janvier son assembles g^n^rale annuelle, sous la pr^si- 
dence de M. Jules Lemaitre, de TAcad^mie fran^aise. 

Apr^s la lecture d'un int^ressant rapport de M. Ren6 Bazin, 
M. Jules Lemattre a prononc^ une allocution charmante, pleine 
d*esprit et de bon sens; nous sommes heureux de la reproduire in 
extenso. 

Mbsdames, Messieurs, 

Yous connaissez le mot d*Augier. Une dame, venant d'entendre un 
pr^dicatenr k la mode, s'^crie avec admiration: «ll a ditsurla charity des 
choses si nouvelies! — A-t-il dit qu'il ne fallait pas la faire? » demande 
quelqu'un. Des choses noavelles, je crois bien que, sur ce sujet-li, on n'en 
trouve gu^re depuis T^vangile. Je ne vous en dirai done point : je ne ferai 
que vous r^p^ter k ma mani^re ce que j'ai la dans le simple et Eloquent 
rapport de M. Ren^ Baziu, et ce qui etait auparavant dans vos esprits et 
dans vos coeurs. 

Ne nous flattens point. £tre charitable m^me au hasard et sans discer- 
neraent, cela &^']k veut un effort. Les pharisiens, peu estim6s de J^sus, don- 
naient la dime. Or c*est d^j& tr^s rare de donner le dixi^me de son re- 
vena. II y a des gens, mdme riches et assez bons, pour qui ce serait un 
veritable arrachement. Mettons cependant tout au mieux. On a, je suppose, 
bonne volenti. On fait assez volontiers Taumdne. On la fait sans orgueil. 
On la fait dans une pens^e de reparation et de restitution, comme le re- 
commandaient les P^res de I'^glise, pour qui la 'conception roraaine de la 
propri^te — jus utendi et abutendi — ^tait une damnable erreur, el aux 
yeax de qui certaines fortunes d^mesur^es 6taient par elles-m^mes un 
scandale et un p4ch6. 

Mais avec les meilleures intentions et ie plus ferme propos de n'^tre 



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602 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

point ^oiste ni avare, on est sou?ent fort embarrass^. Dans les petits 
groupes ruraux, m^me dans les petites villes* on salt ou sont les pauvres 
et qui iissont. A Paris il en va autrement. Un des crimes de la civilisa- 
tion industrielle et scientifique, |c'est en entassant les tdtes par millions, 
d'isoler les 4mes. Dans ces agglomerations des grandes villes, oh les riches 
et les pauvres ne se connaissent point et sont plus s^par6s par les moBurs 
qu'ils ne F^taient jadis par les institutions, ou toute communication 
semble couple entre ceux qui p^tissentet ceux qui seraient disposes k les 
secourir, et ou, par surcrott, on a^ se garder des professionuels de la men- 
dicity, il y a une chose aussi difficile que TefTorl de donner, c*est de savoir 
h. qui donner; c'est d'atteindre les pauvres. 

Et les atteindre n'est pas tout : on voudrait leur apporter un soulage- 
ment efficace. 11 en est, par mi euz, dont la mis^re est telle — quelquefbis 
h61as!4 cause de leurs vices — qu'elle ne peut 4tre, pour ainsi dire, 
qn'entretenue et prolong6e. Ge n'est pas que vous vous d^sint^ressiez de 
ceux dont le cas parait sans remade, ni m^me des misi^rables qui ne sont 
pas vertueux. Mais vous ne pouvez toutfaire et vous 6tes bien obliges de 
vous en remettre, pour emp^cher ceux-14 de mourir de faim, k des ceuvres 
plus ancieunes et plus riches que la v6tre. Ge que vous vous proposez, 
c'est justement d'enlever des recrues posssible k la sombre et dolente 
arm^e du vice pauvre et de la d^tresse sans espoir. Vous recherchez ceux 
qui peuvent encore ^tre sauv^s. L'article premier de vos nouveaox statuts, 
fruit d'une experience genereuse,*deflnit ainsi votre objet : « La Society des 
Visiteurs a pour but de venir en aide k des families qui, se trouvant dans 
rimpossibilite momentanee de subvenir k leurs besoins, sont reconnues 
susceplibles d'^chapper, grdce k un appui temporaire, k la mis^re defini- 
tive. » 

Quand vous avez trouv^ vos pauvres, une seconde difficulte se pr^sente : 
c*est.d'etablir entre eux et vous des rapports vraiment affectueux et qui 
leur semblent, It eux com me k vous, « naturels ». II n'est pas eommode 
d aborder les pauvres d'un air qui soit exempt d'affectation, qui ne sente 
ni un effort Irop grand, ni, d'autre part, le contentement de soi et le sen- 
timent de sa superiority. Ges gens que vous voulez aider sont souvent tr^s 
difrerents de vous par Teducation, par les mani^res, par tout le detail de 
la vie extedeure. lis ne sont pas toujours agreables k voir. 11 j a, chei eux, 
des choses qui peuvent d'abord vous choquer, et I'impression que vous en 
recevez risque de vous donner un air de contrainte. Par suite, Jl est k 
craindre que le premier mouvement de vos clients ne soit la defiance, et 
que cette defiance fasse bient6t place k I'hypocrisie. 

Surtout, il faut se garder de TafTreuse « condescendance » de certains 
philanthropes. II faut venir aux pauvres comme de plain-pied. II faut les 
convaincre que nous les aimons tout simplement parce qu'ils sont des 
hommes comme nous; et je ne sais qu'un moyen de les en convaincre, 
c'est de les aimer en efTei. 

Les aimer... cela ne va pas tout seul. Pour en arriver li, les personnes 
pieuses trouvent une aide merveilleuse dans leur foi. Elles crotent au prix 
inestimable et k la sainte egalite des dmes rachetees par le m^me Dieu. 
G'est en ce Dieu qu'elles les aiment, et, en ^travaillant pour les pauvres, 



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VARlfeT]6S. 60S 

elles travaillent pour kii. Rien, j'imagine, n'^gale en puissance ces myst^- 
rieuses raisons. 

On peut ndanmoins concevoir d'aulres excitants d'une vraie charit^^ 
d'un sincere amour des hommes. C'est d*abord le sentiment de la solida- 
rity humaine, laquelle est un fait, quoique nous ne Tapercevions pas tou- 
jours. G*est Tid^e que chacun est int^ress^ au bien-Stre et h la sant6 mo- 
rale de tons et inversement; et que si la soci^t^, dont nous neretirons^nous 
aatresy qoe b^o^fices, commet des erreurs ou des oublis et fait des vic- 
times, noas en de?enons responsables, pour notre part, d^s que nous nous 
retranchons dans notre ^goisme. C'est encore I'ld^e que, seui, un hasard 
heureux nous a pr^servd des n6cessit6s qui oppriment les pauvres et qui 
parfois les r^duisent k un abaissement moral que nous aurions peut-Stre 
subi comme eux si nous avions ^t6 k leur place, mais qui, d'autres fois^ 
d^veloppent en eux des vertus dont nous n'aurions peutr^tre pas 6t6 ca- 
pables. C'est aiissi un sentiment de fraternity dans la souffrance, la fai- 
blesse et Tignorance commune k tons les hommes, ricbes ou pauvres. 
C'est enfln la preoccupation de ne point laisser d^croltre, par notre faute, 
ia somme de vertus indispensable k la vie de Fhumanit^, et de sauver de 
ce tr^sor fragile et necessaire tout ce qui peut encore en dtre sauv6 ; c'est le 
d^sir de rechercher s'il ne subsiste pas, chez ces dtres accabl^s, humili^s 
et ulc6r^s par leur triste destin^e, quelques germes de noblesse et de di- 
gnity morale, de preserver ces germes et de les faire fructiQer; bref, 
d' a Clever » les malheureux par la mani^re dont on leur tend la main. 

lis vous accorderont pen k peu leur conQance, s'ils sentent en vous une 
fraternelle pens^e et que vous ne vous croyez pas meilleurs qu'eux ni 
d'une essence sup^rieure. En 6tant trfes simples et trfes francs; en y met- 
tant, s'il se peut, de la bonbomie ; en les Iraitant comme des hommes ; en 
respectant d'avance — sans vains discours, mais par votre facon d'etre — 
la dignity que vous leur supposez, vous la ferez renaitre en eux, Des con- 
seils, des recommandations, des services plut6t que des aumdnes ; Taide 
spirituelle, qui rend efficace le secours materiel et Tempfiche d'6tre humi* 
liant,voila la v^rit^. Vous I'avez parfaitement compris. La forme que vous 
savez donner k votre charity imp lique que vous regardez le pauvre comme 
6lant moralement votre ^gal et comme n'^tant pas incapable de le devenir 
mSme socialement. D^s lors, vous pouvez causer ensemble. Tout cela, je le 
rdp^te, est d^licat dans la pratique, demande de la patience, de la finesse, 
du tact. Mais ce tact, vous Taurez si vous avez de la bonne volenti et un 
bon coeur. 

Vous en serez recompenses, soyez-en sClrs. L'esprit de votre societe 
est excellent : il n'a rien d'etroit, rien d'adminislratif ni de formaliste. U 
respecte votre iiberte et vous excite mSme k en user ; il d^veloppe en vous 
I'iuitiative, TefTort individuel, tout comme si vous eiiez des Anglo-Saxons. 
Votre oeuvre vous fait mieux connaitre la vie et les hommes. En sorte que 
la charite, comme vous Tentendez, non seulement sauve et ei^ve les 
autres, mais vous ameiiore vous-m^mes etvous fortifle ; que c*est k vous- 
mSmes aussi que vou& la faites, et que vous etes les obliges de vos 
obliges. 

Je suis etonne des propos edifiants que je vous ai tonus, et j'en 



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«04 REVUE PHILAMHROPIQUE. 

^pronve qaelque pudeur, car mes paroles valent ^videmment mieux que 
moi. Mais vous ne m'accoserez pas d'avoir voulu me faire valoir en les pro- 
non^ant, puisque je vous ai pr^veaus que ce que j'exprimerais ici, ce se- 
raient vos propres pens^es. 

Jules Lemaitre. 



Mouvement de la Population de la France en 1896 (f). 

Naissancex et cUc^s, — L'ann^e 1896 offre des r^sultats totalement 
difT^rents de ceux des ann^es prec^denles et parliculi&rement de l*ann^e 
1895. En efTet les chifTres de 1895 ^taient loin d'etre favorables au d^velop- 
pement de la population de la France : nous avions eu k constater un 
exc^denl de 17813 d^c^s sur les naissances, et je disais, k cette occasion, 
que la situation m6ritait d*attirer toute I'attention des pouvoirs publics et 
du Parlement. Tout au conlraire, en 1896, nous avons le plaisir de constater 
un exc^dent de 93 800 naissances sur les d^c^s, et si nous additionnons les 
r^sultats des deux ann^es, nous trouvons un boni total de 111 513 en fa- 
veur de 1896, form^ k la fois de Texc^dent de 1896 proprement dit et du 
deficit de 1895. 

En 1896, si les d^c^s out diminu^ de 88100, en tombant de 831980 
pour 1895 k 771 886 en 1896; de leur c6t6, les naissances, qui n*^taient que 
de 834173 en 1895, sont pass^es eu 1896 k 865 686, soit une progression 
de 31 413. D*oii il r^sulte que ces naissances, quirepr4sentaient21,4p. 1000 
habitants en 1895 sont remont^es k 22,7, tandis que les d6c^, qui avaient 
donn^, en 1895, 22,4 p. 1000, ne donnent plus, en 1896, que 20,2. Cest 
done, k tons ^gards, une amelioration r^elle que nous devons relever, sans 
toutefois avoir la pretention de Texpliquer et surtout d'en tirer des con- 
clusions trop generates que des faits ulterieurs se chargeraient peut-^tre 
de r^duire k n^ant. 

Gomparons Tann^e 1896 avec celles qui Font pr^cedee, et, pour que 
cette comparaison soit plus concluante, remontons k 1871 ; ?oyons ce que 
nous foumit cette p6riode d*un quart de si^cle. Pendant cette p^riode, 
nous avons vu les naissances d^passer 900 000 par an, et atteindre, 
en 1872 et en 1876, 966 000. A partir de cette derni^re ann^e, la diminution 
est presque constante, et 1896 elle-mfime n'^chappe pas k cette reraarque, 
bien qu'elle remonte aux cbiffres de 1876. 

La moycnne des naissances de la p^riode de vingt-six ans est de 907 000: 
nous sommes done encore sensiblement au-dessous de cette moyenne. 

Par contre, les d^c^s sont en notable diminution sur I'ensemble de la 
p^riode que nous examinons : la moyenne, en efifet, 6tait de 852 000, soit, 
en 1896, une diminution de 81000 ou 9,5 sur cette moyenne. 

(1) Extraits du Rapport sur le mouvement de la population en iS96 adress^ & 
M. le ministre du Commerce par le Directeur de TOfflce du travail, public au 
Journal officiel du 24 d^cembre 1897. 



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VARlfeTfeS. 



605 



Or, il y a deux raoyens d'accrottre une population : c*est i'accroisse- 
meat des naissances, d'une part, et, d'autre part, la diminution de la mor- 
tality; k ce dernier point de vue, Tann^e 1896 a donn6 lieu k des consta- 
tations satisfaisantes. 

On a dit qnelquefois que Taugmentalion du nombre des mariages 
^lait suivie d'un accroissement du noinbre des naissances : il ne 
faudrait pas faire de cetle assertion un principe absolu, car pr6cis^- 
ment le nombre des mariages, en 1895, avait baiss^ de 3 744 unites et s'est 
relev6 en 1896. Ce rel^vement n'a pu exerccr sur la natality, en cette ra^me 
ann^e, qu'une inOuence peu considerable. D'autre part, ies naissances na- 
turelles ont aussi augments de 3000, c'est-&-dire contribue pour 10 p. iOO 
a I'accroissement total des naissances. 

Nous ne parlous que pour m^moire des morl-n^s, au nombre de 
42054, chifTre a peu prds ^gal a la moyenne des autres ann^es. 

Void, du reste, le tableau comparatif des naissances et des d^c^s pen- 
dant la derni^re p^riode d^cennale : 



Excddent 



Aon^es. 
1887.. 
1888.. 
1889.. 
1890.. 
1891.. 
1892.. 
1893.. 
1894.. 
1895.. 
1896.. 



Naissances. 


D^cds. 


des naissances. 


des ddc 


899333 


842797 


56536 


V 


882639 


837867 


44772 


» 


880579 


794933 


85646 


» 


838059 


876505 


» 


38446 


866377 


876882 


» 


10505 


8o5847 


875888 


» 


20041 


874672 


877526 


7146 


M 


855388 


815620 


39768 


» 


834173 


851986 


» 


17813 


865586 


771886 


93700 


» 



En somme, Tann^e 1896 est la meilleure de la derni^re p^riode d^cen- 
nale, et il faudrait remonter k Tann^e 1883 pour trouver un semblable 
excddent de naissances. 

Mariages et divorces. — Au sujet des mariages, nous aurons peu de chose 
k ajouter k la remarque faite pr^c^demment : I'ann^e 1896 atteint, k 
quelques unit^ pr6s, le chiffre de 1892, soit 290000. Ce chifTre est sensi- 
blement le plus ^lev^ de la p6riode qui s'est ^coul^e depuis 1871, exceple 
pour Ies ann^es 1872, 1873, 1874 et 1875, ou Ies mariages ont, k la suite 
des 6v*nements de 1870-1871, atteint un niveau trfes ^iev* qui n'a pas 6t4 
constate dans le courant de ce si^cle. 

Quant aux divorces, ils suivent leur marche progressive. Partis de 4277 
en 1885, ils atteignent en 1896 le chiffre de 7051, en progression de 308 
surle r^sultat de 1895. Du reste, au point de \iie purement d^mographique, 
Ies divorces n*ont sur le mouvement de la population qu'une influence a 
peine sensible, puisqu'ils ne repr^sentent que 0,18 p. 1000 et qu'un certain 
nombre de ces divorces sont suivis de nouveaux mariages. Voici, du reste,. 
le tableau compart des mariages et des divorces pendant la derni^re p^- 
riode d^cennale : 



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606 REVUE PIllLANTHROPlQUE. 

Anndes. Mariages. Divorces. 

1887 277060 3636 

1888 276848 4708 

1889 272934 4786 

1890 26^332 5437 

1891 • 285458 5752 

1892 290319 5772 

1893 287294 6184 

1894 286662 6419 

1895 282218 6743 

1896 290171 7051 



Observations gin^rales, — Si maiotenant nous passons k Texamen des 
d^partementSy nous constaterons que tons, sans exception, ont pris part k 
Tam^lioration que i'ann^A 1896 pr^sente snr 1895. Tons ne pr^sentent pas 
des augmentations de naissances : trois seulement font exception : ce sont 
la Corse, qui en compte 78, le Loiret 94 et la Haute-Savoie 24 en moins 
qu'en 1895. Et encore ces d^partements pr^sentent-ils une amelioration sur 
Tann^e 1895. 

La Corse a compte 552 d^c^s de moins que I'ann^e pr^c^dente, le Loiret 
1 124 et la Haute-Savoie 463. Ces m^mes d^partements pr^entent aussi des 
exc^dents de naissances sur les d^c^s : la Corse 1 999, le Loiret 793 et la 
Haute-Savoie 652. Le Var compte, il est vrai, 28 d^c^s de plus qu*en 1895, 
mais en revanche il ofTre 269 naissances en plus. 

II parait inutile d'entrer plus profond^ment dans le detail de chaque 
d^partement. Ce sont toujours les mSmes regions qui produisent les mdmes 
ph^nom^nes, soit comme naissances, soit comme d^c^s. Ce sont ^galement 
les d^parteraents industriels qui comptent le plus de naissances naturelles 
relativementit leur population. 

Quant aux manages, le progr^s ne s'est pas exerc^ d'une mani^re aussi 
g^n^rale que dans les naissances. On compte en effet vingt-trois d^parte- 
ments dans lesquels le nombre des manages a ^t^ inf^rieur k celui de 
Tann^e 1895. Ceux qui se distinguent dans cette diminution sont, pnr 
ordre d'imporlance:laVienne (205),laHaute-Garonne (124), Vaucluse(112), 
la Haule-Loire (109), le Pas-de-Calais (96), etc. Dans tous les autres, le 
nombre des mariages a ^U sup^rienr aux chiffres ant^rieurs. 

En ce qui conceme plus sp^cialement le d^partement de la Seine, il 
repr^sente 363 mariages de plus pour 1896, 1 462 naissances en plus, soit 
pr^s de 2 p. 100, et 5057 d^cfes eu moins, soit 6,8 p. 100. 



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CHRONIQUE ETRANGfeRE 



Angleterre. 

l'assistange publique a londres en 1897 

Depuis de longues ann^es, le journal [le Times a I'habitade, k Noel, de 
publier une 6tude sur la situation de TAssistance publique a Londres 
L'article de d^cembre 1897 pr^sentait un int^rfit particulier en ce qu'il 
n'^tait pas seulement un r^sum^ des progr^s accomplis dans I'ann^e, mais 
qu'il comprenait une vue d'ensemble sur revolution de TAssistance depuis 
plus de quarante ans. Nos lecteurs nous sauront gr6 de mettre sous leurs 
yeui les principaux passages de ce longettrfes precieux rapport. 

Les anciens « workhouses » de Londres, — Nous ne saurions mieux montrer 
Timportance des changements accomplis qu*en donnant tout d*abord quel- 
qoes renseignements sur ce qu'^tait un workhouse de Londres sous Tancien 
regime. Vers i8oO, M"^' de Morgan, relatant ses impressions personnelles 
sur le workhouse d\i quartier Saint Pancras , comprenant de i 400 k 
1 700 hOtes, ^crivait : 

« Pour arriver k rinfirmerie, le visiteur traversait une cour oil se trou- 
vaient un grand nombre d'idiotes, d'^pileptiquea et de folles, jeunes et 
vieiileSy creatures iuoffensives, mais navrantes k voir, surtout quelques- 
ones des filles, qui saisissaient le v^tement du visiteur et le suppliaient 
de leur donner des sucreries, ou de leur faire rendre leur liberty. On ren- 
contrait souvent parmi elles de pauvres femmes afflig^es de dilT^rentes 
sortes de maladies ou de deformations. Les paroles inarticul^es, les 
bi-uyantes querelles de ces tristes creatures qui n'avaient aucune chance 
de recouvrer la sant6 ni la liberty, faisaient de cet endroit un veritable 
enfer : « Qurconque y entrait laissait derri^re lui Tesp^rance. » 

M^me les vieiUards infirmes ^talent soumis k un regime alimentaire qui 
leur accordait, trois ou quatre fois par semaine, du boeuf bouilli tr^s dur 
ou de la viande coriace. lis recevaient, les autres jours de la semaine, le 
bouillon de ce boeuf additionn^ de quelques pois. Dans toute la maison 
r^gnait nn besoin terrible de boire. 

Une implacable classification ^tait partout appliqu^e. Tous les vieiUards 
4^taient mis ensemble et les vieilles femmes 6taient condamn^es k vivre 



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608 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

en tie elles; de sorte que tout stimulant dans la torpeur de leur existence 
^tait accueilli avec joie. La fi^vre 4tait en permanence dans le dortoir des 
femmes en coaches, ou les lits ^latent tr&s serr^s, tandis que les enfants 
hospitalises avaient une apparence m^lancolique, tons, sans exception, 
etant atteints d'ophtalmie. « lis Tattrapent d^s qu'ils entrent ici », expH- 
qua-t-on k M^^ de Morgan. Le fait semblait 6tre consid^r^ comme an inci- 
dent ordinaire de la vie des workhouses, 

Le dortoir des gardens ne contenait d*aatre mobiiier que 40 petits Ills, 
ranges d'uo c6te de la pi^ce. 11 y avait de Tautre c6t6 un ruisseau k d^coa- 
Tert qni se d^versait dans un conduit commaniquant, k Text^rieur, avec 
un gros tujau; de telle sorte que les gaz qui montaient de I'^gout rendaient 
Tatmosph^re de la pi^ce intolerable. Le quartier des ali^n^s ^tait encom- 
br^ el ils ^taient si mal soign^s que Ton s'aper9ut, une fois, que les draps 
et les couvertures de leurs lits n'avaient pas ^t^ changes pendant seize se- 
maines. Si bien que lorsque enfln on les enleva, on pensa qu'il valait 
mieux en faire un brasier dans la cour. II existait aussi deux ateliers daus 
la maison. Dans Tun on se livrait aux travaux k I'aiguille; dansTautre, les 
gar9ons apprenaient le metier de charpentier. Mais il y a an fait bien hor- 
rible et tr^s significatif, c'est que M^^ de Morgan trouva les ouvri^res occu- 
pies k coudre des linceuls, tandis que les gargons aldaient le charpentier 
k clouer des cercueils. Les femmes avaient travaill6 aux linceuls toute la 
semaine, et il y avail une telle demande de cercueils que le charpentier 
n'avait pas le temps d'enseigner a ses ^l^ves k faire autre chose. 

Et rien ne nous indique que la vieille maison de refuge de Saint Pan- 
eras f&t plus mal tenue qu'aucun autre wof*khouse de I'^poque. 

Le commencement des riform»is. — La p6riode des r^formes s^rieuses, en 
ce qui concerne Torganisation des workhouses, semble dater surtout du 
jour de Tintervention de T^l^ment f^minin, repr^enl6 par le petit groupe 
de dames visiteuses k la tSte desquelles ^tait M™' de Morgan. G'^tait pen de 
chose encore, mais c'6tait la negation de la vieille th^orie qui voulait que 
les affaires du workhouse, malgr^ la grande proportion de femmes et d'en- 
fants qui Thabitaient, malgrd ses mille et un details domestiques, fussent 
oxclusivement g^r^es par des hommes. Le comity des dames visiteuses de 
M°^* de Morgan est 'probablement le premier qui ait 6i^ approuv^ par un 
Gonseil d' Administration de la taxe despauvres. 11 fut suivi, eni857,d'une 
oeuvre connue sous le nom de Society des visiteuses des workhouses, Cette 
society etait due k Tinitiative de M"<> Louisa Twining qui, par sa plume el 
autrement, avail d^jii tant fait pour appeler I'altention publique sur Torga- 
nisation des workhouses de Londres. 

Les soins aux malades. — Parmi les diff^rentes r6formes qui ont et^ 
effectu^es, les plus frappantes sont peut-^tre celles qui concement le trai- 
tement des pauvres malades et d^cid^rent de I'^tablissement des inflrme- 
ries et de Tam^lioration du service des soins. 

Comme nous Tavons indiqud plus haut, sous I'ancien syst^me, les pau- 
\Tes malades ^taient install^s dans un quartier qui faisait parlie du work- 
house, lis y etaient soign^s par des hospitalises comme eux qui recevaient, 
en recompense de leurs services supposes, quelques rations de nourriture 
ou d'alcool. 



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CHRONIQUE feTRANGiRE. 609 

Le premiere chose k faire 4tait de s^parer compl^tement le quartier 
des malades de celui des hospitalises. En 1867, une loi dans ce sens fat 
promulgate. G'^tait un ^norme progr^s. Aajourd*hui,des infirmeries, in- 
stances avec tons les perfectionnements desirables, recoivent les malades. 
L'organisation y est aussi parfaite qae dans Th^pital le mieax dirigC. 

Garde-malades des pauvres, — La question des garde-malades des 
paavres a longtemps prCoccape les dmes charitables en Angleterre. En 1879, 
on petit comite de dames, parmi lesquelles nous retronvons le nom de 
M*^** Louisa Twining, qui s'est associCe k tous les rCcents progr^s de I'as- 
sistance en Angleterre, fonde une Association de « garde-malades des 
workhouses ». Le but Ctait de faire placer k la t6te de toutes les infirme- 
ries des personnes expCrimentees et de foumir des gardes aux inOrmeries 
de Londres et de la province. 

AprCs dix-huit ans d'efPorts et de luttes, la Society a 616 dissoate,le 
1" dCcembre dernier. La plus grande difilculte qu'elle ait rencontrCe est 
le recrutement de ses 61^ves. La plupart des postulantes devaient Hve 
ecartCes k premiere vue.Gelles qui continuaient jusqu'au bout le cours de 
leors etudes etaient extremement rares. Ces femmes aimaient mieux en- 
trer dans les hdpitaux ou soigner des particuliers que de donner leurs 
soins aux indigents sous les ordres d'une directrice qui, souvent, manquait 
de competence. 

Traitement des maladies contagieuses. — Les reformes de 1867 compre- 
naient la creation d'un Gomite des Asiles metropoli tains qui devait pour- 
Yoir k I'installation d'etablissemenls spCciaux pour les maladies conta- 
gieuses [et particuli^rement la petite verole qui est une des plaies de 
Londres. Deux h6pitaux furent install es, oil Ton pouvait soulager en tout 
600 malades. Mais, par suite de la mauvaise volonte ou de Tincurie des 
auloritesdu service hygienique de laville, les asiles metropoli tains furent 
amenes k admettre les malades non indigents et Tencombrement devint 
tel que de nouvelles constructions bient^t s'imposerent. Pour faire face aux 
exigences nouvelles, le Gomite des Asiles poss^de actuellement neuf hdpi- 
taux separes pour recevoir les malades dans la periode aigu€ et deux 
pour les convalescents. Ges etablissements reunis peuvent hospitaliser 
5 497 malades. Le Gomite se voit force de faire bdtir k Lower Tooting un 
hdpital qui contiendra encore 500 malades. Un autre est projete k Garshal- 
ton pour les convalescents de la il^vre scarlatine et de la diphterie. II re- 
cevra environ 700 malades. Si Ton consid^re que, pendant le cours de 
Tannee 1897, on a re^u notification de 23 500 cas de flevre scarlatine, 
13000 cas de diphterie et 3 200 cas de fi^vre enterique, ce qui fait un total 
de 39700 cas, on comprendra Timportance de la tdche confiee au Gomite. 

Les a enfants de V£tai ». — Les enfants indigents furent longtemps lais- 
ses, dans les workhouses, au quartier des femmes, negligence qui ne 
manquait pas de donner les plus mauvais rCsultats. 

Plusieurs unions (groupements de plusieurs paroisses pour Tentretien 
des pauvres) cre^rent des ecoles des pauvres vers 1834. Mais ces ecoles 
etaient ruineuses pour celles des unions qui comportaient seulement un 
petit nombre d'enl'ants et le recrutement des maitres etait difficile. En 
1844, un acte du Parlement autorisa les unions k se grouper pour fonder 

REVUE PHUiAirrHnOPIQUE. — II. 39 



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610 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

des ^coles de district ou les enfants de plusieurs unions [seraient rassem- 
bl^s et 61ev^s dans un ^tablissement commun. En 1861, la Commission 
d'6ducation, frapp^e des services rendus par ces^coles'de district, demanda 
que leur creation devint partout obligatoire. Gelte id^e pr^valut si bien 
qu'en 1867 un acte de ['Assistance publique de Londres d^cr^ta que les 
enfants seraient retires des workhouses et places dans des ^tablissements 
s^par^s. 

Peu k pen les 6coles de district devinrent une institution aassi rSpandue 
dans la capitale qu'ailleurs et en m^me temps leurs avantages commence 
rent k 6tre contested. L'id^e premiere 6tait que les ^coles seraient instal- 
16es pour 300 ou 500 enfants. Mais elles prirent le caract^re de veritables 
casernes ou Ton r^unissait, dans certains casjusqu'^l 000 ou 1 500 enfants 
et davantage. On fit remarquer, entre autres, que dans ces 6tablissements, 
les enfants perdaient toute individuality el n'avaient aucune chance de|res- 
sentir cette sympathie qui est indispensable au d^veloppemeut normal de 
tout ^tre jeune. En dehors du tort caus6 k TMucalion intellectuelle et 
morale des indigents, on s'aper(^ut que la reunion d'un aussi grand nombre 
d*enfants, tir^s des bas quartiers les plus misdrables de la ville, avait de 
s^rieux inconv^nients au point de vue hygi^niqueet propageait plusparti- 
culi^rement les maladies des yeux. 

Le placement. — Ce sont des considerations de ce genre qui ont sugg^r^ 
le syst^me du placement dans les families pour remplacer la caserne- 
^cole. Le Gonseii (Poor Law Board) se livra h une enqu^te minutieuse sur 
la question et, apr^s avoir et^ tout d'abord (^nergiquement oppose au sys- 
t^me, il emit en 1870 un d^cret qui indiquait aux bureaux de bienfaisance 
la superiority du placement en famille sur les ecoles de district, les ecoles 
independantes et les ^coles de workhouse, Le nouveau syst^me donua des 
resultats si satisfaisants que, pendant Tannee suivante, ii ne se forma pas 
moins de 30 comitds de placement. 11 y en a mainienant 243, en Angleterre 
et dans le pays de Galles, 35 de plus qu'en 1896. Gependant le nombre des 
enfants places ne represente qu'une faible parlie du nombre des enfants 
assistes. Dans la capitale, par exemple, sur 17807 enfants entretenus par 
rimpdt il n'y en a que 1 000 qui soient places dans des families. 

Malgre Texcellence reconnue de ce syst^me, plusieurs objections ont 
ete soulev^es, inspir^es surtout par la difficult^ de trouver un assez grand 
nombre de personnes recommandables d^sirant prendre chez elles les 
enfants. Au lieu du placement, deux unions de Londres ont adopts le sys- 
t^me connu sous le nom de cottage homes, qui consiste k organiser un groope 
d'asiles s^par^s contenant chacun 40 garcons ou de 30 k 40 filles. Une autre 
union, celle de Saint-Giles, Gamberwell, pr6conise un syst^me d'asiles 
eioign^s les uns des autres. D'aprfts cette conception nouvelle, les membres 
du bureau de Tassistance louent des maisons particuli^res dans difTerentes 
parties de la ville et n'y logent pas plus de 16 enfants confi^s k la garde 
d'une famille. Les enfants vont k Tecole du quartier el vivent de Texistence 
d'enfants ordinaires. 

Un dernier syst^me vient d'etre propose par V Association proiectrice des 
Enfants Assist^s fondde en Janvier 1897. 11 tend non seulement k obtenir 
la dissolution des grandes agglomerations, afin que les enfants soient eie- 



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CHRONIQUE feTRANGfeRE. 611 

v6s, autant que possible, dans des families ou de petits groupes, raais il 
tend encore k ^viter aux enfants tout rapport avec le workhouse et avec les 
fonctionnaires qui ont affaire aux indigents. On laisse entendre que ce 
projet entralnerait T^tabiissement d'autres asiles que les workhouses, 
d'autres fonctionnaires que ceux du Poor Law et aussi un d^partement et 
un comity de TEtat en dehors du conlrdle direct du Local Government 
Board. De toutes les r^formes propos^es sur la question des enfants asbis- 
t^s ce dernier projet est certainement le plus vaste. 

Des diff^rentes experiences tent^es par I'Administration il r^suite que 
les grandes agglomerations d'enfants sembleut a jamais condamnees en 
fayeur de l'6ducation dans les families et des groupements partiels. 

Patronage des Filles Assist^es, — II fut un temps ou la situation des filles 
assistees etait deplorable. Ne connaissant que fort peu ou pas du tout les 
plus simples devoirs de la m^nag^re, elles s'en aliaient en qu^te d'une 
place de domestique pour laquelie elles n'etaient aucunemeut qualiOees. 
Sans personne au monde pour les conseiller et les soutenir elles erraient 
d'une place k I'aulre et flnissaient presque invariablement dans la rue. En 
theorie, les filles assistees qui entraient dans une place etaient surveill^es 
par le commissaire des pauvres. Mais, apr^s s*etre assure que leur pre* 
miere place etait conveoable, ce fonctionnaireperdait de vue lafille quand 
elle s'en allait ailleurs... En 1875, sur les instances de M™* Nassau, la pre- 
miere inspectrice de TAssistance, fut fondee V Association m^tropolitaine de 
patronage des jeunes servantes. Tons les ans, environ 300 filles de quatorze 
fk quinze ans quiltent les ecoles des pauvres pour entrer en condition. 
Aujourd*hui chacune de ces filles, grdce k une entente entre TAssociation 
et le Bureau de bienfaisance, est dotee d'une dame protectrice qui ira la 
voir dans sa place, s'interessera k son sort, Taidera par differents moyens 
iorsque son appui sera necessaire et la recommandera k une autre dame 
protectrice Iorsque la jeune servante changera de quartier. Et ce n'est pas 
tout. L'Association, au besoin, enseigne aux jeunes filles leur service, leur 
fournit un logement convenable quand elles sont sans place, leur procure 
des vetemenls s*il est necessaire et les soigne en cas de maladie. Cette sol- 
licitude est accordee aux jeunes filles jusqu'd vingt ans. A cet Age elles ne 
sont plus officiellement reconnues pas TAssociation. Mais il arrive souvent 
que bien avant cette epoque les relations entre la visiteuse et sa protegee 
sont devenues une amitie qui sera conservee k cette demiere pendant 
toute sa vie. II j a actuellement 21 maisons de refuge appartenant k I'Asso- 
elation et le nombre de jeunes servantes pourvues de dames protectrices 
est d'environ 8000. Plus de 1000 dames s'occupent de la protection des 
jeunes servantes. Le sauvetage moral opere par TAssociation est dans une 
proportion de 80^ 90 p. 100. 

Les femmes dans les Commissions d*assistance, — Nous avons vu que des 
1854 il s'etait forme une societe de dames visiteuses des workhouses, Les 
resultats furent constates excellents dans tons les etablissements visites. 
De plus, la lumiere fut faile sur la question de Torganisation des workhouses 
en general et du traitement des femmes et des enfants en parliculier. Mais, 
bien que les societes de dames visiteuses fussent d'une utilite indeniable, 
leur pouvoir etait limite aux recommandations, aux membres du bureau et 



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612 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

k telle action qui leur ^tait permise par ces fonctionnaires. On pensa entin 
qu'il 6tait desirable que les femmes eussent une voiz dans la direction 
d'institutions qui int^ressaient aussi vivement leur sexe. G'est en 1875 que 
M^^" Martha Merrington fut ^lue membre du bureau de Kensington. D'autres 
dames suivirent son exemple. 11 y a actuellement 921 dames ponrvnes du 
mSme titre. 95 d'entre elles font partie des bureaux de Londres. 

Les indigents non assist^s. — Dans une ^tude sur la situation des pauvros 
officiellement assist6s, pendant une period e aussi longue que le r^gne de 
la reine Victoria, il ne faut naturellement pas perdre de vue les differentes 
influences, les diff^rents agents qui ont concouru k ^carter de I'Assistance 
publique des gens qui, autrefois, eussent re^u des secours au moment de 
leurs infortunes. Les soci^t^s amicales et les socidt^s ouvri^res ont certai- 
nement eu une tr^s grande influence dans ce sens. La large expansion des 
h6pilaux a 61oign^ des infirmeries des unions des milliers d'indigents qui 
s'y fussent autrement r^fugi^s. 

Des institutions telles que la Charity Organization Society, la Salvation 
Army et les innonibrables associations philanthropiques de toute sorte ont 
fait beaucoup pour soulager les mis^res qui, autrefois, ^taient secourues 
exclusivement par TAssistance publique (Poor Law), A Londres enparticu- 
lier, nous devonsnousrappeler que pendant prds dequarante ans la soci^t6 
juive a secouru elle-m^me ses pauvres. Quiconque sait combienia mis^re 
juive est ^tendue et profonde dans le quartier East-End de Londres com- 
prendra toule la difGcult^ de la t&che. 

Une entreprise trds utile, dontToeuvre demande une mention sp6ciale, 
c'est la Church Army. Uestvrai que lorsque cette arm^e fut fondle, en 1B82, 
«lle n'avait d'autre but que de combattre Tirr^ligion des classes ouvriferes. 
L'exp^rience montra bientdt que la condition temporelle de la classe con- 
•cem^e demandait autant de soins que sa condition spirituelle, En 1888, 
Taccroissement considerable du nombre des vagabonds, des criminels et 
des ivrognes a Londres et autre part d^cida la soci^t^ k creer une sec- 
tion sociale et k ouvrir des maisons de travail. Le but de cette action so- 
dale ^tait de d^montrer k la nation et k TEglise comment on peut ^viter 
la charity inconsid^r^e en ^tablissant un sjst^me complet d'assistance 
ayant pour bases la philanthropie, le travail et la religion et pour objectif 
le rel^vement d'individus soigneusement s6Iectionn6s. Les dlff^rentes 
branches du c6td social de Tarm^e comprenuent : les maisons de travail 
pour les vagabonds, les asiles de nuit, la nourriture populaire k bon mar^ 
ch^, la ferme d*exp6riences pour les Emigrants, le potager, un asile pour 
Jes hommes, un syst^me de bons de travail, un syst^me d'^migration, des 
blanchisseries pour les femmes, des maisons de sauvetage pour les femmes, 
avec sections particuli^res, des asiles pour les femmes, un bureau de pla- 
cement, un dispensaire pour femmes et enfants, un d^partement des vieux 
v^tements. Le r^sultat de toute cette organisation est non seulement de 
soustraire les indigents k Tassistance, mais encore d'en faire des contri- 
buables. En recompense de ses efforts, Tarm^e re^oit annuellement des 
subventions de beaucoup de bureaux de bienfaisance el, k en juger d'apr^s 
Texpose ci-dessus, Targent ainsi donnd est bien employ^. 

Slatistique. — D'apr^s les rapports officiels de d^cembre 1897, le nombre 



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GHRONIQUE jfeTRANGtRE. 613 

des indigents dela ville de Londres ^tait de 104619. II ^tait de 104611 dans 
la semaine correspondante de 1896, de 106716 en 1895 et de 104418 
en 1894. On voit done que le chiffre actuel indique une angmentation de 
8 indigents snr celui de I'an dernier, une diminution de 2097 sur 1895 
(qui fut une ann^e de mis^re excepiionnelle causae par la temperature) 
etune augmentation de 201 sur 1894. Les indigents hospitalises etaient au 
nombre de 67301, alorsqu'on en comptait 66585 dans la semaine corres- 
pondante de 1896, 67216 en 1895 et 66614 en 1894. Les pauvres secourus 
k domicile 6taient 37 318 en 1897, 38026 en 1896, 39500 en 1895 et 37 804 
en 1894. Done, si Ton compare Tann^e i897 avec 1896, leschifTres nous 
montrent un accroissement de 201 pour les hospitalises et une diminution 
de 708 pour les non-hospitalises. 

En ce qui concerne la d^pense causae par le soulagement de cette masse 
d'indigents et de malades, il suffira d'iodiquer, d'apr^s le dernier rapport 
du Local Government Board, que la taxe destiii^e k couvrir les frais de Tas- 
sislance a ete de 13 shillings 8 pence 1/4 (17 fr. 07 1/2) par t6te pour la ca- 
pitale et de 5 s. 6 1/2 d. (6 fr. 90) dans le reste du pays. 

Gaston S^vrbtte. 
(D'aprdsle Times.) 



Espagne. 

LA CONTAGION TUBERCULEDSE A l'6C0LE 

11 7 a vingt ans, des professeurs de faculty de ro^decine enseignaient h 
leurs el^ves que la tuberculose n'etait point contagieuse. Cetait avant les 
decouvertes de Pasteur et, parlanf, avant les travaux de Kocb. II faut re- 
connaltre que, sur ce point, le pressentiment popuiaire avait devance la 
science. Le pr^juge d'alors est devenu une verite d'aujourd'hui, verity qui 
a produit une revolution dans Tbygiene et la medecine modernes. 

On n'hesite plus, dans les armees europeennes, k reformer le soldat, 
des Tapparition des premiers symptdmes de la tuberculose; et, en atten- 
dant qu'il y ait un nombre sufftsant d'hdpitaux speciaux pour le traitement 
de cette maladie, on separe les tuberculeux des autres malades en leur 
afifectant des salles speciaies dans les hdpitaux ordinaires. G'est ainsi qu'on 
les isole, k Lariboisiere, k Laennec, k Tenon, etc. Les sanatoria se mul- 
tiplient (1). L' Assistance s'occupe de repandre un notice br^ve et claire in- 
diquant les precautions qui permettent d'eviter la contagion. II n'etait que 
temps d'aviser, car ce redoutable mal fait chez nous tons les ans plus de 
200 000 victimes. G'est beaucoup pour une affection qu'Hippocrate, dit-on, 
considerait coram e « la plus curable de toutes les maladies ». 

Apres avoir pris les mesures que comportait la situation pour les hdpi- 

(1) V. le Sanatorium d'Angicourt et la curability de la tuberculose pulmo- 
naire, par le D' A.-R. Plicque.— ilepMc Philanthropique^ t II, n«» 8, decembre 1897,. 
p. 244 et suiy. 



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614 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

taux et les casernes (1), les ra^decins ont ^t^ amends & s'occuper de la 
tuberculose, k T^coie et dans les families (2). (V. le rapport du D^ Thoinot 
dans le dernier num^ro de la Revue Philanthropique.) A ce sujet, voici, en 
abr^g^y robservation instructive publi^e par le D' Jean Givit, dans la Ga- 
zette m^dicale de Barcelone novembre 1897. 

Une vacance s'^tant produite k T^cole primairede Blancafort, proyince 
de Tarragone, le poste fnt confi^ k un mailre d'exp^rience et de valeur, 
lequel, malheureusement, soufTrait d'une tuberculose dejk fort avanc^e. 
Les ravages da mal 6 talent d^j^ visibles sur toute sa personne. Aussi, 
Tinstituteur ne trouva pas dans tout le village une faniille qui consentit k 
lui fournir le logement et la nourrilure (car, k d^faut de science, les villa- 
geois ont le pressentiment que la tuberculose est contagieuse). 

Bref, rinstituteur dut se loger dans une portion de r6cole, une cbambre 
voisine de la salle de classe ; et il eut k son service une vieille femme 
veuve (la croyance populaire ^tant que les personnes kg^es sont moins que 
les jeunes sujettes a la contagion). 

De menus services lui ^taient rendus dans son interiear par quelques- 
uns de ses ^l^ves, ceux en qui il avait le plus de confiance, ceux qui se 
montraient le plus appliqu6s, faveur tenue en grande estime par les 
enfants et que le mattre r^mun^rait aa moyen de friandises et autres re- 
compenses. 

L'^cole, quelque pen ddlaiss^e dans les premiers temps, ne tarda pas k 
s'emplir, grdce au prestige du nouveau matlre. « Le nombre des ^l^ves d^- 
passa 90 et 100 : Tinstituteur en admettait plus que T^troitesse du local ne 
Vetki permis... La terrible maladie suivaitsamarcbe: acc6sdetoux r^p^t^s, 
cracbats expector^s sur le sol, acc^s de sutfocation, surtout aux beuresdes 
repas, sueurs,etc. ;il passait les beures de classe tant6t assis, tant6t debout, 
au grand contentement de ses ^l^ves qui appr^ciaient fort sa direction. » 

Le temps se passait, et, malgr^ les progr^s du mal, malgr^ les conseils 
de ses amis qui Tinvitaient k se soigner, le maitre demeurait k son poste. 
Les preventions des premiers jours aval en tdisparu; une famille avait con- 
sent! k le prendre comme pensionnaire ; lorsqu'il fut cmporte par une 
tuberculose pulmonaire. Gela avait dure an an. 

« Trois mois apr^s la mort de Tinstiluteur un de ses ei^ves pr^f^r^s 
succombait k une tuberculose milliaire aigue; c'etait an enfant de douze k 
treize ans, n*ayant jamais fait de maladie, ne presentaut aucun antecedent 
morbide d*aucune sorte, et dont les parents etaient des paysans sains et 
robustes. 

« Pen de temps apr^s la mort de cet enfant, un de ses freres, &ge de 
douze k treize ans fut atteint de tuberculose pulmonaire et succomba qnatre 
ou cinq mois apr^s les premieres manifestations de la maladie. L'alne 
avait rempli a Tecole les fouctions de moniteur, aidant le maitre, Tappro- 
cbant, communiquant avec lui pendant la classe et bors de la classe, lui 
rendant eniln dans son menage les petits services dont il a ete question 
plus baut. 

(1) V. Revue Philanthropique ^ n* 3, p. 438, et n" 4, p. 593. 

(2j V. le Bulletin de P. Strauss, Revue Philanthropique, t. 11, n* 9, p. 415. 



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CHRONIQUE feTRANGfeRE. 615 

« EnTiron huit mois apr^s, un autre ^l^ve studieux, qui avait, lui aussi, 
rempli les fonctions de monitenr et appproch^ le mattre, tombamalade,et, 
malgr^ les soins dont il fut I'objet, succomba k la tuberculose apr^s six 
mois de maladle. II 6tait Ag6 de onze k douze ans, comme les autres, et, 
comme eux, sans antecedents morbides. 

« Un autre enfant de 7 ans, tombe malade six mois apr^s la mort de Tin- 
stituteur, succomba k une mHiingite tuberculeuse, apr^s une vaioe et 
longue lutte contre le mal — car Tenfant jouissait auparavant d'une excel- 
lente constitution — sa m^re, quelque peu an^mique, supportait sans se 
plaindre tons les travaux de la maison et des cbamps; le p^re^eiait un ro- 
buste paysan. » 

Ces divers cas doivent Hre imputes k la contagion; etvoici, sansdoute, 
comme elle se produisit : « Le local qui servait de classe etait tr^s eiroit 
(5 metres de long sur 2^,50 de large) et hermetiquement clos, car le 
maltre redoutait les courants d'air. L'air, vu le nombre des ei^ves, y deve- 
nait toxique ; Tinstituteur expectorait ses cracbats ; la classe etait balay^e 
deux fois par semaine par les Aleves euz-mSmes; les cracbats dess^cb^s 
pulverises, meltaient des bacillesde Kocb dans Talmospbere... » Le reste 
se devine. 

La protection de Tenfance contre la tuberculose est un point tr^s im- 
portant de Thygi^ne sociale. 

« L'ecole est, k tons les points de vue, unendroil fort perilleux, ennotre 
pays surtout, oil les etablissements d'instruction primaires reunissenl les 
pires conditions bygieniques. » 

L'Etat doit compte aux p^res de famille de la vie de leurs enfants; il 
doit assurer la securite de l'ecole, et exiger par une loi, non seulement la 
capacite intellectuelle, mais la capacite physique des mattres : « Aucun 
poste ne devrait etre confle sans s'fitre assure que le titulaire reunit, outre 
les aptitudes professionnelies, les conditions pbysiques necessaires pour le 
bienremplir. » 

Les ecoles primaires de France ne sont pas, heureusement, dans ces 
tristes conditions : c*est une satisfaction pour nous et un devoir de le 
constater. Nos bdtiments scolaires — celuxedu gouvernement de la Repu- 
blique — constituent un facteur important de la sante publique. Ce titre 
seul, k defaut d'autres, suffirait pour justifier les depenses qu'ils ont occa- 
sionnees. 

Dans nos ecoles en6n, maitres et ei^ves sont soumis k des visites me- 
dicales et k de sages mesures d*bygiene qu'on ne saurait trop louer. Est-ce 
k dire que tout le possible a ete fait dans cet ordre d'idees, et que les pres- 
criptions les plus indispensables ne sont pas quelquefois regardees comme 
de simples formalites? Nous n'aurions garde de Taffirmer. 

Marius Dupont. 



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INFORMATIONS 



Projet de loi concernant la reprdsentation des panvres et 
radmlnistaration des ^tablissements d'assistance. 

Void le texte du projet de loi d^pos^ par le gouvernemeQt sur le bureau 
da S^nat sur la reunion des commissions administratives des bareaux^de 
bienfaisance et des hospices . 

I. — DES ^TABUSSEMENTS COMMUNAUX 

Art. premier. — Uue commission, dite « Commission communale d'as- 
sistance », est charg^e dans ehaque commune de representor les pauvres, 
de g^rer leur patrimoine et d'administrer le bureau de bienfaisance, le bu- 
reau d'assistance m^dicale, les hospices, hdpitaux et autres ^tablissements 
constitu^s comme 6tabiissements publics communaux d'assistance. 

Dans ehaque commune un bureau de bienfaisance est charge du service 
de la bienfaisance k domicile. 

Les orphelinats, creches, asiles et aulres institutions, ayant un objet 
d'assistance communale, peuvent 6tre constitu^s comme 6tablissements 
publics par d^cret rendu en Gonseil d'Etat. 

Art. 2. — La commission communale d'assistance est compost du 
maire et de six membres renouvelables : deux sont 61us par le Conseil 
municipal ; les quatre autres sont nomm^s par le Pr^fet. ; 

Toutefois, dans les communes ou il existe un h6pital ou hospice, le 
nombre des membres renouvelables est (1x6 a douze, dont quatre 61us par 
le Gonseil municipal et huit nomm^s par le Pr^fet. 

Art. 3. — Les bureaux de bienfaisance contribuent aux d^penses ordi- 
naires de I'assistance mSdicale gratuite dans la proportion fix6e ehaque 
ann^e par la Commission, et qui ne pent exc^der le cinqui^me de leurs 
revenus non affect^s k une destination sp^ciale. 

Art. 4. — Les dons et legs faits au profit des pauvres, sans autre desi- 
gnation ni affectation, seront, par Tacte d'autorisation, et apr^s avis de la 
Commission, r^partis entre les divers etabllssements ou mis en reserve en 
vue d'une destination determin^e. 



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INFORMATIONS. 617 

n. — DES 6TABUSSEMENTS INTERCOMMUNAUX 

Art. 5. — Lorsqae denx ou plosieurs communes se proposent de fonder 
on ^tablissement intercommunal d'assistance , il est form6 entre euzun 
syndicat, suivant les regies ^dict^es par la loi du 22 mars 1890. 

II est proc6d6 dans les mdmes formes lorsque des dons on legs ont ^t^ 
faits k deux ou plusieurs communes, en vue de la creation d'un 6tablisse- 
ment d'assistance. 

Art. 6. — L'^tablissement est administr^ par une Commission dite 
« Commission intercommunale d'assistance », et compos^e du maire de la 
commune oh il est situ^ et des six membres renoavelables choisis dans les 
commissions d'assistance des communes int^ress^es : deux sont Mus par le 
Comity du syndicat; les quatre autres sont nomm^s par le pr^fet. 

Art. 7. — Le Comity de syndicat determine, s'il y a lieu, et sur I'avis 
de la Commission, dans quelle proportion chacune des communes associ^es 
est admise k b^n^ilcier des services de T^tablissement, et doit contribuer 
aux frais de son entretien. 

La deliberation du Comity est soumise k Tapprobation des conseils mu« 
nicipaux. 

111. — DES ^TABLISSEMENTS DEPART EMENTAUX 

Art. 8. — Les institutions ayant un objet d'assistance d^partementale 
peuvent 6tre constitutes comme etablissements publics par d^cret rendu 
en Conseil d'£tat. 

Art. 9. — Une Commission, dite « Commission d6partementale d'assis- 
tance », est cbarg^e, s'il y a lieu, [d'administrer les fondations, dons et 
legs faits aux pauvres du canton, de Tarrondissement ou du d6partement, 
ainsi que les etablissements publics pr^vus k Tarticle precedent. 

Art. 10. — Cette Commission est compos6e du pr6fet ou de son d^l^- 
gne, president, et de huit membres renouvelables : quatre sont eius par 
le Conseil general; quatre sont nomm^s par lepr6fet.| 

Les d6i6gu^s du Conseil general peuvent etre cboisis en dehors de 
cette assembiee. [lis sont eius pour trois ans. L'election a lieu dans la 
session qai suit chaque renouvellement. 

Lorsqu'il y a lieu de pourvoir au remplacement d'un des d^Ugn^s du 
Conseil general avant le d^lai de trois ans, les fontions dunouveau membre 
expirent k T^poque oil auraient cess6 celles du membre qu'il a remplac^. 

Art. 11. ~ Le Conseil gen6ralou la Commission d^partemen tale, dans 
rintervalle des sessions, donne son avis sur les comptes et budgets, les 
autorisations d'acqu6rir, d'ali§ner, d'emprunter, d*6changer, de plaider ou 
de transiger, pr6sent6s par les 6tablissements publics d^partementaux 
d'assistance, sur Tacceptation des dons et legs qui leur sont faits. 

IV. — DES FONCTIONS COMMUNES AUX TROIX CAT6G0R[ES 

d'^tabussements 

Art. 12. — Le President des Commissions pr6vues aux articles 1, 6 et 9 
de la pr^sente loi repr6sente les etablissements en justice et dans les actes 
de la vie civile 



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618 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

II a, en outre, le droit d'accepter, k titre conservatoire, les dons ou 
legs, et de former avant Tautorisation toute demande en d^Iivrance. 

Le d^cret du President de la R^publique ou Tarr^t^ du Pr6fet qui in- 
tervient ult^rieurement a effet du jour de cette acceptation. 

Art. 13; — Lorsqu'un 6tablissementest dans le cas d'intenter oude sou- 
tenir une action judiciaire contre un autre ^tablissement administr^ par 
la m^me commission, il est form^ pour chacun des ^^tablisseraents int6- 
ress^s une commission distincte de trois membres: un de ces membresest 
61u par le Conseil municipal, le Comity du syndicat ou la commission d^- 
partementale, suivant les cas; les deux autres sont nomm^s par le Prefet. 

Art. 14. — Chaque 6tablissement conserve son patrimoine distinct et 
des comptes et budgets sont dresses separdment; des recettes ayant une 
alTectation sp^ciale y sont port^es dans un cheque particulier. 

Les revenus de chaque ^tablisseroent devant Hre appliques aux defenses 
des oeuvres en vue desquels il a ^t6 institue, sous reserve de la deposition 
contenue h Tarticle 3 de la pr^sente loi, et de la faculty accord^e aux hd- 
pitaux et hospices par les lois du 7 aoiit 1851 et21 niai 1873 d'apporter une 
portion de leurs revenus 'au traitement des malades k domicile et a Tallo- 
cation de secours annuels en faveur des vieiilards ou des inflrmes places 
dans leurs families. 

Art. 15. — La commission d^signe parmides membres un ordonnateur 
special pour chaque ^tablissement. 

EUe pent, en outre, designer un ou plusieurs commissaires charges de 
surveiller chaque ^tablissement. 

Art. 16. — Les lois qui r^gissent les commissions administratives des 
6tablissements de bienfaisance, ieur gestion et leur comptabilite, notam- 
ment les lois du 7 aoAt 1851 et du 21 mai 1873, 5 aolt 1874, sont, en tout 
ce qui n'est pas contraire k la pr^sente loi, applicables aux Commissions 
institutes en execution des dispositions qui precedent. 

Les dispositions de Tarticle 2 de la loi des 21 mai 1873,5ao(lt 1879 sont 
applicables k ces commissions. 

Art. 17. — Les hdpitaux cr^es en vertu des dispositions des articles 4 
et 26 de la loi du 15 juillet 1893 pourront, par le d^cret d'institution et en 
cas d'insuffisance de ressources, Hre temporairement except^s de Tappli- 
cation de Tarticle premier de la loi du 7 aoilt 1851. 

V. — DISPOSITIONS DIVERSES 

Art. 18. — Les institutions d'assistance qui n'ont pas d'eiistence legale 
pourront recevoir des legs si elles sont constitutes comme ^tablissements 
publics dans le d61ai d'une ann^e, k partir du d^c^s du testateur. 

La m^me disposition est applicable aux institutions d'assistance fondles 
par les d^partements ou les communes et qui o ont pas d'existence propre. 
Ces institutions ne peuvent ^tre constitutes comme ^tablissements publics 
que sur la demande de Conseil g^n^ral ou du Conseil municipal. 

Art. 19. — Les dons et legs faits aux d^partements ou aux communes 
en faveur d'une institution d'assistance fondle ou k fonder par eux sont 
accept^s par le prefet, au nom du d^partement ou par le maire, au nom 



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INFORMATIONS. 619 

de la commune, quand cette institution se rattache direclement h un ser- 
vice ddpartemental ou communal pr^vu et organist par la loi. 

Dans le cas contraire, ils sont accepi^s par la commission d^partemen- 
tale ou communale d'assistance, au nom de TinstitutioD, si celle-ci est 
constitute comme ^tablissempnt public, conform ^ment k Tarticle pr^c^- 
dent, ou au nom des pauvres, si Tinstiiution n'est pas [encore fondle. 

Art. 20. — II n'est pas d^rog^ par la pr6sente loi aux ordonnances, 
decrets ou autres actes du pouvoir ex^cutif en vertu desquels certains 6ta- 
blissements sont organises d'une maniftre sp^ciale, ainsi qu'aux disposi- 
tions qui r^gissent ies monts-de-pi^l^. 

Art. 21. — La pr^sente loi n'est pas applicable k la ville de Paris. 

Art. 22. — Desr^glementsd'administration publiqae d6termineront Ies 
mesures n^cessaires pour assurer I'ex^cution de la pr^sente loi, ainsi que 
ies conditions de son application k I'hygi^ne. 

Art. 23. — Sont abrog^s: 

1<» Le paragraphe 4 de Tarticle 5 de la loi des 21 mai 1873, 5 aodt 1879. 

20 Les paragraphes 2 et 3 de I'articie 10 de la loi du 25 juiilet 1893 et 
Ies paragraphes 1, 2 et 3 de Tarticle II de la mfime loi. 

Et g^n^ralement toules les dispositions de iois ou de r^glements con- 
traires k la pr^sente loi. 



Soci^t^ Internationale pour TMltude des Questions 
d' Assistance. 

La Soci^t^ internalionale pour I'^tude des questions d'assistance a re- 
pris ses seances mensuelles le 26 novembre 1807. 

M. le president Gaufr^s fait Texpos^ de ia situation actueile de i'Assis- 
tance par le travail. Sa communication, tr^s int^ressante et trds documen- 
t^e, se termine par les dix conclusions suivantes : 

1° L'assistance par le travail, destin^e aux n^cessiteux valides, est un 
progr^s^ sur la simple assistance, surtout faite au hasard; en exigeant de 
I'assist^ un effort, elle manage sa dignity. 

2<> II est bon de I'adjoindre autant que possible k l'assistance ordi- 
naire. 

3<» Comme elle vise au relevement moral des n^cessiteux, elle doit, en 
m^me temps qu'elle leur assure un salaire d'attente, s'appliquer k fortifier 
leur moral. 

4<^ Gette action morale suppose, 'dans chaque groupement, un nombre 
limits de n^cessiteux, avec un nombre sufflsant de personnes s'int^ressant 
activement k eux. Elle est done surtout afTaire d'initiative priv^e. 

o^ Ainsi comprise et limitde, Tassistance par le travail est impuissante 
centre les grands chdmages et les disettes. 

6" Les meilleures formes d'assistance par le travail sont celles qui four- 
nissent le travail agricole avec facility de longs s^jours. 

7* 11 est utile au point de vue moral et financier d'associer I'hospitalit^ 
de nuit k l'assistance par le travail. 



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620 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

8^ Plus les soci^t^s d'assistance par le trayail, en ^liminant les profes- 
sionnels de la mendicity, seront ouvertes aux n^cessiteux digoes d*iiit6r6ty 
mieux elles atteindront lenr but. De U, la convenance de I'enqu^te avant 
radmission, ou, k d^faut, d'un travail provisoire, consid^r^ comme ^prenve 
dn boa vouloir de Tassist^. 

9^ La multiplication de ces soci^t^s leur permettrait seule de r^aliser 
tout lenr programme eu rendant difficile la mendicity professionnelle et 
en poussant k Tentente entre les diverses soci6t6s charitables. 

10® U est essentiel que les boos Touloirs s'offrent en nombre k ces so- 
ci^t^s, pour les aider dans raccomplissemeut de leur oeuvre sociale. 

A la suite de cette communication, une discussion g^n^rale s'est enga- 
g^e k laquelle ont pris part MM. Brueyre, Van Brock, Lefort, Grosseteste- 
Thierry, Riviere, Barth^s, Drouineau, Cercueil et Matter. 

Yu la complexity de la question, les id^es g^n^rales ont senles ^t^ dis- 
cut^es et I'examen de cbacune des conclusions de M. Gaufr^sa^t^ renvoy^ 
k une stance ult^rieure. 

Le 24 d^cembre 1897, apr^s I'expos^ sommaire, par le Secretaire g6n4ral 
et le tr^sorier, de la situation morale et financidre de la Soci^t^, qui est 
tr^s satisfaisante, M. le docteur Bartb^s a expose k ses collogues le r^sum^ 
d'un travail qu'il vient de preparer pour le Gongrds des Soci^t^s savantes 
et relatif aux mesures k prendre pour I'amendement des jeunes detenus. 11 
a constate Taugmentation constante des charges de TAssistance 'publique 
et pr6conise la creation des soci^t^s de patronage. M. Brueyre a reconnu 
rinsufOsance des moyens mis k la disposition de Tadministration p^niten- 
tiaire pour Tamendemeut des enfaiits vicieux, moyens qui ne sont autres 
que ceux auxquels peuvent recourir les parents dans les cas ordinaires, et 
approuve la fondation de maisons sp^ciales interd^parte men tales. II a fait 
remarquer que la loi a d^ji pr^vu les comit^s de patronage et que c'est 
rinitiative priv6e qui fait actuellement d^faut. 

Apr^s un ^change d'observations auquel prennent part M** Pognon, 
MM. Van Brock, Lefort et les deux orateurs d^ji cit^s, la Society decide 
d'entendre dans une prochaine stance le travail ddtailie de M. Barlh^s sur 
la question. Dans la m^me stance, la Society a precede au renouvellement 
de son bureau pour 1898. Ont 6ti 6\us: 

President : M. Henri Lefort, inspecteur g^n^ral bonoraire des 6tablisse- 
ments de bienfaisance; vice-presidents : MM. Henri Monod, Hermann Sa- 
bran, Schmidt et Derouin; secretaire general: M. Alfred Muteau; secre- 
taire general adjoint : M. Muie; secretaires des seances : MM. Billon, Bel- 
min, Zenot ; bibliothecaire-archiviste : M. Belmin; tresorier : M. Van Brock. 



Comity de Defense des Enfants traduits en Justice. 

Le Gomite de defense des enfants traduits en justice a tenu sa seance 
de rentree le 19 Janvier dans la salle du conseil de I'ordre des avocats, 
que les bdtonniers, depuis huit ans que le comite fonctionne, ont mis gra- 
cieusement k sa disposition pour donner une marque de la sympathie da 



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INFORMATIONS. 621 

barreaa tout entier k I'oeuvre philanthropique ponrsuivie avec tant de per- 
severance par le comity. 

En I'absence de sod president ordinaire, M. Gresson, ancien bAtonnler, 
la stance etait pr^sid^e par M. Ployer, b^tonnier en exercice. — M. le 
garde des sceaaz Milliard avait tena comme ses pr^d^cesseurs k la chan- 
cellerie k ouvrir lui-merae cette stance solennelle, afin de t^moigner de 
rint^rdt profond que le gonvemement de la R^publique porte k la cause 
de Tenfance. L'assembiee tr^s nombreuse comptait les repr^sentants les 
pins eiev^s de la magistrature, du barreau et de radministration ; des 
s^nateurs, des deputes, des membres du Gonseil municipal de Paris et du 
Gonseil general de la Seine. 

M. le bdlonnier Ployer a d'abord salu6 le garde des sceaux et comnie 
chef de la magistrature et comme ancien confrere appeie k reprendre nn 
jour au barreau la place ^minente qu'il yoccupait. L'allocution du bdlon- 
nier, faite en des termes dont Teioquence n'etait que le moindre m6rite, a 
6te couverte d'applaudissemenls, et le garde des sceaux lui a r6ponda 
que, depuis I'origine du comity, il n'avait cess^, en sa quality de membre du 
barreau k Paris, de s^int^resser aux grandes questions qu'avait mises k 
i'etude le comite et que, place maintenant k la tete de la magistrature, il 
ayait consider^ comme un devoir de sa charge en mdme temps que comme 
un honneur pour lui de s'associer publiquement k des travaux qui se pro- 
posaient comme un but sacre de prendre la protection d'enfants d^sherites 
et malheureux, de les relever quand ils etaient coupables et de substituer 
de plus en plus aux chdtiments et k la repression des mesures preventives, 
par reducation et Thospitalisatioa. II a donne I'assurance que la chancel- 
lerie etudierait avec le sincere desir d*y donner la suile la plus favorable 
les resolutions qui lui seraient transmises par le comite et comme pre- 
miere preuve, il a fait connattre que, conformement aux voeux du comite, 
il avait adresse des instructions pour remplacer dans la plupart des cas la 
procedure du flagrant deiit vis-4-vis des mineurs de seize ans, par celle de 
rinstruction ordinaire, plus longue il est vrai, mais en definitive plus favo- 
rable k I'enfant. 

Apres quelques mots de M. Felix Voisin, conseiller k la Gour de cassa- 
tion, remerciaot vvvement leministre de la mesure dont il apris I'initiative, 
des rapports ont ete presentes par M. Guillot, secretaire general, par 
M. Brueyre sur la situation flnanciere, par M. Albanel,juge d'instruction au 
tribunal de la Seine, sur les comites de defense au recent Gongr^s de sta- 
tistique de Saint-Petersbourg. 

Nous publions in extenso dans le present numero le reroarquable rap- 
port de M. Adolphe Guillot. 



L' Amelioration des Grdohes. 

Le Gonseil municipal de Paris a decide, sur le rapport de M. Alfred 
Breuilie, qu'il imposerait desormais k toutes les creches subventionnees 
par la Ville de Paris le respect des prescriptions formuiees dans les rap- 



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622 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

ports de M. le docteur Badin sar le lait st^rilis6 et de If. ie doc tear Napias 
sur rinstallation et la tenue des cr^hes. 

Aux termes de cette deliberation, les 32 creches subventionn^es par la 
Yille de Paris poor une somme de iOOOOO francs pour 1898, n'auront droit 
h cette aide que si leurs administraleurs s'engagent k accepter les con* 
dilions suivantes: 1<» ne donner que du lait st^rilis^ aux eufants allait^s ar- 
tiflciellement ; 2<' donner aux m^res de ces enfantsla provision de lait ste- 
rilise n^cessaire pour la nuit et pour les jours od la creche est fermee; 
3<> inscrire regulierement sur un regislre ou des Aches speciales les pes^es, 
faites k iutervalles r^guliers, des enfants de la creche; 4® se soumettre aux 
analyses de lait que rAdministration, d'accord a?ec la Commission des 
creches, jugerait k propos de r^clamer; 5<» d*engager k faire tons am^na* 
gements, transformations, installations, transferts, desinfections ; k suivre 
toute methode — soitdsns les soins, soit dans le choix du personnel — 
qui peuvent assurer rhygi^ne et la sante des enfants et que I'Administra- 
tion indiquera, d'accord avec la Commission des creches; 6^ s'engager k 
soumettre les comptabilites et comptes k Texamen de Tinspecteur des 
caisses. 

Dans ie cas oh des creches ne croiront pas devoir accepter ces condi- 
tions, il en sera r^f^re au Conseil municipal par un rapport de rAdministra- 
tion. 



L'Assistance aux Vieillards et inflrmes Indigents. 

M. Paul Strauss a depose sur le bureau du S^nat la proposition 
suivante que nous reproduisons avec son expose des motifs : 

Messieurs, 

La loi de finances a institue, k partir du !•' Janvier 1897, un regime 
d'assistance facultative a la vieillesse indigente d*une portee restreinte et 
d'une efticacite mediocre. II convient de ne se faire aucune illusion sur le 
caract^re de cette tentative, destinee k preparer et pour ainsi dire k 
amercer la reforme definitive. Le principe de la contribution des com- 
munes, des deparlements et de I'^tat a ete promulgue une fois de plus, 
une promesse a ete faile; toutefois, cette promesse doit etre tenue k href 
deiai, si Ton veut eviter tout mecomple. 

Depuis 1889, grdce k Tinitiativede Charles Floquetet de M. Henri Ifonod, 
les pouvoirs publics sont saisis. En 1892, le Conseil supeWeur de TAssistance 
publique adoptait un projet de loi dont les dispositions essentielles s'im- 
posent avec autorite a Tapprobation du Parlement. 

Ce projet de loi a ete depose k la Chambre sous forme de proposition 
par MM. Emile Rey et Lachi^ze, deputes; il a ete accepte avec certaines 
modifications par la Commission de mendicite et rapporte par M. Fleury- 
Ravarin sans avoir ete discute en seance publique. 

Le principe de Tassislance obligatoire k la vieillesse necessiteuse a ete 
proclame par la Societe generale des prisons, le Congr^s international 



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INFORMATIONS. 623 

d'assistanee publiqne de 1889, le Gonseil sup^riear de TAssistance publiqne, 
le Gongr^s p^nitentiaire de Paris, le Gongr^s d'assistanco de Rouen, il vient 
d'etre reconnu par le Gouseil d'Etat, auquel le gouvemement avail soumis 
pour examen juridique et complet le projet de loi pr^par^ par le Gonseil 
sapdrieur de TAssistance publique de France. 

11 ne saurait done y avoir de difficult^s k rdaliser l^gislativement une 
r^forme k Jaquelle aucun minisl^re r^publicain ne refusera son concours. 

Quoi qu'on fasse en mutuality, dans Tordre de la pr^voyance, en fait 
de retraites ouvri^res, la situation pr^sente exige imp6rieusement des me- 
sures dliumanit^ et d'aide fratemelle aux invalides du travail priv^s de 
ressources. L'article 43 de la loi de finances a le d6faut de perp6tuer I'as* 
sistance facultative, c'est-i-dire en somme, sauf quelques attenuations sur 
certains points, de Jaisser les choses en Tetat. 

En outre, Tapplication aux pensions de vieillesse et d'invalidit^ des 
berimes de Tassistance m^dicale a provoqu^ des reclamations nombreuses 
anxquelles il y a lieu d'accorder une satisfaction legitime. 

L*interpretation la plus lib^rale n'ouvre aux d^partements et aux com- 
munes un droit aux subventions nationales que dans le cas oCi ils con- 
sacrent ^Tassistance des ressources extraordinaires,meme crepes ant^rieu- 
rement. 

Une rectification est n^cessaire sur ce premier point ; il sufflra d'exiger 
que la d^pense communale ou d^partementale soil couverte en partie par 
des ressources ordinaires tiroes de Timpdl, sans que les communes et les 
d^partements soient tonus de justifier de ressources nouvelles, sp^ciales 
ou extraordinaires. 

Le calcul de la contribution de T^tat par les bardmes A et B a H6 
Tobjet de critiques fondles; Tindication apport^e par la valeur du centime 
ne suffit pas k donner une notion sufllsante des besoins k satisfaire ; un autre 
element comparatif pourrait utilement intervenir; cet element serait fourni 
par la proportion de la population indigente et necessiteuse de cbaque 
commune. 

Une subvention compiementaire serait faite directement par I'Etat aux 
communes en conformite d'un bar^rae C qui s'etablirait comme suit : 

L'n tableau G servirait k determiner le montant de la subvention com- 
piementaire qui doit etre allouee par T^tat aux communes pour attenuer 
la part de depense couverte au moyen de ressources budgetaires (centimes 
additionnels ou taxes d'octroi),'et restee k leur charge apres application du 
bareme A, sans que celte subvention puisse eiever au-dessus de 90 p. 100 
le total des subventions reunies du departement et de I'Etat. 

Pour 1 p. 100 d'indigents, le coefficient de la subvention compiementaire 
de r£tat serait de i p. 100; il se trouverait ainsi, au fur et k mesure que 
la proportionnalite d'indigence s'accroi trait, de 1 p. lOOjusqu'a 20 p. 100. 

Toute commune qui justiflerait d'une population indigente entrant 
pour 10 ou pour 20 p. 100 dans son chifTre de population aurait droit, en 
plus de la subvention desbaremes A et B, si une subvention compiementaire 
proportionnelle jusqu*iji concurrence d'un coefficient maximum de 
20 p. 100. 

II serait ainsi possible, en etendant la subvention de TEtat k tons les 



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624 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

cas oii le commencement de la d^pense est convert par des ressonrces ordi- 
naires et en accordant nue aide compl^mentaire anx communes panvres, 
de faciliter le fonctionnement d'une loi de solidarity ^l^mentaire. 

11 nons a paru que le S6nat ferait acte de haute et pr^voyante philan- 
throple en pr^parant d'ores et d6}k, sans retard ni d^lai, pour 6tre soumis 
anx deliberations de la Ghambre, an projet de loi dont Turgence est absolae 
et dont le vote imm^diat Ini fera le pins grand honneur. 

En consequence. Messieurs, j'ai Thonneur de soumettre au S^nat la pro- 
position de loi ci-apr^s : 

PROPOSmON DE LOI 

Article premier. — Tout Fran^ais, prive de ressources, dge de soixante- 
dix ans au moins, ou atteint d*une inQrmite on d'une maladie reconnue 
incurable, qui est incapable de pourvoir k ses besoins par son travail, 
recoit gratuitement de la commune, du departement ou de TEtat, suivant 
son domicile de secours, I'assistance, soit k domicile, soit dans un etablis- 
sement hospitaller, soit dans des families oh ii est place moyennant pen- 
sion. 

Art. 2. — II est organise dans chaque departement un service d'assis- 
tance gratuite pour les vieillards et les infirmes remplissant les conditions 
indiquees par Tarticle premier. 

Le Conseil general deiib^re dans les conditions prevues par I'article 48 
de la loi du 10 aoClt 1871 : 

i^ Sur Torganisation du service de I'assistance aux vieillards et aux 
infirmes (secours k domicile, placement dans des families, creation et 
determination des hospices auxquels sont rattaches les communes et les 
syndicals de communes/ affectation des lits d'hospices et d'h6pitaux spe- 
cialises) ; 

2^* Sur la part de depense incombant aux communes et au depar- 
tement. 

Art. 3. — A defaut de deliberation du Conseil general sur les objets 
prevus k Farticle precedent, ou en cas de suspension de la deliberation en 
execution de Farticle 49 de la loi du 10 aodt 1871, il peut etre pourvu k la 
reglementation du service par un decret rendu dans la forme des regie- 
ments d'administration publique. 

Art. 4. — La commune, le departement ou I'fitat peut touj ours exercer 
un recours en remboursement de ses avances, soit Tun centre I'aulre, soit 
centre toutes personnes, societes ou corporations tenues k I'assistance en- 
vers le vieillard, I'infirme ou Tincurable indigent, notamment centre les 
membres de la famille de I'assiste designes par les articles 205, 206, 207 et 
212 du Code civil 

Art. 5. — Toute commune ou tout syndicat de communes est rattache 
^ un ou plusieurs hospices. 

Art. 6. — Le domicile de secours s'acquiert pour le septuagenaire, 
pour TinQrme et Tincurable par une residence habituelle de cinq annees 
dans la meme commune ou dans le departement; il se perd par une ab- 
sence d'egale duree. A defaut du domicile conununal et departemental, 



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INFORMATIONS. . 625 

Tassistance des vieillards, des infirmes et des incurables incombe k TEtat. 

Art. 7. — L'admission k Tassistance du vieillard, de rinfirme et de 
I'incurable, avec Tindication du mode d'assistance {k domicile, hospitali- 
sation, placement dans des families), est prononc^e par le Gonseil muni- 
cipal eo comit6 secret, apr^s Tavis de la commission municipale d'assis- 
tance (institute par la loi sur Tassistance m6dicale gratuite). 

Les dispositions des articles 13 ^ 18 de la loi du 15 juillet 1893 sont ap- 
plicables k Tassistance k la vieillesse indigente. 

L' assistance d^partementale est accord^e par le Gonseil g^n^ral, I'as- 
sistance de TEtat par le ministre de i'lnt^rieur assists d'une commission 
speciale. 

Art. 8. — Les d^penses du service d'assistance des vieillards, des infirmes 
et des incurables sont obligatoires ; elles sont support^es par les com- 
munes, les d^partements et TEtat, d'abord, en principe, d*aprfes les bar^mes 
A et B de la loi de 1893; en second lieu, d'apr^s un nouveau barfime C 
qui aurait pour objet de majorer la part contributive de TEtat, en faisant 
entrer en ligne de comple la proportion des indigents et des n^cessiteux 
par rapport k la population, sans que, d'ailleurs, cette subvention comply - 
mentaire puisse Clever au-dessus de 90 p. 100 le total des subventions 
r^unies du d^partement et de I'Etat. 

Art. 9. — . Un rfeglement d'administration publique, pris sur Tavis du 
Gonseil superieur de TAssistance publique, d^terminera les mesures tran- 
sitoires ou definitives destinies k assurer I'ex^cution de la loi. 

Un second r^glement, ^labor^ aprfes enqu6le aupres du Gonseil g^n^ral 
de la Seine, du Gonseil municipal de Paris et du Gonseil de surveillance de 
TAssistance publique de Paris, fixera, apr^s avis du Gonseil superieur, les 
conditions d'applicalion de la loi k la Ville de Paris et au d^partement de 
la Seine. 



Le budget de 1' Assistance publique de Paris. 

Le budget de TAssistance publique de Paris, tel qu*il a 616 pr^vu 
pour Tann^e 1898, s*61^ve en recettes et en d§penses k la somme de 
50877997 fr. 50. 

' Sur cette somme de 50 millions, la subvention allou^e par la 
ville de Paris est de 20819235 francs, dont 4;871378 francs pour les 
d^penses des bureaux ds bienfaisance et 15947857 francs pour les 
d6penses des autres services. 

Le Gonseil municipal a invito, sur le rapport de M. Navarre, les 
administr^s : 

l** A reclamer au Gouvernement le b^n6fice de Tart. 43 de la loi de 
finances dii 29 mars 1897, relative k la participation de I'fitat dans les d6- 
penses resultant des pensions institutes en faveur des vieillards et des in- 
firmes; ; I . * . t 

REVUE PHlL\KTHROnQUE. — II. 40 



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626 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

2^ A ddposer le plus promplement possible le projet de coostruction 
d'une buanderie g^nirale ; 

4® A inscrire au sous-chap. 8, « Personnel secondaire », les credits nd- 
cessaires au paiement des salaires de tons les ouvriers &la journ^e; 

4<* A etablir une r^glementalion g^n^rale des salaires poor cbaque 
corps de metier; 

5^ A se r^server le droit de nommer k litre d^finitif les ouvriers k la 
journ^e et de rSvoquer, apres enqu6te, les ouvriers titulaires. 

II a en outre 6mis le voeu : 

i^ Qae le Gouvernement prenne Tiniliative des lois flscales qai p^sent 
sur FAssistance publique; 

2<* Que la ialcisation de rH6teI-Dieu etde Saint-Louis soit efTectu^e con- 
form^ment aux deliberations anterieures du Gonseil municipal. 



liO Serviee des alidnds de la Seine. 

Le Gonseil general de la Seine, vivement pr^oecup^ de Taagmentalion 
incessante du nombre des ali^nes, de Tencombrement des asiles, a decide, 
sur rinitiative de M. Paul Brousse, qu'une commission mixte, constitute k 
rimage de la Gommission d'^tnde d'alimentation par le lait, serait charg^e 
dVtudier dans tons ses details cet inextricable probl^me. 

i<» Gette commission morale, r^unie sous la pr^sidence du President de la 
3< Gommission du Gonseil gdn^ral, examinera les differentes questions in- 
t^ressant Thospitalisation desali^n^s, des resolutions & prendre, questions 
actuellement soiilevees devant Topinion : hdpitaux pour le traitement des 
maladies aigu6s, hospices k Tusage des alienSs chroniques ou incurables, 
divers proc^d^s de colonisations agricoles et familiales, patronage, assis- 
tance k domicile, etc. Gette Gommission fixera elle-mdme le programme 
de ses etudes. 

2* GeCte commission redigera un rapport sur lequel le Gonseil sera appeie 
k deiiberer. 

3<^ Elle sera composee des membres de la 3<> Gommission, de medecins 
titulaires et adjoints des asiles, de deiegues des deux administrations 
prefectorales interessees ; de deiegues de la Gommission de surveillance, de 
savants appeies k donner leur avis sur Torganisation d'un laboratoire cen* 
tral des asiles, de salles de chirurgie et de salles d'isolement pour op^r^s 
ou contagieux. 

« Hors les membres de droit, les autres membres seront designes par 
le Gonseil general sur la ptopogition de la 3« Gommission. » 

En outre, radministratioti A ete invitee : 

l« A preparer un es^di^ de colonisation familiale pour les dements 
(hommes) k Ghalivoy, pr^s de Dun-sur-Auron ; 

2* A etudier un projet d'exploitation agricole dans le Gher, pour les 
chroniques adultes (epilepliques, imbeciles), et k introduire ce projet de- 
vant la Z^ Gommission au cours de Tannee 4898; 

De plu^^pour donner satisfaction aux voeux emis le 29 decembre 1897 



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INFORMATIONS. 621 

sur r^iude du transfer! de la clioiqae de Sainte-Anne k la Salp^tri^re etsur 
robligation d'un stage de trois mois dans un service de m^decine mentale 
pour tout dtadianl en m^decine, le Bureau du Gonseil g^n^ral est pri6 de 
provoquer I'organisation d*une conference entre les repr^sentants de TAs- 
sistance publique, du service des Aliin^s, des d^l^gu^s de la 3* Commis- 
sion, de M. le Doyen de la Faculty de ra^decine de Paris. 



L' Assistance pobllque & I'Exposition de 1900 

On sait que TAssistance publique forme k Texposition de i900 uue 
classe sp^ciale : la classe ill. Lejury d'admission de cette classe est com- 
post en grande partie de personnes k qui teiles ou telles des questions 
d'assistance sont famili^res; on regrette sur la liste Tabsence de quelques 
noms qu'il eAt 6i6 juste d*y trouver et peut-^tre qu'il s*en trouve, par 
contre, quelques-uns qui ne s'imposalent pas d'une facon ineluctable. Ge 
jury s'est r^uni le lundi 24 Janvier pour se constituer et nommer son bu- 
reau; il a design^ comme president M. le s^nateur Th. Roussel, comme 
vice-president M. Henri Monod, comme rapporteur M. le docteur H. Napias 
et enfin comme secretaire M. Raoul Bompard. 

Notre collaboraleur M . Napias a demande k M. Dervilie, qui assistait k 
la reunion, que les objels et documents exposes k la classe Hi jouissent 
des memes prerogatives et immunites que les objets exposes k la section 
des beaux-arts et a I'exposition retrospective. On se souvient que notre 
collaborateur a traite dejii cette question avec des developpements interes- 
santftdans le premier numero de la Revue Philantkropique, — M. Dervilie 
a prbmis de defendre devant M. le Commissaire general les interets des 
OBuvres qui exposeront k la classe ill et de faire appel en leur faveur k 
des mesures d'exoneration qui sont prevues par le r^glement. 



Le Goneoors medical des h6pitaux. 

A la suite des protestations et des plaintes nombreuses auxquelies a donne 
lieu Torganisation actuelle des concours de medecine, la Societe medicale 
des hdpitaux de Paris a confie k une commission le soin de rechercher les 
modifications et de proposer les reformes. 

L'etude de la commission a abouti k un rapport remarquable de M. le 
docteur Dreyfus-Brisac, medecin de Thdpital Lariboisiere, et au depdt des 
conclusions suivantes : 

La Societe des medecins des h6pitauxemet le voeu que les modifications 
suivantes soient apporiees au concours de medecins des bdpitaux : 

i^ Substitution du vote secret au vote k mains levees dans toutes les 
epreuves, avec engagement d'bonneur pris par les membres du juiy de ne 
jamais faire connattre leur vote. 

2^ Institution d'un concours unique annuel o(i seraient donnees toutes 
les places racantes, jusqa'it concurrence de six. 



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628 REVUE PHILANTHROPIQOE. 

3° Remplacement du jury unique acluel par deux jurys, pr^sidant I'un 
aux ^preuves d'admissibilit6, Tautre aux ^preuves de nominaliou. Ghacun 
de ces jurys, exclusivement compost de m^decins chefs de service, comp- 
terait 14 membres. Le second jury serai t constitu^ avant la publication de 
la lisle des admissibles ; ne pourraient en faire partie les m^decins qui au- 
raient refuse de faire partie du premier. 

^'^ Fixation du nombre des admissibles au triple des places k donner, 
avec un minimum de dix. 

5° Remplacement de T^preuve de deux malades par deux ^preuves : a) 
une le^on sur un malade d'une demi-heure de dur^e, apr^s trente minutes 
dont le candidal disposerait a son gr^ pour Texamen du malade et la 
preparation de la le^on ; b) une consullalion ^crite sur un malade : vingt 
minutes seraient accord^es aux candidats par I'examen clinique, y compris 
Tanalyse des urines, et une heure pour la redaction de la consultation. 

6° Publicity de diagnostic d6taiil6 formula par le jury dans les ^preuves 
classiques. 

Ces conclusions ont ^16 accept^es dans leur ensemble, sauf quelques 
modifications de forme, par la Society m^dicale des hdpitaux; elles out ^t^ 
transmises au direcleur de I'Assistance publique qui les soumettra au Con- 
seil de surveillance. 



Le Droit des pauvres & Paris. 

Le taux de perception du droit des pauvres k Paris a H6 f\i6 ainsi qu'il 
suit pour 1898 par le Gonseil de surveillance de TAssistance publique, sur 
le rapport de M. Risler : 

1<> Quinze pour cent de la recette brute dans les bals publics. 

2<* Le onzi6me de la recette brute des concerts non quotidiens, autres 
que les concerts d'artistes, des jeux, divertissements, etc. 

3<^ Cinq pour cent de la recette brute pour les f6tes organisdes dans le 
but de soulager des inforlunes publiques ou privies qui n'int^resseraient 
pas les pauvre? de Paris ou des ffites organis^es dans Paris par les munici- 
palit^s ou OBUvres des localil^s suburbaines. 

4*^ Un pour cent sur le produit des f^tes donn6es par les soci^t6s de 
pure bienfaisance, comit6s et 6lablissements fond^s dans le but de venir en 
aide aux n^cessiteux fran(^ais et strangers habitant Paris et aussi pour les 
soci^tis de secours mutuels. 

Ces soci6t6s, comit^s, etc., devront produire leurs statuts et leurs 
comptes moraux et financiers. 

5° Lorsqu'un contr61e serait trop long ou trop difficile et, par suite, 
on^reux k VAdministration, dans les f^tes foraines notamment, et dans les 
etablissements de peu d'importance, il pourra 6tre pr^lev^ une somme fixe 
se rapprochant autant que possible du taux l^gal. 

6^ 11 sera percu le onzi6me de la recette brute (un d^cime en sus) dans 
les th^dtres et dans les concerts quotidiens et cinq pour cent dans les con- 
certs d'artistes ou d'associations d'artistes, conform^menl aux lois des 
7 frimaire et 8 thermidor £Hi v, 46 juillet 1840 et 3 aoilt 4875, 



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ECHOS 



Gonseil sap6riear de 1' Assistance pnblique. — Un recent d6cret a 
nomm6 membres da Conseil sup6rieur de I'Assistance publique : M. ]e 
docteur Person, de Nantes (Loire-Inf^rieure), president de TUnion des 
syndicats m^dicaux de France, en remplacement de M. le docteur Mirenr, 
d^missionnaire ; M. Van Caawenberghe, maire de Saint-Pol-sur-Mer (Nord), 
.en remplacement de M. le docteur Gibert, d^missionnaire. 

Visite de M. le President de la R^pnblique k TAsile clinique 
(Sainte-Anne). — Le mercredi 26 Janvier, M. le President de la Republique, 
entour^ des officiers de sa maison militaire, a visits TAsile clinique. 

Assistaient ^galement k cette visite : M. le Ministre de Tlntdrieur, M. le 
Pr^fet de la Seine, M. Emile Dubois, president du Conseil g^n^ral, M. Lau- 
rent, secretaire g^n^ral de la Prefecture de police, M. Barrier, vice-presi- 
dent du Conseil general, M. Navarre, president de la 3« Commission, 
M. Gervais, ancien president du Conseil general, M. Ranson, conseiiler 
general, M. Michelin, depute de la Seine, M. Barbier, president honoraire 
de la Cour de cassation, president de la Commission de surveillance des 
asiles d'alien^s, M. Prestat et M. Maucomble, membres de la Commission 
de surveillance des asiles d'ali^nes, un grand nombre de m^decins des 
asiles d'alien^s de la Seine, les directeurs de ces asiles et plusieurs hauts 
fonctionnaires de la Prefecture de la Seine. 

La visite termiuee, M. £mile Dubois, president du Conseil general, a 
prononce les paroles suivantes : 

« Monsieur le President de la Republique, 

« Permettez-moi de vous remercier de nouveau d'avoir bien voulu nous 
faire Thonneur de visiter cet asiie, ainsi que vous visitez les autres etablis- 
sements hospitaliers. 

c< C'est qu'en elTet les malades du cerveau meritent autant de sollici- 
tude que les autres malades. 

■ Les asiles comme celui-ci devraient etre consideres comme de veri- 
tables h6pitaux. 

a Vous voyez, Monsieur le President, autour de vous le personnel de 



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630 REVLE PHILANTHROPIQUE. 

cetie maison. Yoas lui apportez une marque de haate sympathie, d'estime 
et d'encouragement. 

(( II la m^ite et s'en montrera digne, depuis les chefs, qui sont des 
savants r^pandas dans le monde eotier, jusqu'aux employes les plus 
modestes, jusqu'aux inflrmiers et aux inflrmi^res auxquels le Gonseil 
general est heureux de reudre hommage pour un inalterable d^vouement 
dans raccompiissement d'une tdche dilicate^ingrate, etsouvent p^rilieuse. 

« Recevez, Monsieur le President de la R^pubiique, au nom dn Gonseil 
general de la Seine, au nom de tons ceux qui s'int^ressent au sort des 
ali^n^s, au nom des malades eux-m6mes, Fexpression de notre vive recon- 
naissance. i> 

M. le President de la R^publique, apr6s quelques paroles d'encourage- 
ment et d'eloges au personnel des asiles de la Seine, a d^cerne les distinc- 
tions suivantes : 

Les palmes d'oMcier d'acad^mie : k MM. les docteurs Dagonet et 
Antheaume. 

La m^daille d'honneur : k M"« Olry, M"^« Bonnefoy et M. Gaudmer. 

Mademoiselle Bottard. — La campagne faite par plasieurs joamaux 
et notamment par VEdair en favour de M"« Bottard, la doyenne des infir- 
mi^res, a etd couronn^e de succ^s. Le roinistre de rint^rieury M. Barthou, a 
compris Tancienne surveillante de Gharcot dans la promotion de la Legion 
d'honneur de Janvier. 

M^^® Bottard appartient k la Salpdtri^re depuis 1841; elle surveUle depnis 
pr^s de quarante ans le service des ^pileptiques et des ^hyst^riques dirig^ 
avec tant d'^clat par le professeur Gharcot et confix aujourd'hui au profes- 
seur Raymond ; elle a d^but^ comme inOrmi^re aux appointements de 10 
francs par mois et elle est rest^e k ce modeste poste pendant onze ans. 
Sous-surveillante en 1852, dans le service des alienees, elle recut alors« 
ainsi que nous Tapprend le Bulletin professionnel desinftrmiers et infirmi^es, 
une solde de 17 fr. 50 par mois; en 1861 elle fut nomm^e surveillante du 
service qu'elle n'a jamais quitt^ depuis cette ^poque. Gette distinction si 
m^rit^e a ^t^ chaleureusementaccueiilie dans tous les hdpitaux de Paris. 

Le samedi 29 Janvier la remise de la croix a eu lieu solennellement 
sous la pr^sidence de M. de Selves, pr^fet de la Seine et en presence de 
MM. le D' Dubois, Louis Lucipia, Peyron, F61ix Voisin, le professeur 
Raymond, les chefs de service de la Salpdtri^re, les principaux fonction- 
naires de Fadministration de TAssistance publique, les internes, les sur- 
veillants et surveillantes,etc. Des discours ont ^t^ prononc^s parM.LeBas, 
directeur de la SalpStri^re, M. Peyron, directeur de TAssistance publique, 
M. le Professeur Raymond, M. Emile Dubois, president du Gonseil g^n^ 
ral, M. Louis Lucipia, au nom du Gonseil municipal et de la 5« commission, 
M. F^lix Yoisin president du Gonseil de surveillance de I'Assistance pu- 
blique de Paris, et M. de Selves, pr^fet de la Seine. 

Au cours de la fSte, de maguifiques gerbes de fleurs ont ^t^ offertes k 
M^^* Bottard par ses collogues et par les malades de son service dontTune, 
en des paroles ^mues et touchantes, s'est faite Tinterpr^te de toutes ses 
compagnes pour exprimer leurs sentiments de vive reconnaissance. 



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fiCHOS. 631 

Lesinteroesjes surveillantes etles inflrmi^res de laSalp^tri^res'^taient 
cotis6s pour offrir une croix en brillanls k (c maman Rottard », la nouvelle 
chevali^re de la Legion d'honneur. Le monlant de la souscription ayant de 
beaucoup d^pass^ le prlx de Tinsigne, les souscripteurs se proposaient 
d'offrir un objet d'art h la doyenne mais, sur la demande expresse de la 
charitable femme, le reliquat de la souscription sera affects k une oeuvre 
de bienfaisance. 

Gonsell de sarveillance de rAssistanoe publique de Paris — Le 

ministre de Tlnterieur vient de nommer pour une nouvelle p^riode membres 
do conseil de surveillance de ('Assistance publique de Paris les membres 
sortants suivants : MM. F^lix Voisin, conseiller k la Gour de cassation, 
Opportun, Alfred Breuill^, Georges Girou, membres du Gouseii municipal; 

Le docteur Perier, chirurgien des hdpitaux ; 

Morel, repr^sentant patron des conseils de prud'hommes. » 

Emile Level et Thomas, repr^sentant les municipalit^s de Paris ; 

L^n Gl^ry, avocat k la cour de Paris, et le docteur Dubrisay. 

Le legs Gha9segro8. — M"^^ Ghassegros a laiss6 toute sa fortune, qui 
s'dl^ve k 2 millions 610 000 francs, k la Soci^t6 protectrice des animaux. 

Aux termes de ce testament, la Soci^t^ Idgataire se trouve obligee d'or- 
ganiser des postes de chevaux de renfort au has des c6tes du boulevard 
Saint-Michel, de la rue Monge, de la rue Lafayette (pr^s du square Mon- 
tholon), de la rue Notre-Dame-de-Lorette et du faubourg Saint-Honor^ (en 
face Saint-Philippe-du-Roule). 

En ce qui concerne Tenl^vement des chevaux blesses sur la vole publi- 
que, la Soci^t^ a Tintention de faire construire une voiture k fraction m^- 
canique. Des m6dailles de 50 francs en or et des sommes de 200 francs se- 
ront distributes deux fois par an. Mille francs par an seront consacr6s k 
Taffichage p^riodique de laloi Grammont. Mille autres francs devronl servir 
k la Soci^t^ pour se procurer la liste quotidienne des chiens conduits en 
fourri^re et avertir en temps utile leurs propri^taires. EuQn on a parl^ de 
douze nouveaux postes d'inspecteur; la Soci^t^, k cet elTet, comple ouvrir 
k la fin de Fannie un concours ou, seuls les anciens gendarmes, serpents 
de viile et sous-officiers retrait^s seront admis a prendre part. 

Le Conseil de sarveillance du Mont-de-Pi6t6 de Paris. — Le mi- 
nistre de IHnt^rieur vient de renommer membres du conseil de surveil- 
lance du Mont-de-Pi6t^ de Paris les trois membres sortants qui suivent : 
MM. Muzet, repr^sentant du Gonseil municipal; Risler, maire du VII* ar- 
rondissement, repr^sentant de TAssistance publique ; Ducuing, adjoint au 
maire du VIII** arrondissement. 

En outre, sont nomm^s membres du m6me conseil : MM. Ducourau, an- 
cien banquier, en remplacement de M. Lesage, d^c^d^, et Golly, repr^sen- 
tant du Gonseil municipal, en remplacement de M. Paul Strauss, qui a 
cess6 de faire partie du Gonseil municipal. 

L'honorable M. Ducourau, president du Pain pour ious, et membre du 
Gomit^ de Patronage de la Revue PhilarUhropiquef est une pr^cieusc acqui- 



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632 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

sition pour le Conseil de surveillance du Mont-de-Pi^t^ et nous f^Iicitons 
I'adminislration de cet excellent choix. 

Les m^decins de Rodez. — Les m^decins de Rodez ont adress^ uue 
leltre collective hu pr6fet de FAveyron, pour Tinformer qu'ils cesseront 
de concourir au service de {'assistance m^dicale graluile dans les cam- 
pagnes. 

Dans )e but d'^viter toute difticult^ k Tadniinistration, disent-ils, ils 
avaieut accepts provisoirement et seulement pour Tann^e 1897, ie rdgle- 
ment sur Tassistance m^dicale gratuite dans les campagnes malgr^ ses im- 
perfections. Ils esp^raient que, dans le courant de cette ann^e, le Conseil 
g^n^rail voudraitbien faire droit aux jusles reclamations de la Soci^t^ des 
m^decins de TAveyronetleuraccorderles r^formes demand^es. Mais, con- 
trairemeut h leur attente, leur petition fut rejet^e. 

Comity des hal>itatlons k bon march^ de la Seine. — Le Comity 
des habitations k bon march6 de la Seine a ainsi constitu^ son bureau pour 
Tann^e 1898: president, M. Paul Strauss, s^nateur ; vice-president, M. Lan- 
drin, conseiller g^n^ral ; tr^sorier, M. Naville; secretaire, M. Raulez. 

La Soci6t6 de Statistiqae. — La Societe de statistique de Paris vient 
de proc6der au renouvellement partiel de son bureau, qui se trouve con- 
stitue, pour Tann^e 1898, de la mani^re suivante: 

President :M. Beaurin-Gressier; 

Vice-presidents: MM. Fernand Faure, C. Moron et Edmond Duval; 

Secretaire general : M. Emile Yvern^s ; 

Tresorier:M. Adolphe Coste. 

Le legs Sanzillon. — La ville de Clichy el le deparlement de la Seine 
se sonl mis d'accord au sujet du legs de la marquise de Sanzillon. Une 
somme de quatre millions sera affectee k la creation d'un orphelinat et 
d'un hospice de vieillards. L'orphelinat sera simplement hospitaller et 
ne comprendra aucune organisation scolaire. La ville de Clichy aura droit 
aux deux tiers des lits el le deparlement k un tiers. Le deparlement sera 
represente dans le conseil d'adminislration. 

Gomit^s locanx d^habitation k bon march6. — Des comiies locaux 
d'habilations k bon marche viennenl d'etre institues dans les deparlements 
de TAisne, TAllier, le Calvados, la Charente-Inferieure, la OMe-d'Or, le 
Cers, le Jura, la Loire-Inferieure, la Haute-Marne, le Morbihan, TOme, le 
Pas-de-Calais, le Puy-de-D6me, le Rhdne, Seine-et-Marne et l*Yonne. 

Le comite da Bazar de la Charity. — Les roembres du comite da 
Bazar de la Chariie, s'etant reunis dernierement, ont prie le baron de 
Mackau d'ecrire k la comtesse GreiTulhe qu'apr^s la douloureuse catas- 
trophe de la rue Jean-Goujon et la suite que le parquet avail cm devoir y 
donner, les membres du comite consideraient leur mission comme termin^e 
^t remettaient leurs pouvoirs aux mains des presidentes des differentes 



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fiCHOS. 633 

CBUvres de charity groupies au Bazar, qui leur avaient fait Thonneur de 
Ics lear confier. 

La cointesse GrefTuIhe, aprds avoir donn^ k ses collogues lecture de la 
lettre de M. de Mackau, a r^pondu au comity en le f^licitant du z^le dont 
il a doQn6 taut de preuves, en exprimant le regret que la justice ait cru 
devoir dire son mot dans un ^v^nement oCi il semble que sa parole doive 
d^faillir comme sa pens^e, et en formulant Tespoir que le comity voudra 
bien continuer k niettre au service des ceuvres le d^vouement qu'il leur a 
si lib^ralement consacr^ jusqu'^ ce jour. 

La creche de Perpignan. — Le maire de Perpignan a re^u du baron 
H. Despr^s une somme de 25000 francs pour la creation d'une creche des- 
tin^e aux enfants en bas dge, dont les m^res sont obligees de viyre ext^- 
rieurement de leur travail. 

Un monnment an professeur Tamier. — Les anciens 6I^ves de 
M. Tarnier d^sirent lui Clever k Paris un monument qui perp^tue sa 
jn^moire. lis ont k cet effet provoqu^ la formation d'un comity compos6 de 
d^l^gu^s pris parmi les membres de TUniversit^, les anciens ^l^ves et amis 
de H. Tamier, les 61us du d^partement de la C6le-d'0r, les membres du 
.Gonseil g6u6ral de la Seine et du Gonseil municipal de Paris, les Soci^t^s 
savantes dont M. Tarnier faisait partie, etc. 

Les souscriplions sont regues k Paris : chez MM. Fontana, notaire, 10, 
rue Royale; Collin, 6, rue de TEcole-de-M^decine ; Georges Masson, 
.120, boulevard Saint-Germain; G. Sleinheil, 2, rue Casimir-Delavigne. 

Commission d'ex6culion. — President : M. Brouardel. — Membres : 
MM. Pinard, Budin, Ribemont-Dessaignes, Maygrier, Bar, Bonnaire, Potocki, 
Tissier, Dubrisay, anciens 6l6ves de M. Tarnier. MM. Laboulb^ne, Guyon, 
professeurs a la Facult6% MM. Bergeron, Cadet de Gassicourt, membres de 
TAcad^mie de m^decine. MM. Magnin, s6nateur; Lucipia, conseiller muni- 
cipal; E. Dubois, conseiller g^n^ral. M. Peyron, directeur g^n^ral de 
.TAssistance publique. M. Millard, m6decin des b6pitaux. M. Collin, fabri- 
cant d'instruments de chirurgie. MM. Laurens, artiste peintre; Moreau, 
sculpteur; Scellier de Gisor, architecte, amis de M. Tarnier. MM. Bourne- 
ville, directeur du Progr^s medical; Huchard, directeur du Journal des Pra- 
ticiens. MM. Georges Masson, G. Steinheil,^diteurs. — Secretaire :M. Cham- 
petier de Ribes, 19, rue Saint-Guillaume. — Secretaire-adjoint : M. Demelin, 
49, rue de Rome. — Tr^sorier : M« Fontana, nolaire, rue Royale. 

De leur c6te, des dames ont song^ k joindre leur hommage k celui du 
comite preside parM. Brouardel et un comity s'est form6sousla pr^sidence 
de M™* Brouardel ; il coraprend comme membres : M"*«» Bar, Bonnaire, Pierre 
.Budin, Cbampetier de Ribes, Glin, Deutsch-Raba, Dubrisay, Gadala, Guyon, 
Hanicot, Renault, Henry, Hutinel, Maygrier, Millard, Panas, Pinard, Roze, 
Schmahl et Varnier; Tappel du comit6 des dames est particuli^rement 
touchant : 

« Les jeunes femmes de nos jours peuvent, elles, se rendre compte de 
quels dangers etaient autrefois meoac6es les nouvelles accouch^es, que la 
mort guettait. 



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634 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

« Dans les hdpitaux la mortality 6tait effrayanie. Pendant I'ann^e 1856, 
oil le docteur Tarnier fut interne k la Maternity de Paris, la situation §tait 
telle que Ton dut fermer la maison d'accoachement. Une ^pid^mie de 
fifevre puerperale y r^gnait. 

« Je voyais, dit le professeur Tarnier, des femmes entrer k rh6pital bien 
« porlantes, pleines de vie ; vingt-quatre on qaaranle-huit heures apr^s, 
« j'assislais k ieur agonie; c'6tait un spectacle dpouvantable. » 

a Ces paroles ne furent pas Texpression d'une Amotion ^ph6m^re. 

« L^impression produite par ce spectacle ^ouvantabU fut profonde et 
durable. 

« Diminuer pour les femmes les dangers de Taccoucbement, preserver 
la frdle existence des nouveau-nesfut la tAche de toute la vie du professeur 
Tarnier. Gr&ce k ses travaux, grdce k rapplication des mesures d'isolement 
et d'antisepsie, ik oh autrefois mouraient de 15 & 20 femmes p. 100, il 
ineurt k peine i p. 100 aujourd'bui. 

i< De lels services rendus k I'humanit^ commandent la reconnaissance 
de tons. Les femmes cependant ont la plus large dette de gratitude. 

« Elles le voudront assur^ment reconnattre en souscrivant pour le mo- 
nument k 61ever k la memoire de M. le professeur Tarnier. » 

La Maison de la Jeune fille. — Aux environs de Pdques sera inau- 
gur^e une nouvelle oeuvre, dirigee par M"® Sara Monod, et due k la muni- 
ficence de M"'^ veuve Jules Lebaudy. Get dtablissement est destind a donner 
asile k toutes les jeunes filles, de pr6f6rence aux employees de commerce 
et aux insli tutrices, momentan^ment sans ouvrage, sans distinction de con- 
fession. Ces jeunes flUes, k des prix modiques, auroiit k Ieur disposition 
des chambres meubl^es avec godt, une superbe salle de restaurant, [un 
cercle, une salle de conferences, etc. 

Sauvetage de I'enfance. — L'Union francaise pour le sauvetage de 
Tenfance, pr^sidde par M"^*' Jules Simon, a la charge de plus de 700 enfants 
maltrait^s ou abandonn^s, tons sauves de la mis^re et du vice. Pour sub- 
venir aux d^penses considerables qu'enlrainent Tentretien et r^ducation 
de ces petits malheureux, TUnion fran^aise organise une tombola pour 
laquelle elle a re^u de nombreux lots d*une grande valeur artistique ou 
commerciale. 

Le Vestiaire du soldat. — V£cho de Paris annonce que, pour venir 
en aide aux militaires lib^r^s et pour Ieur procurer une tenue propre et 
d^cente, une association vientdese fonder & Paris sous le titre de Vestiaire 
du soldat. 

Cette a?uvre s*attachera surtout k vStir, k Ieur liberation du service mi- 
litaire, les anciens soldats n^cessiteux, depourvus de tout p^cule, qui, 
faute de vfitemenls civils, ne parviennent pas k trouver du travail ou un 
emploi. 



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BIBLIOGRAPHIE 



« Manuel pratique de la garde-malade et de rinfirmi^re » public 
par le D"" BoumeTille (1). — Le mouvement qui s'accentue depuis quel- 
ques ann^es en faveur de rinstructiou professionnelledu personnel secon- 
daire des h6pitaux, a d^lermin^ Tapparition de toute une litt^rature sp^- 
ciale. En Angleterre, aux Etats-Unis, en Suisse, en Autriche et dans 
quelques autres pays il existe, depuis un temps plus ou moins long, des 
6coles sp^ciales ou Ton enseigne toutce qu'il importe de savoir aux gardes- 
malades, aux indrmiers et infirrai^res et, pour aider les 41^ves dans leurs 
Etudes, ii a H6 public des manuels plus ou moins complels. Rlllrotti en a 
fait un qui est pour ainsi dire classique en Allemagne ; il existe de nom- 
breux specimens en Angleterre lels que ceux de George Black (Sick-Nur- 
sing) (2) et de James Anderson (Medical Nursing) (3), sans parler des g6- 
niales publications de miss Nightingale. 

Les publications fran^aises sont plus rares sans doute, mais d'unevaleur 
incontestable. Les publications du minist^re de la Guerre [icole de Vinfir^ 
mier militaire, icole de IHnfirmier el du brancardier (4) sont tout k fait 
sp^ciales etno doivent fitreque mentionn^es ici, malgr^ leur valeur r^elle; 
par contre, le Manuel de la garde-malade et de rinfirmi^re, edit6 par Bon- 
neville et qui depuis 1878 aeu six Editions successives, merite une attention 
particoli^re. Q'a, 6t6 chez nous le premier travail complet et il est rest^ le 
meilleur, grdce k Tautorit^ du direcleur de la publication et k la science 
des collaborateurs dont il a su s'entourer, tels que Brissaud, Budin,Duret, 
Keraval, Maunoury, Monod, Poirier, Regnard, Sevestre, Yvon, etc. 

Les cinq petits volumes in-12 qui forment I'ouvrage permettent de 
passer successivement en revue : I'analomie et la physiologic; I'admini- 
stration et la comptabilit^ hospitali^re, lespansements; les soins^ donner 
aux femmes en couches, aux ali^nes; les medicaments les plus usuels, et 
enfin Thygi^ne. 

C'est surtout au personnel des infirmiers et inflrmi^res de TAssistance 

(1) Paris, aux bureaux du Progrds m^dicaly 14, rue des Cannes (6« Edition), 
1897. 

(2) Londres, Ward, Lock and C*»; Warwick House, Salisbury Square. 

(3) Londres, Levis, 136, Gower Street, 1894. 

(4) Veuve Rozier, 26, rue Saint-Guillaume, Paris, 1894. 



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636 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

publiqae de Paris qu'il s'adresse, et il n'est pas doutenx que, poar les 
femmes du monde, il est an peu trop ^tendu; il serait n^cessaire qu'one 
Edition alleg^e fiit faite k ieur asage. II est (vrai que des publications sp^- 
dales ont ^l^ faites depuis et & rimitation^du manuel de BoumeviUe. L'une 
d'ellefsaumoins, celle qu'a publi^e VUnion des Femmes de France, est tout h 
fait r^ussie (1). 

Ge n'est pas un des moindres mdrites du manuel de Bourneville que 
d' avoir suscit^ des publications analogues ^et nous citerons en passant celles 
qui sont ^dit6es par les hospices de Lyon, notamment le Cours de m^decine 
profess^ aux hospitali^res de TAntiquaille par le D' Horand, et le Cours 
de petite chirurgie profess^ aux hospitali^res deTHdlel-Dieuetde la Charity 
par le D' Michel Gangolphe (2). 

Toutefois aucun de ces trait^s n'est aussi complet, aussi documents que 
le manuel du D"^ BoumeviUe, dont le nom reslera attache k Toeuvre si utile 
de r^ducation professionnelle des infirmiferes. 



H. N. 



(1) Paris, Masson, ^diteur. 

(2) Lyon, imprimerie Waltener et 0«. 



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BULLETIN 



Aa point de vue d^mographique, Tann^e 1896 doit Hre marquee d'un 
caillou blauc; elle peut compter parmi les plus favorables de ce dernier 
quart de si^cle. Au lieu do deficit de Tann^e pr6c^dente, le mouvement de 
population pour 1896 accuse un exc^dent des naissances snr les d^c^s et 
cet exc^dent s'616ve au chiffre respectable de 93 700. 

Get heureux r^sultat, si on le decompose, n'est pas fait seulement d'un 
accroissement des naissances, mais d'une diminution de la mortalitd. 
-Voici les chiffres de 1895 et de 1896 : naissances, 834173, 865 586, soit un 
gain de 31 413 ; d6c6s, 851 986, 771 886, soit nne baisse de 88 100. D'une 
maniere relative, la proportion de 21 ,4 pour 1 000 habitants des naissances, 
8'61^ve pour 1896 k 22,7, tandis que la proportion mortuaire de 22,4 
pour 1000 en 1895 s'est abaiss^e en 1896^ 20, 2 p. 100. 

II y a done lieu de se r^jouir ample men t, patriotiquement de cet in- 
yentaire r^confortant; toutefois il serait imprudent de chanter victoire et 
de tenir (pour d^ftnitivement acquis un rel^vement peut-6tre fortuit. Le 
souvenir de 1895 n'est pas encore elTac^, et, si 1893 et 1894 ont 6t6 k peu 
pr^s satisfaisants, les exercices 1890, 1891 et 1892 ont accuse un deficit. 

n suffit de Jeter les yeux sur un grapbique pour constater que tout danr 
ger n'a pas disparu'et que la productivity reste inf^rieure k ce qu'elle 6tait 
au lendemain de la guerre; les 865000 naissances de 1896 n'atteignent pas 
les 966000 de 1872, elles sont au-dessous de la moyenne des vingt et one 
derni^res ann^es; la proportion de 22,7 p. 1000 est inf^rieure k la natality 
moyenne de TEurope de 38 p. 1000. 

Amelioration certes, mais pas gu^rison, tel est le diagnostic prudent 
qui s'impose. 

A quoi tiennent ces differences et quelle cause aproduitce revirement? 
U est presque impossible d'^mettre une hypotb^se soutenable, d'aventurer 
nne provision s6rieuse. L'bonorable directeur de TOffice du travail, 
M. Moron, confesse loyalement son impuissance k expliquer quoi que ce soit : 
« C'est qu'en r^alite, ecrit-il, en mati^re de d^mographie, il est bien difficile, 
pour ne pas dire t^m^raire, d'echafauder des theories sur le d^veloppement 
ou Tamoindrissement des populations, mdme en se basant sur des obser- 
vations de plusieurs ann^es. La natality et la mortality tiennent, en effet, 
it tant de causes d'ordres si diff^rents, parfois impossibles k saisir, qu'ou 



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638 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

ne doit s^aventurer qu'avec des pr^cau lions extremes k tirer de ces ph6no- 
m^nes des conclusions th^oriques qai, pour solides qu'elles soient, ne sau- 
raient dtre ^rig^es en lois absolues. » 

II n'y a qu'un point sur lequel il est perrais de hasarder une opinion 
plus ferme, c'est en ce qui touche la diminution des d^cds. En comparant 
le chiffre des d6c^s de 4896 k la moyenne de 1871-1896, le progr^s est sen* 
sible, puisque la moyenne des 26 ans ^tait de 852 000, soit une diminu- 
tion de 81 000 ou de 9,5 sur cette moyenne. 

Queiles que soient les fluctuations de la sant6 publique, et sans se 
payer d'iilusions, Tam^lioration est r^elle, tangible ettoutpermetd'esp^rer 
qu'elle ne sera pas 6ph^m^re. 

Le rapport sonmaifeas minislre du Commerce n*est pas assez d^taiil^ 
pour qu'on puisse analyser les ^Im^ts de la mortality et nous devous 
nous tenir k des inductions approximatives. Mais tout ce que nous 
savons nous autorise h penser que, si depuis plosieurs ann^es la mor- 
tality tend k baisser, avec des alternatives de hausse, Thygidne publique et 
la th6rapeutique pastorienne y sont pour beaucoup. 

II est acquis, par Texemple de TAngleterre, pour les mesures d^assai- 
nissement des villes et de prophylaxie des maladies contagieuses, par celui 
de FAllemagne pour la variole, qu'une legislation sanitaire rigoureuse 
donne le moyen de r^duire dans une forte proportion les maladies 
actuelles. 

La France a certainement particip^ au mouvement g^n^ral, elle recueille 
un certain benefice de rapplicalion des d^couvertes de Pasteur, mais cenx- 
Ik qui Youdraient exploiter les r^sultats du mouvement de population pour 
1896 contre toute r^forme sanitaire seraient bien aveugles et bien coupables. 

Si la mortality fran^ise est relativement faible, elle ddpasse celle de 
plusieurs nations d'Europe et il n'y a pas de raison pour qu'un pays de 
climat tempore comme le n6tre se laisse distancer par des peuples da 
Nord. 

II reste beaucoup k faire et la loi sur la protection de la sant^ publique, 
en preparation au S^nat, n'est pas moins indispensable au lendemain d'uo 
inventaire prosp^re qii*k la suite d'un bilan charge. 

Cette pauvre loi a subi, dans la premiere deliberation senatoriale, des 
amputations graves. La majority du S^nat s'est refus^e k pr^voir I'exislence 
de fonctionnaires de la sante publique, d*agents de contrdle et dimpulsion 
en qui le gouvemement, responsable de la defense sanitaire comme de la 
defense natiooale, aurait place sa confiance. Peut-etre etit-i\ mieox valu 
proposer la creation d'agents nouveaux, plntdt que de reunir les attribu- 
tions d'hygi^ne et celles d'assistance dans les mdmes mains. Sans doute, 
cette combinaison n'avait ete imaginee que dans une pensee d*economie, en 
vue de desarmer toutes les resistances; cette concession, qui risquait de 
porter atteinte au bon fontionnement des services d'enfants assistes et de 
protection de Fenfance, n'a pas tronve gr^ce devant le Senat. Seulement, 
meme restreinte et mntiiee, la loi sanitaire n*en sera pas moins un progr^s 
considerable sur la situation actuelle et les demographes attentifs comme 



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BULLETIN. 639 

les patriotes clairroyanls doivent faire des vceux ardents poor qu'elle ne 
tarde pas h aboutir et k 4tre promulgu^e. 

« II y a un si^cle, d^clarait M. Brouardel dans sa belle ^tude sur le 
Logement insalubre, c*6tait dans les h6pitaux qae la promiscuity assarait 
la formation de foyers de pestilence et de mort; aujourd'hai c'est dans les 
logements insalubres, encombr^s que se cultive la tuberculose. 11 est (Tail- 
leurs de mime pour le choUra, le typhus^ /a peste. » Grave et redoutable pa- 
role qui devrait dtre conslamment presente k I'esprit de tons ceux qui d^- 
tiennent, k un titre quelconque, une parcelle d'autorit6 et d'influence sur 
la marche des affaires publiques ! 

* 

Le Gonseil g^n^ral de la Seineapris une excellente decision; il a r^solu, 
sur la proposition de M. Paul Brousse, rapporteur g^n^ral du service des 
ali^n^, de constiluer une grande commission dans laquelle des savants et 
des administrateurs rechercheraient de concert les moyens pratiques de 
faire face aux besoins croissants de Thospitalisation des ali^n^s. M. Paul 
Brousse s'est inspir6 de la m^thode suivie avec tant de proGt k THdtel de 
Ville pour Talimentation par le lait et pour la reorganisation des ambulances 
urbainesy & TAssistance publique pour la tuberculose et il a pris une initia- 
tive analogue. 

Le d^partement de la Seine est aux prises avec les difQcult^s les plus 
insurmontables au point de vne du traiteroent des ali^n^s. Ghaque ann^e, la 
population d^mente s'accrott en nombre ; les asiles actuels n'y suffisentplus 
depuis longtemps; un cinqui^me asile est en construction pour lesali^n^s 
alcooliquesy et il n'aura pas plus i6i ouvert ses portes qu'il sera encombr(^ 
comme les autres. Sur les 12000 ali6n6s de la Seine (Paris et la banlieue), 
6000 environ sont bospitalisds dans les asiles urbains et suburbains, 6 000 
autres sont conO^s, moyennant un prix de journ^e, k des asiles de province. 
Ce transfer t de malades k Tautre extr^mit^ de la France, tantdt au nord, 
tautdtau sud-ouest, est toutce qu'il y ade plus p6nible et de plusattristant. 
L'administration choisit de preference les pensionnaires les moins visit^s; 
cette pierre de touche n'est pas infaillible, et Texode n*en reste pas moins 
douloureux pour un grand nombre de families. 

Un nouvel essai de colonisation familiale est k I'etude aux environs de 
Dun-sur-Auron (Cher) ; Tadministralion a 616 invitee k etudier un projet 
d'exploitation agricole pour les chroniques adultes (^pileptiques, imbeciles). 
II est question d'nne colonie familiale de convalescence dans le voisinage 
d'un asile. La commission mixte aura justement k examiner la valeur de 
ces diirerentes teutatives, k en sugg^rer de nouvelles, k determiner Turgence 
de certains essais, patronage, assistance k domicile, etc. 

A queis moyens recourir pour resondre les difficultes croissantes? Con- 
vient-il d*etendre Texperience si concluante de la colonie de Dun-sur-Auron 
od le placement familial a parfaitement reussi? De nouveaux asiles seront 
ils construits? Distinguera-t-on entre rasile-h6pitai pour malades aigus 
et I'asile-hospice pour chroniques? Les asiles de temperance pour les alcoo- 
liques seront-ils preconises? Les questions se posent et se pressent, et le 
Gonseil general de la Seine a sagement pense qu'il n*aurait pas trop des 



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640 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

lumi^res de ses membres les plus experiment's et des ali'nistes les plus 
qualiQ's, reunis cdte k cdie avec les commissaires de surveillance des asiles^ 
pour d'couvrir la meilleure m'thode k suivre ou plut6t pour 'laborer un 
plan m'thodique de traitement et d'hospitalisation des ali'o's. 

L'heure est propice pour cette 'tude, parce que, depuis peu de temps, 
les id'es ont march', rorganisation des asiles d'ali'n's est en pleine 
p'riode de recherches et de reorganisation. On n'en est plus k penser, comme 
en 1838, comme il y a peu d'ann'es m'me, que Tasile ferm' avec ses 
quartiers d'agit's, de demi-agit's et de tranquilles, soit le dernier mot et 
le type d'finilif du traitement des malades atteints d'ali'nation mentale. 
MM. Magnan et P'charman op^rent, dans \me 'tude r'cente (i), cette selec- 
tion id'ale, enlevant successivement de Tasile les incurables non dange- 
reux, les d'ments, les alcooHs's, les 'pileptiques et les idiots; le classique 
etablissement ne conserve plus entre ses hauts murs que les ali'n's curables 
et les ali'n's dangereux ; encore parmi ceux-ci un certain nombre de cri-> 
minels, de d'g'ner's en 'tat de folie morale, devraient-ils prendre place 
dans un 'lablissement interm'diaire, uoe sorte de prison-asile, relevant 4 
la fois du magistrat et du m'decin, oil les m'thodes de moralisation et de 
rel'vement du criminel seraient le coroUaire forc'de la sequestration. 

Le remarquable article de M. le docleur Edmond Toulouse, qui a pam 
plus haut, est une contribution importanle k ces travaux d'un si grand 
int'ret en vue de T'tablissement d'une assistance rationnelle des alien's. 

Paul Stracss. 



(1) Revue de Psychiatries Janvier 1898, organisation des asiles, chapitre extrait 
d'un article Notions de pathologic et de Ih^rapeutique g4n4rales dans les maladies 
mentales, qui va paraitre dans le Traite de th^rapeutique pratique dc M. Albert 
Robin. 



Le Direcleur-G^rant : PAUL STRAUSS. 



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L^ASSISTANCE INTERSCOLAIRE 

DANS UNE fiCOLE NORMALE 



De mon carnet de route. 

Deux fois dans un m6me jour, je suis all6 k T^cole normale 
de Montauban; et visite du matin, visite du soir m'ont caus6 
de joyeuses surprises. G'est que les vormaliens de Montauban 
sont de ceux qui ont le mieux compris ce que les instituteurs de 
demain pouvaient faire pour se former i leur r6le d'dducateurs 
nationaux. T6te et coeur, ils se sont mis tout entiers h roeuvre. 
L'apprentissage de bont6 aura 616 bon qu'ils revendiquent et 
accomplissent... 

Et voici ce que j'ai vu le matin. Apr^s avoir fait une cau- 
serie sur Finstruction populaire aux ^l^ves-maltres, causerie 
bien abr^g^e, car il n'est pas n^cessaire d'enfoncer des portes 
ouvertes, je me suis rendu k T^cole annexe. 

Les enfants y chantaient. Quoi ? Un hymne special d6di6 au 
Tam-et-Garonne. lis ont un charme bien k eux, ces chceurs, — 
tel « 6 mon Berry » que j'ai entendu retentir dans le Cher, — 
que Ton entonne k la louange de la « petite patrie ». Ils disent 
Tunion, Famiti^ entrejeunes concitoyens dpris des m6mes hori- 
zons, fagonn^s aux m^mes habitudes. lis disent les raisons que 
Bretons, Proven^aux, Savoyards, ont d'etre attach6s au sol natal 
qui partout, par ses rivieres ou bien ses montagnes, ses valines 
ou ses champs, ses cdtes ou ses plaines ade quoi flatter Tamour- 
propre de ses enfants. II a du reste du mouvement, un fier ^lan, 
ce Chant des 6coliers qui, le soir, par un simple changement de 
mot au refrain, sera le Chant des adultes. 

BBVUI PHILAKTHROPIQUB. — II. 41 



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642 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

11 est precis, il introduit Thistoire dans la po^sie : 

... De la France, doace patrie, 
Trois lits ont fait notre teiroir. 
La Gascogne ardente y d^ploie 
Ses tr^sors f^conds k merci, 
Et le fier Rouergue y coudoie 
Les rudes causses du Qaercy. 

II y introduit aussi la geographic et la flore : 

Trois fleuves y roulent leurs ondes. 

La Garonae aux flots indomptds, 

Le Tarn sombre aux gorges profondes, 

L'Aveyron aux Apres beaut^s. 

Sur leurs bords, le soleil caresse 

Blondes moissons et fruits dor^s. 

La vigne 6ia\e sa richesse 

Aux flancs des coteaux empourpr^s. 

Et il n'est pas banal, le couplet patriotique qui vient apr&s 
le couplet des « grands hommes » : Ingres, Fermat, Saint-Andr6, 
des « gloires » nationales et locales : 

Travailler est ia loi du monde, 
ManoeuvroDS ferme au gouvemail, 
L'h^ritage humain se f6conde 
Et s'ennoblit par le travail. 
R^p^tons aux heures ingrales, 
Ainsi qu'un appe! de clairon, 
Le mot des jeunes Sparliates : 
« Ce que vous fates nous serons ! » 

II faut voir avec quelle ^nergie de conviction ces demiers 
mots sont lances ! Je suis bien sAr que la promesse sera tenue. 
Je me fais cette reflexion i part moi et aussi cette autre : qu'il 
serait desirable de voir se r^pandre dans chaque d^partement 
Tusage d'avoir un « Chant des ^coles ». Pofetes et musiciens ne 
manqueraient pas qui seraient heureux de voir une de leurs 
ceuvres jouir d'une saine et durable popularity et graver dans 
les m^moires de nobles sentiments exprim^s en strophes bar- 
monieuses. 

Mais la prose, — une prose qui a sapo^sie, — me reprend. Je 
passe aur^fectoire. Dans une ^cole annexe, oil iln'y a que des 
externes? Oui, dans une 6cole annexe. Car MM. les 6lfeves- 



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L'ASSISTANCE INTERSCOLAIRE. 643 

mattres de T^cole normale ont eu la g^n^reuse, la philanthro- 
pique idde de constituer une Sociiti de bienfaisance en faveur 
des ^l^ves de T^cole annexe. Et la Soci4t4 de bienfaisqnce a 
d6but^ en fondant une Cantine coop^ative. 

Des amis de Tenseignement, le personnel de T^cole nor- 
male, les ^l^ves-maltres contribuent aux frais, et, en outre, les 
enfants participent ft la d^pense. On aide qui s'entr'aide. Le 
principe est bon. 

Et bonne aussi Tapplication. 

L'organisation est tr^s simple, de facile adaptation. 

a) Versements des Aleves. — Le prix du repas est de fr. 10, les 6lfe?es 
qui ne peuvent payer cette somme ne versent que fr. 05, ceux qui ne 
peuvent payer fr. 05 sont admis gratuitement. 

h) Menus. — Ghaque repas comprend : utie soupe, uo plat de viande ou 
de morue, un plat de legumes, du via et, deux fois par semaine, un des- 
sert. Chaque ^l^ve apporte son pain. 

Le6 principales f^tes de I'ann^e donnent lieu k un repas plus copieux. 

Tous les comestibles sont de premiere quality et pr^par^s avec soin. 

c) Ration pah tAte d'^leve. — Viande : 40 grammes ; morue 40 gr. ; le- 
gumes frais ou pommes de terre,200gr.; graisse,Ogr. 05; vin : 4 centilitres. 

Mais voici le menu de la semaine (17 au 22 Janvier 1898) ou 
j'ai visits la cantine : 

Lundi 41 Janvier 1898, — Soupe citrouille. — Beefsteak. — Haricots 
biancs. — Gdteaux. — Vin. 

Mardi 18 Janvier. — Soupe pois. — Fritons. — Lentilles m^nag^re. 
— Vin. 

Mercredi 19 Janvier. — Potage gras.— Bouilii nature k la paysanne. — 
Pur^e de pois. — Vin. 

Vendredi 21 Janvier. — Soupe choux. — Morue aux pommes maitre 
d'hdtel.— Vin. 

Samedi 22 Janvier. — Soupe lentilles. — Filet brais^. —Garottes bour- 
geoise. — Noisettes. — Vin. 

Tout.cela pour deux sous ! Mais comme me le disait k Tou- 
louse quelques jours aprfes M. Perroux, recteur de FAcad^mie : 
« Je comprends votre ^tonnement. Je Tai partagd. Mais rien 
n'est impossible & cet ap6tre : M. Cazaubiel, ^conome et pro- 
fesseur d'histoire, seconds par M. Lalaurie, directeur de TEcole 
Bormale, et par M. Roum^ga, directeur deT^cole annexe. A eux 
trois ils feraient des miracles. » 

Et puis... Ma foi, tant pis. Je vous livre le secret. Sansdoute, 



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644 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

il y a eu des dons en nature. Des fournisseurs se sont laissd 
gagner h la contagion de Texemple. Mais n'emp6che que bouillis, 
beefsteak, filets braises, coiileraient k eux seuls plus de dix cen- 
times, — si la yiande de cheval, oh! bien choisie, app^tissante k 
souhait, — ne formaitle fonds du repas. G'est ainsi. A Montauban, 
les pupilles de laSoci^te de bienfaisance,les abonn^s de la Cantine 
cooperative sont des hippopbages. M6me ils s'en trouvent bien. 
Les r6sultats le prouvent. Depuis Janvier 1897, date de la 
fondation, jusqu'au 31 d^cembre, trente ^Ifeves en moyenne ont 
« coop6r^ » au dejeuner, et avec un app^tit soutenu. 4678 repas 
ont 6t6 servis, savoir2524 i fr. 10; 1 857 i fr. 05. Les ver- 
sements des ^l^ves se sont elev^s i 345 fr., 25. Et voici la mer- 
veille, la chose inouie, due k Tapparition sur la table (c de la plus 
noble conqufite de Thomme », chaque repas en moyenne a coMd 
huit centimes I 

Comme il y a eu des cotisations de « patrons », la « Soci6t^ de 
bienfaisance » ne s'est pas bom^e k ouvrir la cantine. 

Elle a fourni des v^tements k quatre ^Ifeves indigents, et je 
sais qu'elle a Tintention de porter ses efforts sur cette ^bauche 
de « vestiaire ». 

Elle a achet6 un petit materiel de jeux (quilles ballons, 
foot-ball, etc.) pour les dfeves de T^cole annexe, ce qui n'a pas 
peu contribu^ k donner vie aux recreations et k d^velopper le 
godt des exercices physiques. 

Elle a pris Tinitiative de promenades dirig^es vers des 
cultures, vers des exploitations agricoles, et les collations n'ont 
pas ete oubliees, qui procuraient plaisir et r^confort k des en- 
fants pauvres, si souvent priv^s d'un peu de joie. 

Elle a etendu son action k toute la vie de Ti^cole annexe, 
devenue vraiment et comply tement un champ d 'experience de 
vivante demonstration, pour les instituteurs de domain. 

A Toccasion de la distribution des prix, sept livrets de la 
Gaisse nationals des retraites, de cinq francs Tun, ont ete re- 
mis aux jeunes « certifies » de Tannee. 

De plus hiSoctiti de Bienfaisance s'est interessee au « lende- 
mainde Tecole », aux cours du soir qui ont lieu k r£coIe 



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L'ASSISTANCE INTERSCOLAIRE. 645 

annexe. Elle est intervenue pour offrir des livres h quelqueg 
anciens ^Ifeves ddsireux de s'inslruire. 

Cette ^cole du soir ft Tlficole annexe, je Tai vue, je me suis 
assis sur ses bancs, le m6me jour. G'est une organisation modMe. 

Le cours d'adultes a lieu deux fois par semaine, le mercre- 
dietle samedi. La premiere stance est consacr^e k des exer- 
cices pratiques se rapportant ft la revision des matiferes ^tudi^es 
ft r^cole primaire; la seconde ft des exercices de chant et ft une 
lecture ou causerie, accompagn^e le plus souvent de projec- 
tions lumineuses. M. Roum^ga, directeur de T^cole annexe, 
assists d'un 6l^ve mattre de troisi^me ann6e, est charge de r6gler 
la marche des exercices pratiques. Les lectures ou causeries 
sont faites altemativement : 1** par les professeurs de Tdcole et 
le directeur; 2^ par les 6l6ves-maitres de troisi^me ann6e. Ce 
premier essai a r^ussi au delft de toutes les esp6rances: le 
chiflFre des inscriptions s'est 6lev6 jusqu'ft 34 et la moyenne des 
presences ft 35. 

J*ai le bonheur d'etre ft Montauban un samedi. Et j'entends 
an dlftve-maitre de troisifeme ann^e, le joune C..., faire une 
conference sur la region des Gausses. II connait ft fond les publi- 
cations du d^couvreur de grottes et d abimes, M. Marlel. II 
nous le fait suivre en ses pdrdgrinations souterraines. Gomme 
le conf^rencier est lui-m6me du pays, il entremfele au souvenir 
de ses lectures ses impressions personnelles. La pr6sence de 
rinspecteur d'acad^mie, M. Athan^ de Finspecteur primaire et 
de plus de deux cents auditeurs ne Tintimide pas, car, ainsi que 
ses camarades, il est pr^par^, enlrain6. II est lout prfet ft jouer, 
d^s sa nomination, son r6le de confdrencier populaire. II a la 
note juste, une suffisante autorit^. II sait approprier sa de- 
monstration ft Timageprojet^e sur T^cran par un deses camarades 
qui, lui aussi, a le metier dans la main. 

Est-ce tout ce que Ton voit ft T^cole normale de Montauban? 
Est-ce tout le bien qu'on y fait ? Non pas. 

J'ai r^servd pour la fin un trait de « morale en action », de 
touchante solidarity qui m'a beaucoup frapp6. Figurez-vous 



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5U6 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

que la Sociiti de Bienfaisance a adopts un orphelin ! C'est un 
^Iftve de r^cole annexe. II avait perdu sa mfere. Son pfere, al- 
teint d'une tuberculose incurable, 6tait k rhApital. Pouvait-on 
se d^sint^resser de Tenfanl? La SociSi^ Ta pris sous sa tutelle. 
EUe Ta confix h une Famille de braves gens k qui, gr^ce au con- 
cours de Tadininistration des enfants assistds, elle paie une 
petite pension. Elle Fhabille. Elle Tadmet gratuitement h sa 
cantine. La « Fille du regiment » a son pendant. II y a le « Fils 
de r^cole »... Je le dis sans nuance de plaisanterie m£me inof- 
fensive, car le fait ne prftte pas k sourire, mais est tout k la 
louange de ses auteurs. « Nous n'abandonnerons pas le jeune 
orphelin, » m'a-t-on dit li-bas. Et la promesse sera tenue. 

Sans compter que la SociM de Bienfaisance de I'^cole 
normale a « de longs espoirs et de vastes pens^es ». Son succ^s 
Tentratne k d'autres tentatives, et qui r^ussiront gr4ce au trio 
devaillants etde d^vou^s qui conduisent Taffaire. 

La Soci^t6 a ^tabli les statuts d'une soci^t^ de mutuality ei 
de pr6voyance, une Petite Cavi en faveur des 6lfeves et des 
anciens ^l^ves de T^cole annexe. M6me elle desire ^lendre le 
b^n^fice de cette excellente institution k toutes les ^coles pu- 
bliques de Montauban. 

Au vrai, matin et soir — it la cantine et au cours — j'ai pu 
constater ft Tficole normale de Montauban ce qu'un groupe- 
ment de forces jeunes et actives, ce qu'une association de braves 
gens d6cid^s k rendre service autour d'eux, pouvaient tenter 
d'heureux et d'efficace dans le combat contre Tignorance et la 
misfere. La Soci4t4 de Bienfaisance d'oii vient de sortir la Pra-- 
temeliey — nom donn6 k la « mutuality entre enfants » — con- 
stitue un organisme bien vivant, dont Tavenir est assure par 
une collaboration incessante des professeurs de V6co\e et des 
^Ifeves-maitres. 

Et c'est dans toute la France scolaire m6me tendance ft Taide 
mutuelle, ft la solidarity. Un mouvement irresistible de bonti, 
de pitie, d'humanite emporte les jeunes generations. li est 
temps qu'elles arrivent ft la vie civique, qu'elles opposent aux 
OBUvres de discorde et de haine les oeuvres d'amour et d'union. 

fiDOUARD PETIT. 



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LE 

PARADOXE DE LOISEAU PINSON 



En recevant ces jours derniers la circulaire de la f^d^ration 
abolitioniste interaationale, dont le but hautement proclam^ est 
la suppression de la r^glementation de la prostitution, un para 
doxe d'un de mes anciens collogues du Gonseil municipal m'est 
revenu k la m^moire. Loiseau Pinson 6tait un r^publicain 
ardent ; il avait fait ses preuves dans les luttes contre TEmpire 
et pendant le sih^e de Paris. D'un caracti^re aussi joyeux que 
son nom, possesseur d'une voix tonitruante, dou^ d'un aplomb 
d^contenauQanty interrompant aved fracas les orateurs, son 
audace apparente dans la discussion cacbait une timidit6 r^elle 
qu*il dissimulait avec le plus grand soin; allant jusqu'aux 
extr^mit^s les plus avanc^es des doctrines d^mocratiques, il se 
gardait soigneusement de divulguer ses iddes r^formatrices 
quand elles lui paraissaient n'fitre pas encore dans le courant 
des opinions de son parti. Malgr6 son affectation du contraire, 
il avait la plus grande terreur du ridicule, et une de ses propo- 
sitions, repouss^e par ses amis, surtout si cet ^chec 6tB.it accom« 
pagnS de quelques signes d'ironie, lui ett caus6 une veritable 
douleur. Ce n'^tait que confidentiellement qu'il ^mettait cer 
taines de ses id^es, le plus souvent dans Tintimit^ de ces diners 
qui s6paraient les stances de jour des stances de nuit si tT6* 
quentes h ce moment de labeur excessif occasionn^ par les 
d^sastres de la guerre. 

Quand vint la premiere discussion sur la r^glementation de 
la prostitution, il y a quelque vingt-cinq ans, Loiseau Pinson 



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648 revue; philanthropique. 

nous donna en petit comity son proc^d^ pour supprimer toute 
ing^rence policifere, en sauvegardant du m^me coup la sant^ 
publique. Et comme on lui conseillait de faire une motion en 
stance ou de d^poser un projet de deliberation, il s^^cria : « Le 
temps n'est pas encore venu, mon projet serait actuellement 
consider^ comme un paradoxe, je voterai comme les amis. » 

Gertes, les attentats commis contre la liberty excitaient sa 
fureur; il s'6levait en discours v6h6mcnts contre les arresta- 
tions arbitraires commises au nom de la morale etde Thygiifne. 
11 s'exaltait en decrivant la rafle : « Une compagnie d'estafiers du 
service des moBurs, disait-il d'une voix ronflante, ceme une 
rue, un point du boulevard; toutes les filles qui s'y trouvent 
soDt prises en tas et meu^es au poste ; la clairvoyance de Tar- 
gousin suffit & distinguer la prostitute de celle qui ne Test pas. 
Tant pis si cette clairvoyance est insuffisante, si celle qui est 
empoign^e est bonn^te; elle est en d^faut, puisque le policier 
la tient. Si elle r^siste, on la bouscule, on la bourre, et maigr^ 
ses protestations, malgr^ ses clameurs et ses larmes on Ten- 
traine, elle est prisonnifere ! » 

Et les rafles dans les h6tels ! Toute femme en compagnie 
d'un homme est saisie et' amende ; seule m^me elle est prise 
aussi quelquefois ! Et il cilait le mot du cdl^bre chef de service 
Lecour : « Une femme honn^te ne loge pas en garni. » 

II rappelait certaines erreurs terribles commises par cette 
vertueuse police des moBurs : une femme est arrfet6e k une 
heure du matin ; elle pretend aller chercher des medicaments 
pour son enfant malade ; le sceptique agent lui dit : « Je la 
connais celle-lJi! )> et la m^ne au poste malgrd ses pleurs et ses 
supplications. Le lendemain son honorabilite etait reconnue ; 
mais son enfant 6tait mort. Elle devint foUe. 

Puis il rappelait cet autre mot du policier Lecour k propos 
de Tarrestation de la femme d'un banquier de Dijon : « Est-ce 
qu'un mari laisse sa femme Tattendre sur le trottoir? » 

« Et cela aboutit, continuait-il, si la malheureuse n'est pas 
reclam6e k temps, ou si, plus malheureuse encore, personne ne 
s'occupe d'elle, k un sejour au ddpdt au milieu de filles per- 
dues, et enfin k une visite medicale ignominieuse. Selon la fan* 



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LE PARADOXE DE LOISEAU PINSON. 649 

-taisie ou Terreur d'un agent, sur sa d^nonciation k huis clos, 
elle peut 6tre inscrite sur le livre des prostitutes. Une fois 
inscrite, elle est hors du droit comiuun, elle n'est plus mal- 
tresse d'elle-m^me, la police peut Tempoigner h toute heure de 
jour et de nuit, et renfermer dans une prison sans autre sanc- 
tion que sa volontd. Du temps du pr^fet de police Gisquet, cet 
emprisonnement administratif pouvait durer un an; cette peine 
ill^galc s'est grandement abaiss^e, la police avoue aujourd'hui 
vingt jours de detention au maximum ; cette dur^e s'abaissera 
encore et disparaitra (1). » 

Protestant contre ces violences et ces ill6galit^s, il citait la 
definition de la libert6 par le jurisconsulte Batbie : « La liberty 
^st le droit de n'fetre detenu qu'en vertu de Tordre de la jus- 
tice. » Et, pour donner plus de poids k cette definition, il ajou- 
tait Topinion du grand criminaliste Faustin-Hdlie en ce qui 
touche la liberty des femmes : « A regard des filles, nous ne 
parlerons ici que du seul droit de les arr^ter et de les detenir 
arbitrairement ; aucune disposition quelconque ne donne un tel 
droit k Tadministration. Quelle que soit la position de ces 
femmes, elle doit les surveiller; mais elle ne peut les arr6ter 
quand elles ne commettent pas un delit punissable. On ne peut 
reconnaitre de classe k part qui soit en dehors du droit com- 
mun et pour laquelle les lois n'aient ni force ni protection; on 
ne peut reconnaitre d'autres droits que ceux que la loi lui 
conf^re. » 

Voil& parler, disait Loiseau Pinson, voilJi qui d6montre que 
Tadministration viole la liberty. Quant k r^galite, proclamde 
par la loi, elle n'est plus respect6e. Comment ! la fille qui fait 
commerce de son corps est hors la loi? On s'est donnd le droit 
de la saisir de force, de Texaminer de force, de Temprisonner 
sans jugement! Si c'est pour sauvegarder la morale, n'y a-t-il 
done que les filles qui fassent du racolage? Ce sont les libertins 
qui font le libertinage. La femme est passive dans sa vie 

(1) En annon^ant cette diminution, Loiseau Pinson ne se trompait pas; en 
1880, une note de la Prefecture de police disait : « Les filles publiques arr^t^es 
pour contravention aux rdglements sont envoy^es en punition h Saint-Lazare 
pour un temps qui vane de quatre jours i dix jours. Ce maximum est tpfes 
rarement d^pass^. » 



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650 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

physiologique et c'est rinitiative de I'homme qui fait la pro- 
stitution. 

Si cette injustice est commise au nom de Thygibne, si c'est 
pour prot^ger Ja sant6 publique que vous la jetez dans une 
prison-hApital avec une inscription sur un livre d'infamie, 
pourquoi ne frappez-vous et ne soignez-vous que Tun des pro- 
pagateurs du mal ? Si les femmes sont contamin^es, c'est que 
les hommes I'ont bien voulu, et alors pourquoi ne pas saisir 
les mis^rables, qui propagent la terrible maiadie, pourquoi ne 
pas les envoyer au ddpdt pour les faire examiner d'autorit^, et, 
s'ils sont infect^s, les sequestrer dans une prison de traitement, 
dans un hdpital moralisateur, un Saint-Lazare pour hommes? 

Ah ! si les femmes avaient voix pr^pond^rante dans le gou- 
vemement, elles diraient certainement : La cause de tout le mal 
c'est rhomme, c'est sa d^bauche et son cynisme; qu'il soit 
livr6 h la police, examine d'autoril^, enferm^ pour 6tre gu^ri et 
mis dans Fimpossibilit^ de nuire. 

Les definitions m6mes de la prostitution ddmontrent que 
r^galite n'existe pas. Le surintendant Wakefort « regarde 
comme 6tant k quelque degr6 une prostitute, une femme qui 
friquenie phis d'un seul hommey ne fiit-ce qu'occasionnelle- 
ment ». Mais k ce compte combien compterait-on de prostitu^s 
parmi les honnfeles gens? Le surintendant Wakefort lui-m6me 
etait-il bien sdr de ne pas entrer dans ce classement s^vfere? 

Et la definition que donnait le colonel Vincent dans son 
projet expose devant la Chambre des lords : « Une prostitute 
commune est une femme qui soumet sa personne k des rela- 
tions sexuelles, ou est raisonnablement suspectee de le faire 
pour son propre profit ou le profit d'autrui. » Et les hommes? 
s'ecriait Loiseau Pinson ; mais n'y a-t-il pas des prostitu^s com- 
muns qui entrent de toute pifece dans cette definition ? et avec 
Taggravation d'une invincible horreurl pourquoi la prison 
administrative n'existe-t-elle pas pour eux comme pour les 
femmes? pourquoi n'ont-ils pas Tinscription, la carte etla visite 
obligatoire ? 

Si, avec toutesces illegalites et ces injustices, la morale etait 
en eflfet protegee ! Mais en verite Test-elle? Partout la prosti* 



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LE PARADOXE DE LOISEAD PINSON. I55J 

tution s'^tale, invite, provoque. Dans les quartiers les plus 
honnfttes on voit des filies pi^tinant pendant des heures sur le 
m6me trottoir, coudoyant les hommes, leur jetant au passage 
les offres les plus crues; on voit sur la porte des maisons told- 
r^esj selon Teuph^misme de la police, la servante, tirant Tceil 
avec son tablier blanc, rester immobile sur le seuil et r^p^ter k 
mi-voix, pendant toute la soiree, le mftme boniment provoca- 
teur. Tout cela avec Tautorisation de la police, avec la r^gle- 
mentation morale. Mais les yeux des jeunes filies sont souill^s 
par ce spectacle, ses oreilles salies par ces mots qui volent 
jusqu'it elles. D'autre part, les adolescents aux ardents d^sirs, 
harcel^s k tons les carrefours par ces provocations, en rfivent 
et succombent d^s qu'ils ont dans leur poche le prix d'entr^e. 
Et c'est 1ft ce que Ton appelle prot6ger la morale publique? 
Mais ce sont des attentats aux moeurs qui devraient 6tre rdpri- 
m^s el vous avez la loi pour y r^ussir. 

Avec le rfeglement vous ne frappez que les femmes, avec la 
loi vous atteindrez les hommes. Combien de libertins font le 
metier de courir les rues, d'aborder les femmes, de les pour- 
suivre et de les ofTenser par leurs propos obsc^nes, par leurs 
propositions insultanles. Qui n'a assists ft ce spectacle, qui n'a 
il6 r6volt6 par ce cynisme? Et si la police s'en m6le, c'est la 
femme qui sera arr^t^e en vertu du r^lement. Et Thomme ira 
unpen plus loin emboiter le pas ft une autre fille. 

S'agit-il de la sant6 publique? mais cette organisation ill^- 
gale est absolument impuissante ft la prot^ger. 

Ah ! si cette organisation pouvait avoir une influence r^elle 
et faire disparaitre le mal horrible qui tient Tfitre jusqu'ft la fin 
de ses jours, dontles r^cidives 6clatentau moment le plus im- 
prdvu, mal dont on meurt mis^rablement et qui se transmet de 
g^n^ration en g6n^ration, abaissant la race, diminuant ses 
forces physiques et intellectuelles, faisant une lign6e de d^g6- 
n6r^s; si la r^lementation, dis-je, pouvait avoir une influence, 
je ne la combattrais pas, malgrd son atteinte aux principes. Mais 
elle est impuissante. Ces mesures polici^res sont impuissantes, 
en effet, parce que Ton ne pent atteindre qu'une portion minime 
de celles qui habituellement colportent la contagion. Dans son 



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652 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

livre, Lecour donnait le chiflFre de 3656 en 1870; admettons que 
ce chiffre soil aujourd'hui au-dessous de la v6rit6 et qu'il y ait 
actuellement S 000, 6000, 10 000 fiUes inscrites. Qu'estce chiffre 
aupr^s de celui des insoumises qui, pour le mfime Lecour, ya de 
30 000 k 60 000, qui, pour Maxime Du Camp, monte h 120 000, 
chiffre au-dessous de la y^rit^ quand nous r^fl^chissons qu'en 
dehors des femmes dont c'est Tunique metier, la prostitution 
clandestine est partout : chez Touyrifere par entrainement, par 
effroyable misfere, par education criminelle, chez nos servi- 
teurs, chez nos jeunes bonnes faisant par leurs avances coarir 
les plus effroyables dangers aux 6tres que nous aimons plus que 
nous-m^mes. Mai d'autant plus menagant qu'il est enferm^ dans 
nos maisons, que nul ne s'en m^fie, qu'il pent se communiquer 
par le seryice de table, par les objets de toilette et dont on 
ne pent deyiner la provenance quand il a ^clat^. Admettons, ce 
qui est absurde, que cettc arm6e de folles de leur corps soit 
yisil6e, inscrile, soumise h la prison administrative et k la visite 
m^dicale, aurait-on la s6curit6 ? Non certes, car la femme n'a 
pas le triste privilege de r^pandre le mal; Thomme aussi bien 
qu'elle en est le coupabJe propagateur. 

En rdalit^, la protection de la sant6 publique est nulle, 
puisquc, d'une part, la police ne surveille, et d'une fa^on insufB- 
sante, qu'une faible partiedes femmes qui peuvent propager le 
mal, et ne surveille pas du tout les hommcs qui le propagent 
incontestablement, sans quoi, en parlant comme La Palisse, les 
femmes ne seraient jamais ou presque jamais contamin^es. En 
r^alit^, on ne sera prot6g6 efficacement que lorsqu'on se pro- 
t^gera soi-m6me. 

Mais il faut donner k chacun la possibility de soigner et de 
gu^rir cette horrible maladie. Ce que Ton pent demander k Tad- 
ministration, c'esl d'^carter toutes les difficult^s qui emp^chent 
ou retardent Tentr^e desmalheureux infect^s dans les hdpitaux, 
car, par un reste du pr^jug^ du moyen &ge, ces malades sont 
les parias dans beaucoup d'hospices, dans certains ils sont re- 
pousses, et Ton devine sous quelle influence. Certes, il est plus 
honteux d'avoir la petite v6role, puisqu'on pent I'^viter en se 
faisant vacciner, que lorsqu'on est alteint par sa soeur atn^e qui 



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-L**-.'--,*-^^'- 



LE PARADOXE DE LOISEAU PINSON. 653 

n'a pas encore son vaccin ; rhoiume qui par de longs exc^s est 
arrive au d^lire alcoolique est plus m^prisable qu'un malheu- 
reux qui est frapp^ pour avoir c^d^ k un entrainement physio- 
logique. 

Non seulement les salles d'hdpitaux doivent s'ouvrir devant 
ces maladesy mais encore les consultations sp^ciales doivent 
6tre prodigu6es partout, les medicaments livr^s gratuitement, 
Talimentation aid6e par des dons en nature chez tous ceux qui 
sont assez pauvres pour ne pas avoir un regime suffisamment 
r^parateur. Vous pouvez traiter de paradoxe une partie de ce 
que je viens d'avancer, dit-il, r^pondant h quelques sourires^ 
mais ce que je vais vous declarer vous parattra encore plus pa- 
radoxal. 

Lorsque le D"" Diday, pour arrfeter la contagion, cherchant 
avec raison d'aulres moyens que celui du certificat obligatoire 
de sante qu'il avait invents, accusait Tadministration de tra- 
casser les filles, de les enfermer comme des criminelles, et con- 
seillait de « tenter d'obtenir des prostitutes, par les voies de 
douceur, les garanties que la soci(St6 est en droit de leur de- 
mander », Lecour ne tarissait pas de sarcasmes sur rhdpital 
attrayant. « Dtlt Lecour s'esclaffer de rire danssa retraite, s'^cria 
Loiseau Pinson, j'affirme que Diday proposait la seule solution 
du probl^me. Une population intelligente, d6ban*ass6e des pr^- 
jug6s mystiques et niais, ne voyant pas plus de honte d'etre 
contamin^s par cette maladie contagieuse que par toute autre, 
consid^rant Tint^r^t capital de soigner le mal pour em packer sa 
diffusion, ne doit pas h^siter, malgr^ les plaisanteries et les re- 
sistances, h cr6er Thdpital attrayant ou Ton irait sans terreur, 
oil Ton scrait siir de trouver le confort, le bien-6tre et la bien- 
veillance. Je voudrais qu'autour de Paris, dans des localit^s 
largement agrees, sur des sites pittoresques d'oilla vue s'etend, 
on construisit des asiles sp^ciaux aussi bien outill^s pour la 
sante de Tesprit que pour le traitement du corps. Je voudrais 
que la nourriture y filt non seulement saine, mais soignee. 
Autour des pavilions de traitement seraient install^s des ate- 
liers donnant au malade la possibility de sortir, aprfes gu^rison, 
avec un p^cule suffisant pour permettre aux femmes de ne pas 



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€64 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

reprendre leur horrible metier. A cdt^ de Torganisation de 
jeux varies, Tesprit devrait avoir ses satisfactions : des confe- 
rences moral isatr ices seraient institutes, des cours du soir se- 
raient ouverts h ceux qui dSsirerai^at completer leur education. 
Je voudrais, en un mot, que Fexistence y fiit si facile et si 
attrayante que le malade s'empressftt d'y accourir pour s'y faire 
soigner et ne le quitt4t qu'i regret aprfes sa gu^rison. Toutefois 
il faudrait faire savoir et afficher partout que tout malade quit- 
tant Tasile avant I'autorisation du m^decin n'y rentrerait 
jamais. 

« Mais, dit un des convives, si malgr^ tons les charmes de ce 
traitement, malgr6 la menace de voir les portes de cet £den- 
hdpital ferm^es ii jamais derri^re le fugitif, quelques malades 
d'un caract^re difficile s'en allaient quand m6me! n'iraient-ils 
pas semer la contagion ? » 

« En v^rite, s*6cria Loiseau Pinson, chacun n'est-il pas res- 
ponsable du dommage qu'il cause ? et dans ce cas le dommage 
est terrible puisqu'il n'atteint pas seulemcnt celui qui en est 
victime, mais encore sa posterity. La loi commune doit lui 
6tre appliqu^e. Le docteur Despr^s qui, quoique chirurgien pas 
propre, n'est pas une b6le, fait remarquer dans une de ses bro- 
chures que lorsqu'une nourrice est contamin^e par un nour- 
risson elle obtient des dommages-int^r^ts; pourquoi ne pas 
etendre cette responsabilit^ k tons les cas de contamination, et 
certes, en y ajoutant une sanction p^nale, car si le nourrisson 
est innocent du mal qu'il fait, puisqu'il n'en a pas conscience, 
il n'en est pas de m6me des pervers qui le r^pandent, ne pou- 
vant rignorer. 

« Pour conclure, dit-il, suppression de toute r^glementation 
qui donne au public Tillusion d'une surveillance efficace garan- 
tissant la sant^ des libertins; ne se sentant plus prot^g^s ils 
surveilleront leurs mauvais app^tits. C'est peut-6tre pour cette 
raison qu'en Angleterre, h ce que Ton pr6lend, les cas de con- 
tagion etaient plus rares avant Tapplication des Conitzgious acts; 

« Assistance attrayante pour les malheureux contamin^s; 

« Et enfin, pour les misdrables r^fractaires, la responsabi- 
lit6 p^nale, le droit commun. » 



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LE PARADOXE DE LOISEAU PINSON. 655 



II 



Si Loiseau Pinson avail v^cu, il aurait eu la satisfaction de 
voir que ses successeurs au Conseil municipal se sont active- 
ment occup6s de cette grave et difficile question et ont demands 
Tapplication d'une partie de son paradoxe; une tr^s minime 
par tie, il est vrai. II aurait pu constater en outre qu'au S^nat, 
dans la loi sur la prostitution vot^e en 1895, k la Chambre, 
dans le projet de M. Georges Berry, quelques-unes de ses id6es 
sont appUqu^es. Mais il aurait pu se convaincre aussi que la 
suppression de toute r^glementation, comme cela existe actuel- 
lement en Angleterre, est loin de sauvegarder la santd pu- 
blique. 

Le 20 avril 1883, le parlement anglais, aprfes une discussion 
approfondic, a abrog6 les Contagious diseases acts qui, selon la 
conviction des membres de la f^d^ration abolitioniste, causaient 
tout le mal. 

. Si Ton veut des renseignements exacts sur les r6sultats de 
cette r6forme, c'est k Tarmde que Ton doit les demander, parce 
que c'est chez elle seulement que Ton pent faire des statistiques 
completes sur cette mati^re delicate. Or actuellement Tarm^e 
anglaise est certainement la plus cruellement frapp^e de toutes 
les armies d'Europe. En 1894, pendant la discussion du budget 
il la Ghambre des communes, M. Jeffrys donne connaissance 
d'un rapport officiel du minist^re de la guerre. Ce document a 
T6y6l6 une situation des plus graves; en 18^, Tarm^e anglaise 
comptait dans sa totality 196334 hommes; lamoyenne annuelle 
des entries dans les hdpitaux pour maladies vdn^riennes a 
atteint le chiffre de 521S5, ce qui constitue plus du quart de 
Tefifectif ; la moyenne journali^re des v6n6riens hospitalises 
§tait de 4 191 hommes. 

Les Contagious diseases acts n'existent plus depuis 1886, on 
ne pent done s'en prendre k eux de ce d6sastre. 

En 1893, la Ghambre des communes prescrivit une enquftte 
qui aboutit k un rapport dont le D' Longuet a rendu compte de 
la fa^on la plus sincere et la plus d^taill^e dans les Archives de 



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656 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

midecine et de pharmacie militaires. L'enqu6te est faite sur la 
p6riode qui s'^coule de 1870 h. 1892. 

De 1870 i 1873, les Contagious diseases acts sont rigoureu- 
sement appliques; on Irouve alors joumellement par 1000 
bommes 12,33 hommes atleints d'affections v^n^riennes. 

Eq 1874, on change de m6thode : tout homme alteint est 
soumis k une peine disciplinaire (suppression de toute solde 
pendant la dur^e de s6jour i rhdpital). Naturellement le soldat 
fuit rh6pital et dissimule son mal le plus possible ; le cbiffre 
du nombre des malades s'abaisse k 9,S3 par jour et par 1 000 
hommes. Mais la maladie s'aggrave dans son intensity. 

Enfin en 1880, les Contagious acts sont combattus avec 
ardeur; dans nombre de vlUes ilsne sont plus appliques, quoique 
leur suppression n'ait 6t6 vot^e qu'en 1883; en 1886, ils 6taient 
supprim6s partout. De 1880 k 1886, la moyennejoumali^re s'est 
61ev6e k 17,46 pour mille, et s'est maintenue jusqu'enl893 k peu 
prfes 4 ce chiffre; en 1892 ce chififre 6tait de 17,48 pour 1000. 

Dans son beau livre intitule : La prostitution clandestine ^ 
livre d'oii je tire ces renseignements, M. le D' Commenge 6la- 
blit un parallfele int^ressant entre Tarm^e anglaise et Farm^e 
fran^aise au point de vue du nombre des maladies sp^cifiques. 
« Dans le tableau des maladies v^n^riennes, dit-il, concernant 
Varmde frangaise, le chiffre le plus 6\ey6 a 6t6 constats en 1875 : 
il est de 74,9 pour mille. Pendant cette mSme pSriode, le chiffre 
des maladies v^n^riennes dans Varm^e anglaise a 6i6 de 139,4 
pour mille. Le chiffre le plus 61ev^ du tableau de Tarm^e an- 
glaise se rapporte k 1885; il 6tait de 274,4 pour mille. Dans 
rarm6e frangaise la proportion des maladies v^ndriennes n'a 
6t^, durant cette m6me ann^e 1885, que de 52,1 pour mille. 

« Pendant les cinq derni^res ann^es 1888, 1889, 1890, 1891 
et 1892 la proportion des soldats entr^s dans les h6pitaux pour 
maladies v6n6riennes a ^t6 dans Tarmde anglaise de 224,5 
p. 1000,212,1 p. 1000, 212,4p. 1000, 197,4 p. 1000, 201, 2p. 1000. 

M Pour la m6me p6riode nous trouvons dans Tarmtfe fran- 
(jaise46,7 p. 1000, 45,8 p. 1000, 43,8 jt 1000, 43,7 p. 1000, 
44 p. 1000. » 

Enfin je reproduis le tableau dress6 par M. le D' Commenge 



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LE PARADOXE DE LOISEAU PINSON. 657 

pour ^tablir la comparaison au point de vue de la syphilis seule^ 
dans ies armies anglaise et franQaise. 

Annies. ADgleterre. France. 

i888 40,3 p. 1000 9,3 p. 1000 

1889 35,7 — 9,1 — 

1890 37,3 — 9,1 — 

4891 32,2 — 8,6 — 

1892 33,8 — 9,2 — 

La demonstration donnde par Ies chiffres de la statistique 
anglaise ont converti en Angleterre un des adversaires des 
Contagious diseases acts^ le docteur Graham Balfour qui avail 61^ 
k la t6te d*un bureau de statistique du d^partement medical 
de Tarm^e anglaise. « Ce ne fut, dit-il, qu'aprfes un examen soi- 
gneux des faits recueillis et dtablis par la statistique que je 
changeai d'opinion : Ies r^sultatsu tiles obtenus pendant Tappli- 
cation des«c/.s m'avaient pleinementconvaincu. » 

Cette mdme statistique a modiiid Topinion d'un 6crivain (1) 
scientifique frangais, qui s'^tait jusque-lJi montr6 Tennemi de 
la r6glementalion, le D*" de Pietra Santa, directeur du Journal 
d'hygiine. En 1894, aprfes avoir analyst dans son journal la sta- 
tistique des maladies v6n6riennes dans Tarm^e anglaise, il 
publia Ies lignes suivantes, une conversion en r^gle : « Ce genre 
de constatations et de recherches limit^es h Tarm^e de terre et 
ilia marine royale dans Ies grands ports auxiliairesdu Royaume- 
Uni a 6t6 trfts contests : toutefois, malgr^les variations etlesd^- 
faillances de la statistique, il serait injuste de ne pas consid^rer 
Ies rdsultats obtenus comme un facteur important de la solu- 
tion du problftme. Unseul fait reste inattaquable, c'est la nices- 
sitidune rSg lamentation moderdeet legale. » 

Ce qui s'est pass6 en Italie ne pent que confirmer la conver- 
sion si nette du savant H^ de Pietra Santa. Si M. Crispi, par sa 
m^galomanie, a ruin6 ies finances de son pays, il a aussi ruin6 
bien des sant^s italiennes par sa rage de se mettre k la mode 
anglaise. Les Contagious diseases acts ayant ^t^ supprim^s com- 
pl5tementen 1886, le minist^re Crispi en mars 1888 supprima 

(1) J'apprends & Tinstant sa mort. 

RKVUB PHILANTHROPIQUE. — II. 42 



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638 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

la r^glementation de la prostitution. D*abord la mesure fut 
appliqu6e dans neuf provinces, bientdt aprfes dans toutes les 
villes italiennes sans exception. A partir de juillet 1888 Tltalie 
ne compta plus de prostitutes inscrites. 

D^s la premifere ann^e qui suivit la suppression de la r^- 
glementation par la loi Crispi, en 1889, le nombre des soldats 
atteints de maladies v^n^riennes avait augments de 62 p. 100, la 
garnison comprenant le m6me nombre de soldats. L'annde qui 
avait prdc^d^ Fapplication de la loi Crispi, en 1887, la propor- 
tion des soldats infect^s 6lait de 4,25 p. 100, en 1890 elle attei- 
gnait le chiflFre do 10 p. 100. Cela devint un vdritabie d^sastre 
constats aussi bien dans les services civils que dans les services 
de sant^ de Farmde et de la marine. En 1891, un r^glement nou- 
veau, ^tudid par le conseil sup^rieurde la sant^, vint remplacer 
la loi Crispi dont Tapplication n'avait dur^ que trois ann^es. 
Ces trois ann^es laisseront des traces profondes en Italie. 

Ces statistiques et cet exemple ddmontrent qu'on ne pent 
admettre la lij)ert6 de la prostitution, qu'il faut s'efforcer d'ar- 
r^ter la propagation du mal ; mais le difficile est d'en trouver le 
moyen. 

Le Conseil g6n6ral de la Seine Ta trouv^ pour une fraction 
de la population des prostitutes, pour les iilles mineures. Elles 
constituent une grande partie des insoumises, et sont, d'aprfes 
les syphiligraphes, les prostitutes les plus dangereuses au point 
de Tue de la contagion. Le nombre de ces insoumises mineures 
est trfes grand, et on en trouve d'un Age improbable; le 
D"* Commenge cite des cas effrayants de pr^cocit^ ; une fille de 
12 anspar exemple, ne voulant faire aucun travail, affirmant sa 
resolution formelle de continuer k se livrer au vilain metier 
qui la fit prendre et arr^ter plus tard, h 13 ans, syphilis^e. 
Dans le livre du D' Commenge on trouve Thistoire de jeunes 
lilies d^pourvues de toute id6e de pudeur; Tune, &g4e de 15 ans, 
livre sa virginitfi Ji un inconnu qu'elle n'a jamais revu, pour 
la somme de deux francs; une autre, vierge aussi, s'offre k Tern- 
ploy^ d'un manage de chevaux de bois contre la bien mince fa- 
veur de la faire tourner quelques instants; cette malheureuse 
avait 14 ans. 



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LE PARADOXE DE LOISEAU PINSON. 659 

Peut-on inscrire ces enfants sur le grand livre de la prosti- 
tution ? L'4ge de Tinscription a vari6 avec ies diS^rents pr^fets 
de police ; on a vu i'inscription pronoac6e pour des filles de 
47, 16, et m6me 15 ans. Ce n'est quk partir de la presence de 
M. Lupine k la Prefecture de police que Tinscription n'a eu lieu 
qu'aprfts 18 ans. 

Le Conseil g6n6ral de la Seine a supprim6 cette premiere 
difficult^ apr^s une longue discussion du rapport d'fimile Ri- 
chard (1). 

Cette discussion, il estvFai,n'aurait pas abouti,en raisonde 
la multiplicity des opinions irr^ductibles, si MM. Paul Strauss, 
Alphonse Humbert et plusieurs autres conseillers n'avaient 
sauv6 la partie la plus importante du projet en faisant deux 
propositions qui furent vot^es : 

^^ {Tt Proposition. — II sera ouvert un asile sanitaire dans 
lequel seront envoy^es Ies femmes reconnues malades par le 
m^decin du dispeusaire municipal. 

« Get asile ne pourra 6tre, ni comme emplacement, ni comme 
regime, confondu avec la prison de Saint-Lazare ni avec un 
autre ^tablissement p^nitentiaire. 

« 2® Proposition. — Le Conseil est d'avis qu'il y a lieu de 
fonder pour Ies filles mineures, en ^tat de vagabondage immoral, 
originaires du d^partement de la Seine, un dtablissement spe- 
cial qui devra 6tre rattach^ au service des moralement aban- 
donn^s. 

M Une infirmerie special e pourra y fetre annex^e et devra 
recevoir Ies filles mineures se livrant d'habitude k la prostitu- 
tion et reconnues atteintes de maladies vdn^riennes. » 

Par la premi&re proposition, le Conseil g6n6ral supprime la 
qualification de prison ; mais il ne r^sout pas la question de 
sortie. Rien nlndique dans le texte que la sequestration est sup- 
primde aussi, ou qu'elle est impos^e jusqu'i la gu^rison? Ce 
qui dans ce dernier cas constituerait un hdpital-prison au lieu 
d'une prison-hdpital. 

Sur la seconde proposition le Conseil g^ndral arrache Ies 

(1) La prostitution d Paris, 1890. 



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660 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

mineures h la r^glementatioD, puisqu^il fait de ces jeunes pro- 
stitutes une cat^gorie des enfants moralement abandonn^s et 
les enferme jusqu'4 lour majority dans une maison de r6forme. 
Malheureusement cette proposition ne comprend que les enfants 
n^s dans le d^partement de la Seine, sans doute pour raison 
budg6taire ; mais avec cette restriction les autres mineures res- 
teront soumises h Tancienne r^lementation. Tons les anciens 
inconv^nients subsistent done pour une grande partie des mi- 
neures insoumises, ce qui dte au projet une grande partie de sa 
valeur au point de vue de la sant6 des Parisiens. S'^tendant h 
toutes les mineures, cette deuxi^me proposition ^tait parfaite, 
et c'est la solution qu'il faudra prendre si Ton veut faire une 
r6forme efficace. 

Restent les prostitutes majeures. On pent affirmer qu'en 
France, k quelques rares exceptions pr^s, les m^decins de- 
mandent Tinscription et la visite m^dicale. fimile Richard et le 
docteur Georges Martin demandaient I'inscription volontaire. 
Tout fait supposer que le registre destine k recevoir ces inscrip- 
tions n'aurait pas besoin d'fitre bien gros. Toutefois on cite un 
certain nombre de filles qui sont allies k la prefecture de police 
demanderleur inscription avant de commencer le triste metier; 
entre autres une institutrice. G'6tait k ses yeux sans doute le 
dipl6me garantissant son 6tat. Pour celles-l^, rien de mieux, et 
il n'est pas besoin de les garantir du pouvoir judiciaire ; majeures 
elles ont le droit de s'astreindre k cette servitude volontaire. 
Mais les majeures qui se livrent k la prostitution clandestine 
qui cause tant de ravages, par quel pouvoir seront-elles inscri- 
tes? L6on Lefort, dans la discussion de FAcadc^mie de m^decine 
de 1888, demanda que Tinscription devint une peine provisoire 
et ne f6t prononcde que par Tautoritd judiciaire. C'est \k la 
seule solution; en faisant remarquer toutefois que Tinscription 
et renvoi dans un hdpital special n'est pas une peine, mais une 
garantie hygi^nique, de la prophylaxie sociale. 

Mais, pour en arriver k cette inscription, pourquoi ne pas 
envoyer toute personne saisie en action de racolage ou con- 
vaincue de prostitution habituelfe et aprfes instruction ou en- 
qu6te, devant le tribunal correctionnel statuant en chambre de 



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LE P.ARADOXE DE LOISEAU PINSON. 661 

Conseilqui ordonnera suivant les circonstances et aprfes examen 
mMicalla sequestration dansunhdpital special jusqu 'it gu^rison 
des accidents transmissibles et ne pouvant sortir, selon les cas, 
qu'apr^s inscription sur le livre des visites r^glementaires. 

Get hdpital pourrait fetre et devrait 6tre Thdpital attrayant 
de Diday et de Loiseau Pinson. Le savant professeur Foumier 
qui, iui aussi, demande la creation d'h6pitaux spdciaux, ne 
demanderait certainement pas mieux que de voir essayer Fas- 
sistance assez attrayante pour faire accourir tons les malheureux 
en qu6le de sant6. 

En fin la poursuite.des hommes qui vivent de la prostitution 
est comprise dans Tarticle 1" de la loi sur la prostitution, vot6e 
par le S6nat en 1895. Voici cet article : « Ceux qui auront aid6, 
assists ou soutenu la prostitution d'autrui sur la voie publique 
ou dans les lieux gratuitement accessibles au public, ou qui 
en auront sciemment partagd les profits serontcondamn^siiun 
emprisonnement de trois mois k deux ans et k une amende de 
100 ft 1 000 francs. 

« lis seront en outre soumis, aprfes Fexpiration de leur peine 
pendant cinq ans au moins et dix ans au plus, k I'interdiction 
de s^jour ^dict^e par Tarticle 29 de la loi du 27 mai 1885. 

« En cas de r6cidive, dans un d^lai de cinq ans et si la der- 
ni^re peine est sup^rieure k six mois d'emprisonnement, les 
tribunaux pourront en outre prononcer la relegation. » 

Ge n'est pas Ik tout k fait ce que demandait Loiseau Pinson, 
mais c'est d6jk un acheminement vers ce qu'etait son ideal; on 
a ose toucher k Thomme. 

On le voit, son paradoxe est devenu v6rite pour certaines 
parties : suppression de la reglementation pour les mineures^ 
introduction de Tautoritd judiciaire pour les inscriptions, 
poursuite des proxdn^tes d'habitude ou d'occasion, enfin hdpital 
special, pas encore attrayant; toutcela, il estvrai, n'est encore 
que sur le papier. 

Mais, d*autre part, Texemple de TAngleterre et de Tltalie 
nous a magistralement prouve que la suppression de toute 
reglementation aboutit au desastre. Quant k la responsabilite, 
il n'y faut pas songer encore ; on n'a pu appliquer Timpdt sur 



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662 REVUE PHILANTHROPIQCE. 

le revenu par la peur des enqu6tes sur T^tat des fortunes pri- 
vies; comment accepterait-on jamais, enmati^re de contagion, 
la responsabilit^ qui demanderait des enqufttes autrement in- 
times7D'ailleurs la crainte du cliantage, qui emp6che T^tablis- 
sement de la recherche de la paternity, emp6chera bien plus 
silrement encore F^tablissement de la responsabilit^ sp^ciale 
que demandait Loiseau Pinson prenant Despris pour point 
d'appui. 

D' H. THULlfe. 



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LES 

DERACINES ET LEUR RiiPATRIEMENT 



I 



Pour tous ceux-li qui sont venus vers la vingti^me ann6e 
de leur province 4 Paris, le dernier et trfes beau livre de M. Mau- 
rice Barr^s, les DiraciniSy ^voqua brusquement dfes les pre- 
mieres pages, avec une precision singuli^re et surprenante, 
toute une p^riode de leur vie. Ce livre, aujourd'hui c6l5bre, 
est le roman d'une poignde de jeunes Lorrains r^unis par la 
camaraderie commune du lyc^e de Nancy et brusquement trans- 
plant^s dans Tagitation de la grande ville, loin de leur famille, 
loin de leurs horizons coutumiers. Leur histoire s'y ddroule 
avec ses r6ves, ses espoirs, ses deceptions, ses catastrophes, 
minutieuse et puissante comme celle de quelques-uns des per- 
sonnages les plus vivants de Balzac. Jamais peut-6tre ne fat 
mieux exprimde Tivresse un peu douloureuse des premieres 
ann^es de Paris; jamais non plus ne fut plus dloquemment d6- 
montrde et par le titre seul et par les p^rip^ties de ce puissant 
ouvrage. Taction bienfaisante qu'aurait dans beaucoup de cas, 
pour les faibles qui succombant dans une lutte trop dure ne 
peuvent h Paris prendre racine, un rapatriement fait assez tdt. 
Gette action bienfaisante du rapatriement pourrait fournir, au 
point de vue social et moral, Tobjet d'une importante 6tude. 
C'est dans bien des cas la seule mesure qui puisse sauver non 
temporairement mais d6finitivement ces provinciaux, demi- 
vaincus de la vie des grandes villes, exposes par la misfere me- 



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664 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

na^ante h toutes les tentalions. Plus encore que pour les indi- 
vidus le rapatriement pourrait dtre bienfaisant pour les families 
si mal partag^es, si k T^troit dans la m6l6e parisienne. Mais en 
se limitant h un point de vue plus restreint, le point de vue 
medical, la puissance merveilleuse de ce retour au pays natal 
pent 6tre 6tablie plus netlement encore. Ici les mesures pra- 
tiques sont plus faciles k formuler. Leur application est digne 
de tenter les socidt^s r^gionales si nombreuses et quelques-unes 
si puissantes k Paris. En s'occupant tout d'abord de ceux k qui 
la valeur physique et la sant6 firent d^faut, peut-6tre, en pre- 
sence des r^sultats obtenus, seront-elles amen^es plus tard k 
etendre leur activity sur les autres, sur tons ces D^racin^s dont 
Fambition d^passa T^nergie. 

II 

La puissance thdrapeutique du rapatriement est form^e de 
deux facteurs distincls. Le premier est d'ordre banal. C'est 
Taction bienfaisante du retour k la campagne n'importe com- 
ment et n'importe oil, Le second, Taction particulifere du pays 
d'origine, est d'ordre plus special et plus subtil. On pent toute- 
fois Texpliquer, mais bien incompl&tement, en invoquant le 
rdle dans le fonctionnement des organes des accoutumances 
non seulement personnelles, mais h^rdditaires. 

Un seul exemple emprunt^ k Tune des maladies les plus 
redoutables, la tuberculose, suffit k d^montrer la haute valeur 
supdrieure k celle de tons les medicaments, de la campagne 
quelle qu'elle soit. Le sort des tuberculeux soign^s dans les 
hdpitaux des villes est malheureusement bien d6fini. M. Gran- 
cher Ta resume d*un mot trfes sommaire et trfes 6nei^que : ils y 
meurent tons. Soign^s au grand air dans les sanatoria, ces 
m6mes tuberculeux des villes donnent une proportion de gu^ 
risons definitives qui atteint jusqu'ii 30 p. 100. Cette action de 
Tair pur, de la tranquillity substitute au surmenage et au tu- 
multe ambiant, constitue certainement un des aliments fonda- 
mentaux de Taction du rapatriement. Get element est indis^ 
pensable, et il est bien certain qu'un Lyonnais d*origine tomb6 



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LES D6RACIN£S ET LEUR RAPATRIEMENT. 665 

malade dans quelque appartement sans air et sans soleil du 
faubourg Saint-Antoine n*aurait aucun avantage k le quitter 
pour alier chercher un appartement analogue h la Croix-Rousse. 

L'action sp6ciale du deuxi&me ^l^ment, le pays natal, moins 
facile Ji d6montrer directement par des chiflFres, n'est pas moins 
certaine. Au d^but de ce sifecle, I'importance de la nostalgie avait 
certainement 6t6 exag6r6e en m^decine. On ne se contentait 
pas de rinvoquer non seulement pour bon nombre d'hypocon- 
driaques — les neurasthdniques d'aujourd'hui — et cela non sans 
quelque cause. On attribuait k la nostalgie toute une s^rie de 
lesions organiques dans lesquelles elle avait tout au plus jou6 
le r6le de cause bien accessoire. Actucllement, ce qui est un 
tort, le mot de nostalgie n'est m6me plus prononc6 dans les 
trait^s de maladies du syst^me nerveux. La facility des d^pla- 
cements, le nombre et la s6rie des transplantations successives 
en des lieux divers ont rendu moins Evident, plus facile k m6- 
connaitre ce facteur morbide : T^loignement du pays primitif. 
Pourtant m^me aujourd'hui on le retrouve souvent trfes net dans 
deux races qui constituent deux des colonies d'^migration pari- 
sienne les plus importantes, les Auvergnats et les Bretons. 

L'instinct populaire est en pareil cas chez eux bien remar- 
quable. Quand de plus en plus leur santd faiblil, sans trop 
s'attarder k la cause du mal, sur le remede cet instinct n'h^site 
pas. Gette foi robuste et justifi^e daus Fair natal a 6t6 pittores- 
quement not^e par M. Aj albert dans son livrc si int^ressant sur 
TAuvergne. « C'est leur hygiene, dit-il, k beaucoup d' Auver- 
gnats de Paris, un traitement pr6venlif qui leur r^ussit. D'ail- 
leurs ils n'attendent pas d'etre k Tarticle de la mort pour y 
recourir. Dfes qu*ils se sentent « quelque chose qui ne va pas », 
ils songent au pays et comme les enfants qui ne confient qu'4 
leur m^re le soin de dorloter leurs chagrins, eux tout de suite 
toument les yeux vers la montagne, ne comptent que sur elle, 
n'esp^rent qu'en elle. » 

Et dans le m^me livre de M. Ajalbert se trouve une obser- 
vation profonde, fort juste au point de vue medical et renfer- 
mant en germe I'explication de Cette action de Fair natal par 
les accoutumanccs h^r^ditaires 



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666 REVUE. PHILANTHROPIQUE. 

« Auxheurcsde langueur, laplusd^sesp^r^e, dit-il, Tid^eme 
hantaque parlamontagnejepouvais6lregu^ri,rid6e fixedfeor- 
mais. Est-ce que tout de suite, au premier malaise, ces Auvergnats 
dontjeconnaissais un grand nombre ne partaient pas confiants 
pour un tour au pays, quelques semaines ISi-bas? Et commeils 
revenaient solides, retrempds, renouvel6s. II leur suffisait de 
toucher terre — sur laterre natale — pour ramener leurvigueur 
^puis^e. Ce que la montagne accomplissait pour ses fils ne le 
ferait-elle pas pour unde ses petits-enfants? » L'espoir se v^rifia 
merveilleusement. C'est qu'en effet, k c6t6 du lieu de naissance 
souvent accidentel, il y a lieu de tenir compte du vraipaysd'ori- 
gine. Tel Parisien n^ k Paris appartient en r^^^alit^, au point de 
vue de sa race, k la plaine, k la mer ou k la montagne. 

Ill ' 

Une s^rie de circonstances favorables m*ont pour ma part 
permis de conseillerbien des foisle rapatriement et d'en appr^- 
cier la merveilleuse puissance. Malheureusement ces circon- 
stances 6taient en r6alit6 de nature un pen exceptionnelle. II 
s'agissait, dans la grande majority des cas, d'^tudiants apparte- 
nant k des families de province toutes prates k les recevoir. La 
caisse des pr^ts de TAssociation des ^tudiants leur 6tait au 
besoin ouverte pour les premieres ddpenses du voyage. Ils'agis- 
sait aussi d'employ6s d'une grande compagnie de chemins de 
fer. Pour eux aussi le voyage devenait facile et des secours de 
maladie 6taient tr^s lib6ralement accord^s. Mais dans un 
nombre considerable d'autres cas, les difficult^s mat^rielles 
etaient tr^s grandes. EUes ^talent de deux ordres, tenant aux 
frais m^mes du rapatriement, aux premiers frais de s^jour du 
malade rapatri^. Trop souvent elles devenaientinsurmon tables, 
et le malade ^tait r^duit k attendre tristement la mort dans ce 
Paris qu'il n'avait plus les moyens de quitter. 

Pour ceux de ces pauvres D6racin6s qui sont absolument 
sans ressources, qui ont perdu tout lien d'attache avec le pays 
d'origine, le probldme restera malheureusement presque inso- 
luble. II ne faudrait pas seulement les rapatrier, ilfaudrait, une 



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LES DfeRACJNfeS ET LEUR RAPATRIEMENT. 667 

fois rapatri6s, leut faire des rentes. Mais dans beaucoup d'autres 
cas — les plus nombreux peut-^tre — la difficult^ serait incom- 
parablement moindre. II suffirait de leur assurer les frais de 
voyage et tout au plus les premiers frais de s^jour. Les uns oat 
conserve au pays des families assez aisles pour les recevoir. 
Les autres sont assez I6g^rement atteints pour qu on puisse 
esp^rer h bref d^lai une gu Prison permettant la reprise du tra- 
vail, gu6rison qui deviendra d'autant plus solide et definitive 
que le rapatri^ aura cette sagesse de ne plus quitter le pays. 

C'est surtout dans cette deuxi^me cat^gorie de cas que pour- 
rait fort utilement s'exercer Taction des nombreuses asssocia- 
tions r^gionales d^j^ mentionn^es au d^but de cette ^tude. 
Beaucoup d'entre elles sont suffisamment riches pour pouvoir 
ouvrir k leur budget un compte de secours pour les frais de 
voyage et m6me pour les premiers frais de s6jour. Par les 
influences locales dout elles disposent, il leur serait en general 
facile d'assurer au rapatri6 une fois r^tabli soit un emploi, soit 
un travail compatible avec ses forces. Assur6ment la plupart 
de ces associations s'occupent d6ji pour des cas isol^s de cette 
intervention bienfaisante. 11 ne s'agirait que de la gdn^raliser 
et de la d^velopper. Et cette ceuvre est assur6ment aussi une 
de celles qui m^riteraient le plus de tenter les nouveaux comit^s 
de patronage des hdpitaux. 

Si le but de cette ^tude n'^tait pas avant tout medical, peut- 
6tre conviendrait-il de plaider, en terminant, la cause, non 
seulement des malades, mais de tons les autres D^racin^s. Tons 
nous avons connu des compatriotes qui, moinsd^faut de sant6 
que defaut d'une sdrie d'aulres qualit^s u^cessaires pour le 
combat de Texistence, neparvenaientd6cid6ment pas Ji6merger 
dans la m^l6e parisienne. lis alJaient, resistant de plus en plus 
mal, se d^classant de plus en plus. Pour ceux-lSi, la n6cessite 
du retour au pays, si elle n'est plus d'ordre physique, devient 
souvent une n^cessit^ morale. Leur conseiller et leur faciliter 
ce retour est assur^ment k eux aussi le plus grand service qu'on 
puisse leur rendre ; conseil qui malheureusement sera toujours 
accepts sans enthousiasme et sera loin d'etre souvent suivi. 
Pourceux-li beaucoup plus que pour les malades, la sagesse sera 



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668 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

de prendre quelques precautions en leur assurant les frais de 
rapatriement. L'argent du re tour au pays seraitbienfacilement 
d6toum6 de sa destination. Ce sont les pires D^racin^s. 

Parmileslivresdecesderniferesann^es, FouvragedeM. Barr^s 
est assur^ment celui qui a eu le retentissement ie plusprofond 
surtout parmi les jeunes. Ge volume^ bien que formant un tout 
complety doit 6tre continue par deux autres poursuivant This- 
toire de ces ^tudiants devenus hommes aprfes avoir suppport6 
le premier choc. Comme la bataille initiale, cette s^rie d'autres 
batailles aura certainement ses vaincus. Pour Tun d'entre eux 
bris6 par un grand chagrin d^amour, M. Barrfes ad^ji biennot^ 
rinstinct myst^rieux du retour au pays natal, comparable k 
celui de la bMe bless6equi revient it songite. Ilseraiti souhaiter 
qu'il YOuUit bien aborder plus en detail cette question dans la 
suite de son ceuvre et mettre au service de la cause que nous 
d^fendons — le rapatriement des D6racin6s — son merveilleux 
talent d'^crivain. 

D' A.-F. PLICQUE. 



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L^ASSISTANCE EN ESPAGNE 



I 



AUer chercher en Espagne quelque chose de nouveau, dont 
puisse profiler notre pays, ence qui concemerhygifene scolaire 
et les exercices physiques d*un c6ld, rhygifene g^n^rale, Tas- 
sistance gdn^rale et m^dicale de I'autre, ^tait sans doute une 
tentative hardie. L'Espagne n'est pas de ces peuples qui 
marchent h la tdte de la civilisation, et il semble que dans les 
mati^res dont je viens de parler, on pouvait trouver en elle 
une imitatrice, non une initiatrice. 

Cependant, la p^riode brillante qu'a travers^e ce peuple 
sous la domination des Maures doit avoir laiss6 quelques 
traces dignes de notre admiration, et il 6lait agr6able, peut- 
fetre m6me utile, de les retrouver. Cette p6riode, malheureuse- 
ment, a 6t6 fort courte. L'esp^ce d'apathie dans laquelle est 
tombde I'Espagne par suite de I'expulsion des Arabes, la soif 
de For qui s*est emparde de ce pays, aprfts la ddcouverte de 
TAmirique, la grande Emigration eflfectuEe, soit pour satisfaire 
cette soif, soit pour aller guerroyer au dehors, TEnorme dimi- 
nution des naissances qui en fut la consequence, la predomi- 
nance d'une noblesse exploitant les autres classes de concert 
aveclescommunautes religieuses etlesordresmilitaires,laruine 
de cites, d'etablissements industrielsetagricoles autrefois floris- 
sants, sous la domination des Maures, et que Texpulsion vio- 
lente de ces civilisateurs an^antissait tout d'un coup, toutes ces 



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670 AEVUE PUILANTHROPIQUE. 

causes r^unies, d'autres encore, oat fait subir k TEspagae une 
decadence profonde. Elle n'est que momentan6e (1). 

L'Espagne essaie, depuis d^jkquelque temps, de se repren- 
dre, de r^veiller son Industrie, de multiplier les moyens de 
communication, de corriger, par de sages mesures d'hygifene, 
la situation que cr^ent iice beau pays la nature du sol, sa topo- 
graphie, la longueur d^mesur^e deses c6tes et d'autres parlicu- 
larit^s desquelles r6sulte un climat heurt^, irr6gulier, divers, 
et, sur quelques points, peu salubre. 

Cette race est sobre, encline k Toisivet^, k raison de la mo- 
deration de ses app^tits; elle amoinsdorgueilqu'on ne lecroit, 
et certains de ses hommes d'etat, de ses litterateurs, de ses sa- 
vants, s'accusent plus qu'il n'est raisonnable de T^tat de leur 
pays. 

D*ailleurs, ce sentiment, n6 d'une modestie exag^r^e chez 
la plupart des hommes distingu^s que j'ai rencontrds, je le 
crois sincfere; d'autant plus que je Tai trouv^, — It part choz 
quelques-uns qui ne demandaient qu*4 6tre contredils, — asso- 
ci6 k un grand d^sir de reconqu6rir pour TEspagne une bonne 
place au soleil de la civilisation. 

En instruction, en hygiene, dans le domaine des sciences 
d'experimentalion et d'observalion, — j'abandonne les sciences 
exactes, — les Espagnols marquants etudient, recherchent, font 
effort. 

Mais ce qui manque k ces tetes, ce sont des corps qui leur 
obeissent. Bien souvent j*ai entendu parler des chefs; ilsexpo- 
saient leur ambition, mais en mftme temps leur impuissance ; 
il leur manquait d'etre suivis : c'etaient des g^n^raux sans 
arm^e. Ce qui leur fait aussi defaut, ce sont les ressources 
materielles. Dans certaines parties priviiegiSes, lesol estaride; 
on connalt le proverbe : « L'alouette en traversant la Castillo 
doit emporter son grain. » II y a on Espagne beaucoup de 
montagnes, peu de riviferes, ou plut6t peu de cours d'eau utili- 
sables et soumis. L'Espagne est, sur un grand nombre de points, 
un pays nu, desol6, ingrat; on a d^vaste les for^ts qui le cou- 

(1) Ces notesy on le reconnait, ont €t6 ^crites avant la guerre Carlisle qui, de 
nouveau, niina I'Etpagne. 



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L'ASSISTANCE EN ESPAGNE. 671 

vraient, et parfois Toeil se pose attrist^ sur de vastes deserts. 
Cette absence de for^ts est sans doute cause que ces mdmes 
cours d'eau, trfes rares, se gonflent aux jours de lemp6te, et 
am5nent d'efifroyables d^sastres, comme on Ta pu voir dans 
ces demiers temps. 

Tons ces facteurs de la pauvretd du sol contribuent h la 
mis^re de Thabitant : celui-ci a de la peine k vivre du produit 
de son labeur, plus de peine encore k payer rimp6t. Toute 
id^e d'dconomie parait impossible. 

Aussi les contributions sont-elles difficiles k percevoir, et 
par cela m^me est rendu tr^s aldatoire Tenlretien des routes, 
des dcoles, des hOpitaux. J'ai eu Toccasion d'en observer des 
exemples : des instituteurs k qui les municipalitds doivent 
plus de 8 millions, et dont plusieurs ne vivent que de la 
charity des parents de leurs 6lfeves, ou des pr6ts ruineux des 
usuriers; des h6pitaux, oti, comme k Almdria, que visitait le 
ministre de rint6rieur k la suite des inondalions de septem- 
bre 1891, les soeurs, les internes, les infirmiers se sont plaints 
de n'avoir pas ^16 payds depuis plus de dix mois; la Maternity 
de la m6me ville, aux nourrices de laquelle il est d\i huit mois 
de leurs gages, bien gagnds, cependant, par ces pauvres 
femmes k qui Ton impose d'allaiter chacune deux, et m6me 
trois enfants. 

II 

La rdglementation des hftpitaux est tr^s compliqu6e et trfes 
minutieuse. EUe ne comprend pas moins de 220 articles : Tun, 
entre autres, prescrit qu'il n'y aura pas dans chaque ville, si im- 
portante qu'elle soit,plus de quatre hdpitaux, places aux extrd- 
mit^s; Tarticle 107 prescrit Tisolement facultatif d'un h6pital de 
convalescence et obligatoire d'un asile d'alidnds [manicomio) ; il 
est, actuellement m6me, pen frdquemment observd. En parlant 
de ces asiles,le r^glement defend Temploi des moyens violents 
it regard des fous, et recommande Tinstallation de travaux qui 
puissent les occuper et les distraire. 

A propos de Tassistance individuelle, le r^lement prescrit 



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672 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

des maisons de secours pour les cas de maladie les plus 
urgents et les accidents de la voie publique ainsi que le trai- 
tement Si domicile. De ce dernier, r§form6 par un d6crel recent 
(14 juin 1891), nous aurons k parler plus ionguement. 

Disons, en attendant, que d'apr^s le rfeglement de 1822, tout 
individu habitant la commune, T^tranger lui-m6me, pounru 
qu'il ait un metier ou profession, a droit k 6tre secouru s'il est 
pauvre. 

La Commission locale de bienfaisance doit, autant que pos- 
sible, lui fournir du travail; en cas de maladie, il est soign^ 
chez lui, mais si la chose est impossible, le malade est envoy§ 
iirh6pital de la province aux fraisde la ville. 

On trouve comme consequence de cette excellente r%le- 
mentation de Tassistance un certain article 93 qui defend la 
mendicity partout oil Ton a 6tabli des maisons de secours ou 
Tassistance k domicile ; mais les prescriptions n'en sont g^n^- 
ralement pas observ6es, et les mendiants se rencontrent plus 
nombreux, peut-6lre, en Espagne que dans les autres pays. 

Ill 

J'ai fait allusion plus haut klsi loide 1875. Celle-ci, corame 
on le verra, a donn^ les rfegles de la bienfaisance priv^e. Je 
vais dire un mot de Timportante loi de 1849, qui a ^tabli les 
divers rouages de la bienfaisance publique. 

EUe determine les dtablissements qui onlle caract^re public 
et les divise, comme la loi de 1822 Tavait fait, en g^n^raux, 
provinciaux et communaux. La loi confie Tadministration et 
la surveillance de ces trois categories d'oeuvres k trois com- 
missions sp^ciales. 

La Commission g^n^rale qui a son sidge & Madrid so com- 
pose de Tarcheveque de Tolede, du patriarche des Indes, du 
commissaire general desCruzadas, membres de droit, de deux 
conseillers d'Etat (interieur et contentieux), d'nn conseiller de 
rinstruction publique, d'un m^decin membre du Gonseil de 
sante, de quatre membres nomm^s par T^tat qui designe aussi 
un ou deux membres d'un etablissement general de bienfaisance. 



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L'ASSISTANCE EN ESPAGNE. 673 

On comprend que ce Conseil, qui a assez d'analogie avec 
notre Conseil sup^rieur de TAssistance publique, soit le comity 
consultatif du directeur g^n^ral de la bienfaisance, subordonn6 
lui-m6me du ministre de Tlnt^rieur. 

La Commission provinciale est, sous la pr^sidence du gou- 
vemeur (pr^fet), compos^e des ^l^ments suivants : le pr6lat 
dioc^sain, vice-president, deux chanoines d^signSs au gouver- 
nement par lechapitre, ou, s'il n'y a pas de chapitre, deux eccl6- 
siastiques proposes par le pr^lat, un depute de la province 
(conseiller g^n^ral), un m^decin, deux membres r^sidant au 
chef-lieu et nomm^s par le ministre sur la proposition du gou* 
vemeur, un membre du Conseil de surveillance d'un ^tablisse- 
ment provincial (hdpital ou asile). Rien d'analogue n'existe en 
France. Chez nous, en effet, it part les asiles d'ali^n^s, les 
d6pdts de mendicity et les maternit^s, le Conseil g^n^ral ne 
cr^e pas une organisation hospitalifere propement dite, et les 
maisons de refuge pour les vieil lards et les orphelins sont des 
eiablissements purement municipaux. 

Je dirai en passant que la loi de 1 875 6leva de 7 & 1 1 le nombre 
des membres des Commissions provinciales, et qu'en 1885 
celui des membres de la Commission provinciale de Madrid fut 
portd & 15. 

Les commissions municipales sont pr^siddes par Talcade 
(maire). Elles ont la composition suivante: un cur6, un ou 
deux conseillers municipaux, le plus ancien des m^decins de 
Tassistance communale, deux ou trois membres du conseil de 
surveillance d'un 6tablissement provincial ou municipal. 

Ces commissions sont chargfies de Torganisation des secours 
k domicile et plus sp^cialement des secours en argent. La loi 
specific que si les commissiQUS municipales se subdivisent dans 
les villes importantes en plusieurs sous-commissions, il y aura 
toujours dans leur sein un eccl^siastiqne nomm^ par Talcade, 
sur la proposition de la Commission. Quant k celle-ci, ses 
membres sont nomm^s par le gouvemeur sur la proposition 
du maire. 

D'apr^s le r^glement de 1849 le public doit connaitre par 
des avis insdr^s dans le Journal of ficiely dans le Bulletin de 

RBVUE PHIL4ICTHR0nQDB. — S. 43 



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674 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

chaque province ou par des affiches appos^es k la porte de 
chaque mairiey les sommes qui ont 6t6 acquises par legs ou 
par donations aux divers 6tablissements de bienfaisance pen- 
dant le mois pr^c6dent. C'est une excellente mesure qui met le 
public au courant de ce qui se passe et lui permet de porter ses 
lib^ralit^s sur telle ceuvre moins favorisde que les autres. 

L'administration des 6tablissements de bienfaisance de 
rifitat est placde sous Tautorit^ du ministre de Tlnt^rieur, du 
directeur g6n6ral de la bienfaisance et d'un comity de dames 
cv66 par d6cret du 27 avril 1875. Un inspecteur g^n6ral inler- 
vient pour tout ce qui regarde Thygifene, le service medical et 
pharmaceutique. II a dgalemenl Tinspection de tons les asiles 
d'ali^n6s provinciaux ou municipaux, au point de vue surtout 
de la situation morale des individus qui y sont enferm^s. 

Un r^glement concernant les aumdniers d'hdpitaux leur 
prescrit d'attendre, pour donner les secours religieux, le d6sir 
formellement exprim^ par le malade, et leur d^lfegue la direction 
morale et spirituelle de ceux-ci. 

La nomination des m6decins et pharmaciens se fait g^n6- 
ralement au concours {oposicion), quelquefois sur litres {con- 
curso). lis se divisentpar moiti^ en m^decins titulaireset sup- 
pliants, ces demiers nonpay^s; mais lesm^decins d'hdpitaux, 
en Espagne, rcQoivent une retribution qui n'est pas d6risoire, 
comme en France, et qui varie d'ailleurs, avec Timportance de 
retablissement. 

IV 

Voici la r6glementation en ce qui concerne les ^tablissc- 
ments priv^s. lis avaient acquis des richesses considerables; 
en Espagne, comme dans d'autres pays, la piete des fiddles, aussi 
bienque leur esprit de charity, avait remis jadis entre les mains 
du clerge les sommes n^cessaires k la fondation d'oeuvres 
diverses de bienfaisance, qui remonte h. une ^poque recul6e, et 
leur installation se ressent de cette anciennete d'origine. 

La loi du 23 Janvier 1822, qui se pr^occupait surtout de la 
double autonomic provinciale et communale, arriva k supprimer 



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L'ASSISTANGE EN ESPAGNE, 675 

rind^pendance des fondations particuliferes. La loi du 20 juin 
1849 les ^mancipa et les s^para un peu trop des ^tablissements 
publics. Un dtScret rendu, en 1875, sur la proposition de 
M. Romero Robledo, r^gularisa leur situation et renforga Tac- 
tion administrative relftch^e depuis la loi de 1849. « La bien- 
faisance particulifere, disait le ministre, viendra ainsi en aide 3i 
la bienfaisance publique et sp^cialement k la bienfaisance 
g^n^rale en all^geant ses budgets, et jamais plus Targent du 
pauvre ne sera d6tourn6 de sa destination. » 

Et, en efTet, le rfeglement qui accompagnait ce d^cret de 
1875, tout en respectant les fondations particuliferes etles attri- 
butions qu'elles ont regues de leurs fondateurs, donne h T^tat 
la surveillance sur le domaine de Thygi^ne et de la morale, sur 
celui de Taccomplissement strict des obligations auxquelles les 
OBuvres particuliferQs sont soumises. II complete et rend facile 
le fonctionnement de ces oeuvres, dispose des fonds suppl^men- 
taires ou dont la destination est caduque, et les applique k 
d'autres oeuvres du m6me genre. 

Chaque ^tablissement est sous la direction d'un patronage 
{Junta de Patronos) qui doit se tenir toujours en r^gle vis-Ji-vis 
de FEtat, lequel pent destiluer, pour des faits [graves, les mem- 
bres de cette Commission nomm^s par lui dans les conditions 
prescrites par les fondateurs. Ces commissions soumettent leurs 
comptes et budgets k la Commission provinciale dans le ressort 
de laquelle elles fonctionnent, et ces documents sont envoy^s 
k la direction g6n6rale de Madrid pour approbation definitive. 



11 n'est pas de commune espagnole, si pauvre qu'elle soil, 
qui, d'aprfes les lois de bienfaisance du pays, ne doive poss^der, 
r^duit k sa plus simple expression, un asile dispose pour des 
malades ou infiimes, jusqu'au moment od ils seront envoy^s 
k retablissement provincial le plus voisin (article 88 de la loi 
de 1849). 

L'article 88 du r^glement du 14 mai 1852 dit que ces ^ta- 
blissements pourront 6tre aussi simples que possible, eu dgard 



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676 liEVUE PHILANTHROPIQUE. 

k lapauvret^ de la commune; ils comprendront une salle de 
reception, une chambre avec deux lits, une voilure ou tar- 
tane, et deux chevaux bien entretenus. L'article 89 demande 
que dans les communes aisles Tinstallation de ces asiles soit 
digne de la ville, ct qu'elles puissent m^me garder les malades 
ou blesses, s'il y a danger de- les transporter ailleurs. 

L'article 90 y insiste en disant que les secours et Fhospitali- 
sation k domicile constituent Tobjet veritable' et essentiel de la 
bienfaisance municipale. La plupart du temps, ce sont des 
m^decins municipaux qui font le service de ces asiles qu'on 
appelle maisons de secours [casas de socorros), et j'aurai k dtudier 
cette organisation de la m^decine municipale, et par consequent 
les conditions de Tassistance k domicile. Mais auparavant je vou- 
drais dire un mot des casas de socorros elles-m6mes. La loi, en 
en prescrivant Tinstallatioa dans chaqueville, indique qu'elles 
seront compos^es d'une petite pifece pour pansement, d'une 
autre contenant quatre lits au moins, d'une salle de consulta- 
tion, d'une chambre k coucher pour le m^decin de garde, d'une 
autre pour Faide [practicante) praticien (i pen pr^s analogue k 
un interne), enfin d'une piftce pour magasin, vestiaire, lin- 
gerie, etc. 

Dans chacune de ces maisons, il y aura deux m^decins 
nomm^s au concours et qui seront de garde i tour de rftle, soit 
pour Mre pr6ts k soigner les malades qu'on leur amfenera, soit 
pour donner des consultations gratuites. La maison de secours 
est sous la direction de Talcade assists de trois conseillers 
municipaux ; c'est k cette autorit^ que le m^decin le plus ancien 
doit rendre compte de tout ce qui se passe dans T^tablissement, 
statistique et nature des secours, d^penses, etc. La maison est 
munie de moyens de transport pour les malades ou blesses qui 
tombent dans la rue, et qu'il y a lieu de transferer soit k la 
maison de secours, soit kThOpital, soit & domicile; g^n^ralement 
ils passent par la maison avant d'aller k une des autres desti- 
nations. Dans les grandes villes, les maisons ont un telephone 
permettant de communiquer avec Thdpital, I'autorit^ ou les 
particuliers. La loi qui prescrit Tinstallation de ces asiles n'a 
pas 6t6 toujours ob6ie. L'Etat s'6tait d'abord charge de leur 



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L'ASSISTANCE EN ESPAGNE. 677 

installation et de leur entretien. Un rfeglement r6cent les met 
k la charge des villes; et* cependant toutes n'en oht pas orga- 
nist elles-m^mes; dans certaines on n'a pu en avoir que grice 
k la gdn^rosit^ d'enfants du pays. Santander, ville de 40 000 ha- 
bitants, en est d^pourvue, ou plut6t ce que Ton connait sous ce 
nom manque de m^decins. Voici un aper^u du nombre des 
cas soign6s dans quelques villes et que je trouve au bulletin 
officiel public chaque mois par la direction g^n^rale, Tanalogue 
pour toute TEspagne du bulletin que public mensuellement 
pour Paris mon distingu^ confrere et ami le D' Bertillon. A 
Seville, ville de 143 182 habitants, ily a depuis 1870 troismaisons 
de secours dont Tune dans le faubourg populeux et industriel 
de Triana. Les frais, pendant Tann^e 1890, se sont 6lev6s k 
42955 francs, les deux maisons urbaines ont eu k soigner 
3211 cas de maladies internes, 4000 cas de maladies extemes, 
2904 accidents; 1858 operations ont 616 faites. Pour la maison 
du faubourg, il y a eu 1 630 malades internes, 1 698 externes, 
4100 operations. On voit que la proportion est plus forte pour 
le quartier populeux et industriel. La totality des cas dans les- 
quels ont eu k intervenir les maisons de secours de Seville est 
done de 15 453 ; il y a eu 2 958 operations. 

En outre, pour le premier trimestre de 1891, le nombre de 
cas a ete de 876 en Janvier, 1 121 en f6vrier, epoque du camaval, 
282 en mars. Barcelone, ville beaucoiip plus importante, 
277 000 habitants, a presents pendant cesm^mes mois 310, 435 et 
307 cas; Alicante, port marchand de 32563 &mes, en a donne 
461,170,208. 

Dans son excellente monographic sur Seville, M. Hauser, 
faisant la statistique des maisons de secours de cette ville, trou- 
vait que le minimum des cas se presentait en hiver et le 
maximum en ete, et il expliquait cette superiorite par ce fait 
que, dans cette dernifere saison, les marches sont moins abon- 
damment pourvus k cause de Texportation des produits du sol, 
qu'il y a plus d'occupations pour les ouvriers du b&timent, que 
la taveme est plus frequentee pour le jeu et la boisson ; qu'enfin 
la chaleur tropicale qui r^gne alors — en aoM 1891 on a observe 
44© — YQj^^ jes t^tgs pluschaudesetrhumeur plus balailleuse. 



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678 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

Inutile de dire que les castxs de socorros 6tablies dans chacun 
des dix districts de Madrid sont fort bien install6es et dirig^es ; 
j'ai pu m'en convaincre dans une visite faite en la compagnie 
de mon confrfere le D' Espina, m^decin distingu^ de rhdpital 
provincial. 

Je vais maintenant arriver aux m^decins municipaux. 

VI 

Un vieux livre trfes curieux de Cristobal Perez de Herrenera, 
paru en 1568 et intitule : Discours sur la protection des pauvres 
vrais {legitimos pobres), fait allusion h, Tassistance des pauvres 
honteux qu'il voudrait voir organiser par toute TEspagne 
comme elle Testd^jJi JiVitoria, Lisbonne, Valence, Madrid, par 
les soins des confr^ries de la Mis^ricorde. II s'agit d'associ^s 
qui vont visiter les pauvres deux fois par semaine, les consolent 
et leur donnent une carte, laquelle est remise au m6decin ou 
au chirurgien salari^ qui les visite 8i son tour avec deux bar- 
biers, et leur donne en secret des remfedes, un petit pain, une 
demi-livre de viande et huit marav^dis pour acheter des oeufs, 
le tout appuy6 d'un certificat de confession, sauf, si la maladie, 
se prolonge, Ji ajouter de la volaille, des biscuits, des conserves; 
s'occupe aussi de Tadministration des derniers sacrements, et 
en cas de mort les fait enterrer avec lelinge et les cierges qu'on 
tient en reserve pour cet objet. Et Tauteur ajoute que, si le ma- 
lade ne pent se faire soigner & domicile, on Tenvoie dans une 
infirmerie sp^ciale, ou, s'il ne s'agit pas de maladies conta- 
gieuses, Si Thdpital d' Anton-Martin, oil Ton donne chaque jour 
1 r^al (^25 centimes) par malade; k Tinfirmerie est attache un 
majordome mari6, qui est aid^ de sa femme, d'un domestique et 
d'une servante. 

J*ai tenu k citer ce passage, qui montre ce qu'^tait Tassis- 
tancc publique en Espagne, il y a trois sifecles. J'arrive k ce qui 
se fait de nos jours, c'est-i-dire aux m^decins municipaux qu'on 
appelle m^decins titulaires, ou de partido. On verra que cette 
organisation est celle qui est connue en France sous le nom 
de m^decine cantonale et qui n'existe d'ailleurs que dans la 



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L'ASSISTANCE EN ESPAGNE. 679 

inoiti^ environ de nos d^partements. En Gspagne, eette m^de* 
cine est plus g^n^ralis^e et fonctionne assez convenablement 
dans les plus petiies villes; mais, comme on le verra, siles r^- 
glements imposent certaines conditions aux m^decins titulaires, 
leurs honoraires sont quelquefois tr^s m6diocres, et forcent le 
praticien k exercer une profession k c6t6. 

Je connais un m6decin d'un petit village de la frontifere 
qu'un de mes confreres frangais trouva occup6 k labourer sa 
terre. Interrog6 k ce sujet, le m^decin espagnol r^pondit qu'o- 
h\ig6 par le rfeglement k ne pas s'^loigner sans Tautorisation 
du maire, et brouill6 avec ce magistrate il ne pouvait exercer 
en dehors de sa commune, et 6tait contraint de demander au 
travail manuel de quoi suffire k ses besoins et k ceux de sa 
famille. 

L'article 66 de la loi de 1866 cr^e des m^decins municipaux 
charges du soin des indigents, et autorise les communes trop 
pauvres k s'associer k d'autres pour payer ce m^decin. Les 
honoraires de celui-ci sont r6gl6s par contrat, et le paiement en 
est obligatoire pour les municipalit^s. On present aux m^de- 
cins titulaires de ne pas s'absenter en cas d'dpid^mie; ils doi- 
vent dans les autres cas pr^venir la municipality de leurs 
absences. Une pension de 500 k i 250 francs est donn^e k chaque 
m^decin devenu incapable de travailler, par suite des services 
rendus dans une ^pid6mie, et pour tout le temps que dure celte 
incapacity. II en sera de m6me pour les m^decinsnon titulaires 
qui auront pr6t6 leurs services en temps d'6pid^mie. En cas 
de mort, la pension est reversible sur les veuves. L'article 79 
de cette loi, s'appuyant sur la liberty de profession, declare 
qu'aucun service public ne pent ^tre demands it un autre m6- 
decin que le titulaire,k moins de cas urgent, et moyennant re- 
tribution sp^ciale. Pour maintenir « la dignity m^dicale » Tar- 
ticle 80 prescrivait Tetablissement d'une sorte de jury medical 
dans chaque province avec rfeglement k etablir par Tfitat. C'est 
Tanalogie de Tordre des m^decins contre lequel se sont eiev6es 
en France tant d'objections. En ce qui concerne les pharma- 
ciens, la loi leur defend la delivrance d'aucun remfede, s'il n'est 
present par une ordonnance de medecin, ecrite clairement, 



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680 .REVUE PHILANTHROPIQUE. 

sans abriSviation, correctioji, ni signes. On leur interdit de d6- 
livrerdes medicaments « Wro'iques.)) d'une dose sup6rieure i 
celle du Codex, k moins que le m^deein consults ne persiste et 
n'affirme k nouveau son ordonnance. 

Les rem^des secrets sont interdits, mais ceux qui veulent 
trafiquer d'un remade par eux d^couvert doivent en demander 
le paiement par I'Etat, au moyen d'un m^moire que le gouver- 
nement soumet it TAcad^mie de m^decine; si Tinventeur n'est 
pas satisfait de la recompense, le gouvernement consulte le 
Conseil royal de sante, et alors les eflfets, et la composition du 
remade, sont publics dans la Pharmacopie officielle. 

Laissant de c6t6 le texte d'une nouvelle loi publiee- le 
24 octobre 1873, je dirai qu'un d6cret du 14 juin 1891 a mo- 
difie Torganisation que je viens d'esquisser; bien que faite 
sous rinspiration d'une commission m^dicale pr^sid^e par 
M. Matias Nieto Serrano, secretaire de TAcademie de m6de- 
cine et directeur du Siglo medico^ elle a souleve un grand 
nombre de reclamations au sein de la profession medicale, et 
pour faire un corps de ses reclamations, Ic Siglo medico lui- 
meme a organise un congrfes de m6decins titulaires qui s'est 
tenu le premier decembre k Madrid. 

VII 

Le decret nouveau determine que chaque commune de 
moins de 4000 families [vecinos) (1) a des medecins et phar- 
maciens municipaux munis du titre de docteur ou de licencie, 
delivre par Tune des Universites espagnoles. 

L'obligation des medecins municipaux ne se borne pas- k 
I'assistance gratuite des pauvres (accouchement et vaccination 
compris), ils doivent encore donner leur concours k Tautorite 
gouvcrnementale ou municipale pour toute mesure de leur 
competence touchant la sante publique, faire la verification des 



(1) On appelle vecino rhabitant d'une ville n€ ou domicilii depuis longtemps 
dans Id commune, et qui paie ses impdts et figure sur les feuilles de reoensement. 
La reunion des vecinos forme la population de droit; au contraire, si on ajouie 
la populatit>n flottante, on obtient la population de fait . . 



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l;assistance en espagne. est 

d6chs, s'il n-y a pas un service municipal special, enfin prfeter 
sur requisition, et moyennant des bonoraires fix^s par la Ibi, 
ieur aide k rautorit6 judiciaire en cas d'abseilce des m^decins 
sp^ciaux (del6gu6s). 

^ Le r^glement nouveau considfere comme indigents ceiix 
qui ne paient aucune contribution k TEtat, i la province, ou Ji 
la commune, et ne sont les salaries d'aucune de ces admini- 
strations. 

Dans les {villas) villes de plus de 4000 vecinos, il y aura 
une liste des pauvres dress6e chaque ann^e par le conseil mu- 
l4cipal et communiqu^e aux m^decins et au public, mais elle 
teste ouverte pour les inscriptions pendant Tann^e. 

Les communes de moins de 4 000 vecinos auront un m6- 
decin chirurgien municipal pour chaque groupe de 300 fa- 
pdilles pauvres et un en plus pour chaque groupe suppl6- 
mentairede 150. Ndanmoins, m6me pour 300 families pauvres 
seulement, s'il y a des difficult^s dans Ieur assistance, la ville 
pourra 6tre divis6e en districts ayant chacun son m^decin. Lea 
communes trop pauvres pourront se r^unir pour ne payer 
qu'un mSdecin; ces groupes devront 6tre approuv^s par le 
gouvernement. Les villas devront aussi entretenir des « pra- 
ticiens » municipaux. Le mMecin est libre de trailer de gr6 k 
gr^ avec les malades ais6s (le plus sou vent par abonnements),. 
mais ceux-ci peuvent se former en soci6t6, sous la surveillance 
et avec Tintervention du maire, autoris^par le gouvernement. 

L'^lection du m^decin communal se fera par les soins de la 
commission de sant6 k la majority des suffrages, apr^s annonce 
officielle de la vacance et apr^s un d§lai suffisant. 

Les pharmaciens d^sign^s comme pharmaciens municipaux' 
devront poss6der tons les rem^des de la pharmacopde espa- 
gnole; les m^decins et chirurgiens devront possdder tousles 
instruments, appareils chirurgicaux et moyens n^cessaires k 
Texercice de leurs fonctions d^termin^es nominativement par 
le Conseil royal de sant^. 

Comme charges de proposer les mesures propres k faire dispa- 
raitre les causes d'insalubrit^, et diminuerles dommages causes 
par une maladie quelconque regnant en ville, les m^decins 



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682 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

communaux sont de droit membres des commissions munici- 
pales de sant^^ dont nous parlerons plus tard. Les m6decins ne 
pourront 6tre priv^s de leur emploi qu'en des cas sp^ciaux et 
par decision de la deputation provinciale sur avis de la com- 
mission de sante provinciale. En cas d'absence ou d'empfiche- 
ment, les m^decins municipaux doivent trouver un confrere 
qui les remplace. lis ne doivent pas quitter la commune en 
temps d'dpid^mie, et en temps ordinaire ils doivent pr6venir 
Talcade de leur absence. S'ils meurentdans une6pid6mie, leurs 
veuves et leurs orphelins out droit it une pension dont j'ai 
parle plus haut. Dans d'autres conditions, et k raison des m6- 
rites du titulaire, ces m^mes pensions peuvent 6tre accord^es 
it leurs veuves et orphelins. Les contrats actuels entre m6- 
decins et communes pourront 6tre renouvel6s par accord entre 
les parties, tout en ^tant soumis aux regies du present r^le- 
ment. S41 n'y a pas accord, il y aura lieu de recourir k une no- 
mination r^guli^re sur presentation de titres (concours) ; la dur^e 
des contrats est de quatre ans, avec renouvellement facultatif. 

VIll. — ASILES DE BIENFAISANCE 

Ces asiles de bienfaisance regoivent les enfants abandonn^s 
ou orphelins, les impotents, les vieillards des deux sexes. Ils 
sont le refuge des pauvres de tout dge, et,de plus, ils mettent 
un outil dans la main de Tenfant, le moralisent par le travail 
apr^s lui avoir donn^ Tinstruction et Teducation. On les ap- 
pelle,suivantles villes oil ils sont etablis, maisons de bienfai- 
sance, de charite ou de mis^ricorde. Parmi ces etablissements 
je citerai la Misericordia, de Pampelune qui, malgr^ le pen 
d'espace dont on pent disposer, est trfes vaste, et, en d^pit de 
sa v6tust6, fort bien entretenue. II y a li, comme ailleurs, des 
^coles, des ateliers, des dortoirs pour jeunes et vieux, de 
grands r^fectoires, et de grandes cours qui ne valent pas celles 
de retablissement similaire de Valence, oil tout est neuf et 
grand, comme je le dirai. 

Comme specimen de r^glement, jedonnerai les articles 8 et 
9 de celui de la capitale de la Navarre, dans lequel on remarque 



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L'ASSISTANGE EN ESPAGNE. 683 

la particularity relative aux opinions ; les autres regies se ren- 
contrent k peu prfes dans tons les r^glements qui r^gissent le 
fonctionnement de ces asiles d'enfants et de yieillards. Void 
ces articles : 

« Article 8. — On n'admettra pas d'enfants de Tun et Tautre 
sexe au-dessous de sept ans, ils devront 6tre vaccinas et n6s k 
Pampelune, ou bien n^s d'un p^re qui aura dix ans de residence 
dans la ville. On ne pourra pas non plus admettre, k titre de 
pauvres ni de pensionnaires^ les individus d'opinions douteuses 
[opinion contenciosa), bien qu'Us soient recommand^s par des 
personnes d'autorit^, ni ceux qui, par leur vie et leurs habi*- 
tudes, ripugneraient aux r^glements de la maison ; on ne re- 
cevrapas de pauvres atteints de maladies contagieuses, d'af- 
fections cutandes, et tons * ceux qui d6sirent entrer seront 
examines, k cet effet, par le m^decin de T^tablissement. II sera 
n^cessaire qu'ils soient v^ritablement pauvres, c'est-i-dire non 
soutenus par des parents, qu'ils soient natifs de Pampelune 
ou habitent la ville depuis dix ans. 

« La maison fournit ^galement des secours en argent, pain, 
legumes aux individus ou families, que Ton ne pent admettre 
dans la maison, s'ils sont n^s k Pampelune ou y ont dix ans de 
residence, et qui, par leur Age ou leurs infirmit^s, ne peuvent 
vivre du produit de leur travail ; on ne donnera les secours en 
argent qu'aux families de pauvres qui ne pourraient, ou n'ose- 
raient, venir chaque jour i Tasile prendre la portion qu'il dis- 
tribue. 

« Article 9. — L'expdrience a d^montr^ qu'il y a des cas dans 
lesquels, par suite de revers de fortune ou de malheurs de 
famille, des individus soUicitent TentrSe dans Tasile sans 6tre 
tout k fait d^pourvus de rcssources; quand m6me ils n'auraient 
pas le temps de residence indiqu^ dans Tarticle pr^c^dent ils 
pourront 6tre admis sur decision de la commission administra- 
tive, moyennant le paiement quotidien de 75 centimes; ils 
doivent fitre c^libataires, Tasile n'^tant pas dispose pour rece- 
voir des manages. » 

Je ne sais dans quel chapitre de ces notes je pourrai pla- 
cer un article relatif k une institution qu'on appelle le Vinculo 



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684 ilEVUE PHILANTHROPIQUE. 

(le lien) et qui, depuis de longues ann^es, possSdant des mou- 
lins hors ville, k trfes peu de distance, fabrique pour le compte 
de la municipality de grandes quantitds de pain, dont le prix 
de vente est inf6rieur parfois h celui des boulangers de Pam- 
pelune. J'ai visits le Vinculo le soir, au moment oil se fabri- 
quait le pain, h Taide de p^trins et de fours qui sont les demiers 
mots du progrfes. L'organisation de cette grande boulangerie 
m'a paru parfaite ; elle a en ville quatre d^pdts, et le pain 
qu'elliB y envoie est excellent. 

La Casa de Misericordia de Valence compte parmi les mieux 
organis^es ; elle a une population de 700 hommes et femmes ; 
elle recueillait autrefois les aveugles et les sourds-muets pour 
lesquels on a fait un dtablissement special. On y re^oit les 
vieillards et les impotenls, les enfants depuis V&ge de sept ans, 
ct aussi les enfants dela Maternity. L'^tablissement est vaste; 
tout marche k la vapeur : cuisine, buanderie, fabrication du 
pain ; les cours sont sillonn^es de rails qui facilitent le service. 
Dans les ateliers destines aux gargons on fabrique des chaises, 
des tissus, des espadrilles, etc. En bas est une 6cole de gar^ons, 
grande salle virtuellement divis^e en trois parties, k raison 
de Tenseignement mutuel, et par consequent la lumifere n'est 
pas uniform^ment donn^e aux ^l^ves fort nombreux. Les classes 
des ftUes sont au deuxifeme 6tage, k c6t6 de leurs ateliers. 
" Valence a en outre Tasile del Campo, ^tablissement parti- 
culier, que je n'ai pas 616 autorisd k visiter, et qui reQoit envi- 
ron 400 orphelins. 

Un autre ^tablissement provincial de charit6, qui joue le 
m6me r6le que la Casa de Misericordia, c'est la maison de bien- 
faisance ou Casa de Benefiericia, qui a 2S0 fiUes, iOO gar^ons, 
40 vieillards. L'^tablissement, nouvellement bftti, est divis^ en 
7 cours, les unes destinies aux vieux, les autres, sur lesquelles 
donnent deux ateliers, aux enfants qui, ce jour-li (un di- 
manche), jouaient aux soldats, costumes originalement et 
arm^s de sabres de th6&tre ; les dortoirs, les r^fectoires, tons 
les services sont bien organises, il y a une.infirmerie et une 
salle d'isolement. 

L'6cole des gargons est fort curieuse, elle se compose d'ua 



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L'ASSISTANCE EN ESPAGNE. 6^5 

immense T dont la branche supdrieure est naturellement divi- 
s6e en deux salles, gauche et droite ; cette branche renferme 
260 ^Ifeves divis^s en deux classes, dont les professeurs ont la 
chaire aux deux extr6mit^s ; la chaire de la branche verticale 
est h Finterseclion. 

. Parmi les oBuvres de la charity priv6e, j'ai visits k Alicante, 
tout h cdt^ de la u Maison de Bienfaisance » existant dans chaque 
province, un « Asile des enfants pauvres », fond^ il y a six ans 
par une femme g^n^reuse et destin6 plus spdcialement aux en- 
fants des ouvri^res de la fabrique de tabacs. L'enseignement 
est confix k cinq soBurs qui reQoivent environ 250 enfants r^par- 
tis en ^coles de gargons, de filles et maternelles. Les ouvriferes 
conduisent 14 leurs enfants d6s cinq heures du matin en allant 
& leur ouvrage, mais ces petits n'entrent en classe qu'4 neuf 
heures, et au repas de midi que suit une r^cr^ation d'une demi- 
heure, on leur sert, moyennant 5 centimes, une bonne soupe 
de riz et de pommes de terre. 

IX. — MATERNITfiS, TOURS 

Un des genres d'^tablissements laiss^s par la loi k la charge 
des provinces, c'est la maison de Maternity k laquelle est tr^s 
souvent jointe celle qui reQoit les enfants trouv6s, et dans la- 
quelle est un tour. 

Le tour, en eflFet, qui a 6t6 supprim^ en France, a 6t6 con- 
serve en Espagne, et jusqu'ici aucun d^bat public assez impor- 
tant ne s'est ^levd k propos de sa suppression. 

Je n'ai pas k faire ici le proems de ce moyen employ^ pour 
sauver la vie k un grand nombre d'enfants, que leur mfere, 
coupable d'entrainement, aurait supprimds avant ou apr^s leur 
naissance. II est certain que le tour, permettant k une femme 
de cacher ses fautes, Tencourage k laisser la vie k son enfant, 
sAre qu'elle est qu'on soignera le petit 6tre qui est sa honte, et 
que sa mis^re, k d^faut de son courage, lui interdit de conser- 
ver. Mais tout n'est pas dit, quandTenfant a^t^ ddpos6au tour; 
il n'est m6me pas sAr quHl y arrive vivant, car les conditions 
clandestines dans lesqueiles ii est venu au monde, la fa^onpeu 



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686 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

hygi^nique dont on lui a fait faire ce voyage, de la maison au 
tour par toutes les saisons, par tous les temps, et v6tu, Dieu 
salt comme, tant d*autres causes ont menace son existence, quHI 
arrive souvent mourant au tour. M. Hauser, dans sa monogra- 
phic de Seville, dit que, sur 350 enfants apport^s en moyenne 
chaque ann^e au tour de cette ville , 1 5 arri ven t morts ou mourants. 

Une fois au tour, nourris par une femme qui a un ou deux 
autres enfants au sein et qui n'est qu'une mercenaire, envoy^s 
par r^tablissement k des nourrices du dehors, dont les condi- 
tions d'hygifene sont d^plorables, les pauvres petits ^tres voient 
encore leur vie menac^e de diverses fagons. II se pourrait que, 
proportions gard^es, le syst^me du tour donn&t autant de morts 
d' enfants du premier ftge dans les pays oil il existe, que les avorte- 
ments et infanticides dans les pays od il n'existe pas (1). Le tour 
diminue la responsabilit6 de la femme, il Tencourage k procr^er 
des enfants qu'elle abandonne d^jk d^s le jour de sa faute; les 
unions ill^gitimes sont done ainsi favoris6es, et le s^ducteur et 
sa complice sont h Tavance rassurds sur les consequences de 
leur action; c'est la charit6 publique qui en feratous les frais. 

En Espagne, la proportion des naissances naturelles est plus 
forte que dans d'autres pays. L'an dernier, dans une des villes de 
gamison que j'ai visit^es, elle ^tait de 1 sur 6. En France, onle 
voit dans la demifere statistique, cette proportion est beaucoup 
moindre. Gependant, dans certains de nos villes ou villages 
prfes de la fronti^re espagnole, dans lesquels les unions ill^gi- 
times sont fr^quentes, le nombre apparent d'enfants naturels 
est plus faible qu'il ne le serait, ^tant donn^ le rel&chement 
incontestable des moeurs. La cause de cette faible proportion 
d'enfants naturels, c'est le voisinage de TEspagne ; dans les 
tours de ce pays, les filles-mferes frangaises, gr4ce i la compli- 
city de leurs parents ou de sages-femmes, se d^barrassent de 
leurs enfants, au benefice de la maison espagnole d'enfants 
trouv6s, dont la clientele est alors plus grande que ne le com-» 
porte la population de la province. 

La premiere maison de ce genre que j'ai visitde au d^but de 

(1) Au moment ou j'6cris ces lignes, plusieurs affaires d'avortement se jugent 
en France. U y a longtemps que je n'en Tois pas se juger en Espagne. 



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L'ASSISTANGE EN ESPAGNE. 687 

men voyage est celle de Pampelune : la Inclusa. On m'a mon- 
tr6 le m^canisme du tour, la sonnette qui, lorsque le nouveau- 
n^ est pos^ dans la botte de bois, avertit la soeur de garde dans 
la chambre voisine qu'un enfant vient d'etre confix aux soins 
de la maison. La sceur de garde prdvient aussitdt la nourrice 
d^sign^e h, Favance pour donner le premier lait au nouveau 
venu, on baptise celui-ci, si, dans les papiers qui Faccom- 
pagnent, rien ne dit qu'il a d6ji §t6 baptist; on prend son 
signalement, on lui attache un ruban retenu par un plomb que 
la soeur marque, h, Faide d'une matrice, du num^ro d'entr^e de 
Fenfant. Tout ce qu'il faut pour faire reconnattre celui-ci plus 
tard est tenu en note; les parents pourront, en effet, un jour 
retrouver le petit abandonnd. 

La Inclusa de Pampelune n'est pas dans des conditions d'es- 
pace suffisantes. La population de cette maison, entretenue par 
la province, d^passe la capacity de la Jnclusa. L' administration 
le sent elle-m^me, et le directeur des ^tablissements hospita- 
liers de la Navarre a propos6, il y a d6}h quelque temps, k la 
deputation provinciale de transporter hor& des murs cette insti- 
tution, et peut-^tre aussi les autres asiles de charity. Pampe- 
lune est, en effet, une ville forte, et si Fon mettait au dehors 
tons les etablissements hospitallers, la salubrity de la ville, de 
m6me que la sant^ des malades, pauvres, vieillards, enfants que 
la province secourt, seraient sauvegard^es. Onannexerait&ces 
edifices une exploitation agricole qui ferait du bien aux prot6-> 
gds de la province et k la culture du pays. 

La Maternity de Pampelune se recrute par Fadmission des 
enfants du tour, et de ceux qui, dans les diverses communes 
de la province, sont abandonn^s de leurs parents, des enfants 
orphelins de pfere et de mfere et sans ressources. Tons les en- 
fants ainsi recueillis sont mis en nourrice, comme je Fai dit, 
ou nourris dans F^tablissement, s'ils sont dans Ffige de Fallai- 
tement. Une fois sevr6s, ceux du dehors rentrent k la Mater- 
nite, k moins que leurs parents nourriciers ne les gardent ou ne 
les adoptent, ce qui se voit fr^quemment chez ces braves cam- 
pagnards, et non seulemcnt dans la province de Pampelune, 
mais ailleurs. 



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688 REVUE PHILANTIIROPIQUE. 

Les garQons ne sont gardes k la Maternity de Pampelune 
<[ue jusqu'JL Tftge de sept ans ; faute de local, ils passent k la 
maison de Mis^ricorde, oil on continue leur Education et oil on 
leur apprend un metier, et comme la Mis^ricorde appartient k 
la municipality, la deputation lui paie pour chaque enfant 
75 centimes par jour. Quant aux fiUes, gard^es k la Maternity 
jusqu'& leur manage, elles reQoivent k ce moment de la depu- 
tation une dot de 250 francs. 

Un grand nombre de maisons d'enfants trouv^s (1) sont an- 
nex6es k une Maternity, mais celle-ci en est quelquefois s^pa- 
r^e, ou bien elle fait partie de Thdpital dans lequel il y a un 
service special d'obstetrique. Ces Matemit^s m*ont paru nioins 
nombreuses que les Maternit^s fran^aises. 

La maison d'enfants trouv^s a un directeur nomm^ par la 
province, mais elle est ^galement administr^e par une society 
de dames de la viile (junta de sehoras) qui s'occupent avec une 
grande sollicitude de la recherche des nourrices, soit pour le 
dedans, soit pour le dehors, et qui visitent les enfants nourris 
par les unes et les autres. 

La maison de Maternity de Valence est annex^e au. grand 
h6pital de cette ville ; il y a communication directe entre les 
deux etablissements, ce qui est peuts^tre un tort. Les enfants 
sont recrutds dans les salles d'obstetrique de Thdpital, ils soat 
re^^us dans un d^partement bien organist, avec des salles sp^- 
ciales pour les 35 nourrissons ; la maison en fait nourrir 250 au 
dehors. A la maison, une nourrice a deux enfants, exception- 
nellement trois. 

Les nourrices ont un dortoir s^par^ de celui des enfants, 
dans lequel couche une soeur qui va, deux fois par nuit, r^veiller 
les nourrices pour qu'elles donnent k teter aux petits. 

Je trouve k signaler une salle des berceaux tr^s propre, 
une salle destin^e k la toilette k grande eau, un syst&me de 
petites chaises rang^es le long du mur, et dont la caisse con- 
tient le linge des enfants pour la joumee; k c6te sont une lin- 
gerie et une garde-robe admirablement tenues. 

(1) Plusieurs de ces asiles d'enfants trouv^s sont tr^s peupl^s. L'one des der- 
ni^res statistiques attribuait h Tasile de Salamanca 1 633 enfants. 



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L'ASSISTANGE EN ESPAGNE. 689 

Mais la maison de Maternity que j'ai le plus admir^e est 
celle de Cadix, dont le m^decin, le D'Tniba, m'a faitleshonneurs 
avec une amabilit^ parfaite. On appelle la maison Casa Matri- 
cia, elle estnouvellement bftlie, a^r6e, agr^able 4 voir, elle a 
un tour comme toutes les autres, et est sous la direction d'un 
comit6 de dames. Elle fait nourrir les enfants dedans et dehors ; 
la jolie salle des berceaux est circulaire, pav6e en marbre, 
propre et bien entretenue ; les salles de nourrices, leur dortoir 
sont aussi fort bien. II y a 25 enfants dedans, beaucoup plus 
au dehors. 

Les nourrices de Tint^rieur ont 30 francs par mois ; celles 
du dehors 22 fr. 50. C'est k peu pr^s le m6me prix pour toute 
TEspagne. 

X. — SOURDS-MUETS ET AVEUGLES 

M. Glaveau, inspecteur g^n^ral honoraire des 6tablissements 
de bienfaisance, dont la competence, en ce qui concerne Ten- 
seignement des sourds-muets, est trfes grande, 6crit ceci dans 
le Dictionnaire de p6dagogie public par M. Buisson (Hachette) : 
« L'honneur d'avoir cr^fi cet enseignement (des sourds-muets) 
appartient incontestablementau b^n^dictin espagnol, don Pedro 
Ponce de L6on, el, chose remarquable, les eflForts de ce maitre 
furent dirig6s dans la voie oil Ton devait, ce semble, redouter 
de rencontrer les obstacles les plus graves, c'est-4-dire vers 
Tenseignement de la parole. » 

G'est dans le couvent des b^n^dictins de San Salvador de 
Aria (Burgos) que Ponce de L6on (1520-1584), n6 k Valladolid, 
fit la connaissance de deux jeunes sourds-muets, les prit en pi- 
tie, et leur apprit k prononcer les mots 6crits en caractferes places 
k c6te des objets que ces mots d^signaient. 11 eut d'autres elfeves 
qui, suivantun ^crit de Ponce de L6on, trouv^ dans les archives 
du couvent, « conversaient, ^crivaient, parlaient le latin, le 
grec et Titalien, et raisonnaient fort bien sur la physique et 
Tastronomie )>. 

Gette methode orale fut appliqu^e en France 4 la fin du si5cle 
dernier, par un juif espagnol chass^ de son pays, Jacob Rodri* 

REVUie FQILANTBROnQUE. — U. 44 



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690 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

gucz Pereire y mais longtemps d^laiss^e pour la m^thode des 
signes de Tabb^ de r^p6e; on Tapplique maintenant en 
Espagne. 

II s'est cr6d, h la suite de divers d^crets, et entre autres de 
celui qui prescrivait un 6tablissement pour les sourds-muets 
dans chaque district universitaire, un certain nombre d'^coles 
de sourds-muets qui donnent aussi asile aux aveugles, chez 
lesquels lesm^thodes les plus rdcentes (mdthode Braille, etc.), 
sont employees. Ces deux sortes de d6sh£rit^s sont done dans 
les mfimes institutions, sous une direction unique. 

L'6cole des sourds-muets et aveugles de Seville est bien si- 
tu^e, bien am^nag^e ; quoique fondle en 1873, eJle n'est d6fl- 
nitivement install^e que depuis Janvier 1887. 

Les pensionnaires paient 150 francs par an et les extemes, 
10 francs par mois; mais on regoit aussi des enfants pension- 
n^s par la deputation de Seville, ou d'autres deputations faisant 
partie du district universitaire. 

L'enseignement des sourds-muets comprend tout ce que 
Ton enseigne en France, dans une ^cole primaire forte ; de plus, 
on leur enseigne le dessin sous diflF^rentes formes : acad^mique, 
lin^aire, ornemental, h la plume; on en fait des imprimeurs, 
des coiffeurs, des cordonniers. Les aveugles rcQoivent lesmftmes 
notions d'enseignement primaire, plus la lecture du latin et de 
ritalien, etdeslegonsdemusique : solf^ge, chant, piano, oi^ue, 
harmonium, instruments k cordes (guitare et mandoline). Ces 
instruments sont enseignds au plus grand nombre des Slaves, 
leur usage, joint au chant, constituant le gagne-pain de ces 
d^sh^rit^s. Les filles sont regues k T^tablissement de Seville; 
a celles qui sont aveugles comme aux sourdes-muettes, on 
donne le m^me enseignement qu'aux gargons, en appuyant un 
peu plus sur les ouvrages de main chez les unes et les autres 
et sur Tenseignement du piano chez les aveugles. 

Le jour de mavisite (8 mai 1891), Fasile comptait 20 sourds- 
muets internes et3 extemes, 48 aveugles internes et 22 externes, 
en tout 93 ^Ifeves, 

L'6cole de sourds-muets et aveugles de Barcelone, actuelle- 
ment dirig^e par M. Walls y Ronquillo, directeur du Monitor 



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L'ASSISTANCE EN ESPAGNE. 691 

de laEnsenanza, a eu pour directeur, au d^but (d^cembre 1816), 
un homme d'une grande abn^ation, Estrada, qui s'^tait adjoint, 
pourles filles sourdes-muettes, un collaborateur d^vou^, Simon; 
r^tablissement, d'abord, prospdra, puis il se mit k ddcliner, et 
en 1845 il ne comptait que 12 garQons, 6 filles ; on le transporta 
en 1855 k Tdcole des aveugles, et k partir de ce moment les deux 
institutions eurent le m6me directeur. L'6cole est un externat, 
ce qui est un inconvenient pour les aveugles, qui ont besoin de 
faire quatre fois par jour le trajet de Tdcole ou de trouver asile 
chez des amis, aux heures des repas, pour les sourds-muets 
que le contact trop frequent avec leurs parents etie sdjour trop 
court k r^cole, exposent k perdre Thabitude du langage oral; 
cet inconvenient est d'autant plus grand que les habitants de 
Barcelone parlent le Catalan, et que c'est I'espagnol qu'on en- 
seigne oralement k Tdcole. 

L'6cole rcQoit des filftves gratuitement, c'est Tayuntamiento 
qui entretient Tdcole ; on y admet mdme des enfants qui ne 
sontni absolument sourds, ni tout k fait aveugles; lis partici- 
pent aux exercices des autres ; T&ge de Tadmission est entre 5 et 
25 ans; la durde des etudes est de dix ans. Les el^ves des autres 
provinces, qui n'ont pas les moyens d'etre nourris par des amis 
ou des parents, sont heberges par la Maison de charite qui en a 
8 & 10 d*une faQon permanente. Uenseignement pedagogique 
ou professionnel (musical chez les aveugles) est le meme qu'k 
recole de Seville et probablement qu'aux ecoles de Madrid, 
Santiago, Burgos et Saragosse qui sont les seules existantes en 
Espagne. Parmi les eleves de Barcelone, je dois mentionner 
Inocencio Yuncas, sourd-muet de naissance, &ge de 30 ans, 
qui, alteint d'une maladie d'yeux k T&ge de 5 ans, devint 
aveugle k ce moment. Une autre maladie ebranla son pauvre 
corps et attaqua mdme son intelligence, et il fallut tout le zele, 
jepourrais dire toute la passion de M. Walls y Ronquillo, direc- 
teur de cette eoole, pour ressusciler celte intelligence engour- 
die. II a la physionomie vive, gaie, il recherche la societe de 
ses camarades et aide les paresseux dans leurs reponses. Si on 
veut Tattaquer, il desarme son adversaire par un sourire, mais 
il salt aus3i se defendre et imposer la deference. II a le tact si 



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692 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

d^velopp^qu'il lui suffit de toucher une partie du corps ou des 
vfetements d'une personne pour la reconnaitreun an aprfes, et se 
souvenir de son nom. Son education a 6t6 relativement facile. 
II connut d'abord par le toucher les objets les plus usuels ; en 
mSme temps il apprit Talphabet des signes des sourds-muets, 
Talphabet en relief des aveugles, et connut ainsi tout ce qu'il 
touchait; actuellement il connait certains pr6ceptes religieux. 
certains points d'histoire sainte, il sait les regies de la pro- 
pret6 du corps, des particular! t^s sur Fhygi^ne des individus et 
des maisons, sur Texercice, sur les diverses postures du corps; 
il a quelques notions tr^s suffisantes decosmographie, d'histoire 
naturelle, de geographic, d'arithm^tique et de g^om^trie. 

II y a quelques ann^es, en 1873, k Toccasion de TExposition 
de Vienne, le directeur de T^cole des sourds-muets et aveugles 
de Madrid revenait avec un autre sourd-muet aveugle, nomm6 
Martin de Martin. II y eut 3i Barcelone m^me une rencontre de 
cet infortun^ avec Inocencio, et lous ceux qui ont assists k leur 
entretien ont ^t^ dmus de r^molion m^me de ces deux interlo- 
cuteurs. A peine se furent-ils touches qu'ils se rendirent compte 
de leur mis^re commune, ils se communiqu^rent toutes les 
connaissances qu'ils possMaient, leurs ddsirs, leurs aspirations, 
se dirent la reconnaissance qu'ils ressentaient pour leurs 
maftres respectifs, ne s'occupant que d'eux-m^mes, et traitant 
d'importun un simple sourd-muet qui voulait se mAler k leurs 
silencieuses conversations. 

XI. l'aSSISTANCE a MADRID 

L'histoire de Fassistance k Madrid devrait, pour ^tre com- 
plete, comprendre une foule de details et de dates, car, depuis 
1438, ^poque k laquelle Thdpital de Buen Suceso fut fond^ en 
vue d'une dpid^mie, jusqu'ii nos jours, un tris grand nombre 
d'hdpitaux furent cr^^s, puis disparurent. Je me bornerai done 
k quelques indications propres k donner une id^e des res- 
sources mises it la disposition de la charity publique ou plut6t 
des moyens de Texercer. 

Le recours it la charity dans les rues fut interdit en 1531, 



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L'ASSISTANCE EN ESPAGNE. 693 

SOUS peine de la prison; maison exceptait de cette defense les 
moines, les voyageurs et les ordres mendiants. Parmi les men- 
diants qu'on recueillait dans les rues, il y avait un grand 
nombre d'enfanls. On fonda pour eux, an commencement du 
XVI* si^cle, le College des enfants de la doctrine, ou Saint-Ilde- 
fonso ; les documents de 1543 disent qu'il s'y trouvait k cette 
^poque 40 enfants qu'on instruisait, et k qui on enseignait un 
metier. 

L'ayuntamiento s'occupa de cet ^tablissement. Une maison 
pour femmes en couches futcr^^e en 1546 {la Inclusa). Pour 
les voyageurs, on fonda un hdpital des Peregrinos en 1539. 
L'hdpital de TAmour de Dieu, origine de rh6pital g^n^ral ac- 
tuel, date de 1852. 

Pour 12 prfetres, don Juan d'Autriche ^tablit Thdpital de la 
Mis6ricorde en 1559. 

Pour les femmes auxquelles on donna d'abord 40 lits, puis 
200, on 6lablit Thdpital de la Sagrada Pasion. Pour les orphe- 
lins, Philippe II cr6a en 1580 le College des enfants orphelins, 
sous Tinvocation de Notre-Dame deLorette. En 1598 parait une 
-soci^ld pour le secours des pauvres honleux, qui comprend 
12 pr^tres et 72 laiques. J'ai racontd dans une autre partie de 
cette dtude la fondation, en 1598, de I'Albergo de Lorenzo (au- 
berge ou h6lellerie de Saint-Laurent) pour les personnes qui 
sont sans domicile, et j'ai dit avec quels soins touchants on 
traitait les malades, soit k domicile, soil k Thdpital m6me. Les 
femmes repen ties sont recueillies en 1587 et le roi donne en 
1637 de Targent pour Clever une maison k elles destinies (Casa 
de Arepentidas). Un petit h6pital est cr^6 en 1594 pour 12 pauvres 
honteux. La peste faitdlever en 1597 Thdpital de Saint-Antoine 
oti sont aujourd'hui les frferes enseignants {escolapios de San 
Antonio). Pour les Portugais, en 1606, on cr^e une maison- 
hdpital (Saint Anton de los Portuguh)^ qui, rest^e sans emploi 
k la separation du Portugal, est donn^e par Marie d*Autriche 
aux voyageurs allemands. Un hdpital est cr^^ en 1606 pour les 
Plamands. En 1629, c'est le tour des Irlandais, en faveur des- 
quels un de leurs compatriotes fonde Thdpital San Patricio. 
1 En 1664 se cr6e un h6pital de convalescents pour les ma- 



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■■ *M 



694 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

lades sortant de Fhdpital Anton Martin; une statistique de 1655 
constate qn'k cette 6poque il yen avait 771. 

En 1696, sous le nom de Monte de Piedad de San Ginfes, 
s'organise une congregation qui donne des remfedes et des soins 
m^dicaux, ainsi que des secours mensuels aux pauvres de la 
paroisse. On exceptait soigneusement de ces secours les mala- 
dies chroniques : rhumatisme, goutte, hydropisie, phtisie. 

Je trouve sur mon chemiu, en 1756, une r^forme des or- 
donnances de la paroisse de San Ginfes, un rapport des visiteurs 
constatant la disparition des fonds de la congregation v6ritiee k 
la mort d'un tr^sorier k qui on n'avait jamais demands de 
comptes. Le 6 octobre 1768 parait une ordonnance {cedula) du 
roi, qui divise Madrid en quatre sections, avec autant d*alcades 
de quartier et demande que I'on recherche ceux qui ont le mal 
de Saint-Lazare, la teigne, le feu Saint- Antoine, et ne peuvent 
se soigner chez eux. On les mettra dans un h6pital et on leur 
interdira de mendier. En 1778, on organise la charite, on donne 
des in uctions pour secourir les malades pauvres, on etablit 
des « deputes de charite » eius par les habitants [Vecinos). Cette 
reunion de deputes [lunta general de Caridad), avait k Ma- 
drid, au commencement du siede, des ecoles, des fabriques de 
ruban, de passementerie pour garQons et filles, etc., etc. 

Un decret du 28 mars 1834 met les etablissements de cha- 
rite du royaume sous la direction des deiegues du ministre del 
fomento. G'est le signal de la resurrection de labienfaisance, dit 
un auteur qui s'est occupe de la question ; on ordonne k ces 
deiegues nommes dans toutes les provinces de veiller auxabus, 
de presider les commissions provinciales, de ne pas choisir les 
membres de ces commissions parmi les nobles et le clei^, 
mais parmi ceux qui sont verses dans les sciences economiques 
et qui sont zeies pour le bien. C'est d'ailleurs Tepoque de Tin- 
vasion du cholera et alors edateune grande ardeur pour la cha- 
rite; les victimes du fleau etant nombreuses, un decret de 1834 
ordonne de recueillir les orphelinsde 12 k 17 ans dans la In- 
clusaj ceux de 17 & 14 ans dans la Maison de bienfaisance. On 
cree aussi, pour les enfants au deli de cet &ge, une maison de 
travail que Ton installe au convent des Bernardines. En 1834| 



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L'ASSISTANGE EN ESPAGNE. 695 

I'assistance domiciliaire est reprise, et en 1837 la commission 
municipale demande aux m^decins de prater gratuitementleurs 
services. En 1844, on ajoute aux fonctions des m^decins celle 
d'examiner les enfants k leur entree dans les ^coles gratuites. 
1887 est la date de fondation de THdpital de la Princesse. Le 
28 novembre 1858, on organise les caisses de secours de Ma- 
drid, qui jusque-lJi avaient 19 m^decins et 14 chirurgiens avec 

I real (0 fir. 25) i 4 par jour. On cr6e 83 places de m^decins 
et chirurgiens pay6s 2 000 francs par an, et on ajoute 40 m6de- 
cins et chirurgiens suppliants. 

Actuellement avec les deux salles d'asile de San-Bernar- 
dino et le d^pdt de mendicity, le service coftte 651 000 francs. 
Avant la creation des caisses de secours. on conduisait les ma- 
lades et les blesses chez des barbiers inhabiles {barberos) ou 
aux h6pitaux situ^s plus loin ; il n'y avait la nuit aucun secours. 
Ghaque casa avait 2 m^decins, elle en a aujourd'hui 3. En Jan- 
vier 1864, on decide de donner 2800 francs pour subvention i 
chacune des cinq casas; en 1864, un ddcret attache Irois m6de^ 
cins sp6cialistes (yeux, syphilis) & Tensemble de ces maisons. 
En aoAt 1876, on cr6e trois autres maisons. Dfes le 12 septembre 
1880, chaque casa a 16 mtSdecins; c'est dans le rfeglement de 
1878 que Ton trouve tout ce qui a rapport & Tassistance et sur- 
tout k Fassistance m^dicale h Madrid. Le chapitre I determine 
le but de la bienfaisance municipale, le chapitre 11 vise Tin- 
stallation de casas de secours; j'ai suffisamment indiqu^ plus 
haut leur installation. Le chapitre III parle de Tassistance h 
donner aux pauvres, aux femmes en couches, des nourrices h 
procurer aux enfants sans m^res, ou dont les m^res sont inca- 
pables de les nourrir, de la vaccination et de la revaccination. 

II est question des secours en argent k distribuer aux ouvriers 
sans travail. Le chapitre IV traite des secours passagers, du 
transport des malades k Thdpital, des secours en temps d'^pi- 
d^mie. Le chapitre V parle de la vaccination aux casas; le presi- 
dent de ces maisons doit donner avis des jours de Top^ration. 
Le chapitre VI s'occupe des enfants perdus que Ton recueille et 
que Ton conduit aux maisons ou ^tablissements d^sign^s par 
la commission de bienfaisance. Le chapitre VII traite de Thy- 



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iB96 .REVDE PHILANTHROPIQUE. 

gi5ne des marches, des produits alimentaires, des abattoirs^ de 
la disinfection des %outs, de Tassainissement des maisons gar- 
nieSy de Texamen des maisons qui sc construisent. Au cha- 
pitre YlII, on trouve que Vayuniamiento doit designer une com- 
mission spdciale qui d6l^guera ses membres h la pr^sidence 
des commissions de district et des casas de secours. Le cha- 
pitre IX parte de la composition et des attributions des commis- 
sions de district; elles doivent tenir note siir un registre de 
Routes les personnes secourues, desfemmes enceintes, payer le 
loyer des malades, acheter des appareilsorthop^diques, donner 
^es secours aux voyageurs, aux accouch^es (pendant huit jours), 
aux valides pauvres, six jours de secours d^finitifs aux veuves 
-sans travail, aux malheureux charges de famille, qui gagnent 
moins de 2 francs, mais elles refusent toute aide m^dicale aux 
servantes en chdmage, aux individus atteints de maladies chro- 
niques, aux strangers k Madrid, aux institutrices , aux iilles 
enceintes. Lechapitre X parle du corps medical employ^ soit Ji 
-^'assistance domiciliaire, soit aux casas de secours. 

Un rfeglement special vise les attributions de ces maisons. 
Elles doivent donner les premiers secours ; les personnes qui y 
sont attach6es font les visites ii domicile, en cas d'^piddmie ; 
«lles pr^tent les brancards pour le transport des patients, ontun 
registre des nourrices inscrites; elles admettent le d6p6t des 
^6tements k donner aux pauvres. Ghaque maison de secours it 
Madrid a une salle pour les blesses, une infirmerie sp^ciale, une 
salle de consultation, un cabinet m6dical, une salle d'atlente^ 
une salle de reunion des m^decins, une salle d'archives, une 
cuisine servant aussi demagasin, le logement des employes. 

XII 

Je n'ai pas eu le temps de visiter k Madrid T^tablissement 
qui sert d'asile aux enfants que les m^res viennent y d^poser 
en secret, gr&ce h la discretion dti tour; mais je suppose qu'il en 
.est de cet ^tablissement comme des analogues d'Espagne que 
j'ai d^crils dans le cours de ce travail. Seulement, 6tant donn^e 
la misfere de la population ouvrifere de la capitale, on comprend 



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L/ASSISTANGE EN ESPAGNE. 697 

quelle est la situation des pauvres enfants que Tasile confie aux 
nourrices du dehors. On lira k ce sujet, dans rexcellent livre 
du do(5teur Hauser^ uri tableau navrant qu'il emprunte lui- 
mSme k un article de YImparcial 6crit en 1883 ou 1884. « Ces 
nourrices, dit Tauteur de Tarticle, sont des mferes qui ont 
perdu leur enfant ou vont les sevrer. Une enqufite du juge tinu- 
nicipal de sa' commune^ une autre du cur6 suffisent pour que 
VInclusa ou la Maternity livre ces malheureux nouveau-n^s 
anonymes k la nourrice mercenaire. 

On comprend que lorsque, pour 15 francs par mois, elles 
s'imposent la t&che pdnible d*un allaitement etlea soins d'une 
maternity nouvelle, leur mis^re sera extrdme. En eflFet, la plu- 
part, soit 99 p. 100, sont des mendiantes ou des femmes de 
joumaliers besogneux qui gagnent k peine pour se nourrir et 
qui, dans ces conditions, donnentkleursnourrissonsunlait sans 
principes nutritifs appauvri par le rachilisme ou empoisonn^ 
par d'autres maladies. Dans les provinces de Madrid, Ciudad 
Real, Soria, Guadalajara, Tol^de, les nourrices qui partagent 
avec leurs maris les travaux des champs abandonnent le nour- 
risson k la maison oil il crie, oil il dort. Quand la nourrice re- 
vient suante, briil^e par le soleil et Teau-de-vie, quel lait peut- 
elle donner k Tenfant? 

Aussi, dit Tauteur, I'enfant meurt la plupart du temps, et la 
nourrice vient en chercher un autre k la Maternity, dans les ar- 
chives de laquelle on voit figurer des femmes qui, enun an, ont 
allait^ dix enfants k qui le m^me sort a 6t6 r^servd. II y a encore 
un autre abus, et c'est celui commis par les gens charges de 
payer la nourrice. II parait que certains avancent le mois k 
ces pauvres femmes moyennant un int^rfitde 50 p. 100, d'autres 
les obligent k accepter des marchandises aulicu d'argent. II y a 
encore les nourrices qui cedent leur nourrisson 4 des femmes 
qui n'ont pas delaitetseserventde Tenfantcommed'unmoyen 
d'dmouvoir la charity publique ; quelquefois la nourrice cache 
la mort de Tenfant et continue de recevoir sa pension. Le r^- 
dacteur de YImparcial ajoute : « II est n^cessaire que le Comity 
des dames d*honneur et de m^rite aux sentiments matemeis 
desquellessont confi^s les orphelinsde YInclusa soientinstruites 



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698 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

du crime qui se commet centre Thumanit^. EUes sont m^res, 
elles sont femmes, elles sont Espagnoles, elles ne peuvent assis- 
ter aux horreurs du spectacle qu'oflFre Tallaitement des enfants 
en dehors de T^tablissement. La Soci^t6 protectrice des enfants 
est ^galement obligee de s'int6resser k cet 6tat de choses. 
Qu'a-t-on fait depuis pour empficher tons ces abus? Je Fignore. 
Ce sont ceux qui existaient en France avant la loi Roussel. II y 
avait aussi chez nous des « faiseuses d'anges » (rexpression 
est dans Tarticle de r/m/?ama/). On y a mis bon ordre k cet 
envoi pr6matur6 « au ciel » de bon nombre de petits fitres 
sans defense. 

cc Fera-t-on de m6me en Espagne? » 

D' G. DELVAILLE. 



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GRAND'DENTS ET C" 



C'est dans le petit port de mer oil nous passons ordinaire- 
ment les vacances que j'ai fait la connaissance de Grand' dents. 

La rue que nous habitions, un pen en dehors de la ville, 
est bord^e de jardins d'oii Emergent de grands arbres. Cette 
venelle, peu frdquent^e, et peupl^e seulement do petits bour- 
geois, est propre k la maraude; or, cet 6t6, une bande de vau- 
riens Tavait faite sienne, et y opdrait des coupes sombres. De 
la fenfitre oil je travaillais, je les voyais se faire la courte 
^chelle, pour cueillir les fruits qui se trouvaient h leur port^e ; 
ceux qu'ils ne pouvaient atteindre ils cherchaient k les abattre 
h coups de pierres, et y r^ussissaient trop souvent. 

A une demi-douzaine qu'ils 6taient, le plus vieux n'ayant 
pas treize ans, ils avaient terrorist le quartier. Derrifere toutes 
les portes, il y avait des fouets et des gourdins pr6ts k ch&tier 
le crime, les chiens ^taient Iftch^s k la moindre alerte, mais ce 
d^ploiement de force demeurait inutile. Outre que la rue a des 
toumants brusques qui se pr^tent k une fuite rapide, les ga- 
mins ^taient si souples, et le guet si bien 6tabli qu'on n'arrivait 
pas k les pincer. 

J'avoue mfime, sans en 6tre autrement li^re, que, n'ayant 
pour mon propre compte ni pommes ni cerises k sauvegarder, 
leurs ruses d' Apaches m'amusaient quelquefois. 

Mais il n'en allait pas de m^me pour les propri6taires de la 
rue. A les entendre se communiquer leur exasperation et leurs 
craintes, on aurait dit que Mandrin ou le Roi des Montagues 
avaient ^tabli leurs quartiers dans le voisinage. 



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700 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

Parmi ces jeunes bandits^ un surtout ^tait abhorr^, c'^lait 
Grand'dents. 

Grand'dents 6tait &g6 d'une douzaine d'ann^es. II avait les 
cheveux souples et brillants, les sourcils bien arqu^s, les cils 
soyeux, ToBil humide et tr^s doux, le teint superbe qu'ont par- 
fois les scrofuleux ; mais un engorgement considerable du bas 
de la joue lui tirait la figure tout d'un c6t6, laissant h dicou- 
vert les dents sup^rieures qui n'^laient pas sensiblement plus 
grandes que la moyenne, mais que Ton voyait tout enti^res. 

Impossible i lui de passer inaperQu. Les stigmates de Thor- 
rible maladle le d6signaient h rattention, et, il faut bien le 
dire, h une haine qu*il ne m^ritait pas plus que les autres. Car 
j'avais fini par me rendre compte que, non seulement il n'6lait 
pas le pire, mais encore qu*il dtait le moins effront^ de la 
bande. 

Une fois, au petit jour,comme j'etais all^e respirer Tair de 
la mer, je trouvai Grand'dents assis sur la grfeve, la tftte appuyde 
dans sa main. 

II connaissait si bien la reputation dont il jouissajt que, ne 
se sentant pas en nombrey il voulut s'enfuir dfes qu'il m'apergut. 

— Pourquoi te sauves-tu, lui deniandai-je, je te fais done 
peur ? 

Grand'dents s'arr^ta net, et fit, avec la tftte, signe que now, 
que je ne lui faisais pas peur. Je repris : 

— Comment es-tu si t6t dehors? Tu serais mieux dans ton 
lit. 

Son lit ! Tenfant me regarda de tons ses yeux. Je lui aurais 
parie du trdne d'Angleterre qu'il n'aurait pas 6i6 plus eflfare. 

— Chez toi, du moins. 

— J'avais trop chaud; il fait meilleur ici. 

Je remarquai, en efTet, que sa joue etait rouge et enflamm^e. 

— Tu dois soufFrir? lui demandai-je, en pointant Tendroit 
malade. 

— Non..., oui...,desfois..., cela tire. 

II etait tellement accoutum^ k sa souffrance qu'elle lui sem- 
Wait faire partie int6grante de son 6tre. 

— On ne t*a done jamais soign6? 



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. GRAND'DENTS ET C". 701 

— Si; quand maman est morte, le miSdecin avait 6crit un 
papier pour que la bonne sceu me donne du sirop, mais le cat a 
chavird la bouteille. 

— Et tu n'en as pas eu d'autre ? 

— Non. 

— On n'a pas eu Tidee de te faire entrer k Tlidpital ? 

— Ah ben! c'est moi qui n'aurais pas voulu y aller, fit 
Grand'dents avec une sorte d'cffroi. 

— Ainsi, ta mfere est morte... ; et ton p^re, que fait-il? 
Le gamin se mit k rire. 

— Mon p5re!... avec cela qu*on en a des pferes, nous 
autres!... 

— Oil demeures-tu ? 

— Rue Varin, dans la maison de la Pompe. 

Rue Varin!... la maison de la Pompe!... Les souvenirs me 
revenaient en foule... ; des choses que j'avais vues quand j'dtais 
petite fiUe, qui, alors, ne m'avaient pas frapp^e, et qui, tout k 
coup; dclairaient pour moi la situation de Grand'dents et de 
sa bande. 

Au temps oil nous ^tions petits, mes fr^res et moi, si 
nous salissions nos effets, on nous disait : « Vous ressemblez 
aux enfants de la rue Varin » ; si la malice passait les bornes : 
« Vous irez, ce soir, couch er rue Varin. » 

Les enfants de la rue Varin nous semblaient des 6tres k part, 
un pen eflfrayants, mais dont le mystfere nous attiraitn^anmoins. 
Nous ne nous doutions pas k quel point ils ^taient malheureux. 

La maison de la Pompe est une grandee construction nor- 
mande, aux poutres apparentes et aux larges toits d^passant 
la facade. L'immense cour int^rieure, avec ses escaliers en 
saillie et ses galeries couvertes, agardd fort grand air, malgrd 
son d6labrement. Les archives communales indiquent qu'elle a 
4t6 construite autrefois par un riche armateur, mais il y a de 
cela plusieurs si^cles ; et mdme dans ma petite enfance, je ne 
I'ai connue que ruincSe. 

La population est aujourd'hui ce qu'elle ^tait autrefois, ce 
qu'elle est sans doute depuis bien longtemps : une nu^e d'en- 



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702 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

fants sans p^re, ainsi que Tavait dit Grand'dents, soit que le 
pfere ait disparu, enlev6 par la tempdte, soit qu'on ne Tait 
jamais connu; quelques m^res collectives, tant6t plus, tantdt 
moins, au gr6 de la phtisie et des accouchements, et qui, dans 
toute cette marmaille, seraient incapables de reconnaitre ce 
qui leur appartient en propre. 

Quant aux moyens d'existence, les voici : 

La plupart de ces femmes vont pftcher des monies au Ratier, 
un ^cueil en pleine mer que la mar^e basse laisse k ddcouvert. 
II faut compter sept heures, avec le voyage alter et retour, quel- 
quefois plus si le vent est contraire. A deux stances par jour, 
cela fait quatorze heures survingt-quatre, de cette besogne trfes 
dure, tr^s p6rilleuse et qui tient les femmes mouill^es jusqu'aux 
chevilles. Le repos de dix heures doit done 6tre pris en deux 
fois et n'importe i quel moment de jour ou de nuit, puisque 
Tembarquement se r^gle sur le flot. Avec quel temps, les mal- 
heureuses s'occuperaient-elles de la nich^e? 

Le gain varie entre deux et six francs, mais attendez. Le 
patron des mouli^res est en m6me temps cabaretier ; les 
comptes se font sur le zinc, et ils sont g^n^ralemeat longs k 
faire. Comme les pftcheuses out froid, et qu'elles sont lasses, 
elles prennent patience en absorbant des consommations, ce 
qui diminue d'autant leur salaire. II en est de m6me au depart. 
Encore abruties de fatigue, et parfois de boisson, elles prennent 
des petits verres pour se donner du coBur. C'est ainsi que le 
gain va s'6miettant au b^n^fice du patron, et qu'il est r^duit k 
presque rien en arrivant au logis. Que le ch6mage survienne et 
c'est la mis^re noire. 

L'hiver, la p6che est remplac6e par le plumage dela volaille. 
Entre les marches et le depart des paquebots anglais, des cen- 
taines d'oies, de dindons, etc., doivent 6tre tu6s, plumbs, par^s. 
Les stances durent entre trente-six et quarante-huit heures, 
pendant lesquelles on ne soutient les ouvriferes qu'i Taide de 
cafd et d'alcool. De temps en temps, Tune d'elles tombe dans 
un coin, assomm^e de lassitude, et s'endort pour deux heures 
au milieu de la puanteur de ce massacre. 

Par la vie infernale que mfenent les mferes, on peut juger 



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GRAND'DENTS ET C*. 703 

de celle des enfants. Rentr6es k la maison dans Fabrutis^ement 
que Ton devine, elles donnent aux marmots les quelques sous 
qui reslent disponibles, et dame 1 qu'ils se d^brouillent. Une 
fois, i'ai vu la totality des fonds employee k Tachat de sucre 
candi; une autrefois, c'^taitdu raisin sec. 

Avec un pareil regime, inutile de dire que la mortality est 
effrayante dans cette colonie oil la scrofuJe, la tuberculose, le 
rachitisme r^gnent en maitres; les petits cercueils d6filent 
sans que personne songe it s'apitoyer. Mais quand le chol6ra 
ou la variole entrent en danse, on commence k s'6mouvoir, 
parce que chacun se sent menace, Et il faut entendre les mal^- 
. dictions dont on couvre les coupables, des gens qui ne peuvent 
mourir sans mettre les autres en danger ! 

C'est une bande de ces petits mis^reux qui, cet 616, cau- 
sait la colore de mes voisins ; c'est pour eux que Ton excitait 
les chiens, pour eux que Ton chargeait les fusils de gros 
sel. Ce sont ces tristes mioches que Ton s'dtonnait de ne pas 
voir le module de toutes les vertus, eux qui grandissent sans 
direction ni sans conseils, sans un mot affectueux^ sans un 
baiser. 

Commeunjour je m'6tonnais que, dans cette ville de dix 
mille habitants, oil les mferes, si souvent, doivent travailler 
dehors, il n'y eAt pas quelques crfeches, des ^coles maternelles 
plus nombreuses, une surveillance et une protection effectives, 
en un mot, je fus interrompue avec colore. Pour que cette 
belle charity se r^gle par une augmentation dlmpdts, merci 
bien. Avant la nouvelie loi, on n'^tait pas encombrS de ces 
chenapans; k huit ans, on les embarquait comme mousses, ou 
bien on leur faisait tourner la roue aux corderies, c'6tait bien 
mieux. 

On n'est pas plus l&chement ^gol'ste. 

Les enfants qui, si petits, toumaient la roue aux corderies, 
pendant des heures et des heures, jusqu'Ji ce que leurs os en 
craquent, devenaient presque tons bossus. Leur mine hftve,. 
leur attitude pleine d'accablement disaient assez haut combieu 
leur tUche 6tait dure. Le minimum de treize ans^ impost par la 



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:V. 



104 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

loi, est k peine suffisant, et ce serait criminel de vouloir le 
ramener k huit ans comme autrefois. 

Pour les jeunes mousses, je laisse la parole h un vieux 
marin dont les souvenirs n'ont point besoin de commentaires : 
u Ma ch^re dame, h huit ans, on m'a embarqud dans un bateau 
qui faisait la saison de Torbay , pour la raie boucl6e ; c'^tait 
trois ou quatre mois sans descendre & terre. Pendant ce temps, 
je ne me nettoyais jamais, et personne ne me disait de le faire 
ni comment le faire. La vermine m'incommodait teilement que 
j'arrivais i ne plus pouvoir ni dormir ni manger. Quand je 
lombais sur le pont terrass^ par la fatigue ou par la fi^vre, les 
matelots m' amarraient, fuis me jetaient des seaux d'eau en 
eriant: « Un paquetde mer! sauve qui pent! » Encore mal 
6veill^, je cherchais k me relever, k la grande joie des autres, 
qui riaient de ma frayeur et de mon impuissance. Et je restais 
mouill^, jusqu'^ ce^que le grand air eM s6ch^ mes habits. 
L'hiver, j'avais les mains gerc^es jusqu'aux os, et des enge- 
lures qui saignaient au moindre mouvement. La manceuvre 
6tait rude, mais il fallait la faire quand m6me. Oh ! le pain dur 
que j'ai mang6 sans rien avec !... les coups de garcette que j ai 
rcQus, et que je n'avais pas m^rit^s!... mais plus encore, les 
moqueries, les mauvaises paroles que j'ai entendues : tout cela, 
jeFai gard^ sur le coBur, et tenez, c'estce qui m'a emp^ch6 de 
me marier. Une supposition que j'aie eu des enfants et que je sois 
venu k leur manquer, ils auraient done endurS des horreurs 
semblables; ah!. ma foi non I Ma ch5re dame, c*est & seize 
ans seulement, quand votre oncle m'a pris comme matelot 
l^ger, que j'ai eu un pen meilleur temps. Ce n'est pas qu'il 
6tait tendre, mais il ^tait juste; et jamais un mousse na 6t& 
battu k son bord. » 

Non, Toncle Paul n'6tait pas tendre ; pourtant je me rap- 
pelle comme ses joues ^aient blanches et comme sa voix trem- 
blait, en nous racontant la mort d'un petit mousse. 

« Pauvres mioches ! disait-il, cela pfese comme une plume, et 
c'est tout de suite enlev^ ! Celui-1& avait pu se cramponner it 
une 6pave, ce qui prolongeait son agonie, oh bien inutilement ! 
car nous nepouvions aller&sonsecours. Pendant des minutes.«« 



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GRAND'DENTS ET 0\ 705 

des si^cles^ on a entendu crier sa voix claire que le vent ame- 
nait vers nous : « Cap'taine I... capHaine !... sauvez-moi !... » 

Et c'est vers de pareilles horreurs que certains osent parler 
de revenir. Prot^ger, assister, moraliser des enfants, cela 
donne trop de peine, mieux vaut les laisser mourir. 

L6gislateurs qui 6dictez des lois protectrices de Tenfance, 
philanthropes qui remettez dans le droit chemin ceux qui 
viennent it trSbucher, bonnes 4mes qui fondez des creches, des 
asiles, des nids chauds et douillets pour les oisillons sans 
plumes, vous 6tes dans Terreur... Pour que de bons bourgeois 
mangent tran^quillement leurs fruits bien mArs, il faut que de 
pauvres marmots sans p^re descendent dans la mine comme 
les petits Italiens des soufriferes, fr^quentent Tusine meur- 
trifere et corruptrice, ou soient jet6s en pftture k la mer 
furieuse. 

JEANNE LEROY. 



REVUE PHILANTHROPIQUE. ~ II. 



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DE L'ENTENTE A ETABUR 



ENTRE 



LES BUREAUX DE BIENFAISANCE 



ET 



LES (EUVRES D'ASSISTANCE PAR LE TRAVAE 

NOTE COMMUNIQU^E PAR M. LE D' P. BODLOUMI^, SBCRlfiTAIRS G^N^RAL 
DU COUlTt CENTRAL DBS (EUVRES DU TRAVAIL (1) 



D'aprfes les r^ponses que MM. les Pr&idents ou Directeurs 
d'cBuvres d*assistance par le travail ont bien voulu faire k la 
lettre que nous leur avons adress^e le 15 novembre dernier, 
pour savoir si, coDform^ment aux circulaires minist^rielles des 
8 novembre 1894 et 19 avril 1895 (M. Ch. Dupuy, ministre de 
rint6rieur), et k Tarticle 28 du d^cret du 18 novembre 1895, 
il est intervenu une entente entre les bureaux de bienfaisance 
et ToDUvre d'assistance qu'ils president ou qu'ils dirigent 
« a I'effet de sudstituer autant que possible les secours en travail 

(1) Le Comity central des OEuvres du travail, place Dauphine, 14, li Paris, est 
coastitu6 dans le but : 

1" De vulgariser rid6e de V assistance par le tt^vailf d*en g^n^raliser les appli- 
cations et d'en determiner les moyens pratiques ; 

2«» De favoriser le d6veloppement des oeuvres de travail qui fonctionnent avec 
succ^s ; 

30 De favoriser la creation, dans divers quartiers de Paris qui en sont d^- 
pourvus et dans les d^partementSf de nouveaux 6tablissements de travail en 
s'inspirant de ceux qui ont d^jft. fait leurs preuves ; 

En laissant h chacune de ces oeuvres son nom et sa complete autonomie. 



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LES BUREAUX DE BIENFAISANCE. 707- 

awar secours en argent », nous voyons que, sauf 4 Nancy et 
dans trois arrondissements de Paris, nuUe entente dans ce but 
n'est intervenue, et que dans un assez grand nombre de villes 
les circulaires et le d^cret n'ont pas &i6 port^s h, la connaissance 
des inl^ress^s. 

Gonsid^rant la realisation de cette entente comme trfes 
desirable, le Comit6 central des OBUvres d'assistance par le tra- 
vail a dfes lors pens6 qu'il ^tait bon de rappeler les termes de 
ces divers documents administratifs et d'engager, dans Tint^rfit 
de tons, et particuliferement des vrais pauvres et des v^ritables 
ouvriers sans travail, les bureaux de bienfaisance et les oeuvies 
d'assistance par le travail i r^aliser Tappiication des disposi- 
tions sp6ciales qu'ils contiennent. 

Sachant de plus quelles sont les difficult^s soulev^es dans 
certains cas contre cette application, en raison, d'une part, des 
statuts et rfeglements sp6ciaux de chaque oeuvre, et d'autre part 
des lois, r^glements et usages qui r^gissent les bureaux de 
bienfaisance, il a pens6 qu'il ^talt bon d^ndiquer les conditions 
diverses dans lesquelles cette entente a ^t^ d'ores et d^jit 
6tablie. 

Le but de cette note est, en rappelant ces documents et en 
montrant ce qui a 6t^ fait, de favoriser et de faciliter cette en- 
tente parlout oil elle n'existe pas encore. 

Pour convaincre MM. les administrateurs des bureaux de 
bienfaisance de Tutilitd qu'il y aurait k entrer dans la voie 
tracde par les circulaires et le decret prdcit^s, il suffit de quelques 
exemples : Dans le VI® arrondissement de Paris, sur 29 assist^s 
envoyds par le bureau de bienfaisance, 13 seulement ont con- 
senti k travailler pendant les 10 jours pr^vus, et sur ces 13, 
4 hommes et 1 femme ont pu retrouver un travail r6gulicr. Dans 
le XVI* arrondissement, sur 350 n^cessiteux capables de tra- 
vailler, envoyds k Tassistance par le travail par le bureau de 
bienfaisance au cours de Fannie 6coulde, 160 ne se sont m£me 
pas pr^sentds k Tatelier; ils ont pu ainsi 6tre, sans scrupule, 
ray^s de la liste des assist^s, et les vrais pauvres ont dfes lors 
profite de ce qui aurait 6i6 sans cette 6preuve attribu6 i tort h 
ces nombreux exploiteurs de la charity publiquc. 



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M ' REVUE PHILANTHROPIQUE. 



DOCUMENTS 

Circulaire du Ministre de l*InUrieur en date du 8 novembre 189i adre$$ee 
aux prefets au sujet de l*assistance par le travail. 

Monsieur le Pb£fet, 

Depuis quelques ann^es on s'est efTorc^ dans plusieurs villes de France 
d*organiser des Soci^t^s d'assistance par le travail; plusieurs de ces essais 
ont 6i^ couronn^s de succ&s, sans parier des OBuvres qui fonclionnent d^j^ 
dans quelques arrondissements de Paris, des philanthropes se sont 
^oup^s pour cr^er k Marseille, k Lyon, a Rouen, k Nlmes, elc, des insti- 
tutions d'assistance par le travail. Nombre d*associations anglaises, am6- 
ricaines, suisses, allemandes, italiennes appliquent le m^me principe aGn 
de prot^ger la charit6 contre ses propres ahus et d'^viter que les auni6nes 
soienC donn^es sans discernement et de faire du travail la base du 
secours. 

Malheureusement ces id^es sont encore peu rdpandues, les soci^t^s 
ainsi fondles ne sont pas assez connues et leurs moyens d'action sont trop 
restreints. 

Je crois done utile de faire ressortir le m^canisme special et le carac- 
t^re particulier de ces associations. Leur but essenliel est d'^liminer les 
faux indigents en attachant au secours Tobligation du travail, de r6duire 
la mendicity professionnelle et de fournir, d'autre part, k Touvrier inoccup^ 
la possibility d*obtcnir quelques ressonrces momentau^es, qui, si mininies 
soient-elles, Temp^chent de mouiir de faini et lui 4pargnent i'humiliation 
d^primante de la mendicity. Pour atteindre ce resultat, le moyen le plus 
simple et le plus moral qu'elles puissent employer est d'organiser le travail 
avec salaire daitentej avec ou sans hospitalisation, 

Lorsqu'il s*agit de combattre la mis^re, il faut tout d'abord chercher k 
tirer de leur delresse les pauvres de bonne volont^; il faut aussi emp^cher 
les malheureux de descendre dans la rue pour tendre la main; les ceuvres 
d'assistance par le travail y arrivent en procurant autant que possible de 
i'occupation k chacun dans sa sp^ciulit^ professionnelle, k defaut, en s'in- 
t^ressant au malheureux et en s*occupant de le placer. Les efforts tenths 
par ces associations pour restreiudre ia mendicite et fournir un travail 
provisoire a Tindigent, pour lui faeiliter la recherche d'un travail normal, 
le sauver de Tinanition en attendant qu'il ait trouv6 une occupation rdgu- 
li^re et lui faire gagner honorablement un salaire, m^ritent Tattention des 
pouvoirs publics et leurs encouragements. 

Les bureaux de bienfaisance ou d* assistance ne sortent pas de leurs attribu- 
tions en pratiquant ce mode rationnel d* assistance ; plusieurs ont organist, 
priocipalemeut Thiver, des ateliers dits de charity. Mais Ik oh, pour une 
raison quelconque, T^tablissement public n'entreprendrait pas une organi- 
sation de cette nature, vous pourriez donner votre concours aux particu- 
tiers qui, dans un but exclusif de bienfaisance, seraient disposes k s'asso- 
cier pour instituer I'assistance par le travail. 

A tilre d'indications je vous transmets ci-joint copie du decret du 



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LES BUREAUX DE BIENFAISANCE. 709 

24 aoAl dernier rendu sur Tavis du Conseil d'Etat, qui ^-econnalt comme 
^tablissement d'utilit^ publique i*Union d'assistance du XYI^ arrondisse- 
ment de Paris et des statuts que ce d^cret a approuv^s. 

Recevez, Monsieur le Pr^fet, i'assurance de ma consideration la plus 
disUngu^e. 

Ch. Dupuy, 

President du Conseil, 
Miniatre de riot^rieor et des Cultes. 

CirctUaire 4u Ministre de' VlntMeur en date du y 7 avril 1895 accompagnant 
I'envoi d'une note pour la repression du vagabofidage et de la mendicite 
adressie aux conseils g&n&rauxpar la Society g^H'ole des prisons et la So- 
ciety Internationale pour I'Uude des questions d'assistance. 

Monsieur le Pr^fet, 

le re^ois la lettre suivante de M. F^lix Yoisin, president de la Soci^te 
g^u^rale des prisons. 

Mon administration, qui dan? una circulaire du 8 novembre dertiier a 
manifesto sa Sympalhie pour les oeuvres d'assistance par le travail et qui a 
invite les autorit^s pr6fectorales k encourager ces oeuvres, k en const! tuer 
de nouvelles, a en developper faction oil elles existent d^jdy ne pent voir 
qu'avec bienveillance Tinitiative prise par la Society g6n6rale des prisons 
pour retude des questions d^assistance aupr^s des assemblies d^partemen- 
tales, afin de les engager dans la m^me voie k relTet de venlr en aide sous 
cette forme intelligente aux <( valides de bonne volonte ». 

Ch. Dupuy. 

D^cret du 15 novembre 4895. 

Art. 28. — Les bureaux de Bienfaisanco sont autoris^s k s'entendre 
avec les Soci^t^s d'assistance par le travail d Veffet de substiluer, autant que 
possible, les secours en travail aux secours en argent. 

On pouvait esp^rer que ces documents, t^moignant des 
sympathies et des d^sirs du ministre de I'lnt^rieur, provoque- 
raient de la part des bureaux de bienfaisance des d-marches 
ayant pour butd*6tudier les conditions dans lesquelles une en- 
tente pourrait s'6lablir entre eux et les soci6t6s d'assistance 
par le travail. D'une mani^re g6n6rale, on pent dire qu'il n'en 
a rien 6i6 et que dans les localit^s ou arrondissements dans 
lesquels elle est intervenue, c'est k Tinitiative des oeuvres 
d'assistance par le travail, etnon des bureaux de bienfaisance^ 
qu'elle est due. Dans quelques localit^s ou arrondissements de 
Paris, les bureaux de bienfaisance ont refuse d'6tablir des rela- 
tions directes et r^guliferes avec elles pour des raisons qu'il est 



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710 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

bon d'dtudier. Les objections qui ont 616 faites sont de deux 
ordres, les premiferes sont des objections de principe, les se- 
condes des objections de pratique. 

En principe y les bureaux de bienfaisance sont, d'aprfes laloi 
du 7 brumaire an V, exclusivement cr66s pour fournir aux in- 
digents et n^cessiteux des secours k domicile et ne s'adressant 
qu'ii des individus incapables de Iravailler. 

En pratique, il semble y avoir des difficult^s sinenses te- 
nant aux regies comptables qui dans les bureaux de bienfai- 
sance exigent un acquit donn^ par la partie prenante pour tout 
secours octroy^. 

A Tobligation de principe, les circulaires et le d^cret rdpon- 
dent suffisamment. lis autorisent et encouragent les bureaux 
de bienfaisance h pratiquer Tassistance par le travail, par Tin- 
termddiaire des oeuvres, reconnaissant ainsi un fait acquis, h 
savoir que parmi les assistSs des bureaux de bienfaisance il en 
est un assez grand nombre qui sont en 6tat de travailler et se- 
raient plus utilement secourus par le travail que par Taumdne 
administrative on autre. 

Pour ce qui conceme la pratique, Texamen des divers 
modes d'assistance par le travail pratiques par les bureaux de 
bienfaisance montre que, malgr^ les differences existant entre 
les (Buvres, les rfegles comptables des bureaux de bienfaisance 
sont toujours applicables, sinon dans leurs formes habitueiles, 
au moins dans leur esprit. A ce point de vue, les oeuvres d'as- 
sistance par le travail doivent 6tre divis6es en : a) oeuvres ne 
gardant normalement leurs assist^s que pendant la dur^e de 
validity de leurs bons, dont la valeur est pay^e ou rembours6e 
i" ToBuvre par Fadh^rent qui les a dilivr^s ; b) oeuvres dans 
lesquelles Tadh^rent paie ou rembourse le bon qui a servi k 
Tassiste pour 6tre admis au travail et lui assure la premiere 
journ^e d'assistance et dans lesquelles la remuneration du tra- 
vail est faite soit en argent, soit en nature (logement, nourri- 
ture, vfetement), soit partie en argent et partie en nature. 

Dans le premier cas, le bureau de bienfaisance achate des 
bons k Toeuvre d'assistance par le travail. II appose son timbre 
eten deii\Te, contre rcQu, kl'assiste un nombre correspondant 



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LES BUREAUX DE BIENFAISANCE. 711 

comme valeur au secours en argent qui lui aurait 616 octroy^ 
(10 francs en g^n^ral). L'assist^ muni de ces bons, sur iesquels 
sont inscrits ses nom, pr^noms et adresse, se pr6sente h Tate- 
lier d'assistanoe et y trayaiile jusqu'ii ce qu'il les ait 6puis6s, k 
moins que, chose rare, il n'ait trouv6 h se placer avant. 
Quand chaque bon a 6i6 « travailli », Tassist^ signe, sur le 
bon lui-m6me, le rcQU de la somme qu'il repr^sente et qu'il 
touche en ^change de son travail. L'ensemble des bons tra- 
vaillis par chacun des assist^s est remis ensuite au bureau de 
bienfaisance comme pifece comptable. G'est \k ce qui se pra- 
tique au bureau de bienfaisance du XVI® arrondissement de 
Paris. 

Au XVII® arrondissement, les choses se passent autrement. 
Le bureau de bienfaisance remet au directeur de I'atelier de 
travail un registre des secours en argent ; Tassistd arrive avec 
des bons d^livr^s comme ci-dessus par le bureau de bienfai- 
sance et chaque fois qu'un bon a 6i6 « travailld », Tassist^ rcQoit 
la somme ^quivalente k sa valeur et signe un r^c^piss^ dans 
une case du cahier dans laquelle sont inscrits son nom et son 
adresse. 

II est bon d'ajouter que,dans ces deux 6tablissements d'as- 
sistance par le travail, roeuvre octroie & chaque assists du bu- 
reau de bienfaisance ayant bien travaill^ un certain nombre de 
bons suppl^mentaires pour lui continuer ['assistance au cours 
de laquelle elle Taide dans la recherche d'un travail permanent, 
et r6gulier. (11 en est de m6me k Marseille pour les assist6s 
envoy68 Ji Tassistance parle travail parle patronage des Iib6r6s, 
et il en serait de m6me pour les assistSs du bureau de bienfai- 
sance si celui-ci consentait k lui en adresser.) 

A Nancy, le bureau de bienfaisance donne une subvention 
annuelle de 1 500 francs k Tceuvre d'assistance par le travail qui 
lui remet en ^change des bons de travail qu'il distribue k ses 
assist^s. 250 indigents ou n^cessiteux ont ainsi 6t6 adress^s k 
ToBuvre au cours de Tannic 1897. 

Parmi les oeuvres dans lesquelles Tadh^rent paie ou rem- 
bourse le bon d'entrde seulement, Toeuvre du marchd Saint-Ger- 
main, k Paris, est la seule avec laquelle un bureau de bienfai- 



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712 REVUE PHILANTKROPIQUE. 

sance (celui du VI® arrondisseinent) ait 6tabli une entente. 
Voici la teneur de la convention intervenue : 

Entre les soussign^s : 

10 M. le Maire du VI® arrondissement, President da bureau de bienfai- 
sance du m6me arrondissement, d'unepart; 

H^ M. le President de TUnion d'assistance par le travail du march^ 
Saint-Germain (VI« arrondissement), d'aulre part; il a ^t^ convenu et 
arr6t6 ce qui suit : 

Art. 1«'. — L'union d'assistahce par le travail du march6 Saint-Ger- 
main s'engage k recevoir dans ses ateliers, dans les m^mes conditions que 
les autres assist^s, les n^ces^iteux valides des deux sexes qui lui seront 
adress^s par le bureau de bienfaisance du VI* arrondissement sur la pre- 
sentation d'un bon de travail immatricule BB-VI, dat^ et sign6 du maire, 
president dudit bureau de bienfaisance. 

. Art. 2. — Le bureau de bienfaisance s'engage k payer, a TUnion d'as- 
sistance par le travail du march6 Saint-Germain, la somme de 1 franc par 
journ6e d'assist^, sans que la somme h payer pour chaque assists puisse 
en aucun cas d6passer dix francs pour dix jours cons^cutifs, Tunion d'as- 
sistance restant toujours libre de conserver ou renvoyer Tassist^ (1). 

Art. 3. — A la (in de chaque mois, TUnion d'assistance pr^sentera au 
tr^sorier du bureau de bienfaisance un bordereau des journ^es d'assistance 
dues par le bureau de bienfaisance avec les bons de travail justiflcatifs k 
Tappui. 

Ces bons porteront Tindication de la date de TentrSe de Tassist^ dans 
les ateliers du march6 Saint-Germain, la dur^e de son s^jour, des rensei- 
gnements sur son compte et les conditions de sa sortie. lis sont 6marg6s 
chaque jour par Tassist^. 

Art. 4. — Tout bon de travail pr6sent6 plus de quarante-huit heures 
apr^s sa d^livrance k Tassist^ sera consider^ comme p^rim^. 

Art. 5. — M. Biny, directeur de l'union d'assistance, aura quality pour 
toucher k la caisse du bureau de bienfaisance les fonds dus pour Tex^cn- 
tion des prdsentes et en donner quittance. 

Art. 6. — La pr^sente convention est faite pour une ann^e et conti- 
nuera de plein droit pour la mdme dur^e k d^faut de d^nonciation par 
Tune des deux parties un mois avant I'ezpiration de I'ann^e en cours. 

Fait double k Paris le premier mars mil huit cent quatre-vingt-seize. 

Lu et approuv^ : Lu et approuv^ : 

Le President de V Union . Le President du bureau de 

d'assistance par le travail, bienfaisance, maire du VI* arrondissement, 

Henry Defert. F. Herbet. 



(1) En fait, runion d'assistance par le travail du march^ Saint-Germain garde 
parfois, pendant longtemps aprds rexpiration de ce d61ai, les assist^s dignes 
dlnt^rdt et pouvant dtre places. 



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LES BUREAUX DE BIENFAISANCE. 713 

On a vu plus haut lesr^sultats qu'a donnas Tapplication de 
ce traits. lis ne sont pas considerables, encore qu'il soil digne 
de remarque que sur 6 individus ayant accepts le travail, 5 
aient pu 6tre pourvus d un travail ou d'un emploi r^gulier 
apr^s un passage de 10 i 15 jours dans les ateliers de TUnion. 
Mais il convient de faire observer qu'au ddbut des rapports a 
dtablir entre les bureaux de bienfaisance et les oeuvres d'assis- 
lance par le travail, les bons de travail ne sont peut-6tre pas 
toujours distribu^s avec un discernement sufiisant aux n^cessi- 
teux vraiment en 6tat de les utiliser. Peut-6tre aussi la clien- 
tele habituelle des bureaux de bienfaisance ne se pr6te-t-elle 
pas autant qu'on pourrait le croire i Fexp^rience qu'il y a lieu 
de tenter. 11 s'agit, en g6n6ral, sinon d'invalides proprement 
dits, du moins d'individus depAmis physiquement et morale- 
ment 2i un point tel qulls n*ont plus que la force de solliciter, de 
gens qui retrouveraient peut-6tre quelque ^nergie pour tra- 
vailier, si le travail leur 6tait impost, mais qui sont incapables 
de s'y remettre spontan^ment (si tant est qu'ils s'y soient ja- 
mais mis) sur la simple invitation qui leur est faite d'aller por- 
ter leurs bras k Tatelier de travail au lieu de tendre la main au 
bureau de bienfaisance. 

Quoiqu'il en soit, le Comit6 central, trfes d6sireux de voir se 
gdn^rjiliser Tentente entre les bureaux de bienfaisance et les 
ceuvres d assistance par le travail privue et pr6conis6e par les 
circulaires et d^cret ci-dessus rapport^s, espfere, gr&ce h. Ten- 
semble des documents et renseignements qu'il a r^unis dans 
cette note, faciliter son adoption et sa mise en pratique dans 
loutes les villes et tons les arrondissements de Paris ou fonc- 
tionnent des oeuvres d'assistance par le travail. II sera tres re- 
connaissant de tons les renseignements compl^mentaires qui 
pourront lui 6tre adress^s ft ce sujet,et il se tient de son c6te ft 
Tenti^re disposition des oeuvres pour leur fournir toutes les in- 
dications qui pourraient leur fitre utiles pour cet objet, ou tout 
autre concemant I'assistance par le travail. 

D'P. BOULOUMlfe, 

Secretaire g^n^ral du Comity central des (Kuvres 
d' assistance par le travail. 



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UNE CLAUSE LITIGIEUSE 



Les tribunaux et le Gonseil d'etat sont en disaccord sur la 
validity de la clause par laquelle un testateur^ en faisant un 
legs aux pauvres, present que sa lib^ralit^ sera distribute par 
un tiers d^sign^. 

Le plus souvent, ce tiers est un cur^, un pasteur, un rabbin; 
plus rarement c'est une personne priv6e. 

Pour Tautorit^ judiciaire, une telle clause est valable. Du 
moment que le legs charitable est accepts et recueilii par le 
bureau de bienfaisance^ d!]kment autoris^, repr^sentant l^gal 
des pauvres, le fait de recourir k un tiers pour la distrilyition 
n'est qu'un point accessoire; la loi n'interdit pas aux testateurs 
de r^gler le mode d'ex6cution de leurs legs; la question de 
sp^cialit6 des ^tablissements publics n'est pas en jeu. Au sur- 
plus, le bureau de bienfaisance, en recourant au tiers d^signd 
pour la distribution, ne re nonce pas k ses attributions; il con- 
serve un droit de contrdle et pent exiger du distributeur la 
liste des personnes secourues; il a un droit de recours contre ce 
dernier s'il constate, aprfes enquMe, que les fonds ont 6t6 ver- 
sus k des personnes non qualifi^es pour les recevoir. 

Au contraire, le Gonseil d'fitat estime que la clause ayant 
pour objet d'enlever le droit de distribution au bureau de bien- 
faisance repr^sentant des pauvres institu^s l^gataires par le 
testateur, est en contradiction avec le principe de la sp6cialit^ 
des ^tablissements publics, surtout lorsque le distributeur d^si- 



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UNE CLAUSE LITIGIEUSE. 715 

gai est le ministre d'un culte, c*est-4-dire est lui-m6me le repr6- 
sentant ou Tagent d'un 6tablissement public religieux n'ayant 
pas dans scs attributions Tadministration des secours publics. 
En consequence, lorsque le Conseil d*^tat est saisi de Taccep- 
tation d'un legs fait aux pauvres et contenant la clause pr^cit^e, 
il prepare un d^cret d'autorisation ^nouQant que Tacceptation 
de la libdralitd est autoris^e aux clauses et conditions impos^es, 
&n tant qu'elles ne sont pas contraires aux his. Cette reserve a 
pour but d'indiquer qu'il consid^re comme contraire aux lois la 
clause relative h la distribution. 

L'dtablissement public ainsi autoris^ demande aux b^ritiers, 
par la voie judiciaire, la d^livrance du legs; et ces derniers 
concluent it ce qu'elle ne soit accord^e que si r^tablissement 
autoris^ s'engage Ji ne pas tenir compte de la reserve contenue 
au d^cret. Les Iribunaux donnent le plus souvent gain de cause 
aux b<^ritiers. Nous citerons notamment dans ce sens Tarr^t de 
la Cour de Paris du 23 Janvier 1891, intervenu entre les 
b^ritiers Poiret et Tadministration de TAssistance publique. 

Nous avons dit que Tautorit^ judiciaire consid^rait le plus 
souvent comme valable la clause de distribution par un tiers. 
Cependanty contrairement it de nombreux arrets et jugements, 
deux arrfits d'appel, Fun de Toulouse, du 4 novembre 1890, 
Tautre d'Agen du 16 novembre 1891, admettent la solution 
contraire. 

D'autre part, un jugement du tribunal de Pau du 4 no- 
vembre 1897, rendu sur la plaidoirie de M. Beurdeley, avocat 
ft la cour de Paris, maire du YIII<' arrondissement, a imaging 
un nouveau systdme qui chercbe k concilier ing^nieusement le 
respect Ad aux intentions des testateurs avec le principe de la 
speciality des dtablissements publics. II s'agissaitd'un legs fait 
aux pauvres de la commune de Rebenacq, ft distribuer par un 
membre de la famille du testateur. Le jugement present que les 
fonds seront distribu^s aux pauvres par le distributeur design^, 
maisque la distribution aura lieu ft la mairie,sur une liste four- 
nie par le bureau de bienfaisance. Pr^voyant ensuite le cas oil ce 
mode de distribution serait impossible ft r^aliser, il decide que 
la condition serait r^putde non ^crite etque le legs devrait etre 



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IIG REVUE PHILANTHROPIQUE. 

consid^r^ comme pur et simple. Le jugement ainsi intervcnu 
6tait interpr^tatif d'une decision antdrieure du mdme tribunal, 
qui avail d^cid^, conform^ment d'ailleurs ft Ja jurisprudence, 
que la disposition testamentaire litigieuse constituait, non une 
simple charge d'h6r6dit^, mais un legs assiijetti i la rfegle de 
rautorisation. 

II. DEROUIN. 



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LES THEORIES MALTHUSIENNES 

ET 

LE MARIAGE DES INDIGENTS 



Le Idgislateur de 1850 et celui de 1896, qui se proposaient 
de faciliter le mariage des indigents, ne furent point disciples de 
Malthus. Nous n'cntendons point ici, bien ^videmment, le Mal- 
thus de la Idgende, le propagateur suppose de vices contre 
nature, le penseur d'une immorality r6voltante. L'bistoire des 
^conomistes comme celle des peuples s'^crit souvent d'une 
strange faQon, et Ton prfite avec complaisance aux penseurs 
des theories qu'ils n'ont cess6 de r^pudier avec une ^nergie in- 
dign^e. Malthus eut Texistence la plus chaste, la plus verlueuse 
et la plus honorable qui se puisse concevoir, et sa doctrine ne 
fut point la proclamation audacieuse de la d6bauche, elle en 
demeure la condamnation impitoyable. Ge fut un philanthrope, 
mais un philanthrope qui s'^gara singuli^rement. L'bomme, 
pensait-il, ne doit fonder un foyer, constituer une famille nou- 
velle que le jour ou de suffisantes ressources, une situation 
assurde et lucrative lui permettent d^envisager Tavenir avec 
une absolue confiancc. Geux-lji done, k qui la vie fut incl^- 
mente, que la fortune a m^pris^s, et dont Texistence de chaque 
jour n'est qu'une lutte sans cesse renouvel^e oil toujours ils 
sont vaincus, ceux-l& ne peuvent songer au mariage : les indi- 
gents, convolcr en justes noces, quel danger social et quelle 
folie! Un sort lamentable attendrait, en effet, les 6tres qu'ils 
appelleraient 4 la vie et combien ces nouveaux venus trouble- 
raient les possesseurs actuels des biens terrestres, quels insup- 
portables assauts ne livreraient-ils point h T^goisme commode 
des heureux de ce monde ! La nature, la bonne nature protec- 
trice des forts et des riches, ne le tol6rerait point elle-m6me! 
Uindigence est une tare originelle; ilen faut, sans pili^ comme 
sans retard, arrfiter la contagion hdrdditaire. ^coutez les paroles 



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718 IIEVUE PHILANTHROPIQUE. 

de Malthus ; elles aotti suggestives et typiques : « Un homme, 
qui est n^ dans un moiiit d^jii poss^d^, s'il ne pent obtenir de 
ses parents la subsistance qu'il pent justement leur demander, 
et si la soci^t^ n'a pas besoin 4% son travail, n'a aucun droit de 
r^clamer la plus petite portion d^ i^mrriture et, en fait, il est de 
trop.- Au grand banquet de la nature, il a'y a pas de convert vacant 
pour lui. Elle lui commande de s'en iUer, et elle mettra elle- 
m^me promptement ses ordres k ex^cutioa^ s'il ne pent recourir 
il la compassion de quelquesruns des convives 4u banquet. Si ces 
convives se serrent et lui font place, d'autrea intrus se pr^- 
sentent immddiatement demandant la m6me fKveur. Le bruit 
qu'il existe des aliments pour tons ceux qui arriveat remplit la 
salle de nombreux r^clamants. L'ordre et Tharmonie du festin 
en sont troubles, Tabondance qui rdgnait auparavant se change 
en disette, et le bonheui: des convives est d^truit par le spec- 
tacle de la mis^re et de la' gAne qui r^gnent dans toutes les par- 
ties de la salle, et par la clameur importune de ceux qui sont 
justement furieux de ne pas trouver les aliments sur lesquels 
on leur avait appris k compter. Les convives reconnaissent trop 
tard Terreur qu'ils ont commise, en contrecarrant les ordres 
stricts k regard des intrus donnds par la grande maltresse du 
banquet, laquelle, d^sirant que tous ses b6tes fussent abondam- 
ment pourvus, et sachant qu'elle ne pouvait pourvoir un 
nombre illimit^ de convives, refusait humainement d'admettre 
de nouveaux venus, quand la table ^tait d6j4 remplie. » Dans 
le syst^me g^n^ral de Malthus, cette exclusion brutale et sans 
appel du banquet de la vie de quiconque nalt pauvre, cette 
exclusion est parfaitement logique, elle apparait intimement 
li^e aux autres points de sa th6orie. En effet, la population a 
tendance k se reproduire en progression g6om§trique, alors 
que les subsisiances ne croissent qu'en progression arithm^- 
tique; certains fl^aux, p^riodiquement renouvel^s, tels que les 
maladies et les guerres, se chargent, mais d'une faQon insuf- 
fisante, de rdtablir Fdquilibre; pour le fixer ddfinitivement, il 
faut le renoncement volontaire de Thomme. C'est done le 
souci du bonheur de Thumanit^ actuelle qui inspire Malthus. 
Est-il besoin d'insister sur le redoutable dementi que les pro- 



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LE MARIAGE DES INDIGENTS. 719 

grfes ininterrompus de la depopulation ont inflig(5 k ses predic- 
tions pessimistes? En fait, le malthusianisme est faux ;ilne I'est 
pas moins en droit. Dans la society, le mieux-6tre depend du 
plus-6tre; chaque individu, pour peu que la destin^e ne lui soit 
pas trop injustement cruelle, produit au del& de ses besoins et 
augmente de ce fait m^me la prosp^ritd g^n^rale. En d^pit des 
protestations de Malthus ou de ses disciples, il n'y a done pas 
lieu d'entraver les manages modestes, voire m6me miserables. 
Si la claire notion du bien gdn^ral, et par suite du bonheur 
individuel, n'^tait pas obscurcie dans nos soci^t^s contempo^ 
raines par le stupide pr^jug^ du luxe et des apparences fas- 
tueuses, si la dot ne constituait pas la clef de yoAte de toutes 
les unions projet^es, il n'y aurait sur la question qu'un avis 
parmi les ^conomistes et les l^gislateurs. Voyez les Am^ricains, 
dont le bon sens pratique nous doit sur bien des points servir 
d'exemple et d'enseignement : deux jeunes gens se plaisent; ils 
ont la force- et les longs espoirs, disons, si Ton veut, les bril- 
lantes illusions qui accompagnentpresque toujours le printemps 
de la vie; la fortune, Taisance m^me, ils la connaissent h peine 
de nom. Qu'importe, ils mettent en commun leurs mis^res et 
leur amour, et cette union f^conde donnera souvent naissance 
k la prosperity. Et, pour atteindre ce but, il a suffi que la loi 
n*entrav4t pas leur mariage, s'y montr&t complaisante, en ne r6- 
clamant que des formalit^s rapides, simples et gratuites ; qu'elle 
ne craigntt pas, d'un mot, de leur laisser prendre une place, k 
eux et ^ leurs enfants, au banquet de la vie. Peut-6tre a-t-il 
fallu aussi que la bienfaisance publique et priv6e intervint, pour 
subvenir aux frais inseparables du mariage. Que grande est son 
erreur! s'ecrierait&la suite de Malthus le sociologue contempo- 
rain Herbert Spencer. L'assistance publique, il la supprime 
d'un trait de plume; TEtat n'a pour mission que d'assurer aux 
citoyens la paix et la justice; il ne saurait alter au delk sans 
empieter sur un domaine qui n'est point le sien; il commet 
les pires exc5s lorqu'il touche k la repartition des richesses. 
Cest \k la doctrine pure de I'ecole d'economie politique, dite 
indifferemment etpar uneetrange synonymic liberate ou ortho- 
doxe. Quant 4 la charite particulifere, elle n'est pas moins con- 



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720 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

damnable. Les misi^rables, pense-t-il, sont des vaincus dans le 
combat de la vie, par suite des non-valeurs; la soci6t^, les r6- 
morquant h sa suite, s'embarrasse d'un poids mort; si on leur 
vient en aide, si on leur permet de se perp6tuer, ils sont alors 
une enlrave pour le present et deviennent un danger pour 
Tavenir ; on produit ainsi une selection h rebours, qui contrarie 
la selection naturelle; la marche glorieuse de Thumanit^ se 
heurte h nn inutile obstacle. Est-il besoin dlnsister sur ce fait 
que bien des mis^res sont le r^sultat m6me de Torganisation 
sociale et qu'il incombe k la soci6t6, qui est responsable des 
Messures, de les panser et de les gu6rir? Mais il y a mieux, 
aucun individu n'est descendu k un tel degr6 de d^ch^ance que 
son rel^vement soit impossible, et qu'il ne puissc encore remplir 
un office social. La loi de solidarity n'est pas seulement une loi 
morale; elle est Texpression de Tint^rfit g^n^ral et, k descendre 
au fond des choses, d'un ^go'isme sup^rieur, mais d'unv6rilable 
^goisme. Et, pour nous en tenir au problfeme particulier du 
manage des indigents, la th^se de Th^r^dit^ veut-elle qu*un 
miserable donne naissance k un miserable? La liste est longue 
et glorieuse des homme de g6nie, auxquels Thumanit^ doit une 
part notable de ses progrfeset de son bonheur, qui virent lejour 
dans les families les plus humbles et les plus d6nu6es. 

Mais c'est une v6rit^ d*exp^rience et une sorle de ,lieu com- 
mun que les enfanls de Taristocratie sont souvent ch^tifs et 
malingres, tandis que les manages des humbles artisans ^i^vent 
des enfants robustes, sachant r^sister aux intemp^ries et au 
manque de soins. Et leur mis^re mat^rielle ne leur interdit pas 
Tavenir; d'admirables chefs-d'oeuvre n'ont-ils pas ^t^ cnfant^s 
dans la douleur ou la g6ne! Si, du droit naturel nous en 
venons au droit 6crit, et de la th^orie pure ii son application 
pratique, il apparaltra que le l^gislateur frangais voit d'un ceil 
favorable les unions entre indigents, qu'il a beaucoup fait pour 
en faciliter la realisation, mais qu'il a peut-£tre beaucoup k 
faire encore dans cette voie, soutenu par I'initiative indivi- 
duelle et les institutions privies, pour se rapprocberde cetid^al 
de justice vers lequel il faut marcher sans cesse sans qu'on 
puisse esp^rer I'atteindre jamais. 



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LP MARIAGE DES INDIGENTS. 721 

On ne saurait douter que bien des unions irr^guliferes ^e 
-r^soudraient i brfeve ^ch^ance en manages legitimes, qu'une 
-foule de concubinats seraient 6vitds, si le modeste travailleur 
ne reculait devant le9 pertes de temps et les d^penses/ lourdes 
pour le budget des humbles, qui pr^c^dent la comparution de- 
vant Tofficier de T^tat civil. En presence des obstacles qui encom- 
brent la voie legale, il s'abstient : la Crainte des boards et du 
stigmate, injuste d'ailleurs, qui s'attache k eux, ne pfesent pour 
rien dans le poids de ses deliberations : Tinfecondiie volontaire 
parera k toute difficult^. Et puis, n'aura-t-il pas ainsi les agr^- 
ments du ipariage,sapseix assumer les charges et les devoirs ? 
Ces inconvenients multiples, ce danger social n'ont point 
echappS au Idgisilateur. La loi du 10 d^cembre 1856 decide, en 
effet, que les pieces n^cessaires au manage des indigents leur 
seront fournies gratuitement ; et, pour qu'ils ne soient point 
arrfites par le manque de loisir ou riiiexp6rience, elle charge 
du soin de les rdunir Tofflcier de r§tat civil lui-m6me de la 
commune oil ils d^clarent vouloir se marier. Une lacune sub- 
sistait qu'est venue combler la loi du 20 juin 1896. Le jeune 
homme majeur de 25 ans, la fiancee qui avait atteint sa vingt et 
uni^me ann^e, pouvaient se heurter au refus de consentement 
de leurs parents. Dans ce cas, il fallait recourir k la significa- 
tion d'actes respectueux; ceux-li n'etaient point gratuits ; et des 
unions etaient parfois aiosi emp^ch^es par Timpossibilite oil se 
trouvaient les promis d'acquitter les frais de ces actes. Jusqu'k 
30 ans pour les fils^ 25 ans pour les filles, Facte devait se renou- 
veler par trois fois, de mois en mois I C'etait Ik une source de 
frais et de retards, trop souvent d^courageants; Depuis le 
20 juin 1896, Tacte respectueux est gratuit pour les indigents, 
etdesormais, et dans tons les cas, il est unique. Mais qui done 
est indigent au regard de la loi de 1850? La definition qu'elle 
donnede Tindigence sembletropetroiteet vaudrait certes d'etre 
eiargie : spnt indigents ceux qui ne figurent pas aux r6les des 
contributions directes (et cette condition est toute naturelle), 
ou paient moins de dix francs d4mp6ts. Si Ton songe qu'i Paris, 
pour unloyerde5i0 francs par exemple (les loyers de500 francs 
ne sont pas imposes), on paye 26 fr. 52 de cote mobilifere, on 

REVUB PHILARTHROPIQUB. — 11. 46 



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722 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

conQoit qu'on puisse, sans 6tre un Cr6sus, payer plus de 10 francs 
d'imp6t, et ne point se trouver en situation de verser les pJu- 
sieurs centaincs de francs que content, dans certaines condi- 
tions d6favorableSy les pieces n^cessaires. U faudrait done aller 
^lus loin et le minimum d'imp6t de 30 francs n'aurait rien 
d'exag^rd. Aussi bien,les futurs ^poux, si ^conomeset si simples 
de goi!it qu'on les imagine, sont astreints h des frais indis- 
pensables. L'initiative priv^e Ta parfois heureusementcompris, 
et je sais une soci^t^, fort peu connue et dont Tactivit^ est des 
plusrestreintes, qui a pr^cis^ment pour objet d'offrir une aide 
p^cuniaire aux fiances dans la g6ne. Que m^riterait-elle d'avoir 
des imitatrices, et que cette contrefaQon aurait de pr^cieux effels I 
Une autre voie, dans laquelle bien des tentatives ont ^t^ faites 
et de nombreux syst^mes proposes, consisterait dans Tamdin- 
drissement des charges contributives au profit des manages 
indigents : la cote mobilifere, k Paris, ob^it bien ft celtc r^gle 
d'6quit6 et de justice, mais qu'est-elle 4 c6t6 des dnormes con- 
tributions indirectes et des taxes d'octroi? D'heureux signes 
pr^curseurs permettent d*esp6rer que la troisi^me R^publique 
n'abdiquera pas ses devoirs h cet ^gard et saura traduire en 
actes les d^mocratiques preoccupations de tons. 

Qu'il y a loin de ces tendances de notre legislation aux 
theories malthusiennes ! Et comme il faut encourager le Idgis- 
lateur et Tinitiative priv^e dans ces heureuses dispositions! 
Aussi bien, n'est-il pas, h Theure pr^sente, de probldme plus 
redoutable que celui de la depopulation. Le moment est mal 
choisi de se montrer delicat et de n'appeler h Texistence que 
certains priviiegies. Au demeurant, on se marie peu dans la 
bourgeoisie, et les rares unions qui s'y contractent ne sont 
gu^re fecondes. Puisque Tavenir mdme de la France et ses 
destinees futures dependent pour une large partdu mariage des 
indigents, c'est faire acte de patriotisme que de le favoriser et 
de vouloir ainsi, autant qu'il est en soi, conserver un rang glo- 
rieux parmi les nations « h la plus haute personne morale qui 
soitau monde ». 

ALFRED LAMBERT. 



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VARIETES 



L'Hospice de Brdvannes. 

Get ^tablissement a ^i6 ouvert en 1885, k la suite de racquisition 
faite, le 19 septembre 1883, deTancien cMteau de Br^vannes qiii,avec ses 
d^pendaDces, occupe one superficie de 23 hectares, 55 ares, 20 centiares, 
et dont le bAtiment principal ainsi que le pare ont pu 6tre conserves, k 
LimeiUBr^vannes (Seine-et-Oise). 

Br^vannes est cit6 comme un des lieux les plus d6lieieux dans TAlm^i* 
nach des plaisirs de Paris pour I'ann^e 1815. 

L'on ne saitque peudechoses sur le chdteau de Br^vannes, avant 1394; 
ii deTait toutefois exister depuis longtemps, car dans certains actes rendu^ 
au roi par les anciens barons de la Queue-en-Brie, Br^vannes est d^sign^ 
comme fief mouvant de cette baronnie, par consequent, arri^re-fief du roi. 

Cette terre jouissait du droit de moyenne et basse justice. La prison 
^tait situ^e sous le colombier k pied droit existant encore aujourd'hui, k 
cdt^ du logement actuel du Directeur. 

Le ch&teau proprement dit se composait de b^timents irr^guliers ; il 
avait k ses angles des toarelles k encorbeilement entour^es de larges fosses 
remplis d'eau, proveoant des sources de la montagne. On communiquait 
a^ec le chateau par des ponts-levis. 

De 1394 &1551, le chdteau parait 6tre rest^ la propri^t^ de la famille 
des Corbie. 

A cette 6poque, il passe de la maison de Corbie k la famille Duval, le 
premier propri^taire de ce nom fut Francois Duval, grand pr<5vdt et che- 
valier, conseiller du roi en ses conseils d'£tat. 

En 1675, le chdteau appartienl k Pierre Fremont, secretaire de M">« la 
dnchesse d'Orl^ans et k son fr^re bourgeois de Paris. 

A cette 6poque, un h6te illustre, M"" de S6vign6, vint plusleurs fois k 
Br^vannes. On a d'elle une lettre dat^e du 22 juillet 1676 et^crite de Br^- 
vannes k M">« de Grignan ; on y remarque le passage suivant : « Vous ai-je 
mand^ que je fusse diner Tautre jour k Sucy... Je fus ravie de revoir cette 
maison oh j'ai pass6 ma belle jeunesse; je n'avais pas de rhumatismes en 
ce temps-Id!.. » 

Dans une autre lettre dat^e dull novembre 1688, pour marquer combien 



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724 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

elle se plait h, Br^vannes, elle dit : « Pais ce que tu youdras, c*est la devise 
d'ici. » 

Les fr^res Fremont ^tant protestants durent quitter la France apr^s la 
revocation de T^dit de Nantes; leurs biens furent saisis et an bail fait en 
cour du Parlement an profit de Charles Bernard, bourgeois de Paris. 

En 1695, Br^vannes fut adjugd k Nicolas Dubuisson, conseiller d'Etat, 
intendant des finances, lequel a sa mort le l^gua k Augustin Lepileur, 
qui eut poursuccesseur son arri&re-petit-cousin, Marx-Henri Lepileur, pre- 
sident k la cbambre des Gomptes. Ge fut ce dernier qui fit reconstruire le 
chateau tel qu'il existe actuellement. 

Depuis, le chateau a passe successivement au baron de Varange, regent 
de laBanque de France; au banquier Glaremont, qui y mourut en 1839;& 
Tagent de change Sarchi ; au prince Achille Murat, qui le fit r^parer k la 
suite des devastations commisespar les AUemands en 1870;enfln au baron 
Hottinguer, qui le vendit k ladministration de TAssistance publique, 
moyennant uno somme de 300000 francs. 

L'etablissement comprend : 

jo Le chdteau proprement dit, dans lequel se trouvent 100 lits devieil* 
lards ceiibataires (50 hommes et 50 femmes); 

L'inflrmerie ; 

Le cabinet du directeur; 

L'n logement de surveillante, deux logements de suppleante, les dor- 
toirs des fllies, les caloriferes, la cuisine, deux salles de bains, le r^fectoire, 
la pharmacie, la cave, la boucherie. 

2» Le quariier des m^ageSy compost d'un rez-de-chauss^e et d'un pre- 
mier etage, dans lequel son t .hospitalises 100 menages ayant chacun une 
chambre k deux lits. 

3« Le quariier des chroniques, ouvert au mois d'octobre 1896, et conte- 
nant 736 lits, dont 464 sont actuellement occupes. 

Ainsi retablissement est k la fois un hospice et un hdpital. 

Au chdteau et au quartier des menages, les vieil lards ne sont admis 
qu'en vertu d'un titrede placement, et doivent remplir les conditions exi- 
gees des personnes hospitalisees k Bicetre, k la Salpetriere ou k Ivry. 

Dans le quartier des chroniques, au contrairc, les malades sont recus k 
titre temporaire, mais leur sejour dans retablissement peut etre de longue 
duree par suite de la nature des afTections dont ils sont atteints. 

L*etablissement est dilaire k reiectricite,ct dote d'une double canalisa- 
tion d'eau de source et d*eau de Seine. 

Les matieres usees sont evacuees sur un terrain d'epandage. 

L' Administration se propose d'ediOer trois autres groupes de bdliments 
semblables au groupe des chroniques. 

Quand toutes les constructions projetees seront terminees, retablisse- 
ment de Brevannes comprendra 3 250 lits environ. 

Pour 1898, les credits mis k la disposition de I'hospice de Brevannes 
s'ei^vent k la somme de 51 Q 165 francs. 

En 1896, le prix de journee est revenu au chifTre de 2 fr. 58. 

On peut se rendre de Paris a Brevannes par deux chemins de fer. 

Par la gare de Lyon, on descend k Villeneuve-Saint-Georges. 



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VARlfeTfeS. ^25 

Par la gare de Viocennes, on s'arrfite k Boissy-Saiat-L6ger ou k la sta- 
tion suivante, k Limeil. 

Mais, par une voie ou par Tautre, il faut faire vingt-cinq on trente mi- 
nutes k pied. G'est I^ un gros incony^nient pour les hospitalises de Br^vannes. 

Le chemiu de fer de Vincennes passe devant le chateau, luais ne s'ar- 
rfile point. 

Le jour ok Ton pourra obtenir une station de la Gompagnie, Thospice 
de Br^vannes sera tr^s recherche. 

II ne faut pas oublier, et il est n^cessaire de le r^p6ter en toute occa- 
sion que les hdpitaux contiennent un nombre de lits sufflsant pour les ma- 
lades, et si les hdpitaux out trop de brancards, c'est qu'ils sont encombr^s 
de vieiilards et d'infirmes que, faute de place, on ne pent admettre dans 
les hospices. Ge sont les hospices qui font d^faut, et c*est pour ce motif 
qu'il est desirable de voir achever i'hospice de Br^vannes. 



Le Mont-de-Piete de Paris, 

PAR H. LOUIS LUCIPIA 

Nous empruntons au rapport au Gouseil mnnicipal de M. Louis 
-Lucipia sur le fonctionnement du Mont-de-Pi6t6 ce pr^ambule ^ru- 
dit que nos lecteurs liront avec le plus vif int^r^t (1). 

« Messieurs, 

« II y a pr^cis^ment aujourd'hui cent vingt ans que le Mont-de-Pi^t^ 
de Paris a €16 ct66 par lettres patentes donn^es k Versailles le 9 d^- 
cembre 4777 et enregistr^es au Parlement le 42 d^cembre de la m6me 
ann^e. 

« II n'est pas sans int^r^t, croyons-nous, de voir comment du fonc- 
tionnement initial organist par lesdites lettres patentes — scell^es du 
grand sceau de cire jaune — on est parvenu au fonctionnement actuel. 

« On pourra juger ainsi le progrfes accompli et mesurer ce qu'il reste 
k faire. 

NOTICE PRI&LIMINAIRE 

« Origine des Monts-de-FUU. — Sans vouloir refaire ici Thistoire des 
Monts-de-Piet6 en France et k T^tranger, il est permis de rappeler, en 
quelques lignes, que Tinstitution des Monts-de-Pi6te ne s'imposa pas faci- 
lement et que si elle eut de chauds partisans, elle eutaussi des ddtracteurs 
infatigables. 

« La lutte ne fut pas toujours courtoise et elle amena parfois des 
^changes d'6pith6tes un peu vives. M. Edmond Duval, T^minent directeur 
du Mont-de-Pi6te de Paris, dans une « Notice historique », qui sert dc 

(1) Gonseil mimicipal de Paris, 1897. — Rapport au nom de la 5* Commission 
sur le fonctionnement du Mont-de-Pi6t6, pr6sid6e par M. Louis Xucipia, conseiller 
municipal. 



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720 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

preface h. son Manuel de LigislaHon, d^ Administration et de ComptabilUi du 
Uont'de-FUti de Paris (1), a racont^ les 'principales phases de ces luites 
oti les champions s'appelaient volontiers: « hardy menteur », « mendax », 
c m§tempsychos6 », « stiiltus », « fol », etc. 

c( Des moines pr6naient les Monts-de-Pi^t^, d'autres moines les d^cla- 
raient d6testables inventions diaboliques . L'affaire fut mdmeport^e jusque 
devant un Goiicile oecum^nique, le Goncile de Latran (1512 k 1517), qui 
donna raison aux Monts-de-Pi6t6. li yaen outre, surla mati^re, des Bnlles 
pontiflcales, une notamment de L^on X en 1515, qui autorise les Monts- 
de-Pi^t^, ce qui, du reste, n'emp^cha pas les docteurs en th^ologie de 
rUniversit^ de Paris de declarer le 2 novembre 1624 qu'ils repoussaient 
formellement I'^rection des Monts-de-Pi^t^, comme <c mauvaise et perni- 
cieuse ». II est vrai que trois ans plus tard, en 1627, Philippe IV, roi d'Es- 
pagne, excellent catholique, conflrmait les priyildges des Monts-de-Pi^t^ 
des Pays-Bas. 

«c Les Juifs,& qui une ordonnance royale de i360permettait d'habiter en 
France et de prater sur gages, combattaient aussi les Monts-de-Pi^t6 dont 
quelques-uns pr6taient graiuitement, alors que letaox de I'int^r^t autoris6 
pour les Juifs ^tait flx6, k cette 6poque, k 4 deniers par livre par semaine, 
soit enyiron 86 p. 100 I'an. 

« De m^me, les « Lombards », concurrents des Juifs, banquiers, chan- 
gears et prSleurs usuraires, s'efiror9aient de faire ^chouer les Monts-de- 
Pi^t6, en leur faisant refuser la licence de prdter de grosses sommes, les- 
quelles pour ces ^tablissements sont seules r^mun^ratrices ; les petits 
prSts occasionnant des pertes lorsque Tint^r^t est mod6r6. 

« Parmi les repr^sentants du pouvoir civil, les unsfurent pour, d'autres 
contre. La Reynie, lieutenant g^n^ral de police, fit ^chouer toutes les ten- 
tatives dont il eut connaissance, et ce fut Lenoir, ^galement lieutenant 
g^n^ral de police, qui proc^da k Tinstallation du Mont-de-Pi^t^ de Paris 
qui fonctionne encore aujourd'hui. 

<t On croit savoir que le premier ^tablissement de prdt sur gages fut 
^tabli en Bavi^re, k Freisingen, vers 1198; c'est du moins I'opinion de 
ReiCTenstuel, cit^ par M. Amould, ancien directeur du Mont-de-Pi6t6 de 
Li^ge. 

(c En tons cas, on a des renseignements plus precis sur un autre qui 
fonctionnait k Saiins, en Franche-Comt^, au xiv* sidcle, en 1350, et sur un 
troisi^me k Londres, en 1361. 

« D'ailleurs, aucun de ces ^tablissements ne r^ussit. n faut attendre un 
sifecle plus tard pour rencontrer un Mont-de-Pi^t^ en exercice, celui de 
P^rouse, fond^ par un moine r^collet, Barnab^ de Temi, en 1462, au moyea 
de quotes k domicile et dans les lieux publics, dont le produit constitua 
une dotation qui permit de prater de petites sommes sans int^rdt. 

« 

« Elymologie. — Definition, — Nous ne voulons point reprendre ice sujet 
les discussions sur I'^tymologie du nom Uont-de-PiiU qui sig^ifie simple- 

(1) 1 vol. in-S"; Coulommiers, 1886. 



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I 



VARlfeTfiS. W 

ment banque (moni) de charity on de pi^t^, mais nous d^sirons faire 
remarquer que loTsque Litlr^ dit: « Mont-db-Pi£t£, ^lablissement oil Ton 
u pr^te sur nantissement et k int^rdt », il doone une definition qui s*ap- 
pUque an Mont-de-Pi6t6 de Paris et k la plupart des Monts-de-Pi^l^ de^ 
France, mais non a tons. II y a des Monts-de-Pi^t^ — nous les signalerons 
plus loin — qui pr6tent sans int6r6t, sans rede^ance d'aucune sorte. 11 vaut 
mieux, croyons-nous, accepter la definition plac^e en iHe de la loi du 
24 juin 1851, ainsi con^ue : 

« Article premibr. — Les Monts-de-PiSte, ou maisons de prSts sur nan- 
tissement, seront institu^s comme etablissements d'utilite publiqne, et avec 
Tassentiment des Gonseils municipaux, par des d^crets du President de la 
R^publique, selon les formes prescrites pour ces 6tablissements. 

« « 
« En Prance et d Stranger. — Les Monts-de-Piet6 se multiplierent et pros- 
p^r^rent surtout en Italie et dans les Pays-Bas. En France ils eurent des 
alternatives de succfes et de decadence. 11 fut question des Monts-de-Piet6 
aux Etats gen^raax de 1614, inaugurSs au convent des Auguslins, 4 Paris, 
les derniers avant ceux qui servirent de preface ^ la Revolution. Le « Tiers » 
rejeta Tinstitution qu*ii consid^rait a comme un moyen d'introduire de 
« nouveaux usuriers en France od il y en avait dej^ trop ». Ce qui n^emp^cba 
Louis XIII, en 1626, de publier un edit favorable qui n'eut d'ailleurs pas de 
suite, pas plus que les lettres patentes de Louis XiV en 1643 et 1664, ega- 
lement favorables. Gependant une ordonnance royale, enregistree au Par- 
lement le 23 mai 1673, regla les conditions du pret sur gage et cette ordon- 
nance subsista jusqu'd la promulgation du Code civil. 

« « 

« Thiophraste Renaudot. -— Bien qu'il ne s'agissequed'esquisser^ longs 
traits rbistoire des Monts-de-Piete publics, nous eslimons que dans une 
notice sur les Monts-de-Piete, si courte soit-elle, il est impossible de ne 
pas prononcer le nom de Tbeophraste Renaudot, k qui est eievee une sta- 
tue k Paris, rue de Lutece, presque k Tendroit od se trouvait, rue de la 
Galendre, la maison de Tbeophraste Renaudot, k Tenseigne du Grand Coq. 

« Le mieux est mdme, en cette circonstance, de faire comme M. Edmond 
Duval, de laisser la parole k Tbeophraste Renaudot lui-m^me. 

« Tbeophraste Renaudot s*adresse au cardinal de Richelieu qui est venu 
lui faire visite en compagnie de « I'Emineuce grise » : 

« Monseigneur, Texperience a appris que, dans les affaires de la vie. 
un secours venu k propos avait toute Timportance d'un tresor... » 

« Qu'il nous soit permis d'interrompre Torateur pour dire que cette 
parole devrait toujours etre presente k I'esprit lorsqu'on s*occupe de la 
question des secours aux necessiteux. 

« ... L'ouvrier, faute d'une avance, ne peut prendre maltrise, et, pousse 
par le decouragement, s'abandonne k Tivrognerie, mere de la misere et 
des maladies ; le marchand, Tentrepreneur, faute d*un petit pecule, suc- 
combent k la premiere gftne quails eprouvent, ou ne peuvent realiser soit 
un bon coup de commerce, soit uue commande; je n*en finirais pas, Mon- 



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728- REVUE PHILANTHROPIQUE. 

seigneur, si je voulais ^num^rer toutes les circoastances ou an secours 
venu k propos vaut mieux, je le r^p^te,qu'an y^ritable tr^sor. 
~ « Eh bien, Monseigneur, j'ai donn6 au peuple cette ancre de salut; je 
lui ai fourni les avances dont il ponvait avoir besoin; mais comme nne 
fortune royale n'y sufOrait pas, je n'ai fait qu'un pr^t de ces avances et, 
me conformant anx regies de cette sorte de transactions, je n'ai fait que 
prendre les mesures n^cessaires pour garantir et accroitre les capilaux 
que j'affectais k ces prSls. 
* « Je pr61^ve 3 p. 400 d'irit^r^t, un'faible droit d'enregistrement et j'exige 
comme s^curite de mon pr6t un gage dont je ne puis disposer qu'apr^s 
I'expiration des 6ch^ances convenues entre Temprunteuret moi. 

« Je ne suis point, Monseigneur, Tinventeur de ce syst^me; depuis long- 
temps les Lombards le pratiquent en Italie, oh le peuple reconnaissant 
Tappelle Mont-de-Pi6t6, le mettant ainsi au rang des oeuvres de la charity 
chr^tienne. 

« Je n'ignore pas, dit Richelieu, que N. S. P. le Pape L6on X a permis, 
en 4521, de retirer un int^rdl des fonds qui sont consacr^s en Ilalie k cet 
emploi charitable. — Mon P^re, continua-t-il, en se toumant vers le P. Jo- 
seph qui I'accompagnait, prenez note de T^tablissement de M. Renaudot et 
m'en faites souvenir au besoin. » 

« A la suite de cette visite, Th6ophraste Renaudot recut le brevet de 
« coihmissaire g^n^ral des pauvres valides et invalides du royaume, inten- 
« dant et maltre g6n§ral des Bureaux d'adresses ou rencontre de France ». 
Son ^tablissement prosp^ra jusqu'^ Tarrdt du Parlement en date da 
1^' mars 4644 qui lui fit « tr^s expresses inhibitions et deCTences de plus 
« vendre ny prater k I'avenir sur gages ». Gui Patin, Tennemidu novateur 
Renaudot, triomphait comme il triompha des enfants de Renaudot en les 
emp^chant de prendre leurs degr^s k la Faculty sous prdtexte qu'il ^taient 
a affiliez k im traflc et negociation tendant a vendre des gazettes, k enre- 
« gistrer des valets, des terres, des maisons,des gardes de malades,4 exer- 
« cer une friperie, prater argent sur gages et autres choses indignes de la 
« dignild et de Temploi d'un m6decin. » 

« « 

« Fondation. — Done ce fut le 9 d^cembre 4777 que des lettres patentes 
sign^es Louis et contresign^es Amelot, institu^rent le Mont-de-Pi^t^ de 
Paris. On pretend que ces lettres patentes furent r6dig^s par Framboisier 
de Beaunay, ancien conseiller procureur du roi honoraire au bailliage et 
vicomt^ de Lyon, alors directeur du bureau des nournces. Framboisier de 
Beaunay fut, du reste, le premier directeur g^n^ral du Mont- de-Pi 6t^ . 

« Le pr^ambule de ces lettres patentes dit que « le b^n^fice qui r^sal- 
tera de cet ^tablissement sera enti^rement applique au soulagement des 
pauvres et k Tam^lioration des maisons de charit6. 

« Puis, aprfes la formule protocolaire de I'^poque: 

<c A ces causes el autres, k ce nous mouvant, de Tavis de notre conseil 
et de notre certaine science, pleiiie puissance etautoritd rojate, nousavons 
dit, status et ordonn^ et, par ces pr^sentes sign^es de notre main, disons, 
statuons et ordonnons, votllons et nous plait ce qui suit: 



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VARltTfeR. 729 

« Se troavent les dix-huit articles r^glementaires ainsi codqus : 

« Article premier. — II sera incessamment ^tabli dans notre bonne Ville 
de Paris un Mont-de-Pi4t6 ou Bureau gdn^ral de caisse d'emprunt surnan- 
tissement, tenu sous Tinspection et administration du lieutenant g6n6ral 
de police, qui en sera le chef, et de quatre administrateurs de I'hdpital 
g^n^ral, nomm^s par le bureau d'administration dudit hdpital g6n6ral, et 
dont les fonctions seront charitables et entitlement gratuites, 

w Art. 2. — Toutes personnes connues et domicili^es, ouassist^es d'un 
r^pondant connu et domicilii, seront admises k emprunter les sommes qui 
seront d^clar^es pouvoir 6tre fournies, d'apr^s Testimation qui sera faite 
des effets ofiTerts pour nantissement, et ces sommes leur seront prfet^es des 
deniers et fonds qui seront mis dans la caisse dudit bureau, savoir : pour 
la vaisselle et les bijoux d'or et d'argent, k raison de quatre cinqui^mes 
du prix de la Taleur au poids, et, pour tons les autre* eflfets, k raison des 
deux tiers de revaluation faite par les appr^ciateurs dudit bureau, qui 
seront choisis dans la communaut^ des huissiers commissaires-priseurs de 
otre Chdtelet de Paris, laquelle sera garante des Evaluations et percevra 
des emprunteurs, k I'instant du prfit; pour droit de prisEe, un denier pour 
livre du monlant de ia somme prdt^e. 

« Art. 3. — Permettons aux administrateurs d'6tablir aussi, s'ils le 
jugent ndcessaire, dans notre bonne ville de Paris, sous la denomination 
de prfit auxiliaire, diff^rents bureaux particuliers dudit Mont-de-Pi6l6, ou 
caisse d'emprunt des sommes depuis trois livres jusqu'& la concurrence de 
dnquante livres. 

- « Art. 4. — II ne pourra 6tre percu ou retenu, pour frais de garde, frais 
de r^gie, et pour subvenir k toutes les d^penses g6neralement quelcon- 
ques, relatifs audit Etablissement, sous quelque pr^texte et denomination 
que ce puisse 6tre, autres que pour les frais de pris^e par nous ci-dessus 
regies, et pour ceux de vente dont il sera parlE ci-apr^s, au dela de deux 
deniers pour livre par mois du montant des sommes prdt^es, et le moid 
commence sera paye en entier, quoique non Oni. 

« Art. 5. — Les efTets mis en nantissement seront, au plus tard,drexpi- 
ration de TannEe du pr^t revolue, retires par les emprunteurs ou par les 
porteurs de la reconnaissance qui aura H6 deiivr^e audit Mont-de-Pidte : 
sinon, dans le mois qui courra d'apr^s ledit temps Ecouie, lesdits effets 
seront, par ordonnance du lieutenant general de police et par le miuist^re 
d'un des huissiers commissaires-priseurs de notre GhAteiet de Paris, ven- 
dus publiquement, sur une seule exposition, au plus offrant et dernier 
encherisseur, aux lieu, jour et heure indiquEs par affiches contenant 
enumeration de tous lesdits effets. Ce jour sera le premier non feriable 
d'apres le 2 et le 16 de chaque mois. 

« Art. 6. — Les deniers qui proviendront de la vente des effets mis en 
nantissement seront remis aux proprietaires, apr^s le preievement fait de 
la somme empruntee et des deux deniers pour livre, par chaque mois 
echu depuis le jour du pret jusqu'i celui de la vente. 

«Art. 7. — Les frais de vente seront de cinq sols pour les ventes du 
pnx de vingt livres et au-dessous; de dix sols au-dessus de vingt livres - 
jusqu'^ cinquante livres ;de vingt sols au-dessus de cinquante livres jus- 



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730 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

qu'^ cent liyres;de vingt-cinq sols au-dessus de cent livres jasqa'& deax 
cents livres, et toujours en augmentant de cinq sols pour chaque cent 
livres de plus. Ges frais seront paj^s en sas du prix de I'adjudication par 
les acheteurs. Exemptons lesdites ventes de tous droits et mdme de ceux 
du contr61e des proc^s-verbaux d'icelles, que nous dispensoDs d'etre iaits 
sur papier timbr^, ainsi que tous autres actes concemant Tadministration 
dodit Mont-de-Pi^t6. 

« Art. 8. — Dans le cas od il serait apport^ au Bureau ou caisse d'em- 
pTunt sur naatissement, et dans les bureaux particuliers du pr6t 
auxiliaire, quelques efTets qui fnssent reconnus, d^clar^s ou mdme sua- 
pect^s vol^s, il en sera sur-le-champ rendu compte au lieutenant g^n^ral 
de police, et il ne sera prdt^ aucune somme au porteur desdits effets, qui 
resteront en d^pdt au magasin desdits bureaux, jusqu'k ce qu'il en soit 
autrement ordonn^. Youlons que ceux qui les auront pr^sent^s soient 
poursuivis extraordinairement, eux et leurs complices, suivant Texigence 
des cas. 

« Art. 9. — Tout effet qui sera revendiqu^ pour vol ou pour telle autre 
cause que ce soit ne pourra ^tre rendu au r^clamant qu'apr^s qu'il aura 
justifi^ qu'il lui appartient et qu'apr^s quil aura acquitt^, en principal el 
droits, la somme pour laquelle ledit effet aura ^t^ laissd en nantissement, 
sauf le recours dudit r^clamant centre celui qui Taura d^po86, lequel en 
demeurera civilement responsable. 

« Art. 10. — II sera pr^pos^, par le lieutenant g^n^ral de police, un on 
plusieurs commissaires du Ghdtelet et inspecteurs de police, pour veiller 
au roaintien du bon ordre dans ledit Bureau g6n6ral et dans lesdits bu- 
reaux particuliers; k regard des v^rificateurs et contr61eurs de la r^gie des- 
dits bureaux g^n^ral et particuliers, ils seront pr^posSs et commis par le 
Bureau d'adminislration. 

« Art. 11. — Les proposes et employes, tant au Bureau g6n^ral qu'aux 
bureaux particuliers, seront sous les ordres d'nn directeur g^n6ral, lequel 
sera nomm^ par le lieutenant general de police et les administrateurs ; les- 
dits pr^pos6s et employes seront pr^sent^s par le directeur et pareiilement 
nommes par le bureau d'administration qui fixera leurs appointemenls, 
ainsi que les honoraires du directeur, sous la condition, de la part des 
uns, de fournir un cautionnement avec hypoth^que sur biens fonds, et, de 
la part des autres, de consigner telle somme en argent qui leur sera r4- 
gl^e pour leur cautionnement, laquelle sera d^pos6e k la caisse du bureau 
d'emprunt, et dont il sera pay^ 5 pour cent d*int6r6t par ann^e. 

((Art. 12. —Le directeur general et tous les aulres pr^pos^s et employ6& 
ne seront admis k faire leurs fonctions qu'apr^s avoir pr^t^ serment de 
bien et ftddlement s'en acquitter, par-devant le lieutenant g^n^ral de po- 
lice et les administrateurs, pour laquelle prestation de serment il ne sera 
exig^ aucuns frais, ni mdme aucun droit queleonque, au greffkr que le 
bureau d'administration commettra pour la tenue de registre de ses deli- 
berations . 

((Art. 13. — Dans le cased il serait fait quelques oppositions sur le prix 
des effels vendus au Mont-de-Pi6te, elles ne pourront fitreformees qu'entre 
les mains du Directeur et au bureau dudit etablissement, et elles ne seront 



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VARltTfeS. 731 

valables qu'autant qa'elles auronl ^t^ vis^es par le Directear sur roriginal, 
ce qn'il sera tenu de faire saos frais. 

€ Art. 14. — Toutesles oppositions qui seront entre les mains da Direc- 
tear, sur les efTets d^pos^s en nantissement an Mont-de-Pi^t^ avant la 
vente d'iceux, n'empdcheront point qne ladite vente ne soil faite confor- 
m^ment aux dispositions de Tarticle 5 des prdsentes, sans qu'il soit besoin 
d'y appeler I'opposant, sauf k lui k exercer ses droits sur les deniers qui 
resteront aprds le pr61^yement ordonn^ en Tarticle 6 ci-dessus. 

c Art. 15. — Tontes les contestations relatives k Tdtablissement, r^gie et 
administration desdits bureaux, g6n^ral et particuliers, seront port6es par- 
derant le lieutenant g^n^ral de police, auquel nous en avons attribu^ la 
connaissance comme pour fait de police, sauf n^anmoios I'appel en la 
grand'chambre de notre Cour de Parlement, pour y 6tre fait droit en la 
forme prescrite par notre ordonnance du mois d'avril de 1667, pour les 
appointements k mettre. 

« Art. 16. — II sera, tons les moi8,fourDi parle Directeur,au lieutenant 
g^n^ral de police et aux administrateurs, un bordereau de sa recette et 
d^pense, avec un tableau de situation dela caisse et du magasin et, chaque 
ann^e, il en sera rendu un compte g^n^ral par-devant qualre de nos am6s 
et f6aux conseillers de la grand'chambre de notre Cour de Parlement, en 
presence de Tun des substituts de notre procureur g^n^ral : ledit compte 
sera par eux clos et arrdt^, un double d'icelui sera d^pos^ au greife de 
notre Parlement et, lorsqu'il se trouvera des fonds en caisse au delk de 
ceux n^cessaires pour la r^gie et les charges de T^tablissement, ils seront 
appliques au profit de rh6pital g^n^ral de notre bonne ville de Paris, sui- 
vant Tordonnance qui en sera rendue par nosdits conseillers, ensuite de 
I'arrfit^ et cl6ture dudit compte. 

c Art. 17. — Autorisons le lieutenant g^n^ral de police et les quatre ad- 
ministrateurs de faire tels r^glements qu'il appartiendra, concemant Ten- 
tr^e et la sortie des gages ou nantissements, la sClret^ et conservation 
d*iceux, la tenue des registres et g6n^ralement pour prescrire les forma- 
lit^s qui seront employees dans la r^gie et administration de ladite caisse 
d'emprunt et des bureaux particuliers de prdt auxiliaire, k la charge que 
lesdits reglements soient homologu^s en notre Cour de Parlement sur la 
Requite de notre procureur g^n^ral. 

fl Art. 18.— Seront nos ordonnances, declarations et les reglements ren- 
dus au sujet de Tusure, executes suivant leur forme et teneur. Si donnons 
en Mandement k nos am6s et f^aux les gens tenant notre Cour de Parle- 
ment k Paris que ces pr^sentes ils aient k faire lire, publier et enregistrer 
et le contenu en icelles garder, observer et ex^cuter suivant leur forme et 
teneur; car tel est notre plaisir, en t^moin de quoi nous avons fait mettre 
notre seel k cesdites pr^sentes. » 



Les debuts, — Les quatre Administrateurs de Th^pital g^n^ral qui, aux 
termes des lettres patentes, devaient avec le lieutenant g^n^ral de police 
administrer le Mont-de-Pi^t^, furent nomm^s le 20 d^cembre 1777, et le 



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m REVUE PHILANTHROPIQUE. 

surleDdemain ils ^taient r^unis sons la pr^sidence de M. Lenoir, lieutenant 
g6u6ral de police. On paraissait vouloir aller vite. 

Ces quatre administratears 6taient MM. Josson, Basly, Vieillard et 
Henry. 

* Ce jour-li on nomma le Directeur g6n6ral et les principaux employes. 
MM. Henry et Vieillard furent charges de tronver un local pour la nou- 
velle administration. Leur choix s'arrfita sur deux maisons contigues, sises 
rue des Blancs-Manteaux et appartenant au marquis de La Grange et k 
M. Joly de Fleury, son beau-fr6re, alors procureur g^n^ral. Le bail fut 
pass6 le 5 Janvier 4778, moyennant un loyer annuel de^CiOO livres et k 
charge dMndemniser les locataires si Tadministration voulaitoccuper tons 
les locaux. Tel fut le berceau du Mont-de-Pi^t(5. 

La maison rue de Paradis, aujourd'hui rue des Francs-Bourgeois, ne 
fut acquise qu'en 1783. 

D^s le debut T^tablissement jouit de la faveur du 'public. Seulement il 
arriva bient6tqu*il fallut se procurer de nouveaux fonds parce que les d^- 
pdts augmentaient. Le Pr6vdt des marchands proposa aux administraleurs 
de leur venir en aide en leur foumissant des fonds pris sur les recettes 
de la Ville, h condition que la Ville partagerait avec le Mont-de-Pi6t6 le 
ben6Qce qui pourrait r^sulter. On refusa, pr^textant la teneur des leltres 
patentes. 

On fit face k tout jusqu'en 4787. A partir de ce moment les operations 
commenc^rent k d^croltre jusqu'au moment od il fallut cesser les opera- 
tions, au mois de fructidor an IV. 

En 4789, les sommes prSt^es atteignaient 18477 355 livres pour 534 i5l 
articles. En 4793, les engagements ne furent plusqu'au nombre de 277557 
livres pour 7 882747 livres. II n'est pasdouteux que ces r^sultats ne 
fussent dus en partie k la creation des assignats et aussi k la liberty des 
pr^ts sur gages qui avaient 616 d6cr6t6es par FAssembl^e nationale. 

Enfin, en Tan IV, I'entree s'abaisse au chifTre de 64585 articles poor 
4 606 435 livres. 

II fallut cesser. 

Lorsque les operations furent suspendnes, le solde en magasin etait 
reduit k 4 045 articles repr^sentant en assignats une somme de 21 466345 
livres. 

On rendit gratuitement les nantissements. 

Quand le Mont-de-Pi6t6 ferma ses portes, le nombre des pr^teurs sur 
gages si! multiplia k ce point que, dit une note des archives du Mont-de- 
Piete, « dans certains quartiers, les lantemes qui annoncaient les maisons 
de pret auraieut pu suffire pour eclairer la voie publique et par ce moyen 
epargner au d^partement la moiti6 des frais d'illumination ». Dans ces 
maisons, le taux dii par les emprunteurs atteignait 20 pour iOO par mois. 

L' Administration du departement d^cida, le 24 plu?i6se an V, la reor- 
ganisation du Mont-de-Piete. 

Alors commenca la p^riode dite des actionnaires qui a dure 
jusqu'en 1805. 

Voici quelle etait Teconomie de cette organisation nouvelle : 

La direction de cet etablissement fut confiee k cinq administrate urs des 



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VARlfeTfeS, 733 

hospices auxquels on adjoignit cinq administrateurs faisant fonds, nom- 
m^s au scrutin et choisis parmi les porteurs des actions k ^mettre. On 
cr6a 4000 actions de iOOOO livres chacune; chaque admiiiistrateur ^en 
devait poss^der dix et fournir en plus an cauUonnement de 50000 livres 
en immeubles. Ges actions, qui u'4taient 6mises qu'au fur et k mesure des 
besoins, produisaient 5 pour 100 d'int^rfit i compter du jour dc remis- 
sion ; en outre les actionnaires profltaient de la moiti^ des benefices nets, 
deduction faite des frais de r^gie. La moitl^ des cinquante actions appar- 
tenantaux cinq administrateurs faisant fondsrestaitd^pos^e dans lacaisse 
du Mont-de-Pi6t6 et servait, avec le cautionnement en immeubles, de 
garanlie pour les actionnaires. 

En attendant la realisation des fonds par l'6mission des actions, le 
Mont-de-Piete fit savoir qu'il emprunterait de Targent pour trois, six ou 
douze mois. 

Au debut, les droits k payer furent les mdmes que ceux flx^s par les 
lettres paten tes et par le d^cret dela Convention du 17 thermidor an III : 
deux deniers par livre par mois et un sol par livre pour I'enregistrement. 
Mais ce taux fut trSs consid^rablement abaiss6 k la fin de la p^riode des 
actionnaires. ^ous trouverons les chiffres plus loin, lorsque nous nous 
occuperons du taux des pr6ts. 

Les benefices faits dans la periode des actionnaires, qui avait dure huit 
ans et deux mois, s'etaient eieves k 2 109 810] francs. G'est sur cette 
somme que fut preieve le premier fonds de la caisse des retraites des 
employes du Mont-de-Piete. 

« « 

D^cret du 8 thermidor an XllL — A partir de la fin de la periode des 
actionnaires, le Mont-de-Piete a pour charte le decret du 8 thermidor 
an XIII, qui est encore en grande partie la base de Torganisation actuelle* 

T^ous n'insisterons pas, puisque, en examinant une k une les diverses 
rubriques du budget, nous aurons montre le fonctionnement des rouages 
de I'administration du Ment-de-Piete et que nous verrons les modifications 
apportees et eel les qui sont demandees. 

Void cependant les litres de chapitres.du rSglement insere dans ce 
decret du 8 thermidor an XIII, qui fut signe k Saint-Cloud par Napoleon^ 
empereur des Francais et roi dltalie, et contresigne par le secretaire 
d'etat, Hugues-B. Maret. 

TITRE PREMIER. — Organisation. 

Chapftre premier. — Ribgle gerUrale. 

Chapitre II. — Fonctions du directeur gin^al, 

CHAPrrRB III, — Fonctions des divers agents, pr^osis ou employes. 

Chapitre IV. — Des appr6ciateurs. 

Chapitre V. — Des cautionnements. 

TITRE U. — Des operations du Mont-de-Pi£t^, 

Chapitre premier. — Dispositions g^nirales. 

Chapitre II. — DuprHsur nantissement. 

CflAprTRB III, — De Vemprunt. 

On le voit, c'est un r^glement comprenant toutes les parties de* Tadmi- 



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734 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

nistration arofi ses deax operations esseotielles : Temprunt da Mont-de- 
Pi^te pour se procurer ^ Targent destine k ceux qui viennent emprunter 
au Mont-de-Pi6t6. 

L'emprunt est r6g\^ de la m^me fagou et les regies g^n^rales du pr^t 
sont les mdmes. Seul, le cadre administntif pr^vu par le d^cret du 
8 thermidor an XIU a 6i6 modifi^ quant au aombrQ et aux attributions. 



Assistance par le travail. 

RAPPORT DE M. FAILLGT SUR LA GOLONIE DE LA CHALlfELLE Ct) 

Messieurs, 

Une pauvre petite ferme abandonn^e depuis plusieurs ann^es, aux ch6- 
tifs b&timents d^labr^s, pourrissant pour ainsi dire dans un mar^cage, des 
terres devenues des landes, de roaigres ressources financi^res accord^es 
par gr&ce, enfin une centaine de malheureux recruits dans les refuges 
municipaux : telles ^taient les conditions dans lesquelles un jeune ing6- 
nieur agronome, faiblement r6tribu6, M. Malet, avait le courage de cr^er 
la colonic agricole de la Ghalmelle. 

La colonic se composait de : 

23 cultivateurs, 1 vigneron, 24 journaliers ayant travaill^ aux champs, 
i terrassier, 9 jardiniers, I cocher, 9 charretiers, 1 vacher, puis 5 domes- 
tiques, 4 m^caniciens, 3 bo dangers, 2 menuisiers, 1 serrurier, 1 parque- 
teur; puis 1 Spicier, 1 doreur, i fai'encier, 1 teinturier, i gazier, 1 impri- 
meur. La plupart des cultivateurs ou journaliers avaient k pen pvhs perdu 
la pratique professionnelle. Quant aux autres, ayant rould de refuge en 
Tcfuge, forces entre temps de coucher sous les ponts ou dans d'abominables 
cabarets, et par consequent dans de d^gradantes promiscuil^s, il y avait 
peu k en attendre, si ce n'est la paresse et Tinsubordination. N^anmoins, 
M. Malet, grdce k une selection habile des temperaments et des aptitudes, 
k une fermete qui n'excluait ni la douceur, ni la persuasion, gr^ce k T^mu- 
lation des amours-propres, M. Malet a su relever le plus grand nombre et 
placer ceux-ci chez des fermiers et ceux-U chez des cultivateurs, et ayaut 
emporte de la colonic un p^cule variant de 25 k 35 francs. 

Ges hommes, loin d'oublier le service moral et materiel rendu par leur 
Directeur, entretiennent avec lui des relations ^pistolaires dans lesquelles 
ils expriment leurs sentiments de gratitude. Les colons ont transform^ au 
moins les deux tiers des terres qu'ils avaient trouv^es couvertes de petits 
ajoncs, de mauvaises herbes, et, & cause de Timpermeabiliie quasi g^n^rale 
du sol, perdues d'humidite. Quelle methode et quels efforts il a fallu! En 
1895, il restait, sur 128 hectares, k peine 25 en jach^re nue. Disons-le par 
avance, avec les moutons, que le Directeur vous demande, ces 25 hectares 
seront nettoy6s, ^pur^s, engraiss6s et prepares pour uue culture prochaine. 

(1) Rapport au Gonseil municipal pr^sente par M. Faillet, au nom de la 
^« commission, sur la colonie de la Ghalmelle. 



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VARI6t6S. 735 

En 1895, la surface culiiv^e comprenait : en c6r6ales, environ GO hec- 
tares; en fourrages, 21 hectares; en betteraves, pommes deterre, haricots, 
carottes, choux, 40 hectares; en jardin potager, 1 hectare; le charmant 
jardin d'agr6ment qui entoure la maisonnette du Directeur, 1 demi-hectare. 

Au milieu de ce jardin, gr&ce k un drainage intelligent, les (laques 
d'eau out disparu pour former un grand yivier. Dix hectares en bordure 
ont 6i^, en 1896, sem^s en trifle. 

Yotre Rapporteur a visits la colonie agricole (Goloniel uh mot qui 
Sonne mal aux oreilles des paysans de la region ; pourquoi pas le mot, 
plus juste d'ailleurs, de Ferme municipale) ^ la fin de juin dernier. Ila vu 
avec joie dans cesplaines, nagu^re d^sol^es, ici des hUs jaunissants, Ik 
des prairies verdoyantes, des trifles en (leurs et des champs de pommes de 
terre. 

Les hommes allaient, venaient, joyeux du travail accompli. Sur le bord 
d'un chemin une cabane, et de son toit s'^chappait dans Tazur la noire 
fum^e d*une forge; \k, deux hommes, en manches de chemise, en chantant, 
rSparaient telle ou telle pi^ce de machine agricole. Tout ce monde, six 
mois auparavant, trimardait loqueteux, soumois, souvent avin^, dans nos 
refuges du quai de Valmy ou du Chdteau-des-Ren tiers, — la plupart k la 
veille d'ob^ir aux suggestions malhonndtes. 

Sans doute, il y a des efforts k accomplir, des disillusions k toujours 
attendre; mais, en v^rit^, comme la terre, Thomme est amendable. 

Sans doute, la Ghalmelle coClte encore cette ann^e, elle coCltera Tann^e 
prochaine; mais quand elle occupera, dis-je, ie double de travailleurs, la 
Ghalmelle ne demandera plus rien au Gonseil municipal. Et quand elle de^ 
manderait quelques sacrifices encore? N*est-ce pas une excellente ceuvre 
que d'arracher, bon an mal an, aux bas-fonds du ^vagabondage, une cen- 
taine d'hommes oisifs, devenant mauvais, fauteurs predestines du crime? 
N'est-ce pas aussi quelque chose que d'avoir rendu 4 la culture 128 hectares; 
que d'avoir cr^e, en plein centre de routine agricole, une veritable ^cole 
pratique d'agronomie od les paysans-fermiers, cultivateurs, viennent 
apprendre, k leur profit direct, les proc^d^s qui leur permettent de faire 
produire k la terre quatre et cinq fois plus, c'est-i-dire de gagner leur vie 
au lieu de v^geter? 

jfeTAT FINANCIER 

Les recettes r6alis6es depuis le 1«' octobre 1896 sont de. . 15 615 fr. 13 

et celles d percevoir de 2 918 fr. 96 

Total 18 564 fr. 09 

soit 565 fr. 09 en plus sur Tann^e derni^re. Elles eussent H6 beaucoup 
plus eiev^es si la mauvaise saisou n'avaitdonne d' aussi m6diocresrecoltes, 
comme du reste dans les regions au sol argileux. 

Yoici ci-dessous T^tat actuel des d^penses : 

Pour Tann^e 1898, il ne faut pas esp^rer d'^conomie, ni prdsumer de 
d^penses. D'odil suit, le m^me etablissement de budget qu'en 1897, c'est- 
^-dire en ddpenses^ 43 300 francs, en recettes, 27 400 francs. 



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736 



REVUE PHILANTHROPIQUE. 



La colonie coiite done i5 900 francs. Or comme elle a recrat^^cent dix- 
huit perspnues au lieu de quatre-vingt-treize Tan dernier, en fin de compte 
la situalion est des pins satisfaisantes. 



REPARTITION DV CREDIT 



Personnel, 

Traitement des gagistes 

Indemnit^s aux colons 

Frais de voyage du personnel et des colons. 
Allocations diverses et gratifications .... 

Materiel. 

D6penses de la ferme 

Frais de location et taxe 



D^PENSES 



PAITBS. BN0AG6B8. T0TALK6 



fr. c. 

6091,50 
3990,50 
2153,40 
363,23 
9051,63 
3454 » 
1012,34 



26116,62 



fr. c. 

1818,30 

609,50 

436,60 

436,15 

3848,37 

6346 » 

3687,66 



17183,18 



fr. c. 

7909,80 

4600 » 

2590 • 

800 » 

12900 n 

9800 » 

4700 1 



43299,80 



Nous Yous proposons de fixer k 27 400 francs rarlicle 5 du chapitre IX 
des recettes ordinaires : Produit de la Colonie agricole de la Chalmelle; k 
43 300 francs, Tarticle 38 du chapitre XX des d^penses ordinaires : Colonie 
d*indigents de la Cltalmelle. 

Enfin, Messieurs, consid^rant que, pour les nouvelles constructions en vue 
de Tagrandissement de la Chalmelle, le concours technique, 6clair§ etz61^ 
du Directeur est digne des plus grands 6Ioges, qu'il est rSsult^ do ce con- 
cours une ^conomie importante de vos ressources, considerant que le Di- 
recteur a, pendant cinq anuses, montr^ une competence agronomique k 
laquelle ont rendu et rendent hommage tons les cultivateurs de la rdgion, 
en assistants ses conferences et en profitant de ses lemons pratiques, qu'il 
y a en outre une consideration s^rieuse du principe de colonie agricole 
inaugur^e par le Conseil municipal ; considerant qu'en accomplissant ainsi 
sa mission, le Directeur de la Gbalmelle m^rite un temoignage de notre 
haute satisfaction, je ?ous prie, au nom de la 5*^ Commission etde nos col- 
logues qui, dans leur visile k la colonie, out appr^cie Tinfatigable devoue- 
ment de M. Malet, de vouloir bien voter le projet de deliberation suivant : 

Une somme de 1 000 francs est ajontee au hudget des depenses de la 
Colonie de la Chalmelle, annee 1897, enfaveurde M. Malet, son Directeur. 

Nous vous prions d'adopter nos conclusions. 
' En annexe, votre Rapporteur vous presente un extrait du memoire du 
Directeur de la Cbalmelle concernant C^tat moral et Cexploitation de la Co- 
lonie (1). Nous appelons votre attention tonte particuliere sur ce docu- 
ment; il est remarquahle au point de vue : 1<* de rezposition, trOs-precise 
en meme temps que trOs detailiee, du rendement, gr^ce k la methode de 
culture appliquee k des terrains reputes jusqu'ici stMles; 2* au point de 
vue de Tutilisation d*un personnel recrute dans des conditions morales qui 

(1) Nous publierons ce document dans un prochain numero. 



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VARltTJfeS. 137 

rebuleraient tr^s certaiDement des fermiers ou des propri^taires et qui, 
cependant, ont apport^ des r^sultats incomparables. 

A Toaverture de la prochaioe session, nous entretiendrons le Gonseil 
d'un projet d'^tablissement d'une icole agricole ^manant de M. le Direcieur 
de TAssistance publique, et d'une vue d'ensemble de cetle creation. Vods 
^ yerrez que M. Malet n'b^site pas k offrir son concours pour mener ^ bien 
(et nous nous en rapportons k Jul) une oeuyre que nous pr^conisons dans 
.un rapporl snr noire inspection des Enfants assist^s. 

Gomme toute chose doit venir en son temps, nous demanderons alors k 
la 3^ Commission du Gonseil g^n^ral de vouloir bien ^tudier le m^moire 
dn Direcieur de la Ghalmelle et d'exaniiner les plans dresses par rarchi- 
tecie, M. Michelin, plans d*am^lioraiion et d'agrandissement de la ferme 
diie la Grandi^re-aux-Essaris, appartenant k T Assistance publique. 



Rapport de M. Nooard sur Thygitoe des stables et I'^tat 
sanitaire des vaches (1). 

La question soumise k la Gon^mission du lait est des plus complexes; 
elle peut cependant se r^sumer en ceci : meltre k la disposition du con- 
sommaieur du lait pur, non nuisible, au meiUeur marche possible. 

La premiere condition que doit remplir le lait mis en vente, c*est 
d'avoir une valeur nutritive suffisante, dont le minimum doit ^tre ofOcielle- 
ment determine. 

Ge point n'est pas de notre competence. 
_ Ge lait, d'une valeur nutritive sufflsanie, ne doit pas dire nuisible au 
consommateur. 

Or, le lait peut dtre nuisible pour des raisons multiples : 

\^ Ou bien il est d^j^ nuisible au soriir de la mamelle, en raison de 
r^iat sanitaire d^fectneux de la vache laiti^re ; 

2* Ou bien il devient. nuisible apr^s la traite, parce qu'on y a ajout^, 
voloniairemeni ou non, des substances ^trang^res k sa composition. 

Parmi ces substances ^trang^res il faut ranger celles que les produc- 
ieurs de lait y ajouteni dans le but de prolonger sa conservation ; mais les 
plus redouiables soni k coup sdr les substances qui peuveut y introduire 
des microbes, soit pendant la traite, soit par le fait'de sa distribution dans 
des vases malpropres ou neiioy^s avec de Teau impure, soit parce qu'on ne 
i'a pas suffisamment proi^g^ contre les poussi^res aimosph^riques , les- 
quelles peuveni reufermer, avec les agents des fermentations vulgaires, des 
germes des maladies contagieuses les plus diverses et les plus graves. 

II n'est pas impossible de rem^dier k ces causes multiples de nocivit^ 
dn lait. 

La chose serait relativement facile s'il ne s'agissait que dulaitproduii dans 
r^tendue du d^partement de la Seine, od le personnel du service sanitaire 

(1) Travaux de la commission d'6tude de ralimentation par le lait. — Voir 
le n« 5 de la Bevue Philantki*opique, p. 252 et suiv., et n« 7, p. 129 et suiv. 

HIVITB PBILANTRROPIQUB. — H. 47 



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738 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

T6t6rinaire est nombreax, iostruit et discipline, od Ton vient de lui confier 
rinspection hygi^oique dn groupe des ^tablissements classes qui comprend 
les vacheries. Mais les vacheries du d^pariement de la Seine ne produiseot 
gu^re plus du tiers de la quantity de lait que Paris consomme chaque jour; 
plus de 400000 litres proviennent des d^partements environnants, dans un 
rayon de 20, 25, 30 lieues et plus. Pour ces vacheries de la grande ban- 
lieue de Paris, la surveillance hygi^nique et sanitaire fait k pen pr^s com- 
pl^tement d^faut et, pour Torganiser, il faudrait faire des d^penses consi- 
derables, augmentant dans une proportion notable le prix de revient du 
lait introduit dans Paris. A supposer m^me que Ton r^ussisse k organiser 
•aussi parfaitement que possible cetle surveillance hygi^nique et sanitaire, 
'A est bien certain qu'elle ne sufflrait pas k assurer la pure<^ du lait d^livr^ 
au consommateur : au cours des manipalations nombreuses que ce lait 
aura subies pendant la traite, la distribution, le transport et le debit, on 
n'aura pu ^viter la penetration d'au moins quelques germes dont la multi- 
plication pourrait en rendre Tusage dangereuz, alors mdme que le lait ne 
semblerait pas en avoir subi la plus petite alteration. 

Geci nous amene k formuler en principe que la seule precaution qui 
puisse mettre le consommateur k I'abri de tout danger consiste k u faire 
bouillir le lait avant de le consommer ». 

Ge principe admis, on doit se demander s'il est necessaire de poursuivre 
I'organisation d'une inspection hygienique et sanitaire de toutes les va- 
cheries qui concourent k Tali mentation de Paris, inspe9tion qui augmen- 
terait necessairement dans une proportion considerable le prix de revient 
du litre de lait sans pourtant donner au consommateur une securite absolue, 
ou si,au contraire, il ne serait pas preferable de concentrer tons nos efforts 
pour faife entrer dans Tesprit du Parisien cette notion que la seule pre- 
caution necessaire et saffisante pour eviter tout danger consiste k « faire 
bouillir le lait avant de le consommer ». 

Nous avons mis dix ans k faire comprendre k la population parisienne 
I'extreme importance de la purete de I'eau de boisson; k Theure actuelle, 
d^s qu'on annonce que le debit des sources est insufflsant — et c'est 
malheureusement trop frequent, — il n'est pas de petit menage qui ne 
fasse bouillir son eau de boisson. Ainsi en adviendrait-il, si nous le vou- 
lons bien, pour la question du lait cm ; peu k peu tout le monde en saura 
le danger et les moyens d'y parer. — Le resultat sera peut-etre un peu long 
k obtenir, si tenace est le prejuge absurde qui veut que le lait bouilli ait 
perdu sa digestibilite et memo une partie de ses qualiies nutritives. On y 
parviendrait pourtant, si Ton se decidait k faire la propagande necessaire 
en s'adressant surtout aux enfants de nos ecoles; il ne serait cerles pas 
impossible d'afflcher dans chaque classe ces braves incriptions : « Ne cra- 
chez pas sur le parquet; ne bnvez pas de lait sans Tavoir fait bouillir; vous 
eviterez ainsi beaucoup de maladies qui se propagent, soit par le lait era, 
soit par [les poussi^res des crachats desseches. » L'homme adulte n'oublie 
pas les impressions qu'il a revues enfant. Cette mesure simple rendrait les 
plus grands services & Thygiene. Pour ma part,j*y vols la solution pratique 
et generate du grave probieme qui nous occupe. 
Mais, dira-t-on, il est des gens qui ne peuvent'pas ou ne croient pas 



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VARltTfeS. a39 

poavoir supporter le lait bouilli. Entendez-vous leur interdire I'nsage da 
lait? 

En aucune fa^on; da moment oil il n'est plus question d'exiger de 
toutes les vacheries qui concourent k Taiimentation de Paris les garanties 
saftitaires et hygi^niqaes n^cessaires, il est possible de satisfaire k ces 
bMoins exceptionnels. On pourrait par exemple provoquer la constitution 
de soci6t6Sy poursuirantbien moins un int^r^t p^cuniaire que la sauvegarde 
de rhy^ne» imposant k leurs fournisseurs des conditions tr^s rigoureuses 
et n'acceptant que ceux qui s'engageraient k les remplir. On pourrait aussi, 
— et peut-dtre serait-ce la meilleure solution — encourager la Prefecture 
de police k pers^v^er dans la voie oh elle vient d'entrer, sur rinitiative du 
Service sanitaire v^tdrinaire, k faciliter aux nourrisseurs qui le d^sirent 
Tassainissement de leur» 4Ubles par Temploi officiel de la tuberculine et 
de tout autre moyen utife. 

Les consommateurs qui vevlent boire du lait cru, de bonne quality, 
pourraient s'en procurer en s'adressant k ces vacheries; ils y trouveraient 
du lait fratchement trait, par consequent indemne des fermentatious se- 
condaires, si redoutables pendant I'^t^. 

Voyons maintenant k quelles conditions faygi^niques et sanitaires 
doivent satisfaire les vacheries pour prodnire un lait de bonne quality, 
offrant au consommateur le maximum possible de garantie. 



I. — CONDITIONS QUE DOTYBNT REMPLIR LES LOCAUX 

(vacheries et LAITERIES) 

Le Gonseil d'hygi^ne et de salubrity du d^partement de la Seine vient 
de remettre cette question k T^tude, et void quelles sont les conditions 
adoptees par ia commission charg^e de cette ^tude, commission dont vos 
rapporteurs faisaient tons trois partie : 

i^ L'^table devra avoir des dimensions telles que chaque vache ait k sa 
dispositioo un cube d'air d'au moins 20 metres et une surface de 1"^,45 en 
largeur sur 3"*,20 en longueur. On devra, en outre, manager, derridre 
chaque rang^e de vaches, une all6e de service ayant an moins 1>*,30 de 
largeur. Par exception, si la largeur de ratable ne peat d^passer 4 metres, 
la hauteur devra Stre port^e k 3"^,50. 

2f^ Les urines, purins, eaux de lavage ou de pluie seront Iconics k 
ragout par une canalisation souterraine s'amor^ant par un siphon dans 
ratable ou dans la cour. 

3<> Le sol de Tetable et de la cour sera rendu impermeable et dispose 
en pente pour le facile ecoulement des liquides k I'amorce de la canalisa- 
tion souterraine. Dans les cours de grandes dimensions, rimperm6abilisa- 
tion du sol pourra 6tre limitee : a) aux ruisseaux; b) k la partie attenant 
k ratable ainsi qa'& la laiterie, sur une largeur minima de 2 metres; la 
partie de la cour non impermeabilisee devra 6tre pav^e, et le pavage tou- 
jours maintenu en bon etat. 

En aucun cas, Tecoulement au ruisseau de la rue ne pourra etre 

toiere. 



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T40 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

L'^coulement dans des cilernes stanches, se Tidant k la mani^re des 
fosses d'aisances, ne sera permis que dans des Stablissemeots 61oigQ^s de 
tout ^gout et de toute agglomeration et It la condition qu*il y aura, k 
proximity, des terres arables sur lesquelles on pourra faire T^pandage de 
la vidange de ces fosses. 

4<» On plafonnera le plancher haut de ratable, au niveau des solives; si 
ratable est surmont^e de chambres habitues, le plancher sera construit en 
fer et hourd^ plein. 

5» En outre des portes et des ch&ssis vitr^s, ^tablis en nombre snfEsant 
pour assurer un bon ^clairage, ratable sera ventil^e par des chemin^es 
d'a^ralion (1 au moins sur 6 vaches) ; ces chemin^es devront 6tre construites 
en poterie, monter au-dessas du toit, mesurer au moins 0'^,25 de c6l6 et 
n'toe jamais obstru^es. 

6* A rint^rieur, les mnrs de Triable seront ciment^s jusqu'4 la hauteur 
de l^^JS au-dessus dn sol; dans le reste de leur ^tendue, ils seront enduits 
en p]4tre et blanchis k la chauz, ainsi que le plafond, au moins une fois 
Tan, au mois de mai. 

7^ Les mangeoires seront ^tablies en mat^riaux imperm^ables et sup- 
port6espar un contre-mur, enduit en ciment et mesurant au moins 0", 92 
d'^paisseur. 

8^ Les fumiers seront d^pos^s sur une aire impermdable, dispos^e en 
pente eteutour^e d'un ruisseau ^tanche conduisant les purins k Famorce 
de la canalisation souterraine. Ces fumiers seront compl^tement enlev^s, 
avant huit heures du matin, trois fois par semaine en toute saison. Dans 
les quartiers popnleux, les fumiers seront enlev^s tons les jours, si cela 
est jug^n^cessaire. Apr^s chaque enlevement de fumier, Taire sera lav^ 
et d^sodoris^e. 

La liti^re sera toujours maintenue en 6tat de siccit6 et renonvel^e au 
moins deux fois par jour. 

9^ On aura de Teau sous pression en quantity suffisante pour laver, 
matin et soir, les ^tables, la laiterie, les ruisseaux et les cours; chaque 
Stable aura sa prise d'eau avec robinet filets. 

En cas de plaintes reconnues fondles, le sol de ratable, les ruisseaux 
et les fumiers seront d^sodoris^s matin et soir. (A cet efTet, on utilisera 
avec avantages une solution de chlorure de zinc ^5 p. 100, du plAtre cuit 
ou des superphosphates pulv^ris^s, etc.) 

10^ Les d^pdts de fourrage seront s^par^s de ratable par un mur enma- 
^onnerie ; s'ils sont places au-dessus, le sol du grenier sera rendu incom- 
bustible et impenetrable aux poussi^res au moyen d'un carrelage, d'nne 
aire en pl&tre ou en ciment ou de tout autre moyen ; il ne pourra etre 
^lace aucun foyer ni aucun tnyau de fumee dans le local servant k emma- 
gasiner les fourrages. 

11^ L'eievage ou Tengraissement des pores est interdit, sauf autorisa- 
tion speciale. Toutefois, on pourra toierer I'entretien de deux pores pour 
mtiliser le lait non vendudans la joumee; mais la porcherie devra 6tre 
s^paree de la vacherie, eioign^e de la laiterie et remplir toutes les conditions 
d'impermeabilite du sol et des murs, d'ecoulement k T^gout des urines et 
eaux de lavage, ordinairement impos^es aux porcheries. 



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VARltTtS. UV 

12«Toute vacherie comporte un local special servant de laiterie. Ce 
local D'aura aucnne communication directe, soit avec ratable, soit avec les 
locanx servant k Thabitationdes personnes, soitavecles cabinets d'aisances. 

13<» Le sol de la laiterie sera impermeable et dispose en pente poor le 
facile ^conlement des eaux r^sidaaires et de lavage ; les murs seront pour- 
vus d'un revStement impermeable (ciment, marbre, verre, c^ramique on 
autre) jusqu'^ la hauteur de i^,lb au-dessus du sol; dans le reste de 
leur etendue, ils seront reconverts d'une peioture permettabt le lavage 
ainsi que le plafond. 

14® L'^clairage sera assure par de larges chassis vitr^s et la ventila- 
tion par une on plusieurs chemin^es d'appel s'eievant au-dessas du toit et 
mesurant au moins 0™,25 c. de c6te. 

15<* Les tables, consoles, rayons, etc., seront eiablis en materiaux im- 
perm^ables. 

16® Les vases destines k recevoir on ^ distribuer le lait seront en ma- 
ti^res impermeables (verre, porcelaine ou metal toujours bien etame k 
retain fin), ils seront munis d'un couvercle de m^me nature, Temploi de re- 
cipients emaiiies ou vernis au plomb est formellement interdit. 

17® Tout vase ayant servi devra etre lave avec soin k Teau bouillante; 
on ne devra le rincer qu'avec de Teau bouillie ; cette precaution est in- 
dispensable, Teau non bouillie renfermant des microbes capables d'alte- 
rer le lait. 

18® La laiterie ne devra renfermer aucune substance ou appareil (dep6t 
de petrole, essence minerale ou autre) pouvant degager des gaz, des va- 
peurs ou des odeurs capables d'impregner le lait et de lui donner mauvais 
goftt. 

19® Toutes les eaux residuaires et de lavage provenant de la laiterie 
doivent etre dirigees vers Tamorce de la canalisation souterraine conduisant 
k regout. 



11. — CONDITIONS AUXQUELLES DOIVENT SATISFAIRE LES VACHES LAlTltlRBS 
POUR DONNER LB MAXIMUM POSSIBLE DE S^CURITE 

1® Toules lesvaches de retable ou Ton produit du lait destine k la con- 
sommation publique doivent etre soumises par un veterinaire k repreuve 
dela tube rou line. 

2® Apr^s repreuve. les vaches saines seront separees des malades; k cet 
eCTet, on leur affectera une e table speciale, ou, k defaut, on divisera Fan- 
cienne etabie en deux compartiments distincts, au moyen d'une cloison 
pleine occupant toute la hauteur de I'etable. L'an de ces compartiments, 
desinfecte k fond, sera affecte aux vaches saines ; on n'y introduira pas de 
vache nouvelle sans Tavoir prealablement soumise k repreuve de la tuber- 
caline. 

3® Quant aux vaches ayant reagi k la tuberculine, elles feront Fobjet 
d'nn examen clinique minatieux; celles qui presenteront quelque signe 
cliniquede tuberculose devrontetre, sans deiai, conduites ^ Tabattoir, dont 
Tinspecteur veterinaire decidera, conformement k laloi,si leur viande peut 



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•HZ REVUE PHILANTHROPIQUE. 

canon ^tre mise en vente; les antres pourront 6tre conserv^es tant 
qu'elles donneront du lait; mais leur lait ne pourra dtrelivr^ k laconsom- 
mation qu'apr^s avoir 6t^ boailli ^la vacherie. D^s qu'elles ne donneront 
plus de lait, elles devront 6tre r^form^es et condnites k Tabattoir. 

4<> Toutes les vaches de ratable devront Hre visit^es par un v^t^rinaire 
au moins une fois par mois. 

5<> Toule vache reconnue malade devra 6tre s^par^e des autres et son 
lait mis k part jusqu'k ce que le v^t^rinaire, pr^venu imm^diatement, 
decide si Tanimal peut rentrer dans le rang, si son lait doit 6tre jet6 k 
ragout ou s'il peut Hre consomm^ apr^s avoir 6t^ bouilli. 

Pourra 6tre venduapr^s Ebullition le lait produitparlesvachesatteiotes 
de fl^vre apbtease, de p^ripneumonie, d'exanth^me coital on de cowpox 
vrai ou faux, et par celies qui ont 6t^ mordues par un animal enragd. 

Devra Etre jet6 k I'^goatle lait provenant des vaches atteintes de cbar* 
bon, de rage d^clar^e, de m^trite suppur^e, de non-d^livrance, d'ent^rite 
diarrh^ique, de mammite (aigue ou chroniqne), de nephrite ou de cystite 
calculeuse ou himaturique. 

6<> On devra aussi jeter k ragout le lait colore en bleu, en rouge ou en 
jaune, celui qui renferme du sang, celui qui se recouvre de moisissures. 
celui qui provient d'une vache k laquelle on a administr<^ k litre de medi- 
cament de rather, du chloroforme, de I'ammoniaque, de I'asa-foBtida, de 
Tessence de t6r6benthine, de Tacide ph^nique, etc. ; il en sera de m^me 
pour le lait additionnE d'une substance Etrang^re quelconque, m^me des- 
iin6e k le conserver. 

7^ Le lait produit par les vacbes en parturition ne pourra 6tre livrE Jila 
consommation que huit jours aprds la mise-bas. 

8<> A chacune de ses visites, le vEt6rinaire devra s'assurer de la bonne 
quality des aliments donnas aux vacbes, de la bonne tenue de ratable et 
de la laiterie. 11 devra, chaque fois, noter ses impressions sur un registre 
special dEpos6 k la vacherie et dont le laitier producteur aura la garde. 

Avant de terminer, voire sous-commission croit devoir soumettre k 
votre appreciation la question de savoir s'il n'appartient pas k I'Assistance 
pobiique de Paris de donner I'exemple et d'ins^rer dans le cabier des 
charges de ses adjudications I'obligation, pour ses fournisseurs, de satls- 
faire aux conditions que nous venous d'^num^rer. 

II est probable que le prix du lait qu'elle consomme en serait l^g^re- 
ment augments ; mais la sant6 des enfants et des malades qui lui sont con- 
fi^s ne justiQerait-elle pas, et an delk, un l^ger surcrdtt de d^penses ? Et 
d'ailleurs n'est-il pas probable, comme Tindiquait M. Duclaux dans la der- 
nidre stance, que I'usage d'un lait meilleur hdterait la gu^rison de nom- 
bre de malades et diminuerait la d^pense aff^rente k chacun d'eux. 

Notre president Etudiera cerlainement cette question et saura lui don- 
ner, nous en sommes bien convaincus, la meilleure suite qu'elle comporte. 



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CHRONIQUE ETRANGfeRE 



Allemagne. 

l'aSSURANGB OBLIGATOIRE CONTRE lbs ACaDENTS EN 1896 (1) 

Le nombre moyen de personnes assar^es contre les accidents, pendant 
I'ann^e 1896, s'^^ve k 17605190. 
Ge total se compose de : 

5734680 personnes appartenant h rindustrie. 

11189071 — k ragriculture et aux travaux forestiers. 

681439 — aux administrations publiques. 

Le nombre des accidents de personnes survenus pendant Tannee et 
ayant motive indemnity est de 85 272'et comprend : 

38538 accidents survenus dans I'industrie. 
42934 , — dans i'agriculture et les for^ts. 

3800 — dans les administrations publiques. 

An point de vue des consequences, les 85272 accidents de Tann^e 1896 
se d6composent en : 

Gas de mort 6989 soit 8,2 p. 100 

Gas d'incapacit^ permanente totale 152i — 1,« — 

Cas d'incapacit^ pennanente partielle 44373 — 52,0 — 

Gas dlncapacit6 temporaire (de plus de 13 se- 

maines) 32386 — 38,0 — 

Total des accidents indenmis^s. . . 85272 100,0 p. lOQ 

Le nombre total des accidents d^clar6s s'^l^ve k 349 388, dont 233 319 
aux corporations industrielles, 91 099 aux corporations agricoles et fores- 
ti^res, et 24970 aux administrations publiques. En ce qui concerne parti- 
cuH^rement les corporations de Tiudustrie, la statistique des accidents en 
1896 foumit les r^sullats suiyants : 

Accidents survenus dans Vensemble des coi*porations industrielles en 1896. 

Proportions p. 100 

du Moyennos 

total des accidonts par 
N ombres. indemnis^s. 1 000 assures. 

Gas de mort 4040 10,5 0,71 

Gas dlncapacit^ pennanente totale. . 595 1,5 0,10 

Cas d'incapacit^ pennanente partielle. 20251 52,6 3,53 

Gas d'incapacit^ temporaire 13652 35,4 2,38 

Ensemble des accidents indemnis^s. 38538 100,0 6,72 

Ensemble des accidents d^clar^s . . 233319 » 40,69 

(1) BulUtin de VOffice du travail, 5* annde, n» 2, fdvrier 1898. 



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Cas 
do mort. 


Gas d*iocapacit« 
permaneDte 

totale. paniell«. 


Cas 

d'inoapacit^ 

temporaire. 


Ensemble 

des accidenU 

indemnis^ 


0,10 


0,44 


1,09 


0,57 


2,80 


0,77 


0,73 


2,11 


0,53 


4,14 


0,68 


0,43 


2,38 


0,86 


4,35 ' 


0,71 


0,49 


2,70 


0,81 


4,71 . 


0,73 


0,38 


3,27 


0,98 


5,36 


0,71 


0,32 


3,42 


1,10 


5,55 


0,65 


• 0,30 


3,55 


1,14 


5,64 


0,69 


0,27 


3,82 


1,25 


6.03 


0,66 


0,16 


3,82 


1,62 


6,25 


0,67 


0,13 


3,57 


1,85 


6,24 



744 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

Les moyennes rapport^es anx nombres d'assur^s mesarenl la frequence 
des accidents. Depuis rorigine de Tassurance (1886), la frequence annuelle 
des accidents a subi les variations qn'indiquent les chiiTres ci-dessous : 

Nombi^es annuels moyenSy par 1000 assuriSy des accidents moHvant indemniU 
survenits dans Vensemble des corporations induslrielles. 



Annies. 

1886. . . 

1887 . . . 

1888, . . 

1889 . . . 

1890. . . 

1891 . . . 

1892 . . . 

1893 . . . 

1894 . . '. 

1895 . . . 

1896 .... 0,71, 0,10 . 3,53 2,38 6,72 

L'ensemble des accidents a augments d'ann^e en ann^e. Mais I'augmen- 
tation ne porte que sur les accidents les moins graves. La frequence des 
cas de mort manifeste une Constance remarqaable et les cas d*incapacit6 
permanente absolue ont mdme dimina^. Toutefois, cette diminution est 
plus apparente que r^elle. Au d^but, la statislique des accidents enregis- 
trait comme cas d'incapacit6 « permanente » toutes les incapacitSs de plus 
de six mois. Les moyennes des premieres ann6es expriment, par suite, la 
frequence des incapacit^s totales de plus de six mois, tandis que les 
chiffres plus r^cents r^sultent d'une appreciation plus exacte et plus con- 
forme k la r^alite des cas d'incapacit^ permanente. 

Les trois derni^res ann^es ont donn^ 0,16, 0,15 et 0,10, moyennes trfes 
voisines de celles qu'indiquent, sous le titre d^incapacit^s permanentes 
absolues, les statistiques de I'assurance centre les accidents en Autriche; 
or, dans ce pays, I'organisation financi^re de I'assurance, bas^e sur la ca- 
pitalisation et la constitution immediate des capitaux des rentes de blesses, 
oblige k n'enregistrer comme incapacity permanentes que les incapacit^s 
qui paraissent devoir ^tre efTectivemenl definitives, et k exclure de la ru- 
brique toutes celles qui ne sont, en r^alit^, que des incapacit6s tempo- 
raires de longue dur^e. 

L'augroentalion des cas d'incapacit6 permanente partielle semble avoir 
atteint son terme. La proportion a pass^ par un maximum en 1893 et en 
1894. 

Quant aux cas d'incapacit^ temporaire, k Tinverse des precedents, lis 
ont augments surtout pendant les derni^res ann^es et leur accroissement 
n'est probablement pas acheve. 

R^sultaU financiers. — Les d^penses de I'annee 1896 se montent k 
73 389500 marks. EUes pr^sentent une augmentation de 5065230 maii^s 
sur les depenses (68 324 270 marks) de Fexercice precedent . 



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CHRONIQUE feTRANGfeRE- 



745 



En particulier, les corporations indastrielles onl supports Un chiffre de 
d^penses ^gal k 51 001 311 marks et ont perdu 64522466 marks de recettes; 
Les salaires entrant enligne de compte poor Tassurance, en 1896, atteignent 
le chiffre de 3 922 996 000 marks. . 

Les d^penses des corporations industrielles se d^composent ainsi qu'il 
suit : 

Dipenses des corporadons industrielles en 1896, 

MoDtant moyen 

par 1 000 marks 

de salaires 

entrant en ligne 

de compte 

pour I'assuranoeJ 

marks. 
9,87 ' ^ 
1,32 
0,28 
0,14 
0,24 
1,15 

13,00 



Designation. 



Sommes. par assnrd. 



marks. marks. 

Secours et indemnit6s 38707865 6,75 

Frais d'administration 5183306 0,90 

Frais d'enqu^te 1104761 0,19 

Frais de justice arbitrale 535814 0,09 

Frais de mesures pMventives. . . 936114 0,16 

Versements aux fends de reserve. 4533451 0,79 

Total des d6penses. . . . 51001311 8,88 



La d^pense moyenne totale par 1 000 unites de salaire mesure le coilt 
de Tassurance; la proportion correspondant aux seules d6penses en se-^ 
cours et indemnit^s mesure les charges impos^es exclusiyement par I'in- 
demnisation des victim es ou de leurs ayants droit et le traitement des 
blesses. Voici les moyennes annuelles constat^es depuis la premiere annSe 
d'assurance : 



Montant annuel moyen par iOOO marks de salaire, des d^penses totales 
et des secours et indemnit6s dnns Vensemble des corporations industrielles. 



Annies. 



D^pensos totales. Secoars et indemnitds. 



marks. 

1886 4,64 

1887 8,02 

1888 9,53 

1889 10,07 

1890 10,49 

1891 11,47 

1892 12,62 

1893 13,42 

1894 13,77 

1895 13,78 

1896 ... . .-. 13,00 



marks. 
0,77 
2,25 
3,27 
4,17 
5,13 
6,12 
7,28 
8,16 
9,06 
9,64 
9,87 



Le mouvement ascensionnel des d6penses totales est, pour le moment, 
arrdt^. Cela r6sulte de la diminution des versements aux fonds de r^serv^ 



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746 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

des corporations, qui, dans les premieres ann^es, constituaierit une part 
importante des d^penses. A partir de la doazidme ann^e, ces fonds de re- 
serve seront d^flnitivement constitu^s, et ne receyront pins de versements 
pr^lev^s sur les cotisations. Par contre, Ja progression des d^penses en 
secoars et indemnil^s se poursait sans rel&che, et ces charges flniront par 
atteindre et par d^passer le montant actuel des d^penses totales elles- 
mdmes. 

l'aSSURANCB OBLIGATQiRB CONTRE L'iNVAUDIT^ 
ET LA VIEILLESSB EN 1896 

Pendant Texercice i896,les31 caisses r^gionales d'assurance contre Tin- 
validity et la vieillesse ontconc^d^ 25402 rentes de vieillesse et 60 562 rentes 
d'invaUdit^, soit en tout 85 964 pensions. Le nombre de pensions liquid^es 
depuis le d^but de Fapplication de la loi (1^' Janvier 1891) jusqu'au 
31 d^cembre 1896 s*61^ye, pour Tensemble des 31 caisses r^gionales, A 

202408 rentes d'in validity, 
et 288212 rentes de vieillesse. 



Soit en tout 490620 rentes. 

De plus les 9 caisses sp^ciales de pensions relatives aux mines et aux 
cheniins de fer ont allou^ pendant la m6me p^riode et par application de 
la loi : 

14889 rentes d'in validity, 
et 5511 rentes de vieillesse. 

Soit 20400 rentes en tout. 

De sorte que le total des rentes cdnc6d^es par les divers organes de 
Tassurance obligatoire pendant les six premieres ann^es de fonctionne- 
ment se monle d 611 020 rentes, dont 217 297 pour invalidity et 293 723 
pour vieillesse. 

Les sommes payees, en 1896, par les 31 caisses r^onales et les 
9 caisses sp^ciales atteignent le chifTre de 50489 477 marks A la charge de 
TEmpire. Cette somme se decompose comme suit : 

marks. 

Arr^rages de rentes d'invalidit^ 2H0H79 

Arrerages de rentes de vieillesse 27 412939 

Remboursements de cotisations : 

1<> Aux femmes en cas de mariage 1458107 

2* Aux h^ritiers en cas de mort 517252 

Total 50489477 

Voici, d'ailleurs, les chiffres globaax des sommes payees aux assures 
par I'ensemble des caisses r^gionales et particuli^rea : 



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CHRONIQUE fiTRANGfeRE. 



741 



Sommes payees aux assures par les SI caisses rigionalcB et les 9 caisses speciales. 

Arr^rages Sommes 

do CotisatioDS i la charge 

Anndes. rentes. restitutes. Total. de I'Empire. 

marks. marks. marks. marks. 

1891 15306754 » 15306754 6049848 

^ i892 22425035 » 22425035 8971072 

1893 28046187 » 28046187 11261653 

1894 34647626 » 34647626 13854897 

1895 42102002 219369 42321371 16813429 

1896 48514118 1975359 50489477 19119658 



En ce qui conceme les caisses r^gionales seules, les d^penses de Tannee 
1896 semontent^37017413 marks etlesrecettesglobales&lU 536734 marks. 
La vente des timbres des cotisations a produit lOi 526 396 marks. 

Les rentes liquid^es par les caisses r^gionales sont au nombre de 
490620. EUes se d^composent, au point de vue du montant (pour la part k 
la charge des caisses) et du capital de couverture, de la mani^re sui- 
vante : 

Montant annuel Capital 
(non compris de 

Nombre la subvention couverture 
de rentes. derEmpire). correspondant. 



Rentes de vieillesse 288212 

Rentes d'invalidit^ 202408 



marks. 
21722842 
13882631 



marks. 
124739862 
122985307 



Le capital de couverture s'^lftve, en moyenne, i 5,7 fois la rente, dans 
la cat^gorie des rentes de vieillesse, et li 8,8 fois la rente, dans la cat^gorie 
des rentes d'invalidit6. 

Les 490 620 rentes liquid^es depuis Torigine repr6sentent 511 030 titres 
partiels r^partis entre les 31 caisses; car, d'apr^s le m^canisme de Tinsti- 
tution, plusieurs caisses distinctes peuvent intervenir dans le payement 
d'une mdme rente si le titulaire y a vers^ successiveitaent ses cotisa- 
tions. 

Jusqu'au 31 d^cembre 1896, il s'est produit 154307 extinctions, pour 
une somme de 10528175 marks. De sorte qu'& la fin de 1895 il ne restait 
plus en cours que 356760 titres partiels formant un chifTre total de 
25078298 marks, dont voici le detail : 



Rentes de vieillesse 
Rentes d'in validity. 



Montant 
(non oompris 
Nombre la subvention 

de titres partiels. deTEmpire). 

marks. 
202015 15026072 

. 154745 10051226 



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148 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

L^e mbntant moyen des pensions a 6t6y comme il ^tait k pr^voir, ea 
augmentaot progress! vement : 

Montant moyen Montant mojen 

dela rent e de vieille&se de la r ente d'i avalidit^ 

Ann^e sans avec sans avec 

de liqnidation lasnbvention la subvention lasabvention lasabvention 

des rentes. de TEmpire. de TEmpire. del'Empire. de TBrnpire. 

marks. marks. marks. marks. 

1891 73,60 123,60 63,38 113,38 

1892 77,69 127,69 64,70 114,70 

1893 80,00 130,00 67,99 117,99 

1894 76,14 126,14 71,23 121,23 

1895 82,80 132,80 73,98 123,98 

1896 85,34 135,34 75,75 125,75 

Les frais d'administration, de perception et de contr61e s*§ldyent, pour 
1896, k 5 447 303 marks. lis repr^sentent 5,4 pour 100 des colisations 
pergues. 

L'avoir total des caisses r^gionales, au 31 d^cembre, atteint le chiffre 
de 460 638 855 marks, les fonds places 6tant 6valu^s non au prix d'achat, 
mais d'apr^s les cours k la m4me 6poque. Le revenu moyen de ces fonds 
ressort k 3,53 p. 100. 

L'int^rSt de placement diminae lentement d'ann^e en ann^e; |il a ^t^ 
successivemeDt de 3,67 p. 100 en 1891, 3,67 'p. 100 en 1892, 3,66 p. 100 en 
1893, 3,65 p. 100 en 1894, 3,58 p. 100 en 1895 et 3,53 p. 100 en 1896. 



Allemagne et Bulgarie. 

LA RECONSTITUTION DES MAITRISES 

Une certaine ^cole de sociologues en Allemagne consid^re, depuis long- 
temps d^jk, qa'une bonne part de rinsucc^s des artisans qui tentent de 
sortir de la condition d'ouvriers pour devenir patrons, est due, en premier 
lien, k Tinsuffisance de leurs connaissances professionnelles et ensuite, k 
ce que, faute de poss^der les premiers dl^ments de la comptabilit^, ces arti- 
sans ne peuvent ni tenir leurs livres de comples, ni m^me chillier exacte- 
ment la d^pense qu'ils font pour r^aliser tel ou tel outrage ou fabriqaer 
tel ou tel objet. 

Or, pour rem^dier^ ce doub!e.inconv6hient,Toici que, au lieu de laisser 
au jeu de la libre concurrence le soin d'^liminer les pauvres gens man- 
quant des aptitudes n^cessaires pour r^ussir comme patrons, ces socio- 
logues, ^pris de I'intervention de T^tat, ont demandd aux autorit^s imp^ • 
riales d'agir. G'est k leur iniluence qu'en Allemagne, puis en Bulgarie, on 
doit les essais de r^tablissement des vieilles mattrises, que la Revolution 
ddtruisit en France, et qui viennent d'etre l^galement restaur^es en Alle- 
magne et dans la principaut^ bulgare. 

En Allemagne, on n'empdche pas encore les ouvriers qui ont I'ambition 
d'ouvrir boutique k leur comple de s'^tablir. Mais, dor^navant, pourront 



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CHRONIQUE tTRANGfrRE. 749 

seals prendre le litre de « maltres » ceux qui,lear apprentissage termini, 
auront travaill^ trois ans comme compagnons et qui aaront pu justifier, 
devant une sorte de jury nomm^ par I'autorit^ administrative sup^rieure, 
des connaissances techniques sufflsantes pour bien exercer leur profession, 
lis auront de plus k d^montrer & ce jury qu'ils peuvent ^tablir leurs piix 
de revient et tenir correctement leurs livres. Ceux qui n'auront pas ce 
titre seront bient6t, esp^rent les promoteurs de cette mesure, d^laiss^s 
par les clients. 

En Bulgarie, on a 616 plus loin, si nous en croyons un rapport de 
M. Elliott, consul g^n^ral d'Angleterre k Sofia. Une loi vient tout sim- 
plement de rdtablir les guilds ou anciennes corporations du moyen &ge 
dans la principaut^ bulgare. 

D'apr^s cette loi, toute personne qui desire exercer une des professions 
dont on donne une longue Enumeration et parmi lesquelles Ogurent celles 
de : tailleur, cordonnier, tonnelier, ma^on, menuisier, tapissier, mouleur, 
forgeron, sellier, chapelier, horloger, bijoutier, tanneur, potier, ferblantier, 
imprimeur, relieur, etc., est obligee de faire partie de la corporation formSe 
par tons les artisans ou ouvriers de m^me metier. 

Tout stranger s'^tablissant en Bulgarie doit fonmir, aux dignitaires de 
la corporation dont ij relive, la preuve Ecrite qn'il a appris son metier en 
servant comme apprenti ou qu'il est qualifiE comme mattre.Faule de cette 
preuve, il iui est interdit d'exercer son metier, avant d'avoir passd un 
examen devant ces dignitaires... et payE certains droits d'inscription. 

L' stranger qui ne veut travailler que temporairement en Bulgarie doit 
payer une taxe annuelle, f)x6e par sa corporation avec approbation du 
ministre du Ck)mmerce, apr^s I'obtention d'une permission d^livr^e par la 
corporation. 

Voillt, on en conviendra, une singuli^re fagon de prot^ger les ouvriers. 

Sans doute, Tid^e premiere des socialistes d'Etat allemands qui a 
amen6 le vote de ces deux lois, calquEes sur les r^glements des xiv* et 
XV* si^cles, est n6e du d^sir explicable de garder contre eux-m6mes les 
artisans manquant des aptitudes indispensables pour devenir des patrons. 
Mais, d^s qu'on entre dans cette voie retrograde, on va rapidement fort 
loin en arri^re ; les Bulgares le d^montrent. 

Sous couleur de protection, les guilds bulgares ne tarderont gu^re, 
nous en faisons la facile prediction; k tomber dans Tintoierance et la r^gle- 
mentation tyranniqne des jurandes et des maltrises. 

Puisse cet exemple ouvrir les yeux k ceux qui, en Autriche, en Pologne, 
en Roumanie et mdme en France, ont saluE les examens de mattrise alle- 
mands comme un progrds 6conomique et social. 

G. C. 



Bspagne. 

LA MANlfeRE DE VIVRE CENT ANS 

On dit volontiers du mal de Texistence, bien qu'au fond chacun y tienne 
fort. V Guenille si i'on. veut, ma guemlle m'esl ch^re », ditun po^te ; « xnieux 



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750 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

vaut souffrir que mourir, c'est la devise des homroes oidjoute an autre. On 
est done siir d'int^resser le lecteur en lui indiquant le moyen de devenir 
centenaire. C'est ce qu'a fait un r^dactear d'une revue espagnole (i) qui 
signe Nicaise. 

Darwin assure que si un ing4nieur m^canicien pouvait d^monter pi^e 
k pi^ce cetle machine si parfaite qui est le corps humain, il ne verrait 
aucune raison pour que cet admirable m^canisme ne fonctionne pas ind^- 
finiment. 

Et pourtant, bien que chaque partie de notre corps ne cesse de se re- 
nouveier et de se refaire par elle-m^me, nousmourons tons, 4 peu d'excep- 
tions pr^s, vers les soixante-dix ans. Ge qui a conduit quelques savants k 
afflrmer que chacun recoit de la nature, k sa naissance, une impulsion, 
line force de vie pouvant durer soixante-dix ans. D'apr^ cette th^orie, 
notre €orps serait sembiable k un instrument d'horlogerie capable de fonc- 
tionner environ soixante-dlx ans, ^ condition, bien entendu, qu'on n'oublie 
pas de le remonter et qu'il ne lui arrive pas d'accident. Chacun ^tant venu 
au monde avec la mdme quantity de vie k d^penser, ceux-U vivraient les 
plus vieux qui, ^pargn^s par les f^cheux hasards de I'existence, sauraient 
le mieux faire durer la provision de vie qui nous est d^partie par la na- 
ture. Or, il est certain que, depuis les premiers temps historiques et dans 
toutes les parties du monde, Thomme meurt peu ou prou vers le m4me Age. 

« D'autres ne croient pas k une telle limitation. Us pensentque la mort 
se produit k la suite de robstruction de T^conomie par les mati&res min^-^ 
rales absorb^es avec les aliments. » Ilssupposent done que nous pourrions 
vivre aussi longtemps que Mathusalem. Voici en effet, d'apr^s enx, pour- 
quoi Ton meurt : « On sait que chez le jeune enfant les os des cdtes, da 
crAne, des m^choires, des bras sont en majeure partie constilu^s par des 
cartilages ^lastiques. » On peut infl^chir jusqu'& un certain point Tos du 
bras chez un enfknt sans le casser. 11 plie et ne rompt pas. (Heureux kge 
oh les chutes ne sont point dange reuses!) « Mais, k mesure que le sujet 
avance en Age, la nature depose dans les os des millions de molecules de 
chaux qui les convertissent en os durs. » Vers trente ans, notre squelette 
se compose enti^rement d'os tr^s denses qui ne plient plus. « Or, toute 
cette mati^re calcaire provient de Talimentation. Et, comma nous conti- 
nuous k nous nourrir de la mdme cat^gorie d'aliments toute notre vie, la 
mati^re calcaire continue, v6hicol^e par le sang, k se d^poser dans tout 
notre corps, et, comme les os n'en ont plus besoin, elle commence k se 
d^poser dans les muscles, le foie, le coeur, les poumons et surtout dans 
les art^res. » L'organisme subit I'envahissement progressif des mati^res 
calcaires. Cela dure une trentaine d'ann^es; le temps ji peu pr^s qu'il avait 
fallu k la nature pour op^rer Tossification complete du squelette. 

II est permis de supposer que cette « obstruction » du coBur par les 
atomes calcaires en alt^re le bon fonctionnement. « En mdme temps, les 
vaisseaux sanguins s'^paississent, leur capacity diminue, et le coeur est 
contraint de d^ployer une ^nergie plus grande, pour dispenser le sang it 
toutes les parties deT^couomie. » 

(1) La Hygiene papular; Madrid, 31 octobrvflPT, a^tnnyfte, 



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i 



CHRONIQUE fiTRANGtRE. 751 

Les consequences se devinent : le cenreau, donl la nutrition se fait 
moins bien, voit Tintelligence d^croUre ; 1*6 tat du foie am^ne des dyspep- 
sies, les muscles cessent de se fortifier et perdent de leur ^laslicit^; les 
cheveux blanchissent, la peau devient s^che et rugueuse. Bref, la vie finit 
par s'arrdter, tel le mouvement d'une horloge us^e. Et tout cela, parce 
que la nature a continue de d^poser de la chaux en notre organisme, alors 
que ce n'6tait plus n^cessaire. De sorte que si od pouvait, vers la quaran* 
taine, enrayer cette surproduction de la chaux, on^pourrait prolonger 
Texistence dans de notables proportions. Tons les dangers ne seraient 
pas ^cart^s pour cela; et Ton courrait toujours ]e risque de succom- 
ber h une maladie, k une infirmity ou k un accident ; attendn que si Ton 
d^couvrait aujourd'hui r61ixir de vie tant cherch^ par les alchimistes du 
moyen 4ge, il ne pourrait servir qn*k ceux qui auraient 6chapp^ k ces 
perils. 

« A premiere vue, il paralt facile de supprimer la chaux; mais, k la bien 
examiner, [la chose pr^sente d'insurmontables difficult6s. Tout aliment 
contient de la chaux. Les y6g^taux Tempruntent k la terre; les boeufs et 
les moutons la tiennent des v^g^taux et nous des uns et des autres. » Tou- 
tefois, certains aliments en contiennent plus que d'autres; on pent done 
par la selection arriver k prolonger Texistence. 

Ici Tauteur passe en revue les aliments. Chose strange, dit-il, le pre- 
mier de tous, le pain, « le soulien de Texistence » (el baculo de la vida) en 
contient une notable proportion ; le mais ^galement, tandis que les fruits 
de toutes sortes n'en recMent que fort peu. « Et c*est une grande erreur 
de croire que les fruits ne sont pas nourrissants. Ceux qui en consomment 
en abondance conservent longtemps leur jeunesse. » 

Voili qui n'est point pour d^plaire aux v^g^tariens. « Un Allemand d^*- 
couvrit, il y a peu de temps» que le moyen de vivre longtemps ^tait de 
manger des citrons en quantity suffisante. » Le traitement n'avait qu'un 
defaut (c'^tait fatal) : le sujet devait absorber [chaque jour autant de ci- 
trons que le chiffre 6 ^tait contenu de fois dans le nombre de ses ann^es; 
si bien qvL*k partir du deuxi^me ou troisi^me si&cle il ne servirait k rien de 
prolonger Texistence puisque tout le temps devrait dtre consacr^ k la con- 
sommation obligatoire des citrons. 

« Les oignons aussi sont d*admirables conservateurs de la jeunesse, 
puis viennent les lentilles, ce grand aliment des races de TEst », le poisson, 
(le meilleur aliment aprds les fruits), les ceufs, et successivement ie riz, le 
pore (chants par Monselet) les divers v^g^taux et, pour finir, la chair da 
veau, du mouton, du lidvre, des oiseaux, du boeuf, et les c^r^ales. 

Mais, « s'il faut faire attention k ce qu'on mange, il convient de re- 
doubler de precautions quand il s'agit de boire. Dans les Alpes et les Pyre- 
nees se perpetue une race qui vieillit k quinze ans et meurt k trente, parce 
qu'elle boit de I'eau calcaire ». L'auteur ici fait allusion aux nains et aux 
goltreux si nombreux dans les regions montagneuses en question, et dont 
Finfirmite, au moins pour le goitre, doit 6tre attribute k la quality de Teau. 
An contraire, dit-il, les Chinois qui boivent uniquement de I'eau de pluie 
meurent extraordinairement vieux. Par consequent, si vous desirez vivre 
plus d'un si^cle, vous boirez [de I'eau de pluie ou de I'eau distiliee sous 



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•752 KEVUE PHILANTHROPIQUE. 

forme de th6, caf^, etc. L'eau sucr^ea, parait-il, les m^mes propri^t^s que 
Feau de la fontaine de Jouvence. 

On peut boire k volont^, mais il convient de s'alimenter avec discre- 
tion. G'est assez de trois repas k la joarn6e. « Mangez peu de pain, et des 
fruits k tous vos repas. Ne dine/, pas trop tard. Faites une lieue par jour. 
Dormez profond^ment et assez longtemps chaque nuit. Prenez un bain 
cbaud k tout le moins une fois la semaine. Portez de la flanelle. ^vitez, 
autant que faire se peut les preoccupations et les chagrins. Travaillez avec 
activity, mais sans exc^s. Et si, dans ces conditions, vous n'arriyez pas k, 
I'^ge de Mathusalem, du moins vous contribuerez k mettre vos descendants 
dans les conditions requises pour y arriver. » 

Ces utiles principes d'hygi^ne formulas sous une forme humoristique 
m'ont remis en m^moire les joyeux pr6ceptes de r^cole de Salerne, trop 
connus pour que je les transcrive ici, m 6 me en latin. 

lis m'ont rappeie 6galement les recherches faites, il y a peu d'ann^es, 
par une revue anglaise, chez tous les centenaires d'un Gomie, parmi les- 
quels on trouva, apr^s interview, des ivrognes et des buveurs d'eau, de 
gros mangears et des gens sobres, des amateurs de cafe, des fumeurs, des 
priseurs, et m^me des personnes n'ayant ni prise, ni fume. Le difficile 
etait de conclure. 

Citons, pour terminer, la statistique du D' Luigi Samboni, de Rome, 
4'apres laquelle la moyenne des personnes ayant depasse Tdge de 60 ans 
est, par 1 000 habitants, de 1 27 en France, 402 en Angleterre, 90 en Norvege, 
88 en Suede, 84 en Danemark, 77 en AUemagne et en Hollande, 72 en 
Ecosse, 70 en Autriche et en Portugal, 60 en Irlande, 58 en Espagne, 
50 daus I'Amerique du Sud, et 40 seulement dans les Indes. AUons, notre 
^ieux monde a du bon ! 

Marius Dupont. 

EXHUMATION DE CADAVRES (mESURES SAMTAIRBS) 

. La commission des cimetieres de Madrid demande que, etant donne le 
peu de place dont on dispose pour les sepultures gratuites, il soit procdde 
k I'exhumation des cadavres inhumes depuis plus de cinq ans dans le ci- 
metiere de Notre-Dame de la Almudena, k Fexception de ceux qui ont ete 
enterres pendant Tepidemie de grippe. (Novembre et decembre 1889. Jan- 
vier et fevrier 4890.) 

Le Conseil d'hygiene, tout en regrettant cette triste necessite, — due i 
un eiat de chbses centre lequel il a proteste depuis longtemps, — admet 
qu'on procede k Texhumation de ces cadavres, k Texception tontefois de 
ceux qui furent inhumes durant Fepidemie de cholera de 1884-1885; et, 
pour eviter les risques que ces exhumations pourraient faire courir k la 
sante publique, le Conseil estime qu'il est indispensable que ces exhuma- 
tions soient faites dans les conditions et suivant les regies parfaitement 
determinees dans le reglement suivant (1) : 

(1) La Hygiene popular; Madrid, 31 oclobre 1897. 



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GHR0NIQU:E EXRANGfeRE. 153 

\^ On procSdera & ces exhumations en suiyant rigoureusement Tdrdre 
indiqu6 par les dates des enterrements en commencant par les plus 
anciens... 

2^ Les travaux dont il s'agit 6tant r^ellement pSnibles et soavent dan- 
gereux pour ceux qai les ex^cutent, ils n'auront lieu que pendant trois 
heures au plus par jour. On utilisera pour cela les premieres heures de la 
matinee, toujours par les jours sees, clairs, ensoleill^s et jamais par les 
journ^es plnvieuses ni lorsque dans le sol persislera Thumidit^ de pluies 
ant^rieures. 

3* Les ouvriers charges des exhumations devront, pour ces travaux, 
rev^tir des habits distincts de leurs v^tements ordinaires et qu'ils devront 
d^siofecter chaque jour avec le plus grand soin. 

4<* Les r^sidus de cercueils, v^tements, etc., seront d^sinfectes au moyen 
d'une solution de bichlorure de mercure et de chlorure de sodium (bichlo- 
rure 1 gramme, chlorure de sodium 5 grammes, eau 1 litre.) Gette solu- 
tion sera r^pandue avec un pulv^risateur sur les portions de terre qui 
auraient et^ en contact avec les restes inhumes et, si on le juge k propos, 
ces terres seront arros^es au moyen de cette solution. 

5*> On n'ach^vera pas Texhumation dans les cas ou, cette operation 
commenc^e, on trouverait des restes de parties molles de I'organisme plus 
ou moius adh^rentes au squelette; on s'empressera au contraire de recou- 
vrir ces restes avec d'abondantes couches de chaux et de sable altem^es. 
On en fera autaiit lorsque, au d^but de Texhumation, on rencontrera de 
Teau en grande ou petite quantite. 

6® Les restes de squelettes provenant des exhumations seront trans- 
port's soigneusement dans Tossuaire au moyen d'urnes sp'ciales doubl'es 
de zinc et ferm'es qui seront iav'es et ddsinfect'es journellement. Dans 
Tossuaire ces restes seront disposes par couches successives recouvertes 
chacune d'une couche correspondante de chaux et de terre. 

1^ Les d6bris de v^tements ou de chaussures qu'on pourrait Irouver 
seront transport's dans one voiture sp'ciale au four oh il sera proc'd' k 
leur cremation jusqu'4 complete incineration. 

8<* Les urnes fun'raires devront 6tre conserv'es en un lieu reunissant 
toutes les conditions d'hygi^ne voulues. 

9^ Les pulverisations et irrigations d'sinfectantes auront lieu sous la 
surveillance directe d'un personnel competent emprunt' au Laboratoire 
municipal de chimie. (Madrid — 49juin 1897. — Approuv^ par le Conseii 
d'kygidne le 26 du m6me moi$.) 

M. D. 



l'enseignbhbnt primairb dans l*arm6e 

D'apr&s la statistique dress'e le 31 d'cembre 1887, TEspagae poss^de 
une population de 17 565 632 habitants, parmi lesquels 11945 871 ne 
savent ni lire ni 'crire. Parmi les autres, un demi-millioti sait lire sans 
savoir 'crire. Total; 12 millions et demi d'Espagnols sans instruction 
d'aucune sorte ! A peine un tiers des habitants sachant lire et 6crire I 

RBVUE PniLANTimOriQUB. — II. 48 



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754 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

Si, du nombre de ceox qui ne savent ni lire ni ^crire nous retranchons 
les enfants Ag4s de moiDs de six ans qui s'^l^vent k 2 522 984 : il reste an 
contingent respectable de 9422886 illeltr^s. 

- Le Monitew* de VEnseignement primaire (1), atiquel nous empruntons ces 
details, proteste contre an si triste 6tat de choses, et demande qu'on se 
pr^occupe davantage de rinstruction du peuple. Les jeunes soldats en ma- 
jeure partie illettr^s peuvent recevoir un commencement d'instniction 
pendant leur s^jour sous les drapeaux. L'arm^e, dit Tauteur de Tarticle, a 
le devoir d'instruire les ignorants qu'elle re^oit, d'en faire des citoyeiis 
conscienls de leurs devoirs, de d^truire leur^ pr^jug^s : et ce n'est poiat 
t4che facile dans an pays plus ^pris de la routine en tonte chose, et plus 
mbu de superstitions qu'aucun autre people civilisS. 

: En attendant que les ^coles primaires re^oivent de TEtat ane impulsion 
plus s^rieuse, il convient que cbaque garnison ait une veritable ^cole od, 
pendant deux heures au moins chaque jour, rinstruction primaire sera 
donn^e k tons les soldats. Ces ^coles devront 6tre pourvues d'un materiel 
convenable et confines k des mattres exp^rimenU^s ; sans oublier que lu 
local doit r^unir de bonnes conditions d'exposition, de lomi^re, de salu- 
brity, etc. Les exercices de gymnastique, les bains, feront partie du pro- 
gramme. 

- « Nous devons louer I'esprit du r^glement provisoire actuellement 
en vigueur en mati^re d'hygi^ne ; et il est k d^sirer que le r^glement 
d^finitif confirme et complete ces bonnes dispositions. On doit aussi tenir 
compte de ce fait que Thygi^ne embrasse un vaste champ. II faudrait, pour 
bien faire, modifier Tuniforme da soldat suivant les exigences du pays ou 
il stationne, et am^liorer son logement. 

L'alimentation, aussi, influe sur le d^veloppement de Tindiyidu, sur ses 
capacit6s inlellectuelles, sur la quantity et la quality du travail qu'il pent 
fournir. Gette influence se fait surtout sentir chez les jeunes gens, et ilme 
paralt incontestable que c*esi a tinmffUanee et d la mauvaise qualiti de 
talimenlation chez les pauvret, que CEspagne doit de payer chaque annie un 
iribut cromant d FanHnie et d la tuberculose. Les jeunes gens ont besoin 
d'une nourritnre plus substantielle que les hommes faits, pour cette 
bonne raison qu'une bonne part des aliments ing^r^s doit servir, chez eux, 
aiu d^veloppement du corps. De Ik les nombreuses infirmit^s contract^es 
durant la jeunesse. Les hommes faits n*ont besoin que de compenser les 
pertes ^prouv^es par Torganisme. » 

L'auteur poursuit, recherchant quelle estTalimentation qui convient le 
mieux aex troupes. 

« 

Sous 1 e rapport de Thygi^ne et de la nourriture, TarmSe fran^aise n a 
rien k envier k aucune autre. Nulle part, plus qu'en France, les chefs de 
corps ne se pr^occupent du bien-6lre physique et moral des troupes. Nous 
somDaes loin du temps od les soldats coochaient deux par deux, oii toute 
une chambr^e mangeait k la mdme gamelle, od Tordinaire ^tait invaria- 

(1) Le Moniteurde I'Bnseignement p^Hmaire, 39* ann^e, n» 2, p. 19; Barcelona 



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CHRONIQUE fiTRANGfeRE. . 755 

blement le m^mo d'un bout de TannSe k Taatre, oii les brimades et les 
cbitiments corporels ^laienl tol^r^s, etc. Tandis que de sages r^glemeiits 
sauvegardaient la sant6 physique dans notre arm^e nationale, Fapplica- 
tion des lois sur Tenseignement primaire faisait disparaitre peu h peu les 
illetlr^s et c'est h peine, anjourd'hui, si dans la plupart des d^partements 
on en compte un on deux pour cent. En presence de ce qui se passe 
ailleurs, ces constatations sont bonnes k faire. 

Marius Dupont. 



MstatfihUnis d'Am^ric[ae. 

LE STNDICAT DU LAIT A NEW-TORK 

II vient de se constituer a New- York un syndlcat ay ant pour but de 
monopoliser la veute du lait dans cetle ville. Gette soci^t^ dispose de 
75 miilloDs de francs. 



ItaUe. 

PREMIER CONGR^S DE BIENFAISANCE POUR LES SOURDS-MUETS A MILAN 

A la suite du Gongr^s des Instituteurs de sourds-muets tenu k G^nes 
du 1*' an 6 septembre 1892, il s'^tait form^, pour r^pandre I'instruction 
des sourds-muets en Italie, un comity dont le si^ge 4tait k Milan. Faisant 
appel h toutes les bonnes volont^s, le comity a organist, en faveur des 
sourds-muets, un premier congr^s de bienfaisance qui tiendra ses stances 
k Milan les 21, 22 et 23 avril prochain. D^Jk les organisateurs ont regu de 
nombreuses adhesions de la part de personnes influentes et autoris^es. La 
circulaire envoy^e par eux contient une lettre de Sa Majesty la reine 
d'ltalie, qui a bien voulu prendre le congr^s sous son auguste patronage, 
— deux letlres du ministre de I'instruction publique, les leltres d'adh6- 
sion du cardinal archev^que de Milan, du pr^fet et du maire de la ville. 
M. Godronchi, ancien ministre, a adress^ lui aussi au president du comite 
une lettre de chaleureuse adhesion. 

Les jouruaux el revues qui s'occupent de I'enseignement special des 
sourds-muels en Italic ont r^serv^ le meilleur accueil k V\dke de ce con- 
gr^s, et la presse politique de toute nuance s'y est ^galement montr^e 
favorable. L'organisation actuelle de Tenseignement des sourds-muets en 
Ilalie est parfaitement insufflsanle et la plupart des sourds-muets de ce 
pays restent priv6s d'instruction. Les instituteurs de sourds-muets italiens 
ont beau faire entendre d'^loquentes protestations, la situation ne change 
pas. 

A diverses reprises, des hommes de bonne volenti ont saisi le Parte- 
meutde la question. Les ministres interrog6s ont vivement regrett^ que^ 
r^tat du budget ne leur permit pas de faire autre cho3e que des promesses 



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756 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

et la loi sur Finstraction des sourds-muets, en preparation depuis une 
vingtaine d'ann^es, ne paralt pas devoir aboutir de sitdl. II est k craindre 
que les preoccupations du gouYernement, k llieure ou la famine s^vit 
dan^ plusiears provinces, ne lui permettent pas d'accorder^ cette branche 
de renseiguement tout Tinteret qu'elle m^rite. N^anmoins, il convient de 
feiiciter le comity milanais d'avoir attird Tattention publique sur le triste 
sort des sourds-muets sans instruction. 

I] y a quelques jours, comparaissait devant le tribunal de Milan, an 
sourd-muet de cinquante-cinq ans, lotalement illettr6, accuse de vol. Le 
malheureux avait pris deux verres d'eau-de-vie chez un marchand de vins 
sans les payer. Les juges I'acquitt^rent en le declarant irresponsable, mais 
en demandant qu'il filt consigne k la Silrete pour cause de securite pu- 
blique. M. P. Fornari, directeur de T^cole normale pour les sourds-muets 
de Milan, qui lui avait servi d'interprete, rapporte le fait dans la Revue de 
TP^dagogie et d'hygihie de Naples, en ajoutant : « De pareils etres, on en 
compte de quinze ^vingt mille dans le beau pays oh fleurit Toranger. » 

« 
« « 

Les sourds-muets totalement prives d'instruction sont heureusemenl 
beaucoup moins nombreux en France. Gependant il y en a plus qn'on ne 
le croit generalement, et probablement beaucoup plus qu'on ne le dit 
dans les statistiques officielles. Gelles-ci avouent que 5 k 600 sourds-muels 
en Age de scolarite ne trouvent point de place dans les ecoles. Des insli- 
tuteurs afflrment que ces chiffres sont fort au-dessous de la verite, et sou- 
trennentque 1 500enfants prives d'oule et en dge de scolarite, demeurent 
prives de tout enseignement. En Tabsence d'uoe statistique bien faite, il 
est fort difficile de se prononcer. Mais quecesjeunes sourds-muets soient 
eh realite au nombre de 500, de 1 000 ou de i 500, cela fait toujours pour 
la France plusieurs milliers de sourds-muets adultes illettres. La societe 
niauque au plus sacre des devoirs en n'assurant pas leur instruction ; et 
Ton ne saurait reclamer assez energiquement pour ces malheureux Tap- 
plication de la loi sur Tinstruction obligatoire. La loi du 28 mars 1882, en 
effet, dit en propres termes ; « Un reglemenl determinera les moyens 
(f assurer I'instruction primaire aux enfants sourds-muets et |aux aveu- 
gles. » A quand le reglement? 

Marius Dupoxt. 



R^poblique Argentine. 

OEUVRE DU PATRONAGE DE L*ENFANCB 

A la fin de Tannee 1897, on a inaugure k Buenos-Ayres la premiere ecole 
d'arts et metiers de YGEuvre du patronage de VEnfance. La revue hebdoma- 
daire illustree Buenos-Ayres qui nous apporte cette nouvelle est malheu- 
reusement tr&s sobre de details precis et tr^s remplie de phrases sonores 
et d'idees generales et vagues sur la bienfaisance. Ellc detaille, un peu 



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CHRONIQUE JfeTRANGfeRE. 157 

longuement peut-6tre, celle pens^e que la charit6 publique est une dette ^ 
lasocidt^. Nous pensons que cetle oeuvre est assez r^cente, car elle ne 
figure jpas dans la nomenclature donn^e il y a quelques ann^es parflmilid 
Goni; elle a ^videmment pour but Tinstraction morale et professionnell^ 
des enfants abandoun^s, et noas voyons, plus par les illustrations que par 
le texte» qa'elle a construit un vaste bdtiraent avec des ateliers oii Ton 
fabrique la vannerie, la sparterie, les balais et les plumeaux, sans parler 
d'un atelier de couture pour ^Idves tailleurs et d'un atelier de relinre. 

Ges constructions paraissent bien comprises ; elles ont dH coiiter assez 
cher, mais le journal Buenos-Ayres se borne k nous dire qu*elles ont M 
6rig^es raoins par les soins de Tarchitecte que par la g6n^roslt^ des dames 
de la R^publique Argentine. 

La R^publique Argentine est, nous avons eu d^j^ k le dire, dans une 
p^riode d'activit^ feconde au point de vue de Thygi^ne etde Tassistance. Pour 
les enfants il n'y avait gu^re jusqu'il une 6poque voisine de nous, c'est-^- 
dire jusque vers I'ann^e 1880, que I'asile des enfants trouv^s fond^ en 1774 
par d^cret du vice-roi Juan Jos^ de Yestiz k la suite d'une petition de Mar- 
cos Jos^ de Rigloset de douze de ses voisins qui pensaient qu'ily avait ur- 
gence de prendre les mesures'destin^esli emp^cberle spectacle douloureux 
de rencontrer des enfants dUvoris par des chiens et des porcs^ morts dans les 
rues ou abandonn^s dans des terrains vagues. 

N'est-il pas curieux de rapprocher ce fait de la cr<$ation du Foundling 
Hospital de Loudres sur la petition du Thomas Goram en 1739, 6tablisse« 
ment dont nous avons racont^ Thistoire dans celte Revue? 

Quoi qu'il en soit, c'est en 1779 que fut ouvert Thospice des enfants trou- 
v68 de Buenos-Ayres. — Ferm6 en 1838 par Rosas, ouvert de nouveau en 
1852, il revolt les enfants ubandonn^s jusqu'^ 5 ans, puis il les place dans 
un orphelinat. 11 y a ^ Buenos-Ayres d'autres dtablissements qui recueillent 
les enfants sans famille : un Asile d'orphelins fond^ en 1871 ; une Maison 
des orphelines de la Merci, qui semble plus ancienne ; une Soci^t^ protectrice 
d' enfants orphelins et abandonn^s, fond6e eu 1884 sur Tinitiative du Club 
industrial argentino ; un Asile Soi'jihelines pauvres fond^ aussi en 1884. 

La SodHe du Patronage de I'Enfance est une oeuvre digne d'int^r^t, puis- 
que c*est par T^ducationprofessionnelle qu'elle entend assister ses petits 
hospitalises. On nepeut qu'applaudir aux sentiments de charity ^lev^s qui 
ont conduit les dames argentines a adopter cette forme de Tassistance. 

H.N. 



Russie.* 

LE REPOS DU DIMANGHE DANS LES MAGASINS A P^TERSBGURG (1) 

line ordonnance municipale entree en vigueur le 15 aotlt dernier ne per- 
met plus Touverture des magasins, le dimanche et les jours de fdte, dans la 

(1) D'apr^s une communication de I'ambassadeur de la R^publique franchise 
h. Saint-P^tersbourg, reproduite par le Bulletin de I'Office du travail. 



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158 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

capitale russe, que de midi k cinq heares. Get arrSt^ pr^voii, toaiefois, de 
nombreuses exceptions, notamment en faveur des pharmacies, spectacles 
et lieux d'amusement, entreprises de transports, restaurants et debits de 
boissons populaires dits traktirs, ces derniers d^jd soumis k une legis- 
lation sp6ciale. 

Les magasins de denr^es alimentaires et de boissons non spiritueuses 
sont, en outre, autoris^s k vendre jusqu'd 10 heures 4u matin. 

Gette ordonnance a souley^ de violentes reclamations des commer^ants 
doQt elle l^se les int^rSts. Mais ces reclamations ont ete repouss^es avec ce 
considerant « que les int^rdts de la population sont confies k la manici- 
paiite comme repr6sentant de la totality de la population, et, qu'en con- 
sequence, le droit des particuliers de porter plainte, en se pla^ant k leur 
point de vue special, centre les decisions de la municipalite n'existe pas. » 



Su^de. 

LES HABITATIONS OUYRltRES 

M. de Stadling, dans la Revue municipaley analyse les causes du manque 
de petits logements k Stockholm; cette penurie provient, d'apr^s lui, en 
premier lieu de la regularisation des rues et voies publiques, en second 
lieu de la repugnance des flnaociers k engager leurs capitaux dans des 
entreprises de constructions peu remuneratrices. 

Malgreies tentatives faites par les associations cooperatives « pour habi- 
tations x>, qui n'ont pas reussi, malgre certains efforts philanthropiques, la 
situation ne fait que s'aggraver. Le Gonseil municipal s'estreuni et a nonune 
une commission pour s'occuper specialement de cette importante question. 



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INFORMATIONS 



L'Assistanoe auz Strangers. 

Le Conseil sup^rieor de TAssistance publique, dont nous avons 
public Tavis sur la question des malades strangers trait^s dans les 
bdpitaux fran^ais (1), a dmis sur le mdme objet les voeux ci-apr^s : 

1<* Que les hospices soient admis k exercer un recours contre les em* 
ployeurs pour lesd^penses effectu6es dans les hospices, par les ouvriers 
strangers atteints de maladies aiguesjusqu'^ concurrence de... jours d'hos- 
pitalisation. 

2'> Qu'unetaxe variable et que la loi de finances fixerait pour une p^- 
riode d^lermin6e soit per9ue k litre de centimes addllionnels sur les 
quatre contributions directes auxquelles seraient soumis les Strangers do- 
micili^s en France. 

Dans les communes oii par suite d'une subvention d'un gouvernement 
stranger, d'une Iib6ralit6 de source quelconque, Tassistance aux strangers 
sera assur^e par des fondations sufflsantes, les strangers serout r6dim^s 
de la taxe. . . 

Sans prejudice des traitSs qui pourraient* 6tre conclus avec tel gouver- 
nement Stranger. 

« II est desirable que les communes int^ress^es au s6jour des strangers 
contribuent aux frais d'hospitalisation des malades Strangers qui conti- 
nueront k 6tre re^us dans les h6pitaux en cas d'urgence ». 



L' Assistance auz vieillards, auzinflirmes et auz incurables. 

Dans la Revue Philanthropique du iO septembre dernier, nous avons 
iudiquS les premiers rdsultats de Tlnvitation faite aux dSpartements d'orga- 
niser Tassistance aux vieillards, aux infirmes et aux incurables en confor-^ 
mitS de Tarticle 43 de la loi de finances de 1897. 

A ce moment, dix-huit dSpartements avaient adh6r6 au principe de la 
loi et yot6 on credit. Tons les autres dSpartements avaient ajournS leur 

(1) No 1, informations, p. 121. * 



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760 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

decision ou refuse, pour diverscs raisons, d'entrer dans la yoie de cette 
assistance. 

La situation que nous ayons k signaler anjourd'hui est bien meilleure. 
En Yoici le relev^, tel qu'il r^sulte des propositions vot^es pour le budget 
dei898: 

Ont organist le service (47 d^partements) : Ain, Hautes-Alpes, Alpes- 
Maritimes, Ari^ge, Aube, Aude, Ayeyron, Bouches-du-Rli6ne, Charente- 
Inf^rieure, Cher, Corr6ze,Cdte-d'Or, Creuse, Dordogne^Eure, Eure-et-Loir, 
Gard, Haute-Garonne, Gironde, llle-et-Vilaine, Indre, Indre-et-Loire, Jura, 
Loiret, Lot, Lot-et-Garonne, Loz^re, Maine-et-Loire, Marne, Meurthe-et- 
Moselle, Ni^vre, Nord, Oise, Pas-de-Calais, Puy-de-D6me, Rhdne, Sadne-et- 
Loire, Savoie, Haute-Sayoie, Seine-et-Marae, Seine-et-Oise, Deux-S^yres, 
Somme, Vaucluse, Haute- Vienne, Vosges, Yonne. 

Ont a jour n^ d la session d'avril (19 dSpartements) : Aisne, Allier, 
Ardennes, Drdme, Finist^re, H^rault, Is^re, Landes, Loir-et-Gher, Loire, 
Haute-Loire, Mayenne, Meuse, Morbihan, Pyr^n^es-Orientales, Tarn-et- 
Garonne, Var, Vendue, Vienne. 

Ont ajoum6 n sine die » (11 d^partements) : Ard^cbe, Calvados, Corse, 
G6tes-du-Nord, Gers, Haute-Mame, Orne, Hautes-Pyr6n^es, Haute-Sadne, 
Sarthe, Seine-Inf^rieure. 

Ont ajoum^ jusqu*au vote (Tune loi organique (6 d^partements) : Basses - 
Alpes, Canlal, Cbarente, Manche, Haut-Rbin, Tarn. 

Ont refuse (3 d^partements) : Doubs, Loire-Inf6rieare, Basses-Pyr^n^es. 

Parmi les d^partements qui ont organist le service ou conserve un 
service d^j& existant, 15 n*ont pas encore vot^ de credit. Voici Tindication 
des 32 autres avec le cbifTre du credit vot^ : 

fr. c. 

Ain 10000 

Alpes (Hautes-) 19999 87 

Alpes-Maritimes 9000 

Arifege 1470 

Aude. 4366 02 

Aveyron 5000 

Bouches-du-Rh6ne 27000 

Charente-Inf6rieure 2600 

CoiT^ze 11610 

CAte-d'Or 3183 16 

Dordogne 8000 

Eure-et-Loir 13615 50 

Card 24236 

Garonne (Haute-) 36085 

Gironde 2400 

lUe-et-Vilaine 10620 

Indre-et-Loire 15000 

Jura 5636 36 

Loir-et-Cher 10000 

Loire 15000 

Lot 40000 



Report , . 234821 91 



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INFORMATIONS. 161 

' tr. c. 

A reporter 234 821 91 

Lozdre 4750 

Mame 58793 81 . 

Meurthe-et-Moselle.. 7850 

Nord 156000 

Pas-de-Calais 35402 70 

Savoie 5571 42 

Savoie (Haute-) 3870 

Seine-et-Marae 1200 

Sevres (Deux-) 5592 

Somme 6000 

Vaucluse 5250 

Vienne (Haute-) 10000 

Vosges 17849 69 

Total 592951 53 

Pluslears des d^partements qui ont prononc6 rajoumement sine die et 
la piupart de ceux dont la decision est reporl^e It la session d'avrii 1898 
ayant adh^r^ express^ment au principe de la loi, il est certain qu'avant la 
fin de 1898 I'assistance aux vieillards, aux infirmes et aux incurables fonc* 
tionnera dans 80 d^partements environ. 



Girculaire relative aux Societes de secours mutuels. 

Le ministre de rint^rieur vient d'adresser par rinterm^diaire des 
Pr^fetS; aux Presidents des Soci6t6s de secours mutuels approuv^es, 
la circulaire suivante : 

Monsieur le PRiFET, 

Le rapport annuel dress^ par mon administration^ sur ies operations des 
Soci^t^s de secours mutuels en France pendant Tann^e 1895, fait ressortir 
que les frais de maladie support^s par ces Soci^t^s ont augmente d'une 
ann^e ^Tautredans des proportions considerables et veritablement inqui^- 
tantes pour leur avenir. Gela tient k deux causes principales que le rapport 
en question met en evidence : \^ Tabus des ordonnances niedicales; %^ 
Tadmission dans les Societes, d litre de membre participants, de societaires 
dont retat de fortune les classe piutdt parmi les membres bonoraires. 

Dans une circulaire en date du 15 avril 1891, Tun de mes predecesseurs 
a dejd mis en garde les administrateurs des Societes de secours mutuels 
contre les depenses pbarmaceutiques exagerees. L'augmentation enorme 
de ces depenses en 1895 sur Tannee 1894 appela de nouveau mon atten- 
tion, et je vous prie de vous reporter aux ternies de la circulaire precitee 
pour inviter ces administrateurs &contrdler plus rigoureusement le service 
de la visite de leurs malades. 

D'autre part, les medecins des Societes de secours mutuels se plaignent 



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762 HEVUE PHILANTHROPIQUE. 

que des soci^taires dont I'aisance leur fait an devoir d'etre membres ho- 
noraires se font inscrire et soot accept^s en quality de membres partici* 
pants, et bdn^ficient ainsi, lorsqu*ils soot malades, des soins m^dicanz aaz 
piix r6duits accord^s k la mutuality. 

Si les rangs des mutualistes sont oaverts k toas les trayaillears de si- 
tuation pr^caire on modeste» il n'est pas juste que des gens ais^s, qui ont 
le moyen de payer, le cas 6ch6ant, les m^decins au tarif de lear clientele 
ordinaire, obtiennent gratuitement, en yersant une minime cotisation, les 
visites medicates, les medicaments et mdme one indemnity pour les jour- 
n^es oil la maladie les emp^che de yaquer k leurs occupations habituelles. 

Tel n'est pas le but des Soci^t^s de secours mutueis ; elles ont ^t^ cr64es 
surtout pour les laborieux qui viyent de leur salaire. Les plus fortunes 
doivent en 6tre les soutiens naturels en leur consacrant leurs ioisirs et 
leurs conseils, et ils font acte de bons citoyens en leur accordant, It litre 
de bienfaiteurs, la cotisation exig^e des membres participants. Gette cate- 
goric de societaires existe dans presque toutes les Soci^tes. G'est gen^rale- 
ment lorsqpi'elles se fondent que la confusion se produit. Les fondaleurs 
sont beureux de recruter le plus grand nombre possible d'babitants de la 
commune pour grossir le fonds social, et, sans s'arrdter k la difference des 
situations, ils les admeltent indistinctement, selon leur d^sir, aussi bien 
en qualite de membres participants que parmi les membres honoraires^ 
G'est \k une erreur de calcul qu'il est necessaire de rectifier. 

Je tiens done k ce que les Societes de secours mutueis sachent bien 
qu'il est de leur inter^t de se renseigner sur la situation de leurs adhe- 
rents, et qu'il leur appartient de ne pas attribuer k ceux qui peuvent etre 
membres honoraires les ayantages alloues aux participants. En conse- 
quence, les fondateurs ou administrateurs deyront apporter la plus grande 
circonspection <dans la reception des nouveaux societaires participants, et 
-9ngager les anciens dont la situation de fortune denote plus I'aisance k 
entrer dans la categorie des membres honoraires. 

Le Ministre de I'lntirieur, 

Louis Bartuou. 



L' Assistance ans Sourds-Muets. 

Dans le numero de la Revue Philantkropique du 10 septembre, noos 
demandions la creation d'une societe de patronage pour les sourds-muets (1). 
II a ete donne suite k notre demaode. Nous apprenons en effet qu'one 
SocUti pour le placement^ le patronage et Vasmtanee des anciens iUves de 
rinsHtutionnationale des Sourds^Muets de Paris yient d'etre creee, et que la 
premiere Assembiee generale a eu lieu il y a quelques jours. 

Les membres adherents, au nombre d'une soixantaine, se sont reunis 

(!) Assistance des sourds-muets par le travail (creation d'une societe de patro- 
nage), par M. A. Dubranle, n» 5, p. 677. 



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INFORMATIONS. 763 

pour adopter les projets de Statuts etpour procdder k F^IeclioQ d'un Con- 
seil d'adminislration compost de 21 membres. 

M. le ministre de I'lal^rieur, M. le directeur de TAssistance et de I'hy- 
gi^ne publiques et M. le President de la Gommission consultative de Tin-* 
slitution nationale sont nomm^s Presidents d'honnear de la Sooi^t^. 

M. le Directeur de rinstitution nationale est de droit President du 
€k)nseil. 

Ghoisissant parmi ses membres, le Gonseil a 61u pour constituer son 
bureau : 

MM. DuBRANLE, censeur de rinstitution 'nationale, vtce-pr^judent ; 
Mavr^, avocat k la Gour d'appel, secretaire; 
Mauricb Pkrbirb, ing^nieur des arts et manufactures, Msarier, 

Nous tiendrons nos lecteurs au courant du d^veloppement de cette 
eeuvre naissante qui, nous en avons la conviclion, saura se montrer k la 
hauteur de sa tdcbe. Pour le moment, nous nous bomons k sonhaiter que 
le nombre de ses membres augmente et qu'elle recrute, non seulement des 
philanthropes, mais aussi des industneis susceptibles d'aider au placemen^ 
des anciens ei^ves ou m^me de les employer dans leurs ateliers. Souhaitons 
enfin que, dans un avenir plus ou moins ^loign^, elle puisse s'occuper non 
seulement des Sourds-Muets de Paris, mais encore de tous les Sourds- 
Muets de France. 



Le Service des Enfants moralement abandonn^sde la Seine. 

Yoiei, d'apr^s les rapports de M. Peyron, directeur de i'Assistance pu- 
bliquede Paris etde M. Patenne, rapporteur du Gonseil g^n^ral, la situa- 
tion du service des enfants maltrait^s et moralement abandonn^s pendant 
Tann^e 1896: 

Aui*' Janvier 1896 la population des enfants moralement abandonn^s 
6tait de 3284; les radiations ont et6 de 878; les admissions de 281. 

11 restait done au 31 d^cembre 1896 2 987 enfants. 

Les radiations se sont produites ainsi:192 rendus k leur famille; — 23 
rapatn^s dans leur d^partement d'origine ; — 155 ayant atteint leur ma- 
jorit6 ; — 13 mari^s ; — 26 engages volontaires ; — 13 d^c6d6s ; — 55 ray^s 
des contr61es; — 16 passes dans la cat^gorie des enfants assist^s; — 95 
ayant quitt^ leur placement et n'ayant pas encore ^t^ r^int^gr^s au 31 d^ 
cembre 1896. 

Sur les 192 el^ves remis k leur famille, 174 ont ^t^ rendus gratuitement 
et 18 Tont €i^ apr^sremboursementpartiel desfrais d'entretien. La somme 
totale vers^e par les families pour ces 18 enfants s'^Uve a 815 francs. 

Dix demandes de rapatriement ont 4t6 introduites en 1896 pour des en* 
fants moralement abandonn^s Strangers au d^partement de la Seine. Six 
de ces demandes ont 6i€ accueillies par les d6partements, et quatre ont €16 
reponss^es; 13 enfants dont le domicile de secours a4t^ reconnu au cours 
de Fannie 1896, ou Favait 6i€ antdrieurement, ont 6t^ effectivement rapa- 

^ Les 281 admissions se d^composent ainsi : 32 enfants envoy^s par le Par- 



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764 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

quet, 70 par la Pr(§feciure de Police, 453 pr^sent^s par ies parents, 26 ad* 
mis indireciement. 

Ges m^mes enfants, r^partis en categories d'apr^s Ies condiiioDS de lear 
milieu dorigine,donnentiieu a laclassincation suivante:46 enfants de pa- 
rents indignes; — 461 enfants de parents indigents; — 10 enfants de pa-t 
rents disparus; — 5 enfants de parents d^c^d^s; — 59 enfants vicieux de 
parents honndtes. 

Les enfants enyoySs en 1896 par le Parquet et la Prefecture de Police 
8ont an nombre de 102, alors que la proportion correspondante arait 6tS 
de 174 en 1895 et de 265 en 1894. 

Les 281 admissions comprennenl 134 enfants indisciplines ou ayant de 
mauvais penchants; lis se r^partissent eux-m^mes de la mani^re suivante 
d'apr^s leur proTcnance familiale:i6 enfants de parents indignes, 57 en- 
fants de parents indigents, 2 enfants de parents disparus, 59 enfants yi* 
cieux de parents honndtes. 

L'administration de I'Assistance publique a recu, en 1896, 864demandes 
ayant pour but le placement d'enfants dans le service. 

Sur ces 864 demandes, 281 seulement ont ^l^ admises apr^s avis de la 
commission speciaie institute par le Gonseil general. 

Une somme de 8 300 francs a 6i^ distribute en secours. 

Au 31 decembrel896, les 2 987 pupilies du d^parlement de la Seine 
(Enfants moralement abandonn^s) etaient ainsi r^partis : 

1 039 (620 gardens, 419 fllles) places isol^ment moyeunant pension. 

i 614 (1097 garcons, 517 (lUes) places isoiementhors pension. 

122(120 garcons, 2 fllles) places en groupes. 

173 (110 gar9ons, 63 fllles) places dans les ^coles professionnelles de 
Villepreux, Montevrain,Port-Hallan, Yzeure, Sauvic. 

28 (gardens) places & Boulogne 

1 1 (4 gardens, 7 fllles) restants k I'Hospice. 

Les 122 enfants places en groupe etaient ainsi r^partis : 

22 (garcons) k la verrerie de Bar-sur-Seine (Aube) ; — 20 ^la verrerie de 
Bayel (Aube); — 13 i la faienceriede Choisy-le-Roi (Seine) ; — - 47 i la ver- 
rerie de Navez (Meurthe-et-Moselle); — 36 dans une booneterie de Troyes 
(Aube); 12 a la verrerie de Vierzon (Cher). 2 Qlles dans une maison debro- 
derie de Montreuilsous-Bois (Seine), 



Le Traitement marln. 

A la dale du 30avril 1897. M. leministre de rinterieur a tr^s vive- 
ment appeie rattention des pr^fets sur rappiication da traitement 
marin en verlu de la loi sur Tassistance medicale gratuite anx en- 
fants indigents attaints de rachitisme ou de scrofule : 

Voici le texte de celte circulaire. 

J'ai I'honneur de vous signaler ci-apr^s les conditions dans lesqaeiiea. 
les enfdnts indigents atleints de rachitisme ou de scroftde doivent, quand 



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INFORMATIONS. 765 

levCr mal est curable, proflter de la loi du i5 juillet 1893 sur Tassistance. 
m^dicale gratuite. 

Yous remarquerez d*abord qu*il ne s'agit pas d'^tendre, par une bien-, 
veillante interpretation, i'assistance m^dicale a cette cat^gorie d'enfants : 
ce benefice leur est dH en conformity de la r^gle g^nSrale que Tarticle .1^' 
de la loi du 15 juillet 1893 a ^dict^e. 

Aux termes du premier paragrapbe de cet article, « tout Frangais. ma- 
lade, priv6 de ressources, re9oit gratuitement de la commune, du d^par- 
teraent ou de TEtat, suivant son domicile de secoars, Tassistance m^dicaie 
h domicile ou, Vil y a impossibility de le soigner utilement k domicile, 
dansun ^tablissement bospitalier ». 

L'enfant racbitique ou scrofuleux, dont le mal est curable, n'est pas un 
inflrme, un de ceux pour qui Taction tb^rapeulique ne peut s'exercer et 
auxquelsen consequence Tassistance cr^^e par la loidu 15 juillet n'estpas 
due : il est un malade ; et s'il est « priv^ de ressources », ii doit ben6(lcier' 
de cette Joi. 

Comment pourra-t-il en b^neAcier, dtre « soign^ utilement » ? Ge ne- 
sera ni k domicile, ni dans un bdpital ordinaire : ce sera dans un b6pital 
marin. Les medicaments donnas anx rachiliques et aux scrofuleux peuvent 
attenuer les manifestations du mal; ils ne I'enrayent que pour de courtes 
periodes, ils ne le gudrissent pas. line experience decisive, poursuivie 
aussi bien en France, et notamment k Tbdpital de Berck, qn'k I'etranger, 
prouve qu'iin'y a centre le racbitisme et la scrofule qu'un remMe efficace : 
ce remede est le traitement marin, la cure par les bain? de mer.et surtout 
par Tair de mer. II est d'ailieurs evident que plus le traitement est iustitue 
k une epoque voisine du commencement de la maladie, plus sont nom- 
breuses, toutes autrescboses egales, les cbances d'une complete guedson. 
EUe n'est souvent obtenue, mdme & regard des malades soignes au debut,^ 
que par un sejour prolonge k Thdpital marin; et de ce chef la depense 
sera, je lereconnais, relativement eievee. Mais les scrofuleux et les racbi- 
tiques sont sujets k des maladies incidentes plus frequentes et plus graves 
que celles qui atteignent la population normale. Si le traitement marin 
leur est refuse, ii deviendroht les clients les plus assidus des h6pitaux or-' 
dinaires. II est moins coiiteux de guerir maintenant un racbitique ou ua 
scrofuleux que de Tbospitaliser plus tard k des intervalles de plus en plus 
rapprocbes : le traitement marin imposera aux presents budgets de Tassis- 
tance medicale des depenses inferienres k celles qu'il epargnera aux 
budgets futurs. 

En deborset au-dessus des considerations flnanci^res, vous serezfrappe 
de I'interdt social qui est ici engage. 

Les racbitiques et les scrofuleux, quand 11 ne sont pas vpues k une 
mort prematuree, ne peuvent se livrer qu'^ un travail intermitttent dont 
le rendement est tr^s faible; et sHls ont une descendance, elle n'ecbappe 
que rareraent k la tare her^ditaire. GueHr unde ces malades, c'est k lafois 
exonerer d'une charge ulterieure FAssistance publique et transformer une 
non-valeur en une force. 

Yous savez d'ailleurs que la scrofule predispose k la maladie qui est 
beaucoup la plus meurtri&re, k la tuberculose pulmonaire, L'extension du 



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766 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

traiiement marin coniribtiera au relfevement Qum^rique de noire popala- 
tion et lui apportera de nouyeaux 6l6ments de sant^, de bien-dire et de 
richesse. 

Je Yous recomraande instamment de faire assarer, autant que vous le 
poUrrez, ce traitement k ceax des enfants ioscrits sur la liste d'assistance 
m^dicale pour lesquels il est indiqu^ ; j'ai k peine besoin d'ajouter que le 
contingent de TEtatest acquis, suivant la mesurefix^eparla loi du ISjuil- 
let 1893, aux frais de s^jour de ces malades dans des hdpitaux marins. 

Aux termes da second paragraphe de TarticleS de ladite loi, « dans le 
cas odil yaurait impossibility de soignerun malade A domicile, le m^dedn 
d^livre an certiflcat d'admission k rh6pital. Ge certiflcat doit 6tre centre- 
sign6 par le president du bureau d'assistance, oa son d^l^ga^. » 

Les regies trac^es par la circulaire minist^rielle du 18 mai 1894 en vue 
de I'appHcation de ces dispositions me semblent devoir 6tre corapl^t^s sur 
un point. 

II conviendra de ne dinger un enfant racbitique ou scrofaleux sur un 
bdpital marin qu'apr^s que vous aurez concerts I'admission du malade avec 
le directeur de T^tablissement. Gette entente pr^alable est n^cessaire, le 
nombre des bdpitaux marins ^tant fort loin de r^pondre aux besoins. 

Le certificat d61ivr6 par le m6decin de service et que vous aurez k com- 
muniquer au directeur constatera que I'enfant n'est ni atteint ni conva- 
lescent d'une maladie transmissible, sp^cialement qu'il n'est pas atteint de 
tuberculose pulmonaire. 

. M. le D' Bergeron, secretaire perp6tuel de TAcad^mie de m^decine, 
president de i'oeuvre des bdpitaux marins, m'adresse au uom de cette 
ceuvre une communication dont je crois utile de vous faire part. 

II rappelle d'abord que les enfants atteints de scrofule ou de rachi- 
tisme c( ne peuvent 6tre soign^s avec Tefficacite desirable ni k domicile, ni 
dans les bdpitaux ordinaires, la seule medication pleinement efflcace centre 
le rachitisme 6tant le traitement marin ». M. le D' Bergeron ajoute : 

« L'oeuvre des bdpitaux marins voudrait coop6rer, dans toute la mesure 
de ses forces, k la generalisation de ce traiiement, et j'ai I'bonneur de 
vous informer que les jeunes scrofuleux et rachitiques pris en charge par 
le service de Tassistance medicate gratuite seront re9us dans les eiablisse- 
ments de Banyuls-sur-Mer et de Saint-Trojan aux mdmes conditions qne 
les pupilles de I'Assistance : pour les premiers, le prix sera, comme pour 
les seconds, abaisse de deux francs k un franc soixante centimes (1 fr. 60). » 

Ge dernier taux ne depasse d'ailleurs que de buit centimes la moyenne 
des prix des journees d'hdpital fixes par les prefets, conformement a 
Tarticle 24 de la loi du 15 juillet 1893; en effet,le rapport general concer- 
nant Texecution de ladite loi pendant I'annee 1895, rapport dont vons rece- 
vrez prochainement des exemplaires, constate que cette moyenne est deun 
ranc cinquante-deux centimes (1 fr. 52). 

Les deux etablissements de Toeuvre des bdpitaux marins sent dignes, 
tant par leur installation que par leur fonctionnement, de voire entiere 
confiance. L'hdpital de Saint-Trojan, dont M. le president de la Repoblique 
a bien voula Tan dernier presider Tinauguration, est situe dans Ftled'Oie- 
ron (Gharente-Inferieure). 



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INFORMATIONS. 767 

Je vous prie de m'accuser reception de la presents circulaire par un des 
prochains courriers; je voqs serai ^galement obiig6 de m'informerbient6t 
de la suite que vous aurez donate k ma commanication. 

Four le Ministre, 
h Conseiller d'itaty 

Directenr de rAssistanee et de I'Hjrgidne publique, 
H. MONOD. 



L'Assistance matemelle. 

M. le D' Pecker adresse k ses confreres ce pressant appel pour la 
protection des m^res : 

APPEL AUX M^DEGINS EN YUE DE LA FONDATION DE L'aSSOGIATION 
DES FEMMES FRANQAISES 

Ghers Confreres, 

V Association des Dames MatUoises, pour secqurs aux femmes en couches, 
que les boones volont^s locales m'ont permis d'organiser dans les limites 
de ma modeste clientele, et qui a re^u, le 4 f^vrier 1898, 1'approbation mi- 
nist^rielle, poursuit et atteint un double but. 

Gonvaincue, avec M. le Professeur Pinard, dont les observations ont 6t6 
soumises^ TAcad^mie de m^decine,que le poidsetlavigueur du nouveau- 
n^ sont d'autant plus remarquables que la m^re a moins pein6 pendant 
les demiers temps de la grossesse, elle a voulu permettre k la femme n6- 
cessiteuse un repos suffisant, aa cours du mois qui pr^c^de raccouchement, 
et lui assurer les secours indispensables en alimentatioD, chauffage, etc. 

C'est le premier point. 

Le second vise la possibility de pratiquer Taccoucbement dans des con- 
ditions de s^curit^ et d'bygi^ne, conformes aux exigences de la science mo- 
derne : il est rempli en fournissant A la femme tout le n^cessaire, afln que 
le secours medical ne soit pas compromis par quelque cause inb^rente au 
milieu dans lequel vit Taccoucbee. Enfln, par surcrolt, TAsssciation dote 
Tenfant de sa premiere layette, et lui assure un sein que la misdre ne 
yiendra pas tarir pr^matur^ment. 

Ne vous semble-t-il pas, cbers confreres, que I'expansion de cette 
oBUvre de pu6riculture, intra et extra-uterine, soul^ve une question d'in- 
t^rdt national qui m'autorise A r^clamer votre concours? 

Gomme moi, vous avez constats que ce sont encore les ouvriers, les 
paysans, les joumaliers, en un mot, les humbles, qui sont charges de 
grandes families ; c'est A eux que r£tat prend le plus, sans leur accorder 
une compensation m6rit6e. 

Qui de vous ne se rappelle cette femme en haillons, qui vient, un en- 



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168 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

faDt dtir le bras, nn autre accroch^ a ses japes, vons demander un conseil 
sur les mouYements insolites qo'elle ressent dans son yentre ? 

Et,si dans voire regard elle devine lar^ponse fatale» quelle doaloureuse 
6tape s'ouvre devant elle! Elle le connait ce chemin de cal?aire, tant de 
fois parcouru par elle : neuf mois de grossesse, neuf mois de soufTrance, 
neuf mois pendant lesquels I'dtre k venir est d^j^ en dStresse, nourri qu'il 
est par le sang an^mi^ de cette m^re qui se prive de tout, pour empdcher 
de mourir ceux qui vivent d6j& et qui crient la faim ! 

La Toil4 aulit! Qui s'occupera d'elle, de ses enfants? Comment calmer 
les premiers cris de son nouveau-n^? Tant qu'il ^tait dans son sein, sa 
chaleur le prot^geait: maintenanl que le voilk au monde, comment le r^- 
chauffer, comment le v^tir? Taut qo'il ^tait dans son sein, il se nourrissait 
de son sang; et maintenant, pourra-t-i1 vivre de son lait? II se trouve 
ainsi que le jour de joie et de bonheur est, pour cette pauvre m^re cou- 
ch6e sur son lit de misfere, un jour de tristesse et de pens^es noires. II se 
trouve que le jour od la France est devenue plus riche d'un citoyen pour sa 
defense, la femme qui lui fit ce don pr^cieux en est devenue plus pauvre ! 
Heureusement, le m^decin, qui veille sur ses semblables, .qui est \k au 
seuil de la vie, qui sent toutes les mis^res de la d^sh^rit^e, doit ponvoir, 
au nom de la g^n^rosit^ de ses sceurs plus fortun6es, adoucir les rigueurs 
de rin^galit6 sociale. Ne lui est-il pas possible, tout d*abord, de rendre 
I'isolement de la femme en couches moins p6nib]e?Ge1le-ci a des enfants k 
surveiller; son 6tat exige, en dehors du traitement m6dical, des soins 
particuliers, des pansements sp^ciaux. Qui s*occupera de ses enfants? Qui 
la soignera?Doit-on Tabandonner k son sort si triste? 

Pas un de nous, mes chers confreres, qui n'ait vu cette femme pauvre, 
d^s le lendemain de son accouchement, soutenant d'une main tremblante 
son ventre douloureux, et, de Tautre, faisant son manage, habillant ses 
enfants. Elle est imprudente, et cette imprudence fait que, souvent, les 
enfants deviennent orphelins, ou que, si la m^re ne meurt pas toujours, 
elle sera une de ces boiteuses du ventre, qui, a la mis^re, ajoutent la dou- 
leur de la chair soufTrante. 

Et le mari qui, jusque-l&, courageux, travaillant dix, quatorze, seize 
heures par jour, apportait son salaire pour nourrir sa famille, trouve, en 
rentrant chez lui, sa femme souvent au lit, soufTrante, n'en pouvant plus, 
malgr^ toute son abnegation maternelle, les enfants se trainant k I'aban- 
don, le repas non pr^par^, inhospitalier. Bientdt, d^sold, d^courag^, il 
apprend le chemin du cabaret od il noie ses chagrins. 

\oilk comment, k la mis^re, k Tisolement, k la maladie, viennent 
s'ajouter Tabandon et la disorganisation du foyer domestique, qui, cepen- 
dant, ne demandait qu'k prosp^rer, si la solidarity sociale eftt ^t^ mieux 
comprise ! 

II est vrai que, parfois, une femme charitable fait de son mieux pour 
garder les enfants de sa voisine en couches; mais ce secoors bienfaisant 
n'intervient pas toujours, et souvent il n'est pas assez ^clair^ pour pouroir 
prodiguer en mSme temps les soins n^cessaires k la mfere alit^e. 

Je vous prends encore k t^moin, mes chers' confreres, pour constater 
que, souvent, Tintervention la plus f^pr^cieuse de notre art se trouve corn- 



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INFORMATIONS. 169 

promise, par une voisine tr&s bonne, mais ignorante, et en brouille avec 
les principes de Thygi^ne pasteurienne. 

Mais oil prendre alors ceite f6e bienfaisante qui, k Tamour de son pro- 
chain, puisse ajouter les qualit^s d'une garde-malade instruite et ^clair6e ? 
Frappez, mes chers confreres, k la porte de ces Dames flrangaises ou de 
ces Dames de France y qui, grdce aux efforts de nos atn^s, comme I'honorable 
D' Duchaussoy, peuplent maintenant tons les coins de ce noble et g^n^reux 
pays, et elles r^pondront k voire appel, comme elles oht r^pondu an 
ndtre. Ce sont elles qui seront vos collaboratrices 6clair^es, c'est parmi les 
plus d^Yoii^es d'entre elles que tous trouverez les membres actifs de vos 
soci^t^s. 

Qui, mieux qu'elles, Ak\k enti^rement conquises aux nobles idles d'une 
patrie forte et g^nlreuse, pourra contribuer It I'accroissement des forces 
vives de la nation en protlgeant sa natality ? C'est \k leur poste d'honneur 
en temps de paix, et c'est encore \k qu'elles apprendront les qualitis mat- 
tresses indispensables & une garde-malade, qui se prepare It panser ses 
fr^res, sur le champ de bataille, oa dans les ambulances. 

Est-ce que celle qui assiste k un accouchement, et seconde le praticien, 
n*a pas besoin de courage et de sang-froid ? Est-ce que celle qui fait une 
injection, ou un lavage antiseptique, k une femme en couches, pent se 
dispenser de connaltre les regies de Tantisepsie ? 

Non, et de m^me qu en temps de guerre Tantisepsie doit dtre le credo 
de celle k qui incombera Thonneur de soigner les blesses, de m^me celle 
qui pr^tera son concours divoul k une femme en couches, ne saura ignorer 
la science de Timmortel Pasteur, si elle ne veut pas 6tre la cause d'une 
Infection puerplrale, el par consequent la cause de la mort de celle dont 
elle aura k sauvegarder I'existence. 

Et yoWk pourquoi nous pouvons dire que les grandes Soci6t6s, dont 
nous parlous, nous accorderont leur puissant appui, aQn de fonder I'Asso- 
ciation des femmes fran^aises pour la protection de la natality nationale. 
La nouvelle oeuvre sera leur compliment indispensable, c'est-&-dire une 
vaste Icole, oil les praticiens, se chargeant de I'instruction midicale et du 
diveloppement des qnalitis civiques des dames ambulancilres, prouveront 
ainsi, uDe fois de plus, que leur divouement est k la hauteur de leur tdche, 
quand il s'agit de la grandeur et de la prosplriti du pays. 

N'est-il pas vrai, chers confreres, qu'il y a 1& une belle utilisation k faire 
des sentiments de chariti, de divouement, de solidarity qui sont aux coeurs 
des femmes ? 

C'est a nous, midecins, qu'il appartient d'en prendre la bienfaisante 
initiative, mettant ainsi, dis le debut de I'existence du pauvre, k cdtl du 
roal qui se nomme la misire, le remade qui s'appelle la touchante soli- 
dantl. 

A I'oDUvre, je vous en prie, pour les mires daos le dlntLment, pour la 
noble mission da corps midical, pour Tavenir de la patrie fran^aise ! 

Maule (Seine-et-Oise), 25 fivrler 1898. 

D' Pecker, 



BBVUB PHttAHTHROPIQCB. — U. 49 



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770 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

Le Recrutexnent des Inflrmiers et Inflrmiires des H6pitaax 

de Paris. 

M. Peyron, directeur de rAssislance publique de Paris, vient 
d'adresser la circulaire suivanie aux directeurs d'^tablissements 
hospitallers : 

Monsieur le Directeur, 

Aax termes de la circulaire du 20 aodt 1897» les inflrmiers, inflrmi^res, 
gardens et flllesde service sent soumis &un examen medical, mais ils ne 
subissent cet examen qu'aprds qu'ils ont €U recrut^s et d6j& mis en 
fonctions. 

L'exp^rience ayant fait ressortir les nombreux inconv^nients qui 
r^sultent de ce mode de proc^der, j*ai d6cid6que Texamen d'aptitude phy- 
sique pr^c^derait d^sormais I'admission des inflrmiers et infirmiferes et, 
afin que cette mesure n'apporte aucune entrave k la marche du service 
des ^tablissements, je me suis enlendu avec Messieurs les m^decins char* 
g^s de Texamen medical dans les hdpitaux Cochin, Boucicaut et Bichat, 
pour que cetle visite ait lieu, non plus deux fois par semaine, mais bien 
chaque matin ; je yous prie done de mettre d^s maintenant en pratique 
ces nouvelles instructions. J'ajoute que, pour ^viter le retonr de fdcheuses 
indiscretions, j'ai invit6 MM. les directeurs des hdpitaux dans lesquels a 
lieu la yisite, k ne plus remettre directement aux int6ress6s le ceriificat 
medical qui leur a ^t^ d^livr^, mais bien k le faire parvenir k leurs col- 
logues sous pli ferm^ et par TintermOdiaire du secretariat general, cette 
transmission pouvant et devant Hre assur^e dans la journee m6me de la 
visite. 

D'antre part, mon intention a ^t^ souvent appelOe sur les longs et 
pOnibles dOplacements qui sent imposes aux inflrmiers et aux inflrmiOres 
en qudle d'un emploi. Je desire faciliter leurs recherches dans la mesure 
du possible, et le moyen le plus pratique d'atteindre ce but, m'a paru dire 
d'afficher tous les matins k TAd ministration centrale la liste des emplois 
vacants. 

Je YOUS prie done de faire connattre chaque matin, au Bureau du Per- 
sonnel, le nombre d'emplois non grades qui pourraient etre vacants dans 
votre etablissement, en ayant soin d'indiquer, pour cbacun d'eux, s'il 
s*agit d'un emploi d'homme ou de femme, de jour ou de vellle, et depreci- 
ser la nature do service: m^decine, chirurgie, accouchement ou service 
general. 

Les etablissements qui, chaque matin, font connaitre au chef-lieu, par 
telephone, la situation des lits de malades, n'aurout qu'4 faire suivre cette 
derniere communication de leur demande de personnel ; les autres mai<» 
sons en feront Tobjet d*une communication speciale qui devra, en tout 
etat de cause, etre parvenue k I'administration, avant onze heures du ma- 
tin : quant k ceux des etablissements qni ne sent relies au chef-lieu ni par 
le telephone ni par le teiegraphe, ils auront k m*informer par lettre des 



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INFORMATIONS. 771 

yacances d'emplois auxquelles il y aurait lieu de pourvoir ; de ces diverses 
indications, ii sera imm^diatement form^ une liste g^n^rale, qui sera afH- 
ch^e au Bureau du Personnel et que les int^ress^s pourront consulter de 
neuf heures da matin k cinq heures du soir. 

II demeure bien entendu^ue den n'est innovd dans le mode de recru- 
tement du personnel non grad^» et que c'esl k vous qu'il appartient, comme 
par le pass^, de choisir ces agents, en vous entourant de tous les rensei- 
gnements utiles. 

Je vous prie de m' accuser reception de la pr^sente circulaire. 



Recompenses aax Mtoes nourrices. 

M. Albert Montheuil a expose dans la Bevue municipale le syst^me suivi 
par le Bureau de bienfaisance du XY* arrondissement, sur initiative de 
son secrdtaire-tr^sorier, M. Tessoo, pour la distribution des secours d'allai- 
tement. Non seulement dans cet arrondissement on proportionne, en quel- 
que sorte, le secours rSgulier d'allaitement aux soins que re^oit Tenfant, 
augmentant on diminuant cette allocation suivant que le nouveau-nd parsdt 
mieux ou moins bien traits, mais on accorde des primes en argent, avec 
dipldmes, aux m^res qui se sont le mieux acquitt^es de leur sainte fonction 
de nourrioe. Tous les trois mois, les m^res-nourrices sont r6compens6es 
dans une c^Hmonie publique, k la mairie, en presence des reprSsentants 
de lamunicipaliU et des membres du Bureau de bienfaisance. 

La nouvelle institution fonctionne depuis le mois de mai 1897 ; les m^res 
nourrices qui se sont bien acquitt^es de leur tdcbe, re9oivent une prime 
d'argent de 25 ou de 50 francs et un certiAcat attestant officieliement les 
bons soins qu'elles out doun^s 4 leurs enfants. 

M. Dard, adjoint au maire du XV* arrondissement, fatsait connaitre, a 
la derni^re distribution des recompenses, que la proportion des laureates 
augmente sensiblement depuis la fondation de Tceuvre. 



Hospitalisation et Traitexnent des Tmbercaleux. 

En r6ponse k une demande de renseignements formulae par plusieui^s 
delegations cantonales, le Prefet de la Seine a adresse k ces delegations, 
le 11 Janvier dernier, une Circulaire k laquelle nous empruntons le passage 
suivant : 

« L' Administration de TAssistance publique fait en ce moment con- 
struire k Angi court (Oise) un Sanatorium pour la tuberculose. D'autro part» 
et conformement aux indications de la Commission specialement instituee 
en vue de recbercher les moyens de combattre la tuberculose, TAdmini- 
stration poursuit la creation, dans divers hdpitaux d'adultes,de divers ser- 
vices reserves auta*ailementde cette affection. Un de ces services fonctionne 
dej4 k Lariboisi^re, un second est envoie d'installation k I'bdpital Laennec; 
d'autres seront prochainement crees. Ces services etant d'ailleurs destines 
k tous les malades parisiens, sans distinction de profession, les instituteurs 



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712 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

et institutrices pourront y 6tre admis; j'ajoute qu41 en sera de m^me k 
I'hdpital d'Angicoiirt. 

« En ce qui conceroe les enfants iuberculeux, rAdministration de FAs-* 
sistance publiqne ne dispose actnellement d^aucun service d'h6pital oil ils 
puissent Hre sp^cialementadmis. J'excepte pourtant la tuberculose osseuse 
qoi est trait^e k notre grand hdpital de Berck. Les admissions k cet ^ta- 
blissement sont subordonn^es k la decision d'une commission m^dicale 
qui se r^unit une fois par mois, dans chacun de nos hdpitaux d'enfants : 
Trousseau. et les Enfants-Malades. 

« Pour le traitement des enfants atteints de la tuberculose pulmonaire, 
je rappelle que la Ville de Paris subventionne rceuvre des Enfants tuber- 
culeux (rue MiromesniU n*' 35), qui doit mettre 20 lits^ sa disposition dans 
son ^tablissement d'Ormessoo. » 



Les Prix de vertn de Reims. 

L'Acad^mie frant^ise n'est pas seule k distribuer des prix de Tertu, et 
la ville de Reims est entree dans cette voie depuis 1887, grice k rinitiative 
du maire de F^poque, M. le docteur Henrot, directeur de TEcole de m6de- 
cine et membre du Gonseil sup^rieur de I'Assistance publique, dont le nom 
est loujours associ^ aux bonnes oenvres de la ville qu'il a longtemps admi- 
nistr^e . 

Tons les ans, une somme est distribute en prix de vertu; le credit, 
qui a d'abord 6t6 de 12000 francs, s'^l^ve actuellement k 26000 francs. Les 
prix sont distribu6s solennellement, la liste des bienfaiteurs est proclam^e, 
et les b^ros du travail et du devoir recompenses. 

La derni^re c^r^monie, pr^sid^e par M. Georges Picot, n'a pas offert 
moins d'int^r^t que ses devanci^res. La nomenclature des lib^ralit^s, dons 
et legs, publi^e par Vlnd^endant R^mois, est beureusement tr^s longue; 
le total s'en ^l^ve k la somme' de 625000 francs, donnas aux diffdrentes 
institutions et oeuvres charitables de la ville, sans compter les 26000 francs, 
distribu^s en prix et livrets de caisses de retraites. 

Une de ces lib^ralit^s doit 6tre nol^e ; elle conceme la construction 
d'un bospice, destin^ k recevoir 40 vieillards des deux sexes, dot^ par 
M. F^lix Boisseau, selon le d§sir exprim^ par sa soeur M"»« Eug. Rcederer. 

Le rapporteur a dH constater que, si les dons augmentaient, la pauvret^ 
augmente ^galement et daus des proportions efTrayantes ; le nombre des 
demandes pour les prix de vertu, g^n^ralement justifl4es par le besoin et 
Tinfortune, ont 6t^ de plus de 300. 

Ge bel exemple de decentralisation philanthropique — imit^ de M. de 
Montyon et de TAcad^mie francaise — m^rite d'etre connu et vulgarise. 



Gongr^s du Patronage des Lib^r^s de Lille. 

Gonformement k la decision prise par le Gonseil central de VUnion 
des SociiUs de patronage de France, dans sa stance du 16 decembre i806. 



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INFORMATIONS. 773 

ie quatri^me Gongrds liational du Patronage des lib^rSs se iiendra cette 
ann^e k Lille, du 30 mai au i*' juin, sous les pr^sidences d'honneur de 
M. le president du Conseil, ministre de rAgriculiure, de M. le garde des 
sceaux, ministre de la Justice, de M. le ministre de I'lnt^rieur, de M. le 
ministre de Tlnstruction publiqae et de M. le ministre des Colonies, et sous 
la pr^sidence eflfective de M. F^iix Yoisin, conseiiler k la Gour de cassation, 
membre da Gonseil supdrieur de TAssistance pubtique, president de la 
SocUte de Pi*otection des Engages volontaires. 

Ge Gongr^s comprendra trois sections et une conference Internationale, 
dont M. Jules Le Jeune, ministre d'J^tat du royaume de Belgique, a bien 
voulu accepter la pr^sidence. 

Les questions suivantes y seront discut^es : 

!'• SECTION. Uommes, — 1<> De Tengagement militaire des condamn^s 
correctionnels. 

%^ Quelles sont les relations k ^tablir entre les institutions d'assistance 
et les ceuvres de patronage, en vue de pr^venir la mendicity et le vaga- 
bondage. 

2* SECTION. Ewnmes. — i® De Torganisation des refuges pour jeunes lilies 
et femmes lib^r^es. 

2<» L'expatriation des femmes condamn^es pr6sente-t-elle certains avan- 
tages au point de vue du reclassement? Dans Taffirmative, k quelles cate- 
gories de condamn^es pourrait-elle s'appliquer? 

3* SECTION. Enfants. — i^ Des moyens d'organiser la surveillance des 
enfants patronn^s places chez des particuliers, et du concours k obtenir 
dans ce but des oeuvres et des autorit^s locales. 

2^ Des ameliorations k introduire dans la pratique judiciaire en mati^re 
de correction paternelle. 

CONFERENCE INTEB NATION ALE 

jo Do rapatriement des mineurs etrangers en*danger moral. 

2^ Des mesures k prendre en vue de faciliter le patronage dans leur 
pays d'origine des individus expnls^s. 

La stance solennelle d'ouverture aura lieu le lundi dela Pentecdte 30 
mai. Les sections se reuniront pour la premiere fois le mSme jour k 1 heure 
et demie. Pendant leur s^jour k Lille, les membres du Gongr^s pourront 
visiter les diverses oeuvres regionales qui interessent le Patronage. 



L'Inspection xn^dicale des licoles pHinaires de Paris. 

La circulaire suivante a 6i6 transmise par les maires des vingt 
arrondissements anx medecins-inspecteurs de la Ville de Paris. 

Paris, le 12 fevrier 1898. 
Monsieur le Docteur, 

• Aux termes de Tarticle 13 du r^glement de I'inspection m^dicale des 
ecoles primal res et des ^coles maternelles publiques de la Ville de Paris, 



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77i REVUE PHILANTHROPIQUE. 

les m^decins inspecteurs des Scolesdoivent, une fois par mois an moins... 
proc^der k un examen attentif et individuel des enfants au point de vne 
des dents, des yeux, des oreilles et de T^tat g^n^ral de la sant4. 

Un bulletin certifl4 par le m^decin-inspecteur et destine k la famille 
sera remis k chaqne enfant qui serai t reconnu presenter une affeclion de 
la bouche, des yeux ou des oreilles oudont F^tat g^n^ral n^cessiteraitune 
surveillance ou des soins particuliers. 

J'ai rhonneur, monsieur le docteur, de recommander k toute votre 
attention Timportance de ces prescriptions et particuli^rement celle rela- 
tive k la ?isite individuelle. 

Veuillez agr^er, etc., etc. 



Operations de la Gaisse nationale d'lipargne en 1896 (1). 

Le nombre des versements effecta^s, dans le cours de 1896, s'est ^levd 
k 2803412, repr^sentant une somme totale de 355274279 francs. La 
moyenne par versement a 6t^ de 127 francs (144 francs en 1895). 

Le nombre des remboursements s'est 6ieT6 k 1 375 703, pour uq montant 
total de 342522859 francs. La moyenne par remboursement a ^l^ de 
149 francs (270 francs en 1895). 

L'exc6dent des versements sur les remboursements n'est que de 
12751419 francs, en diminution de 30271 315 francs, sur Texc^dent con- 
stats en 1894,qui se montait k 43 022 734 francs. G'est 1^ une consequence 
de la loi du 20 juillet 1895, qui a StS appiiqu6e intSgralement It partir du 
1" Janvier 1896, et d'aprSs laquelle le montant maximum des d^pdts se 
trouve abaissS k i 500 francs. 

Le nombre de comptes existant au !«' Janvier 1896 ^tait de 2486952. 
Dans le courant de I'exercice, il en a 6t6 ouvert 466957 nouveaux et il en a 
6U soldS 271001. Le nombre de comptes existant au 31 dScembre 1896 
s'Slevait, par consequent, 42682908. 

L'avoir des deposauts,au 31 dScembre 1895, se montait 4 753458 528 fr. 

Au 31 decembre 1896, il atteiguait 784950207 francs, accusant ainsi une 
augmentation de 31 491 679 francs pendant Texercice. 

Depuis le debut de Finstitution, le nombre et le montant des versements 
annuels ont ete presque constamment en augmentant. 

Ainsi, en 1882, le nombre des versements etait de 473 155 et leur mon- 
tant de 64628663 francs, tandis qu'enl896, il a 6te de 2799158, reprSsen- 
tant une somme de 355208086 francs. 

Le nombre des versements s'est accru cbaque ann^e (sauf en 1893). Le 
montant des versements a subi quelques oscillations ; nSanmoins, la 
marche genSrale de ces chiffres est en accroissement. 

Les frais d'adminislration se sont Sieves en 1896 k 3329476 Arancs. lb 
ne repr^sentent que 0,42 p. 100 des sommes dues aux d^posants au 31 d^- 
cembre, dont le chiffre est de 784950207 francs. 

J) D'aprfts le rapport officiel, en date du20 novembre 1897 public au 17 Janvier 
1898. Journal Officiel, 



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INFORMATIONS. 



775 



Au 31 ddcembre 1896 il exi8tait2682908 livrets en circolation sar les- 
quels 1 093065 livrets de 20 francs et au-dessons. 

II a ^16 d^livr^, en i896, 466957 livrets nouveaux, dont 270154 kdes 
hommes et 196 803 k des femmes. En void le classement d'apr^s le sexe 
et la profession des d^posants : 



Designation. Hommes. Femmes. Total. 

Chefs d'6tal>lissements agricoles, in- 
dustrials et commerciaux 23153 6989 30142 

Joumaliers et Guvriers agncoles. . . . 38414 11170 49584 

Ouvriers d'industrie 49843 26512 76355 

Domestiques 25379 40788 66167 

Militaires et marins 19025 259 19284 

Employes 34062 9209 43271 

Professions lib^rales 11760 5174 16934 

Propri6t«dres, rentiers et personnes 

sans profession 16712 50712 67424 

Mineurs n'exer^ant aucune profession. 51103 45766 %869 

Nomades 703 224 927 

Totaux 270154 196803 466957 



Proportion 
p. 100. 



6,48 

10,62 

16,37 

14,18 

4,13 

9,27 

3,63 

14,44 

20,76 

0,12 



100,00 



Gette division des livrets est sensiblement la m^me que celle observ^e 
au coursdes ann6es pr^c^dentes, sanf une 16g6re diminntion daDs la cat6- 
gorie des d^posants propridtaires, rentiers et personnes sans profession 
(14,444 p. 100 au lieu 18,22 p. 100 en 1895). 

En outre, 441 livrets ont ^t6 d61ivr4s i des soci6t^s, dontvoici la desi- 
gnation : 

Ddsignation. Nombre. 

Soci6t6s de secours mutuels 198 

Syndicats ou associations professionnelles 52 

Ck)mpagnies de sapeurs-pompiers 27 

Ck)mices agncoles 4 

Cercles d''officiers 11 

Cercles et mess de sous-offlciers 11 

Soci^t^s de cooperation 14 

Soci6t6s de bienfaisance 29 

Soci6t6s diverses 95 

Total "441 

CAISSE NATIONALE d'aSSURANGES EN GAS DE D^G^S 

Op^ations et situation en 189^. — Le nombre des assurances indivi' 
duelles contract^es en 1896 est de 83, et le capital assure correspondant 
s'ttfeve 4117 448 francs. 

Deduction faite des r^glements de sinistres et des annulations> le mon- 
tant total des capitaux assures, au 31 d^cembre 1896, est de. 3016613 fr. 

Au 31 d^cembre 1895, ce monlant etait de 3037 218 fr. 

.11 y a done eu diminution de 20605 fr. 



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176 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

' II a ^t6 encaiss^ pour le compte des assurances individuelles 1 074 
primes repr^sentant une somme de 68393 francs. 

Les capitaux pay6s au d^c^s s'^l^vent k 45561 francs ponr 24 polices.Ils 
sont, par rapport aux primes de Tannic, dans la proportion de 65 p. 100. 

Les assurances collectives, contract^es en 1896 par les soci^t^s de se- 
coursmutuels approuv^es, sont au nombre de 69 et comprennent 1333B 
membres participants. Les primes afT^rentes k ces assurances se montent 
a 66750 francs. Les payements de capitaux assures, y compris les rem- 
boursements de primes, formentun total de 92780 francs. L'exc^dent des 
d^penses sur les recettes, en ce qui concerne les assurances coUectiyes, 
est done de 16030 francs, et les payements repr^sentent 120 p. 100 des 
primes correspondantes. 

Les fonds places ont produit 37709 francs d'int^rdts. L'exc^dent des re- 
cettes totales sur les d^penses totalcs de la Gaisse ressort k 41 763 francs. 

Le montant total de Tactif a 6t6 de 1240664 

Le montant total du passif. . 1026045 

Soit un exc^dent de Tactif sur le passif 214619 

L'exc6dent constats au 31 d6cembre 1895 6tait de 207591 

II y a eu, par suite, augmentation d'exc^dent, pour 7 028 

L'augmentation de Texc^dent de I'actif sur le passif a pour cause, en 
premier lieu, Texistence m^me d'un exc^dent, d*oii r^sulte un revenu sn- 
p^rieur k celui de la reserve math^matique normale. EUe provient aussi 
de ce que les titres de rente qui composent Tactif produisent inl6r4t k un 
taux l^g^remeut plus 61ev6 que ie taux des nouveaux tarifs, d'apr^s les- 
quels les charges sont calcul^es. 

CAISSB NATIONALS D*ASSURANGES BN CAS D^ ACCIDENT 

OpH'ations et situation en 4896, — Les cotisations yers^es en 1896 sont 
au nombre de 1 488 et repr^sentent une somme de 9 460 francs. 

Les indemnit^s allouees aux viclimes d'accident on k lenrs ayants droit 
se montent k 6800 francs et se composent de 6400 francs yers^s k la Gaisse 
nationale des retrailes pour constituer deux pensions et de 400 francs al- 
lon^s en cas d|accident ayant entrain^ la mort. 

Les int^rdts produits par les fonds places s'^l^yent k 202782 francs. 

Les recettes totales ont 6t6 de 212714 francs, et les d^penses totales de 
7 475 francs ; ce qui porte I'exc^dent des recettes de Tannic a 205239 francs. 

Depuis Torigine de la Gaisse (11 juillet 1868) jusqu'au 31 decembrel896, 
les primes vers^es, au nom de 39654 assures, forment un total de 
251 516 francs. Les r^glements de sinistres iet iesfrais accessoires n'ont en- 
train^ qu'une d^pense de 190 216 francs, qui n'a atteint que 75,63 p. 100 
des yersements et laisse un exc6dent de 61 299 francs. 

Sur les 39654 assurances, la Gaisse n*a eu k r^glerqueSl sinisfres,dont 
61 ayant occasionn^ une incapacity permanente de travail et 20 ayant 6t6 
Suivis de mort. 

G'est une moyenne de 2,0i par 1000 assures, dont 1,54 est d'incapa- 
cit^ permanente, et 0,50 cas de mort. 

Le nombre moyen des personnes assur^es annuellement est de 1 416. 



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INFORMATIONS. in 

La Protection de PEnfanoe. 

Nous recevons communication de Tappel suivant : 
Aux Grands Noms de France. 

EXP0S6 ET BUT DE LA SOCI6t6 FRANgAISE D'ENCOURAGEMENT 
AUX BONS SOINS DE l'eNFANT 

La France est certainement le pays da monde oti la protection de I'en- 
fant est le plus en honneur. Mais il s'en faut de beaucoup que, pr^conis^e 
en principe, elle soit r^alis^e dans la pratique. 

Les enfants sent Tavenir de la Soci6t6 et de la Patrle. La mortality qui 
s^Yit si afTreusement k T^poque du premier dge fait considSrer la mani^re 
de les Clever comme une question vitale du plus grand inter^t. 

Plac6 dans une situation sp^ciale, en contact joumalieravec les enfants 
des families ouvri^res, j'ai ^16 frapp^ de la difference qui les distingue les 
ones des autre s. 

Dans les premieres, j'ai rencontrd I'ordre, la propret^, le soin, une 
femme intelligente et avenante, des enfants bien portants. 

Dans les secoudes, I'oppos^ de tout ceci : la salet6, le d^sordre, une 
femme ignorante, grossi^re, des enfants n^glig^s, ch^tifs. 

Une statistique bien entendue ^tablirait facilement les chances de la 
mortality qui s^vit dans ces divers milieux. 

A mon avis, il faut encourager les bons soins k donner k I'enfant, sur- 
veiller, conseiller, guider les m^res dans leur tdche difficile. 

C'est aux femmes elles-m^mes que revient la mission de protdger Ten- 
fant au berceau. Avec le ddvouement et Tardeur qu'elles apporlent a faire 
le bien, nul doute qu'elles ne r^ussissent en prenant en main la cause de 
I'Eufance. 

A lacampagne qui ne sait la toute-puissante influence que les personnes 
intelligentes et d^vou^es prennent ais6ment autour d'elles. 

^tendue k toute la France, leur action bienfaisan te en faveur des nou- 
Yeau-n^ serait comme un veritable patronage qui compi^terait icelui de 
la loi de 1874. 

C'est k ce titre que s'impose la creation d'une SocUU d*Encouragement 
aux bom soins de V Enfant. Gette oeuvre aurait pour but : 

L'education physique et morale de la premiere enfance par la propaga- 
tion dans les families de publications claires et precises sur Tart de bien 
Clever les enfants. 

Encourager les bons soins maternels en distribuant des mddailles 
d'encouragement aux m^res et aux nourrices qui auront 6i6 signal6es. 

Accorder des prix en argent aux families charg^es d'enfants qui, se 
trouvant dans une situation n^cessiteuse, auront fait tout le possible pour 
les Clever convenablement. 

R^compenser par des mSdailies d'honneur les personnes qui se seront 



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778 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

distingu^es par leurs actes, leurs travaux, leur d^voaement pour les 
enfants. 

L'oeuyre nouvelle ne soalagera done pas les infortanes. Elle laissera ce 
soin aox admirables oeavres d'assistance qai poursaivent ce but, mais elle 
les servira utilement en pr^venant souveat les maux. 

A ceux qui ue comprendraient pas Tutilit^ de Taction de cette (BUTre,& 
ceux qui diraient : Quels avantages voyez-vous k d^cerner nn morceaa de 
bronze k une pauvre villageoise? 

Nous r6pondrons : » Dans ces m^dailles d'encouragement et de d^voue- 
ment nous y voyons une grande puissance. Par experience nous sa?ons 
que rieu n'agit plus sur les espcits simples que de voir combien on porte 
d'int^rdt k leurs actes et surtout de soUicitude k leurs enfants. 

Dans ces milieux surtout ou les cruelles ^preuves, la mis^re, les mauvais 
exemples endurcissent les coeurs, nos conseils, nos recompenses seraient 
nn puissant levier d'action et porteraient assur^ment leurs fruits en don- 
nant le r^confort moral pour la continuation des bons soins qui font Ten- 
fant robuste, sain et beau. 

Puissent done les classes sup6rieures, celles qui sent investies de I'in- 
lluence de la richesse ou du pouvoir, puissent-elles s'int^resser k cette 
oBuvre sociale pour laquelle je pr^vois un long et brillant avenir. 

G'est avee la plus grande confiance que je fais appel aux grands noms 
de France pour sa realisation. 

tDOUARD TRUCHON, 

D^l^gud de la Ligue FrtUemilU de* Enfants de France, 
Attach^ an service dos Enfantt Assists da d^partement de la Seine. 



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ECHOS 



Gonseil 8up6riear de rAssistance publique. — Par arrdt6 de 
M. le ministre de rintdrienr, le conseil sup^rieur de TAssistance pnblique 
est convoqu6 en session ordinaire pour le roercredi 16 mars coarant. 

Suivant Tusage, les stances se tiendront dans la salle des f^tes de 
I'Institution nationale des jeunes aveugles. 

L'ordre du joar de la session est flx^ comme suit : 1* Election du pre- 
sident et de deux vice-presidents; 2® Projet de revision du r^glement 
nt^rieur des etablissements hospitaliers. — MM. les docteurs Drouineau 
et Campagnole, rapporteurs; 3*> Projet relatif au recrotement du personnel 
secondaire des etablissements hospitaliers. — M. le docteur Napias, rap* 
porleur;4*> Projet relatif & Tlnstitution nationale de sourds-muets. — 
M. Paul Strauss, rapporteur; 5*^ Avis k ^mettre sur les demandes presen- 
tees par les communes en vertu de Tarticle 35 de la loi sur Tassistance 
medicale. — M. Rondel, rapporteur. 

L^OSuvre des enfants tuberculeuz. — L'assembiee generate de 
rCEuvre des enfants tuberculeux a eu lieu le 6 fevrier, dans la salle de la 
Societe des agriculteurs de France/sous'la presidence de M. Georges Picot, 
secretaire perpetuel de TAcademie des sciences morales et politiques. 

Apr^s une allocution du docteur flerard, M. Georges Picot a enumere 
les victoires que I'oDUvre remporte chaque annee sur le terrible mal de la 
tubercolose. A rh6pital de Villiers-sur-Mame, oti sont soignes les adoles- 
cents, les guerisons ont atteint, en 1897, la moyenne de 25 p. 100; k I'hd- 
pital d'Ormesson, qui ne recoit que des enfants, elles sont aliees jusqu'i 
34 p. 100. M. Georges Picot a vivement feiicite tons ceux au devouement 
desquels sont dus ces resultats. 

Puis M. d'Ayguevives, au nom de la commission des finances, a con- 
state la situation prospere de I'oeuvre ; enfln, le docteur Leon Petit a fait 
un chaleureux appel k des concours nouveaux qui en permettront le deve- 
loppement. 

Les M^deoins dans le d^partement de la Seine. — D'apres une sta- 
tistique dressee k la Prefecture de police, on compte dans le departement 
de la Seine et les communes de Seine-et-Oise (Enghien, Saint-Cloud, Meu- 
don et Sevres ressortissant k la Prefecture) : 

2 783 medecins, dont 2 463 k Paris : 



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•780 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

70 officiers de sant6, dont 62 k Paris; 

1 528 sages-femmes, dont 1 242 k Paris; 

225 chirurgiens-dentistes, dont 164 k Paris; 

i 315 pharmaciens, dont 1 032 a Paris ; 

392 dentistes, dont 347 k Paris. 

L'arrondissement qui poss^de le plus de m^decins est le VIII«, qui en 
compte 462; c'est Tarrondissement le plus riche. Gelui qui en a le moins 
est un des plus pauvres : c'est le XII^, avec 160. 

tie Legs Le Royer. — L'Assistance publique de Paris a 6t^aQtoris6e k 
accepter le legs universel qui lui a ^t4 fait par M. Le Royer, ancien presi- 
dent du S^nat; ce legs est ^valu^ 4 152 000 francs. Les hospices de la ville 
de Lyon sont l^gataires d'^gale somme. 

Le bureau de bienfaisance du Yl* arrondissement de Paris recoit la 
somme de mille francs. 

Infirmiers et Inflrmiires. -;- M. Pierre TUlier signale dansle journal 
Unfirmier, une ^mule de W^* Bottard, la glorieuse surveillante de la Sal- 
pfitriftre. 

M"^^' Aloncle, surveillante depuis 22 ans du service des ali^n^s du doc- 
teur Auguste Voisin, apparlient k la Salp^tri^re depuis le5avril 1849; elle 
compte 49 ans de service dans les h^pitaux ou elle s'estmari^e; elle a tra- 
verse trois epidemics de cholera, elle a plusieurs fois risqu^ sa vie aa 
contact et au service des ali^nSs. 

An mois de mai 1895, le President de la R^publique lui a remis une 
m^daille d'honneur. 

M. Pierre Tillier pense que cette femme de bien et de devoir m^rite une 
plus haute recompense. 

. Pour les GouTalescents. — M. LeonBriere, president de I'Association 
de la presse republicaine departementale et directeur du Journal de Rouen, 
qui avait fait don Tann^e derniere d'une somme de 50000 francs k la Society 
protectrice de Tenfance, vient de faire un nouveau don de 50 000 francs k 
la societe TAssistance aux convalescents. Voici les principaux passages de 
la lettre adre^s^e par M. Bridre au president de la society TAssistance aux 
convalescents, pour lui annoncer Tenvoi de cette somme : 

« Le spectacle de la vie m'a appris de longue date k combien de paayret 
gens la maladie apporte la misdre et la mine en ^puisant leurs minces et 
meritoires economies et en entratnant souvent la perte de I'einploi qui 
assurait leur existence et celle de leur famille. 

. « Lorsque, sufilsamment gueris pour t^der k d'autres leur lit d'hdpital, 
mais trop debiles encore pour reprendre leur ancien travail, lis se trouvent 
dans la rue sans abri et sans pain, c'est votre Societe qui, pour ces jours 
d'incertitude et de detresse, leur garantit un gite, la nourriture et repare 
leurs forces, tandis qu'ils cherchent, souvent de^us dans Idurs penibled 
demarches, une plape k Tusine ou k I'atelier. 

« Je ne connais pas d'oDuvre plus digne que la\dtre. II a manque josqu'ici 
ivotre Societe de jouir des avantages attribues aux oBUvres reconnues 



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feCirOS. 78f 

d'utilitd publique. G'est poor vous mettre dans les condiCions requises pom: 
obtenir cette reconnaissance que je voire prie d'accepter les 50000 francs 
que je vous offre en souvenir de M"*" Elisabeth et Marguerite Bri6re. » 

Lecture ayant ^t^ donn^e de cette lettre k i'assembl^e g^n6rale de la 
soci^t^ « I'Assistance auz convalescents », Tassembl^e a vot^ par acclama- 
tion que tons les membres de la Soci^t^ iraient, aprds la reunion, porter 
k M. Bri^re I'expression de ieur bien vive reconnaissance. 

Liguenationale centre rAlceelisme. — Le bureau de la Ligue natio- 
nale centre Talcoelisme (Soci^t^ fran^aise de temperance), pour 1898, est 
constitu6 de la fa^on suivante : president, docteur A. Motet; vice-presi- 
dents, docteurs Bouchereau et Gouraud, MM. Gbeysson et Glandaz; secre- 
taire general, docteur E. Philbert; secretaires generauz adjoints, docteurs 
Audige et Moreau (de Tours) ; secretaires des seances, docteurs Garra et 
Roubinowitch; bibliothecaire-archiviste, docteur Gruet; tresorier, M. Bar- 
taomieux. 

LeLegsDessalgnes. — M.PhilibertDessaignes, ancien mairedeGbam- 
pigny-en-Beauge et ancien depute, a legue au departement de Loir-et-Gber 
un million pour rbospitalisation et le traitement des epileptiques, idiots, 
aveugles et sourds-muets. 

Le Progris medical espdre que ce legs genereux aidera le departement 
de Loir-et-Gher k organiser lliospitalisation, le traitement et reducation 
des enfants anormaux et k completer ce qui a ete fait k I'asile de Blois, 
sous la direction de M. Doutrebente pour Fassistance des epileptiques 
adultes. 

Gears de rUnien des Femmes de France. — Les cours publics et 
gratuits organises par I'Union des Femmes de France, en vue de repandre 
les notions Indispensables de I'bygiene, ainsi que les connaissances neces- 
saires pour secourir les malades et blesses dans la famille, dans la rue et 
dans les services bospitaliers que cette Societe serait appeiee k creer en 
cas de guerre ou de desastres publics, out commence lundi 10 Janvier, k 
8 beures 1/4 du soir, dans les P', IVs X% XVI% XVIP et XIX« arrondisse- 
ments; mardi 11 dans les III*, XI<> et XV« arrondissements, le 12, dans les 
ns V°, VI* et XII® arrondissements et enfin jeudi 13 dans le VHP arron- 
dissement. 

Pour tous les renseignements, s'adresser au siege de la Societe, 29, 
cbaussee d'Antin. 

Les Faux Pauvres. — D'apr^s VAurore, le Gonseil municipal de 
Gbartres vient de prendre une interessante decision. Une mendiante se- 
courue par le Bureau de bienfaisance, ayant laisse dans sa paillasse, k sa 
mort, un joli magot, le Gonseil municipal a decide d'intenter auz heritiers 
un proces en restitution des secours inddment touches par la defunte. 

laa Croiz-Rouge fran^se. —La Societe de secours aux blesses mill- 
taires (Groix-Kouge fran^aise), presidee par le general due d'Auersteedt» 



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782 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

grand d&AOceliei de la Legion d'honneor, a ouvert la session annnelle de 
ses cours Inndi H Janvier, k son si^ge central, rue Matignon, 19. 

Ges cours sont destines k renseignement des inflrmiers et des dames- 
infirmi^res de la s6ci4t^;ils soront continues to as leslundis^^troisheures, 
jusqu'au 27 mars. 

Les professeurs charges de ces cours so&i le docteur Gautru, laor^at de 
la Faculty de m^decine, le docteur Maurice GaziB« chef de clinique chirur- 
gicale k THdtel-Dieu, et M. Jean Roger, interne des M|ttUttx. 

Le docteur F^lix Allard, licenci^ 6s sciences physiques, et le docteur 
Lucien Picqu^, chirurgien des h6pitaux de Paris, feront des conftences 
qui seront annonc^es ult^rieurement. 



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HEYUES ET PUBLICATIONS FRANgAISES 



M. Maurice Colin expose, dans la Revue polUique et parlementairet 
les r^sultats obtenas en \lg6rie par la creation d'hdpitaux indigenes; il 
rappelle combien les musulmans ^prouvent de r^pngnance k b^n^ficier de 
Tassi stance hospitali^re k laquelle lis ont droit comme tons les autres 
habitants. En 1890, sur 50282 malades hospitalises en Alg^rie, flgurent 
settlement 6 477 indigenes musalmans, soit une proportion d'un peu plus 
de 12 p. 100, alors que la population europ^enne n'atteint pas 500000 dines 
et que la colonie compte plus de 4 millions d'indig^nes. 

« Gette repugnance des indigenes k entrer dans nos hdpitaux s'accusesi 
nettement qu'elle a donn^ favour kcette id^e qne,mdmeappropriee kleurs 
habitudes sociales et religieuses, rhospitalisalioa ne saurait leur convenir. 
Groire qu'ils Taccepteront jamais, c'est, dit-on, oublier leur fatalisme. 
Envoy^e par Dieu, la maladie doit 6tre accept^e avec resignation. S'effor- 
cer de la gu^rir, c'est s'insurger coutre les arrets d'en haut. C'est a Dieu 
seul qu'il appartient de retirer le mal qu'il a envoye. £videmment ce fata- 
lisme n'est point fait pour d^plaire dans certains milieux algedens, oii Ton 
pense volontiers que Fadministration se detourne de sa mission quand elle 
se pr^occupe des int^rets et des besoins des indigenes. Faut-il dds lors 
s'etonner qu'on Vy ait accredit^, qu'on I'y invoque encore? II n'est rien 
moins qu'orthodoxCi Loin dedeiournerle croyant des soins ^apporter aux 
maladies dont il est frappe, la vraie doctrine musulmane lui fait un devoir 
de les rechercher. Une petite brochure, publiSe il y a quelque temps 
par les soins du gouvemement general, a r^uni un certain nombre de 
kadiths (1), qui sufQsent h faire justice du pr^tehdu fatalisme trop gratui- 
tement pr6te aux musulmans algerieus. » 

Si Fhospitalisation commune r^pugne aux indigenes, c'est qu'elle blesse 
leurs habitudes et leurs croyances; I'experience tentee par le cardinal 
Lavigerie le prouve, puisque Fh^pital ouvert par lui k Saint- Cyprien-des- 
Attafs a brillamment r^ussi. C'est dans cette voie que s'est engage M. Cam- 
bon, par la creation des hdpitaux indigenes d'Ouarzen en Kabylie et d'Aris 

(1) Ce sent les preceptes et les paroles du prophdte qui, sans avoir trouve 
place dans le Koran, ont ete recueillis et conserves par la tradition. 



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784 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

dans TAurfes; cesdeux hdpitaux ne sont pas moins fr^quent^ qae le pre- 
mier. Ges iniiiatiyes du gouvemement francais ont excite les plus viyes 
sympathies des musulmans. 

« La construction de rhdpital d'Aris notamment a 6t6 pour les tribus de 
TAur^s I'occasion d'un mouvement populaire analogue k ceux qui, au moyen 
dge, vouaieut des populations enti^res k r^diOcation de ces merveilleuses 
cath^drales gothiques dont peuvent se glorifler tant de vieilles cit^s fran- 
Raises. Adoss6 k Tun des contreforts du Boutriel, le nouvel h6pital doinine 
une ^troite valine, sans autre moyen de communication que d'abrupts 
sentiers de montagne, k peine des chemins de ch&vre. La route la plus 
rapproch6e s'arrdte k plus de 30 kilometres. G'est k dos d*hommes, d'does ou 
de mulets qu'il a fallu transporter k Aris lous les mat^riaux n^cessaires k 
la construction de Thopital. II sufOt d'en examiner les proportions pour se 
rendi'e compte des innombrables joum^es que repr^sente un semblable 
labeur.Eh bien,tout ce labeur a ^t^ le fait gratuit et yolontaire des tribus 
aur^siennes appel6es k b6n6(lcier de Th^pital. » 

M. Marcel Baudouin plaide, dans le bulletin du ProgrH midical, en 
favenr de Tenseignement de Thygi^ne au village. 

it Gbacun sait que» dans un grand nombre des ^coles communales 
de gardens, se font le soir des cours sp^ciaux, qu'on appelie des cours 
d*adultes. Depuis quelque temps, on a institu^, avec raison, des cours ana- 
logues daus les ^coles de filles ; et il est k souhaiter que cette innovation 
acqui^re I'extension qu'elle m^rite. 

« L^ oil les divergences d'opinion commencent k se faire jour, c'estlors- 
qu'il s'agit de r^gler le programme de ces cours. Que faut-il enseigner k 
une jeune Olle de quinze k vingt ans, en dehors, bien entendu, des con- 
naissances indispensables k toute personne de cet Age? Evidemroent les 
notions ^l^mentaires dont elle aura besoin quand elle sera devenue k son 
tour une m^re de famille I Parmi ces notions indispensables, il faut citer 
en premiere ligne Thygidne des mdres et des b6b^s ; et nous vouLons nous 
borner ici k ces seuls points, pour ne pas sortir de notre domaine accou- 
tum4. 

« II faut avoir pratique la mSdecinedans nos villages perdus du fond de 
la Bretagne et de la Vendue pour comprendre Tint^nftt social qu'il yak 
engager les jeunes paysannes, sachant aujourd'hui presque toutes lire, k 
suivre ces cours du soir, dans les 6coles de leurs bourgades, cours peadant 
lesquels on les initierait aux soins el^mentaires de propret^ etsurtout k la 
fa^n dontil convient d'alimenter lespetits enfants. Dans les campagnes. 
en effet, les erreurs d'alimentation sont vraiment extraordinaires et on de- 
meure stup^fait quand on constate jusqu'd quel point peuvent aller Tigno- 
ranee et Tiucurie des mamans lesmieux inteutionn^es. 

« II est un excellent moyen d'int6resser, m^meles femmes, k ces cours 
du soir et les y faire assister. G'est, non point d'organiser des conferences 
th^oriques k grand orchestre, avec maire et depute k Tappui, comme on 
le fait trop, — jusqu'au village Torateur veut pontifier I — mais de simples 
causeries, accompagn^es de projections int^ressantes. Ge syst^me, orga- 
nist en particulier dans TOuest par la SocUtd pidagogique, donne d'excel* 



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REVUES ET PUBLICATIONS FRANgAISES. 785 

lent r^sultats aox divers cours dn soir, Jeunes gens et jeunes filles y 
yiennent avec plaisir voir la lanteme magique et les images varices qu'elle 
foumit. lis se flgurent qu'ils vont aa spectacle oa dans une baraqae de 
foire. Qu'importe, pourvu que le but soit atteint! 

« Pour ce qui concerne Thygi^ne des m^res et des enfants par exemple, 
il suffirait de confier k chaque inslituteur quelques plaques relatives k ce 
sujet; comme dans presque tontes les ^coles il y a actuellement de ces 
appareils k projections, on obtiendrait de la sorte an enseignement 
gratoit, qui porterait rapidement ses fruits. Gomme ces plaques pourraient 
circuler d'^coles en ^coies, par Tinterm^diaire de la Soci^t^ p^dagogique 
ou d'une autre institution analogue, on n'aurait besoin d'en faire faire 
qu'un tr^s petit nombre : ce qui entralnerait k des frais de premier ^ta- 
blissement tr&s minimes. Les soci^t^s d'bygi^ne et en parliculier la 
Society de Midecine publique et d^HygUneprofessionnelle s'honorerait certai- 
nement enprenant en I'esp^ce une initiative tr^s ^clair^e. Elle rendrait 
an service immense k tout le pays a I'aide d'une tr^sl6g^re misede fonds. 
NoussoubaitoDS en tons cas qu*elle s'int6resse k cette id6e daos la mesure 
de ses moyens; car nous savons qu'ils sont grands! » 

Les Annates frangaises des sourds-muets, un nouvei organe, publient surla 
signature de leurdirecteurM.Bertoux un article dans lequel i'auteurse plaint 
que la loi sur Finstruction obligatoire ne soit pas appliqu^e aux enfants 
sourds-muets; il conteste la statistique sur laquelle s'appuyait la commis- 
sion minist^rielle pour 6tablir que le nombre de ces enfants restant priv^s 
d'instruction ^tait insigniflant. « Mais sur quoi base-t-elle son affirmation ? 
Snr les statistiques ? II est d6montr^ qu'aucune statistique s^rieuse n'a 6ie 
faite depuis 1832. Encore on pretend, 6crit Tabb^ Carton, que le d^nom- 
brement a 6t^ trop pr^cipit^. Les autres statistiques n'ont 6il faites que par 
comparaison, que par analogie, que par deduction. EUes sont purement 
sp^culatives. Jugez-eu. La Convention porta le nombre des sourds-muets en 
Age de scolarit^ & 4000. Lachmann, de Jobn, de Scbmal, le fixent k 7000 
environ; 5 000 semble 6tre le cbifTre du D' Holger Mygind ; ce nombre 
serait loin d*6tre atteint suivant M. le D^ Ladreit de Lacharri^re, m^decin 
en chef de Tlnstitution nationale des sourds-muets de Paris. Le ministdre 
de llnt^rieur s'en tieut au chiffre de 4 000. 

« D'une statistique publico par M. Ludovic Goguillot, dans sonlivre : Com- 
ment on apprend d porter aux sourds-muets, il ressort que 3 619 enfants fr6- 
quentaient, en 1889, les 6coles sp^ciales. Si instructif soit-il, ce nombre 
ne nous dit pas la quantity d'enfants qui ne resolvent aucune instruction. 
Et cependant nous poss^dons les donn^es statistiques ^num^r^es plus haut. 
Gertes, je n'oublie pas que si les enfants en kge de scolarit^ sont au 
nombre de 5000 environ, pour prendre un chiffre moyen et que s'il y en 
a 3619 fr^quentant les ^coles, il rcste 1 300 sourds-muets expectants. Mais 
ce chiffre, tout mathematique qu'il est, est faux, archifaux, vous dis-je. 
Void pourquoi. — Ces donn6es ne sont pas susceptibles de comparaison. 
— Examinons-les. Voyons les ^l^ments qui entrent en leur composition. 
Des enfants de dix k dix-sept ans composent le premier; de sept k dix- 
sept ans, le second. Nul ne sait k combien s'61&vent les enfants compris 

RBVCE PBILANTHROPIQUE. — H. $0 



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m REVUE PHILANTHROPIQUE. 

entre sept et dix aDS. Par Ik oh voit ce que vaat ce nombre de 3 619 
comme terme de comparaison. 

« Voulez-vous coiinaitre le nombre exact des sourds-maets en France? 
proclamez pour eux rinstruction gratuile et obligatoire; dispensez les 
families des 400 francs qu'elles doivent quand leur enfant arrive h Tinsti- 
tution, ce qui 6vitera k de malheureux parents de ramener an village le 
pauvre sourd-muet et d'attendre, pour faire de nouveau le voyage de Pari«>, 
que la commune, ou le Gonseil g^n^ral, se soit d^cid^ d voter le montant 
du trousseau. Oui, si vous voulez savoir le nombre des sourds-muets en 
France, si vous voulez vous rendre compte qu'une population nombreuse k 
hospitaliser soufTre, faites une loi, et 6dictez-y des peiness^v^res contre les 
administrateurs des communes qui ne feront pas connaftre k temps les 
sujets dignes de profonde piti^ et auxquels la soci^td doit, qui oserait le 
contester ? la nourriture de Tesprit. » 

Le Bulletin de la Socidt^ des creches combat tout projet tendant k rendre 
Tinstitution des creches obligatoire. 

L'obligation impos^e aveugUment k tonte commune ayant une popu- 
lation d^termin^e pourrait cr^er, sur certains points, des ^tablissements 
peu utiles, et n'en cr^erait pas partout oh ils seraient n^cessaires ; ce n'est 
pas le nombre des habitants, c'est le nombre des ouvri^res qu'il faut con- 
sid^rer. 

D'autre part, cetle obligation, impos^e dans de pareils termes, abou- 
tirait k une augmentation d'impdts, k la creation de nouveaux fonction- 
naires, k la fondation d'^tablissements municipaux, qui, peul-6tre, accrof- 
traient I'influence et le prestige des personnalit^s municipales, mais qui 
seraient administr^s par des agents salaries, remplissant leur t^che sans 
goiU, uniquement pour gagner leur traitement. 

Ce qui importerait le plus, ce serait de supprimer les entraves qui ar- 
r^tent et paralysent les fondations. Ce serait d'encourager et de faciliter la 
creation d'oeuvres privies, entreprises et administr^es par des personnes 
qui s'y ddvoueraient avec copur et avec d^sint^ressement, sans Hre pous- 
s^es par Tappdt d*un traitement k toucher ou d'une decoration k soiliciter. 

II faudrait avant tout, comme le demandait en 1875 le fondateur des 
Creches et comme nous le demandons sans reldche dans ce Bulletin, enga- 
ger les commmunes k provoquer la formation d'oeuvres privies, marchant 
d'accord avec elles, mais avec ind^pendance, et k fournir gratuitement k 
ces oeuvres uu local. La difficult^ de trouver et de payer un local est en effet 
lepluss^rieux obstacle que rencontrent partout les Creches. L'affectaiion k 
Toeuvre d'un local serait la plus pralique, la plus efflcace, la moins on^reuse 
des subventions. 

II faudrait eusuite simpliiler, par une r^forme facile de notre legisla- 
tion et de notre jurisprudence administrative, les formalit^s qui entravent 
inutilement la fondation et la marche des Creches comme de toutes les 
oeuvres de bienfaisauce. 

11 serait notamment facile et utile d'accorder plus rapidement aux 
Crdches quelques-uns de ces droits civils que notre legislation actuelle ne 



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REVUES ET PUBLICATIONS FRANgAlSES. 787 

leur octroie que d'une main si avare et qui sont indispensables k toute 
oeuvre pour marcher, souvent m^me pour se coustituer. II faudrait que , 
sans recourir k cette solennelle reconnaissance com me ^tablissement d'uii-^ 
lit6 publique qui devrait Hve r^serv^e aux ceuvres d'une r^elle importance, 
unecBUvre etit facilement quality pour placer ses capitaux en son nom, 
pour prendre en location, sans 6tre forc4e de recourir k i'interm^diaire 
d'un pr6te-nom, le local qui lui est n^cessaire pour s'installer; nous pen- 
sons m6me qu'elle devrait avoir le droit d'en devenir propri6taire. 

La legislation des soci^t^s de secours mutuels offre, sous ce rapport, un 
modMe qu'il serait facile d'imiter en Tadaptant aux besoins des autres 
OBuvres. G'est depuis qnele d^cret du 26 mars 1852 a permis aux soci^t^s 
de secours mutuels approuv^es de poss^der en leur nom sans avoir le titre 
d'^tablissements d'utilit^ publique que ces soci^t^s out commence k se 
multiplier. Les progr^s considerables qu'elles ont faits, au grand avantage, 
lion seulement des classes ouvri^res, maisde la chose publique en g^n^ral, 
devraient ouvrir les yeux de Tadministration et lui prouver qu'un regime 
analogue k celui-ci, soumis, bien entendu, k certaines conditions soigneu* 
sement d^termin^es par la loi, pent avoir beaucoup d'avantages pour Tin- 
t^r^t public, et n'offre aucun danger, ni pour Tunit^ nationale, ni pour la 
s6xet6 de T^tat, ni m6me pour les finances publiques. 

Mais pour r^aliser cette utile et facile i^forme qui rendrait tant de ser- 
vices i la population ouvrt^re, quel'anteur de ces lignesavait demand^e, 
avait esp^ im instant obtenir d^s 1866, il faudrait qu'en France, au lieu 
du godtdes places etdu d^sir que la conflance en notre infaillibilil^ per- 
sonnelle inspire k cbacon de nous d'imposer aux autres samani^re devoir, 
nous eussions le respect et le godt de riniliative individuelle, la conviction 
g^n^reuse que, quand notre voisin agit, il a une bonne intention et agit 
pour le mieux. L'administration fran^aise.malgr^ les reproches qu'il est de 
mode de lui adresser et que notre legislation m^rite plus qu'elle, est intelli- 
gente, bien intentionnee et sympathique k Taction priv6e ; il serait digne 
d'elle d'entrer rSsolument dans la voie lib^rale et de tenter les moyens de 
faciliter les oeuvrer privies, au lieu de les entraver, bien malgr6 elle, par 
la seule force de rdgiements qui pr^tendent les diriger et les contr61er. 

La Revue m^dicale signale et commente un recent arrdt de la Gour d'ap^ 
pel de Bruxelles. 

Dans la plupart des villages de la banlieue bruxelloise, il existe des 
nourrices qui, moyennant remuneration, se chargent d'eiever les enfants 
qui leur sont confies. Le plus souvent, ce sont des enfants iliegitimes; le 
nourricier r^gle avec la m^re les conditions d'entretien, variant de iO jb 
30 francs par mois; parfois les payements continuent, parfois ils s'espacent 
ou cessent compl^tement. Quand le nourricier a du coeur et que ses moyens 
le lui permettent, il garde I'enf ant et s'en charge gratuitement; mais il 
n'est pas sentimental de necessity et il se debat peul-etre aussi contre une 
situation difficile. 

Un nourricier de Lombeek, k qui un enfant etait ainsi demeure « pour 
compte » s'adressa, au bureau de bienfaisance de la locality pour qu'il in- 
tervint dans le payement de la pension : le bureau refusa et les juges de 



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188 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

premiere instance ratiO^rentlc refus. La Cour a sanctionnS la m^me th^se, 
« atlendu que I'indigent n'a pas droit au secours ». 

Que va-t-il suivre de 1^? Ou que les nourriciers de banlieue refuseront 
dor^navant des pensionnaires, a moins d'un contrat en due forme, ce qui 
multipliera les infanticides; ou que, s'ils conservent Tenfant apr^s cessa- 
tion de payement, le pauvre^tre court le risque de nepaslongtemps vivre; 
11 sera, selon la pittoresque expression beige, « Iaiss6 dans un courant 
d'air ». 

M. Henry Lemesle s'expriine ainsi, dansle bulletin du Progrts medical, 
sur le cas du tueur de bergers : 

« Maintenant que Timpulsion ^pileptique a fait oeuvre grande et sans 
pr^c^dent, que le cycle de Vacher s'est accompli sons les yeux d'une gen- 
darmerie impuissante, Tappareiljudiciaire mis en mouvement depuis plu- 
sieurs semaines fonctionne comme d'usage et fonctionnnera, nous promet- 
on, jusqu'aux premieres cerises. Que sortira-t-il de toutcela? 

« Des ^l^ments de la cause consid6rSs inglobo, et sans p^n^trer la psycbo- 
logie de cenouveaunum^rodel'ali^nationd^linquante, dece d6g^n^r6cbez 
lequel il semble d'ailleursque les troubles psychiques, les troubles d'inver- 
sion sexuelle aient eu pour point de depart un amour normal, trouble 
violemment dans son evolution, de Tensemble de ces faits, retenons au 
9ioins Tenseignement. 

« Et d'abord Vacber aorait-il eu la voie libre aux viols etmeurtres qu*il 
commit, si les m^decins des asiles de D61e et de Saint-Rambert, oil il fut 
intern^, avaient eu connaissance des circonstances de la tentative d'assas- 
sinat de sa fiancee, des antecedents judiciaires,du dossier deleur malade? 
Cela n'est pas presumable, et una fois de plus nous soufTrons de cette la- 
cune legislative. — En second lieu, Tinstruction nous apprend que Vacher, 
par intermede, non content de fumister Pandore, a voulu donner le salat 
d'obedience aux magistrats d'Angers et de Tournon, et que dans ces villes 
U fut arrete et juge pour vagabondage. Si la mesure de Vlnspection 
medicaid des inculpislm avaitete appliquee, est-il besoin de dire que son 
etat mental etii ete reconnu et la sede de ces crimes interrompue? 

« Enfin, k ceux qui viennent dire, avec la loi et avec raison peut-eire, 
qu'un aliene considere comme gueri ne doit pas etre garde k jamais k 
Tasile dans la crainte de crimes ou de deiits futurs; que la liberte indivi- 
duelle ne doit pas etre sacriOee k des exigences exagerees de Tinteret 
social; que, pour unerdcidive possible, Ton ne saurait detenirde nombreux 
alienes, k ceux-1^ nous repondrons que, dans ie conflit eieveentre Tinteret 
social et Finteret individuel, une transaction est tr^s realisable. 

<( Au sortir de Tasile, tout aliene doit etre consideree comme un tare, en 
puissance de recidive et de dedenchement criminel; que Ton organise alora 
une maniere discrete de surveillance de haute police, que I'aliene d'hier 
soit astreint^ se presenter pedodiquement devant unmedecin de Tasileou 
d'atlleurs, charge de lui deiivrer un certiflcat de capacite mentale, d'apti- 
tude a la vie sociale, certiflcat donne pour un certain temps et renouve- 
lable k pedodes plus ou moins eioignees, suivant retat psychique de 

raiienei » 



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REVUES ET PUBLICATIONS FRANgAlSES. 78* 

M. Paal Rougier defend dans le Mutualiste lyonnais le principe de Tas 
sarance en cas de ch6mage, contests par M. Vermont, bMonnier de 
Tordre des avocats de Rouen, dansun pr^c6dent article du mdme journal; 
il analyse, k i'appui de son opinion, un rapport pr^sent^ en 189^ k la So- 
ci^t^ d'^conomie politique de Lyon, par M. V. Peiosse, docteur en droits 
secretaire-adjoint de la Chambre de commerce. 

« N'y a-t-il pas lieu, par exemple, d*6tudier, m6me d'encourager cet 
essai de la Chambre syndicate des ouvriers coupeurs, brochews et ("ombreurB 
enchaussttres de la ville de Lyon? Nousvoyons scs adh^reuts, au nombre de 
150 environ, verser chaque mois un franc de cotisation. La moiti^ de la 
recette annuelle, qui s'61^ve k i 500 ou 1 800 francs, constituant une caisse 
spieiale de pr^voyance pour le chdmage involontaire, chaque soci^taire a 
droit annnellement, ie cas ^ch^anl, k 40 journ^es de chdmage, dont le 
taux est fix6 k 2 francs. D'apr^s les renseignements que nous avons re- 
cneillis aupr^s des ouvriers eux-mfimes, dit M. Peiosse, cette caisse fonc- 
tionne assez bien depuis une dizaine d'ann^es. 

« En effet, le nombre des journ^es de chdmage payees est, enmoyenne, 
de 350 r6parties entre 30 ouvriers chdmeurs. 

« II en T^sulte que le ch6mage de Tindustrie k laquelle se livrent les 
adherents est restreint, d^s lors facile k pr^voir. II n'atteint jamais & la 
fois une parlie importanle des associ^s, qui sont r^partis entre 45 maisons 
ou ateliers. Done, ch6mage restreint et grande division du risque. Ou 
comprend que, dans ces conditions, la caisse puisse normalement fonclion- 
ner. Voil^ une premiere r^ponse k TafQrmation de M. Vermont, disantque 
Tassurance en cas de chdmage n'est pas possible et qu'elie a ^chou^ k 
Lyon. » 

Apr^s avoir cit^ les autres associations de caisses contre le chdmage 
ezistant a Lyon, Tauteur de Tarticle poursuit ainsi : 

« Nous ne voulons pas examiner plus amplement et au fond toutes les 
questions que comporte Tassurance en cas de chdmage. Nous n'ignorons 
pas qu*en Suisse, dans le canton de Saint-Gall, elle a d6nn4 de d^plorables 
r^sullats.Nous critiquerions par Texemple que nous fournissent nos voisins 
Tobligation de I'assurance et Tintervention des subventions municipaies, 
cantonales ou de TEtat. Dans ces conditions, ce n'est plus ^videmment de 
Tassurance au sens propre du mot. C'est de Tassistance d^guis^e, c'est du 
socialisme d'etat, comme Ta d^montr^ la discussion qui a suivi le rap- 
port de M. Peiosse k la Soci^t^ d'Sconomie politique. II n*en r^sulte pas. 
moins que Tinitiative individuelle qui a dii crder en France des caisses 
sp6ciales d'assurances contre le chdmage, dans des conditions restreintes,. 
k Taide de ressources sp^ciales et suivant des calculs pleihs de prudence, 
c'est-^-dire suivant une p^rSquation s^rieuse, doit dtre encourag^e et a 
droit k toutes les sympathies. » 



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REVUES ET PUBLICATIONS fiTRANGfiRES 



Norv6ge. — Le fonctionnement des assurances eantre Us accidents. Fre- 
miers r^suUais de la loi de 189i, 

Nous avons r^sum^, dans les pr^c^dents num^ros de la Revue PhUan- 
thropique,\es renseignements tir6s de publications officiellesallemandes, au* 
trichiennes et anglaises, sur le fonctionnement des assurances, en faveur des 
ouvriers contre les accidents professionnels. Le bureau des assurances 
d'etat de Norv&ge vient k son tour de faire connaitre les r^sultats obtenus 
par Tapplication de la loi de 1894, et nous extrayons de son rapport (i) les 
renseignements suivants, qui embrassent la p^riode comprise entre le 
i» juillet 1895 et le 31 d6cembre 1896. 

Le Comity directeur de TofQce d'assurance, instilu6 par la loi du 23 juil- 
let 1894, se compose de trois membres nomm^s par la couronne. 

Le personnel ext^rieur compte 500 inspecteurs r^gionanx, nommds par 
les autorit^s municipales. Leurs appointements sont pay^s, moiti6 par 
r^tat et moili^ par les communes. 

Tons les propri^taires d'^tablissements soumis k la loi out dd fonmir 
k leur inspecteur, au plus tard trois mois avant I'application de la loi, une 
note descriptive de leur atelier, cbantier ou usine, en menlionnant le 
nombre des onvriers occup6s par eux et la moyenne de leurs salaires. 

A la fin de 1896,ces notes avaient Hi envoy^es par les propri^taires de 
8896 ^tablissements, dont 7 794 furent imm6diatement r^partis entre les 
categories, correspondant aux divers degr^s de risques pr^vus par la loi ; 
687 furent reconnus exempts de taxe et 415 retenus pour examen suppl6- 
mentaire. 

A la suite de reclamations et de revisions, il resta finalement 7488 6ta- 
blissements assures, payant ensemble une prime annuelle totale de 
1098 595 francs. 

Entre le 1«' juillet 1885 et la fin de Tann^e 1896, on constata 3842 ac- 
cidents; mais on estime qu'un certain nombre de menus accidents et m6me 
quelques accidents importants ne furent pas d^nonc^s k TofQce d'assu- 
rance. 

(1) Beretning fra Rigsforsikringsanstalten om dens Virksomhed i 1$te regns^ 
kabspetHode omfattende Udsrummet, 



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REVUES ET PUBLICATIONS felRANGtRES. 791 

Gomme accidents graves il n'y eut, en 1895, que 31 morls et 4 cas d'in- 
capacity to tale. Gomme accidents du second degr4,il y ent.toujours en 1895, 
158 cas d'incapacitd partielle et 25 cas d'incapacit^ temporaire de plus d*an 
mois. 

Le nombre des pensions servies pour les accidents de 1895 a 4t6 de 
235, dont Tarr^rage mojen est de 190 francs seulement; 25 allocations ont 
6U vers^es pour infirmit^s temporaires, en moyenne de 276 francs. Endn 
15 veuves ont recn des pensions, ainsi que 31 enfants mineurs et 2 parents; 
mais les veuves n'ont eu que 205 francs et les enfants que 135 francs de 
pension. 

La loi donne droit aux indemnit^s suivantes : en cas de diciSf une in- 
demnity de fun^raiiles de 70 francs. Les veuves et les enfants mineurs, 
jusqu'^ 15 ans r^volus, et, dans certains cas, les parents et grands-parents 
resolvent une pension calcul^e k 20 p. 100 du salaire annuel de la victime 
pour la veuve, et k 15 p. 100 pour chacun des enfants, sans que les pen- 
sions cumnl^es puissent toutefois d6passer 50 p. 100 du salaire de I'ouvrier 
d^cidd. 

En cas d'infirmit^ permanente, la victime revolt, pendant cinq semaines, 
le remboursement des soins m6dicaux, et une pension pouvant atteindre 
60 p« 100 du gain annuel, sans descendre toutefois au-dessous de 215 francs 
par an, ni de 65 centimes par jour onvrier. 

On voit que cette loi norv^gienne est, au point de vue des indemnit^s, 
moins lib^rale que le projet de loi pr^sent^ aux Chambres n^erlandaises, 
et que nous signalions dans notre dernier num^ro. Mais il faut dire que la 
valeur de Targent est beaucoup plus grande en Norv^ge qu'en Hollande, 
car avec 5 francs on pent ais^ment avoir moitid plus d'objets daus le pre- 
mier de ces deux pays que dans le second. 

G. C. 

Allemaflrne. — La revue mensuelle Therapeutische Monatshefte que 
public la librairie Springer k Berlin a donn6, k la fin de 1897, une 6tude 
des plus document^es du D' George Liebe sur la lutte contre la tuberculose 
que nous signalons aux sp6cialistes. 

L'excellente revue Hygieniscke Rundschau^ publi^e & Berlin sous la direc- 
tion des D«^ Max Rubner, Garl Fraenkel et Hans Thierfelder, depuis sept 
ans, a perdu, depuis le 1*' Janvier 1898,1a pr^cieuse collaboration du pro- 
fessenr Thierfelder qui se consacre tout entier k ses cours, et qui est rem- 
plac^ par un hygi^niste ^galement fort appr^ci6, le D' Gunther. 

Signalons, dans les deux demiers num^ros de cette publication, une 
6tude de MM. Olshausen et Reineke sur les soins m^dicaux k domicile, en 
Angleterre et en £cosse, et un article de M. Paull, sur la disinfection des 
locaux contamin^s dans les campagnes. 

Antriche. — La nouvelle institution de Soci^U des sauveteurs volontaires 
a Vienne, 

A la suite de T^pouvantable catastrophe de 1881, qui laissa ensevelies 
sous les mines du Ringtheather tant de victimes qu'une organisation 
rationnelle des secours eiit pu sauver, une soci^t^ se forma dans la capi- 



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792 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

tale de i'empire autrichien en vue de porter secours aax victimes de 
malheurs publics on d'accidents survenus dans les rues de Yienne. 

Les dons affln^rent, et un grand nombre de jeunes gens et d'hommes 
de toutes conditions, ainsi que de dames se constitu^rent en sauveteurs et 
en infinniers on infirmi^res volontaires, sous le titre de Soci^t^ viennoise 
de sauveteurs volontaires. Le comte Jean Wilczek en fut le promoteur et 
le bienfaiteur initial ; le premier capital fut constitu6 par le versement 
qu'il fit de 5000 florins. 

Les commergants, les industriels, les gens du monde envoy^rent des 
dons en nature, et la Soci^t^ s'installa modestement. 

EUe cr^a des cours d'infirmiers et d'infirmi^res, des cours de gymnas- 
tique pour les sauveteurs, et finalement organisa pour toute la ville un 
service permanent, de jour et de nuit, d'ambulances municipales et de pre- 
miers secours qui a rendu de tr^s grands services. 

La Soci^t^ vit les sympathies I'entourer et ne cessa de prosp^rer; elle 
est, depuis, devenue assez riche pour faire ^difier sur un vaste terrain, rue 
Radetzky, une station cenlrale qui pent ^tre consid^r6e comme un modMe 
d'installation pratique d'ambulance arbaine. 

Cette station centrale vient d'etre d^crite, avec des vues photogra- 
phiques k Tappui, par le D' Heinrich Gharas dans une tr^s int^ressante 
publication : Das neue heim der Wiener freiwiUigen, RettungsgeselUchaft, 
6dit^e par la Gazette de Vienne {Wiener Zeitung) et que nous signalons h 
toutes les personnes qui s'occupent de ces questions de prompts secours 
ou d*enl^venient des victimes d'accidents sur la voie publique. 

Services de voitures d'ambulance et de brancards, chambres de secours 
dol^es de tous les ustensiles imaginables, salle de pansement, salle de 
garde avec t^l^graphe et t^I^phone, salle de cours pour « Ecole de Samari- 
tains », rien ne manque k ce bel et utile ^tablissement. 

G. C. 



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BIBLIOGRAPHIE 



Une Creche k Lnxemboiirg, par M. Auguste Ulveling, conseiller k la 
Ghambre des comptes, vice-president des Googr^s d'ADvers et de Geneve 
pour la protectioD de Teiifance (I). 

L'auteur, trds d^vou^ k la protectioD de I'eDfance, philanthrope actif 
et inform^, s'est propose d'^difier ses concitojens sur Tutilit^ d'une creche; 
ii a reley^ les accidents dus au d^faut de surveillance des enfants du pre- 
mier dge en mdme temps qa*il a rappei^ leur grande mortality dans le 
grand-duch^ de Luxembourg. 

La brochure tr^s docuraent^e de M. Ulveling expose les conditions de 
fonctJonnement d'ane creche convenablement outill6e, offrant toutes ga- 
ranties d'hygi^ne et de surveillance m^icale, oti les enfants au-dessous de 
quiuze mois seraient pes6s chaque semaine, et qui ponrrait devenir un 
centre de distribution de iait st^rilis^. 

M. Ulveling accorde ses pref6rences k un ^tablissement ^rnanant de la 
bienfaisance priv^e ; il pr^conise la formation d'une socidt^ constitute sous 
le patronage de I'administration communale et marchant d'accord avec 
elle, mais conservant son budget s^par^ et Tind^pendance d'une oeuvre 
libre ; il adresse un chaleureux appel aux dames charitables de la ville de 
Luxembourg et leur sonmet un projet de statuts de la creche k fonder. 

M. Ulveling n'a pas seulement ^crit une brochure instructive* il a pris 
Tinitiative d'une bonne oeuvre. 

I«^ Assurance municipals centre le Gh6mage inTolontaire, par 

M. Georges Gomil, avocat k la Gour d*appel de Bruxelles, professeur k 
rUniversite (2). 

M. Georges Gomil a ^crit une monographie qui n'est pas seulement 
historique on critique, mais qui a le grand m^rite d'aboutir k des conclu- 
sions fermes, k un projet positif. 

Successivement, Tautenr passe en revue la caisse libre d'assurance 
centre le chdmage dans la commune de Berne, Tassurance facultative k 

(1) Luxembourg, Em. Simonis, 6diteur. 

(2) BruxeUes, imprimerie de H. Moreau, 6, rue d'Or, 1898. 



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794 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

Cologne, les caisses libres de chdmage de Laasanne, de ragglom^ration 
bnixelloise, de Gand, Tassurance obligatoire de Saint-Gall, de BAle-ville, etc. 
Apr^s avoir ainsi ezpos^ T^tat de la question avec une clart^ parfaite» 
M. Gornil, tout en s'attachant modestement k un travail de compilation el 
de traduction, n'en 6met pas moins, dans son projet de statuts d'ane mu- 
tuality d'assurance contre le ch6mage involontaire k constituer dans Tag- 
glom6ration bruxelloise, des id^es personnelles ; il aura certainement 
atteint son but, dans cette ^tude difficile, poisquHl se propose, pour prayer 
le chemin dans la forit encore bien sombre de Vcusurance contre le chdmage^ de 
dSfricher et de faire apparaltre en pleine lumi^re les quelques clairi^res 
qui y ont^t^ hardiment pratiqa^es par d'autres. 



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BULLETIN 



Depuis de loDgues ann6es, les mutualistes fran^is attendent avec impa- 
tience une legislation definitive et lib^rale; ils sont enfin k la veille de re- 
cevoir satisfaction. L'accord ne tardera pas k Hre realise entre les deux 
Ghambres, le texte vote par le Senat dans les stances des 10, 11 et i5fevrier 
etant^ pen pr^s conforme au projet de la Ghambre. 11 n'y avait au surplus 
qu*une difficulte s^rieuse : elle porlait sur le traitement accord^ par la 
Gaisse des dep6ts et consignations aux societes de secours mutuels. De- 
puis 1852, ces societes ben6flcient d'un taux constant de 4,50 p. 100 pour 
leur fonds commun inalienable et pour leur compte courant disponible, 
le depdt de leurs fonds etant d'ailleurs obligatoire k la Gaisse des dep6ts 
ct consignations. Arorigine,ce taux de 4,50 ne constituait pas un avantage 
en raison du lojer de Targent et du taux des placements courants ; aujour- 
d'hui ces conditions sont exceptionnellement favorables, puisque Tinteret 
servi par la Gaissedes retraites aux ddposants individuelsestde 3 1/2 p. 100. 
Mais etait-il Equitable de priver les Societ^s d*un avantage ch^rement 
pay6, d'aggraver encore la situation qui leur a M faite pour les retraites 
par la loi de 1886? La Gbambre et le S^nat ne Tout point pens^ et n'ont 
pas voulu amoindrir les consequences heureuses d'une loi d^emancipation. 
Le trSs devou6 rapporteur du Senat, M. Lourties, et M. Barthou, ministre 
de Tinterieur, ont eu la bonne fortune de dissiper certaines preventions et 
d'obtenir un vole conforme du Senat sur Tarticle 21 qui maintient, par 
une disposition ingenieuse et au moyen de subventions de I'Etat, le taux 
de 4 1/2 aux societes de secours mutuels pour leur compte courant et 
leur fonds commun. L*interet servi par la Gaisse des dep6ts et consigna- 
tions sera egal k celui de la caisse nationale des retraites pour la vieillesse 
(3,50 p. 100) ; seulement la difference entre ce taux et le taux de 4 1/2 p. 100 
determine par le decret-loi du 26 mars 1852 et le decret du 26 avril 
1856 sera versee & titre de bonification 4 chaque societe de secours mutuels 
appronvee ou reconnue d'utilite publique, en raison de son avoir k la 
Gaisse des depdts et consignations au moyen d'un credit inscrit chaque 
annee au budget du minist^re de Tiuterieur. 

GrAce k cette disposition tuteiaire, la loi nouvelle se traduira pour les 
societes de secours mutuels, suivant la parole de M. Barthou, non par une 
deception, mais par on encouragement bienveillant. Desormais afTranchies 
legalement (car depuis la troisieme Republique la jurisprudence etait plus 



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796 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

lib^rale que la loi ), ces soci^t6s vont prendre un nouvel essor, reeueillir 
de nouveaux adherents parmi les feromes et les enfants jusqu'^ ce jour 
exclus, prolonger la dur^e des secours de maladie, d^velopper leurs 
fonds de retraites, en r^alisant de nombreuses ameliorations de detail 
qui leur sont actuellement interdites. 

Et pourtant, malgr^ toutes ces entraves, les mutualistes frangais out vu 
lear nombre double de 1872 k i896. L'honorable M. Lourties a pu citer k la 
tribune du S^nat comme dans son rapport des cbifTres r^confortants. Le 
nombre des soci^t^s de seconrs mutuels, qui ^tait de 4 237, est aajourd'hui 
de iO 588. II y a pr^sentement 1 700 000 membres participants. L'avoir des 
soci^t^s, apr^s avoir ^t^ de 57 millions en 1872, s'^levait k 226 982 i 19 francs 
au 31 d^cembre 1895. Et ces soci4t6s ne se bornent pas en g^n^ral aux 
assurances k court terme, elles organisent la retraile pour la vieillesse en 
d^pit des obstacles de la loi elle-m^me. Au 31 d^cembre 1895, 4071 so- 
si6t6s sur 7 696 soci^t^s approuv^es poss^daient un fonds de retraite de 
115 253 442 francs. 

II reste assur^ment un effort gigantesque k poursuivre, tant du t:6td des 
assurances k court terme que des assurances k long terme, et la loi en 
preparation ne r^soudra pas, tant 8*en faut, toutes les difflcult6s, mais la 
mutuality y puisera de nouvelles forces et une stimulation puissante. 



Le Gomite de defense des enfants traduits en justice poursuit modeste- 
ment, avec beaucoup d'esprit de suite et de mdthode, une oeuvre admi- 
rable. Un de ses membres les plus actifs, M. L. Brueyre, s'est fait pour nos 
lecteurs son bistoriographe impartial et sagace, et M. Adolphe Guillot, le 
fondateur et le propagateur infatigable de cette belle oeuvre, a bien voulu 
donner k la Revue Pkilantkropique la communication de son remarquable 
rapport. Les comit6s de defense de Paris, des d^partements et de I'^tranger 
tronveront toujours ici les sympathies les plus vives et Thospitalite la 
plus cordiale; leur action m^rite d'etre soutenue el vulgarisee. 

II est des cbiffres qu*on ne saurait trop reproduire et rep6ter ; ce sont 
ceux que M. Albanel, juge d*instrucliou au tribunal de la Seine, a fait con- 
naltre dans son rapport au Gongresde I'lnstitut international de statislique 
de Saint-Petersbourg, et qu'il a de nouveau rappel^s ^la seance de rentr^e 
du Comite de defense de Paris. Si Ton examine la situation numerique 
des enfants arretes ou deferes au tribunal de la Seine, et si Ton compare 
les annees 1887 et 1896, un resultat considerable apparatt: le nombre des 
arrestations est tombe de 722 en 1887 k 405 en 1896. D'oti proyient cette 
decroissance? Du fait que, grdce k Tintervention du comite de defense, 
grice k une jurisprudence plus humaine et plus clairvoyante, I'arrestalion 
a ete epargnee k des petits malheureux que Tancienne procedure du fla- 
grant deiit aurait amenes sur les bancs de la police correctionnelle. Les 
courtes peines ont suivi la meme decroissance, de 217 en 1887 k 30 seale- 
ment en 1896 ; le total des condam nations k Tamende et 4 Temprisonne- 
ment s'est abaisse, pour la mdme periode, de 243 k 37. 

« L'enseignement qui decoule de cette constatation, a expose M. Albanel 
au comite de defense, est qu'il ne faut pas trailer I'enfant comme Tadulte. 



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BULLETIN. 797 

« Le mineur de 16 ans ne doit plus ^tre traduit k la barre du tribunaly 
sans qu'il ait fait au pr^alable I'objet d*une instractiou judiciaire. Le ma- 
gistrat instructeur doit, avec le concours de Tavocat du mineur el sans se 
pr6occuper duplus ou moins de gravity du d^lit impute k I'enfant, 6tudier 
surtout sa condition morale et rechercher, dans i'int6r^t de Tenfant, la 
meilleure solution possible. Le rdle du magistrat doit, dans I'espice, con- 
sister plutdt a pr^venir qu'd punir, II doit apparaitre k I'eiifant comme un 
Mucateur cbez lequel la s6v^rit^ n'exclut pas la bienveil lance. De son 
cdt^, le tribunal doit se p^n^trer de cette id^e, que toute peine, si courte 
qu'on la suppose, est toujours fdcheuse pour I'avenir de I'enfant, qu'il 
vaut mieux prononcer contra luil'envoi en correction, filt-ce jusqu'^ vingt 
ans, Tenfant pouvant toujours b^n^Gcier d'une liberation condition- 
nelle. » 

II va de soi qu'avant de recourir k Tenvoi en correction, et k defaut de 
la remise aux parents qui offre trop so a vent des inconv^nients graves, 
TAssistance publique doit avoir la preference. Depuis 1893, I'asile tempo- 
raire de Thospice des Enfants-Assist^s permetde preparer et de faciliterce 
triage des jeunes pr^venus, heureusement soustraits k la promiscuity du 
D^pdt. 

En 1896, 233 enfants ont 6ii envoy^s par le juge d'instruction k I'hospice 
des Eofants-Assist^s pour 6tre tenus en observation. Yoici, d'apr^s le rap- 
port du directeur de I'Assistance publique, quel a ete le sort de ces 233 hdtes 
de TAsile temporaire : 66 ont ete d6Qnitivement admis dans le service des 
moralement abandonn^s, 44 ont et6 immatricul6s comme enfants assist^s, 
72 ontete rendus k leurs parents, 14 ontdt^ renvoy^s dans leur d^parte- 
ment d'origine pour 6tre remis k leurs parents ou remis au service des 
Enfants-Assist^s des d^parlements dont ils etaient lespupilles, 37 ont 6i6 
remis k la disposition de Tautorite judiciaire. 37 sur 233, la proportion 
n'est pas forte et la part de la repression est aussi r6duite que possible. 

Le placement de ces enfants par I'Assistance publique a pu paraltre 
aventureux; il n'est pas toujours exempt d'eonuis et de m^comptes, 
mais, dans son dernier rapport sur le service des moralement abandonn^s, 
Thonorable M. Peyron fait cette declaration interessante : « Des k present, 
nous pouvons dire que, sauf quelques exceptions, tons les enfants donnent 
en general satisfaction k leurs patrons et k leurs nourriciers. » 

Aussi, loin de vouloir restreindre le rdle de I'Assistance publique et des 
societes de bienfaisance et de patronage, il convient de I'etendre et de le 
fortifier. Le comite de defense des enfants traduits en justice, sur Tinitia- 
tive de M. Brueyre et de M. Poibaraud, a remis en memoire une disposi- 
tion excellente de la loi de 1850, celle de I'article 19 d'apres laquelle « les 
jeunes detenus sont, k repoque de leur liberation, places sous le patronage 
de I'Assistance publique pendant trois annees au moins ». 

Comment une prescription aussi sage, aussi tnteiaire est-elle compiete- 
ment tombee dans I'oubli? Sans doute, les administrations d' Assistance 
publique ont une tdcheassez lourde aremplir etle cadean qu'on se pro- 
pose de leur faire n'est pas attrayant, mais le zeic des inspecteurs depar- 
tementaux des enliats assistes est assez eprouve pour qu'on piiisse avec 
conflance faire appel k leur devouement edaire pour accepter ce suppie- 



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798 REVUE PHILANTHROPIQUE, 

ment de clientele et de responsabilit^ ; toutes les forces sociales doiyent 
ooDcourir k pr6venir la r^cidive et h r^duire la criminality juvenile. 

« » 

Pea k pea, la lumi^re se fait, les notions se pr^cisent sur les meilleurs 
moyens k employer pour combattre I'infanticide et TaTortement. Un 
honorable d^piit€> M. Constant Dulao, avait propose, d'accord avec deux 
de ses collogues, MM. Henri de Lacretelle et de Folleville (de Bimorel), le 
r^tablissementdes tours. La commission parlementaire, charg^ede I'examen 
de la proposition, a substitu^ k cette conception la formule des bureaux 
secrets d'abandon. Le bureau secret d'abandon, tri qa'ii fonctionne k Paris 
depuis le premier Janvier 1887, consiste, comme on sait» dans L'admission 
secrete des nouveau-n^s dont les parents ne veulent pas se faire consaibre; 
il realise, k proprement parler, le tour moral, avec cette superiority swr 
I'antique receptacle qu'il n'est ni muet ni passif et qu'il permet de pr^- 
venir I'abandon necessity par la mis^re. 

Et non seulement la commission de la Ghambre a pris cette decision 
excellente, mais encore elle a choisi pour rapporteur I'un des aoteurs dela 
proposition premiere de r^tablissement des tours. II est k pr^sumer que, si 
i'honorable rapporteur M. Dulau n'avait pas etdconvaincu, il aurait decline 
le mandat qui lui a ete confix. Apparemment il a dH reconnaltre que le 
bureau secret d'abandon avait tons les avantages du tour sans ofTrir les 
m^mes inconv^nients, et sa conversion est toat k fait significative. 

Les partisans du retablissement des tours auraient, m^me au point de 
vue de la tactique, le plus grand tort de se montrer intransigeants. Que 
veulent-ils, en somme? sinon assurer, par un precede qui aleurs preferences, 
Tadmission discrete, mysierieuse,desenfants nes dans des conditions excep- 
tionnellement irreguli^res on clandestines? La situation legale ou nous 
sommes, avec ses interrogatoires, la prodaction obligatoire du certificat de 
naissance et de pieces d'identite, avec la recherche du domicile de secours, 
leur parait k juste titre regrettable. On leur oiflre, par le bureau secret, une 
solution qui, si elle n'est pas irreprochable k leurs yeox, se rapproche 
sensiblement de la leur, qui tout au moins est preferable* au statu quo, 
Pourquoi, des lors, ne s'uniraient-ils pas de toutes leurs forces aux cham- 
pions du bureau secret pour redamer et obtenir la revision du decret de 
i8il ? Que si, plus tard, le bureau secret ne leur parait pas un precede 
convenable et suffisant, ils auront toute latitude d'aller plus loin et d'en 
revenir k leur revendicalion romantique du tour. 

Au contraire, si la reforme de la loi des enfants assistes se heurte k 
la fois aux defenseurs du bureau ferme et auxavocats du tour, les obstacles 
seront plus grands et le resultat plus lointain. 

Le conseil superieur de TAssistance publique a ete d'avis qu'il convenait 
de generaliser la pratique parisienne, c'est-i-dire d'instituer dans tons les 
hospices depositaires de France des bureaux secrets d'abandon ; le gouvef^ 
nement est du m^me avis; la commission du Senat, qui a ponr rapporteur 
M. Theophile Roussel, aboutit aux m^mes conclusions. D'ici peu,le rapport 
sera pret k venir en discussion, et tout porte k croire que la miyorite du 
senat sanctioni^era le projet de deliberation de son eminent rapporteur: 



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BULLETIN. 799 

II n'ya done qn'k s'en tenir k ce texte et k le faire pr^valoir le plus 
promptement possible. Ayec les ineilleures intentions du monde, lerapport 
de rhonorable M. Dulau tend k disjoindre da projet de loi sur les enfants 
assistds toute la partie relative aox secours pour pr^venir les abandons et 
anx bureaux d'admission ; cette nouvelle procedure ne tendrait k rien 
moins qu'4 retarder le vote de la r^forme definitive. 

Une fois la loi sur les enOpints assist6s votde, tout ne sera pas flni sans 
doute, et les Ghambres devront 6tre saisies, soit par le gouvernement, soit 
par rinitiative parlementaire, du projet d'assistance maternelle ^labor^ 
par le Gonseil sup^rieur de I'Assistance publique sur le rapport de 
M. Drouineau. 

Plus t6t les deux lois seront promulgu^es et plus les philanthropes se 
rejouiront ; seulement les deux Ghambres doivent suivre la m^me m^thode 
de travail, sous peine de ne pas se rencontrer et d'aagmenter encore les 
causes de retard d4j4 sufflsantes et excessives en cette mati^re. 

» 

La profession m^dicale traverse indubitablement une crise et les meil- 
leursespritss'enpr^occupent, non seulement dansun int^rdt corporatif tr^s 
louable en soi, mais encore d'une mani^re g^n^rale, au point de vue de 
Tint^r^t public. Lasoci^t^ enti^re ne saurait se d^sint^resser de la condition 
des m6decins, et nul ne conteste ^I'Etat son droit et son devoir de conf^rer 
les. grades, de d^cerner les dipldmes ; c'est pourquoi toutes les mesures qui 
tendent k augmenter les garanties de savoir professionnel des gu6risseurs 
dipldmes ne reinvent pas uniquement de la competence universitaire ; elles 
ont leur retentissement j usque dans les milieux les plus strangers k Ja 
science. 

La Faculty de m^decine de Paris avait d'abord incline k fermer les porles 
de son enseignement aux etudiauts etrangers, afln de se desencombrer et 
d'accroitre la clientele des Universit6s de province. GrAce k Inopportune 
intervention du Gonseil municipal, due k Tinitiative de M. Astier, cette 
fdcheuse mesure n*a pas etd prise, car elle aurait prive Paris d'auditeurs et 
d'eieves sans enrichir le moins du monde Montpellier ou Nancy. Si floris- 
santes que soient ou que deviennent les Facult^s de medecine de province, 
elles ne peuvent entrer en paralieie avec Paris au point de vue de Tattrac- 
tion exerc^e sur les strangers. Si ceux-ci avaient ete ecart^sde Paris, Berlin 
et Vienue y auraient gagne, et la France aurait perdu une partie de sa 
force et de son rayonnement dans le monde. 

Est-ce k dire que Teucombrement croissant de la Faculty de medecine 
de Paris ne doive pas eveiller de grandes inquietudes, et qu'il n'y ait pas 
des precautions k prendre, une enquete k ouvrir, des am'eliorations 4 appor- 
ter k retat de choses actuel? Les mattres de la Faculte de medecine et des 
hdpitaux ne le pensent pas, et les etudiants eux-memes jettent un regard 
inquiet sur Tavenir. Un interne des hdpitaux, M. Paul Tissier, president de 
I'Association generale des etudiants, exprimait nagu^re (1) ces inquietudes 

(1) L' University de Paris f bulletin mensuel de I* Association g^€rale des ^tu- 
diantSf n" 84, 13« annee, novembre 1897. 



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800 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

en son nom personnel : « Nous assistons, dcrivait-il, k une crise. inqai6- 
tante : des 4^8astres joumaliers nous ouvrent de tristes apergus sur U 
situation mat^rielle des jeunes m^decins ; nous voyons notre carridre p^nible, 
mais jadis rcspect^e, devenir Tobjet d'attaques retentissantes dans la 
litt^ratare, au th^dtre et devant lestribunaux; et surtout nous d^convrons 
ayec amertnme que, sous Tempi re des difficult^s de la vie, nombre de pra- 
ticiens compromettent la dignity et la bonne renomm^e de toute la cor- 
poration. De tels symptdmes m^ritent qu'on s'^meuve, et que les jeunes 
fassent les premiers aveux et, au besoin, les premiers frais du rel^vement. i 

11 est bon, en elTet, que les jeunes r6fl6chissent et qu'ils apporteut leur 
t^moiguage. Ge qui frappe M. Paul Tissier, c'est la duality qui existe entre 
r(§cole et rh6pital, c'est surtout le caractfere trop th6orique des examens. 
n ^met Tavis, appuy^ sur Topinion de ses maltres, que, sans augmeoter la 
difficult^ des ^preuves, il conviendrait de modifier la nature de ces 
epreuves; il demande que Ton d^veloppe et que Ton surveille ^troitement 
le stage hospitalier, et que les examens soient le controle tr^s s^rieux du 
stage; au lieu d'etre purement oral, Texamen de m^decine comporterait 
des Epreuves Sorites. 

Nous n'avons pas & discuter ici ces propositions, k prendre parti pour tel 
on tel projet, ce que nous voulons surtout, c'est dire combien I'^tude k la- 
quelle la Faculty de m^decine ne tardera pas sans doute k se livrer sera 
suivie avec soUicitnde par les mddecins, par les 6tudiants et par tons les 
citoyens soucieux de la chose publique. 

II ne servirait de rien de dissimuler la crise de la m6decine, de se bon- 
cher volontairement les oreilles pour ne rien entendre, et cette surdity pas- 
sag^re ne serait pas de longue durde. Tons les probl^mes d 'assistance pu- 
blique touchent k Fexercice de la m^decine, au recrutement des docleurs, 
au fonctionnement du service de sant6. Ge haut enseignement professionnel 
brille assur^ment duplusvif 6clat en France, k Paris, k Lyon, dans d'autres 
villes encore; il n*est pas, de I'aveu de tons, exactement conforme aux n^- 
cessit^s pr^sentes, il suscite de nombreuses critiques de valeur in6gale ; les 
professeurs et les maitres des ^coles de m^decine et des bdpitaux 
s'honoreront grandement en prenant I'initiative des r^formes n^cessaires 
daos Tint^r^t des m^decins et des malades. 

Paul Strauss. 



Le Dii^cteur-G&anl : PAUL STRAUSS. 



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LA PROTECTION DES PETITS MARTYRS 



D'abominables attentats ont 6mu la conscience publique et 
le Parlement s'est donnd pour t&che, grftce k Tinitiative de plu- 
sieurs de ses membres, MM. Henry Cochin, Julien Goujon et 
Odilon-Barrot, de renforcer la justice repressive. Les magistrats 
de premiere instance et d'appel se plaignaient eux-m6mes d'etre 
ddsarm^s pour atteindrecomme il convenait d'odieux bourreaux 
d*enfantSy tels, par exemple, les assassins du petit martyr de la 
rue Vaneau, les tourmenteurs de la jeune Borlet; les actes de 
barbarie n'entratnaient que des condamnations d^risoires ou 
insuffisantes. 

La Ghambre et le S^nat ont ^t6 d'accord, sur les savants rap- 
ports de M. de FoUeville et de M. B6renger, pour completer 
ou modifier les dispositions des articles 312, 331, 349, 350, 351, 
352 et 353 du Code p6nal, pour 6tendre la portde de la loi du 
7 d^cembre 1874 sur la protection des enfants employes dans 
les professions ambulantes et pour rdgler le droit de garde de 
Tenfant maltrait^. 

Gette aggravation de p^nalit^s, ce renfort de precautions r^- 
pondent pour une part considerable aux necessitds les plus 
pressantes, et c'est deji quelque chose d'61ever Techelle des 
peines reservfies aux tourmenteurs. 

Malheureusement, les rigueurs du Gode ne sont point suf- 
fisantes pour preserver les petits martyrs et la revision de la 
loi, pour utile qu'elle puisse etre, n'aura qu'une efficacite me- 
diocre. 

On Ta dit ici m^me (1) en montrantla necessite absolue 

(1) Les Enfants martyrs^ par M. Paul Strauss, n* 5 de la Revue Philanth^o- 
pique, p. 641 et suiv. 

RBTUE PHILAflTBROPIQUB. — II. 51 



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802 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

d'organiser, sous une forme quelconque, la police des actes de 
cruaut^ commis envers les enfants. Le proprc de ces crimes est 
de se d^rober, de se dissimuler, de s'accomplir dans Tombre et 
le myst^re ; ils restent pour le grand nombre ignores et im- 
punis. Est-ce une raison pour se croiser les bras et ne rien 
feire? Les Anglais et les Am^ricains ne Tont point pens£; ils 
n^ont pas voulu s'en remettre au hasard du soin de soustraire 
les petits maltrait^s k leurs bourreaux. Du coup, leur bardiesse 
lib^rale a H6 r^compens^e; le sort de Tenfance malheureuse a 
4td notablement am^lior^. 

Ce qui importe en pareil cas, c'est d'intervenir en temps 
utile, soit pour d^livrer le petit prigonnier, soit pour lui ^par- 
gner k Tavenir de mauvais traitements. 

L' action r6pressive n'est pas la seule qu'on doive exercer; 
une intervention moins tardive et plus vigilante s'impose. 

Les grandes associations anglaises et am^ricaineSf qlii 
prMent leur concours k Tautoritfi publique, ne se boment pas 
k d^f^rer k la justice les parents d^natur^s; elles s'efforcent de 
ramenerau sentiment du devoir les parents d^faillants ; elles 
procfedent par voie A'avertissements. Dans un grand nombre de 
cas, ces avertissements sont salulaires; Tenfant est laiss^, 
comme dans Tfitat de Massachusetts, a litre dipreuve, k la 
garde de ses parents, sous la surveillance de Tagent de TEtat; 
dans la pratique ordinaire, le reprc^sentant des soci^t^s de pro- 
tection est investi d'une sorte de tutelle officieuse, les parents 
savent qu'en cas de r6cidive de brutalit^s et de violences, ils 
seront silrement chftti^s ou bien qu'ils perdront la garde de 
leur enfant, et ils s'amendent, soit par crainte de la prison, 
soit par un reste d 'affection patemelle. 

Ces soci^t^sont des attributions fort ^tendues ; elles tiennent 
de la loi la faculty de poursuivre directement les parents cou- 
pables; elles sont de vdri tables auxiliaires de la justice et leur 
r6le est d'autant plus important qu'elles sont plus d^sint^res- 
s6es. En elles reside un ddvouement toujours en 6veil, une 
sollicitude constamment pr^te, une tutelle prompte, ^nergique 
et bienveillante. 

En Am^rique, les associations protectrices des animaux ont 



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LA PROTECTION DES PETITS MARTYRS. 803 

agrandi leur sphere d'action et ^largi leur competence ; elles se 
sont presque toutes transform^es^ comme rassociation protec- 
trice des animaux du district de Golombie, en Humane 
Society. 

Pourquoi ne pas tenter en France Tapplicationd'un sys- 
thme qui a tait ses preuves en Angleterre et aux ifitats-Unis ? 
Pourquoi ne pas accorder h, certaines associations, dans des 
conditions d^termin^es, la poursuite des crimes et d^lits contre 
renfance?La proposition a 616 formulae iila Soci^t^ g^n^rale 
des prisons par M. Paul Nourrisson ; elle a rencontre Tappui de 
philanthropes et de criminalistes tels que M. F61ix Voisin, 
M. Brueyre, M. Henri Joly, M. Geoi^es Picot, M. B^renger, 
d'autres encore ; elle a obtenu Fadhdsion unanime et autorisde 
du Comity de defense des enfants traduits en justice; forte de 
tels patronages, elle a 6t6 port^e devant le Parlement avec la 
signature de M. Th^ophile Roussel et la mienne. . 

Un article 7, qui a beaucoup fait parler de lui, a ^16 inlro- 
duit dans le projet de loi vot6 par la Chambre; il 6tait ainsi 
r6dig6, aprfes accord entre la commission s^natoriale et le garde 
des sceaux : « Le droit de poursuivre et de se porter partie ci- 
vile dans les termes des articles 63 et 182 du Code d'instruction 
criminelle, peut 6tre concede par d6cret' special, apr^s avis du 
tribunal de premidre instance^ aux associations protectrices de 
I'enfance reconnues d'utilit^ publique, en ce qui touche les 
violences et les attentats commis envers les enfants. Ce droit 
sera exerc^ pour chaque association par un de ses membres 
sp^cialement d^sign^ par elle, agr^6 par le garde des sceaux 
etassermente. » 

A la premiere deliberation, la disposition nouvelle passa 
sans encombre; elle avait recueilli Tadhesion chaleureuse de 
M. Milliard, ministre de la justice, et Finnovation n'avait 6t6 
contestee par personne. Les amis de Tenfance, tout au moins 
dans le pays, avaient cru la cause gagn^e ; la Society protec- 
trice de Tenfance s'en felicitait publiquement dans son assem- 
blee annuelle; les champions de Tinitiative priv^e applaudis- 
^ent k cette victoire impr^vue. 

Mais il restait 5 franchir le redoutable ddfile de la deu- 



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804 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

xi^me lectureet plus d'un signe avant-coureur laissait pressen- 
tir que le passage serait terriblement malaisd. 

L'article 7 du projet de loi^aprfes avoir, sinon pass6 inapergu, 
du moins bdn^Qci^ d'un assentiment de surprise, soulevait dans 
tous ies groupes du S6nat Topposition la plus vive et la plus 
passionn^e. 

Les juristes intransigeants ne lui pardonnaient pas de cr^er 
un pr6c^dent redoulable ; ils I'accusaient de porter atteiute aux 
principes de notre droit public, d'empi6ter sur le domaine de 
la magistrature. 

Beaucoup se flattaient d*ob4ir exclusivement k des appre- 
hensions poliliques, dont T^ducation juridique r^pugnait k ce 
partage d'attribuiions entre le minist^re public et certaines 
associations privies. 

La grosse objection, celle des couloirs, des conversations 
particuliferes, 6tait tirde des abus de mandat, des excfes de pou- 
voir auxquels les soci6t6s protectrices de Tenfance seraient 
e^pos^es. Une nouvelle inquisition allait nattre, protestante, 
juive ou franc-magonne pour les uns, cl^ricale pour les 
autres! Les soupQons les plusinattendus se donnaient carri^re, 
les m^fiances les plus injustcs s'^veillaient^ les esprits les plus 
robustes ne rdsistaient pas k celte obsession d'un p6ril d'ordre 
politique ou religieux. 

Si cet dtat d'^me ne s'est pas r6v6l^ avec ^clat dans la dis- 
cussioti publique, oules orateurs ont mis une sourdine k leurs 
inquietudes, il a sans contesle inspire le vote du S^nat. Aggra- 
v6e par la retraite en bon ordre du garde des sceaux, la defaite 
a et6 edalanle et ce nouvel article 7 a 6te repousse par Tuna- 
nimite du Senat moins 23 voix. 

Ce denouement d'un effort si meritoire, dont Thonorable 
M. Berenger pent revendiquer la plus grande part, est regret- 
tabled plus d'un titre; il a mis une fois de plus en lumi^re la 
timidite d'esprit du legislateur frangais, docile aux enseigne- 
ments d^ecole, penetre de respect pour la tradition, gardien 
farouche du texte ecrit et de la formule, et, dans Tesp^ce, il a 
frappe de steriliie la reforme 6laboree dans I'interet de Ten- 
fance marly re. 



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LA PROTECTION DES PETITS MARTYRS. 805 

Le S^nat a redouts de mettre aux mains d'associations ca- 
pables d'en abuser, des attributions d'ordre public ; il aurait eu 
raison, si le droit de poursuite avait 616 conc6d6 en bloc et 
d*une mani^re indistinte k toutes les sooi^t^s fondles sous le 
couvert de la protection de Fenfance. Les pr6cautions les plus 
minutieuses 6taient prises, les garanties les plus s^v^res exi- 
g6es pour Tobtention de ce nouveau droit : d'abord, la recon- 
naissance d'utilit^ publique, en second lieu, Tavis du tribunal 
de premiere instance. Le minisl^re de rint6rieur et le Gonseil 
d'Etat ne reconnaissent pas k la l%^re comme ^tablissements 
d'utilit^ publique des associations de bienfaisance, un tribunal 
n'aurait pas 6mis un avis favorable, sans avoir proc^d^ k Yen- 
qu^te la plus attentive sur la soci^t^ demanderesse. 

Une association protectrico de Tenfance, reconnue d'utilit^ 
publique, agr^^e par le tribunal deson si6ge, aurait eu encore k 
^olliciter Fautorisation du gouvernement. Celui-ci ^tait libre 
d'accueillir on de repousser la requite; il ne Taurait pas fait, 
j'imagine, sans peser toutes les consequences de sa determina- 
tion, un d^cret special eAt 6i6 nicessaire, en cas d affirmative, 
pour conc6der le droit de poursuivre et de se porter partie 
civile. 

Le garde des sceaux se r6servait en outre le choix du re- 
pr^sentant de Tassociation ainsi autoris6e,k qui serait confi(5 ce 
mandat special et le d6l6gn6 aurait dH pr6ter serment. 

Est-ce que tout n'avait pas 6t6 pr6vu pour restreindre dans 
la mesure du possible les risques d'erreurs et d'abus? En r^a- 
lit6, le Gonseil d'Etat, le minist^re de Tlntdrieur, le tribunal, 
le garde des sceaux auraient confer^ sous leur responsabilite Ji 
un tr^s petit nombre d'associations cette extension plus redou- 
table qu'envi6e de pouvoirs et de competence. 

Le gouvernement n'aurait pas manqud de proc^der avec une 
prudence extreme, surtout au debut. Une ou deux grandes 
associations seulement auraient sollicite cette attribution, et, 
si les demandes avaient par extraordinaire ete plus nombreuses, 
elles auraient ete it coup stir ajournees. 

Meme en cas de succ^s, il etil ete desirable, dans Tinterei 
de Tenfance, de ne pas multiplier les centres de protection. 



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806 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

Une soci^t^ centrale et unique, soil actuellement exislante, 
soit form^e i cet eflfet, aurait 6t6 plus apte k remplir cet office 
que des associations rivales ou sp4cialis4es : « Ce qu'afaitLon- 
dres, ^crivions-nous Jicetteplace,lelO 8eptembrel897,ce qu'ont 
accompli les l^tats-Unis, est-il au-dessus de nos forces? N'y a- 
t-il point parmi nous de merveilleuses ressources d'initiative et 
de bienfaisance, et le reservoir de Tactivitfi feminine n'est-il 
pas assez riche pour alimenter une grande (Buvre, form^e 
comme on voudra, pourvu qu'elle surgisse ! » 

En se fM^rant, sans abdiquer leur autonomic, plusieurs 
des associations actuelles, la Soci^t^ protectrice de Tenfance, 
r^nion frauQaise pour le sauvetage de Tenfance, la Soci6t^ de 
mendicity centre les enfants, la Soci^t^ de propagation de Tal- 
laitemeht maternel, etc., etc., auraient pu faire en commun cette 
d6licate experience et oflFrir au public un sifege social unique, 
oti auraientet^recueillis et centralists tousles renseignements. 
Cette concentration aurait eu plus d'un m^rite et plus d'un 
avantage ; ellen*6tait d'ailleurs pas \i6e n6cessairementii Toctroi 
du droit de citation directe, et elle n'a pas perdu toute raison 
d'Mre par le rejet de Tarlicle 7 du projet de loi sur les actes 
de cruaut6. 

On a essay6 de montrer au S^nat, qui peut-6tre n*a pas ^t^ 
suffisamment frapp6 de cette liaison, le lien direct qui rattache 
le martyrologe de Tenfance k la criminalit6 juvenile. Un petit 
martyr, s'il ne succombe pas sous les coups de ses bourreaux, 
est presque toujours un candidat au vagabondage etiila depra- 
vation pr^coce; le s^jour au foyer domestique lui est aussi fu- 
neste au moral qu'au physique. Quand des parents sont assez 
denatures pour se livrer k des violences abominables sur de 
petits 6tres sans defense, ils sont capables des pires exc^s et la 
negligence est leur moindre defaut. Tons ceux qui ont Texpe- 
rience de ces choses connaissent la genfese, le point de depart 
des vocations vicieuses; lauteur responsable en est habituelle- 
ment une marMre, un beau-p^re plus ou moins legitime. 

Le plus souvent, dans les milieux industriels, un des con- 
joints a disparu ; le p^re ou la m^re a reconstitue une union irre- 
guli^re, et Tenfant legitime est traite en paria. Comment ne 



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LA PROTECTION DES PETITS MARTYRS. 807" 

s'6vaderait-il pas, une fois adolescent* de sa prison? Livr6 k 
lui-m6me, 6ley6 dans la rue, il est k la plus mauvaise 6cole, 
celle du vagabondage, et il se d^forme k vue d'oeil. 

Le service des moralement abandonn^s de la Seine renferme 
une population qui, pour lesneuf dixifemespeut-6tre, asubi de 
mauvais traitements au logis familial. L'enqu6te s^natoriale 
de 1882 sur les mineures prostitutes des villes de province a 
produit une constatation analogue. 

En r^clamant un surcroit de garanties et de protection de& 
petits martyrs, les philanthropes n'ob^issent pas seulement k 
une impulsion irresistible de piti^ pour d'innocentes creatures, 
ils font preuve d'une profonde connaissance des sources du 
mal contemporain, ils ont Fambition d'accomplirtout ensemble 
une CBuvre de pure humanity et de pr^voyance sociale. 

Peu s'en est fallu, dans cette discussion memorable du Sdnat, 
qu'on ne les accus&t de vouloir troubler pour des billeves^es 
la paix des manages et la s^curit^ des families ! Leur curiosity 
semblait indiscrete et leur z^le ^tait d^nonc^ comme suspect! 

Quant aux associations philanthropiques, elles ont pass6 un 
viiain quart d'heure. Une d'entre elles, dont la fondation a fait 
un si grand honneur k Jules Simon, V Union frangaise pour le 
sauvetage de I'enfance (1), a 6t6 Fobjet d'imputationsinjustes 
qui d ailleurs ont 616 victorieusement contredites. 

Les soci6t68 protectrices de Tenfance ne conserveront pas de 
Tincident un souvenir tropamer ; elles redoubleront de vigilance 
et de d6vouement pour aggraver encore Tinjustice de certains 
jugements passionn6s ; ce sera leur seule vengeance et le bien 
public y trouvera sa part. 

Une occasion exceptionnelle a 6t6 perdue; le S6nat n'a 
pas os6 innover dans une matifere oti Tinitiative priv6e pouvait 
le plus utilement seconder Taction publique. 

T6t ou tard, le probl6me sera pos6 de nouveau devant le 
Parlement, car, h6las ! il est loin d'etre r6solu par un vote 
n6gatif. 

Les adversaires de Tarticle 7 au S6nat ont rivalis6 d*op- 

(1) Voir le num6ro du 10 septembre, V Union francaise po,ur le sauvetage de 
VenfancCy par M. G. Gayte, p. 708 et suivantes. 



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tO% REVUE PHILANTHROPIQUE. 

ti^isme ; k les entendre, des r^formateurs trop im patients pro- 
posent un remMe « k un mal souvent imaginaire et parfois fart 
exag^r^ ». L'honorable M. Leporch^ achaleureusement exprim^ 
^a confiance dans le sentiment familial fran^is.Nul ne songe it 
instituer un d^bat comparatif sur la solidity des sentiments de 
famille en France, en Angleterre et aux Etats-Unis; les 61^- 
ments de comparaison ne sont pas faciles k rassembler. Les 
Anglo-Saxons seraient fond^s k s'inscrire en faux contre une 
•conclusion d^sobligeante pour leur race et ces sortes de parall^les 
ont plus d'un inconvenient. En tenant toutefois pour exacte cette 
assertion ilatteuse pour notre amour-propre national que la 
femille frangaise est plus robusteque la famille anglo-saxonne, 
on ne fera croire k personne que T^cart soit k ce point formi- 
dable que les actes de cruaut^ se comptent par milliers en An- 
gleterre et par vingt ou trente en France ! 

A supposer mfime que la difference de temperament et d'edu- 
cation nous assure un avantage marque, il y a loin denos vingt- 
cinq condamnations par an aux 12 000 avertissements et aux 
2000 poursuites de la Societe nationale anglaise. L'immense 
majorite de ces actes deiictueux ou criminels echappe k toute 
repression, et le martyrologe de Tenfance n^est ni divulgue ni 
reprime^^le bruit des plaintes enfantines est assourdi et leur 
echo ne se repercute pas au loin ; mais il traverse les minces 
cloisons, les murailles peu epaisses des logements ouvriers. 
Les voisins entendent, des temoins fortuits sont informes ; seu- 
lement ils repugnent k denoncer k la police ou au parquet les 
auteurs de ces mefaits caches. 

Un de nos contradicteurs a protesie contre une telle allega- 
tion. « Et qu'on ne vienne pas soutenir, s est-il eerie, que les 
voisins, ceux qui sont spectateurs de ces cruautes, excretes 
rarementy il faut bien le dire, mais d'unc fa^on quelquefois 
epouvantable, par certains parents sur la personne de leurs cn- 
fants, ne sont pas disposes k saisir la justice : il rCen est rien. » 
L'affirmation est toute gratuite; elle ne repose sur aucune 
preuve; elle est en contradiction avec les statistiques de Tetran- 
ger, notamment celles de TAngleterreetdesEtats-Unis, avec les 
observations et constatations faites en France k la prison de 



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LA PROTECTION DES PETITS MARTYRS. 809 

Saint-Lazare, dans le service. des moralement abandoDn6s, etc. 

II est au contraire av^r^ que les voisins n'aiment pas 4 frap- 
per k la porte du commissariat de police, qu'ils ne veulent 
point passer pour ddlateurs, qu'ils craignent d'etre appel^s en 
t^moignage, et,quc,malgr^ leur ardent d^sirde venirau secours 
d'un malheureux, ils h^sitent, ajournent, temporisent et fina- 
lement s'abstiennent. 

Un interm^diaire plac6, commeunj^tat-tampon, entrelc pu- 
blic et le parquet aurait provoqu6 les confidences, les revela- 
tions, et il n'eAt pas vraisemblablement manqu^ de clients. 

Get intermediaire pouvait 6tre une SocidW protectrice de 
Tehfance ; il avait besoin, pour inspirer confiance, d'etre accre- 
dits, pourvu d'attributions sp6ciales, pour ainsi dire garanti 
par le gouvernement. 

La majorite du Senat a refuse d'entrer dans cette voie sans 
indiquer la solution qui lui paraissait la meilleure. Car, pour 
proteger efficacemeht les enfants maltraites, il n'existe k pro- 
prement parler, comme nous Tavons indique precedemment 
ici meme, que deux procedes differents : « ou bien une societe 
particuliere reconnue par Ti^tat, pourvue de certaines immu- 
nites, ou bien un comite directement institue par Ti^tat ou la 
collectivite (1) ». 

A quelle institution publique va-t-on recourir, k defaul 
d'uneoeuvre priv6e? Les demolisseurs ont neglige de le dire; 
ils se sont imagine qu'en sauvegardant les principes du droit et 
en preservant les citoyens d'abus eventuels, ils avaient assex 
fait pour Tenfance malheureuse. 

La question n*est pas close ; elle reste entiere et toutes les 
difficultes apparaissent comme avant le depdt des propositions 
destinees a elever I'echelle penale. La justice repressive est 
sans doute mieux armee et les peines seront desormais propor- 
tionnees aux delits ; mais la police de Tenfance maltraitee n'cst 
pas organis6e et les tourmenteurs peuvent compter sur Tim- 
punite. 

Puisque k tort Tinitiative priv6e n'est pas en faveur dans 

(1) N** 5 de la Bevue Philanlhropique, p. 646. 



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810 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

notre pays, il faudra bien, bon gr6, mal gr^, en revenir it une- 
solution d'etat, dans le genre de celle qn'avait admise mon 
maitre et ami M. Th^ophile Roussel dans sa proposition de loi 
de 1883 sur les enfants abandonn6s, d^laiss^s ou maltrait^s. Un 
comity devait fonctionner dans chaque d^partement, un autre 
dans chaque canton, pour assurer Tex^cution de la loi et aussi 
pour recueillir et contr6ler toutes les informations relatives 
aux enfants maltrait^s. 

II est en tout cas impossible de se r^signer au statu quo 
16gal ; un premier 6chec n'est pas fait pour nous d6courager ; 
il conviendra de rechercher avec le plus grand soin, en 
dehors de toute pr^f^rence doctrinale, le meilleur systfeme, le 
plus facilement acceptable, de protection preventive des enfants 
maltrait^s et d^laiss^s. 

Soit qu'il s'agisse de la loi du 24 juillet 1889 et de son ap- 
plication plus sdre, soit qu'on se pr6occupe de la mendicity des 
enfants, du vagabondage, de la non-fr6quentation scolaire,il ya 
lieu, commc pour la ddcouverte opportune desactes de cruaut6, 
de faire appel aux moyens les plus ^nergiques et les plus d6- 
cisifs et d 'examiner dans quelle mesure et sous quelle forme 
Taction priv^e et Fintervention publique peuvent se combiner 
et se pr6ter la main ; le probl^me est pos^ devant Topinion, 
devant la conscience populaire, non moins pressant et non 
moins aigu, et nul n'a le droit de s'en d^sint^resser; tons les 
bons citoyens et toutes les femmes de cceur ont leur mot k dire 
et leur devoir k faire. 

PAUL STRAUSS, 



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LETTRES A UN MILLIONNAIRE 



II 

Assez longuement, dans ma premiere lettre (1), je vous ai^ 
dit comment je concevais Torganisation des secours admini- 
stratifs : aujourd'hui, je serai plus bref, bien qu'ayant k vous 
parler d'une question ^galement int^ressante, celle de Thospi- 
talisation des vieillards indigents et des infirmes. Elle est, 
dans notre ^tat social, le complement naturel de la pr6c6- 
dente. Je n'ai plus k vous exprimer des id^es g^n^rales ; je n'ai 
k voir que le mode d'application des ressources consacr^es a 
cette oBuvre d'assistance et k 6tudier k votre intention le plus 
judicieux emploi de ces ressources. 

Peut-^tre allez-vous me dire que cela vous int^resse fort 
secondairement, puisqu'il ne s'agit plus de vous indiquer 
quelque moyen de ddpenser louablement votre argent, et que, 
d^s I'instant oil je ne vous entraine pas k puiser dans votre 
cofifre, vous n avez que fairede mes theories? 

D^trompez-vous ; vous pouvez encore ici servir la cause des 
pauvres gens. Ef, tout de m^me, c'est votre fortune qui vous 
permettra de le faire; elle vous donne de la consideration, vous 
ouvre toutes les portes, vous permet de recevoir k votre table, 
de r6unir dans vos salons des 6crivains, des 6conomistes, des 
legislateurs, des ministres, toutes personnalit^s ayant une ac- 
tion indirecte ou directe sur les destinies des citoyens, gens 
considerables dont vous avez la rare chance d'etre considere, 
qui vous ecoutent avec deference, sur lesquels vous pouvez 
certainement exercer votre influence en faveur de Telaboration 
d'une loi bienfaisante, tout comme s'il s'agissait d'echafauder 

(1) Voir la Revue Philanihropique du 10 octobre 1897. 



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812 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

quelqu'une de ces difficiles et avantageuses combinaisoDS 
iinanci^res dont vous 6tes parfois le maitre artisan. 

A ceux-li vous direz, quand vous aurez un peu m^dit^ sur 
ce que je vais tout d'abord vous dire moi-mfime, qu'ils out 
r^ellement k enrichir notre code d'un utile instrument l^gal 
de plus. 

Vous avez puvousrendre compte de Tinsuffisance des se- 
cours en argent, de la difficult^ de Torganisation des secours 
en travail ; vous avez pu, surtout, reconnaltre Texactitude de 
cette v6rit^ que tout secours inf^rieur k trente francs par mois 
pour un vieillard, pour un infirme, dont la place serait dans un 
hospice, est une assistance d^risoire, une condamnation aux 
pires raiseres, k la famine et k la mort. 

Ce secours r^gulier, mensuel, de trente francs, qui serait, k 
fi*ais modestes, le salut d'une foule d'^tres et en somme Tall^ 
gement de beaucoup de charges administratives, combien de 
temps ceux qui le r^clament comme ^conomistes, ceux qui 
rimplorent comme int^ress^s, mettront-ils k Tobtenir? 

It n'y faut pas songer maintenant. Les ressources publiques 
continueront, selon toute apparence, k se morceler, k se mon- 
payer en faibles subsides, insuffisants k tirer de peine celui 
qui les re^oit, parfois se traduisant en une sorte de prime & la 
paresse. 

Unhomme,que j estime pour le bien qu'il aime k faire,plus 
particuli^rement parce qu'il cherche k le faire judicieusement, 
me racontait, Tautre jourceci : 

« SoUicit^ d'appuyer une demande de secours, j*ai couqu 
quelques doutes sur la sinc^rit^ du solliciteur et sur la r^alit^ 
de ses besoins. Avant de rien faire, j'ai voulu consulter le se- 
cretaire tr^sorier de mon bureau de bienfaisance. Je lui ai fait 
part de mon d6sir d'obligeance et aussi de mes doutes. II m'a 
r6pondu, d^s le lendemain,que le qu^mandeur lui ^tait connu, 
que sa conviction ^tait faite, que nous ^tions certainement, 
comme je Tavais craint, en presence d*un faux pauvre. Eh 
bien, admirez la force de « Thabitude »! Le bureau Tavaitd^ji 
assists : I'homme a eu son secours tout de m^me. 

« Je Tai rencontr^ trois ou quatre jours apr^s. Et il m'a 



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LETTRES A UN MILLIONNAIRE. 813 

adress6 un petit salut de la main , quasiment protecteur. 

« Jecrois me souveair que cela se passait le. matin m6me 
oh les journaux ont annonc^ un de ces suicides de pauvres 
honteux qui font couler tant de phrases de la plume des jour- 
nalistes. Le hasard vous offre parfois de ces contrastes iur 
struct if s. » 

En mati^re d'hospitalisation, la simulation d'etat n'est 
point aussi commode que dansle cas que je viensde rapporter, 
bien que les grands 6tablissements tels que Bicfitre et la Salp6- 
trifere aient connu certains pensionnaires encaissant discr^te- 
ment de belles et bonnes rentes etjouissant,depuis desann^es, 
des bienfaits de Tindigence officielle. 

II y aura done toujours fort k faire pour distinguer les mi- 
sferes vraies des mis^res feintes. 

Je reviens k Tobjet de ma lettre. Pour Tadmission dans les 
hospices, qui sont le point de mire des mis6rables arrives sans 
ressources et sans force au d^clin de la vie ou des individus 
parfois tr^s jeunes frapp6s de quelque mal incurable, une com- 
mission administrative se r^unit tous les mois et examine les 
titres des postulants soit k Fadmission effective, soit k cette 
pension representative du secours d'hospice, au taux mensuel 
de trente francs, dont je vous ai expose la n^cessit^ souveraine. 

Pour 6tre class6 en plus ou moins bon rang par cette com- 
mission, il faut, selon sa jurisprudence constante, justifier 
d'une residence k Paris assez longue pour y avoir acquis son 
domicile de secours, et toutefois n'y 6tre pas venu en ^tatd'in- 
firmite, n'y 6tre pas arrive apr^s Tdge de soixante-dix ans. 

Des motifs d'exclusion particuliers atteignent les enfants 
qui, par exemple, ne peuvent 6tre adrais dans les services d'in- 
curables que s'iis sont n^s k Paris. 

II ne faut pas parler des exclusions pour antecedents judi- 
ciaires. Les postulants de cette categoric vont generalement 
s*6chouer au depftt de Nanterre, ou aboutissent aussi forc6ment 
ceux que la commission a dA repousser, comme ne remplissant 
pas les conditions d'admissibiiite, telles que le domicile acquis 
it Paris, et ne;^pouvant, par consequent, etre traitesque comme 
les vagabonds et les indignes. 



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•gl4 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

Sans insister sur ce triste aperQu d'aprfes kquel vous 
pouvez vous faire une id^e du nombrede ceux kqui sont for- 
c^ment refus^es les res»ources deThospitaliM publique, je veux 
faire ressortir ranomalie r^sultalit de I'application rigoureuse 
de cette jurisprudence, que, si & propos, rectifierait la loi en 
faveur de laquelle vous vous emploierez, je n'en doute pas. 

La commission sp^ciale pour Tadmission dans les hospices 
fonctionne trfes r6guliferement et opfere avec beaucoup de soin, 
s'6clairantde toutes les notions utiles k I'examen des demandes 
de placement. 

Un certain nombre de oes demandes s'appliquent k des 
personnes occupant un lit dans un hdpital, reconnues atteintes 
de maux chroniques ou incurables, impotentes par consequent, 
qu'il conviendrait de transferer dans un hospice, afinderendre 
iibres les Jits qu'elles immobilisent au detriment de malades 
frappes d'affections aigu^s ainsi exposes k rester k la porte. 

A ces personnes, on n'a rien demands pour les admeltre h 
rh6pital, sinon la constatation de leur etat de maladie par le 
medecin qui, les ayant gard^es plus ou moins longtemps dans 
son service et les ayant jug^es Inguerissables, so hAte de pro- 
duire un certificat de translation pour s'en debarrasser ; en quoi 
il op^re humainement puisqu'il s'agit, au resume, de faire de 
la place k des sujels dont son art pent amener la guerison. 

Jusqu'ici tout est bien pour Tincurabie k transferer; Ik oil 
tout prend mauvaise tournure, c*est lorsque la commission 
reconnait, aprfes enqu6te, que le postulant, dont Tentree & 
rh6pital a ete chose toute simple, est dans une deces situations 
particuliferes qui lui ferment la porte de I'hospice. 

Alors, que se passe-t-il? La Commission, rigoureuse obser- 
vatrice de la jurisprudence speciale, rejette la demande : pour 
pousser jusqu'au bout Timpitoyable iogique, elle devrait aussi 
rejeter dans la rue le postulant, puisqu'elle ne peut et ne doit 
equitablement plus rien faire pour lui ; qu'il occupe indftment 
le lit destine k un malade curable et ne peut pretendre a Thos* 
pitalisation definitive. 

Heureusement, T Administration est humaine^EIle retire le 
dossier de la circulation ; elle le classe ; et le sujet repousse 



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LETTRES A UN MILLIONNAIRE. 8i5 

continue 4 vivne k Thdpital, ce qui est, me direz-vous, Tessen- 
tiel; et vous aurez bien raison^en vous plaQant au seul point de 
vue de Fint^rfet individuel. 

Votre conclusion sera tout autre si vous vous dite^ que 
Fostracisme frappant Thomme ou la femme qui aspiraient ii 
rhospice frappe k leur suite une foule d'individtialit^s int^- 
ressantes ; que le fait de ce lit occupy par un infirme les pri- 
vera peut-6tre des soins qu'elles auraient le droit de recevoirA 
rh6pital. 

Ajoutez, si vous voulez sp^culer ^conomiquement, que cet 
incurable maintenu dans un service de curables, par la pitr^ 
publique, parce que la loi le repousse de Thospice, coille k 
rhdpital en moyenne 3 fr. 53 par jour selon les plus rficents 
calculs, tandis qu'k I'hospice il ne cotlterait que 1 fr. 74. 

N'appuyons pas trop cependant sur ce detail : il ne nous 
fournit, en eflfet, qu'une comparaison iinanci^re k premifere vue 
assez piquante, mais que d^daigneront ceux qui proclament 
volontiers qu'un lit coAte toujours k peu prfes autant k TAd- 
ministration, qu'il ait eu, durant Tannic, cinquante occur 
pants ou qu'il ait 6t6 immobilise au profit d'un seul. Moi> 
j estime, et vous estimerez peut-fttre, bon juge de Timportance 
morale deschoses mat^rielles, que Temploiid^al desressources 
individuelles ou g^n^rales est d'en tirer la plus grande somme 
de benefices ou de r^sultats possibles. 

lei, c'est de cela surtout qu'il s'agit. Si un lit utilise au profit 
de cinquante individus ou d*un seul ne coiite, dans les deux 
cas, qu'une somme ^gale, le benefice moral qu'on obtiendra de 
cet emploi sera d'en faire profiter le plus grand nombre possible 
d'individus. 

Dans ce but, il faudra faire tomber les barriferes fermant 
rhospice knn certain nombre de postulants el, par suit<^f activer 
le mouvementdes malades dans les salles d'h6pital. 

Ceux qui, d'ailleurs, immobilisent des lits d'h6pital pour 
d'autres causes, que nous 6tudierons peut-6tre un jour, et pra- 
tiquent parfois, sous le couvert de Tautorit^ professionnelle, 
un parasitisme d'un autre ordre que celui des b^n^ficiaires de 
secours, doivent ^galement c6der la place aux vrais malades. 



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816 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

Mais, cette place, je crois bien qu'il faudrait Vemporter d'as- 
saul. Et encore serait-ce une victoire douteuse, tandis que 
pour les premiers, jiour les refuses de f hospice, une loi Tas- 
surerait, s6rieuse et durable. 

Cette loi obligerait toutes les communes k se soucier du 
placement de leurs incurables ou de leurs vieillards indigents 
ayant gard^ domicile l^gal en leur lieu de naissance ou Tayant 
acquis au lieu de leur residence habituelle; elle les solidari- 
serait toutes en vue d'une action collective, elle d6charge- 
rait Paris de quelques lourds fardeaux, en r^partissant plus 
^.quitablement les responsabilit^s en matifere d'assistance, elle 
permettrait d'efifacer les rfegles d'exclusion et par consequent 
les anomalies que je viens de dire; loi delicate, sans doute, 
difficile h formuler, mais qui serait un soulagement pour les 
consciences et une esp^rance ferme pour les blesses de la vie ; 
loi enfin qui serait parce qu'elle doit fetre, selon la logique et la 
conscience. 

Voilft une cause que je voudrais plaider et pouvoireflFective- 
ment servir, si j'^tais comme vous le familier et Tami des 
archontes; elle n'est peut-6tre pas trfesbrillante, elle ne permet 
de fairemontre d*aucunevertudeclamatoire,d'aucun sentimen- 
talisme pseudo-philanthropique ; demeurez pourtant persuade 
qu'elle fournitune bonne et honn6te th^se d'^conomie sociale, 
digne de Texamen du droit esprit et du brave homme que vous 
fetes, selon ma croyance. 

11 y a plus de dix ans, j'^crivais sur ces choses k pen prfes ce 
que je vousdis aujourd'hui; j'^tais hant^ de cette id^e qu'il faut 
combattre de toutes ses forces Tillogisme, et cr4er entre les 
communes une mutuality de devoirs assurant k tous les mfemes 
droits : droit k Tassistance en cas de maladie ou d'accident, 
droit ii Tassistance en cas de vieillesse indigente ou d'infirmit^s, 
droit k Tassistance enfin dans toutes les circonstances et sous 
toutes les formes A6]k ^num^r^es et pr^vues. 

« Une commune, disais-je, n'est-elle pas en r^alit^ une 
famille civilement responsable de tous ses membres, de m6me 
qu'elle doit a tous protection et soUicitude? Etne serait-il pas 
juste que Tarlicle 5 de la loi des 22 Janvier, 8 avril et 7 aoAt 18S1 , 



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LETTRES A UN MILLIONNAIRE. 817 

qui dispose que rAdministration des hospices peut toujours 
exercer son recours, s'il y a lieu, contre les membres de la 
famille du malade, fAt compl6t6 par ces mots : « et contre la 
commune oti le malade a gard^ son domicile ». Gette loi rigide 
formulae sans obscurity de texte, invoqu^e k la suite de consta- 
tations rigoureuses, fermement appliqu^e par les soins des pr6- 
fets, obligerait les communes d^partementales h se soucier plus 
constamment des int6r6ts de leurs enfanis ^loign^s, k ne point 
spicule? si facilement k leur sujet sur la Iib6ralit6 de la ville 
de Paris, la bonne nourrice, k lui apporter, au contraire, un con- 
tingent de ressources, en rapport avec la part de charges qu'elles 
imposent k ses services hospitaliers. 

C'est un point de vue special int^ressant la question dont 
je vous ai entretenu dans cette lettre; ce n'est pas toute la 
question. Je vous ai dit que T^tude d'une telle loi serait deli- 
cate et laborieuse. 

Ce qui importe, c'est que Tassistance administrative ne soil 
pas entrav^e dans son action humaine par ce que les irr^v^- 
rencieux appellent des « chinoiseries » ; qu'un infirme ou un 
vieillard ne soient pas mis en interdit quand il s'agit de Thos- 
pice et maintenus dans leur lit quand il ne s'agit que de rh6- 
pital. 

Je m'aperQois que je vais me r^p^ter, et je m'arrfete,.. 
Faites une activtf propagande en faveur de cette loi n^cessaire. 
Un depute de Paris s'inspirant de certaines id^es en cours parmi 
certains collogues de province, que les questions d'int^rfit, je 
veux dire d*6goisme local, touchent avant tout, me disait, il y 
a quelque temps : 

— Oui, cette loi serait bonne, elle serait excellente! mais 
qu'on la pr^sente, nous serous quarante k la voter! Ceux des 
d^partements ne nous suivront pas. 

N'6coutons pas ce sceptique. Croyons au triomphe final du 
bien. 

LOUIS GALLET. 
F^vrier i898. 



RBVUE PHILAIfTHROnQUB. — II. 52 






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L'ASSISTANCE COMMUNALE 



Le S^nat est appel^ k se prononcer sur un projet de loi qui 
lui est soumis par le gouyernement concernant la representation 
des pauvres, et Tadministration des ^tablissements d'assistance. 

C'est on ne pent mieux. II ne faut pas 6tre tr^s initio en 
mati^re d'assistance publique pour savoir quelle anarchie r^gne 
Ik ou il existe Tautonomie entre les administrations d'assistance 
communale, d^partementale et nationale, et entre les ceuvres 
d' initiative priv^e. 

Je sais que c'est k cause de cette autonomic en matidre d'as- 
sistance, que Ton doit la mauvaise repartition des secours, que 
Ton signale de partout; mais je sais aussi que les lois qui 
entravent Taction municipale et d^partementale sont respon- 
sables de la perpetuation et de Taggravation de ce regrettable 
etat de choses. 

II faut une patience extraordinaire, unie k une lutte de tons 
les instants, pour arracher aux commissions communales d'as- 
sistance quelques r^formes dans leurs vieux services de secours 
et d'hospitalite, car c'est surtout chez elles que r^gne la forme 
surannee de charite, et que dominent les pretentions admini- 
strati ves. 

On sait combien la municipalite est vassale du pouvoir 
central; on sait, par consequent, tons les ennuis et les entraves 
qui en r6sultent pour elle. 

En matifere d'assistance, le maire est pr6sident-ne du bureau 
de bienfaisance, des hospices civils, et du Mont-de-Piete, mais 
il ne pent deieguer ses pouvoirs, ou se faire remplacer dans 
I'une quelconque deces administrations, par un de ses adjoints, 
la municipalite n'a le droit de nommer que deux deiegues k 
Tadministration du Bureau de bienfaisance, deux del6gues ega- 
lement k celle des hospices, et un seul au Mont-de-Piete, tan- 
dis que le prefet a le droit k la nomination de quatre deiegues 



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L'ASSISTANCE COMMDNALE. tf9 

pour chacune de ces administrations d'assistanee, et de cinq 
d^l^gu^s pour I'institution du pr6t. 

La municipality a aussi le droit de donner son avis sur les 
budgets d'assistance, mais les commissions charitables peuvent 
ne pas en tenir compte; elle a le droit de refuser ces budgets, 
mais alors ce sont les pauvres qui en souffrent. 

Comme on le voit, les droits de la municipality sur Tassistance 
communale sont al6atoires. 

Gette anomalie fftcheuse, consa<^r^e par laloi du 5 avril 1884, 
pourrait disparaitre au plus grand profit des v4ritables indigents, 
si Tarticle 1*^' du projet de loi en question devant le S^at et qui 
a trait k la reunion des commissions administratives des bu- 
reaux de bienfaisance, et des hospices, n'^tait pas suivi d'ar- 
ticles qui viennent ddtruire toute la portde de la r^forme. 

En effet, Tarticle I*' qui semble promeltre toute une reor- 
ganisation administrative, en mati^re d'assistance communale, 
s'exprime ainsi : 

« Une commission dite « Commission communale d'assis- 
« tance » est chargde dans chaque commune de repr^senter les 
pauvres, de g§rer leur patrimoine, et d'administrer le bureau 
de bienfaisance, le bureau d'assistance m^dicale, les hospices, 
h6pitaux et autres 6tablissements constitu^s comme 6tablis- 
semenls publics communaux d'assistance. 

« Dans chaque commune un bureau de bienfaisance est 
charge du service de la bienfaisance & domicile. 

« Les orphelinats, creches, asiles et autres institutions ayant 
un objet d'assistance communale peuvent 6tre constitufe comme 
etablissemeats publics, par d6cret rendu par le Conseil d'Etat.» 
Ce serait 1&, dvidemment, une rdforme s^rieuse dans Tas* 
sistance communale, k condition toutefois que Tadministration 
en soit confide k des deldguds nommds, en parties 6gales, par le 
Conseil municipal et par le pr6fet. 

Mais, non ! le projet de loi k Titude laisse en Tdtat actuel 
la nomination des commissions communales d'assistance, main- 
tenant ainsi la municipality sous la tutelle de l*Etat. 

Ce n'est pas la peine vraiment de faire une nouvelle loi pour 
si pen de chose. 



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«20 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

Je sais pourtant ce que Ton va me r^pondre ; on trouvera 
que la transformation de toutes les commissions communales 
^'assistance, en une seule et unique commission communale, 
s'^tendanl depuis le bureau d'assistance m^dicale gratuite aux 
creches, asiles et autres institutions humanitaires, reconnus 
comme 6tabiissements publics communaux, est un progr^s, 
oonstitue une importante r^forme. 

Je Tadmets de suite ; mais cette r^forme ainsi faite est pr^- 
, judiciable aux franchises municipales ; c'est grftee h elle que le 
pouYoir central mettra d^flnitivement la main sur Tassislance 
fublique. 

En r^sum^y cette sorte de representation des pauvres en- 
Ifevera aux municipalit^s leurs oeuvres d'assistance communale, 
et aux villes qui subviennent d'elles-m6mes k leurs pauvres 
le regime special dont elles profitent quant it la loi sur Fassis- 
tance m^dicale gratuite. 

Certes, je regrette beaucoup le mal que fait cette autonomic 
communale en mati^re d'assistance, et je plains les v^ritables 
d^sh^rit^s d'etre les premiers a souffrir des divisions entre des 
administrations trop jalouses de leurs prerogatives ; mais k qui 
Ja faute? 

Aux lois qui ne permettent pas aux municipalites de mieux 
r^partir les secours aux pauvres autrement que par Tinterme- 
diaire de bureaux de bienfaisance, imbus d'une deplorable 
routine; aux lois qui, pleines de mefiance envers les municipa- 
lites, leur accordent une representation insuffisante dans les 
etablissements publics d'assistance ; aux luttes intestines que 
^onsacrent ces lois entre les municipalites et entre les admini- 
strations publiques responsables, en quelque sorte, du patrimoinc 
d'assistance sociale. 

Et aujourd'hui, on voudrait aggraver cette faute en essayant, 
par un moyen detourne, par decret du Conseil d'etat, d'enlever 
aux municipalites leurs ceuvres d'assistance communale, lelles 
que les refuges de nuit, les cantines scolaires, les maternites, 
les creches, etc., etc., restreindre en un mot le droit municipal 
au point de retirer k la commune ce que la loi du 5 avril 1884 
lui accorde? 



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L'ASSISTANCE GOMMUNALE. 82r 

Ge n'est pas la peine, je le r^p^te, de faire une loi qui ren^ 
drait celle de 1884 plus restrictive encore de la vie municipale 
en mati^re surtout d'assistance sociale. 

Que r^tat 6tablisse une caisse de retraites pour les vieux 
travailleursy qu'il fixe par une loi la responsabilit^ patronale 
en matifere d'accidents professionnels, qu'il organise largement 
la gratuity de la justice, qu'il cr^e des lois de protection du 
travail, et qu'il tienne s^rieusement la main h Tex^cution sincere 
et fiddle de ces r^formes, c'est parfait. 

Qu'il cherche k solidariser les communes entre elles dans 
le devoir social, c'est-k-dire dans Tassistance publique, en leur 
fixant leurs devoirs et leurs droits; qu'il transforme les com- 
missions administratives des bureaux de bienfaisance, et des 
hospices, en d'uniques commissions communales d'assistance, 
c'est desirable. 

Mais alors, puisqu'il ne restera plus k un moment donn^, 
apr^s les quelques r^formes cities, qu'k r^partir les secours aux 
indigents, qu'i laisser les hospices aux incurables, qu*^ d^ve- 
lopper les crfeches et les maternit^s, dans le but de sauver les 
enfants pauvres et leurs m^res, qu'ii dtendre plus que jamais 
Tassistance m^dicale k domicile, et crder et accroitre les can- 
tines scolaires, les soupes et le pain populaires, les refuges et 
autres oeuvres de solidarity sociale^ que T^tat accorde done k la 
commune et aussi au d^partement ^galit^ de representation 
dans les administrations bienfaisantes et charitables, c'est-&-dire 
dans les commissions communales et d^partementales d'assis- 
tance, sous la pr^sidence des maires, et des presidents des 
Conseils g^n^raux ou des pr6fets : ce serait on ne pent plus juste 
et tr^s d^mocratique. 

En dehors de cette r^forme, je trouve le projet de loi sou- 
mis au S^nat trds dangereux pour les tributaires de TAssistance 
publique, car ils peuvent devenir ainsi les sportulaires d'un 
C6sar, ou de I'arislocratie d^positaire de la richesse et du pou- 
voir. 

VoilJi since rement ce que je redoute. 

H. GUESQUlfeRE. 
Conseiller gindnl du Nord. 



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C0MIT6 DE DEFENSE 



D£8 



ENFANTS TRADUHS EN JUSTICE 



CORRECTION PATERMELLE. — APPLICATION DE LA LOI 
DU 24 JUILLET 1889. — ORGANISATION PRATIQUE D£S TUTBLLES 



Pour terminer ce qui nous reste k dire des iravaux du Co- 
mity de Defense en ce qui conceme les questions inscrites 
dans la premiere section du programme dont nous avons donn^ 
le texte, c'est-k-dire celles qui sont relatives h Tenfant avant 
son arrestation, nous devons traiter de rinternement par voie 
de correction paternelle et de Tapplication de la loi de 1889 
sur la d^ch^ance paternelle. Enfin nous ferons connattre les 
yceux du comity en faveur d'une organisation des tutelles pour 
les enfants pauvres. 

Correction paternelle. — Le devoir le plus imp^rieux que 
la loi de nature et la loi civile assignent au p^re de famille, 
c'esty apr^s qu'il a assure Texistence mat^rielle de son enfant, 
de pourvoir k son education, et par education il faut entendre 
ce mot dans son sens le plus large ; T^ucation de I'enfant ne 
comprend pas seulement Tinstruction qui malgr^ son impor- 
tance n'y occupe qu'une place secondaire, mais en premiere 
ligne, elle doit se proposer de lui inculquer les principes de 
morale, d'amour de son pays qui devront r^gler sa conduite 
dans la vie, le fa^onner et le diriger de telle sorte dans son d^- 
veloppement physique, intellectuel et moral, qu'il tire le meil- 
leur parti de ses facult^s et de ses forces pour lui, pour son 



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DfeFENSE DES ENFANTS TRADUITS EN JUSTICE. 823 

pays et pour la soci6t^ ou il est appeI6 Ji vivre. — De quels 
moyens le p^re dispose-t-il pour atteindre ces r^sultats? L'au- 
torit^ paternelle, r^poud le Code. Mais c'est un terme dont on 
comprend le d^faut de precision, d^s que Tenfant, au lieu 
d'etre ob^issant et docile, devient recalcitrant, que ses instincts 
mauvais ne peuvent 6tre refr^n^s par des conseils, par Tas- 
cendant de son p^re, la tendresse de sa m^re, par les punitions 
familiales admises par Tusage et qui varient singuli^rement 
avec les 6poques et les courants d'opinions, mais que le Code 
ne sp^cifie pas. Afin que ces punitions ne deviennent pas des 
s6 vices, qu'elles ne d^g^nferent pas en des sequestrations, la loi 
intervient et met k la disposition du chef de famille Tinteme- 
ment par voie de correction paternelle. Celle-ci est r^gl^e par 
le titre IX du Code civil, articles 375 k 383, en ce qui con- 
ceme les droits du p^re et par Tarticle 483 quant aux droits du 
tuteur. On peut les r^sumer ainsi : au-dessous de seize ans, le 
president du tribunal, sur la demande du pfere, doit delivrer 
I'ordre d'arrestation de Tenfant et le faire intemer pendant un 
mois; au-dessus de seize ans, le pfere peut seulement soUiciter 
du president un intemement maximum de 6 mois. Dans les 
deux cas, il ne doit y avoir ni Venture, ni formality judiciaire. 
Le pfere est toujours maitre d^abrSger la dur6e de Tinternement. 
Sauf indigence, le p^re est tenu de payer tous les frais d'entre- 
tien. Si apr^s sa liberation, Tenfant retombe dans de nouveaux 
ecarts, rinternement pourra de nouveau etre prononce. L'en- 
fant detenu peut adresser un memoire au procureur general 
et sur le rapport de ce dernier, le president de la cour peut 
modifier ou faire cesser Tinternement. 

Enfin, en ce qui touche Texecution et Tapplication des ar- 
ticles du Code civil, Teducation k laquelle est astreint le mi- 
neur interne est determinee par la loi du 5 aoAt 1850; c'est le 
regime de la separation individuelle ou, selon Texpression ha- 
bituelle, le regime cellulaire. Pour des details plus precis d'ap- 
plication, nous renverrons au rdglement ministeriel du 
id aoiit 1869, encore en vigueur dans son ensemble, suranne 
en plus d'un point, et naturellement modifiable comme heu- 
reusement toute decision ministerielie. 



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824 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

Gette legislation est-elle satisfaisante? Notre opinion per- 
sonnelle y est trfes nettement contraire. Nous allons en donner 
les principaux motifs. 

Et tout d'abord un fait materiel d^montre qu'elle est inap- 
plicable, c'est qu'elle est k peu pr^s inappliqu^e. Si en effet on 
consulte la statistique officielle p^nitentiaire parue en 1894, on 
relfeve avec ^tonnement qu'au 31 d^cembre 1892, le nombre 
des mineurs internes par voie de correction patemelle est en 
tout de 160 seulement, k savoir : 

d'arra (2"!^^^^- *' 



^--^'-^^ {Fair: III'' 

Etablissements publics et prives d'education | Gardens. 23 ) 

correctionnelle ( Filles. . 54) 

160 

Etqu*on ne croie pas a un fait special k Tann^e 1892; nous 
avons relev6 des chiffres k peu prfes ^gaux pendant quinze ans ; 
en 1881, le total 6tait de 227, il n'a cess^ de d^croltre depuis 
lors et en 1889, il est m6me tomb^ i 121. 

Qu'estce que ce chiffre maximum de 200 par rapport & la 
multitude de mineurs vagabonds, mendiants, voleurs, etc., par 
rapport aux 6487 mineurs internes dans les etablissements 
d'education correctionnelle? N'existe-il done en France que 
200 enfants rebelles k Tautorite paternelle?etle rapprochement 
que nous faisons k dessein entre ce chiffre et ceiui de 6 487 mi- 
neurs intemds en vertu des articles 66 et 67 du Code p^nal n'in- 
dique-t-il pas par lui-m^me qu'en fait les parents ne se soucient 
pas de recourir aux moyens que la loi metk leur disposition pour 
venir k bout de leurs enfants par le systfeme de la correction 
patemelle, et pr^f^rent, en les laissant vagabonder, mendier ou 
commettre des delits, les faire intemer par la voie des articles 
66 et 67 du Code p^nal? Laplupart des parents agissent ainsi 
inconsciemment; lis se d^sint^ressent du sort de leurs enfants 
qui deviennent des moralement abandonn^s et qui, s'ils ne 
sont pas recueillis par les services publics ou par les oeuvres 
privies, sont fatalement destines k etre arr^t^s, puis envoy^s 
en justice et d6finitivement mis en correction comme ayanl agi 
sans discernement. Mais beaucoup de parents aussi n'ont pas 



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DEFENSE DES ENFANTS TRADUITS EN JUSTICE. 825 

recours h la voie de la correction paternelle pour des motifs 
qui ont une grande valeur et que nous allons iudiquer. Le 
premier et le plus puissant, c'est que, pour faire intemer son 
enfant par correction paternelle, il faut, en vertu de Tar- 
ticle 178, § 2, supporter les d^penses d'arrestation et de trans- 
f^rement, puis payer le prix des aliments. En principe, rien de 
plus juste. Mais en fait, comment des cultivateurs, des ouvriers 
gagnant k peine de quoi subvenir k leurs besoins et a ceux de 
leur famille, pourraient-ils subvenir k ces d^penses d'entre- 
tien ? et m6me quand ils le pourraient, c'est une d^pense qu'ils 
cherchent k 6viter. On pent les en bl&mer, mais on ne change 
pas la nature humaine. 11 faut bien reconnattre que ceux qui 
font des lois se placent toujours k un point de vue th^orique. 
Ils ont en vue une famille ais6e, dispos^e k faire des sacrifices 
pour Tdducation de ses enfants. lis n'ont pas r^fl6chi que la 
masse des ciloyens n'est pas, ou par impossibility ou par mau- 
vaise volont6, dans ce cas. En r^alit^, la correction paternellep 
n'est possible que pour les parents fortunes. Ceux-ci peuvent 
faire intemer leurs enfants dans cetle admirable maison de 
Mettray, mais sait-on que la pension y est de 200 k 300 francs 
par mois, plus un droit d'entr^ede 100 francs et des supple- 
ments nombreux ? Aussi le nombre des pensionnaires de cette 
oat^gorie est des plus restreints, et ce n'est gu^re 6tonnant. 

Mais si le motif materiel que nous venons d'indiquer agit 
avec le plus de force pour d^toumer les families de recourir k 
la correction paiemelle, il est d'autres considerations qui ne 
rendent pas desirable la pratique de ce syst^me. En premier 
lieu, il est regrettable que, pour les enfants au-dessous de seize 
ans, la loi fasse Tobligation au president du tribunal de delivrer 
Tordre d'arrestation, quand il est reclame par les parents, sans 
examiner si la demande n'est pas dict^e par des sentiments de 
haine ou de vengeance. Hdlas! n'existe-t-il pas des parents per- 
vers, injustes? Nous voulons croire que ces cas sont rares, mais 
6videmment ils ont dii se produire. Heureusement, car les 
maux contiennent parfois leurs remddes, Tobligation de payer 
pension empftche-t-elle un grand nombre de parents de recourir 
k la correction paternelle, en province du moins; mais k Paris, 



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826 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

il est assez ais^ d'obtenir la remise de la d^pense et alors la 
gratuity du placement devient un moyen tentant de se d6bar- 
rasser sans bourse duller d'un enfant g6nant. Quel est le recours 
decelui-ci? Farticle 982 qui I'autorise & adresser une requite 
au procureur g^n^ral? Nous serious curieux de savoir combien 
de fois des enfants y ont eu recours. C'est encore Ik une pre- 
caution th^orique. Est-ce que les enfauts savent seulement ce 
que c'est qu'un procureur g^n^ral? 11 est tr^s piquant, mainte- 
nant que nous sommes bien rassur^s sur leur resurrection, de 
reconnaitre qu'avant le Code civil, les lettres de cachet, ces fa- 
menses lettres de cachet, offraient jadis plus de garanties que la 
legislation modeme pour les enfants contre des sequestrations 
arbitraires dans leur immense generalite tout au moins, car il 
faut laisser de c6te des exceptions. L'ordre du roi ne s'obtenait 
sur la requete des parents qu'^rfes des enquetes approfondies. 
Et ceux que le sujet interesse, nous les renvoyons, soil aux 
rapports inedits d'Argenson publies en 1891 par M. Paul 
Cottin, soit h un trfes curieux article de M. Funck-Brentano 
dans la Revue des Deux Mondes d'octobre 1892. Ce n'est pas 
tout. Le Code n'a pas fixe d'dge minimum pour Tinternement 
de lenfaut; rien ne s'oppose k I'internement d'un enfant de 
quatre, cinq ans et m^me au-dessous! ! 

Avons-nous termine nos critiques? HelasI non. Nous en in* 
diquerons succinctement seulement deux, pour ne pas abuser 
de Tattention de nos lecteurs. — Nous reprochons 4 I'inteme- 
ment par correction patemelle d'etre un ch&timent et non un 
moyen d'education. Pour obtenir le redressement d'un enfant, 
ce n'est pas une (sequestration d'un mois au-dessous de seize ans, 
de six mois au plus au-dessus de seize ans, qui peut suffire. II 
y faut un long temps, un effort prolonge,un maintien sous une 
discipline speciale et eu outre Tenseignement d'un metier, un 
apprentissage industriel ou agricole. Pour tout cela, il faut du 
temps, et ce n'estpas dans une maison d'arret ou de correction 
qu'il faudrait intemer Tenfant, mais dans des ecoles de preser- 
vation. 11 serait necessaire d'y maintenir Tenfant non pas dans 
ces durees fixes d'un mois ou de six mois, mais pendant le 
temps iudetermine et variable suivant les circonstances, sui- 



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DtPENSE DES ENPANTS TRADUITS EN JUSTICE. 827 

vant la conduite de renfant, que reclame son amendement. 
NoQS serions done d'avis d'instituer aupr^s de chacune des 
^oles de preservation une sorte de tribunal charge d'appr^cier 
le moment oti Tenfant devrait 6tre rendu k la liberty et k sa 
famille. C'est ici le cas de reprendre Tidde des commissions de 
surveillance prfivues dans Tarticle 8 de la loi de 1850. 

Une autre consequence de ce syst^me serait de renoncer k 
la cellule pour le mineur, sauf bien entendu pour des manque- 
ments graves k la discipline int6rieure. Autant nous sommes 
partisan de Temprisonnement cellulaire pour les majeurs con- 
damn^s^ parce qu'il constitue non seulement un ch&timent, 
mais surtout parce qu'il rem^die aux terribles dangers de la 
promiscuity, autant pour Tenfant, nous trouvons que c'est une 
barbarie parce que la society n'a pas le droit d'arrfiter le d6ve- 
loppement physique de Tenfant it im ^ge ou le mouvement, le 
grand air lui sont indispensables, sans compter en outre qu'il 
n'est pas possible de donner Tinstruction ou Tapprentissage 
d'un metier k un enfant en cellule. Et puis, au point de vue de 
la moralite, comment ne pas prfivoir les pens^es que lui sugg^re 
son desoeuvrement? — D'ailleurs, nous nous refusons k com- 
prendre — en dehors de Tidee de chMiment — pourquoi le 
mode d'education correctionnelle qu'on trouve salutaire pour 
les enfants de Tarticle 66 et mdme pour des mineurs condamn^s 
de Tarticle 67 et qui consiste k les astreindre en commun k des 
travaux des champs ou dans des ateliers ne pent etre applique 
k des enfants qui en fait n'ont commis aucun deiit, qui n'ont 
que de mauvais instincts, des penchants malfaisants non encore 
arrives k Tetat d'actes. Pourquoi aux uns la prison sous sa 
forme la plus dure : la cellule; aux autres le travail en plein 
air? II nous revienl en pensee ce remede excellent pour des 
menuisiers et dangereux pour des ebenistes ! 

Nous voulons arreter ici nos observations. Aussi bien auront- 
elles Toccasion d'etre d6veloppees quand la question de la cor- 
rection patemelle sera traitee avec toute son ampleur au Comite 
de Defense. Elle I'a dej^ ete k la Societe generale des Prisons 
et ceux qui voudront etudier cette fort interessante question 
feront bien de lire dans le Bulletin de la Socidt^ des Prisons 



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828 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

(ann^e 1890, p. 454 et suiv.) et ann^e 1894 (p. 1 et suiv.) 
les discussions qui y out eu lieu sur le rapport de M. Henri 
Joly et sur le n6tre. — Jusqu'ici la question de la correction 
paternelle n'a encore ^t^ ^tudi^e au Comity de Defense que 
sous un de ses aspects particuliers, celui de T^ducation physique, 
intellectuelle et morale de Tenfant, pendant la dur^e de son 
interoement. Personne n'6tait mieux qualifi^ que le D' Mottet 
pour cette 6tude pour ainsi dire anthropologique. Dans un rap- 
port fin, ^l^gant et profond, le D*" Mottet a voulu faire passer 
dans les esprits la conviction que le systfeme d'^ducation appli- 
que aux internes de la correction paternelle ne donnait et ne 
pouvait donner aucun bon r^sultat et qu'il importait de Torga- 
niser d'une manifere plus humaine, plus scientifique, par la 
creation d'^coles de r6forme ou de maisons de preservation sui- 
vant les cas. Mais le D*" Mottet, qui pourlant eAt 6t6 un bien 
eminent rapporteur, a voulu demeurer sur le terrain psycholo- 
gique, oil il a acquis une autorite incontestee et laisser h des 
jurisconsultes le soin de traiter la question de legislation quo 
souleve Texamen des articles 376 et suivants du Code civil. 

La lot du i4juillet 1889 sur la protection des enfants mal- 
traitis ou moralement abandonnes, — 11 pent paraitre malaise au 
premier abord que la critique impartiale de cette loi puisse etre 
faite par Tun de ceux qui ont le plus participe k sa redaction et 
et k son application. « Mes petitssont jolis et d'agreable figure », 
disait le hibou de la fable ; nous ne tiendrons pas ce langage et 
pourquoi?D'abord la loide 1889 commetoutes les lois modernes 
est une oeuvre collective; sortie des deliberations de la Societe 
des Prisons, elle a ete elaboree en 1880 par une Commission 
extra-parlementaire reunie k la Ghancellerie; puis apr^s une 
laborieuse gestation de dix ans et des ballottages nombreux 
entre le Senat et la Ghambre, elle a passe par le crible du Con- 
seil d'fitat (rapporteur, M. Courcelle-Seneuil), du Conseil supe- 
rieur de TAssistance publique (rapporteur, M. Brueyre), de la 
Ghambre des deputes (rapporteur, M. Gerville-Reache), du Senat 
(rapporteur, M. Th. Roussel). Dans ces peregrinations, letexte 
et Tesprit initial de la loi se sont forcement alteres. Bref, la 
loi est un enfant de plusieurs p^res et si Tun y reconnait son 



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DEFENSE DES ENFANTS TRADUITS EN JUSTICE. 829 

nez et le Irouve charmant, il ne peut s'emp^cher de blftmer la 
bouche qui a'est pas de lui et lui paraiigrimaQante. Et puis pour 
faire sortir la loi des limbes oh elle mcnaQait de s'enlizer ad 
wtemum^ il a fallu faire des concessions, accepter des compro- 
mise consentir it des aniputations douloureuses, concilier des 
opinions d6rivant de tendances d'esprit diflf^rentes, suivant que 
leurs auteurs appartenaient ^ la magistrature ou ^ Fadministra- 
tion. Avant tout, il fallait obtenir le vote de la loi. On vcrrait 
apr^s. Ge moment est venu. Voilii pr^s de dix ans que la loi 
fonctionne. Ses bienfails et ses d^fectuosit^s d'application se sont 
r^v^l^s k tons les yeux. Et chaque fois que la loi de 1889 a fait 
Tobjet d'^tudes etde discussions, soit k la Soci6t^ des Prisons, 
soit au Comity de Defense, soit dans les cours de Droit, soit 
dans les nombreux travaux qu'elle a suscit^s, Taccord a 6t^ k 
pen pr^s unanime sur les points dont il convenait de demander 
la r6forme. HAtons-nous de dire que telle qu'elle est, la loi de 
1889 est un instrument puissant & qui sait le manier pour la 
protection de TEnfance. Le nombre des enfants recueillis dans 
les services d^partementaux et moralement abandonn^s est de 
prfesde 19 000, dont prfes d'un millier pour les oeuvres privies, 
dont 700 pour la seule Soci6t6 du sauvetage de Tenfance. — 
La loi a done 6ii efficace, mais elle devrait procurer ses bien 
faits it plusieurs fois ce nombre et c'est pour atteindre ce but 
qu'il faut d'abord indiquer les r^formes dont elle est susceptible, 
puis lutter pour obtenir du gouvemement et du parlement 
un remaniement de la loi. 

En dehors des enfants, dont sous le nom g^n^rique d'Enfanls 
assist^s, comprenant trois categories : trouv^s, abandonn^s, 
orphelins, les services d^partementaux d'Assistance ont pris 
la charge depuis la loi du 15 pluvi6se an XIII et le d^cret du 
19 Janvier 1811, il existe, notamment dans les grandes villes, 
une multitude d'enfants que leurs parents n'ont pas officielle- 
ment abandonn^s etmis kla charge de I'Assistance, mais qu'ils 
laissent, sans ressources, sans abri, sans moyens d'existence 
et qui, ddslors, sont contraints pour subsister de recourir k la 
mendicity, au vol, k la prostitution. C'est ce qu'on a appel6 
des moralement abandonn^s. Leur definition globale la plus 



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830 REVUE PHILANTHROPIQUE* 

juste nous a toujours paru celle-ci t des enfents que leurs 
parents, par suite de circonstances dependant ou non de leur 
volont^, laissent dans un ^tat habituel de mendicity, de vaga- 
bondage ou de prostitution. A ces enfants il faut ajouter ceux 
qui sont I'objet de s6vices et de mauvais traitements. — C'est 
de ces enfants qu'il y avait lieu d'assurer la protection. La defi- 
nition admise, il en r^sulte que les moralement abandonn^s 
se divisent en deux categories, semblables dans leur malheur, 
mais dont on ne pent assurer la protection par les mtoies pre- 
cedes legaux. Ces deux categories sont : 1^ ceux qui sont en etat 
d'abandon moral par la faute ou les vices de leurs parents, 
mais dont ceux-ci par interet ou pour toute autre cause refusent 
de se dessaisir; 2^ ceux dont les parents sont dans Timpossibi- 
lite, par suite d'infirmites, de mis^re, de negligence, d'exercer 
sur eux leurs devoirs de surveillance. — De lit, la necessite soit 
de faire deux lois, soit une seule loi avec deux titres distincts 
correspondant auxmesures protectrices dissemblables imposees 
par la difference des situations. C'est h ce dernier parti qu'on 
s'est arrete, et Ton a sagement agi. Mais il n'en resnlte pas 
moins que, de ce fait, la loi a perdu son caractere d* unite et que 
des consequences importantes en decoulent dans Tapplication 
et dans la procedure. Telle qu'elle a ete promulguee definitive- 
ment, laloi dans sontitre I, tout en etant une loid'assistance, a 
un caractere incontestablement penal et judiciaire, et dans son 
titre II, elle est sans melange une loi administrative d'assistance 
departementale, comme les lois concernant les Enfants assistes. 
Parlous d'aborddutitrel, c'est-Ji-dire des enfants mendianls 
que les parents tiennent 4 conserver, parce qu'ils sont pour eux 
un instrument de profit, des enfants que leurs parents soit par 
simple negligence, soit parce qu'ils sont eux-memes perdus de 
vices ou ivrognes, laissent vagabonder ou pis encore, enfindes 
enfants maltraites. Ces enfants, il faut les sauver, mdme 
quand leurs parents s*y refusent, arguant de leur puissance 
paternelle. Pour cette categoric, les malheurs des enfants ayant 
pour cause Tindignite des parents, la loi devait constater cette 
indignite, la frapper d'une peine et comme consequence, dans 
rinteret superieur des enfants, faire cesser Tautoriie pater- 



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DEFENSE DES ENFANTS TRADUITS EN JUSTICE. 831 

nelle et confier les enfants h des institutions privies ou pu- 
bliques ({'assistance. La deduction ^ait logique et rigourease, 
mais dtait-il n^cessaire de prononcer la d^h^ance des parents? 
et surtout et dans tons les cas^ de decider que cette d^ch^ance 
^tait absolue, qu'elle s'appliquerait k d'autres enfants que celui 
qui avait eu h souffrir de Tautorit^ paternelle^ qu'elle s'^tendrait 
aux enfants n^s et m^me h na!tre ? qu'elle comprendrait tons 
les droits indistinctement qui composent Tautorit^ paternelle? 
C*est une solution que nous avons combattue h la Commis- 
sion de la Chancellerie et ailleurs, mais en vain, parce que les 
magistrats et les jurisconsultes, sauf trois membres appartenant 
h r Administration, composaient la grande majority de cette 
commission et qu'ils ont impost leur mani^re de voir. lis 
arguaient que le Code p^nal, en son article 335, § 2, avait d6]k 
pos^ le principe de la d^ch^ance et qu'il suffisait pour prot^ger 
les enfants de T^tendre ii des cas nouveaux. Nous pensions et 
nous pensons toujours qu'il suffisait, commeTavait demands la 
Soci^t^ g^n^rale des Prisons, de se borner k retirer aux parents 
la garde de Fenfant, et du seul qui avait eu k souflFrir de Tauto- 
rit6 paternelle, pour le confier k TAssistance ou k une OBUvre 
priv6e, de ne pas soulever sans utility, sauf pour les cas rares 
etmonstrueuxvis^s par Tarticle l^, la question de la d^ch6ance 
et d'agir comme les Anglais et les Am^ricains, gens pratiques, 
pen soucieux des theories philosophiques et visant k atteindre 
leur but, avec le moindre effort. — L'application de la loi n*a 
que trop justifi^ nos provisions, et devant la rigueur des conse- 
quences d^coulant de la prononciation de d4ch6ance, un grand 
nombre de tribunaux refusent de la prononcer, et alors plus de 
protection pour Tenfant. Dans d autres cas, au contraire, la 
d^ch^ance ayant 6t6 prononc^e, des consequences dOplorables 
en sont r^sultees, disproportionnOes avec les avantages obtenus. 
— Nous ne saurions nous etendre sur ce point ; il a ete mis en 
lumi^re au comity et par le rapport que nous lui avons adressO 
et par un rapport de M. Tavocat general BrOgeault. On estuna- 
nime sur ce point, et le comity a approuvO notre proposition 
consistant k ne conserver la ddch^ance absolue que pour les cas 
vis6s par Tarticle 1*^% mais quant aux cas enumOres dans Tar- 



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REVUE PHILANTHROPIQUE. 

i Ji se bomer h retirer aux parents le droit de garde et 
ues autres subsidiaires et vis-ii-vis seulement de Tenfant 
le d'un abus de Tautorit^ paternelle. 
I secondc r^forme importante consiste h 6tendre la protec- 
le la loi aux enfants naturels non reconnus, si nombreux 
t les moralement abandonn^s. En eifet, la loi de 1889, du 
mt qu'elle preuait pour point de depart la d£ch6ance, ne 
que les enfants places sous Tautorit^ paternelle, c'est-ii- 
3s enfants legitimes on naturels reconnus ; mais pour les 
3, il n'existe pas l^galement d'autorit^ paternelle ; done 
I moyen d'utiliser la loi de 1889. Le comit6 a adopts not re 
sition, et la resolution qu'il a prise a ^t^ transmise au 
smement. 

)us ne pouvons pas, dans un simple compte rendu des tra- 
du comity, entrer dans des details d'application et de pro- 
e, un peu techniques et qui fatigueraient nos lecteurs. Bor- 
aous k faire connaitre que le comity a adress6 au garde 
[^eaux un rapport lui demandant de faire ^tudier les 
\ suivants : 

Utility de signaler aux tribunauit le bienfait k retirer 
large application de Tarticle 5 qui aulorise la Chambre du 
il, d^s le debut deTinstance en d^ch^ance, k confiertem- 
*ement Tenfant k la garde de TAssistance publique ou 
OBuvre priv^e consentante. 

Necessity de r^duire k leur minimum toutes les forma- 
d'adresser sur papier libre notification du jugement au 
e qui doit prendre charge de Tenfant, s'il ne Fa d6jk 
[Hi en vertu de Farticle 5. L'intervention d'un avou^ est 
B en ce qui touche le titre II. Toutes notifications, convo- 
s adress^es aux interess^s doivent 6tre faites sur papier 
st adress^es par la poste ou par la femise a domicile: 

Uliliie de recommander aux juges d'instruction la 
ue des formules de renseignements sur les parents en 

au tribunal de la Seine et d'inviter les juges d'in- 
ion k faire porter leur enqu^te sur les faits pouvant en- 
r la dech^ance et justifier la constitution d'une tutelle. 
Le Gomite a 616 d*ayis que Tinterpretation de la loi auto- 



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DEFENSE DES ENFANTS TRADUITS EN JUSTICE. 833 

risait les tribunaux r^pressifs et m^me les cours d'assises a 
organiser la tutelle. 

0® Le comit6 a 6t6 d'avis qu'il serait desirable que TAdmi- 
nisiration p6aitentiaire au cours de rinternement des enfants, 
en verlu de Farticle 66 du Code p^nal^ p6t recueillir des ren- 
seignements sur la situation de leurs families, afin de provo- 
quer s'il y avail lieu la d^ch^ance des parents par application 
de Tarticle 2, § 5, de la loi de 1889. 

Disons que, sur ce dernier point, le reprisentant de T Admi- 
nistration p^nitentiaire, M. Vincent, a fait connaitre que le mi- 
nistre de Tlnt^rieur avait prescrit Tadoption de cette mesure 
tul^laire, conform6ment au vobu du comity. 

Nous terminerons ce que nous avons k dire de la loi de 1889, 
en annouQant que la Soci^t^ g6n6rale des Prisons a charge unc 
commission sp^ciale, pr^sid6e par le v6n6rable D"* Th. Roussel, 
d'6tudier k nouveau toutes les r^formes dont la mise en appli- 
cation de la loi depuis neuf ans a d6montr6 la n^cessitd. Un 
rapport tr^s interessant de M. Bonjean, juge au tribunal de la 
Seine, a indiqu6 certaines difficult^s k r^soudre. La commission 
a ddsign6 comme rapporteur M. Georges Leloir, substitut a 
Paris, et qui, comme auteur d'un ouvrage excellent sur « la 
puissance paternelle », connait k fond la loi de 1889. La com- 
mission comprend trois membres de la commission de la Chan- 
cellerie qui a pr^par^ le projet dcvenu la loi de 1889 : MM. Th. 
Roussel, Bonjean et Brueyre. 

Lorsque le travail aura 616 soumis et discut6 par la Soci^lc^ 
des prisons, il aura ainsi une autorit^ particuliftre et il est a 
esp6rer que le garde des Sceaux auquel il sera transmis consi- 
d6rera qull y a lieu, dans Tint^rM de la protection de TEnfancc, 
d'en faire Tobjet d*une proposition au Parlement. 

Organisation des lutelles. — Tout le monde sait que si dans 
les milieux bourgeois et aisds, il est de r^gle, pour sauvegarder 
les int^rfits des enfants, devenus orphelins, de leur donner un 
tuteur, un subrog6 tuteur et un conseil de famille, au contraire, 
il n'est organise aucune tutelle, en faveur de Timmense majo- 
rity des orphelins de families ruralesou urbaines, lorsque, au 
moment du ddc^s de leurs parents, ils n'ont aucun heritage a 

UEVIE PHILAXTIIROPIQUE. — II. 53 



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834 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

recueillir. Et cependant FinWrtt d'argent, s41 n'existe pas k 

r^poque du d^cfes des parents, peut survenir ult^rieurement, 

et puis cet int^rfet est loin d'etre le seulpour le mineur qui doil 

6tre prot6g6 dans tous les actes de sa vie de mineur. La faute 

en est-elle au Code civil? non ; seulement, par suite d'indiff^- 

rence de la part et des parents et des juges de paix, la loi ne 

rcQoit pas son application. Les consequences en sont graves pour 

Tenfant, et il n'est pas douteux que, faute d'avoir assure aux 

mineurs pauvres le bienfait d'une tutelle, lorsque ceux-ci n'onl 

pas et6 officiellement remis aux services d'enfants assistis, la 

society ne soit responsabled'avoir placS, par sa negligence, les 

mineurs non proteges dans cet 6tat d'abandon moral, source de 

tant de maux pour eux et pour elle. On estime qu'il n'est pas 

un orphelin pauvre sur six en faveur duquel ait 6t6 oi^nis^e 

une tutelle. Dej&dans les derniferes ann6es de TEmpire, Jules 

Favre avait signals cette situation douloureuse et pr^conis^ 

cette organisation des tulelles. Rien n'a ^t^ fail, et il n'est que 

juste de reconnaftre qu'il n'est pas facile de trouver toujours 

six parents ou amis pour constituer un conseil de famiile, un 

tuteur pour veiller sur Tenfant, enfin un subrog^ tuteur. 

D'ailleurs pour un enfant pauvre, Timportant est avant tout 
de pour voir & son entretien et h sa nourriture et si 1 'Assis- 
tance publique ne Ta recueilli,ou trouver un tuteur qui assume 
une charge qui ne lui incombe pas, et qui consente k ajouter 
ce surcroit de fardeau k ceux que d6}k lui imposent sa propre 
famiile, sa femme et ses enfants? Le probl^me est done trds dif- 
ficile k r6soudre et des syst^mes trfes divers, danslesquels Tas- 
sistance communale ou provinciate entre pour une part, fonc- 
tionnent a T^tranger. C'est dans le but de rechercher comment 
il serait possible d'instituer dans notre pays une organisation 
pratique des tutelles en faveur des enfants pauvres que le 
Comit6 a confix cette dtude k une Commission compos^e de 
MM. Cresson, Guillot, Brueyre, Le Bourdel^s, Morel d*Arleux, 
Tommy-Martin et Varin. Un rapport trfes int^ressant de 
M. Tommy-Martin, juge de paix du 2® arrondissement, complete 
par un rapport bien ^tudi^ deM. Achille Varin, ont 6l€ discut^s 
par le Comild. Si Tunanimit^ des membres du Comity s'est ma- 



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DEFENSE DES ENFANTS TRADUITS EN JUSTICE. 835 

nifest^e pour reconnaitre combien il serait utile k Tenfant de* 
veau orphelin d'6tre pourvu d'un protecteur l^gal, les diver- 
gences se sont produites quant h la possibility d'organiser 
pratiquementcette protection. II a d'abord 6t6dit que pour deux 
categories d'enfants, il n'y avait rien k innover. Pour les enfants 
de families aisles, possddant des biens, les prescriptions du Code 
civil sont en g^n^ral observ6es, et au d^c^s des parents, la tu- 
telle est presque toujours constitute. Le fonctionnement et la 
composition [des conseils de famille assurent-elles d'une fa^on 
suffisante la sauvegarde des int^rfits du mineur? D*une mani^re 
g6n6rale on pent r^pondre affirmativement et k eoup sdr on ne 
pent que rendre hommage 4 la conscience scrupuleuse avec 
laquelle les juges de paix s'acquittent de cette partieimportante 
de leurs attributions. En tons cas, il ne s'agit ici que de mineurs 
poss^dant des biens, etnous n'avons pas k nous occuper d'eux 
en ce moment. Demdme, les loisdes 15 pluvidse an XIII, 10 Jan- 
vier 1849 et le d6cret du 19 Janvier 1811, en coniiant aux ser- 
vices publics d'enfants assist^s la tutelle et T^ducation des or- 
phelins pr^sent^s aux hospices d^positaires, ont assure de la 
fa^on la plus compile et la plus satisfaisante le sort de ces en- 
fants. Mais entre ces deux groupes se trouve k T^tat flotlant une 
foule' considerable d'orphelins dont des parents plus ou moins 
eioign^s, des amis ou mfime des personnes charilables ont pris 
d'abord soin; les mobiles en sont divers et ils varient mfime 
avecTdge des enfants; Tinterfit n'y est pas toujours stranger. 
Apr^s un temps plus ou moins long ou par suite de circon- 
stances multiples, 1 'enfant, sans ^.tre men^ aux hospices d6po- 
sitaires quilerecueilleraient,se trouve livr6 k Iui-m6me et il se 
transforme en moralement abandonn^. A quel moment deleur 
existence la protection publique peut-elle s'6tendre sur eux ? 
Gomme Ta dit M. Varin, il appartiendra toujours au juge de 
paix, en vertu de Tart 406 du Code civil, soil d'office, soit sur la 
requisition d'un parent ou de toute autre personne, de provo- 
quer I'organisation de la tutelle. Si pour Tenfant legitime Tuti- 
lite de le pourvoir d'une tutelle ne se manifeste qu'au dec^s de 
ses parents, c'est-4-dire k Tinstant oCi il devient orphelin, pour 
y enfant naturel non reconnu, c'est I'epoque de sa naissance qui 



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836 



REVUE PHILANTHROPIQLE. 



determine Ic moment. Mais est-il pratique de s'enqu6rir dans 
les mairies, k chaque declaration de naissance, de la n^cessit^ 
de la constitution d'une tutelle et de signaler chaque cas au 
juge de paix? De nombreuses raisons s'y opposent, en dehors 
de la besogne extraordinaire qui s'imposerait ainsi aux juges de 
paix; mais il est un motif qui dispense de tons les autres, c^est 
qu*il serait mat^riellement impossible de trouver le nombre 
exig^ par la loi de tuteurs, subrog^s tuteurs ct membres de 
conseils de famille. En outre, la mortality considerable qui frappe 
les enfants du premier dge rendrait, h^las! sans objet pour un 
nombre important d*enfants la constitution d'unc tutelle ob- 
tenue avec tant d'efforts. Le Comity a pens6, sur la proposition 
de M. Morel d'Arleux, que I'dgede la scolarit^ 6tait Tdpoque la 
plus favorable pour dresser la liste des enfants k pourvoir d'un 
tuteur. II a done adopts la resolution suivante : Chaque ann^e, 
en dressant, d'accord avec la commission scolaire, la liste de tons 
les enfants desix^ treize ans, le maire en extraira une secondc 
liste de ceux de ces enfants dont la tutelle devra 6tre organis^e 
et la transmettra au juge de paix et au procureur de la R6pu- 
blique. La seconde resolution adoptee a ete celle-ci : A chaquo 
declaration de dec^s d'une personne mariee ou veuve, le maire 
s'informera s41 existe des enfants mineurs et, le cas echeatit,en 
avisera le juge de paix et le procureur de la Republique. 

Afind'obvier i la difficulte de creer un conseil de famille 
applicable k chaque mineur orphelin, on instituerait aupr^s 
dechaquejuge de paix qui en serait le presidentunecommission 
cantonale de Torganisation des tutelles. Lorsque celle-ci n'au- 
rait pu constituer une tutelle de droit commun, elle ferail 
office de conseil de famille, etTun de ses membres ferait fonc- 
tion de tuteur. C'est un syst^me qui est usite a Teiranger. 
Mais, nous le dirons franchemcnt, il nous parait impraticable 
en France, pour la majorite des cas tout au moins. La raison 
en est simple. Si un pareil organisme etaitcree,les parents, 
amis ou ceuvres quelconques qui se seraient charges de Ten- 
fant se presenteraient sans tarder aupr^s des tuteurs et fe- 
raient la remise de I'enfaht, heureux de pouvoir si facilement 
lui remettre un fardeau si lourd. Qu'en ferail le tuteur? Re- 



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DEFENSE DES ENFANTS TRADUITS EN JUSTICE. 837 

fuserail-il de prendre charge de Tenfant? Alors celte tutelle 
tomberait rapidement en discredit. S41 ]'accepte, de quelles 
ressources disposera-t-il pour assurer Texistence de Tenfant? 
Ce serai t cr6er k c6t6 des services organises, dans chaque d^- 
partement, en faveur des enfants assist^s, des services canto- 
naux concurrents qu'il faudrait doter sur Timpdt, des services 
qui devraient cr6er les rouagesadministratifs,linanciers,m^di- 
caux, les inspections, les contr6les, les surveillances m^dicales 
indispensables k leur fonclionnement. A notre sens et sans y 
insister davanlage, cetle Resolution subsidiaire est purement 
chimdrique. Deux autres resolutions subsidiaires nous parais- 
au contraire fort sages et susceptibles do produire de grands 
bienfaits. La premiere formule le voeu que lors de la declara- 
tion de naissance d'un enfant naturel il soit remis au declarant 
deux exemplaires, destines au p^ro et^ la m6re, d*un avis rela- 
tif Sila reconnaissance des enfants naturels et k leur legitima- 
tion par mariage subsequent. Le second voeu demande que la 
commission etablie aupr^sde chaque justice de paix pour Tor- 
ganisation des tutelles s'emploie a faciliter la reconnaissance 
des enfants et le mariage des parents. Ce serait, sous une forme 
laiqiie, la SocietedeSaint-Fran^ois-Regis. Comme de celle-ci, 
on pent en attendre de serieux services. 

En resume, si le Comite n'apas, k notre opinion du moins, 
donne la solution definitive au difficile problfeme qu'il avait 
aborde, il en a d'abord determine parfaitement les elements, et, 
en outre, il a signale des mesures denature k attenuergrande- 
ment le mal, et, fait k noter, des mesures que les pouvoirs pu- 
blics peuvent prescrirc, sous la forme administrative et sans 
qu'il soit besoin de recourir au Parlement, puisqu'elles ne sont 
que lamise k execution des prescriptions du Code civil. Le Co- 
mite a done sur ce point faitcBuvre utile, et c'est maintenant au 
garde des sceaux et au ministre de Flnterieur qu*il appartient 
de donner aux municipaliteset aux juges de paix les instruc- 
tions necessaires. 

LOYS BRUEYRE. 



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L'EDUCATION MENAGilRE 



J'avais pens6 tout d'abord k d^dier cet article aux lectrices 
de la Revue. 

Je leur aurais dit : 

« Gonnaissez-vous des maisons pauvres? C'est trfes probable. 
Vous traversez des quartiers excentriques pour aller h la cam- 
pagne. Vous avez vu des maisons pauvres. Avez-vous p^n6tr^ 
dans ces maisons? Gonnaissez-vous des int^rieurs de faubourg? 
Avez-vous visits chez elles des paysannes, des ouvriferes, des 
femmes d'ouvriers? — Cela encore est trfes probable... 

« Et done, vous avez vu ces int^rieurs. — Un ou cinquante, 
peu importe. — lis se ressemblent. lis sont tristes. G'est leur 
caractfere g^n^ral; ils sont tristes. 

« Non parce qu'ils sont pauvres ! car la pauvret^ n'est pas 
triste en elle-m^me, — heureusement, — mais parce qu'ils sont 
mal tenus, mal soign6s — ou point soignds, point surveill6s, 
sans confort, et pis que cela : sans notion, ni recherche, ni souci 
du conforl, ni de la gaitd, ni de la propret^, ni de certains 
details plus d^licats, et que je n'essaierai point de ddfinir ; — il 
est, vous connaissez cela? une imperceptible combinaison de 
rinsaisissable et deTimpalpable paroti le mari, comme le p^re, 
le ills ou le fr^re se sentent & Taise, el se devinenl accueillis, et, 
habitues k Taccueil, — sArs d'etre attendus, — se plaisent par 
avance k ces ind^iinissables d6lices groupies par Tid^e du re- 
tour, et la sensation de rentrer chez sot... 

« Et ces choses ne s'expriment pas : la joie qui n'est jamais 
semblable etqui se recommence, ne se r6p^tant jamais, car elle 



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L'feDUCATlON M6NAG£RE. 839 

se cr6e tous les jours, expris, pour le fils, le p6re ou T^poux, dans 
la souple imagination de x^es f6es que vous 6tes quand vous 6tas 
des minagires; la joie infiniment douce et que Ton peut bien, 
par instant, oublier, ou m^connaltre et n%liger, par cela m6me 
qu'elle est trfes douce et ne s'impose pas ; et Ton y revient tou- 
jours, cependant, pour sa douceur, et par cela m6me qu'elle 
p^nfetre et ne s'impose pas... Toujours! ou avec si pen d'excep- 
tions, — millionnaire ou gagne-petit, — Thomnie y est revenu. 
Cela est plus ou moins r6gulier, plus ou moins intermittent, ou 
durable, ou instable et lent. Cela est, — 3i la condition, bien 
entendu, que le chez-soi existe, que Taccueil se devine, que 
Taltente s'atteste, et qu'Si rind6finissable une femme ait pr6- 
sid6, — qui soit une m6nag^re... 

« La femme du peuple est trfes rarement une m6nagfere. Ou- 
vrifere ou paysanne, — ou femme d'ouvrier, ne travaillant pas 
pour un salaire et restant chez soi, pen importe ; prise en g^- 
n6ral, la femme du peuple n'est pas une m^nag^re. Les excep- 
tions existent, c'est Evident. Elles sont rares. Et la femme du 
peuple n'y peut rien. EUe ne sait pas. EUe n'a pas appris. EUe 
n'a pas le temps. Petite fiUe, — sa mfere travaillant Ji la fabrique 
ou aux champs, ou restant chez elle et visil^e par des voisines, 
ou, hors de chez elle, absorb6e par le lavoir, par le march^, par 
les comm^rages encore, — petite fiUe, elle a suivi des classes ; 
eUe a 6t<5 k T^cole ; peut-6tre au cat6chisme ; elle a su la chro- 
nologic des rois de France ; et elle a jou6 en liberty, dans les rues, 
sur le pav6 de son faubourg ou par les chemins desacampagne; 
puis elle a 6i6 mise k son tour, aussit6t aprfes « son certificat », 
en apprentissage ou au b^tail, k la fabrique ou aux. champs. 
Personne n'a tenu le balayage, ni le savonnage, ni la surveillance 
du linge, ni Thygifene, ni la propret6, ni le pot-au-feu pour des 
^l^ments n^cessaires k son education. Et persoiine n'est respon- 
sable de ces lacunes. La mfere ne peut pas enseigner ce qu'elle 
ne sait pas, ce que nul k elle-m6me n'avait enseign^. Reste 
r^cole. Mais T^cole n'adopte point T^ducation m^nagfere. 
L'6cole a fort k faire; elle a Thistoire sur les bras, et lasyntaxe, 
et Torthographe, et le style, et des notions de science. L'6cole 
prepare au certificat. Le devoir de Tinstitutrice ne va pas plus 



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840 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

loin. On lui a demands du style et des connaissances p^dago- 
giques, aux examensdu brevet; personnene lui a demands ses 
id6es sur T^ducation m^nagfere, et il est probable au surplus 
qu'elle n'a pas d'id^es; elle n'a pas appris, — pas plus que ses 
6l6ves; rid6e du manage ne lui est pas naturelle ; elle n'est pas 
^lev6e pour le chez-soi; elle a grandi dans la culture du pro- 
gramme, et sa fonction normale est de preparer pour le certi- 
licat les petites fiUes du faubourg et les petites fiUes des champs. 
Entre r6cole et le foyer, comment des minag^res se formeraient- 
elles — sauf par don special de la Grdce — sur les chemins 
de la ferme et de Tusine, pour ne parler que de ceux-lk? La 
femme du peuple n'est pas une m^nag^re. Ce n'est pas de sa 
faute. Mais Tirresponsabilit^ ne change rien h. Vitaty qui se for- 
mule trop sou vent par Tinsuffisance, ou la non-existence du 
« manage » dans le peuple, et par le transfert du chez-soi, pour 
rhomme, au cabaret. 

« De ce transfert, Thomme du moins est-il responsable? 

« L'homme, sa journ^e faite, a besoin de repos, de soin, de 
chaleur, de gatt6, d'un « chez-soi ». L'homme a besoin d'un 
manage, que la femme ne sait pas tenir et organiser, pour 
Taccueillir, en Tattendant. — La femme n'est pas une m^nag^re. 
Elle ne pent pas Tfitre. La vraie m^nagfere, par tout ce que ce 
mot implique de supdrieur et de bienfaisant, c*est la femme 
dlev^e par une m^re qui a le temps, et qui donne ses loisirs, el 
qui laisse de son ftme dans cette education ; c'est la femme de 
condition moyenne, et aussi la femme de haute condition; c'esl 
la femme de bourgeoisie; c'est la femme du monde; c'est 
vous... » 

J'aurais pu dire ces choses; et j'aurais pu en dire d'autres 
egalement, et longuement prolonger Tentretien entam^ de la 
sorte, par une d6dicace aux lectrices de la Revue. Reflexion faite, 
je n'aipas mis de d^dicace k cet article. Et, certes, les femmes 
paraissent plus naturellement aptes a concevoir selon Turgence 
une forme trfessp6ciale — et inattendue, je suppose — de T^du- 
tion « int6grale »... D'autre part, cependant, il semble bien que 
les hommes aient un intdr6t plus g6n6ral et, — chaque « cas » 



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L'feDUGATlON M6NAG6RE. 841 

pris en parliculier, — plus personnel k T^tude pratique d'une 
question que (discretion pure) je m'abstiehdrai de elasser 
parmi les questions sociales. Int^rfit de la femme k « cultiver 
sonmoi », Ji le mettre en valeur, hie d6velopper, et k d6velopper 
aussi, par des moyens tr5s sArs, son milieu d'influence; int6rfet 
de rhomme k toute culture dont il doit tirer profit; Tint^rfit 
social, du moins, se trouve ici, — hors de conflit, — en harmo- 
nie profonde avec Tint^rfit naturel aux deux sections de la 
soci6t6. 

* 

Je ne voudrais pas insister. Les int^rfits sont 6vidents. Celui 
de la femme est hors de doute. II s'agit de r^gner chez soi, — 
et je sais bien : quelques femmes, mettons, si vous voulez : 
beaucoup de femmes, — en notre temps, pr^ftrent les « plus 
larges » royaumes et les rfegnes brillants, hors de chez soi, et 
de m6me une action ext^rieure, ind^pendante du manage; et 
beaucoup aussi, qui ne le pr6f6reraient point, sont obligees, pour 
n'avoir point de chez-soi, ni de manage, k Taction ext6rieure 
et ind^pendante. Mais il ne s'agit nullement de mettre T^du- 
cation m^nagfere a la place de T^ducation — n6cessaire — qui 
fait rinstitutrice, Temploy^e de banque et la demoiselle du tele- 
phone. 11 s'agit, tr^s simplement, de la mettre oil elle n'est pas, 
au programme de toute education feminine, et principalement 
de toute education feminine dans le peuple, qui en est le plus 
generalement prive; par consequence laterale, au programme 
des ecoles ou se forment les institutrices, par lesquelles Tedu- 
cation est, ou doit, ou pent etre donnee aux femmes du peuple. 
II y aurait beaucoup k dire, et, pour fttre k pen prfes complet, 
il faudrait une etude speciale, et, au surplus, votre experience 
suppieera, je suppose, k ce que — sur chacun de ces points — 
j'ai laisse de vague et de trop general; par suite, d'incomplet. 

Pour se confondre plus immediatement avec Tinteret social, 
Tinterfit de Thomme, epoux, pfere ou mari, en serait-il moins 
personnel, et moins evident? — On s'est beaucoup preoccupe, 
durant le dernier demi^siede, et Ton s'est occupe tr^s utilement 
des logements et de la vie en menage des ouvriers et des 



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842 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

paysans. Des modules d'habitations ouvriferes ont 616 construits 
par des hygi Enisles. Des hommes de coeur ont foumi des fonds. 
Jusque dans les derniers hameaux de France, des cours du 
soir et des conferences d'adultes ont et6 chercher et solliciter 
le paysan, le disputerau tragique divertissement de Talcool, et, 
parfois, le garder, sauf de la seduction, pour la femme, Ten- 
fant, le manage et T^pargne. Et ces efforts, — k titre de type, 
— compteront certainement parmi les excellentes actions de ce 
si^cle. Et — le type, hors de cause — les ing^nieuses archi- 
tectures resteront toujours k la merci d'une tenue de manage, 
et du soin donn^ k sa fonction naturelle par une m^nag^re 
ignorante ou « entendue ». Et sachez-vous beaucoup de « cours 
du soir » en mesure de lutter, k d^faut du chez-soi, attrait 
contre attrait, avec la r^elle, explicable et legitime attraction 
du zinc?... 

Ligitime^ parfaitement! Et c'est oeuvre pie, certes, que de 
maudire Talcool, et les actions de Talcool, et de se lamenter, 
trop justement, h^las!... sur Tentreprise de degradation qui 
masse un peuple, par troupeaux stupides, autour de triom- 
phants mastroquets; oeuvre pie, lamentations justes, — et 
pourtant!... 

Get homme, dont vous bl&mez la faiblesse, ouvrier, paysan, 
pen importe : cet homme du peuple est rentr^ chez soi, le soir, 
Tappetit exigeant, les membres las. II a fmi sa journ^e de tra- 
vail, huit, dix heures (et au deli) de rude travail au grand air, 
ou de travail alourdi par I'air pauvre, par Tair ^pais, par Fair 
m^phitique ou etouffant des ateliers. II rentre, et son « chez- 
soi » est un interieur d^sordonne, mal a^r^, mal chauffe, mal- 
propre ; dans le detail : une femme depeign^e — ou trop peign^e, 
parfois accorte, souvent criarde; des enfants negliges, grognons 
parce que negliges; une cuisine mal pr^par^e, mal surveiliee, 
peut-6tre insuffisante, peul-6tre indigeste : le r^confort impos- 
sible, le loisir du soir gfttd, sans lumifere, sans joie, sans beaute: 
car la beaute, forme indefiniment relative et multiple dldeals 
sans analogic, est — heureusement! — realisable, pour Tinfi- 
niment humble, par Tinfiniment petit... 

L'homme du peuple sort de chez soi, et rien n'est plus na- 



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L':6DUCATI0N MtNAOfeRE. 843 

turel. II cherche hors de chez soi, pour son loisir du soir, le 
divertissement et la beauts ; rien n'est plus juste. II les prend 
oil il les trouve, k la taverne, au caf^, chez le marchand de vin, 
peu importe ; rien n'est plus legitime... Ohl je sais bien! il y a 
autre chose; il y a le cours du soir, la conference, les formes 
diff^rentes et excellentes d'une id^e juste, — Tid^e de la lutte 
par le divertissement intellectuel contre les formes nocturnes du 
divertissement populaire. Organisations particuli^res, organisa- 
tions philanthropiques, organisations politiques, organisations 
confessionnelles, organisations d'etat, multiples applications 
d'une id^e sage et trfts belle, rien n'est ^pargn^ pour attirer au 
travail « noble » et k la paix les loisirs de Thomme du peuple. 
Et rien de ces efforts n'est n^gligeable ; — rien n'est sufBsant, 
car il arrivera toujours ceci (qui sera legitime), que I'hommedu 
peuple, ouvrier ou paysan, satur6 de travail, refusera son loisir 
du soir k I'effort de I'attention et de la reflexion ; et encore ceci, 
que I'homme du peuple, insuffisamment nourri, ou m^content 
de sa nourriture, ira demander k I'alcool un complement de 
subsistance — ou un complement de jouissance. Et, certes, du 
besoin r^sultera le desir, puis I'habitude, puis Tabus, et, avec 
Tabus, le vice. Rien n'est plus Evident. Rien n'est plus de- 
montre. Rien n'est plus affligeant, — et cependant il reste ceci 
d'incontestable, que le besoin, k un moment quelconque, s'est 
impose. Or, k ce moment, le cabaret, qui empoisonne et ruine 
Thomme du peuple, a pratique sur lui Tattraction du caravan- 
serail sur le pterin. II lui a ouvert comme un havre d'alle- 
gresse son porche de lumifere et Tenceinle joyeusc de ses cloi- 
sons stuqiiees. Et Thomme du peuple retournera done chercher 
au debit de liqueurs une salle balayee, une salle claire, de la 
grosse gaite, du feu en hiver, un arrosage en et6, le comple- 
ment ou le correctif de son repas, Tapparence du confort et la 
joie vague des faciles somnolences ou les brutales deiices de 
Toubli... II y retournera. C'est evident. Oil irait-il? 

On a dit : qu'il ne sorte pas; qu'il repose; il en a besoin; 
qu'il dorme; sa sante s'en Irouvera mieux; de meme, la sante 
de la race; qu'il reste chez lui, Thomme du peuple... 

Trfes bien. Donnez-lui une femme elevee selon la notion du 



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REVUE PHILANTHROPIQUE. 

il domestique, avec le go6t de Tordre, et sachant mal 
6tre la r^gle des participes, et ne sachant plus du tout la 
des rois de France, mais sachant' faire la cuisine et coudre, 
jseter, raccommoder, et blanchir et repasser le linge;et ne 
ppelant pout-6tre de T^cole que les « lemons de choses », 
se rappelant au besoin qu'une « rfegle g^n^rale », k sa- 
que rhygifene est tout bonnement la propret^; par la pro- 
, la santd; avec la sant6, la joie, et aussi r6conomie r^a- 
e, et par suite Taisance possible... 

onnez cette femme k Thomme du peuple. Donnez-lui le 
Lge et la m^nag^re. Donnez-lui le pot-au-feu, la soupe fu- 
e, le gros 16gume odorant. Etonn6 de trouver, sans bouger 
ez soiy la jouissance et le r^confort, rhomme du peuple 
I toujours par demeurer au logis, un de ces soirs en tem- 
jui font la rue maussade k la ville, et la grande route ob- 
I, glaciale et boueuse aux champs. Et que Texp^rience se 
e, et laissez faire Thabitude, et Tindolence, et Tenveloppe- 
, et le raisonnement, et cela pourrait devenir & la longue, 
Bi reconstitution du manage, la reconstitution de la famille 
nlle et aux champs... 

ant de consequences 6man6es d'un pot-au-feu? — Oh! pas 
5diatement, et nul, certes, ne pense k les voir r^aliser a un 
ier, ni k un centi^me, ni probablement k un milli^mc 
. Est-ce une raison pour ne pas se metlre au travail, et 
ne pas tenter, tout au moins, Texp^rience? Or, toute la 
tion actuellement pos^e se ram^ne k cela, pr6cis6ment, aux 
liferes experiences, — celles qui faciliteront les autres, — 
resulteront peut-6tre les consequences, ou quelques cons^- 
ces, ou une preparation aux consequences esperees. 

es experiences ne seront pas tout k fait neuves. J'en con- 
quelques-unes, emanees surtout, en France, de Tinitiative 
ie.Ilyen a d'autres,trfescertainement,eparses surtout dans 
Bimpagnes, et principalement autour des chMeaux. Ce sont 
3xceptions heureuses, et qui restent des exceptions, pour 



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L'feDUCATION MfeNAGfeRE. 845 

*tre pr6cis6ment trfes heureuses et se garder Isoldes, se suffisant 
k elles<m6mes, ddlachdes de toute propagande, ne tendant point 
k la cohesion. L'iDitiative privde s'en est tenue i cela, k quel- 
ques exceptions gdn^reuses, viag^res el isoldes. Les 6coles pro- 
fessionnelles, k Paris, ont fait un effort d'intdr6t plus gdndral ; 
Teffort n'a produit que pen, tr^s peu de rdsuUats; peut-6tre les 
ficoles, preoccupies de leur donner une profession, n'ont-elles 
pas insists avec assez de chaleur sur Tutilitd de Tdducation md- 
nag^re pour les fiUes du peuple, et de m^me pour les fiUes de 
petite et de moyenne bourgeoisie (1). Toujours prdoccupde de 
progr^s pratiques et de progr^s moraux, la ville de Paris a fait 
plus rdcemment, dans ses dcoles primaires, quelques essais 
d'6ducation mdnagfere, sur lesquels M. Paul Strauss, je pense, 
serait plus que n'importe qui k m^me de fournir d'exacts ren- 
seignements. Et d*autres essais encore ont 6i6 tenths, que j'ai 
connus, d*autres, que j'ignore, en plus grand nombre probable- 
ment, « dcoles de cuisine » pure et simple, dcoles d'arrondisse- 
ment, dcoles de quartier, dcoles particuli^res, entreprises com- 
merciales, oeuvres d'intelligenle bont6; dans cette derni^re 
categoric, je tiens a mentionner ici les cours de cuisine et 
d'dconomie domestique donnas, avec une admirable perseve- 
rance, par une coUaboratrice de la Revue, — M"* Seignobos, — 
aux quartiers populaires du sud parisien. 

Or, tous ces essais attestent un sentiment confus, ou, k un 
degr6 plus haut, des vues individuellcs d'utilite gdnerale, do 
progr^s concevable et de necessity. Et tous ces essais, d*autre 
part, rcstent encore des essais isolds, partiels et sans cohesion; 
la portee en est tr^s mediocre ; le grand public y prend peu 
d'interftt, pour n'en voir ni la valeur, ni Tapplication gdn^rale, 
ni le lien possible ; il faudrait constituer le lien, organiser des 
essais, attester Tutilite par des rdsultats, — et que Tart deTeco- 

(1) Je n'ai pas parl6 des filles de classes sup6rieures. Par une singuli^re ano- 
malie, ces jeunes personnes sont les seules favoris6es d'une education m^nag^re 
organis6e excellemment. Des 6coles de cuisine et de manage sont fr6quent6es 
avec beaucoup de z^le par des jeunes filles de bonne et m^me de grande maison. 
Les prix (d'6colage) sont ^ la hauteur des fr6queiitations. 11 est tr^s bien port6 
d'etre « forte » en cuisine. L' Annette de Francillon a 6t6 prise sur nature. Elle a 
des imitatrices. 



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REVUE PHILANTHROPIQUE. 

ie domestique cess&t d'6tre un raffinement de femme « bien 
ie » pour devenir accessible aux couches profondes de la 
>n... 

omment organiser T^ducation m^nag^re? 
nlre nous, je n'en sais rien... 

ours de manage dans les 6coles, — cours du soir pour les 
i^res, — cours pratiques dans les ^coles de village^ — addi- 
de la cat6gorie : manage aux programmes d'^eoles nor- 
s, — coacours de bonnes volont6s sans mandat, — « pa- 
iges » de femme^ du monde, ^coles du dimanche, lemons 
Loses et formation ckla m^nagfere, dans le peuple, au con- 
Bt par Texemple et par le secours de la femme du monde- 
ig^re, — ^coles sp^ciales organis^es par une adaptation, & 
lesoins de France, des mod^l^s que nous foumitlMtranger : 
•6tre tons ces 6l6ments pourraient-ils ulilement s'associer 
etudes, puis ^ la mise en train d'un enseignement tout bat- 
neuf ; Texp^rience pent seule constituer les programmes, 
er les cadres, d^finir les fonctions. 

t c'est, au surplus, une trfes lourde affaire que des pro- 
imes h. constituer, des cadres k d^finir, tout un enseigne- 
k mettre en route. N'y aurait-il pas quelque chose i tenter 
tendant Tentrde en ligne de la grosse ca valeric, des com- 
mons et des projets? Des patronages de femmes du monde, 
5xemple, ne pourraient-ils, allant au plus press^, com- 
;er par tons ses bords a la fois cette ceuyre philanthropigue 
xcellence : Tdducation reelle de la femme du peuple? 
eut-^tre. II faut voir. La question vaut probablement quel- 
6tudes. Je n'ai voulu, pour ma part, que soumettre ces 
:ions tr^s simples aux lecteurs et aux leclrices de la Revue. 

DICK MAY. 



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L'ASSOCIATION VALENTIN HAUY 

POUR LE BIEN DES AVEUGLES 

FONDLE EN 1889 
KBCONNUE D*UTILIT6 PUBUQUE EN 1801 



Plusieurs fois, d^ji, la Revue Philanthropique a eu Toccasion 
de parler incidemment de TAssocvation Valentin Hatty; peut- 
6lre ses lecteurs seront-ils bien aises de savoir avec precision 
quelle a 6t6 roriginc, quel est le but, Torganisation, le fonction- 
nement de cette soci6t^ bien jeune encore, bien restreinte dans 
ses ressources, mais qui, par son activity, sa vie intense, les be- 
soins pressants auxquels elle r^pond, a rapidement pris rang 
parmi les (euvres les plus int^ressantes de notre 6poque. 

Cette Association, sociale autant que charitable, n'a pas 6t^ 
une OBuvre imagin^e de toutes pieces, en un jour d'inspiration, 
par un philanthrope souvent plus g^n^reux, plus enthousiaste 
que pratique. Depuis 1883, T Association Valentin Hatty existe 
Jl r^tat latent, ses ^l^ments tr6s homog^nes se sont group^s pen 
h pen, et Tacle officiel du 28 Janvier 1889 en a simplement 
dress6 T^tat civil; c'est justement son m^rite tr^s neuf d*6tre 
venue relier, consacrer des oeuvres non improvis^es, mais for- 
nixes peu i pen. C'est \h, prdcisXment la cause de son succ^s et 
de sa stability. 

U arrive trop souvent que, ne procXdant pas de la sorte, 
on veut faire du bien sans trop savoir par quels moyens et, au 
lieu de s'unir a ce qui existe de similaire pour en augmenter la 
valeur, on imagine un litre; puis, en vingt-quatre heures, des 



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KEVUE PHILANTHROPIQLE. 

ui ne se sont jamais vues se trouvent, sur le papier, 
omit6; beaucoupde litres, de fonctions honorifiqucs 
Li^s, et ce n'est que plus tard, beaucoup plus tard, 
e de regarder quelles peuvent bien 6tre les assises 
. Aussi, qu'arrive-t-il? T^difice construit se trouve 
inhabitable parce qu'il n'a pas ^t^ cr^^ pour les 
u'au contraire il faudrait presque cr^er des besoins 
ctement avec Tddifice. 

'une (Buvre vive et prosp^re, c'est un fait d'exp6- 
t n^cessaire qu'en r^pondant h un vrai besoin de 
fivent en b6n6ficier, elle corresponde i une forme 
ie r6elle de ceux qui la constituent; puis, qu'elle 
insi que commence tout ce qui persiste : modeste- 
grand bruit d'abord, sur une surface restreinte, y 
J fortes racines et se d^veloppant ensuite avec le 

oiseux de discuter sur Tutilit^ de cette association, 
mtyphlophile (l),au faitde la question desaveugles 
qui ne rcconnaisse cette utility en parcourant les 

articles de ces statuts doivent surtout fixer Tatten- 
[u'ils montrent dans quel esprit large et 6ley6 Tasso- 
rganisde. Le ddsir d'^tablir Tunion entre les typhlo- 
oordonner les efforts tenths en vue d'am6liorer le 
ugles, la volont^ de provoquer, d'entretenir en leur 
rand mouvement d'opinion, la foi en leur capacity, 
es pens6es maitresses qui s'en d^gagent. 
3 faire entrer dans le conseil d'administration des 
^eugles et d'exiger qu'ils soient aussi nombreux 
ibres clairvoyants a 616 emprunt^e k la Socidt^ de 
it de secours en faveur des dlfeves sortis de Tlnsti- 
nale des jeunes aveugles de Paris. Cette id6e est 
t raisonnable, puisqu'on compte en France un bon 
^eugles qui, par leur valeur intellectuelle et morale, 

aveugles. 

plaire des statuts et le rapport du dernier exercice sont envoy^s 

e qui en fait la demande. 



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L'ASSOClATiON VALENTIN HAUY. 849 

leur d6vouement k la cause de leurs confrferes, la connaissance 
pratique qu'ils ont des besoins de la c^cit^, sont h mSme de 
s'occuper activemeat et avec entiftre competence de ram^lio- 
ratioQ du sort des aveugles. 

La valeur de cette disposition a ^t^ dprouv(§e par une expe- 
rience de quarante ans. La Societ6 de placement et de secours a 
fait, sans bruit, il est vrai, un bien inappreciable Ji des centaines 
d'aveugles qui lui doivent la creation ou le maintien d'une 
honorable position ; il est k remarquer que ce bien a 616 oper6 
avec des ressources relativement restreintes. 

En effet, cette mesure concourt k pr^venir certaines de- 
penses qui profitent plus aux aveugles en apparence qu'en 
realite. 

L'idee de mettre les cotisations k un trfes bas minimum, afin 
d'avoir beaucoup d'adh^sions et, par lJi,de cr^er aux aveugles de 
nombreux amis en tons lieux, est empruntee aux associations 
qui cherchent et trouvent dans une grande quantity de coti- 
sations infimes des ressources considerables et une popularite 
immense : c'est ce qu'il faut k la cause des aveugles. 

I. BUT 

L'Association Valentin Hauy, ainsi nommee en souvenir de 
celui (1) qui, le premier au monde, crut k la possibilite de 
rcndre Taveugle k la vie utile, a pour but d'etudier, d'appli- 
quer et de propager tout ce qui pent contribuer k Finstruction, 
au soulagement, en un mot, au bien moral et materiel des 
aveugles. Pour atteindre ce but, elle cherche k agir, en leur 
favour, sur Topinion publique, k unir, k seconder les personnes 
et les OBUvres qui s'occupent d'eux. Embrassant toute la ques- 
tion des aveugles, elle est, entre les groupes etles oeuvres locales 
qui font un bien reel aux categories dont elles s'occupent mais 
restreignent leur action Ji ces categories, le lien vivant, le fil de 
transmission ayant pour nceud Tinitiative privee et permettant 
un constant echange des idees, des efforts de tons au profit de 

(1) Valentin Hauy (1745-1822), n6 k Saint-Just-en-Chauss€e (Oise), cr6a k 
Paris, en 1784, la premifere 6cole d'aveugles. 

RBVUK PHILANTHROPIQUB. — lU 54 



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850 •. REVUE PHILANTHROPIQUE. 

tous. C'est auprfes d'elle que les personnes charitables qui s*in- 
t6ressent k un aveugle peuvent trouver les renseignemenis el 
la direction que soUicite leur bonne volont^ ; c'est elle qui 
prend en main les int^r^ls de Taveugle isold et Tiniliative 
d'am^liorations sou vent pressantes, mais ne correspondant pas 
au but particulier de telle oeuvre, de tel ^tablissement. 

II. SliGE DE l'cEUVRE 

Depuis la fin de 1895, gr&ce k de g^n^reux bienfaiteurs qui 
se sont charges de la premiere annde du loyer, TAssociation 
occupe, k Paris, au 31 de Tavenue de Breteuil, un modeste local 
devenu bien r^ellement « la maison des aveugles » et oil ses 
CBuvres multiples, jusqu'alors dispers^es, ont pu 6tre r^unies 
avec les divers services qu'elles comportent, services qui s ac- 
croissent constamment el sur lesquels on trouvera plus loin des 
details : secretariat g^n^ral avec dossiers des patronn^s, reper- 
toires, renseignements de tous genres concemant la excite, con- 
ferences Valentin Hatty, redaction des periodiques, biblioth^uc 
Braille, bibliotheque et musee Valentin Hatty, depdt d'objets & 
vendre manufactures par les aveugles, dep6t de vieux papiers, 
atelier, vestiaire, ouvroir, caisse des loyers, consultations juri- 
diques et medicates gratuites, reunions du dimanche, etc. Ainsi 
groupees et centralisees, les oeuvres de TAssociation fonctionnent 
avec plus de precision, d*ensemble et d'economie de temps pour 
ceux qui en beneficient et pour ceux qui s'en occupent. 

Gette petite maison a ete entierement meubiee par les dons 
ou prets de personnes charitables amies de Toeuvre ou avertles 
par la Presse de ses besoins. De Ik resulte un certain disparate 
dans le mobilier plus que modeste, mais aussi une economie 
des plus appreciables dans un budget si restreint. L' Association 
Valentin Hatty evite autant que possible les frais generaux qui, 
trop souvent, dans les oeuvres, profitent plus aux employes 
qu'aux assistes; jusqu'ici les seuls employes remuneres par elle 
sont six aveugles. La « maison des aveugles » est ouverte tous 
les jours (dimanches exceptes^ de dix heures k midi et de 
deux k cinq heures; elle est parliculierement inieressanle k 



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L'ASSOCIATION VALENTIN HAUY. 851 

visiter le mercredi, jour oil la plupart des services fonctionnent 
simuUan6meiit. 

III. ORGANISATION 

Lcs raoyens d'action de TAssociation Valentin Haiiy sont : 
1® Le concours actif de ceux des membres qui consacrent 
une part de leur temps et deleursfacuit^s au service deTceuvre 
(r Association a un mouvement annuel d'environ 8 000 lettres 
rcQues ou 6crjle8 dans Tint^rfit des aveugles) ; 
2® Les ressources matdrielles suivantes : 

Membres adherents 1 fr. paran. 

— perp6tuels 25 fr. uoe fois donnas. 

— donateurs. ........ don au-dessous de 500 fr. 

— bienfaileurs don au dessus de 500 fr. 

Tout don, quel qu'ilsoit, est reQu avec reconnaissance. £tant 
reconnue d'utilil6 publique, T Association Valentin Hatty est 
apte h recevoir des legs. 

Elle est administr^e par un Gonseil compost par parlies 
dgales dc clairvoyants et d'aveugles (elle a actuellement pour 
Secretaire g6n6ral un aveugle). Ce Gonseil se partage en trois 
commissions qui se r^unissent p^riodiquement: i® Admini- 
stration et propagande ; 2* Etudes et publications ; 3<* Patronage 
(on trouvera plus loin tons les details concernant ce patronage), 
prophylaxie et statistique. 

Un comite de dames patronnesses s'efForce d'intdresser le 
public aux diff^rentes oeuvres de TAssociation et d'augmenter 
ses ressources. 

IV. — ADMINISTRATION ET PUOPAG.VNDE 

L' Administration comprend la comptabilit^, les mesures 
propres h accroltre le budget de Toeuvre, les d-marches offi- 
cielles, la correspondance gdn6rale,etc. La Propagande, non point 
synonyme de pros6lytisme pour ^Association Valentin Hatty, 
maisextr^mement large, embrasse la cause entifere des aveugles. 
La premiere Commission est, en consequence, charg^e des rap- 



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852 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

ports avec la Presse, c'est-i-dire de la publicity 4 donncr k tous les 
fails concemant les aveugles et pouvant ^clairer ropinion suv 
leur veritable situalion ; elle doit solliciter des pouvoirs publics, 
des grandesadministrationsy Tadoption des mesuresfavorables, 
provoquer la creation ou, selon le besoin, aider au perfection- 
nement des dtablissements utiles aux aveugles, amener les 
diverses ceuvres k se connaitre, k s'entr aider en vue du plus 
grand bien de leurs prot^g^s. 

V. — fiTUDES ET PUBLICATIONS 

La deuxifeme Commission de TAssociation est compos6e de 
sp^cialistes qui ont 6tudi4 la plupart des sysl^mes, des appa- 
reils imagines pour les aveugles et se tiennent exactement 
inform^s de tout ce qui paralt ; afin de s'dclairer mieux encore, 
elle reclame souvent le concours de personnes faisant leur sp6- 
cialit6 absolue d'un point particulier. Partout, maintenant, on 
reconnait la ndcessit6 de former des groupes pour ^tudier les 
questions et unifier les efforts : la Commission d'Etudes et 
publications est ce groupe technique; gr&ce k elle, lorsqu'en 
France ou k T^tranger, il se produit un 6v6nement concemant 
les aveugles, TAssociation est imm^diatement avis^e, presque 
toujours consultde, car on sait qu'elle ne demande qu'Ji faire 
profiler tous les typhlophiles de la somme considerable de travail 
et de connaissances emmagasin^e par elle. Syst^mes d'ensei- 
gnement intellectuel et professionnel ; unification de ces sys- 
t^mes et coordination des efiForls ; experimentation des proc^d^s 
et des appareils nouvcaux; perfectionnement et vulgarisation 
du materiel scolaire et de Toutillage special; impression et 
vente k bon marche des livres en relief, pour diminuer Tecart 
enorme existant entre le prix de ces livres et les ressources 
des aveugles; choix des ouvrages it publier; organisation de 
concours pddagogiques et autres, tel est le champ d'etudes et 
d^action de la deuxi^me Commission de TAssociation k iaquelle 
se rattachent les services suivants : 

Conferences Valentin HaHy. — Fondles depuis 1883, elles 
reunissent, le dernier jeudi de chaque mois, k deux heures, les 



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L'ASSOCIATION VALENTIN HAUY. - 853 

typhlophiles r^sidant k Paris ou s'y trouvant momentan^ment. 
L&, de nombreux sp^cialistes se donnent rendez-vous pour 6tu- 
dier en commun toutes les questions relatives aux aveugles : 
details sur les ^tablissements, les metiers, les appareils qui 
leur sont propres, biographies d'aveugles remarquables, etc., 
qu'ii s'agisse de la France ou de Tdtranger, tout ce qui a trait it 
la c6cit6 figure au programme de ces reunions, it la fois sp^- 
cialistes et cosmopolites, gv&ce auxquelles les typhlophiles nc 
sont plus exposes k travailler dans Tisolement et sans point de 
contact entre eux. 

Miisie Valenthi Haily. — Fondd en 1886, ouvert le mercredi 
de quatre k cinq heures, lemusde Valentin Haiiy est une collection 
unique au monde des specimens de travaux ex^cutds par les 
aveugles, d'outils, d appareils ou d'objets Ji leur usage, collection 
r^unie non pour satisfaire une vaine curiosity, mais dans un 
but r6el d'utilitd pratique. Tons les sp^cialistes doivent visiter, 
dans rinldrfit des ceuvres ou des ^tablissements dont ils s'occu- 
pent, ce « conservatoire des arts et metiers » des aveugles, ou 
prendre au moins connaissance de son catalogue. 

Bibliotheque Valentin HaUy. — Ouverte le mercredi et Ic ven- 
dredi de deux k cinq heures, elle r^unit tout ce qui, dans chaque 
pays, se public ou a ^t6 public sur les aveugles, gr4ce au zele 
b^n^vole d'une trentaine de typhlophiles polygloltes qui se char- 
gent de traduire les documents de toutes langues adress^s k 
TAssociation.Commelemus^e, dont elle est le complement n^ces- 
saire, la bibliotheque Valentin Haiiy constitue une source de 
documents indispensable iqui veut ^tudier latyphlopddagogie. 

Bibliothkque Braille. — Une des principales soulTrances que 
traine aprfes elle la c6cit6, c'est la privation de lecture: tousles 
aveugles Taiment passionn^ment, mais la ndcessit6 de recourir 
k autrui implique, pour la plupartd'entreeux, une d^pense dis- 
proportionn^e k leurs ressources et, pour tons, une d^pendance 
p^nible. Fondle en 1884, pour combler cette lacune, la biblio- 
theque Braille renferme actuellement plus de 2000 volumes 
(lettres et musique) imprimds ou manuscrits en points saillants 
d'aprfes ring^nieux syst^me dft k Taveugle Louis Braille. Elle 
est aliment^e par les dons des dtablissements qui impriment k 



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85i REVUE PHILANTHROPIQLE. 

lusage des aveugles et surtout (la grosseur des caract^res en 
relief rendant les livres tr^s volumineux et, par suite, fort chers 
it imprimer) par le travail b^D^voledepr^sde deux cents personnes 
intclligentes et z6I^es, dont beaucoup de femmes du monde, qui 
se sont familiaris6esavec ce systftme d'^criture en relief, facile h 
apprendre, et transcrivent des livres destines aux aveugles. Ces 
Mvres de tous genres: instructifs, religieux, r6cr6atifs, sont 
ensuite relics par des aveugles et mis en circulation. C'est le 
mercredi, de deux it cinq heures, que la biblioth^ue estouverte 
ct le service est confie k des biblioth(^caires non moins aveugles 
que les lecteurs qui viennent eux-mdmes faire leur choix. De 
plus, les volumes de la biblioth^ue Braille circulent par toute 
la France et k T^tranger au moyen de colis postaux, s'il s'agit 
d'aveugles isol6s, ou de biblioth^ues roulantes exp^di^es p^rio- 
diquement dans les localit^s oil se trouvent un certain nombre 
d'aveugles instruits, pour lesquels ces livres ou ces cahiers de 
musique constituent souvent Toutil professionnel de premiere 
n^cessitd. Quand la lecture a usd les manuscrits, ils sont 
recopids par des aveugles qui, n'ayant pas de travail plus 
lucratif, gagncntainsi quelques centimes par heure. La biblio- 
th^que Braille compte aujourd'hui environ quatre cents lecteurs; 
olle se d^veloppe chaque jour, et le bien qu'elle fait intellec- 
tuellement et moralement est considerable. On pent y contribuer 
soit par des dons en argent, soit par un concours personnel 
d'activite intelligente que les besoins croissants de cette branche 
de rCEuvre rendenttrfes pr^cieux. 

Le « Louis Braille ». — Ce recueil, imprira6 en relief dans le 
type Braille, paraissant, le 1*' de chaque mois, en une livraison 
de 16 pages in-8**, prix : France, 3 francs ; dtranger, 3 fr. 50, a 6i6 
fond6 en 1883 dans le but d'aplanir aux aveugles instruits le 
dur sentier de la vie. A ceux qui ont appris une profession, il 
fournit les conseils, les renseignements sp^ciaux qu'ils ne 
sauraient trouver ailleurs, k ceux qui sont dans Taisance ou 
qui, n'ayant pu r^ussir dans un apprentissage, vivent dans leur 
famille ou dans un asile, le Louis Braille apporte un peu de vie 
et de lumifere par des lectures utiles et fortiKantes. 

R^dig^ dans un but d'utilit^ pratique, son programme 



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L'ASSOGIATION VALENTIN HAUY. 855 

comprend : explication des syst^mes, des appareils nouveaux 
ou perfectiona^s reconnus bons et utilisables par des aveugles 
comp6tents; biographies d'aveugles remarquables dont les 
exemples peuvent fetre salutaires ; articles sur des questions in- 
t^ressant directement les aveugles; catalogues des livres pu- 
blics en Braille, de la musique ^dit^e dans tons les pays; 
livres et appareils 4 vendre d'occasion ; oeuvres d'aveugles pu- 
bli^es pour les clairvoyants ; r^ponses k des questions faites par 
des abounds, lorsqu'elles sont instructives pour tous; emplois 
obtenus par des aveugles; fondalion d'^tablissements sp^ciaux; 
n^crologie des aveugles ou des personnes qui s'occupent d'eux, 
etc. Depuis sa fondation, le Louis Braille a rendu de grands 
services, Timportance des renseignements sp6ciaux qu'il r^unit, 
et que lui seul pent donner k cause des nombreuses relations 
qu'il entretient avec tout ce qui toucbe k la c6cit6, le fait re- 
chercher par les aveugles frangais et strangers. Sa direction 
est devenue rapidement le centre des aveugles instruUs et une 
correspondance quotidienne tvhs ^lendue lui permet de suivre 
pas k pas leurs besoins et de leur venir en aide de mille fagons. 
Les aveugles n^cessiteux qui ne sauraient faire les frais de 
I'abonnement (si modique cependant) rcQoivent gratuitement, 
par les soins de TAssocialion, le Louis Braille en seconde 
lecture. 

La « Revue Braille ». — Recueil hebdomadaire imprim^ %a- 
lement en relief, paraissant le dimanche (France, 7 francs; 
stranger, 8 fr. 50), et fond6 en 1883; elle informe ses lecteurs 
de ce qui se passe dans le monde litt^raire, scientifique, mu- 
sical et politique, en France et k T^tranger, et donne, dans 
chaque numdro, une chronique des 6v6nements de la semaine ; 
elle forme, par an, quatre gros volumes de 208 pages, soit 
832 pages. 

Grftce k cette revue s6rieuse, concise et substantielle, r^dig^e 
par des ^crivains d'une veritable valeur, Taveugle intelligent 
se tient au courant de tout cequi pr^occupelesespritscultiv^s, 
et pent, sans peine, prendre part k leur conversation. Ce recueil, 
tout en se rapprochant du journal quotidien par ses informa- 
tions et par Failure rapide de ses articles, est plut6t une revue 



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856 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

en raccourci. Les revues contiennent g^n^ralement des articles 
ir^s d^velopp^s destines aux personnes qui s'int^ressent & 
telle ou telle question. Ge qu'il faut pour une publication im- 
prim^e en relief, ce sont des reductions en quelques pages du 
fait int^ressant, de la d^couverte r^cente, de la pensde sail- 
Ian te qui se rencontrent de temps k autre dans Tun des num^ros 
d'une volumineuse revue. 

Le Louis Braille et la Revue Braille comptent parmi leurs 
abonn6s non seulement des aveugles d^veloppds d^s Tenfance 
par une instruction et des aptitudes sp^ciales, mais encore 
beau coup de personnes qui, atteintes par la c6cii6 k une 
p^riode plus ou moins avancde de leur existence, ont eu 
rheureuse id6e d'apprendre k lire les caractferes en relief. A 
tout &ge, en effet, on peut se familiariser avec ie syst^me de 
lecture et d*6criture Braille, et en retirer les plus grands avan- 
lages. Voili ce qu'il importe de faire savoir k tons ceux qui 
perdent la vue ; on ne saurait trop les engager 4 acqu6rir le 
plus t6t possible toutes les connaissances capables de leur ser- 
vir dans leur nouvelle situation. 

Le « Valentin Hauy ». — GrAce au Louis Braille y Taveugle 
n'est plus isoie au milieu des aveugles ; grftce k la Revue Braille^ 
il n'est plus isol^ au milieu des clairvoyants ; le Valentin HaHy 
a pour but de faciliter la t&che k tons ceux qui s'occupent des 
aveugles. Fondle en \ 883 et imprim^e k Tusage des clairvoyants 
(paraissant le 15 de chaque mois; France et stranger, 3 francs 
par an), cette revue universelle des questions relatives aux 
aveugles est en m^me temps le bulletin mensuel de TAssociation 
Valentin Haiiy, elle s'adresse aux directeurs et aux professeurs 
des etablissements consacr^s aux aveugles, aux parents d'en- 
fants aveugles, en un mot, k tons les typhlophiles frauQais et 
strangers. £lle r^pand, dans le monde entier, une immense 
quantity de faits et dinformations pouvant les int^resser, cen- 
tralise les renseignements les plus utiles et les plus divers, et 
publie aussi des etudes approfondies sur toutes les questions 
qui pr^occupenl ou.doivent prdoccuper les sp^cialistes. Une 
table analytique et alphab^tique des mati^res (Education, en- 
seignement intellectuel et professionnel, 6coles, ateliers, ou- 



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L'ASSOCIATION VALENTIN HAUY. 857 

vroirs, asiles, biographies, bibliographies, nouvelles et ren- 
seignements, etc.) permet une prompte et facile recherche 
dans cette encyclop^die indispensable atousceux qui s^occupent 
des aveugles. 



VI. — PATRONAGE, PROPHYLAXIB, STATISTIQDE 

Le Patronage, qui ne saurait 6tre confondu avec Tassistance, 
est la cl^ de voAte de TCEuvre des aveugles ; celui de TAsso- 
ciation Valentin Haily s'6tend k tout aveugle digne d'int^rfit 
qui lui est signals ou qui s'adresse directement k elhe ; le Secre- 
tariat g^n^ral constitue et conserve avec soin des dossiers sur 
tous ceux dont il a eu & s'occuper ; il en a d^jft groupd plus de 
deuxmille. La Commission de Patronage est form^e de membres 
duConseild'Adminislralionetdenombreuxmembresauxiliaires. 
EUe se r^unit le troisifeme vendredi du mois, pour s'occuper de 
toutes les questions relatives au patronage ayant un caract^re 
g^n^ral ou motivant une decision, et elle se fractionne en quatre 
sections dontchacune a, en outre, une reunion mensuelle, pour 
etudier les cas particuliers et preparer les decisions qui doivcnt 
6tre soumises k la reunion pl^ni^re. 

!• Enfants, — L'Association veillesur les premieres ann^es 
de lenfant priv6 de la vue et, parfois, doit Tarracher k des pa- 
rents indignes qui le maltraitcnt ou Texploitent. Dans certains 
cas, elle obtient son admission k T^cole primaire en attendant 
son entree k F^cole sp^ciale, mettant k la disposition de Tin- 
stituteur bienveillant les indications (d*ailleurs fort simples) n^- 
cessaires k cet enseignement pr^liminaire, ou bien, par un 
court manuel r^dig^ dans ce but, dirigeant les parents dans 
cette premiere education si importante, les encourageant et 
leur facilitant Tacc^s de T^cole sp^ciale. Si Tenfant est indigent, 
TAssociation lui fournit les livres et les appareils d'6criture et, 
soit par son entremise pr^s des Conseils g6n6raux ou munici- 
paux charges d'accorder les bourses, soit par celles encore trop 
peu nombreuses dont elle dispose dans quelques ^tablissements 
de Paris ou des d^partements, soit enfin par un secours destine 
au trousseau, elle aplanit les difficult^s que Tintervention de 



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858 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

TEtat ou de la commune n*aurait pas supprim^es et assure k 
Tenfant le bienfait d'une education religieuse, intellectuelle et 
professionnelle. 

2° Adultes susceptibles d'apprendre un milter. — L' Associa- 
tion fait les d-marches n^cessaires pour faciliter cet apprentis- 
sage, pour faire voter des bourses, h cet efFet, par les Gonseils 
g^Q^raux et municipaux, pour obtenir des secours des particu- 
liers ou des institutions charitables ; elle-m6me y contribue dans 
la mesure de ses moyens. 

3® Adultes munis dune profession. — La plus grande diffi- 
cultd n'est pas d'apprendre aux aveugles a gagner leur vie, mais 
bien de la leur faire gagner. Tout conspire Ji les emp^cher 
d'utiliser leur profession, et les services que TAssociation est 
appel^e k leur rendre varient comme les circonstances ou ils 
se trouvent places : d-marches faites pour les aider k trouver 
du travail, k se former une clienlfele ; recommandations, con- 
seils et encouragements, dans les phases souvent si difiiciles 
de cette lutte pour Texistence; secours sous forme d' « avances 
au travail » pour ou tillage ou matii^rcs premiferes, s*il s'agit 
d'ouvriers ; dons ou pr6ts de livres et d'instruments de musique, 
s'il s'agit d'organistes, de professeurs ou d'accordeurs; en un 
mot, secours moral et materiel sous toutes les formes, tel est le 
patronage exercd par TAssociation Valentin Hatiy et qui s'^tend 
parfois k toute la famille de Taveugle. Les membres charges 
sp^cialement de cette section se partagent les visites et la cor- 
respondance k entretenir avec leurs palronn^s ; la plupart de 
celle-ci (un ^change d'environ 600 lettres par an) est faite en 
Braille. L'une des faveurs les plus appr^ci^es est celle du 
demi-tarif accords, pour les places de chemin de fer, sur la 
demande de T Association, par les Gompagnies, et permettant k 
I'aveugle qui voyage pour Texercice de sa profession, sur un 
rayon d^termin^, de ne payer qu'une place pour lui et son 
guide. Une moyenne de 450 permis est ainsi obtenue, annuelle- 
ment, au grand avantage des travailleurs aveugles. 

i^ Aveugles dgis ou impotents. — Relativement aux aveugles 
incapables de pourvoir k leur subsistance, la t&che de TAssocia- 
tion consiste k leur procurer un travail facile, k les faire se- 



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L'ASSOCIATION VALENTIN HAUV. 859 

courir chez eux ou hospitaliser. Gritce aux rapports suivis 
qu'elle entretient, soit avec TAssistance publique, soit avec les 
OBUvres de bienfaisance privies, elle s'efForce de les faire bdn^- 
ficier des institutions charitables cr^6es pour tons les indi- 
gents; parfois, elle est Tinterm^diaire de lib^ralit^s particu- 
liferes que ses enqufetesJi domicile, ses relations constantes avec 
ses patronn^s la mettent k m6me de distribuer k bon escient. 
Aux malades, elle procure des cartes qui leur assurent, dans 
d'excellents dispensaires, soins et medicaments gratuits. 

Atelier d'apprentissage pour les femmes. — Pour secourir 
une cat^gorie d*aveugles particuli^rement int^ressante, les 
femmes que leur Age ou d'autres causes empSchent d*6tre ad- 
mises dans une 6cole et qui, privies de ressources, veulent 
demander leur subsistance non k Taumdne, mais au travail, 
TAssocialion a cr^^, chez les Soeurs aveugles de Saint-Paul, 
88, rue Denfert-Rochereau, un atelier (avec internal) d*appren- 
lissage de brosserie, Tun des rares metiers manuels quelque peu 
r^mun^rateurs qui soient k la portde de la femme aveugle. 
Gelles des ouvri^res qui ne peuvent, leur apprentissage ter- 
mini, aller exercer chez leurs parents la profession apprise 
sont conserv^es dans Tatelier. Eniin, TAssociation entretient k 
TAsile-ouvroir des aveugles de Saintes (Charente) celles des ou- 
vriferes que leur sanld rend incapables d'un travail suftisant. 

Atelier pour la fabrication des sacs en papier, — Pour les 
aveugles ayant perdu la vue aprfes la quaranti^me annde ou 
rest6s jusqu*^ cet fige sans travailler, pour ceux auxquels le 
manque d'adresse et d'initiative interdit Tapprentissage d'un 
mdtier difficile, TAssociation a cherch6 une occupation tr^s 
facile n'exigeant ni longue initiation, ni outillage complique,ni 
mat^riaux coilteux, it, en 1893, elle a cv€& un atelier d 'appren- 
tissage pour la fabrication des sacs en vieux papier destines 
aux halles et marches; il est situ6 62, rue Saint-Sauveur. Mais, 
pour que cette modeste Industrie soit suffisamment rdmunira- 
trice,.il importe de fournir k un prix infime le papier nicessaire 
aux ouvriers aveugles; dans ce but, TAssocialion fait appel k la 
charity des grandes administrations, comme k celle de tons les 
particuliers d6sireux de venir en aide Ji une classe intdressante 



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860 REVUE PHILANTIJROPIQUE. 

de travailleurs en lui abandonnant le papier hors d'usage; vieux 
livres, journaux, etc., tout est utilise. Surun simple avis, rOEuvre 
fait prendre h domicile, et plusieurs d^pdts r^partis dans Paris 
facilitent cette r6colte de vieux papier. Une succursale de 
I'atelier de la rue Saint-Sauveur existe maintenant au sifege de 
I'Association. 

Travail a domicile pour les femmes aveugles m^es de famille. 
— Les mferes de fajniile pauvres qui perdent la vue sont 
peul-6lre les plus int6ressantes victimes de la c^citd; aussi 
TAssociation cherche-t-elle k leur procurer un travail facile : 
tricot, crochet, filet (quelques-unes font mdme un pen de cou- 
ture), qu'elles puissent ex^cuter tout en gardant leurs enfants 
et en vaquant aux soins du manage rest^s h leur port6e. Cette 
oeuvre du travail k domicile s'^tend maintenant de Paris en 
province; Tdcoulcment de ces travaux, qui constituent pour les 
ouvriferes un bienfait k la fois moral et materiel, se fait grftce 
aux personnes qui veulent bien r^server leurs commandes de 
bienfaisance k FCEuvre ; quelques dons de laine faits par de cba- 
ritables industriels, malheureusement trop pen nombreux, per- 
mettent de livrer k des prix mod^r^s les objets ainsi confec- 
tionn^s. 

En outre de ce qui prdc^de, TAssociation Valentin Hauy 
a ct66 les services suivants qui viennent en aide k toutes les 
categories de ses patronn^s : 

Vestiaire. — 11 est aliments par des dons en nature (v6te- 
ments, linge, chaussures) qui sont rcQUs avec reconnaissance, 
et par le travail de dames charilables se r^unissant le deuxifeme 
et le quatric^me vendredi de chaque mois k Touvroir de TAsso- 
ciation. Le vestiaire est ou vert tons les mercredis,de deux k cinq 
heures; au moyen de bons d^livr^s par le' Secretariat gSn^ral, 
les aveugles peuvent faire r6parer leurs vfetements k pen de 
frais ou m^me gratuitement et s'en procurer au besoin. 

Caisse des loyers. — Elle a pour but de faciliter aux aveugles 
ndcessiteux le paiement de leur loyer et de les encourager ii 
reconomie, k la pr^voyance k cet ^gard, en leur accordant 
Taide de TAssociation, sous forme d'une prime trimestrielle de 
10 pour 100 proportionnde k I'^pargne r^alis^e par eux. 



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L'ASSOCIATION VALENTIN HAUY. 861 

Consultations graiuites. — Deux membres de 1' Association, 
un ancien magistrat et un docteur en mddecine, donnent gra- 
tuitement aux aveugles (soit de vive voix, le mercredi de 2 & 
5 heures, soit par correspondance) des consultations juridiques 
et medicates. 

Cercle Valentin HaUy. — Sous ce nom, une salle de reunion 
et de r^crdation est ouverte, pour les hommes aveugles^ le di- 
manche de deux Ji six heures; ils y trouvent des jeux, des lec- 
tures et des causeries int^ressantes. 

Prophylaxie, — L' Association Valentin Hatty, non moins 
d^sireuse d'6viter la c^citd que de la soulager, ^tudie et vulga- 
rise la prophylaxie. Afin de prdvenir Tophtalmie purulente, 
qui, on le sait, cause 35 p. 100 des cas de c^citd, elle r6pand 
et fait distribuer par les municipalit^s et les personnes chari- 
tables qui s'y prfitent des milliers de notices populaires intitu- 
I6es : Conseils aux mkres qui ne veulent pas que leurs nou- 
veau-nis deviennent a/veugles. 

Par rinterm6diaire des oculistes, TAssociation se met ii la 
disposition des personnes dont la vue est afFaiblie pour leur 
fournir gratuitement renseignements et conseils, leur indiquant 
les procdd^s et appareils k Taide desquels on pent lire, 6crire, 
calculer en laissant reposer Torgane fatigu6, les jeux appro- 
prids, etc. L'un des vice-presidents de FAssociation Valentin 
Hatty, le commandant Barazer, lui-m6me aveugle, a r6digd, 
dans ce but, un utile manuel intitule : Conseils aux per- 
sonnes quiperdent la vue. 

Statistique. — Indispensable k qui veut faire le bien avec 
ordre et m^thode, la statistique provoque, de la part de TAsso- 
ciation, d'utiles enqudtes ayant pour but de rendre plus precis 
et plus efficace Texercice du patronage : nombre de places va- 
cantes dans les divers ^tablissements sp6ciaux, r^sullats pra- 
tiques donnas par les diverses professions qu'exercent des 
aveugles Isolds, etc., etc. 

Telles sont, en rdsum6, les oeuvres entreprises par TAssocia- 
tion Valentin Hatty, oeuvres qui rendent d^jk de grands ser- 
vices, mais en rendraient de plus grands encore si ses ressources 
lui permettaient de les ddvelopper, de les completer. Gombien 



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862 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

d'aveugles seraient sauvis du ddsespoir et rcndus k la vie 
utile si elle poiivait leur prtter un concours plus efficace!... 
Gombicn d'enfants seraient arrach^s k la mis^re physique et 
morale oh s'atrophient leur corps et leur Ame, si ses ressources 
lui permettaient d'entretenir, en leur faveur, un plus grand 
nombre de bourses dans les 6coles sp^ciales !... 

L'action de TAssociation Valentin Haiiy est extrfemement 
vaste; elle s*^lend^ oq Ta vu, k presque toutes les situations de 
la vie de Taveugle. Elle a, gr&ce k de nombreux et d^vou^s con- 
cours, pris rapidement unegrande extension; pour soutenir ses 
creations, il faut que tons les gens de cceur qui jouissent de la 
vue pensent qu'il y a en France quarante mille aveugles dont 
les trois quarts sont indigents... II faut que chacun, riche ou 
pauvre, donne sa sympathie et envoie son obole k TAssociation 
Valentin Haiiy pour le bien des aveugles. 

MAURICE DE LA SIZERANNE. 



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UNE 

PETITE FAMILLE A MENILMONTANT 

L'ABRI DE LA FILLETTE 



La rue Julien-Lacroix est une des pauvres rues qui relient 
la rue de Belleville k la rue de M^nilmontant. C'est IJi, au nu- 
mdro 25, qu'une Su6doise, M"* Andersson de Meijerhelm, vit au 
milieu de dix petites lilies qu^elle a recueillies dans le modeste 
logement qu'elle occupe, et qu'elle garde h demeure chez elle. 
Venue en France, il y a quatre ans, elle se fixa aussitdt dans 
le XX® arrondissement. Tun des plus pauvres de Paris et cher- 
cha k y faire tout le bien que lui permettaient ses modestes 
ressources. Elle commenQa par rdunir quelques enfants, les 
jours de congd, c'est-k-dire le jeudi et le dimanche, demandant 
aux directrices des ^coles du quartier de lui envoyer ceux que 
leurs parenis, ouvriers occup^s tout le jour dans les fabriques, 
ne pouvaient surveiller, recherchant elle-m6me ceux qui, 
dresses k la mendicity par des p^res ou des mferes indignes, 
^chappaient 4 TEcole et s'engageaient dans la voie de la per- 
dition. Un bon nombre de fiilettes de huit k quinze ans vin- 
rent ainsi le jeudi et le dimanche former un petit ouvroir ou 
M"* Andersson les occupait k des ouvrages qu'elles pouvaient 
ensuite achever chez elles, ks distrayait on les faisant jouer ou 
en leur apprenant it chanter en chceur. Mais que sont deux 
apr^s-midi par semaine, quand il s'agit d'exercer une influence 
quelconque sur des enfants le plus souvent abandonn^es k 



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864 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

elles-m6mes el en bulte k toutes les seductions et k tous les 
dangers de la rue? Aussi M""* Andersson ne s'en tint-elle pas k 
ces deux reunions; elle fit venir chaque jour celles qu'elle 
jugeait le plus exposdes, les r^unissant aprfes la classe, k Theure 
oh elles avaient k faire leurs devoirs et oil, le plus sou vent, 
elles trouvaient la porte du logis ferm^e et attendaient dans la 
rue la rentr^e de leurs parents. Elle les encourageait ainsi k 
suivre r^guli^rement T^cole et s'assurait que la classe n'^tait 
pas d^sert^e pour le ruisseau. 

Un pas restait k faire. Un jour de 1895, la direclrice d'une 
dcole demanda k M"* Andersson de recevoir k demeure une 
petite fille de douze ans que sa mfere, adonn^e k la boisson, 
brutalisait et forgait k mendier avec elle. Elle resta quatre mois 
chez M""* Andersson, couchant dans un lit qu'on lui avait pr6t6. 
Ce fut I'origine de la petite famille. Et en efifet, ce ne fut 
bientdt plus une petite fille, mais quatre, puis huit, puis dix 
que put recueillir « TAbri de la Fillette », d^sormais constitu6 
gr&ce k quelques personnes g^n^reuses qui aidferent la fonda- 
trice k acheter les meubles indispensables et k payer le loyer 
d'un logement un pen plus grand. 

L'Abri de la rue Julien-Lacroix est compost de quatre petites 
pieces dont la premiere sert k la fois d'antichambre, de salle 
d'^tude et de chambre de jeu. Les deux suivanles sont les dor- 
toirs; les repas se prennent dans la cuisine. Le tout est d'une 
simplicity extreme : rien que le strict ndcessaire, mais le petit 
appartement est propre et bien tenu. Une femme d6vou6e 
s'occupe des enfants, leur prepare i manger et les surveille. 
La directrice habite k Tdtage au-dessus, mais elle est plus 
souvent avec les enfants que chez elle. Elle entre et les petites 
filles de se jeter aussitdt au cou de « grand'mfere », comme elles 
Tappellent. C est qu elles n'ont pasdt^ habitudes i^lreentour^es 
de soins et d'affection. Et cependant presque toutes ont des 
parents, un pdre ou une m^re, auxquels il a fallu les enlever 
pour une raison ou pour une autre. Toutes jeunes, il y a deces 
enfants qui ont d^jk bien souffert, moralement et physique- 
ment, de la mis6re et de la brutality, des mauvais traitemcnts 
et des mauvais exemples. En voici une qui, k treize ans, ne 



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UNE PETITE FAMILLE A MfiNILMONTANT. 865 

savait pas lire : pas de p^re ; la m^re partait le matin de bonne 
heure pour Tusine, fermait la porle du logis, et voil^ la petite 
livr^e k elle-m6me jusqu'au soir! Ce cas-l& n'est pas rare dans 
les pauvres quartiers de Belleville ou de M^nilmontant. Beau- 
coup de femmes boivent et malm^nent leurs enfants. Quel n'eAt 
pas 6t6 le sort de ces pauvres petites si elles n'avaient trouv6 
dans M"* Andersson une m^re et dans TAbri une famille, une 
vraie famille, oil la vie est calme, r^gl^e, saine! Ici elles re- 
prennent confiance et retrouvent la gaiet6 de leur 4ge. On les 
sent heureuses et on les sait sauv6es. Le bon pli est pris : elles 
ne vagabondent plus dans la rue, elles vont rdguli^rement ft 
r^cole et, en rentrant, elles font exactement leur devoir. Sans 
doute il y a cerlaines de ces petites filles dont on a bien du mal 
k faire quelque chose. H est difficile de triompher de certaines 
tares hdr^dilaires. L'alcool exerce des ravages affreux sur notre 
population des faubourgs. Contrefaits, d6g6n6r6s, ^pileptiques, 
sont legion. Ici cependant les r^sultats obtenus sont encoura- 
geants. Une des fiUettes, fille d*alcoolique, d^sesp^rait au d6but 
M""* Andersson par ses lubies et sa sant6 ch^tive; depuis qu'elle 
est k TAbri, les soins de la brave femme qui s'occupe des enfants 
et rinfluence d'un milieu paisible ont fait merveille ; les acc6s 
passagers de folie ont disparu; Tenfant est niaintenant soumise 
et donne toute satisfaction . 

La « petite famille » est composde de dix petites filles, 
ftg6es de cinq k treize ans. A cet ^ge de tieize ans, M°** Anders- 
son les place en apprentissage ; elle continue k s'en occuper, 
va les voir et les suit; le milieu est choisi et reconnu bon et il 
y a beaucoup de chances pour que les enfants tournent bien. 
En plus des dix dont nous venous de parler, quatre petites 
filles viennent pour la journ6e seulement; elles ne couchent 
pas k TAbri, mais chez leurs mferes, occupies tout le jour dans 
un atelier. 

Le jeudi et le dimanche, M"* Andersson continue k inviler 
des enfants du quartier k venir se joindre k ses petites pension- 
naires, pour jouer, travailler ou se promener. Une vingtaine 
de fillettes r^pondent r^guliferement k son appel, heureuses de 
prendre part au modeste goAter qui leur est offert etde confec- 

REVUE PHILANTHROPIQUE. — 11. 55 



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866 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

tionner un petit ouvrage k la fois amusant et instructif. Quand 
le temps est beau, toute la bande va se promener et on devine 
le piaisir que fait une excursion au Jardin des Plantes ou an 
Bois de Vincennes ! 

Ces enfants appartiennent toutes k la partie la plus mise- 
rable et la plus moralement d^sh^rit^e de la population de 
Paris. 11 est presque superflu de mettre en relief Textr^me uti- 
lity, dans unpareil milieu, d'une petite CBUvre comme celleque 
nous venons de d^crire. On voit clairement une fois de plus 
quelle pent 6tre Faction personnelle d*une volont^ ^nergique et 
ardemment tendue vers le bien. 11 est Evident que, pour un 
grand nombre d'ouvriers Irhs pauvres, de femmes veuves occu- 
p^s tout le jour k travailler en dehors de chez elles, il est ma- 
t^riellement impossible, m^me avec la meilleure volont^, de 
surveiller et d'6lever leurs enfants. Un abri, comme celui dont 
nous nous occupons, se charge de ces soins. Les enfants y sont 
recueillis entre les classes, on veille k ce qu'ils fassent r^gu- 
li^rement leurs devoirs et on les enl^veaux plaisirs dangereux 
de la rue qui habituent au vagabondage. Ainsi nous avons vu 
qn'k TAbri de la Fillette, quatre petites filles ne sont que demi- 
pensionnaires et retournent coucher chez leurs parents auxquels 
on a pu les laisser sans danger. Mais Tabri est surtout de pre- 
miere necessity pour ceux qui, victimes de parents n^gligents 
ou vicieux, se perdraient infailliblement, si on nelestransplan- 
tait dans cette famille d'adoption. II est bien entendu que Tabri 
ne se substitue pas k la vie de famille, quand celle-ci pent 
mat^riellement et moralement exister : il ne fait que la rem- 
placer, Ik oil elle manque totalement, Ik ou elle est pernicieuse. 

M"' Andersson pense avec beaucoup de raison qu'une petite 
famille comme celle qu'elle a formie ne doit pas r^unir plus 
d'unedizaine d'enfants, afin de conserver ce pr^cieuxcaract^re de 
« famille » qu'on ne pent obtenir dans les grands 6tablissements. 
Ici Vaffection est vraiment celle d'une mfere pour ses enfants, 
et ces mots seuls en disent long. Ce qu'il faudrait done, ce n'est 
pas que le nombre des enfants augmente dans chaque petite 
famille, mais que le nombre de ces petites families se multi- 
plie. II faudrait qu'il s'en fonde une pour les garc^ons et une 



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UNE PETITE FAMILLE A MfeNILMONTANT. 867 

pour les filles aupr^s de chacune des 6coles des quartiers les 
plus pauvres; il faudraitque chacun de ces petits abris ait dix 
lits et une salle de reunion pour une trentaine d'enfants, afin 
que d'autres enfants pauvres du quartier puissent venir se 
rdunir le jeudi et le dimanche k leurs petits camarades, se dis- 
traire avec eux, et subir la bienfaisante influence de la petite 
famille; ilfaudrait que certains de ces abris aient des succur- 
sales k la campagne pour les enfants maladifs ou pourceux qui 
ont besoin de quelques semaines d*air pur. II faudrait... mais 
nous sommes loin de la r6alit6 actuelle ! 

Cependant la petite oeuvre de M"' Andersson, toute modeste, 
toute pauvre — on peut le dire — qu'elle soit, realise d^j^ 
quelques-uns de ces desiderata. Elle rcQoit les fillettes k demeure 
depuis 1895. Depuis cette ^poque, elle en a rcQu trente qu'elle 
a toutes suivies, apr^s les avoir plac^es en apprentissage a 
r&ge de treize ans. Depuis le 10 f6vrier 1894, elle a eu le jeudi 
et le dimanche plus de cent enfants, dits externes. Elle n'a pu 
les suivre tons, mais elle a pu s'occuper efficacement de cer- 
tains d'entre eux, en particulier pour leur faire suivre T^cole 
et leur procurer des soins m^dicaux en cas d'infirmit^s ou de 
maladies. 

C'est un bel exemple d'initiativc privde qui m^rite d'etre 
encourage et imit^. 

M. G. 



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CONSEIL SUPERIEUR 



DE 



L ASSISTANCE PUBLIQUE 



Le Gonseil sup^rienr de TAssislance publiqiie a tenu sa premiere sessioa 
ordinaire de 1898, du 16 au 19 raars dernier, dans le local habituel de ses 
stances, h. Tlnstitulion nationale des Jeunes Aveugles. 

MM. Th^ophiie Roussel, president, et MM. Hermann Sabrati el Thuli^, 
vice-pr6sidents sorlants ont H^ r661us par acclamation. 

Les stances ont 6t6 pr^sid^es par M. Sabran en ['absence de M. Th^o- 
phile Roussel, empfich^ par la maladie grave de sa fenime. 

M. Monod, directeur de Tassistance et de Thygi^ne publiques, a d^pos6 
sur le bureau du Gonseil, les nouvelles demandes d'avisdonl le ministre de 
I'int^rieur a saisi le Gonseil, savoir : 

1° Projet d'organisation de services de secours en faveur d'enfaiits 
Ag^s de moins de deux ans, non menaces d'abandon; 

2<* Projet d'organisation du patronage de TAssistance publiqueen faveur 
des jeunes lib^r^s; 

3<> Projet de creation d^ quartiers sp^ciaux pour les ali^nes ara^lior^s; 

4° Avis ii dmettre sur la question de savoir si les m^decins et chirurgiens 
attaches aux ^tablissements hospitallers peuvent se faire payer des bono- 
raires par des hospitalises. 

Revision du r^glement-modile des hdpitaux et des hospices. — La pre- 
miere question k Tordre du jour des deliberations, a ^16 expos6e par 
M. le docteur Drouineau, rapporteur. Les r6glements actuellement exis- 
tants ont et6 fails sur le r^glement module de 1840. Depuis lors, bien des 
modifications ont ^16 introduites dans Thospitalisation des malades et des 
vieillards ou inflrmes, surlout des malades. Bien que les hdpitaux fussent 
libres de mettre leurs reglements en harmonie avec ces modifications, ih 
ne Tout pas fait, sauf dans queiques grandes villes. 

La place nous manque pour reproduire aujourd'hui le projet de r^le- 
ment tel qu'il est sorti des deliberations du Gonseil. Nous tenons seulement 
k signaler quelques-uns des points sur lesquels le nouveau r^glement s'esl 
applique it ameiiorer celui de 1840. 



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GONSEIL SUPfeKlEUR DE L'ASSISTANGE PUBLIQUE. 869 

Le nouveau r^giement precise quelles conditions sont n^cessaires pour 
assurer la liberty de conscience des hospitalises. 

11 etablit une demarcation bien nette enlre I'hdpital, exclusivement 
r^sery^ aux malades et Thospice, destine surtout aux vieillards. 

II rappelle aux commissions administratives, les obligations qui leur 
sont impos^es par les lois de 1851 et de 1893. 

Pour Tex^cution de la premiere de ceslois, qui n'est pas obligatoire en 
ce sens qu'ellen'a pas de sanction, les commissions administratives mesu- 
rent les admissions aux ressources de I'^tablissement; mais pour I'ex^cu- 
tion de la loi de 1893, elles doivent pourvoir k Tinsufflsance de leurs res- 
sources par les moyens financiers que la loi a indiqn^s. II faut faire inter- 
venir les provisions de ces deux lois dans la determination des lits. 

Dans le chapitre vii relatif aux malades hospitalises, le Conseil a affirm^ 
que I'hdpital est exclusivement reserve aux malades ind igents, sauf des cas ex- 
ceptionnels. Ceci pour couper court, s'il est possible, aux abus devenus s^rieux 
de malades ais6s et mdme riches qui se font hospitaliser, moyennant des- 
retributions illusoires. 

Dans ce meme chapitre, ilest dit que les femmes enceintes peuvent dtre- 
re9ues pendant la dernifere quinzaine de leur grossesse et non plus, comme 
le disait Tancien r^glement, au terme de leur grossesse. L'hospi tali sat ion 
leur est assurOe jusqu'^ ce que le medecin ait certifie qu'elles peuvent 
quitter Thdpital sans danger pour elles et leur enfant. 

Pour les hospices, les modifications effectuees par le nouveau r^glement 
sont de peu d'importance. 

Les membres du Conseil qui ont pi is la plus grande part k la discussion 
sont : MM. Armaingaud, Berenger, Bnieyre, Caubet, Henrot, Hebrard de 
Villeneuve, Emile Labiche, Lefort, Henri Monod, Napias, Regnard, Sabran,. 
Paul Strauss, Voisin. 

Institution nationale des sourds-muets de Paris. — En 1895, M. Henry 
Boucher, rapporteur du budget du minist^re de I'interieur, avait signaie 
reievation du prix de pension des sourds-muets h Tlnstilution nationale 
de Paris, et avec lui la commission du budget avait suggOre I'idee du 
transport de Tetablissement k la campagne, par mesure d'economie. II lui 
semblait que le sejour de Paris n'etait pas n^cessaire aux sourds-muets, 
qu'^ la campagne ils seraient eievOs dans des conditions plus economiques 
et que la vente du terrain sur lequel s'eieve Tlnslitution couvrirait et au 
dela les frais de transport. L'avis du Conseil supOrieur ayant eie demaude, 
M. Paul Strauss fut charge de presenter un rapport sur cette question. 

11 a d'abord etabli qu'il fallait ecarter Tidee d'un exode complet,absolu, 
de rinstitution nationale en dehors de Paris, « le sejour dans une grande 
ville etant plus propre qu'une residence rurale k eveiller Tinteliigence des 
sourds-muets qui apprennent surtout par les yeux et dont I'education se 
fait principalement par la vue, par le spectacle exterieur ». 

Cette solution ecartee, deux hypotheses peuvent etre envisagees. 
M. Paul Strauss les a resumees en quelques lignes : 

a Ou bien, debarrassee de ses relardataires ; ne conservant que ses 
meilleurs sujets, linstitution deviendrait une veritable ecole normale; elle 
donnerait Texemple non seulement aux ecoles regionales, mais encore 



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870 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

anz institulions de I'^tranger. Les cours normaux, suivis depuis 1881 par 
les d^l^gu^s du Mexique, da Portugal, da Dr^sil, de la Russie, par le per- 
sonnel enseignaat de Bic^tre et de la Salp^tri^re ei par des instiluteurs et 
des inslitutrices de la Ville de Paris, seraient encore plus fr^quenUs 
qo'aujourd'hui. Elie coiiterait moins cher et ferait faire pJus de progres 
aux 61feves. 

"^ i< Dans ane annexe sito^e a la campagne, aYec an personnel enseignant 
sorti de ll^cole de Paris, avec des classes contenant on plus grand 
nombre d'61^yes, avec des programmes et un enseignement professionnel 
appropri^s aux aptitudes et aux besoins des ^l^ves de cette cat^gorie, let 
arri^r^s eux-m^mes se d^yelopperaient mieax pbysiquement et intellec- 
tuellemeot. Leur prix de revient subirait une diminution sensible. Les d^ 
penses seraient moindres et T^ducation meilleure. 

< Ou bien, sans fonder deux ^tablissements distincts, T^cole normale 
et r^coledes arri^r^s formeraient deux sections s^par^es^maisjuxtapos^es 
et rdonies sous une administration commune, avec des bAtiments g^neraux 
communs, sur un emplacement ^conomiquement choisi dans le Toisinage 
des fortifications. 

« Mais on ne saurait improviser, sans devis de d^penses, sans propo- 
sitions fermes, une transformation de cette nature, d'aotant mieux que le 
Gonseil sup^rieur n'est pas interrog^ sur cette transformation, mais uni- 
quement sur le transfert de Tlnstitution. 

« Votre section estime. Messieurs, que, pour se prononcer en toute 
connaissance de cause et pour 6tre en mesure de donner un avis explicite, 
elle a besoin d'etre consult^e par le Gouvemement, non sur une solution 
restreinte et d^termin^e, mais sur la reorganisation totaie de rinstitution 
nationale des soards-muels de Paris, sur sa conversion en ^cole normale, 
sur la creation d'une annexe d'arri^r^s et, par voie de consequence, sur 
I'ensemble des probl^mes de Teducation intellectuelle et professionnelle 
des sourds-muets en France. » 

Ges conclusions ont 6te adoptees par le Gonseil sup^rieur. 

Le recrutement du personnel secondaire de$ itablissemenis hospitaUer$. — 
Gette question, depuis iongtemps k Tordre du jour du Gonseil sup^rieur et 
dont la solution rencontre beaacoup de difficult^s, se trouve d^sormais 
vivement dclair^e par le rapport considerable et du plus haut interdt que 
lui a consacre M. le D' Napias, rapporteur. En dehors de Paris et de Lyon 
pen de villes, en France, ont pris des mesures s^rieuses pour assurer le 
recrutement d'un personnel d'inOrmiers et d'infirmieres k la hauteur de 
ses devoirs. En opposition k cet etat arri^re, M. ie D' N^ias a expose la 
situation remarquable de quelques pays etrangers, surtout de TAngleterre. 
G'est k une femme, miss Nightingale, que nos voisins doivent recole d*in- 
fi rmieres de Saint-Thomas qui a alimente tons les h6pitaux anglais d'in- 
flrmi^res etafourni des professeurs aux ecoles fondees, sur son module, 
par plusienrs grandes villes, Berlin par exemple. 

La France ne saurait rester en dehors de ce progres. Bien que la Ville 
de Paris avec sa fondation des ecoles municipales d'infirmiers et dUnfir- 
mieres, que dirige le D' Boumeville, ait cree un mouvement dans ce sens, 
son exemple a ete pen suivi, et 11 est indispensable d'indiquer aux eta- 



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CONSEIL SUPtRIEUR DE L'ASSISTANCE PUBLIQUE. 87! 

blissements hospitallers la voie dans laqnelle ils doirent s'engager. 
Void les propositions, adoptees par les 2* et 3' sections qui forment ia 
conclusion du rapport de M. Napias. 

I. — Les 6tablissement8 hospitaliers devront 6tre invites par Tadmini- 
stration snp^rieure, k s'assurer le conconrs d'nn personnel secondaire (in- 
firmiers et inflrmi^res, surveillauts et surveillantes), instruits et experi- 
ment's dont la competence, prouv^e par des examens, sera constat'e par 
Tobtention d'on certiflcat ou dipldroe special. 

II. — Pour atteindre ce but, il sera ct^€, au fur et k mesure qn'il sera 
n'cessaire, dans les principales vilies et notamment dans celles oil il 
existe des foculfs ou 'cole de m^decine, aupr^s de grands hdpitaux k ser- 
vices multiples comprenant toutes les formes de Tassistance, des 'coles 
d'infirmiers et d'infirmi^res. Ges 'coles pourront 'tre fond'es par les vilies 
ou les commissions hospitali'res. 

ni. — L'enseignement dans ces 'coles sera k la fois technique et pra- 
tique. Sa duree ne pourra 'tre iofrienre k une ann'e. 

IV. — Get enseignement, confl' aux m'decins et chirurgiens de Tta- 
blissement, sera uniforme pour toutes les 'coles et donn' confonn'ment k 
un programme 'tudi' dans ses d'tatls par une commission sp'ciale 
nomm'e par M. le ministre de Tinfrieur et arr't' d'flnitiyement apr's 
avis du Gonseil sup'rieur de TAssistance publique. 

V. — Le jury d'ezamen pour Tobtention du dipldme sera compos': 

!<* Du pr'sident de la Gommission administrative de Fhospice, si'ge 
de T'cole ou d'un membre de ladite commission d'l'gu' par le pr'si- 
dent; 

2« D'un professeur de la facult' ou de T'cote de m'decine d'sign' par 
la facult' on T'cole ; 

3^ De Irois membres du corps m'dical de T'tabiissement : un ro'deein, 
un chirurgien, un accoucheur, d'sign's par lenrs coli'gnes. 

VI. — Le personnel des asiles publics d'ali'n's et des asiles priv's fai- 
sant fonction d'asiies publics (infirmiers et inflrmi'res, surveillants et sur- 
veillantes) sera choisi, autantque possible, parmi les personnes dipl6m'es 
et devra, en tons cas, pendant la premiere ann'e suivre des cours sp'ciaux 
faits par les m'decins de T'tablissement. 

VII. — II est n'cessaire que le salaire des infirmiers et inflrmi'res soit 
relev' et qu'une retraite leur soit assur'e. 

Apr's une courte discussion ces conclusions ont 't' adopt'es. 

Demandes des communes faites en vertu de Particle 35 de la loi sur Vassis- 
tance mMicale, — M. Rondel, d'l'gu' au contrAle du service de Fassistance 
m'dicale, a pr'sent' le rapport g'n'ral sur les demandes form'es par les 
communes en vertu de Tarticle 35 de la loi de 1893 pour obtenir Tautori- 
sation d'avoir une organisation m'dicale. 

Gette autorisation a 't' accord'e k 15 communes qui ont justifl' rem- 
plir d'une maui're complete leur devoir d'assistance envers leurs malades. 
Elle a 't' accord'e, sous certaines r'serves, k 48 autres communes. La d'- 
cision k T'gard de 19 communes a 'I' ajourn'e. Et la demande de 4 com- 
munes a 't' rejet'e. 

DMaration, — En son nom personnel et au nom d'une vingtaine de 



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872 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

membres du Conseil sup^rieur, M. Paul Strauss a ensuite donn^ lecture de 
la declaration suivante : 

« Le Conseil sup^rieur, qui va compter aujourd'hui dix ann^es d'exis- 
tence, renouvelle son adhesion aux regies g^n^rales qu'il a formul^es d^s 
ses premieres reunions, et qui ontdepuis guid^ tous ses travaux. Ges regies 
sont les suivantes : 

« L'assistance publique est due k ceux qui se trouvent, temporairement 
ou d^finitivement, dans Timpossibilit^ physique de pourvoir aux n^cessil^s 
de la vie. 

« l/assistance publique n'est due qu'^ d^faut d'autre assistance. 

« L'assistance publique est d'essence communale. Cest par la commune 
que doivent Hre d^sign^s les b^n^flciaires de Tassistance, parce que seule 
elle est en situation de les connattre. 

u (/organisation de Tassistance doit toujours ^tre telle que la commune 
soit fmanci^rement interess^e a la limitation du nombre de ses indigents. 
Des recours doivent pouvoir 6tre exerc^s contre sa decision, si cette limi- 
tation est abusive. 

« L*assistance publique est une OBUvrc de solidarity nationale. Elle doit 
s'exerccr, non seulement de la soci^t^ k rindividu, mais de groiipe a 
groupe, les communes riches venant au secours des communes panvres, 
les d^partements riches venant au secours des di&partements pauvres. La 
proportionnalit6,et non la fixity, doit en consequence Htb la r^gle des sub- 
ventions soit des d^partements, soit de TEtat. 

« Le Conseil sup6rieur ^met le vobu que ces principes, qui sont ceux 
adopt^s k Tunanimitd par le Congr^s international de 1889, continuent k 
inspirer la direction que dooue le gouvernement k Tadministration de 
TAssistance publique, soit dans la preparation de lois nouvelles, soit dans 
Tapplication des lois existantes. » 

Cette declaration a ete approuvee par acclamation. 

VcBu. — MM. Hebrard de Villeneuve et Paul Strauss ont ensuite pre- 
sente le vodu suivant: 

« Le Conseil superieur emet le vceu que les femmes soient appeiees k 
faire parti e des commissions chargees de Tadministration des etablisse- 
ments publics de bienfaisance. » 

Ce VOBU a ete approuve. 

Le samedi 19 mars, k midi, la session du Conseil superieur a ete 
close. 



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VARIETES 



Societe ft*ancaise des Habitations d. bon march^. 

ASSEMBLEE GEN^RALE DU 6 MARS 1898 

La neuvi^me Assembl^e g6n6rale de la SocUt^ frangaise des Habi- 
tations d bon marchi a eu lieu le 6 mars dans la grande salle du Mus4e 
social, sous la pr^sidence de M. le docteur Brouardel, membre de 
rinstitul, assist6 de M. le commandant Meaux Saint-Marc, reprdsen- 
tant M. le President de la R^publique; Jules Siegfried, president 
d'honneur de la Soci6t6; Georges Picot, pr6sident; Cheysson, vice- 
president; Fleury-Ravarin, secretaire general; Charles Robert, 
tr6sorier. 

A 2 heures et demie, M. Brouardel, president, ouvre la stance en 
donnant la parole k M. Georges Picot, qui s'exprime ainsi : 

M. Georges Picot. — Mesdames, Messieurs, nous tenons aujourd'hui la 
neuvi^me assembl^e g^n^rale de la Soci6t6 francaisedes Habitations &bon 
march^. 

L'oBuvre que nous poursuivons, vous le savez, est considerable. Vous 
vous y Hes associ^s depuis le debut. M. le Secretaire general vous donnera 
tout^ rbeure Texpose detaille de tout ce qui a ete accompli dans le cou- 
rant de Tannee 1897. 

Le danger des Societes qui reussissent — et assureoient la nAtre est de 
celles-li — c'est de subir au bout d'un certain temps une sorte d'engour- 
dissement, de perdre le but de raction, de trouver roeuvre accomplie suf- 
iisante, de se regarder elles-memes et de se complaire dans les resultats 
obtenus. 

Nous n'avons pas cesse, Mesdames et Messieurs, d'exciter k TefTort et, 
pour y exciter plus siirement, nous n'avons pas cesse de considererlemal 
qui est au point de depart mdme de notre action. Nous avons estime que 
les enquetes etaient le seul moyen d'apporter k notre Societe ce ferment 
d'initiative que cause k d'honuetes gens la vue d'un mal. {Applau- 
dissements.) 

Nous avons envoye de tous c6tes pour savoir quelle etait la situation 



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REVUE PHILANTHROPIQUE. 

te du logement des families ouvri^res en France et nous nous sommes 

ch^s avec tons ceux qui ont commence ces enqudtes. 

ans le bulletin de la Soci6t6, nous avons donn6 h. ce sujet les indica- 

I les plus precises. Nous avons eu la satisfaction demi^rement d'avoir 

enqu^te faite dans TOise, faite par M. Daudran et qai est assur^ment 

lod^le d'enqu^le rurale. 

ous avons suscit^, il y a quelque temps, le grand travail auquei les 

surs Mangenot et du Mesnil ont attach^ leur nom. lis ont visits, 

un arrondissement de Paris, toutes les maisons d'un certain tlot, et 
it constats les choses les plus lamentables, au point de vue du loge- 
t de ceux qui habitaient ces maisons. lis ont constats surtout que, sur 
aisons, il y avait 31 cabarets. lis sont entr6s dans ces demeures, ils 
m les vices de rhabitalion et, apr^s avoir not6 les causes d'insalubrit^ 
rieures et int^rieures, ils ont r^dig6 le plus lumineux rapport, indi- 
it le nombre des enfants, les conditions morales k cdt^ des conditions 
Tielles et nous laissanti'impression que donnent des hommes de bien, 
^oeurs g^n^reux qui constatent un des maux les plus sensibles de I'hu- 
it^ de notre temps. 

8 ont fait des descriptions qui resteront ei, dans un mot que Tun 
c a 6crit k la Qn de son rapport, ils ont donn^la formule qu'aucun de 

ne doit perdre de vue. U dit que, dans le temps ou nous vivons, ii 
ssait de se p4n^trer de la pens^e et d'en p^n^trer les autres, que les 
X dont souffre la classe n^cessitense ne sont pas irr^m^diables. 
laiuiissements.) 

e mot doit rester. II indique notre devoir; il montre la voie dans la- 
le nous devons marcher. La Soci6t4 francaise des Habitations k bon 
;h^ a pr^is6ment ^t^ cr^^e pour chercher ie remade k ces maux. 
le cherche dans toutes les voies, sous la forme de Soci^t^s dont elle 
ite la creation, sous la forme d'initiatives Individ uelles qu'elle provoque, 
la forme de moyens de toutes sortes qu'elle apporte aux hommes de 
le Tolont^ pour r^aliser leurs efforts. 

lie fait im primer des statuts, des plans, des devis. Elle montre, sous 
3s les formes, ce qui pent Hre r^alis6. 

II le fait plus. Elle s'est apergue, d^s le d^but, qu'une des plus grosses 
suites en presence desquelles se trouvaient le constructenr, les Soci^t^s 
3nstruction, c'6tait le d^faut de capitaux ; il ^tait done absolument n^- 
lire, pour que I'^diiication de maisons salubres etit lieu, de disposer 
ipitaux importants. Ces capitaux, le jour oh on leur fait appel, sont 
3s^s k croire que Toeuvre k laquelle on les convie est sterile. Pen 
tre eux, nous le savons par experience, sont disposes k faire les frais 
e tentative qui peut avorter. Ils ne croient pas aux afOrmatioDS que 
! leur apportons sur la certitude, si une Soci^t^ est bien g^r^c, d'un 
nu correspondant au capital. 

t alors les Soci^t^s les plus int^ressantes risquent, d^s le d^but, de voir 
ter leurs efforts. 

ous avons cette grande experience de la Society de Lyon, une des 
grandes qui existent en France et qui, faute de capitaux au point de 
rt, aurait risque*, de p^ricliter. Elle a ^t^ trouver la Gaisse d'^pargne 



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VARltTfeS. 875 

de Lyon qui a compris de quelle importance dlait une telle initiatiFe, et 
nne sommede 500000 francs a ^t^ mise k la disposition des fondatenrs. 
Gette somme est devenne le noyan, )e point de depart d'un effort qai se 
cbifTre aujoard'hui par 6, 7 et8 millions d'op^rations. La Soei6t6 de Lyon 
a teno k honneur de rendre les fonds prdt^s, d^montrant ainsi k tons que 
ce qu'on doit attendre des Caisses d'^pargne, ce n'est pas, k coup st^r, 
d'aventurer leurs capitaux qui sent sacrds, mais c'est d'apporter TefTort 
initial, ce qu'un philosophe a appel^ comme la mise en mouvement du 
syst^me plan^taire tont entier, cette chiqnenande qui fait tout marcher. 
^Applattdi8sements,) 

Voili un acte qui sera imit^ par d'autres et le monven>ent se prodnira. 
La circolaire du 10 mars 1897 a tenu aux caisses d'^pargne un langage 
que le ministre du commerce avait d^ja fait connaltre, langage d'initiative, 
d'ddncation. Le mouvement est d^j4 assez important pour m^riter I'atten- 
tion et la reconnaissance de la socidt^. 

D'autres efTorts sont faits. Ge n'est peut-^trepas le moment d'en parler; 
mais le Gonseil se pr^occupe toujonrs de cette question, et il esp^re trou- 
Ter d'ici peu d'autres ressources qui d^termineront un nouvei effort. 

Voil^ ToBuvre pers^v6rante k laqoeUe nous nous livrons et qui, nous y 
eomptons, arrivera k prodnire, dans la transformation de rouTrier en 
France, des r^snltats T^ritablement importants. 

La Soci^t6 fran9aise des habitations k bon march^ est ainsi Tinterm^- 
diaire enlre les besoins de Touvrier, besoins que yous connaissez mais que 
vousn'estimez, qu'aucun de nous, peuMtre, n'estime pas assez. II n'est pas 
un atelier, pas un groupe d'ouvriers, pas un point oh nous ne soyons en 
contact avec des ouvriers pour arriver k 6largir leur habitation, pour la 
rendre plus saine. G'est ce besoin que nous constatons etdont nous sommes 
les interm^diaires. 

La Soci^t^ fran^ise est en m6me temps le conseil de Soci^t^s privies. 
Puis il y a le Gonseil sup^rieur des habitations k bon marchS dont nous 
sommes heureux de saluer ici le president, qui nous permet de connaltre 
les enqu6tes qui se font sous Timpulsion du Gonseil sup^rieur, enqu^tes 
qui, pour Saint-Quenlin, Marennes et pour les Ardennes, constituent des 
investigations pr^cieuses. 

Nous avons des relations perp6tuelles avec ces divers ^I6ments. Nous 
nous souvenons aussi des inspirations qui out guid^ les premiers pas de 
notre Soci6t^, la maui&re si 61ev6e, le langage si Eloquent avec lesquels, k 
cette mdme place, pendant si longtemps, Jules Simon venait nous parler 
de ToBuvre k laquelle il s'6tait d6vou6. 

Geux qui Tout connu savent depuis quelle ^poque il s'^tait attach^ k 
cette oBUvre, parce qu'il se souvenait de toutes les preoccupations qui 
Tavaient assailli [quand il avait commence k s'occuper des conditions de 
Inhabitation ouvri^re en France {Vifs applaudissements,) 

Pendant trente anuses, il s'est d^vou^ tout entier k cette oeuvre. Jus- 
qa'k sa mort il s'est pr6occup6 des conditions de Thabitation avec toute la 
conviction qu'il apportait dans la defense de la famille ouvri^re. II nMtait 
pas le seul. Tons ceux qui se sont attaches k la solution du probl^me com- 
prennent la port6e de cette ceuvre. flier encore une grande initiative se 



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876 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

produisait dans le sein de TAcad^mie des sciences. Un savant qui honore 
notre temps, faisait une proposition f^conde en r^sultats. M. le D' Brouar- 
del, saisi des consequences de Tinsalubrit^ des logements, a propose la 
nomination d'une Commission qui sera i'origine d*une action s^rieuse. 
Nous lui avons manifest6 notre reconnaissance en lui demandant d'ajoater 
a ce que nous lui devons d^j^, en venant ici pr^sider cette stance. 11 y a 
consent!, et je Ten remercie, (Applaudisaements.) 

La plus haute personnalit^ de France, qui suit nos travaux avec ie plus 
vif int6rdt, a bien voulu d^l^guer, pour le repr^senter ici, M. le comman- 
dant Meaux Saint-Marc, que nous remercions profond^ment d'assisler k 
notre Assembl^e. Nous le prions de reporter k M. F61ix Faure Texpression 
de noire profonde reconnaissance et I'^cho des efforts auxquels nous nous 
livrons. (Applatuiissements unanimes.) 

Ainsi toutes les forces de ce pays, tons ceux qui yeulent travailler k 
ram^lioration de la condition des ouvriers et au d^yelopperaent de la fa- 
mille, sont r^unis dans notre Society, faisant des efforts communs et les 
accomplissant avec un sentiment absolument d^sint^ress^. 

Aussi ai-je Fesp^rance que sur tons les points du territoire, en pen 
d'annees Teffort sera si general, qu'on aura le sentiment que cette Society 
est profond^ment impr^gn^e des sentiments de solidarity et d'amour mu- 
tuel, sans lesquels il n'y a pas d'ceuvre qui puisse prosp6rer. {Vive adhesion 
et applaudissements unanimes,) 

M. le President donne ensuite la parole k M. Fleury-Ravarin, se- 
cretaire g^n^ral. 

Mbsdames et Messkurs, 

Chaque ann^e, votre secretaire g^n^ral est appel6 k effeuiller, au d^- 
but de son rapport, le n^crologe de Tann^e pr^cedente. L'an dernier, nous 
saiuions ensemble la m^moire de Jules Simon, Tun de nos presidents 
d'honneur, et celle du docteur Jules Rochard. 

Cette fois encore, mallieureusement, les circonstances ne nous out pas 
affranchi de cette pieuse et trisle coutume. 

La Societe fran^aise des habitations k bon marche a ete en effet cruel- 
lement eprouv^e par la mort d'Henry Bossut, ancien president du Tribunal 
de commerce de Roubaix, membre de la Society d'^conomie sociale, et 
par la mort deM. Alban Chaix, president honoraire du conseil d'admini- 
stration de Timprinierie Chaix. 

Appartenant a Tune de ces vieilles et nombrenses families qui font 
Taristocratie bourgeoise du Nord, Henry Bossut etait le president de la 
Societe roubaisienne des habitations k bon marche, dont il avait ete le 
fondateur. Quoique n^gociant, c*est-i-dire quoique pen en conlact avec 
Touvrier, il s'est toujours attache a I'etude des questions sociales, toujours 
il s'est preoccupe des moyens d*ameiiorer le sort de la classe ouvrifere. 
Homme d'aclion, imbu des doctrines de Le Play, il imprima, dfes le debut, 
k la Societe qu*il avait fondee, une activite telle qu'en 1895, nous lui decer- 
nions une medaille en argent en reconnaissance de son devouement 4 



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VARlfeTfiS. 877 

ToBUvre en vue de laquelle nous nous sonimes group6s. Heniy Bossut fut 
un philanthrope et un homme de bien ; la mort Ta empdch6 d'agrandir en- 
core son r61e, mais son nom demeurera dans nos annates comme celui de 
Tun des propagateurs les plus actifs et les plus d6sint^ress4s de cette 
id6e de reI6vement social par la reconstitulion de la faraille, k laquelle il 
a consacr^ jusqu'^ ses derniers jours ses plus ardenls efforts. Saluons done 
recpectueusement la m^moire du pr^cieux et respects collaborateur que 
nous avons perdu ! 

Ge devoir accompli, 11 nous faut dresser le bilan de I'ann^e 1897, t^che 
dont vous Youdrez bienexcuser Tapparente ingratitude. 

Les travaux de la Society, dans le cours de Tann^e qui vient de 
s'^couler, ont dt6 plus nombreux encore que ceux de Tann^e pr4c6- 
dente. 

Dans sa stance du 7 ayril, le Conseil a procM^ k la nomination des 
membres de son Bureau, dont les pouvoirs ont expire lors de la reunion 
de rAssembl6e g^n^rale du 21 mars. Tons les membres sortants ont H6 
r661us, et votre secretaire g^n^ral estheureux de se faire aujourd'hui 
Tinterprfete des remerciements de tons les membres du Bureau pour cette 
nouvelle marque de confiance que nous a donn^e le Gonseil. 

Les stances mensuelles, r6guli6rement tenues, ont eu leur ordre du 
jour irhs charge. De nombreuses et int^ressantes communications y ont 
6te faites, notamment par notre Eminent president, M. Georges Picot, par 
MM. Ghallamel, Gheysson, Gharles Lucas, Rostand, et Jules Siegfried, pre- 
sident d'honneur. 

En outre, le Gonseil a 6i6 appeie k examiner les projets de statuts de 
plusieurs Soci^t^s, dont quelques-unes ont vu le jour en 1897, les autres 
devant se constituerdans le courant de la presente ann^e. Tous ces projets 
de soci6t4s anonymes ou cooperatives ne sont gu^re, pour la plupart, que 
la reproduction et Tadaptation des statuts modules que nous avons eia- 
bor^s ensemble. Permettez-nous de profiter de cette circonstance pour 
vous dire combien la Society frangaise des habitations k bon marche a^te 
satisfake de constater I'utilite incontestable des statuts modules qu'elle a 
arretes et la haute valeur que ce^ documents ontacquise aupr^s du public 
special qui les consulte. 

Les modMes primitivement arretes out et6 cependant remanies; cette 
annee, plusieurs seances ont ete consacrees kun examen attentif de leur 
texte, dans le but de leur donner plus de rigueur au point de vue juri- 
dique, et nous croyons, sans fausse pretention, que notre nouveau mo- 
dule de statuts de societes cooperatives est maintenant a I'abri de toute 
critique serieuse. 

La constatation des services rendus par nos modules dfe statuts nous a 
encourages k eiaborer egalement deux nouveaux modules dont le besoin 
s'etait fait sentir : modele de bail avec promesse de vente, et raodMe du 
cahier des charges. 

Ces deux modules ont 6te etudies, discutes et arretes par notre comite 
de consultations juridiques, et le conseil les a revetus de son approba- 
tion. II est k prevoir que ces deux documents seront appr6cies par les 
societes locales au mfime degre que nos naodfeles de statuts. 



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878 REVUE PHILANTUROPIQUE. 

lod^ndamment da cette CBUvre d 'Elaboration juridique en commun, 
nous avons entendu, dans nos staices, la Jecture de rapports nombreux 
sur des questions di verses. Gitons» parmi les plus int^ressants, ceux de 
M. Gacheux sur les soci^tes d 'habitations 4 bon marchE en Aileoiagne. 

D'autre part, des etudes ont €16 commenc^es sur le conconrs que pen- 
vent donner k nos soci^t^s de construction ou de credit d'habitations k bon 
marchE les caisses d'administrations pubiiques et les grands Etablissements 
financiers de credit. Mais aucune solution definitive n'a pa encore dtre ar- 
rdt^e, cette question est en eCTet grossede difQcult^s et de consequences, 
et elle soul^ve de nombeuses questions connexes qui int^ressent aa plus 
baut point le d^veloppement et m^me la creation de soci^t^s de aon- 
struction. Aussi votre Conseil n'a-t-il pas voulu se prononcer sar ce gros 
probl^me,avant d'avoir status sur ces diverses questions secondaires qui 
gravitent autour de lui, et dont la solution constituera un Element impor- 
tant de decision. 

Void pour les efforts eollectifs de notre Soci^tE. 

Passons aux r^sultats de nos efforts iudividuels. 

Les membres du Conseil n'ont pas cessE de remplir avec le d^vouement 
et le z^le que nous leur connaissons, et dont ils nous permettront de 
rendre ici ud public homroagey leur rdle de propagateurs des principes 
et des vues de la Soci^te frao^aise des habitations ci bon marchE. 

Des allocations, des discours ont 6i€ prononcEs par vos orateurs habi- 
tuels, MM. Georges Picot, Cheysson, Siegfried. Des conferences ont ^t^ 
faites dans plusieurs reunions, dont quelques-unes avaient un caract^re 
offlciel. Nous citerons ies conferences de M. Georges Picot k Versailles; 
de M. Siegfried k Fonlainebleau et^ Villeneuve-Saint-Georges ; de M. CheyssoD 
k Plaisance et k Pontoise; de M. Challamel k la Garenne-Colombes. Notons, 
en passant, que chacune de ces conferences a marque le point de depart 
de I'organisation de societes locales, dont la constitution definitive appar- 
tiendra k I'annee 1898. Deux d'entre elles sont aujourd'hui fond6es: « le 
Foyer garennois » et « le Foyer du travailleur ». 

Ginq inaugurations ont ete faites en 1897 sous le patronage de notre 
Societe : 

A la Rochelle, celle du groupe de Tasdon de la Societe Rochelaise des 
Habitations k bon marche; 

A Paris, Tinauguration de la quatrieme maison des Habitations econo- 
miques, 19, rue d'Haulpoul. 

A Roubaix, celle du groupe du Blanc Seau de la Ruche Roubaisienne ; 

A Rordeaux, celie du groupe Georges Picot de la Societe Rordelaise des 
Habitations k bon marche; 

Enfin, k Athis, Tinauguration des nouvelles maisons du cottage d'Athis. 

Au Gongres international des habitations k bon marche de Bruxelles, 
aupr^s duquel M. Cheysson a ete deiegue par la Sodete et par le ministre 
des travaux publics, et M. Jules Challamel par le ministre de la justice, la 
Societe francaise a participe d'une maniere tres active, tant par ses rap- 
ports ou communications, que par les discussions soutenues par ses 
membres, k I'etude des questions qui nous interessent. Rappelons en pas- 
sant la creation, par ce Gongres, d'unnouvel organe, sous le nom de Comite 



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VARI^TfiS. 879 

international des habitations k bon march6, dont Torganisation est en ce 
moment Tobjet des soins les plus ^clair6s du Comity, qui a pris Tinitiative 
de ce congr^s. Ce nouvel organe nous parait appel^ k jouer, au point de 
vue international, le r6ie que notre socl^td remplit en France. 

Au Gongr^s d'6conomie sociale, M. Jules Challarael a 6tudi^ les dispo- 
sitions contenues dans la proposition de loi d^pos^e par M. Siegfried alors 
qu'il si^geait encore k la Ghambre, tendant k favoriser la constitution et le 
maintien de la petite propri^t^ rurale. Le but de M. Siegfried, en pr^sentant 
cette proposition de loi, a ^t6 de faci liter aux ouvriers agricoles Tacc^s de 
la propri6t^, et de les fixer ainsi, d*ane fa^on stable, dans les campagnes. 

Au Congr^s de la propri6t6 b4tie — dont M. Georges Picot 6lait presi- 
dent d'honneur — une importante place a ^t^ r^serv^e aux questions d'ha- 
bitations k bon march^. 

Enfin, I'Exposition interna tionale de Bruxelles a foumi encore une 
occasion k notre Soci^t^ de faire connaltre les bienfaits dont Thonneur lui 
revient, et, parmi les recompenses d6cernees par le jury de cette exposi- 
tion, nous sommes heureux de relever les recompenses concernant les 
habitations k bon marche : 

1» EXP08ANTS 

Dipldmes de Grand Prix. 

Society frangaise des habitations k bon march^, k Paris. 
Society Philanthropique de Paris. 

Dipldmes d^honneur. 

Cacheux, Emile^ k Paris. 

Gaisse d'Epargne et de Pr^voyance de Marseille, k Marseille. 
Society bordelaise des habitations k bon march6, k Bordeaux. 
Societe des habitations ouvri^res de Passy-Auteuil, k Paris. 

Dipldmes de m^daille d'or, 

Guyon, Georges, k Saint-Maurice. 

La Ruche, Society d'habitations k bon march^, k Saint-Denis. 

Dipldme de m^daille d'argent, 
Verberckmoes, Gustave, k Paris. 

2« C0LLAB0RATEUR8 

Dipldme d'honneur, 

Dubois Alfred, Society frauQaise des habitations k bon march^. 

Dipldmes de midaille d*or. 

eenard, Soci6t6 des habitations ouvri^res de Passy-Auteuil. 
Cazalet, Charles, Soci6te bordelaise des habitations k bon march^. 
Trial, Alphonse, Society nlmoise des habitations k bon march^. 



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S80 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

Dipldmes de medaille d'argent, 

Mayer Samuel, Soci^t^ des habitations ouvriferes de Passy-Auleail. 
Souillart, Soci^t6 des habitations ouvriferes de Passy-Auteuil. 

Les consultations au si^ge social ont 6t^ aussi nombreuses que les 
ann^es pr^c^dentes, et la correspondance, toujours aussi active, a port^ 
principalement sur Torganisation de Soci^t^s, la demande de plans et de 
devis de maisons. 11 est k noter cependant que de cette ann^e date une 
nouvelle s^rie de demandes ^manant directement des Comit^s locaux 
d'habitations k bon march6 et nous constatons avec plaisir que notre 
Soci4t6 donne un concours, indirect sans doute, mais incontestablement 
efficace, k cette institution de la loi du 30 novembre 1894. 

La Soci^t^ a public dans son bulletin de 1897 la premiere partie, due 
au docteur Mangenot, de la belle enqudte sur la Pointe-d'Ivry, qui n'a pas 
demands moins de quatre ann^es pour dtre men6e k bonne (in. La seconde 
partie, due au docteur du Mesnil, est en ce moment sous presse et sera 
ins6r6e dans le plus prochain nuraero du bulletin. 

Nos correspondants k T^tranger nous ont constamment tenus au cou- 
rant des travaux et des faits susceptibles de nous int^resser; qu'ils reroi- 
vent ici tons nos renierciements. 

Nous ne signalerons rapidement k votre attention que la belle ^tude de 
M. Paul Langer, sur Tusine Krupp, ses habitations ouvri^res et ses insti- 
tutions de pr^voyance, pour laquelle nous avons nomm^ M. Langer, membre 
correspondant. 

Nos relations avec T^tranger, notamment, avec TAllemagne, la Suisse, 
ritalie et la Russie, s'^tendent de plus en plus. Nous sommes heureuz de 
relever la creation k Nicolateff de la Soci^t^ d'am^lioration du logement, 
dont le fondateur et Torgauisateur est M. Henri Guygnard, un de nos so- 
ci^taires les plus d^vou^s k ToBUvre des habitations k bon raarch^. 

Disons encore que, cette ann6e, pour la premiere fois, des demandes 
de documents, suivies d'un ^change de correspondance, nous ont ^te 
adress^es par des personnalit^s influentes du Br^sil et du Portugal. Si les 
projets k T^tude se r^alisent, Toeuvre des habitations k bon march^ aura 
commence son essor dans ces deux pays, et notre Society en suivra la 
marche avec une grande attention. 

11 nous reste maintenant k dire quelques mots des Soci^t^s en cours de 
d6veloppement. 

Toutes les Soci^t^s d'habitations k bon march^,dont le nombre depasse 
aujourd'hui 50, poursuivent avec perseverance leur d^veloppement. Citons 
parmicelles dont I'extension prise en 1897 a ^i€ le plus notable: le Cot- 
tage d'Athis, le Coin du feu de Saint-Denis, la cit6 Gabrielte, les Societes 
beauvoisine, rochelaise, bordelaise des habitations k bon march^, la Soci^l^ 
des habitations 4conomiques de Saint-Denis; la Soci6t6 des logemenls 
^conomiques et d*alimentation de Lyon, dontle capital a et^ port^ k 4 mil- 
lions; la Ruche roubaisienne qui a cr^^ un comity d'obligataires. 

Nous devons ici appeler toute votre attention sur un fait administratit 
d'une haute importance pour tout ce qui louche k notre CEUvre. Par une 



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VARlfeTES. 88t 

circulaire en date du 10 mars 1897, M. le ministre du commerce a invito 
les directeurs des Caisses d'6pargne ordinaires k entrer dans la nouveile voie 
que leur ouvre rarticle 10 de la loi da 20 juillet 1895. A la suite de cette 
invitation gouvernementale, un certain nombre de Caisses d*^pargne ont 
demand^ et obtenu des modiflcations de leurs statuts les autorisant k em- 
ployer la totality du revenu de leur fortune personnelle et ie cinquiSme du 
capital de cette fortune en prdts aux Soci^l^s de constructions ou de credit 
d'habitations k bon march^. Nous vous signalerons particuli^rement les 
pr^ts consentis par la Caisse des Bouches-du-Rh6ne et le prdt de 60 000 
francs consenti par la Caisse d'6pargne de Paris k la Soci^t^ cooperative 
« le Coin du feu », de Saint-Denis. 

A propos du concours des Caisses d'epargne k notre oeuvre, une ques- 
tion du plus grand int^r^t a ^t^ soumise dl'examen de votre Conseil par la 
Caisse d'^pargne de Vire. II s'a^issait de savoir si une caisse pouvait, aux 
termes de Tarticle 10 de la loi du 20 juillet <895, construire et administrer 
elle-m^me des maisons k bon march^, en supprimant tout interm^diaire. 
Devant le texte un peu obscur de cet article, le Conseil a cm devoir en 
r^f^rer k la haute competence du Conseil sup^rieur des Habitations k bon 
marche, et son Comity permanent, apr^s une ^tude tr^s approtoiidie de la 
question, a conclu affirmativement, disant que les Caisses d*6pargne peu- 
ventagir directement, et, sans aucun interm^diaire, acqu6rir et construire 
elles-m^mes des maisons k bon march^. Cette decision du Comity perma- 
nent a d'ailleurs ^t^ ^clair^e et justifi^e par des arguments juridiques des 
plus s^rieuz developp^s devant lui par M. Eugene Rostand. 

Nous pouvons vous annoncer aujourd'hui que les Caisses d'^pargne de 
Vire, de Rarabouillet et de Chartres sont entries dans cette voie oh d*au- 
tres, nous Tesp^rons, ne tarderont pas k les suivre. 

Le Conseil sup^rieur des Habitations a bon march6 s'est r^uni le 2 avril 
1897 et, dans un rapport tr6s precis, adress6 k M. le President de la R^pu- 
biiquc, M. Boucher, ministre du commerce, a r^sumd lous les travaux de 
1896, que notre precedent rapport vous a d^ji fait counallre. Dans cette 
stance du 2 avril, quatre rapports ont ete preseiit^s au nomdu Comity per- 
manent: par M. Georges Picot,sur Tenqufite relative aux Habitations d bon 
marche ; par M. Cheysson, sur les demandes fo rmul^es par les Soci^tes d'habi - 
tations d bon march^ pour obtenir Tapprobation de leurs statuts; par 
M. Challamel, sur les travaux des Comit^s d'habitations k bon marche 
pendant Fannie 1896; enfin, par M. Jules Siegfried, sur les pr^ts faits aux 
Societ^s de construction d'habitations k bon march 6. 

Depuis cette ^pogue, le Conseil sup^rieur n'ayant pas eu de nouveile 
reunion, nous ne pouvons que vous ciler les noms des auteurs des rapports 
qui seront pr^sent^s k la prochaine stance au nom du Comity permanent : 
MM. Georges Picot, Cheysson, Challamel et Siegfried. Rendonsici hommage 
au labeur incessant qu'a ete celui du Comity permanent pendant toute 
Tann^e 1897. 

Enflii, pour ne rien oublier, rappelons que les Comit^s d'habitations k 
bon marche ont si^gS en grand nombre pendant cette m6me ann^e, et 
qu'au Comite de la Seine, des questions d'habitations collectives ont 616 
discut^es par des hommes de haute competence, MM. Felix Mangini et 

RBVnS PHILANTHROPIQUE. — II. 56 



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882 REVUE PH1LANTHR0PIQUE. 

Bouvard, tandis que le Comity de Seine-et-Oise organisait des reunions k 
Pontoise, k Versailles et k Villeneuve-Saint-Georges, avec le concours de 
nos plus ^minents conf6renciers. Nous sommes heureux de les en remercier 
ici, car leur propagande a port^ d^jk des fruits et elle nous en promet 
d'autres encore; grAce k eux, de nouveaux comit^s sont, en ce moment, en 
voie d*organisation. 

Nous voici arrives an bout de Texamen r^trospectif que nous devions 
faire de ToBuvre accomplie en 1897 par notre Soci6t^. En presence des iaits 
que nous avons eu Thonneur de vous rappeler, n'avons-nous pas raison 
de dire cpie cette ann^e 1897 a marqu^ un nouveau progr^s dans le d6ve- 
loppement des id^es qui nous sont chores? 

II faut de longs efTorls, une perseverance qui ne se rebute jamais, pour 
vaincre Tinerlie, Tignorance, r^goisme, les prejuges du monde. Les id^es 
les meilleures, avant de circuler dans Tesprit populaire, doivent subir un 
longue elaboration; Teducation des masses se fait avec une lenteur qui 
parfois irapatiente, enerve les esprils d*eiite. Pourtant, ne nous d^coura- 
geons done pas. Messieurs, la grandeur des rdsultats obtenus montre que 
nous n'avons pas frappe k faux et que nous poursuivons la realisation d'une 
idee juste. Continuous done k travailler ensemble, unissons nos forces pour 
eclairer Topinion sur Tinlensite du mal que nous voulons guerir; faire 
comprendre k tons que nous apportons, non, certes, une panacee pour guerir 
tons les maux, mais un remede efficace, consacre par Texperience, capable 
d'apporter aux travailleurs un bien que la plupart ne connaissent pas au- 
jourd'hui : la possession d'un logis hygi6nique et moral! 

Apr^s les applaudissements qui couvrent la fin de ce com pie 
rendu, la parole est donn6e k M. Charles Robert, tr6sorier. 

Messieurs, 

J'ai Thonneur de vous presenter, au nom du Conseil d'administration, 
les comptes de 1897 et le budget de Texercice 1898. 

Nos recettes de 1897 comprennent les articles suivants : 

<r. c. 
Cotisations annuelles de 311 membres titulaires 6270 •» 

Coupons d'obligations en portefeuille et intdrets du compie 

courant 1292 10 

Arrerages de fends places provenant de diverses souscrip- 

tions et lib6ralites 1 815 » 

A rrerages de la rente provenant du legs Giffard 3000 » 

Abonnements et recettes diverses 701 • 

Ensemble 13078 10 

Voici maintenant Tenumeration de nos depenses : 

Loyer du si^ge social 1 000 » 

Frais de bureau et indemoit^s du personnel • . 5275 35 

Frais d'irapression du Bulletin 5158 85 

Frais de gravure de medailles 493 80 

Souscription au monument Jules Simon .... 500 

Total 12428 » 

Soit un excedent de recettes 650 10 



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VARltTfiS. 883 

Notre actif social, au 31 d^cembre 1897, s'el^ve h. une somme totale de 
100892 fr. 01 formant, confo rm^ment k nos statuts, une reserve indispo- 
nible. Get actif social ne comprend pas le capital correspondanl aux arr^- 
rages du legs Giffard servis k notre Soci6t^. 

Voici mainteuant notre budget de Tann^e 1898 : 



ACTIF SOCIAL 
Budget de 1898. 

RECETTES 

fr. c. 

Cotisations annuelles des membres tltulaires ordinaires. . . 6150 » 

Coupons de 84 obligations Nord 1 209 60 

Revenu de la rente 3 0/0 amortissable 1815 » 

Arr6rages du legs Giffard . 3000 •» 

Souscriptions du Minist^re de I'lnstruction publique et du 

Comity de salubrity de la Seine. 660 »> 

Ensemble des recettes 12834 60 

DEFENSES 

Loyer et contributions 1000 » 

Frais de bureau et indemnit^s du personnel . . 4700 » 

Bulletin et publications diverses 5000 » 

Subventions, expositions et irapr6vu 2100 » 

Ensemble des d^penses. ... 12800 ^ 

Soit un exc6dent de ressources de 34 60 



TABLEAU 1 
Situation flnanci^re au 31 d6cembre 1897. 

fr. c. 

Espfeces en oaisse 1182 26 

En corapte au Comptoir national d'Escompte 7 843 75 

En valeurs : 84 obligations du Chemin de fer du Nord et 

1815 francs de rente 3 0/0 amortissable 95746 90 

En arr6rages de rente et coupons ft encaisser 1354 80 

En cotisations arri6r6ea h recouvrer 200 » 

Ensemble 106327 71 

II convient d*en retrancher : 

Pour autant dt h divers foumisseurs, le montant de leurs 

factures 5375 70 

Cotisations de 1898 revues d'avance 60 »> 

5435 70 

Reste repr^sentant le montant de I'actif social . ..... 10089201' 



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884 



REVUE PHILANTHROPIQUE. 



TABLEAU II 

1<^ Fixation de la Reserve statutaire. 

fr. c. 
La reserve indisponible s'^Ievait au 31 d^cembre i896 &. . . 61683 10 
Elle s'augmente, pour 1897, de la cotisation vers6e par un 
membre titulaire ^ vie, soit 300 » 



Total de la reserve statutaire au 31 d^cembre 1897 . 



61983 10 



20 Explication da Capital disponible. 

Le solde ^ reporter de I'exercice prec6dent 
6tait de 38258 81 

Auxquels vient s'ajouter Texc^dent des res- 
sources annue lies 650 10 

Total du capital disponible 

Ensemble 6geA h Tactif social ressorti ci-dessus. 



38908 91 
100892 01 



D'apr^s un usage constant, suivi depuis rorigine de noire Soci^t^, le 
tr^sorier, aprds avoir lu I'expose de la situation A nanci^re, demanded tous 
de faire une propagaude active pour amener a la Socidt^ de nouveaux 
adh^renls. 

La n6cessit6 d*augmenter ainsi en m^me temps nos recettes el notre 
influence est d'autant plus ^vidente aujourd'hui, qu'un grand ^lan se 
man! Teste partout en faveur du progr^s social. Dans un importaut discours- 
programme, prononc^ 11 y a quelques jours, devant le Gomite national r6- 
pnblicain du Commerce el de Tlnduslrie, M. Paul Deschanel a parl^ du 
devoir qui s'irapose k tous de d6velopper la cooperation et de permetlre 
aux Guisses d'^pargne de mieuz utiliser, dans rint^r^t des classes labo- 
rieuses, les fonds dont elles doivent op^rer le placement. Ces deux id^es 
s'appliquent i notre oeuvre. Ne s'agit-il pas en effet pour nous de multiplier 
les Sociel^s de construction de toute nature, notamment les cooperations 
et de procurer a touies ces Sociei^s des avances? J*ajoute que la construc- 
tion des habitations salubres et k bon march^ sera bientdt rendue plus 
facile par la creation procbaine d'une instiiution speciale de credit qui sera 
fond6e grdce k Tinitiative toujours en ^veil de notre president d'honneur, 
M. Jules Siegfried. 

Nous avons le droit d'esp^rer que, dans de telles circonstances, si favo- 
rables k nos communs etforts, tous les amis du progr^s voudront aider et 
soulenir la Society, reconnue & juste titre d'utilite publique, qui a pris la 
t^te de ce beau mouvement. 

Les comptes de Texercice 1897 et le projet de budget de rann^e 1898 
sont approuv^s. 

Puis TAssembiee vole a Tunanimite la reelection des membres soriants 
du Gonseil d'administration : MM. Blech, Bourdeix, Gheyssou, Fleury-Ra- 
varin, Guillotin, Ledoux, Charles Lucas et Treiat. 



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VARltTfeS. 885 

Enfln, M. Georges Picot proclame les noms des collaborateurs auxquels 
\sl SociM des Habitations dbon marchi d^ceme des m^dailles en recon- 
naissance des services rendus k i'oeuvre des Habitations k bon marcb^. 

M^dailUs d'argent, 
MM, le D' du Mesnil, le D' Mangenot, G. Raudran. 

M^daille de bronze. 

M. £mile Henne, comptable de la Society des Habitations ^conomiques de 
Saint-Denis. 

De chaleureuz applaudissements saivent la proclamation du nom de 
chacun de ces laur^ats, et M. Brouardel prononce ie discours suivant: 

Mesdambs, Messieurs, 

Mon cher President, en m'appelani a pr^sider cette c6rdmonie, vous 
m'avez fait un grand honneur, mats un honneur bien p^rilleux. II sufflra, 
pour comprendre le danger auquel vous m'avez expose, d'^voquer le sou- 
venir de Jules Simon, qui a si souvent pr6sid^ vos reunions. Je suis sdr 
d'etre I'inlerpr^te de tons et surtout des sentiments du president en t^- 
moignant nos regrets d'etre pour toujours priv^s de ce concours si pers^v^- 
rant et si persuasif. (Trd5 bien! tr^s bien!) 

Messieurs, je suis appel^ ici surtout comme hygi^niste, et je remercie 
vivement votre president de m'avoir permis de conslater, en consultant les 
bulletins de votre Soci^t^, que nous marchons vers le mSme but, quoique 
nous soyons partis de points ^loign^s en apparence. Nous, hygi^nistes, 
nous avons donn6 k nos revendications une forme diff^rente de celle que 
vous avez adoptee, mais, au fond, tout dissentiment avee vous est loin de 
notre pens^e. Nous avons pris une attitude un pen r^volulionnaire pour 
demander que Ton fit disparaitre les maisons insalubres et que Ton ne 
constmistt plus que des maisons salubres, et nous avons paru porter ainsi 
atteinte au droit de propria t^. On nous Fa reproch^. 

Vous, Messieurs, vous vous fites dit ceci: Si Ton d^truit les maisons 
insalubres, ou logera-t-on leurs habitants? II faut bien qu'ils trouvent un 
abri. Nous aliens leur construire des maisons salubres. 

Vous voyez que si, au d^but, nous paraissions ^tre des r^volutlon- 
naires, ce n'est qu'en apparence, puisque nous arrivons au mdme r^sultat 
que vous qui ne Tfites pas. (Tris bien! trds bien! ) 

Les deux OBUvres sont inseparables. Je dois dire tout de suite, pour ras- 
surer les personnes qu*inqui6teraient nos vcbux de demolition, que, jusqu'd 
present, nous n'avons k notre actif que le succ^s obtenu par le docteur du 
Mesnil qui, faisant I'histoire du logement du pauvre k Paris, et citant la 
rue Sainte-Marguerite, disait: 11 y a dans cette rue, au u^ 21, une habita- 
tion plus malsaine encore que les autres, et si une epid6mie de cholera 
delate k Paris, c*est k ce n*» 21 qu'elle commencera. 

Messieurs, le docteur du Mesnil s'est tromp^: c'est au (9 que le pre- 
mier cas de chol6ra s'est montr^. {Applaudissements et rires,) 



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886 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

En presence de cette prophetie, si malheureusement r^alis^e, un vif 
mouvement d'opinion se produisit, od d^molit la me Sainte-Margaerite et 
Ton construisit de nouvelles maisons. 

II y a aussi en France, certaines casernes accus^es d'6lre des foyers de 
dipht^rie et de fi^vre typhoide, et apr^s en avoir condamn^ une k dispa- 
rattre, on s'est contente deTassainir. Ge qui fait que les m^decins donnent 
une forme plus absolue k leurs revendications, c'est qu'ils voient tous les 
jours de pauvres gens, des ouvriers atteints, frapp^s par la maladie et ils 
assistent, en peu d'ann^es, k la disparition, parfois, de toute une famille. 

J'ai cit^ k TAcad^mie des sciences, dans un travail auquei a fait allu- 
sion M. le president, un exemple, h^las! trop souvent r^p^t§. 

Un ouvrier a des jenfants. Tant qu«j sa 8ant6 est bonne, la famille vit 
dans une certaine aisance. n devient phtisique. Les ressources dn manage 
s'^puisent; la femme et les enfants sont contamin6s par le mari. II n'y a 
plus de ressources, le p^re va k Thdpital, la m6re Ty suit bientdt et I'Assis- 
tance publique prend les enfants, vou^s k la mort ou auz inOrmit^s. 

Ce fait se reproduit souvent, et Ton pent chififrer les pertes que subit la 
France du fait [de maladies de ce genre. La statistique, bien inf^rieure k 
la r^alit^, constate qu'en France il meurt, tous les ans, 150 000 personnes 
par la tnberculose (phtisie, tuberculose ra^ning^e, osseuse ou intestinale). 
Vous voye/. par ce chiffre qu'on est en presence d'un veritable d^sastre. 

Nous sommes profond^ment ^motionn^s par des menaces d*6pid^mie, 
par des accidents impr^vus, accidents de cherains de fer, de mines, etc. 
Quelque p^nibles qu'ils soient, ils ne font que quelqnes victimes; 10, 15, 
20 personnes ont ^t^ frappdes et ont disparu. Nous sommes ^pouvant^s. An 
contraire, les accidents auxquels nous sommes habitues, ne produisent 
plus d*6motion ; il y a une sorte d'accoutumance. 

Rappelez-vous T^motion qui s'est produite en France quand, il y a un 
an, on a eu la crainte que la peste ne d^barqu^t k Marseille. On r^clama 
et on prit des mesures bien singuliferes, peu importe. Elles correspondaient 
k un ^tat de I'opinion. Mais quelle est IMpid^mie qui a jamais fait en 
France i 50 000 victimes par an ? 

La plus meurtriere des epidemies de cholera, celle de 1854-1855, qui 
dura deux ans, n'a caus6 en deux ans que 145 000 d4c6s. Et, je le r^p^te, 
la tuberculose en fait annueliement 150000. Elle se d^veloppe dans les lo- 
gements insalubres ; c'est \k qu'est son foyer. 

On m'a demande parfois: Qu'appelez-vous logement insalnbre? 11 est 
difficile de donner une definition precise. Beaucoup de circonstances font 
qu'un logement d'abord salubre devient insalnbre. Mais quand toute une 
ftimille n'a qu'une chambre pour vivre, dans laquelle se passent tous les 
actes de la vie joumali^re, oil le p^re, la m^re, les enfants se trouvent 
constamment r6unis, vous apercevez tout de suite les eCTets de cette pro- 
miscuity, k tous les points de vue. Voili un logement insalnbre qui de- 
viendra vite un foyer de contagion. 

Je vous ai montr^ tout k Theure une famille oil la maladie avait com- 
mence par atteindre le chef pour frapper ensuite la m6re et les enfants. 
La maladie se borne-t-elle 1^? Non. Je veux vous montrer comment ce 
petit foyer n^ d'un homme tuberculeux pent s'irradier. Aulour de lui, il y 



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VARlfeTtS. 887 

a des Yoisins qui vieauent le voir, des enfants qui j orient avec ies siens 
dans son logement. lis sont bient6t contamin^s par ie malade. El toute 
une maison, tout un groupe de maisons se trouve successivement empoi- 
sonD6. 

11 en est ainsi dans ies quartiers ouvriers et le ph6nom^ne se prodoit 
avec une intensity, une fatalit6 cruelle k constater. II y a des quartiers, 
des villescomme Saint-Ouen, par exemple, oii la mortality par la phtisie 
est trois ou quatre fois plus grande que dans d'autres quartiers de la ca- 
pitale. 

G'est affreux 1 II y a dans Ies mauvais quartiers des logements oii Ies lo- 
cataires qui se succMent deviennent fatalement tuberculeux. II y a cer- 
taines maisons qui sont des foyers d*infection. 

Voil^ un 6tat de choses qui nous a obliges k montrer notre radicalisme. 
Nous avons demand^ qu'on ne construislt plus de maisons sans en |sou- 
mettre d'aljord le plan aux hygi^nistes. On a trouv6 cette proposition un 
pen violente. [On rit.) 

Elle est pourtant bien legitime. II y a, sur Ies grandes art^res de la ca- 
pitale, sur le boulevard Malesherbes, etc., des maisons somptueuses. Yisitez 
au cinqui^me, au sixi^me 6tage, Ies logements r^serv^s aux domestiques 
et vous serez 6pouvant6s de constater qu*il y a li des gens qui vivent sans 
air, sous Ies toits, dans des d^pendances qui se trouvent dans un ^tat de 
malpropret^ hideuse. 

C'est \k que se forment des foyers d'infection qui, par Ies domestiques, 
descendent d'^tage eu ^tage et propagent la phtisie dans tons Ies apparte- 
ments. Si bien que si ce n'^tait pas notre devoir, au point de vue de I'in- 
i^r^t social, de combattre la terrible maladie, nous devrions au moins le 
faire par ^goisme, pour preserver nos enfants et nous-m^mes. En soignant 
Ies pauvres gens, on se soigne soi-m^me, on soigne sa Tamille. 

Je viens de parler des logements des ouvriers, des domestiques ; je 
pourrais citer d'autres exemples si je ne craignais d'allonger cette confe- 
rence. {Parlez ! parlez /) 

Jetez un coup d'oeil autour de vous. II n'est pas un de vous. Messieurs, 
qui n'ait 6U dans un 6tablissement financier, comme il y en a tant h Paris, 
ou chez un notaire pour toucher des fonds, ou chez un avou^, ce qui est 
quelquefois moins agr^able, pour r^gler une affaire. Vous 6tes entr^s dans 
ces bureaux, dans ces Etudes et vous avez constats quelle en ^tait la tem- 
perature et quel air on y respiratt. II y a 1& des conditions d' hygiene ^pou- 
yantables. A midi quelquefois on y travaille k la lumi^re du gaz. Pas d'air 
et pas de lumi^re, et si Ton ^chappe au danger en quittant sa maison, on 
le retrouve dau? ces etudes, dans ces bureaux. 

Vous disiez tout k I'heure, monsieurle President, que vos efforts ne se limi- 
taient pas k rendre salubres Ies maisons, mais que vous vouliez encore et 
surtout leur donner de I'air et de la lumi^re, en un mot y apporter la pro- 
prete. Le bien que vous faites dans ce sens sera contagieux aussi, croyez- 
le bien, comme Test le mal qu'il s'agit de combattre. Quand, dans une 
impasse, vous voyez une maison sale, soyez certains que Ies maisons voi- 
sines ne sont gu^re propres et que cette maison constitue un foyer d'od 
rayonnera la contagion qui atteindra Ies autres maisons. 



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888 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

J'ai montr^ comment la phtisie descend des stages sup^rieurs d'une 
maison dans les Stages inf^rieurs ; j'ai montr^ aussi comment, existant 
dans un quartier, elle envahit un quarlier voisin. Que se passe-t-il main- 
tenant quand des villes populeuses* comme Paris, Lyon, Bordeaux sont 
infect^es ? Quelle esl I'action des foyers constitu^s dans ces villes, sur le 
reste du pays ? 

Nous touchons ici k une des constatations les plus certaines au point de 
vue de la propagation de la phtisie. Tout autour de Pans il se fait une 
couronne de petites villes, de villages, d'agglom^rations qui deviennent 
des foyers secondaires, surtout les centres habitus par les blanchisseuses 
qui lavent un linge contamin^. Dans ce derniers centres, la phtisie frappe 
les gens dans d'^normes proportions. 

Consultez les slatistiques et vous verrez qu'& Saint-Ouen, Aubervilliers, 
Gennevilliers, la mortality est plus grande que dans Paris m^me, sur 
10 000 habitants de la capitale 54 sont atteints par la phtisie; k Saint-Ouen, 
il y en a 81 ; k Gennevilliers, c'est le m^me chiffre. 

Vous voyez qu*il y a I& des foyers de contamination qui s'a^lom^rent 
autour d'un foyer principal, d'autant plus que cette contamination, ap- 
port^e dans des logements d'ouvriers pen sains ou peu spacieux, ne se 
borne pas k cette action p6riph^rique. 

La premiere pens^e d'un homme qui tombe malade k Paris, c'est de 
retourner dans son pays, esp^rant que I'air natal lui rendra la sant^. 11 
Emigre done dans une ville du littoral m^diterran^eu r^put^e pour la 
gu^rison de sa maladie. Et \k il transporte cette m^me maladie; il cr^e 
un foyer secondaire qui fera son oeuvre. Des causes de mortality sont 
apport^es k Paris qui les renvoie en province. 11 y a lit un ^change con- 
tinu. 

Voici ce qui s'est produit dans une ville de Normandie dont je ne veux 
pas citer le nom pour ne pas me faire une querelle avec mes compalriotes. 
Depuis 1854, dans cette ville de 6 000 4mes, on comptait autrefois, sur le 
nombre des d^cSs, cinq k six morts par phtisie. Aujoord'hui les d^c^s par 
phtisie s'6l6vent k plus de la moiti^ de la totality de la mortality. 

Pourquoi ? A quoi attribuer cet exc^s de mortality par phtisie ? C'est 
que notre ville, r6put6e agr^able, esl fr^quent^e par beaucoup de Parisiens, 
qui viennent y chercher la saiit^; ils y apportent des germes de contagion. 
Le mdme ^change se fait eutre la population civile et I'arm^e; les soldats 
reportent dans les regiments les germes infectieux qu'ils ont re^us de la 
population civile, et daus leur pays les germes des maladies contract^es k 
rhdpital. 

11 y a \k, vous le voyez, un ^change incessant, une solidarity absolne, 
depuis ce qui se passe dans la chambre d'ouvriers, dont j'ai parl6 au d^but, 
jusqu'^ la campagne. 

Je parle de la campagne. Pendant longtemps on s'est fait Tillusion de 
croire que tout se passait admirablement k la campagne. J*ai faitpartie de 
commissions d*enqu6te k I'occasion d'^pid^mies de cholera en Bretagne et 
ailleurs, et j'ai constats qu*k la campagne les maisons sont en g^n^ral tr^ 
roalsaines, les ouverlures sont insuftisantes pour laisser passer I'air et la 
lumi^re, et le sol est en terre battue. Des flaques d'eau, qui ne se des- 



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VARI6t6S. 889 

s^chent presque jamais, existent souvent sur le sol, et presque toujours 
entourent les maisons. L'^ table est souvent en continuity avec la chambre 
et les cochons se prominent autour des lits. 

Taut que personne n'apporte un foyer d'infection dans ces milieaz, tout 
le moude se porte bien, mais s'il arrive un pbtisique, tout le monde est 
atteint et peu d'babitants ^cbappent. 

Yous connaissez, en Bretagne, ces lits-armoires qui font tr^s bien au 
point de vue d^coratif, voici ce que j'ai vu. Un Breton se marie, sa femroe 
meurt pbtisique. II se remarie, sa seconde femme meurt de phtisie. Sa 
troisi^me femme est morte encore de la m6me affection, et j'ai appris qu'il 
s'est remari^ pour la quatri^me fois. (On ril.) 

Lui a r6sist^ au milieu de ce foyer. II y a en efTet des personnes qui 
r^sistent k tout, et on les cite en disanl : Vous voyez que tout le monde ne 
meurt pas de la pbtisie. Ge sont des t^moins qui sont nos plus terribles 
ennemis. [Applaudissements,) 

AssurSment, je ne veux pas leur mort, mais its sont un des plus grands 
obstacles au progrSs. 

Ge n'est pas tout. Nous venons de voir ce que deviennent les humaias 
dans ces milieux infect^s; mais,^ c6t6 d'eux, il y a les Stables de bestiaux 
et quand la phtisie y pdn^tre, que deviendront les animaux ? 

Voici un exemple que j'ai cit6 k M. le President du conseil, M. M^line, 
ministre de Tagriculture, que je tenais k associer k nos efforts. 

II y avait aux environs du Mans une ferme tenue dans des conditions 
de propret^ excessive. Le fermier prend, sans s'en apercevoir, un bouvier 
pbtisique. Ge bouvier crache partout, les boeufs sont atteints el meurent de 
la phtisie. 

Ge fait a beaucoup frapp6 M. le President du conseil qui s'interesse tant 
aux choses de Tagricullure. Et puis il y a le lait, la viande qui, contamines, 
deviennent des moyens d'infection; transport's dans les grandes viiles, ce 
sont de nouveaux germes qui feront de nouvelles victimes. 

Je ne voudrais pas, Mesdames et Messieurs, vous laisser sous Timpres- 
sion d'un tableau aussinoir. Pouvons-nous combattre le mat? Qui, et nous 
pouvons faire beaucoup. Nous avons entre les mains non pas la possibility 
de tout enrayer, ne nous faisons pas cette illusion, mais la possibility de 
diminuer le mal dans des proportions considerables. 

Que faut-il faire? Avant de le dire il est un point que je tiens k bien 
'tablir, c'est colui-ci ; il n'est aucune maladie — je parais avancer un pa- 
radoxe — qui soit aussi curable que la phtisie. En voulez-vous la preuve? 
— Mais d'aburd je demande pardon aux dames de leur parler de choses 
aussi macabres. (On rit,) 

Je fais assez souvent des autopsies k la Morgue, eh bien ! dans plus de 
la moiti' des cas les individus avaient des lesions tuberculeuses gurries, 
ils etaient morts victimes d'un accident. Or, la clientele qui fr'quenter^ta- 
blissement dont je viens de parler n'est pas une clientMe de choix. (Hires,) 
Elle ne se compose pas de gens prenant journeliement des precautions hy- 
gi6niques. Ge sont, pour la plupart, des alcooliques, ayant men' une 
existence aventureuse, et qui, malgr6 tout, oni gu'ri de la phtisie. Eh bien I 
si Ton pent gu'rir dans ces conditions, on pent guerir assez souvent pour 



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REVUE PHILANTHROPIQUE. 

que la soci^t^ n'a pas fait, poar les phlisiques de la classe ouvri^re, 
li devrait dtre fait. 

assi, au Gonseil de surveillance de I'Assistance poblique, avons-nous 
i, avec Taide du Gonseil municipal de Paris, k constituer une commis- 
de la taberculose qui a constate que, dans les salles d'hdpitaux, les 
'culeux contaminaient leurs voisins. On a decide de les separer, de 
oler, mais on ne peut atteindre le but qu'en proc^dant dans de cer- 
s conditions, sinon il faut laisser tout espoir d'atteindre le but, et le 
*est de gu^rir. 

Dus savez qu'ou a install6 dans certaines regions des sanatoriums 
gu^rir certaines maladies. 11 en sera de m^me dans les hdpitaux, 
istance publique a trouv^ six millions pour faire des installations 
elles dans les hdpitaux et nous avons obtenu du Gonseil municipal de 
la promesse que la* Ville voterait six millions. Nous pourrons d^truire 
un des foyers prlncipaux de contamination dans la ville de Paris. 
laudissements,) 

ous avons dit que le malade phtisique contaminait ses voisins ; quand 
1 de rhdpital, il lui faut gagner sa vie; il retourne dans sa famille ou 
rte des germes d'infection. Nous voulons le mettre dans un tel ^tat 
i^rison qu'il ne soit plas un danger pour personne, Avec le conconrs 
mvernement et surtout avec le concours de votre Soci^t^, si vous ar- 
, comme k Lyon, k nous faire esp^rer que dans dtx ans les logements 
ubres auront disparu, alors nous aurons r6alis^ un ^norme progr^s. 
applaudissements.) 

3 que j'ai dit de la phtisie et de la tuberculose, je peux le dire du 
fra et de la peste. G'est toujours la question du logement insalubre 
st en jeu. II est k remarquer que ce sont toujours les m^mes pro- 
s qui, cbez nous, sont atteintes. G'est en Provence, en Bretagne, en 
tandie ou se d^veloppe toujours avec le plus d'intensit^ le cholera, et 
des raisons sp^ciales. G'est ce qui prouve que ce sont des provinces 
fant assainir. 

iLemple. Lorsque la peste eut envahi Bombay, aux Indes, pour pr6- 
r TEurope, les gouvernements organis^rent une conference sanitaire 
les ont 616 les observations rapport^es par les m^decins qiii avaient 
?y6 la peste aux Indes ? 

9 avaient remarqu6, k Bombay, que, d'une facon g^n^rale, c'6taient 
idiens qui etaient atteints et que, parmi les blancs, tr^s pen etaient 
l6s, a moins que, comme les m^decins, les scBurs, les inllrmiers, ils 
ssent en contact avec les pestif6r6s. 

aurquoi les Indiens sont-ils alteints? Parce qu'ils vivent par terre, sur 
[ oil se cultivent les germes de la peste. Et vous savez que les rats, qui 
t dans le sol, au moment des ^pid^mies s'^loigneut imm^diatement. 
3S blancs mouraient beaucoup moins, pourquoi? Parce qu'ils sont 
dans des appartenients planchei6s. G'est-^-dire qu'on meurt dans les 
es insal ubres d'un m^me immeuble et non pas dans ses parties 
•res. 

Bs m^decins ont rapports ce fait curieux. J'ai dit qu'il ^tait tr*8 rare 
►ir mourir des personnes habitant des stages 61ev6s, et cependant on 



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VARI^TfeS. 89i 

fat tr^s ^tonn6 de constaler que, dan^ de grands ^tablissements construits 
pour rindustrie du colon, la mortality avail e(^ trfes grande. On fit des re- 
cherchesy on observa et on d^convrit que ces grandes constructions ^taient 
divis^es, k chaque ^lage, par un couloir m6dian au bout duquel ^lait in- 
stall6 un petit 6tablissement indispensable. Mais comme il ^tait absolument 
insuffisant, il y avail un amoncellement d'ordures dans tous les corridoi*s. 
G'est-&-dire que ces ^tablissements mal construits ^laient infect^s, insa- 
lubres et que ceux qui les habitaient ont ^16 les premieres victimes. 

La cause de toutes les ^pid^mies est toujours la m3me : Tinsalubrit^, le 
d^faut de proprel^. 

J'ai tenu, Mesdames et Messieurs, k vous dire quelques mots sur cette 
question d'hygi^ne. (Applaudissements.) 

Je ne terminerai pas sans rappeler une observation essentielle, c'est que 
ia sant^ pliyslque se trouve ^troitement li^e &la sant6 morale. Jules Simon 
disait que la meilleure garantie de la morale, c'est le logement. II ajoutait : 
II faut que le logement soil attrayant ; c'est lamani^re laplusstlre de lulter 
contre le cabaret. (Applaudissements,) 

Qui, le logement salubre est celui dans lequel on est heureux de ren- 
trer. Tandis que le logement insalubre, avec sa promiscuity, est la disorga- 
nisation de la familie ; il est le repaire de tous les vices, je dirai de bien 
des crimes. Ce n'est pas seulement k une ceuvre d'bygi^ne physique que 
vous 6tes associ^s, mais encore k une oeuvre d*hygi^ne morale. Et grdce k 
voire zele, k vos efforts, je compte que nous finirons par triompher. 
{Applaudissements unanimes.) 



Creation de services pour le traitement des Maladies sp^- 
ciales dans les H6pitaux. 

M. Brouardel, rapporteur, a pr6sent6 le rapport suivant, au nom 
de la Commission sp6ciale du Conseil de surveillance de I'Assistance 
publique de Paris (1). 

Messieurs, 

Le 20 mars 1897, noire ancien collogue, M. Paul Strauss, communiquait 
au Conseil municipal la proposition suivante, relative au traitement des 
maladies sp^ciales dans les ^tablissements hospitaliers : 

(c Messieurs, 

« Malgr6 le progr^s r^alis6 en ces derni^res ann^es, le traitement int6- 
rieur et ext^rieur des maladies sp^ciales dans les h6pitaux laisse beaucoup 
dd^sirer. L'outillage hospitalier est loin de r^pondre auxbesoins modernes, 
qui tendent k faire une place de plus en plus considerable k la specialisation 
des maladies. 

(1) Commission composee de : MM. Brouardel, Budin, Dubrisay, Gibert, Le- 
vraud, Masson, Mourier, Navarre, Perier, Potain, Paul Strauss, F61ix Voisin. 



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892 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

I 

« Au point de vue du traitement k Tint^rieur des h6pilaux, sans parler 
des maladies de la peau et similaires, en dehors de risolement pratiqu^ oa 
projet^ pour certaines afTections dpid^miques ou contagieuses, il n'existe 
dans les services de m^decine et de chirurgie d'adultes que 131 His atfect^s 
au traitement des maladies des voies urinaires, 119 r4serv6s aux maladies 
des yeux, 37 d'ovariotomie, 78 de maladies nerveuses. 

« II n'y a pas de service special « interne » pour les maladies du larynx, 
du nez, des oreilles. 

« Pour les maladies des yeux, le nombre de lits est de : 

« H6tel-Dieu, 58 ills ; 

« Lariboisi^re, 20 lits ; 

a Clinique ophtalmologique des Quinze-Vingls, 110 lits. 

« 11 convient d'observer que la Clinique nationale des Quinze-Vingts 
hospitalise des malades venus de tous les points de la France et que la 
moili^ de ces lits rentre dans les disponibilit^s parisiennes, soit en tout 
133 lits pour recevoir les indigents opbtalmiques d'une population de 
3300000 habitants (Paris et la banlieue). Ces 133 lits doivent suffire aux 
besoins d'une clientele qui est annuellement, pour les divers ^tablissements, 
de 5 000 nouveaux consultants inscrits par an k THdtel-Dieu, 3 000 & I'hdpitai 
Lariboisi^re, 15 000 aux Quinze-Vingts; ces 23000 malades nouveaux pa- 
raissent repr^senter la moiti6 des personnes qni, dans une ann6e, deman- 
dent k Paris des soins ophtalmologiques gratuits, si Ton en juge par la 
clientele apparente des 27 cliniques libres des maladies d'y^ux. 

u II est permis d*estimer k 50 ou 60000 le nombre annuel des maladies 
d'yeux pour lesquelles TAssistance publique etla Clinique des Quinze-Vingts 
disposent uniquement de 133 lits; cette insufflsance a d^termin^ I'habi- 
tude de ne recevoir k Thdpital que les cas op^rables, les cataractes par 
exemple, tandis que T^tablissement hospitaller repousse les malades dont 
la gu^rison reclame un long traitement, et qui, laiss6s k eux-mdmes ou 
r^duits aux soins intermittents de la consultation, deviennent aveugles et 
tombent d^iinitivement k la charge de TAssistance publique. 

« Non seulement les lits d'yeux sont insuffisants, mais encore nul 
r^partis; le sud et I'ouest de Paris ne sont pas desservis. En outre, les ser- 
vices actuals d'yeux de Lariboisifere et de l'H6tel-Dieu, soumis a la r^gle 
commune, ne peuvent r^gull^rement recevoir des jeunes malades Ag6s de 
moins de seize ans. 

« Nous croyons indispensable de cr^er dans les h6pitaux des services 
sp^ciaux pour les maladies du larynx, du nez, des oreilles, d'aogmenter le 
nombre des services de maladies d'yeux (d*au moius deux), d*instituer un 
recrutement special d'oculistes des h6pitaux . 

II 

« Les sp^cialit6s ont une part plus importaute dans les consultations 
externes des h6pitaux. Non seulement les services sp6ciaux de Saint-Louis, 
Ricord, Broca, la Salpdtri^re (en laissant de c6t^ les services d'accouche- 
ments et d'enfants malades, les deux services sp6ciaux des yeux de THdtel- 



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VARltTtS. 893 

Dieu et de Lariboisi^re) onl leurs consultations disttnctes, non seulement 
il exisle des consultations pour les dents, mais encore an petit nombre de 
chefs de service ont justement obtenu, en raison de leurs services rendus 
et de leur competence sp^ciale, Tautorisation de donner des consultations 
de specialit6s pour les goitres, les maladies du larynx, du nez et des 
oreilles, la gyn6cologie, les maladies du systfeme nerveux, de la peau etc. 

« Ges consultations sp^ciales sont d'ailleurs facultatives et pour ainsi 
dire provisoires, puisqu'elles peuvenl disparattre avec le m^decin consul- 
tant, soit que celui-ci change d'h6pital, soit qu'il soit mis k la retraite; 
elles n'ont rien de stable ni de definitif. Telle region de Paris pent en 6lre 
^riv^e, suivant que le roulement am^ne le depart de ces consultants sp^- 
cialisles de bonne volont^. 

« En outre, ces consultations, d'^tablisseroent pr^caire, ne r^pondent 
pas h tons les besoins; elles ne sont sufflsautes ni par leur organisation ni 
par leur nombre. 

« Nous croyons que, sans porter atteinte aux preferences du corps me- 
dical des hdpitaux et sans diminuer pour autant la specialisation faculta- 
tive de bonne volonte, il convient d'organiser rationnellement, methodi- 
quement,en tenant compte de la situation topographique desetablissements 
et des besoins presumes de la clientele hospitali^re, des consultations 
pour les maladies des yeux, du larynx, du nez, des oreilles, de gyneco- 
logie, de la peau, du systerae nerveux, etc. 

Ill 

« L'Assistance publique en conformite du r^glement nouveau des 
secours k domicile, prepare en ce moment la creation de « dispensaires » 
dans chaque arrondissement pour les malades indigents ou necessiteux. 

a Ces dispensaires, pour rendre tons les services qu'on en attend, doi- 
vent egalement donner place aux specialites essentielles, c'est-&-dire aux 
maladies « des yeux » et« des dents » pour les adultes; ils devront com- 
porter une consultation de nourrissons avec pesee hebdomadaire et distri- 
bution de lait sterilise aux m^res indigentes. 

« Ges differentes mesures, tres faciles k appliquer, seront tr^s bien- 
faisanteset tr^s utiles; elles feront honneur k TAssistance publique et an 
Conseil municipal. 

« Paris, le 19 mars 1897. 

u Sign^ : Paul Strauss. » 

Gelte proposition fut renvoyee en seance du Gonseil municipal k I'Ad- 
ministration de TAssistance publique. 

Le 8 avril 1897, la Gommission, chargee d'etudier les besoins et les res- 
sources de TAssistance publique, adoptait en priucipe la proposition de 
M. Strauss. 

Dans le memoire par lequel elle a saisi le Gonseil de surveillance, TAd- 
ministration s*est montree favorable k la proposition de M. Strauss, et elle 
a, des le debut, formuie, d'accord avec notre coliegue, cette opinion tres 
decidee que ces nouveaux services devaient eire confies k des medecins 
issus d'un recrutement special. 



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894 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

Visant plus particuli^rement les services d'ophtalmologic, M. le Direo 
teur ajoutait: « Je m'occupe en ce moment de rechercher dans quels h6- 
piUux du sad et de Fouest il serait possible d'installer des nouveaax ser- 
vices d'ophtalmologie. Leur installation complete exigera certainement des 
constructions neaves; mais s'il ^tait possible de trouver d^s k present, dans 
chacan des hdpitaux appel^s h recevoir ces services, une douzaine de lits 
disponibles, on pourrait imm^diatement mettre les deux services en fonc- 
tion. La plnpart des malades, attoiats d*affections oculaires, peuvent en efTet 
se soigner sans danger chez eux. On peut en juger par ce qui se passe k 
Londres, od les services sp^ciaux d'ophtalmologie sont bien install^s. 

« A Londres, qui coniporte une population presque double de celle de 
Paris, il n'y a que cinq h6pitaux, afTect^s au traitement des affections des 
yeux, renfermant un total de 198 lits. Or, il ressortdes relev^s statistiques 
publics en 1897 dans les The annual charities register and digest^ qu'au Cen- 
tral ophtalmic Hospital^ qui renferme 13 lits, 170 malades ont 6ti trait^s k 
rint^rieur et 9 521 ont suivi le traitement externe; qu'au Royal Eye ho$fital 
ou Royal South London ophtalmic hospital^ il y a 40 lits r^serv^s : 

Malades internes 401 

14052 anciens. 



1 



Maladies externes ^ .^gg^j nouveaux. 

Au Royal London ophtalmic hopital, 100 lits : 

Malades internes 2184 

Malades externes 26290 

Au Western ophtalmic hopital , 1 5 lits : 

Malades internes 220 

Malades externes 6494 

u La publication dont il s'agit ne donne pas de cbifTres pour le Royal 
Westminster ophtalmic hospital, quicomporte 301its; mais il est presumable 
que la proportion pour les malades internes et les malades externes est 
la m^me que dans les b6pitaux de mSme nature. 

« De la statistique qui pr^c6de et que j'ai cru utile de placer sous vos 
yeux, on peut lirer cette conclusion qu'en dotant Paris, ou plut6t le d^par- 
tementde la Seine, qui compte 3 300 000 habitants, tandis que Londres en 
compte 5 millions, de deux nouveaux hdpitaux sp^ciaux d*opbtalmologie, 
le traitement des maladies des yeux pourra 6tre sufflsamment assur^. 

« J'aurai Thonneur prochainement de vous soumettre des propositions 
k ce sujet. En attendant, il est une question sur laquelle je dois appeler 
d^s aujourd'hui Tattention du Conseil de surveillance, celle du recrule- 
ment des praliciens auxquels ces deux nouveaux services seront cooflds. 
Actuellement, d'apr^s le r^glement sur le service de sant^, les places des 
m^decins et des chirurgiens, charges des services speciaux existant dans 
les hdpitaux, sont donn^es par voie de recrutement k Tanciennet^. Ce re- 
crutement peut ne pas presenter toutes les garanties desirables. La propo- 
sition faite par M. Strauss d*instiluer un mode de recrutement special 
pour les oculistes me paralt un corollaire indispensable de son projeU 



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YAfkitTkB. ma 

a Oa posrrait, comme pour la nomination de six places d 'accoucheurs 
on de m^decins du service des ali^n^s, organiser un concours special avec 
6preQve8 sur Tophtalmologie. Une difficult^ pourrait s'(51ever en ce qui 
louche la composition du jury appele k juger ces ^preuves. Mais, ind^pcn- 
damment des deux chefs de service actuellement qualifies, M. leprofesseur 
Panas et M. le docteur Belens, on pourrait le composer avec des chirur- 
giens des hdpitaux ayant fait une ou plusieurs anndes d'internat dans des 
services d'yeux. On peut compter actuellement parmi nos chirurgiens une 
dizaine d'anciens internes, ayant 6t6 attaches k un service d'pphtalmologie, 
soit un nomhre sufflsant pour composer le jury, dans lequel la pathologie 
externe et celie des maladies nerveuses devraient Hre ^galement repre- 
sentees par deux m^decins des hdpitaux. 

u G'est une question dont aura k s'occuper la Commission sp^ciale, 
charg^e d'organiser le concours dont il s'agit. » 

Dans la premiere reunion de la Commission, le 14 mai 1897, M. le Di- 
recteur et M. Strauss ont developp^ leurs propositions et la Commission a 
adopts la m6thode de travail suivante : 

!'• etude : Des maladies des yeux. 

2« — Des maladies du larynx, des oreilles et du nez. 

3« — Des maladies de la peau. 

4* — Gyn6cologie. 

5* — Maladies nerveuses. 

Chaque etude a ete elle-meme suhdivisee en ; 

1" Hospitalisation; 

2" Consultation; 

S' Personnel medical. 

Premi&re tlude. — maladies des yeux 

La necessite, signaiee par les memoires de M. Strauss et de M. le Di- 
recteur de TAssistance publique, de donner des soins aux 50 000 malades^ 
atteints d'affections des yeux dans le deparlement de la Seine, a ete re- 
counue & Tunanimite par la Commission. Suivant Texpression de M. le 
professeur Panas, entendu k diverses reprises par la Commission, VAdmi- 
nistration a le devoir de soigner ces malades. 

Comment doit-on organiserjes services ? Votre Commission s'est ralliee 
au systeme anglais. Elle pense qu'un petit nombre de lits sufOra, 40 ou 50, 
repartis dans deux h6pitaux, mais qu'il y a lieu d'organiser une consul- 
tation speciale dans le plus grand nombre des h6pitaux, sinon dans tons. 
C'est pour elle et pour M. Panas le point capital. Celui-ci a rappeie qu'en 
Allemagne un ophlalmologiste est attache k toutes les [consultations des 
hdpitaux; son intervention ne se borne pas a donner des soins speciaux 
aux malades atteints d'aifections des yeux, c'est souvent lui qui, grdce k 
I'examen par Fophtalmoscope, permet de faire le diagnostic des maladies 
des centres nerveux. 

La Commission vous propose done de creer dhs maintenant un premier 
service d'ophtalmologie comprenant 20 lits pour les hommes et 10 lits pour 



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896 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

les femmes. II serait plac6 k Thdpital Laennec, dans le pavilion Boyer, 
occupy actuellement par des malades atteints d'affections chirurgicales 
chroniques. L'appropriatiou de ce local a sa nouvelle destination ne n^- 
cessiterait pas une forte d^pense. 

Votre Commission reconnait qu'il est indispensable de cr6er prochai- 
nement un second service d'ophtalmologie ; mais jnsqu'^ ce moment, elle 
n'a pas trouv^ d'emplacement favorable. Elle estime toutefois que celui-ci 
doit dtre cherch^ du c6t^ des ^tablissements hospitaliers, places au nord- 
ouest de Paris. 

Votre Commission vous propose d'organiser le plus vite possible des 
consultations, sans adjonction de lits d*h6pitaux, dans le plus grand 
nombre possible d'hdpitaux. Elle pense que ces consultations, install^s 
tr^s simplement, doivent pourtant avoir an local special, muni d'un ouUl- 
lage convenable. II lui a sembl6 desirable de ne pas emprunter les locaux 
consacr^s aux consultations g^n^rales, surtout pour laisser au chef de ces 
nouveaux services la responsabilit^ de la garde et de Tentretien des in- 
struments etappareils h, lui confi^s. 

Votre Commission ne croit pas qu'il soit utile de placer des services 
d*ophtalmologie dans les dispensaires ; elle estime que les creations pro- 
jetees dans les hApitaux suffiront k tontes les n6cessit6s. 

A quelles personnes doivent Hre confi^s ces services? A Funanimit^, voire 
Commission pense que les concours doivent ^tre I'unique mode de recru- 
tement des chefs de service. Elle maintient le principe qui fait la force et 
la reputation du corps medical des h6pitaux. 

Elle a pense que le jury pouvait 6tre compos6 de cinq membres ; trois, 
repr6seat«mt plus particuli^rement I'ophtalmologie, un la m^decine, un 
la chirurgie g^n^rale. Tons les juges doivent faire partie du corps medical 
des h6pitaux. 

Pour les premiers concours, une difficult^ se pr^senie. II n'y a en ce 
moment que deux services d'ophtalmologie : celui de M. PaHas et celui de 
M. Delens. La Commission a pens6 qu'on pourrait choisir les juges ocu- 
listes, outre ces deux chefs de service, parmi les chirurgiens qui ont 
dirig6 efTectivement dans un ^tablissement hospitaller un service, officiel- 
lement reconnu, d'ophtalmologie. La Commission a 6cart6 Tid^e d'adjoindre 
au jury un neuropathologiste. Dans T^tat actuel des choses, tous les m6- 
decins sont comp6tents en neuropathologie ; ^tablir parmi eux une selec- 
tion, serait cr^er une specialisation nouvelle que votre Commission, vous 
le verrez au cours de ce rapport, n'a pas cm devoir accepter. 

Quelles ser ont les 6preuves imposees aux futurs candidats? Apres une dis- 
cussion, qui n*a pas pris moins de trois stances, la Commission a vote les 
conclusions suivantes : 

Epreuves diminatoires. 

1^ Depdt par le candidat des travaux qu'il a publies et d'un resume 
ecrit de ces travaux ; 

20 Epreuve ecrite d'anatomie et de physiologie speciale, pour laquelle 
il sera donne trois heures aux candidats; 



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VARlfeTfeS. 891 

3» Epreuve orale sur la m^decine g6n6ra1e ; cette 6preuve durera vingt 
miaotes, aprfes vingt minutes de reflexion. 

tpreuves cUfinUives. 

4* fipreuve de m6decine op6ratoire sp^ciale sur des animaux anesthesias 
ou sur des cadavres (une seule operation). 

5<» Epreuve de cUnique sp^ciale sur deux malades. Elle aora une dur^e 
d*une heure (vingt minutes pour I'examen des malades, dix minutes pour 
la reflexion et trente minutes pourTexposition). 

Quelles sont les raisons invoqu^es poiw et contre ces diverses epreuves ? La 
plus discut^e de ces Epreuves a 6t6 la premiere. M. le professeur Panas a 
^nergiquement soutenu F importance de T^preuve des titres; pour lui, elle 
est capitale. Elle figure k F^tranger dans les concours m^dicaux, et, h 
son avis, ces concours sont pr^f^rables aux ndtres. Que sont, en effet, les 
candidats? Des docteurs en m^decine, qui pourront n'avoir jamais 6U in- 
ternes ou externes; d'autres, au contraire, qui auront^t^chefs de clinique, 
chefs de laboratoire, qui auront travaill^ pendant de tongues ann^es dans 
les salles de malades. Peut-on assimiler les premiers aux seconds? Ceux-ci 
n'ont*ils pas des connaissances pratiques bien sup^rieures? II faut, k tout 
prix, dit II. Panas, « faire figurer celte ^preuve dans nos concours d'oph- 
talmologie, car c'est par une 6preuve de ce genre, dans laquelle il vient ex- 
poser devant le jury le r^sultat de ses travaux et de ses recherches, que le 
candidat prouve qu*il est v^ritablement quelqu'un ». 

Pour M. Panas, cet expos6 de titres doit 6tre public, sans intervention 
des juges par des questions ou interpellations, sans discussions. 

A cette proposition, quelques membres de la Commission ont repondu, 
les uns faisant opposition k I'^preuve des titres, publique ou non publique, 
les autres admettant T^preuve sur titres, celle-ci 6tant jug^e en de- 
hors du candidat. En faveur de cette solution, M. Potain dit : « Admettre 
lediscours public, I'exposition publique par le candidat de ses travaux, 
c'est s'exposer k provoquer des accusations mal fondles contre la mani^re 
de juger du jury. Tel candidat pent avoir fait des travaux trfes s6rieux et 
mal s'exprimer devant les juges; tel, au conlraire, fera un expos6 tr^s 
brillant de travaux moins m^ritoires ». M. Budin a fait remarquer qu'un 
m^me candidat, pr6sentant les m^mes litres, pourrait dtre jug6 tr^s 
diff^remmenl par deux juges successifs. 

Votre Rapporteur consid^re I'^preuve sur titres publique comme une 
excellente mani^re d'appr^cier la valeur d'un candidat. Ce serait, selon 
lui, un grand progr^s; actuellement, comme Ta fait remarquer un des ad- 
versaires de ce genre d'^preuve, on tient indirectement compte des titres et 
travaux ant^rieurs; cet aveu renferme k lui seui une justification des 
critiques adress6es k nos concours. D'autre part, dans un concours, toutes 
les raisons sur lesquelles pent s'appuyer unjury pour rendre son verdict 
doivent 6tre jug^es par toua, juges, assistants et comp^titeurs. Introduire 
une 6preuve que, seuls, les juges peuvent appr^cier est, de Tavis de votre 
Rapporteur, extrdmement dangereux. 

HEVUE PlllLAXTnROPIQUE. — II. 57 



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898 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

Chacun des commissaires s'est r6serv6 le droit de faire valoir les raisons 
de soa vole devant le Gonseil. G'est k lui qu'il appariient de decider. 

Les autres ^preuves ont 6t^ adoptees k runanimii^ par votre Commis- 
sion. EUes sont institutes de telle sorte que les comp^titeurs deTront 
fournir la preuve qu'ils ne sont pas seulement des sp^cialistes distingu^s 
mais qu'ils ont des connaissances m^dicales et chirorgicales, qui les pla- 
cent au niveau de leurs futurs collogues appartenant au corps des mede- 
cins des h6pitaux. 

La cote de chacune de ces epreuves est flx^e h 30 points. 

Deuxi^e Hude. — maladies des orrilles, du larynx et du nbz 

l/Administration a propose k votre Commission de ne pas cr6er, poar 
ces maladies, un corps special de m6decins. Elle se contenterait actuelle- 
ment de reconnaltre officiellement comme chefs de services sp^ciaox 
MM. Gouguenheim et Lermoyez, qui ont organist pour les maladies de la 
gorge et du larynx des consultations particuli^res. 

La Commission s'est rang^e k Tavis de M. le Directeor, apr^s avoir 
^chang^ quelques observations dont le r^sum^ doit 6tre pr^sent^ an 
Conseil. 

Votre rapporteur a fait remarquer qu'en France ces services, au point 
de vue hospitaller et au point de vue de Tenseignement, sont distances 
par les services analogues de T^tranger. Suivant lui, cette situation s*ex- 
plique pour deux raisons. 

Normalement, les affections du larynx, du nez et des oreilles consti- 
tuent un groupe admis par les m^decins de tous les pays; k I'^lranger, 
c'est un m^me chef de service qui est charge de cette sp^cialit^. En France, 
les affections des oreilles sont consid6r6es comme plus particuli^rement 
chirurgicales, celles du larynx et du nez comme plus particuli^rement 
medicales. D'autre part, la division entre les attributions des m6decins et 
des chirurgiens est, k Paris, absolument s^par^e, si bien que lorsqu'une 
affection du larynx et du nez n^cessite une intervention chirurgicale, le 
m^decin traitant adresse ce malade k son collogue chirurgien du mdme 
h6pital. II n'y a pas Tunit^ n^cessaire pour qu'un ro^rae medecin ou 
chirurgien tienne dans sa main la direction de cette triple sp^cialit^. Elle 
se trouve rompue par nos habitudes et les regies administratives. 

Lorsqu'on se d^cidera k cr6er d^finitivement ces sp^cialit^s, il faudra 
se souvenir qu*elles sont absolument m^dico-chirurgicales et conferer aux 
chefs de service des droits correspondant k ces n^cessit^s. 

MM. Potain et Perier n'ont pas accepts sans reserve cette opinion. Pour 
le second, les grandes operations sur le larynx ne doivent pas sortir du 
domaine purement chirurgical ; pour le premier, les affections du larynx 
sont si souvent liees k la tuberculose et autres affections generates qu'il y 
aurait inconvenient a les faire sortir du domaine medical. 

Dans ces conditions, votre Commission a decide k Tunanimite de r^- 
server pour une ^poque ult6rieure Torganisation d^Gnitive des services 
sp6ciaux de laryngologie et de conflrmer seulement, actuellement. 



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VARlfeTfeS. 899 

MM. Goaguenheim et Lermoyez daos la direction des services qu'ils ont 
cr6^8. 

Nos deax collogues, consult 6s par M. le Direcleur, ont accepts cette 
solution. 

TroisUme etude. — maladies de la peau 

Actuellement, il existe dix services sp^ciaux des maladies de la peau 
et de la syphilis, six i Saint-Louis, deux k Ricord et deux h, Broca. Des con- 
sultations sp6ciales extemes fouctionnent k Saint-Antoine, la Piti^ et La 
Rochefoucauld. 

Les modifications soumises k T^tude de la commission par TAdmini- 
stration et par MM. Besnier, Fournier, Haliopeau, Brocq, Gaucher, Thi- 
blerge et Sabouraud visent trois points principaux : Thospitalisation, les 
consultations, le recrutement des m^decins. 

Ho^^alisation. — Le nomhre des lits dans lesquels sont re9us les ma- 
lades all^iBts d'affections de la peau ou de maladies v^n^riennes, si on 
totalise cea services de Saint-Louis, Ricord et Broca, est suffisant. 

La CommissiQQ, d*accord avec les m^decins de Saint-Louis, pense qu'il 
serait contraire auz int^r^ts des malades et aux progr^s de la science de 
diss^miner les serrioes dans les difT^rents hdpitaux. Leur groupement 
s'impose. II y sera poorru si le Gonseil accepte une proposition, qui lui 
sera ult^rieurement faite» ifi r^unir Ricord a Broca. La d^saffectation de 
ce dernier hdpital, dont Torganisation et la discipline rappellent des temps 
fort anciens, s'impose. On conaititaerait par la reunion de ces deux h6pi- 
taux un groupe sur la rive gauche, aussi favorable aux besoins des ma- 
lades qu'aux int^rftts de la science et de rinstruclion des 616ves. 

Consultations. — Tons les m^decins entendus demandent leur multi- 
plication. M. Fournier a fait remarquer que ces consultations gratuites 
sont tr^s on^reuses pour I'ouvrier, qui, oblig6 a un grand d^placement, k 
une attente prolong^e, perd une. demi-joura^e, parfois une joum^e. U a 
insists pour que ces consultations soient privies, individueltes, pour que 
Thomme et surtout la femme ne soient plus comme aujourd'hui obliges de 
confesser publiquement leurs maladies secretes. Enfln il a demand^ qu'il 
soit 6tabli des consultations du soir, ainsi que du dimanche. 

Sur tons ces points, Taccord est complet, mais les consultations ac- 
tuellement organis^es dans quelques hdpitaux g^n^raux sufOsent-elles 
ou doit-on en organiser de nouvelles? Les avis sont partag^s; votre Com- 
mission a pens6 qu'il y avait lieu de ne pas prendre parti, d'attendre que 
Texp^rience, coromenc^e il y a quelques anndes, ait prononc^. D'ailleurs, 
si des m^decins autoris^s demandent k en 6tablir dans un hdpital, le Gon- 
seil pourra ^tudier le bien fond^ de la demande. 

Mode de recrutement des mddecins. — Des plaintes d6j4 anciennes se 
sont 6lev6es contre le mode actuel du roulement. On a fait remarquer 
que, suivant cette tradition, les mddecins qui ont fait des maladies de la 
peau leurs etudes pr6fer6es, ne peuvent parfois entrer k Saint-Louis qu*k 
un Age d6j^ avanc^, que, de plus, tent6 par Touverture impr^vue d'une de 
ces places, un m^decin, Stranger jusque-1^ k ces etudes, pent la choisir, 
emp^chant ainsi d'entrer ud plus competent qua lui. 



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90e REVUE PHILANTHROPIQLE. 

Voire rapporteur se fait simplement I'^cho de ces allegations^ peul- 
etre un pen exag6r6es. Quoi qu'ii en soit, on a propose, pour rem6dier k 
ces inconv^nients, les uns d'^tablir des concours sp^ciaux, les autres de 
faire un concours special entre les candidats qui auraient €i^ admissibles 
au Bureau central. 

Apr^s examen des diverses m6thodes propos^es par MM. Besnier Four- 
nier, Hallopeau, Broq, Gaucher et Thibierge, la Commission serait d'avis 
d'adopter la proposition de M. Tbibif^rge ainsi formulae par lui : 

f< Les m^decins de Thdpital Saint-Louis et des services de dermatologie 
s'il en est cr^^ dans d'autres hdpitaux, seront choisis sur une liste sp6- 
ciale, dress^e par la Society d«s m^decins des h6pitauz, en suivant 
Tordre de leur inscription sur cette liste. 

« Cette liste comprendra : 

« 1® Dans Tordre de leur nomination aux h6pitaux, les m^decins des 
bdpiiaux actuellement en fonctions qui, dans le d61aidedeux mois, auronl 
r4clam6 leur inscription. 

« 29 Au fur et k mesure de leurs demandes, les m^decins des hdpitaux, 
norom^s ou k nommer, qui r^clameront leur inscription dans un d^lai 
maximum de deux ans apr^s leur nomination. 

« Les m^decins, inscrils sur cette liste, ne participeront pins au roule- 
ment pour le choix des services g^n^raux ou sp6ciaux, autres que ceux de 
la dermatologie. 

« Ceux d'entre eux, qui ne sont pas encore nomm^s chefs de service, 
seront charges de rem placements dans les services de dermatologie et des 
fonctions d*assistants de consultations. » 

Tout en se ralliant en principe k cette proposition, votre Rapporteur a 
fait remarquer que la question est assez delicate en raisondes droits acquis 
et des difflcult^s que Ton ^prouverait probablement ^imposer ides mede- 
cins, qui ont subi le concours sur la foi des rfeglements anciens, Tobserva- 
tion d'nn nouveau r^glement, qui ne laisserait pas que de pr^judicier k 
leurs inter^ls. II serait bon, suivant lui, que T Ad ministration s'entendil k 
ce sujet avec la Soci^t^ des m6decins des h6pitaux. 

La Commission s'est ralli^e k cette mani^re de voir, et vous propose de 
renvoyer T^tude de la question k la commission charg^e d'^tudier la 
reorganisation du concours des m6decins des h6pitaux. 

Quatritme itude, — maladies du systemb nbrveux 

La Commission, d'accord avecTAdministration, penseque les sp^cialit^s 
sont parfaites Ik ou apparatt la n^cessit^ de divisor les malades et de 
diff^rencier les traitements, mais que pour les maladies nerveuses, qui 
appartiennent ^li la m^decine gen^rale, cette necessity est beaucoup moins 
^vidente que pour les maladies des yeox et de la gorge par exemple. EUe 
estime qu'il y a simplement k rester dans le statu quo, en permettant aux 
m^decins qui d6j^ groupent dans leurs services des malades de cette 
nature de continuer k agir ainsi. 

La Commission vous propose done dene pas cr^er de nouveaux services 
sp^ciaux pour les maladies du sysl^me nerveux. 



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VARlfeTfeS. 901 

Cinquiime Hude, — gyn^cologib 

Voire Commission pense que, pour les malalies des femmes, comme 
poar les maladies nerveuses, il n'y a pas lieu de cr^er de nouveaux ser- 
vices; mais, sur la demande de M. Strauss, elle a vot^ la proposition sai- 
vante, qu'elle soumet k voire approbation : 

Les mddecins, chirurgiens et accoucheurs des h6pitaux, peuvent 6tre 
autoris^s k faire des consultations special es externes de gyn^cologie. 

Voici en consequence, Messieurs, les conclusions que nous vous pro- 
poseroDS d adopter : 

CONCLUSIONS 

A. — MALADIES DES YEUX 

i^ Creation immediate d'un service d'ophlalmologie k I'hdpital 
Lagnnec ; 

2^ Creation prochaine d'un second service d'ophtalmologie dans un des 
etablissements du N.-O. de Paris; 

3"* Installation de consultations d'ophlalmologie dans un certain 
nombre d.'h6pitaux sans lils, poor Fhospitalisation des malades; 

4<^ Les chefs de service seront nomro^s par un concours sp^ciaL 

Le jury se composera de cinq merobres : trois ophtalmologisles, un 
m^decin et nn chirurgien des h6pitaux. 

Les 6preuves comprendront trois 6preuves 61iminatoires : 

1° Depot par le candidal des Iravaux qu'il a publics et d'un resume de 
ces Iravaux; 

%** £preuve d'anatomie et de physiologie sp^ciales, pour laquelle il sera 
accord^ trois heures aux candidals ; 

3" Epreuve orale sur la m6decine g^n^rale; celle dpreuve durera vingt 
minutes apr^s vingt minutes de reflexion. 

Deux epreuves definitives : 

f * J^preuve de medecine op^ratoire sp^ciale sur des animaux anesthe- 
sias ou sur des cadavres (une seule operation); 

%^ Epreuve de clinique speciale sur deux malades. Celle epreuve aura 
une duree d'une heure (vingt minutes pour I'examen des malades, dix 
minutes pour la reflexion, el trente minutes pour Texposition). 

Chacune de ces epreuves sera cotee de & 30 points. 

B. — MALADIES DU LARYNX, DES OREILLES ET DU NEZ 

i^ Reconnaissance officielle des deux services de laryngologie exislanl 
actuellemenl k Lariboisi^re et k Saint-Anloine« 
2® Pas de creation nouvelle. 

C. — MALADIES DE LA PEAU] 

\^ Organisation d'un h6pital consacre aux maladies de la peau et de 
syphilis, k la place de rh6pilal Ricord ; 



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902 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

29 Restitution des services sp^ciaux de Broca aux maladies g^n^rales ; 

3<^ Les consultations speciales dans les hdpitaux g^n^raux pourronidlre 
augment^es en nombre ; 

4<> Le mode de recrutement da personnel medical sera alt^rieurement 
soumis au Gonseil par la Commission de la r^forme du concours des 
h6pitaux. 

D. — MALADIES DU SYSTKME NERYEUX 

II n'y a pas lieu de cr^er de nouveaux services sp^ciaux pour les 
maladies du syst^me nerveux. 

E, — GYN^OLOGIE 

II n'y a pas lieu de cr^er de nouveaux services sp6ciaux pour les mala- 
dies des femmes;les m^decins, chirurgiens et accoucheura des h6pitaux 
peuvent 6lre autoris^s k faire des consultations speciales extemes de 
gyn^cologie. 



Les Monts-de-Pidt6 en Corse au XVIP si^de. 

Des Monts-de-Pi6t6 ont exists en Corse au xvii* si^cle. 

L'6v6que di Policastro, visiteur apostolique, en 1618, en avail 6dicle 
les statuts communs k trois ^tablissements fonctionnant k Bastia, Corte et 
Ajaccio. 

Pour doter chacun d'eux, il alloua 150 6cus. 

Le Mont-de-Pi^t6 d'Ajaccio ouvrit ses portes le 16 f^vrier 1618. La popu- 
lation ^tait alors pour cette ville de 2400 habitants. 

Ce furent les 6v6ques qui, par Tinterm^diaire des cur^s, annonc^rent 
Touverture de cet ^tablissement. 

II dtait stipule dans les statuts que le Mont, plac6 sous la surveillance 
el la direction des ^v^ques, serai t administr^ par trois gouverneurs ^lus 
parmi les meilleurs, les plus fiddles et les plus dclair^s des ciloyens, 
deux nomm^s par T^v^que, le troisi^me, par rillustrissime commissaire de 
la R^publiqne de G^nes; six autres membres nomm^s, moitiS par \er 
commissaire g^nois, leur 6taient adjoints. 

Leurs fonctions 6taient renouvelables chaqueann^e le jour de la fdle de 
TAnnonciation de la Vierge Marie sous la protection de laquelle Toeuvre 
^lait plac6e : les administrateurs ^laient tenus de prater serment entre les 
i](iains des ^v^ques et en leur absence entre celles des vicaires g6n6raux, 
soil le jour de leur nomination, soit le lendemain. 

Le registre des engagements et des retraits, ctait confle k un gouver- 
neur ayant la pratique de la comptabilil^. 

Ge registre, qui contenait 300 feuillets, portait en t^te, outre les statats, 
les noms des bienfaiteurs disposes k faire des dons et legs k Toeuvre. 

II mentionnait la designation des nantissements, la somme pr6t6e el la 
date de Tengagement. 



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VARlfeT S. 903 

Un bulletin 6lait remis aa d^posant, il lui 6tait recommaad^ de ne pas 
r^garer. 

Le pr^t^tait consenti pour six mois et repr^sentait la moiti^ de la valeur 
de Tobjet, il ne pouvait exc6der 12 livres. 

Ce d61ai expire, les gages ^taient, sans avis pr^alable, vendus aux en- 
ch^res. 

Les bonis ^talent remis k Temprunteur en ^change du bulletin 
d'engagement. 

En cas de perte de ce bulletin, une bonne et valable caution 6tait 
eiig^e. 

Les engagements 6taient accept^s le lundi de chaque semaine, les d^ga- 
gements le vendredi. La caisse du Mont-de-Pi^t^ ^tait confine aux soins 
des offlciers municipaux; elle 6tait k trois cl6s dont une restaitentre les mains 
de r^Y^que, la deuxi^me 6tait la propri6t6 des conseillers municipaux ; Tun 
des gouverneurs, alternant tons les six mois, conservait la troisi^me. 

Le service courant 4tait assur6 par le d^p6t entre les mains du gouver- 
neur d'une somme de 50 ^cus, soit 200 livres. 

(c En commen^ant, disaient les statuts, les pr^ts auront lieu en argent; 
par la suite, les 6v6ques pourront les faire,partie en argent, partie en hU; 
on s'en rapportera h la prudence des ^v^ques. » 

II 6tait en outre stipule que le Mont-de-Pidt^, pour venir en aide k un 
plus grand nombre de pauvres, soUiciterait Tautorisation n6cessaire, afln 
de pouvoir accepter des emprunteurs qui y consentiraieut la restitution 
(' d mesure comble du hU prSt^ a mesure rase » et le versement d'un et demi 
par ^cu pr6t6 pour six mois. 

' Les prfits ne devaient fitre faits qu'aux vrais pauvres, sans exception 
aucune, avec rapidity, empressement et charit6. 

An moment du d^gagement, le Mont-de-Pi6t6 pouvait faire quelque 
aum6ne k Temprunteur, si les ressources le permettaient. 

La limitation des pr^ts k 12 livres provenait de la limitation des res- 
sources, mais combien grande a dA 6tre la difficult^, pour les gouverneurs 
de rinstitut, de faire un choix entre les malheureux qui venaient demander 
secours, et d*ob6ir aux injonctions des statu ts qui leur prescrivaient de 
s^parer les vrais pauvres de ceux qui ne I'^taient sans doute pas moins, 
puisqu'ils venaient emprunter une mesure de bl^. 

GesMonts-de-Pi6t^, cr^6s & une ^poque ott la Corse faisait encore partie 
de la R^publique de G^nes, avaient h6rit6, dans leurs statuts, des disposi- 
tions d'^tablissements similaires qui existaient d^j^ dans la p^ninsule ; ils 
^taient mixtes, c'est-i-dire qu'ils faisaient partie des Monts-de-Pi6t6 dits 
nummarii, 

Les premiers ^taient surtout r^pandus dans la division de Nice, qui en 
comptait 63, dont 58 en province; 3 appartenaient k la division de Guneo; 
7 k celle d'Alexandrie et 2 k celle de Novare. 

Les Mont8-de-Pi6t^ de la division de Nice, en raison Je leur nombre, 
^laient ceux qui avaient le plus grand fonds de denr^es pour leurs op^ra- 
rations — 3522*»,83^ — Les 3 divisions de Guneo op^raient avec un fond^ 
de 247»>,33* de graine; les 7 d'Alexandrie avec 438*»,18 et les deux de Novare 
avec 48^,98^ 



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904 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

Tous les fonds r^unis repr^sentaient une somme de 85 666^54, consti- 
tuant le fonds de roulement de tous les Monts-de-Pi^l^ granatici des 
Etats de terre ferme. 



La Soci^M des Gr^ohes, par M. Eugdne Marbeau. 

Nous empuntODS au Bulletin de la Soei4U des Creches le compte 
moral et financier de cette Soci6t^ en 1897, par M. Eugene Marbeau. 

Au moment oil, pour la derni^re fois sans doute, je prepare ce compte 
rendu annuel, je suis heureux de constater que notre oeuvre est en pleine 
prosp6rit6. Les difOcult^s qui jadis ont si longtemps arrdt^ ses progr^s 
centre lesquelles le fondateur des creches eut k soutenir des lultes ^tranges 
et incessantes n'existent plus. D^sormais, non seuiement la France, mais 
tous les pays reconnaissent que la creche, comme T^cole, comme la salle 
d'asile, est une institution rendue indispensable par T^tat actuel de la 
civilisation. Partout la creche est r^clamde par les populations ouvri^res ; 
partout elle est encourag^e par les gouvemements ; partout elle est en 
faveur anpr^s de Tinitiative priv^e qui lui apporte son d6vouement d6sin- 
t^ress^, ses souscriptions, ses dons g^n^renx, ses lib^ralit^s testamen- 
taires. 

Cette sympalbie unanime, la cr^cbe la justifie k tous 6gards. L*objet de 
ses secours, c'est le petit enfant et sa mere, c*est-4-dire ce qu*il y a 
de plus touchant au monde. GEuvre dminemment sociale, elle rapprocbe 
aupr^s du berceau la femme qui a besoin d'aide et celle qui pent Taider. 

Elle est le secours en travail, secours efficace et moralisateur, au lieu 
d'etre Faumdne sterile. Elle permet a Touvriftre de se suffire k elle-mdme 
par son salaire. Par la petite retribution qu'elle exige, elle respecte la 
dignity de la m^re vis-4-vis de son enfant comme vis-^-vis de la Soci6t6. 

Elle est essenliellement ^ducatrice. A la m^re, elle enseigne les soins 
qu'il faut donner k Tenfant pour preserver sa sant^ et pour former son 
coeur. A Tenfant, elle apprend d6s le berceau k vivre avec d'autres enfants, 
k leur laisser leur part k c6te de la sienne, k comprendre et k sentir qu*il 
n'est pas seul sur la terre, que tout ne gravite pas autour de sa petite 
personne. 

Dans ces malheureuses families ouvri^res ou la n^cessit^ de gaguer le 
pain de chaque jour oblige le p^re et la m^re k aller, cbacun de sou cdt^, 
travailler loin du logis, la creche fait de Tenfant que la m^re reprend le 
soir le lien qui rapprocbe les parents, I'attrait, la raison d'etre, la joie du 
foyer. 

Mais, pour conserver sa valeur sociale et moralisatrice, la creche doit 
rester une oeuvre d^sint^ress^e. Elle perdrait toute autorit^ morale si ceux 
qui la dirigent pr^tendaient en faire un moyen d'aclion politique ou d'in- 
fluence personnelle. 

Dans notre pays oh elle est n^e, elle avait diH jadis attendre pr^s de 
vingt ans avant de conqu^rir le droit de cit^ par la r^glementation officielle, 
brevet indispensable cbez nous pour attester Tutilite d'une institution; 



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VARlfeTfeS. 905 

d^sormais cette protection de rautorit^ Im est complMement acquise. Si 
nous avions une crainte pour les creches, ce que nous redouterions pour 
elles ne serait plusTindiff^rence des pouvoirs publics, mais au contraire 
an int6r6t trop sympathique qui se tradairait par une ing6rence trop 
minutieuse. Le d^sir de la perfection est certes iooahle en lai-m^me, mais 
il pourrait devenir funeste si, par une r^glementation trop 6troite, il ren- 
dait le fonctionnement de la creche trop difQcile; s'il d6courageait les 
bienfaiteurs, race ombrageuse et jalouse, qui, avant toute chose, veut 
rester ind^pendante, libre de ses dons, de ses id^es, de sa mani^re de 
comprendre et de faire le bien. 

Ge danger, nous sommes heureux de pouvoir le dire, parait encore 
^loign4. Le gouvernement a sanctionn^ dans le courant de Tannde derni^re 
avec quelques amendements inspires par une pens^e bienveillante et libe- 
rate, le d^cret et le r^glement minist^riel que le Gonseil sup^rieur de 
TAssistance avait ^labords dans sa session de mars 1897. Notre Bulletin 
donne le texte de ces deux documents, l/administralion s'est attach^e h 
n'y inscrire que les prescriptions qu'elle a jug^es indispensables pour 
sauvegarder la sant^ des enfants ou pour ^clairer Tautorit^ et le public 
sur le fonctionnement et les r^sultats des creches. Ces prescriptions sont 
toutes utiles, et la plupart sont d'une execution relativement facile. Des 
instructions minist^rielies ult^rieures, destinies ii expliquer et k completer 
les r^lements, recommanderont aux creches, non plus h titre d'obligation 
absolue, mais k titre de conseil, certaines precautions qu'elles devront 
s'atlacher k suivre toutes les fois que cela ne leur sera pas impossible. 
Nous ayons le ferme espoir qu'en appliquant Tensemble de ces r^glements 
et en r^digeant ses circulaires, Tadministration saurajusqu'au boutr^sister 
k ce besoin de r^glementation k outrance que Ton n'ose bl^mer trop 
sev^rement puisqu'il part d'un bon naturel, mais qui est le fl^au de notre 
pays oil il semble la caract6ristique parliculiere de notre temps, qui y 
paralyse et y eteint I'initiative individuelle. 

L'arr^te ministeriel demande aux creches d'adresser chaque ann^e au 
pr^fet un compte moral et un rapport medical. II ne reclame de compte 
financier qu'aux creches qui sol lici tent une subvention de Tautorite 
pablique. Nous applaudissons k ce respect de Tautoritepour rind^pendance 
des oeuvres privies ainsi que pour le secret des bienfaiteurs qui ne sau- 
raient admettre que I'administration vienne contr61er le chififre de leurs 
dons, la forme et la destination qu'ils donnent k leurs bienfaits. 

Toutefois nous n'hesitons pas k engager les creches k publier leur 
compte financier et k Tenvoyer au pr^fet avec leur compte moral, mdme 
quand elles ne demandent pas de subventions aux dispensateurs de Tar- 
gent des contribuables. Les cBUvres privies, qui, pour accomplir le bien 
qu'elles font avec tant de charity et de d^vouement desint^resse, viventde 
dons volontaires, out toujours int^r^t k faire connattre leur gestiou finan- 
cifere comme elles oht int^ret k faire connaltre leur fonctionnement et les 
r^sultats qu'elles obtiennent. Le fondateur des creches etait tellement 
p6netre de cette pens^e qu'il avait pose en principe que les creches doivent 
toujours ouvrir leurs portes au public :« Le public, ecrivait-il en epigraphe 
de ses r^glements, est inspecteur des creches. » Fidele k ce principe, nous 



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906 REVUE PHILANTHUOPIQUE, 

n'avons jamms n^gligS l*«ecasuMi 4*flBgag«* les creches & publier leurs 
comptes, comme le font, si utileinent pour eltes et po«r le public, les 
oeuvres anglaises et am^ricaines. Publier ses comptes, ce n'est pas trahir 
la charil^ de ses bienfaiteurs, c'est prouver au public que Toeuvre m^rite 
sa confiance. En principe moral, toule oeuvre qui fait appel aa public doit 
compte au public de I'usage qu'elle fait de ses dons : c*est son devoir, c'est 
aussi son int^r^L D'autre part, monlrer les difflcult^s que rencontre une 
(Buvre et les r^sultats qu'elle obtient, indiquer comment elle fontionne et 
ce qu'elle coiite, c'est aider les personnes qui voudraient cr6er des cpuTres 
semblables : la publication des comptes est, vis-i-vis des autres oeuvres, un 
acte de charit6. Nous ne saurions done trop la recommander k toutes les 
creches. 

Le conseil municipal de Paris et le conseil gdn^ral de la Seine s'effor- 
cent de multiplier et d'am^liorer les creches. Nous avons dit, Tan dernier, 
que le conseil municipal avait instilu^ une Commission sp^ciale charge 
de lui donner des avissur toutes'les questions relatives & ces ^tablissements. 
Sur la demande du conseil g^n^ral de la Seine, cette Commission com- 
pl6l6e par Tadjonclion de membres nouveaux, ^clairera d^sormais I'Admi- 
nistration ddpartementale comme I'Administration municipale. 

Les deux conseils ont, cette ann^e, €\ev6 leurs crMits ant^rieurs. Au 
budget municipal, le credit destine h, encourager les cr^cbes existantes a 
H^ port^ de 100000 h 115000 francs, et le credit destine k provoquer la 
creation des creches nouvelles a ^t^ ^lev^ de 32 000 & 40 000 francs. Au 
budget d^partemental, le credit vot^ a 4i^ de 28000 ^francs environ pour 
les creches de Paris, et de 15 000 francs pour celles des communes subur- 
baines. 

D'apr^s une decision qui a il6 prise d'accord par les deux Conseils, les 
subventions municipales et d^partemeutales ne seront d^sormais allou^es 
qu'aux creches qui s'engageront ^ se conformer^ une s^rie de conditions 
propos^es par la Commission des creches. Parmi ces conditions, les unes 
sont relatives k Tbygi^ne : elles prescrivent Temploi exclusif du lait st^ri- 
lis6 et la pes^e p^riodique des enfants. Les autres, dont la redaction estun 
peu vague, pourraient, contrairement sans aucnn doute k i'intention de 
ceux qui les ont indiqu^es, sembler une sorte de main mise surlescr^ches 
subventionn^es. Esp^rons qu'elles n'auront pas pour efTet d'effaroucber et 
de d^conrager les ad minis trateurset les bienfaiteurs de ces ^tablissements. 
La cbarit^ priv6e accepte avec reconnaissance un conseil, mais elle est 
jalouse de son ind^pendance. 

Deux creches ont 6t^ ouvertes^ Paris en 1897 : Tune rue Francois-Millet, 
Tautre rue Bolivar. Toutes deux ont 6t^ construites avec de larges subven- 
tions municipales et sont tr^s bien am^nag^es sous le rapport de I'installa- 
tion mat^rielle et hygi^nique. Toutes deux ont eu le grand bonneur de voir 
leur inauguration pr^sid^e par M°^" F^lix Faure. 

Plusieurs autres cr^cbes sont en vole de construction et ne tarderont 
pas k 6tre ouvertes, notamment avenue Mac-Mahon et rue Schemer. Gelle- 
ci est destin^e k remplacer la creche actuellement 4tablie rue de I'Ouest. 

A Levallois-Perret une jolie creche, unie k une ^cole matemelle, a ^t^ 
ouverte par un grand industriel qui a voulu venir en aide k ses ouvri&res et 



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VARlfeTES. 901 

qui admet dans ses 6tablissemenls les enfants des autres families du quar- 
(ier et du voisinage. 

Nous avons appris aussi Touverture de plusieurs creches k Nantes, d 
Baccarat, k Rochefort, k Lillebonne, k Aurillac, ainsi qa'k Bucarest. D'autres , 
sont projet^s a Perpignan, & Rennes, au Havre, k Lille, etc. 

Malheureusement, comme compensatioa de ces creations nouvelles, nous 
avons vu disparaitre deux creches de Paris, qui. Tune et I'autre, existaient 
depuis plus de cinquante ans. La creche Notre-Dame-de-Lorette a H6 fer- 
m^e au mois d'avril et la creche Sainte-Oeiievi^ve, au mois d'aoiit, toutes 
deux par la m^me raison, rimpossibilit6 de trouverun Ipcal. A Paris, c'est 
presque toujours par suite de cette difficult^ que les creches disparuesont 
ii€ abandonn^es. H eu est de m^me dans les autres grandes villes. Ge fait 
nous autorise k r6p^ter que le mode le plus efQcace de propager comme 
d'am^liorer les creches seraitd'assurerun local auxoeuvres qui s'^tablissent 
ou k celies qui existent. 

Pour atteindre ce but, il y aurait deux moyens. L'un consisterait k de- 
mander aux communes de fournir un local k toute oeuvre dont elles 
auraient v^rifl^ la vitality el les bonnes conditions. Cette forme de subven- 
tion serait k]a fois la plus utile pour la cr^he et la moins on^reuse pour 
la commune. Seulement, il faudrait que la commune n'abusM pas de l*au- 
tori t^ que lui donneraient ses subsides pour absorber I'oeuvre priv^e, pour 
lui 6ter toute ind^pendance et, par consequent, toute ardeur. II faudrait 
qu'elle stit se contenter d'aider, d'encourager, de guider Taction priv^e 
sans r^teindre, que le d^sir de rendre service a la population (dt son seul 
mobile, son seul but. 

L'autre moyen,nous Tavonsindiqud bri^vement dans notre dernier Bu/- 
letin. 11 faudrait accorder plus facilement aux OBUvres les droits civils qui 
leursont vraiment indispensables pourse constituer et pour fonctionner : 
droit de placer ses fonds en son nom, droit de louer son local en son nom, 
droit de devenir, en son nom, propri6taire de ce local. L'obligation impo- 
s6e par la legislation actuelle de recourir pour tons ces actes 616mentaire8 
et n^cessaires k Tintermediaire d'un pr^te-nom est une entrave deplorable 
et vraiment sans inters t pour I'ordre general. II semblerait que Tancien 
legislateur qui a, autrefois, etabli,sous un etat social absolument different 
du n6tre, ces regies aujourd'hui surannees et inutiles, n'ait eu pour but 
que d'empecher la creation et la marche des oeuvres privees. Pour ne pas 
sortir de notre sujet actuel» nous pouvons remarquer que la crecbe Sainte- 
Genevifeve existerait peut-etre encore si, comme Tavait demande en 1879 
san ancienne Presidcnte, qui desiraitlui assurer par testament une dota-, 
tion, elle avait obtenu le litre d'etablissement d'utiliie publique, ou mfime 
si, tout simplement, elle avait eu le droit de prendre en sonnom le bail de 
Tappartement qu*elle occupait. 

Notre Socieie a continue en 1897 sa marche normale, etaucun incident 
ne meriterait une mention particuliere si nous n'avions pris part ^ TExpo- 
sition intemationale de Bruxelles, od le jury nous a decerne un dipldme 
d'honneur, et si plusieurs de nos coUegues ne nous avaient representes au 
Gongres de bienfaisance de Rouen, ou out ete discutees plusieurs ques- 
tions relatives aux creches. 



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908 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

Nous avons le devoir de remercier, comme toas les ans, les bienfailears 
dont le concours g6n6reux nous permel de continuer noire oBUvre de pro- 
pagande et de soutenir par nos subventions quelques creches pauvres. Ces 
subventions se sonl ^lev^es cette ann6e ^14 HOG francs, r^partis entre 
vingt-neuf creches. Suivant notre tradition ancienne et constante, nous les 
distribuons, dans la limite de nos trop modestes ressources et sans distinc- 
tion d'organisation laique ou congr^ganiste, k toutes les creches qui r^unis- 
sent ces deux conditions : 6tre bien tenues et avoir besoin de nos secours. 

Le minist^re de I'lnt^rieur nous a continue son allocation annuelle de 
300 francs, en ^change de laquelle noas lui servons 500 exemplaires de 
notre Bulletin trimestriel. II les distribue aux raaires des vilies manufac- 
turi^res, k des fonctionnaires dont le concours est utile pour la propagation 
et la surveillance des creches, et k un certain nombre d*industriels qui 
emploient des femmes dans leurs ateliers. 

Les cotisations de nos souscripteurs ont atteint le chiffre de 5 253 francs, 
cbifTre sup^rieur k celui des annees pr^c^dentes. Ce resultat est dA a Tac- 
tive propagande de notre d^vout^ tr^sorier, M. Marcel Guillet, qui s'efTorce 
de combler les vides que la mort creuse dans les rangs de nos bienfaiteurs. 
Nous avons eu le regret de perdre notammentdeux denos fiddles et g^n^- 
reux souscripteurs, M"»* Foucart et M"»* Guidon. Gr&ce k une dernifere lib6- 
ralit^, le nom de M"^^ Guidou continuera k figurer sur nos listes, parmi 
ceux des souscripteurs'perp6tuels. Quelques-uns de nos souscripteurs nous 
r^servent fld^lement leur cotisalion depuis la fondation de la premiere 
creche en 1844 ! Si notre bonne fortune veut qu'ils jeltent les yeux sur ces 
lignes, ilsy verront la preuve que leur pers6v6rante sympathie pour ToBuvre 
qu'ils ont contribu6 k fonder il y a plus de cinquante aus n'^chappe pas 
k notre gratitude. 

Les dons qui nous sont adress6s se partagent en deux categories. Les 
uns ne nous sont remis que pour les transmeltre k certaines cr^cbes d^ter- 
minxes qui en sont les v6ritables destinataires. La veuve d'un ancien pre- 
sident de la creche Bonne-Nouvelle nous a, comme les ann6esprecedentes, 
donne pour cette oeuvre 200 francs, en m^moire de son mari. Une autre 
bienfai trice, veuve d'un de nos anciens collogues, a adopts, en souvenir de 
son mari, la creche de la rue Caulaincourt, silu^e dans un des quartiers 
les plus pauvres de Paris ; elle nous a remis pour cette crfeche, 500 francs 
par mois, soit, pour Tann^e enti^re, 6000 francs. Nous lui exprimons, au 
nom de la creche destinataire et au n6tre, une reconnaissance dont nous 
faisons remonter I'hommage au collogue aim^ et regrette dont la Creche 
Arthur Panckoucke portera d^sormais le nom. 

La seconde cat^gorie de nos dons se compose des sommes qui nous 
sont adress^es sans destination particuli^re et qui viennent augmenter nos 
ressources gen^rales. Nous citerons, comme tons les ans, parmi nos dona- 
teurs, la Chambre des notaires, la Gompagnie des Assurances generates, 
la Chambre syndicate des Agenls de change, la Chambre des avou6s de 
premiere instance et celle des avou^s d'appel, les deux branches Incendie 
et Vie de la Gompagnie d* assurances la Nationale et la Chambre des com- 
missaires-priseurs. Cette ann^e, le Credit Foncier de France s'est joint, 
par deux dons gen^reux, k nos anciens bienfaiteurs. 



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YARlfeTfeS. 909 

Une de nos bienfaitrices accoutum^es, M"« Dursus de Courcy, a eu la 
boni6 d'organiser une veiite de charity et un concert dont elle a bien 
Youlu atlribuer en parlie le produit k notre oeavre : noire part s'est Slev^e 
k 700 francs. 

EnQn nous temoignerons sp^cialement notre reconnaissance & la 
doyenne de nos bienfaitrices qui est entree, le 31 d^cembre 1897, dans sa 
centi^me ann6e. Quelques joars apr^s, elle nous a envoys son ofTrande, 
500 francs, et, lorsque nous sommes all^ la remercier au nom de Toeuvre, 
elle s'est excus^e de n'avoir pu, comme les ann^es pr^c^dentes, nous Tap- 
porter elle-m^me, ayant 6t6 retenue au logis par une l^g^re indisposition. 
<c Quand on est mont^ chez vous, nous a-l-elle dit gracieusement, on y est 
trfes bien, mais il y a soixante marches k gravir, et c*6tait trop pour moi 
cette ann^e. » Nous n'avons pas besoin de dire combien sont sinc^res les 
voBUx que nous formons pour que noire bienfaitrice ait longtemps encore 
le plaisir de nous remettre sa g6n^reuse offrande. Ce plaisir paratt 6tre 
grand pour elle, car, nous a-t-on assure, sa plus douce joie est de faire 
du bien, de se faire b^nir par les pauvres. 

Par contre, nous ne retrouvons plus sur notre liste de 189T une autre 
bienfaitrice qui, tout en gardant Tanonyme, nous a, plusieurs ann^es de 
suite, envoys par Tinterm^diaire de M. Henry Sergent, notaire k Avranches, 
un don g^n^reux de 1 000 francs. Cette ann^e, Toffrande accoutum^e ne 
nous ^tant pas arrivde, nous avons craint d*abord qu'un malheur n'eiit 
frapp6 notre donatrice. Nous avons eu la consolation d'apprendre que les 
pauvres ne Tont pas perdue. Mais elle concentre d^sormais ses dons sur 
une OBUvre locale k iaquelle elle consacre tous ses efforts. Nous n'aurions 
pas voulu, au moment ou cessent ses bienfaits, les passer sous silence, 
comme si nous les avions d^]k oubli^s, et nous r^p^tons encore ici Texpres- 
sion de notre vive et profonde reconnaissance pour le pr^cieux concours 
que de si loin et sans se faire connaltre elle a si largement donn6 k notre 
CBuvre. 

La creche Fourcade est toujours en pleine prosperity. En 1897, elle a 
secouru 131 enfants et compt6 11 856 joum^es de presence. On trouvera 
plus loin le compte special de cette fondation dont le budget est compl^- 
tement distinct du budget g^n^ral de la Soci6t6 des creches. 

Eugene Marbeau. 



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CHRONIQUE ETRAINGERE 



Allemagne. 

LES GAISSES D*£PABGNE EN SAXE 

Depuis vingt-cinq aus, les caisses d'^pargne du royaume de Saxe ont 
pris un grand d^Teloppement. En 1870, il n'existait dans le Royaume que 
142 caisses d'^pargne; en 1880, on en comptait 175; en 1890, ce chiffre 
s'^levait k 220, et en 1895 h. 247. Les operations efTectu^es suivaient ^gale- 
ment une marche ascendante, comme en t^moigne ie tableau que yoici : 

Montant total Moyenne 

Annies. det d<p6tt. dMd^pdtiparcalsM. 

Marks. Marki. 

1870 115720000 814800 

1880 338807000 1925000 

1890 581720000 2644200 

1895 741898000 3003600 

DeschifTresqui prSc^dent, il r^sulte que le nombre des caisses d'^pargne 
saxonnes s'est augraente, depuis 1870, dans la proportion de 14 p. 100 et 
que le montant total des d^pdts s'est accru dans la proportion de 54 p. 100. 



Belgique. 

l'^pargne sgolairb 

Au 31 d^cembre 1894,le nombre total des ^coles primaires de toute 
nature en Belgique, pour garcons et lilies 6taitde8538 avec 988881 ^l^ves 
(494780 gari^ons et 494101 fllles). 

D'apr^s le Bulletin de VOffice du Travail, on pratiquait T^pargne dans 
5 684 ^coles, soit 66 p. 100 du nombre total de celles-ci. 214084 enfants 
(116 792 gargons et 97 292 fllles), soit 22 p. 100 de la population scolaire 
totale, poss^daientui) livret et 46 274 enfants, soit 4,7 p. 100 (23 900garcons 
et22 374filles),6pargnaientsans encore en avoir un.Le montant total de leur 
epargne6taitde5 472398 francs(2889 868 francs aux garcons et2 582 530aux 
niles). 

LES SOa^T^S SCOLAIRBS DE TEMPERANCE 

Au 31 d^cembre, il y avait en Belgique 4 026 ^coles primaires de garcons 
ou mixtes (dont 3 069 communales et 957 adoptees ou subvenlionn^es) f.vec 
104 297 eleves. Sur ce nombre, 1 834 ^coles, soit 45 p. 100, possedaient des 
soci^t^s de temperance groupant 34 158 ei^ves garcons de 11 ansaumoins, 
soit 33 p. 100 de la population scolaire totale. 



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CHRONIQUE fiTRANGfeRE. 911 

Depuis la fondalion del'oeuvre, 64344 ^Ifeves ont pris Tengagement de 
renoncer k Fusage des boissons fortes. 



Danemark. 

LOi Du i5 JANVIER 1898 suR l'assurance gontre les accidents (1) 

La responsabilit^ des patrons en cas d'accidents du travail vient d'etre 
I'objet d'une loi promulgu^e le 15 Janvier 1898, et dont voici les princi- 
pales dispositions : 

itendue d' application de la loi, — Le droit aux indemnit^s accord^es, 
en cas d'accident sarvenu dans le travail, s'dtend k tous les ouvriers et 
apprentis des exploitations industrielles, des mines, carri^res et chantiers 
de construction, des entreprises de transports, des magasins et entrep6ts, 
et, en gSn^ral, de toute exploitation soumise, en raison du travail m6ca- 
nique qui s'y efifectue, k Tinspection des fabriques. Les employes ne sont 
admis au b^n^flce de la loi que s'ils participent directement k la partie 
technique m^canique de Texploitation. Sont exclues toutes les personnes 
dont le gain annuel dipasse 2400 couronues (2) (3000 francs environ). 
Enfin, les accidents causes soit volontairement, soit par negligence grave, 
ne donnent pas droit k indemnity (art. 1 k 4). 

Taux des indemniUs. 

10 En cas d'incapacit^ absolue de travail dont les consequences deOni- 
tives ne sont pas encore fix6es, il est allou6 au bless^, k partir de Texpira- 
tion de la treizi^me semaine, une indemnity journaliere ^gale k 3/5 du 
salaire quotidien, avec minimam de 1 couronne et maximum de 2 cou- 
ronues par jour. Si Tincapacit^ est partielle, rindemnite ci-dessus est 
r^duite en raison de la capacity de travail restante. 

2<> Quand Tincapacite de travail est consid^r^e comme permanente, 
Tindemnite est allou4e k la victime sous forme de capital. Si I'incapacit^ 
de travail est absolue, le capital est ^gal k 6 fois le salaire annuel, avec 
minimum de 1800 couronnes et maximum de4800 couronnes. Si I'inca- 
pacite est partielle, le capital all ou^ est une fraction de la somme pr^c^- 
dente calcul^e, en raison de la capacity de travail restante. De plus, le 
bless6 recoit Tindemnite journali^re, calcul^e d'apr^s les regies indiqu6es 
au n9 1 ci-dessus, pour une p^riode de 13 semaines. De la somme ainsi 
calcuiee, on d^duit le montant de Tallocation journali^re qui a €i€ d6j^ 
attribute au bless^ par application des dispositions du n<* 1. Les blesses 
flg^s de plus de 30 ans et de moins de 55 ans peuvent demander la trans- 
formation en rente viag^re du capital qui leur est dil. 

3° Quand Taccident entraine la mort, les ayants droits recoivent une 
indemnity fun^raire de 50 couronnes et une somme ^gale k 4 fois le salaire 
annuel du d^funt, avec minimum de 1 200 couronnes et maximum de 
3 200 touronnes. Le Conseil d*assurance ouvrifere determine le mode suivant 
lequel cette somme doit etre partag^e entre les ayants droit. (Art. 5 et 18.) 

(1) Bulletin de VOfpce du travail (mars 1898). 

(2) La couronne danoise a une valeur nominale de gr., 4032 d'or, soit 1 fr. 3892. 



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912 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

Garantie des indemnitis. Mode d^ assurance. 

Le chef d'entreprise peut rester son propre assurear. II est, dans ce 
cas, garaDt des indemQitSs, et ies victimes d'accidents ainsi que leurs ayants 
droit ont leur cr^aDce privil6gi6e en vertu de Tarticle 33 de la loi sur Ies 
faillites. 

Le chef d'entreprise peut se d^charger de son risque, en s'assurant k 
une soci^t^ d*assurance mutuelle ou anonyme reconnue et approuv^e par 
r^tat. Toute disposition du contrat de travail qui consisterait a faire sap- 
porter, dans ce cas, k Touyrier tout ou partie de la prime d'assarance, est 
nuHe de plein droit. (Art. 8 k 11.) 

Conseil d'assurance ouvri^e. 

II est cr^e un Conseil d'assurance ouvrUre qui se compose d'un president 
et de deux membres, dont un m^decin, nomm^s par le roi, de deux 
patrons et de deux ouvriers appartenant aux exploitations assujetties. Les 
patrons sont d^sign^s par le ministre de I'lnt^rieur, et les ouvriers ^lus par 
les membres des caisses de maladie. 

Le Conseil revolt les declarations d*accidents et Qxe les indemnit^s en 
capital, les indemnit^s journalieres 6tant d^termin^es par accord entre Ies 
parties int^ressees. Si cet accord n'intervient pas, le Conseil statue en der- 
nier ressort. (Art. 13 k 21.) 



Espagne. 

MESURES PREVENTIVES CONTRE LA VARIOLE 

Le 29 ao6t 1896, k la suite d'une ^pid^mie de variole, le conseil 
d'hygi^ne de Madrid pr^sentait au ministre un projet de r^lementation 
dont nous reproduisons d'apr^s la Higiene popular lesprincipauz passages : 

10 Conform^ment k la circulaire minist^rielle du 10 Juin, il est recom- 
mand6 aux m^decins des bureaux de bienfaisance de propager la vaccina- 
tion et la revaccination dans les families de leurs malades, surtout pour les 
personnes ^g6es de douze k trente ans. Les m^decins devront signaler tons 
les malades soign^s par eux, afin qu'on puisse connaltre ezactement le 
nombre des cas de variole. 

2<* Sit6t qu'un cas se pr^sente, on doit proc^der k I'isolement du ma- 
lade, k la disinfection du logement, et les locaux oi!i il a s^joum^ doivent 
6tre blanchis apr^s une ^nergique disinfection. 

3° Les v^tements des varioleux, au lavage, ne seront jamais mdl6s aux 
autres avant d'avoir ^16 ploughs dans un liquide disinfectant. 

4° Les objets k I'usage du malade, comme les vases par exemple, qui 
ne peuvent 6tre d6sinfect6s, seront d^truits par le feu. 

5<* Les varioleux qui ne peuvent ^tre soign^s chez eux seront conduits 
k Thdpital en prenant loutes les precautions n6cessaires. 

6° Les malades de cette cat6gorie qui devront 6tre conduits dans les 
^tablissements de bienfaisance, le seront au moyen de voitures sp^ciales, 
destinies exclusivement k cet usage, et de preference au moyen de bran-^ 
cards, ceux-ci pouvant etre desinfectes immediatement et dans de meil- 
leures conditions. 



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CIIRONIQUE tTRANGfiRE. 913 

7<> 11 est recominand6 aux employes d'alcade dans les divers districts 
de Madrid^ d'exercer, par tous les moyens en leur pouvoir, une surveillance 
active sur les lieux et habitations dans lesquels ils connaissent ou soup- 
fonnent Texistence de cas de varioie, afin d'^viter des absences de decla- 
ration toujours dangereuses, notamment dans les ^tablissements oil la 
nature des objets vendus el Taffluence da public peuvent donner lieu h un 
contage imni^diat. M. D. 

CONGRfeS INTERNATIONAL D'flYGlfeNE ET DE D^MOGRAPfllE (1898) 

VHygi^ne populaire de Madrid consacre son num6ro de novembre au 
Gongr^s international d^hygi^neetde d6mographie qui doit se r^unir^ Ma- 
drid du 10 au i7 avril 1898. Ce Congr^s sera accompagn^ d'une Exposition 
d'Hygi^ne qui aura lieu dans le local derExpositionconligukrHippodrome. 

Le premier Congr^s international d'bygi^ne fut tenu h Bruxelles en i 877. 
Vinrent ensuite ceux de Paris (1878), de Turin (1880), de Geneve (1882), de 
la Haye (1884), de Vienne (1887), de Londres (1891), et de Budapest (1894). 
Le septi^me Gongr^s, celui de Londres, comptait 2483 adherents et 400 
dames : 1 132d616gu6s officiels y repr^sentaient 25 gouvernements, 197 uni- 
versitds et soci6t6s savantes de divers pays, 366 villes et soci6tes anglaises; 
39venaientde Tlnde et de Geylan et 19 desautres colonies. Au dernier Gon- 
gr^s, celui de Budapest, prirent part 2240congressistes et 317 dames, com- 
prenant 1171 d^l^gu^s officiels, dont29 repr^sentaient des gouvernements 
strangers, 68 des universit^S) 163 des villes et292des sociltes savantes. 

<c Les premiers Gongrfes n'eurent point d*exposition. Mais on ne tarda 
pas A comprendre la n^cessit^ d'y joindreune exposition des objets les plus 
utiles et les plus nouveaux du riche materiel de Thygifene modeme et des 
r^sultats des Etudes d^mographiques. » 

Les hygi6nistes et les d^mographesy figurent avec leurs Qeuvres;livres, 
cartes, photpgrapbies, tableaux, etc.; les ing^nieurs et arcbitectes expo- 
sent des plans, des modules, des mat6riaux de construction ; les pbysiciens, 
les cbimistes font connaltre leurs nouveaux proc^d^s et leurs instruments 
d'analyse; les fabricants pr^sentent des appareils; les villes envoient des 
m^moiressur leurs institutions sanitaires, et leurs ^tablissements de bien- 
faisance ; le commerce, Tindustrie y font valoir leurs produits ; le corps de 
sant^ militaire y montre son materiel, ses ambulances, etc. 

La revue madril^ne publie in extenso le r^glement g^n^ral du Gon- 
grfes, tel qu'il fut vol6 A Budapest en 1894. 

Nous nous contenterons de tirer un r^sum^ succinct de ce programme, 
pour donner un l^ger aper^u des questions propos^es. 

GLASSE 1. — HYGlfeNE 
Section 1. — La microbiologie appliquie d t hygiene. 

Dans cette section on traitera, entre autres sujets, des derniers r^sultats 
obtenus au sujet de la propagation de la fi^vre typbo'ide. De Texamen 
du bacille cholerique dans les eanx, sa difference avec les autres 
esp^ces similaires. Des moyens de preservation, etc. 

RBVUB PBILANTHROPXQUB. — U. 58 



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914 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

Section 2. — Propkylaxie des infirmiUs transmisHbles. 

Li mite d'action des pouvoirs publics. — Vaccination obligatoire. — La 
l^pre. — La pellagre. — Organisation du service de sant^ auz fronti^res 
en temps d'^pid^mies exotiques. — Cremation. — Disinfection. 

Section 3. — Climatologie et topographic midicales, 

Le climat et la topographic consid^r^s comme ^l^ments ^tiologiqaes des 
maladies infectieuses. Zones climatologiques en Espagne. — G^ographie 
de la tuberculose. — Carte de la tuberculose en Europe. — £tude de la 
climatologie par rapport k cette aCTection. 

Section 4. — Hygiene urbaine. 

Cette section n'a pas k traiter moins de neuf questions, int^ressant au 
" plus haut point la sant6 publique dans les viJles (mortality, irrigation, 
assainissem^nt des cimeti&res, des abattoirs, etc.). 

Section 5. — HygUne de I' alimentation. 

Du lait, comme agent de transmission dela tuberculose. — Moyens rapides 
d'analyser les eaux potables. — Alcoolisme. — Melanges des vins. — 
Conserves alimentatres, etc. 

Section 6. — Hygiene infantile et salaire. 

Causes qui contribuent k la mortality cbez les enfants ; moyen d'y rem^dier, 
Statistiques comparatives. — Propbylaxie de la conjonctivite pumlente 
cbez les nouveau-n^s. — Hygiene de la vue, maladies contagieuses. — 
Sanatoria maritimes. — Colonies scolaires. — Avantages et inconv6- 
nients de Tinternat au point de vu6 hygi^nique. 

Section 7. — Hygiine de iexercice et du travaiL 

Travail des femmes et des enfants. — Hygiene dans les mines, les chemins 
de fer, etc. — Hygifene du cyclisme, etc. 

Section 8. — Hygiene militaire et navale, 
Dans les pays insalubres, dans les h6pitaux, asepsie. — Disinfection, etc. 

Section 9. — Hygitne vdUrinaire civile et milittUre, 

Moyen d'emp^cher la propagation de la tuberculose aux animaux domes- 
tiques et sa transmission k I'esp^ce humaine. N^cessit^ dun r^glement 
de police sanitaire sur les animaux de boucherie, etc. 

Section 10. — Architecture et constructions sanitaires. 
H6pitaux. — Asiles. — Etablissements p^nitentiaires, etc. 

CLASSE II. — DEMOGRAPHIE 

Section 1. — Technique de la statistique dAmographique, 

MIthode. — Organisation. — Moyens pratiques pour obtenir une statistique 
exacle des maladies, de la morlalit^, do la long^vit^ suivant les profes- 



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CHRONIQUE tTRANGfeRE. 915 

sions. — N^cessit^ d'une classiQcation rationuelle scientiftque des mala- 
dies. — ClassiQcation des professions. 

Section 2. — Les r^sultats de la statistique appliques a la d6mographie. 

La statistique d^montre-t-eile que la moyenne de la vie s'fest 6lev6e au 
cours de ce siftcle? — Manages consanguins; leur influence sur les 
enfants. — Prostitution. — Natality. — Maladies mentales. —■ Epilepsie. 

Section 3. — D4mographie dynamique. 

Mouvement de la population en Europe. — Lois quid^terminent Taccrois- 

sement exag6r6 de la population dans les grandes villes. — Moyen d'y 

rem^dier — Emigration des Espagnols. — Inconv^nients et perils de la 

depopulation rurale. — Influence des mesures d*hygi6ne sur I'augmen- 

tation de la population, etc. 

Marius Dupont. 



UraiTuay . 

l'eNSEIGITBMBNT des AVEUGLES a PARIS (1). — LES SALLES D'aSILE 

DE FERRARE 

Relatant son voyage k travers TEurope, nn r^dacteur du Bulletin de 
renseignement primair^ de Montevideo (2) parle avec un veritable en thou- 
siasme de Texposition des aveugles qui eut lieu au mois de mai dernier 
dans les salles du Figaro. J*y assistai quatre jours de suite avec ma femme, 
dit-il, et nous vlmes \k des merveilles. L'enseignement des aveugles est h 
coup silr une des plus* prodigi eases conqu^tes de notre si^cle. En voyant 
les hommes et les femmes occup6s aux travaux divers de Tindustrie, les 
jeanes gardens et les jeunes filles lisantlthaute voix, les groupes de musi- 
cians executant leurs morceaux, on ne ponvait s'empdcher de songer k la 
grandeur de I'oeuvre . 

« C'^taient des ouvriers couteliers, manianl leurs outils avec assurance 
et promptitude : ceux-ci travaillaient le bois avec une ^tonnante dexte- 
rMf ceux-l& faconnaient le papier avec grdce et l^g^ret^, d'aulres, tracant 
de» caract^res en relief, pr^paraient des livres pour leurs corapagnons 
d'infortune et... tous 6taient aveugles. j» 

L'auleur raconte que celte exposition fut pour lui et pour sa femme 
une des grandes attractions de Paris, qu*il y passait des heures en litres k 
voir travailler les jeunes aveugles, garcons et filles, et qu'il a ^ludi^ les 
proc6d6s d'enseignement, les m^thodes, le materiel scoluire, etc., afin de 
pouvoir Hre utile aux aveugles de TAm^rique. II raconte combien il a ^t^ 
6mu, en voyant une petite fille aveugle, toute jeune, jouer avec une poup^e 
qu'elle habillait et d^shabillait avec une extreme facility, tandis qu'une 
autre lisait k haute voix k ses compagnes un r^cit amusant. 

(1) Voir Histoire d'un aveugle, par II. Napias. Revue Philanthropique, t. II, 
n" 10, p. 346 et suiv. 

(2) Bulletin de VEnseignement primaire, 9* ann6e, n*» 101, p. 280 et suiv. 
Montevideo, nov. 1897. 



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916 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

En pleine sant^, on ne songe pas k la maladie. Et pourtant, parmi les 
enfants de nos 6co1es, il en est qui sont destines k perdre la vue. En pr^yi- 
sion de cet horrible malheur, I'auteur voudrait que, dans les ^coles, tons 
les ^l^ves soient exerc^s k la construction de travaux en papier, de boltes 
de carton, etc., h lire, les yeux fermSs, des caract^res en relief, k distin- 
guer des objets divers au toucher, dans le but de d^?elopper et d'afflner 
le sens du toucher. « Je lance I'id^e, dit-il, siir qu'elle ne sera point 
perdue. » 

En Italie, I'auteur a assist^ k la calibration du cinquanti^me anniver- 
saire de la fondalion des Salks cVasile de charity de Ferraro. Elles sont au 
nombre de deux. L'une porte le nom de Louise GriUenzonij Tautre celui de 
Victor' Emmanuel, Gette derni^re, on le devine, doit sa fondation k une 
g^n6rosite du roi galantuomo. Les enfants resolvent a Tasile de la 
soupe et du pain. Beancoup de soleil, beaucoup d'air, beaucoup de mou- 
vement et beaucoup de liberty : telle est la consigne. Les salles sont spa- 
cieuses, les cours vastes, les jardins ombrag^s et riches en plaotes de toate 
nature. « Une infinite de sentiers, des monticules couverts de gazou, des 
petits ponts el des pieces d'eau, convertissentartiflciellement T^cole en un 
camp ou les petits jouent, courent, chantent, se constituent en armies 
minuscules qui d^feudent un mSme drapeau, le drapean yert, blanc et 
rouge du royaume d'ltalie. » 

Le mobilier ne peut r^pondre aux prescriptions de I'hygi^ne lorsqull 
faut se soumettre aux exigences de T^conomie administrative. II se com- 
pose ici de larges tables auxquelles cinq enfants prennent place pour 
lire, 6crire, travailler, manger le pain et la soupe qu*on leur dislribue k 
midi et faire la sieste Tapr^s-midi. 

De grandes salles de r^cr^ation sont utilis6es, les jours de pluie et 
pendant Thiver, quand les cours et les jardins sont couverts de neige. 
« Aux jours de f^te nationale, les enfants se r^unis^ent dans les jardins ; 
chacun tient un petit drapeau italien et marche en cadence en chaiitant 
des hymnes k la patrie et k ses protecteurs. Ces jours-li, Tordinaire est 
moins frugal que de coutume, et on distribue des souliers, des chapeaux, 
des tabliers, des chemises, des mouchoirs. » 

L'enseignemeUt est surloutobjectif et le materiel emprunl6 au syst^me 
Froebel. 

Les cuisines sont vastes, 6clair6es, situees au rez-de-cbauss6e et les 
plats sont transport's aux dilT'rents stages par un ascenseur. « Dans le 
plat de soupe se trouve la viande hach^e menu aOn d'dviter les accidents 
qui ne manqueraient pas de se produire si ces petits messieurs 'taient 
armes de couteaux et de fourchettes. II y a m'me des combats k la cuil- 
l^re : petites vengeances, au cours desquelles le plus courageux frappe 
son compagnon pour lui prendre son pain ou lui d'rober une cuiller'e de 
soupe. » 

Le matin, les p^res accompagnent leurs enfants k Tasile avant de se 
rendre k leur travail ; le soir, ils viennent les chercher k la sortie des fa- 
briques et des ateliers, « et c*est un spectacle attrayant et ^mouvant que 
cette sortie de Tasile ». . . 

Marhjs Dupont. 



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INFORMATIONS 



Le Gonseil snp^rieur de I'Assistance publique. 

Uq d^cret du 9 mars 1898 modiQe comme suit Tarticle V' du d^cretdu 
15 Janvier 1894 : 

Le conseil sup^rieur de I'Assistance publique est compost de soizante 
membres, savoir : qualorze membres de droit et quarante-six membres 
norom^s par d6cret. 

Sont membres de droit du conseil : 

1° Le directeur de Fassistance et de Tbygifene pnbliques; 

2<> Le directeur de Tadministration d^partementale et communale ; 

3« Le directeur de I'administralion p6nitentiaire ; 

40 Le directeur des afiFaires civiles au minist^re de la justice; 

5«> Le directeur du service de sant6 au minist^re de la guerre; 

6^ Le directeur du service de sant^ au minist^re de la marine; 

V Le president du comity consul tatifd'hygi^ne publique de France; 

8» Le secretaire perp6tuel de TAcad^mie de m^decine; 

9<^ Les inspecteurs g^n^raux de Fassistance publique ; 

10* Le directeur de Fassistance publique de Paris; 

110 Le directeur du Mont-de-Pi6t6 de Paris. 

Les membres nomm^s par d^cret comprennent six s^nateurs, douze 
deputes, vingt-huit personnes d^sigodes soit par les fonctions administra- 
tives ou 6iectives qu'elles remplissent, soit par leur competence sp^- 
ciale. 



Reglementation des Creches. 

D^CRET DU 2 MAI 1897 

Le President de la R^publique fran^aise, 
Vu le d^cret du 26 f^vrier 1862, concernant les creches; 
Vu I'arr6t6 minist^riel du 30 juin 1862, ayant le m6me objet; 
Vu les deliberations du Gonseil supedeur de I'Assistance publique, en 
date des 10 et 11 mars 1897; 

Sur ie rapport du ministere de Finterieur, 

Deere te : 

Article premier. — La creche a pour objet de garder et de soigner les 
enfants en bas dge pendant les heures de travail de leur mere. 



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918 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

Les enfanls y re^oivent, jusqu'4 ce qu'ils puissent entrer k T^cole ma- 
ternelle ou jusqu'k ce qu'ils aient accompli leur troisi^me ann^e, les soias 
hygi^niques et moraux qu'exige leur dge. 

Art. 2. — Nulle creche n'est ouverte sans rautorisation du Pr6fet; 
cettc autorisation n'est refas^e que lorsque les locaux destines k la creche 
ne satisfont pas aux conditions indispensables d'hygi^ne ou lorsque les 
personnes qui doivent dtre pr^pos^es k r^tablissemenl ne pr^sentent pas 
des garanties suffisantes. 

Art. 3. — L'arrfit^ pr^fectoral qui autorise Touverlure d'une creche 
fixe le nombre des enfants qui pourront y Hre r^unis. 

Art. 4. — Les personnes ou les soci^t^s qui poss^dent une creche 
d^sigoent au Pr^fet un repr^sentant auquel sont adress^es les notiilcalions 
pr6vues par le present d6cret et par le r^glement ^dict^ en execution de 
I'article ci-dessous. 

Art. 5. — Le ministre de I'lnt^rieur et le Pr6fet oot le droit de faire 
inspecter les crdches par leurs del^gu^s ; lis se font rendre compte p^rio- 
diquement du fonctionnement des cr^cbes et s'assurent qu'elles se cou- 
forment aux conditions qui leur sont impos6es. 

Art. 6. — Si le Pr6fet juge que, par une installation d6fectueuse ou 
par d^faut de soins, une cr^cbe met en danger la vie ou la sant6 des en- 
fants, il ordonne la fermeture provisoire de cette cr^cbe. Le repr^sentant 
de r^tablissement est mis en demeure de rem^dier aux d^fectuosit^s si- 
gna16es. Apr^s trois mises en demeure resides sans effet et sur avis con- 
forme du Conseil d^partemental d'bygi^ne, Tautorisation accord^e k la 
creche est retiree. 

Art. 7. — En cas d'6pid4mie survenue'dans une creche, cette crfecbe est 
ferm^e, soit par les personnes ou les soci^t^s qui la poss^dent, soil 
d'office par le Pr6fet; elle n'est r^ouverle qu'apr^s que le Pr6fet a fait 
constater qu'elle a 6t4 d^sinfect^e. 

Art. 8. — Le ministre de I'lnt^rieur determine par un r^glement : 
- !• Les conditions d'bygi^ne que doit remplir tout local affects i une 
cr^cbe, ainsi que celles qui doivent Hre observ^es dans la tenue de IVta- 
blissement ; 

2* Les garanties exig^es des directrices de creches et des personnes 
qui, dans les cr^cbes, donnent les soins aux enfants ; 

3<> Les registres que les directrices des creches doivent tenir. 

Art. 9. — Le d6cret susvis^ du 26 f^vrier 1862 est abrog^. 

Art. 10, — Le ministre de Tlnt^rieur est cbarg^ de Tex^cution du pr^ 
sent d6cret. 

Fait a Paris, le 2 mai 1897. 

F^ux Faure. 
Par le President de la Republique : 

Le ministre de VlnUrieur^ 
Louis Barthou. 

ARR^6 MINISTfeRIEL DU 20 D^CEMBRE 1897 

Le ministre de Tlnt^rieur, 

Vu le d^cret en date du 2 mai 1897 concernant les cr^cbes; 



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INFORMATIONS. 919 

Vu les deliberations da Gonseil superieur de TAssistance publique en 
date des iO et 11 mars 1897; 

Sur la proposition du Conseillerd'Etat, direoteur de TAssistance et de 
I'hygi^ne publiques ; 

Arrfite : 

Article premier. — Les dortoirs et les salles oCi se tiennent les enfauts 
re^us dans les creches ont au moins une hauteur de trois metres sous 
plafond, et pr^sentent au moins une superficie de trois metres et un cube 
d'air de neuf metres par enfant. 

Le Pr^fet peut toutefois, dans des cas exceptionnels dont il est juge, 
autoriser des dimensions moindres, sans que le cube d'air puisse jamais 
dtre inf(§rieur k buit metres par enfant. 

ARf. 2. — Les salles doivent etre largemenl eclairSes et a^r^es. Elles 
doivent pouvoir 6lre convenablement chaufir§es et dans des conditions by- 
gi^niques. 

Art. 3. — Personne ne passe la nuit dans une salle occup^e le jour par 
les enfants. 

Pendant la nuit, les salles sont aSr^es et tous les objets dont se com- 
pose la literie demeurent exposes k fair. 

Art. 4. — Le inobilier est simple, facile k laver et k d^sinfecter. 

Art. 5. — Chaque enfant a son berceauou son lit, son peigne, sabrosse, 
sa tetine s'il est allaite au biberon; tous les objets dont il se sert sont nu- 
m^rotes et ne servent qu'^ lui. 

Son mouchoir, sa serviette, son costume ne servent ^galement qu'4 lui 
taat qu'ils n'ont pas et6 lav^s; sa literie est d^sinfect^e avant de servir i un 
autre enfant. 

Toute couche salie est chang^e sans retard. Le linge sale est imm^dia- 
tement pass^ k I'eau. 

Art. 6. — L'usage des biberons k tube est interdit. 

Art. 7. — Dans chaque creche un mddecin a la direction du service 
hygi^nique et medical. 

Art. 8. — Aucun enfant n'esL admis k la creche sans dtre muni d'un 
certiftcat medical datant de moins de trois jours : ce certiOcat constate que 
Tenfant n'est atteint d'aucune maladie transmissible et, s'il est convales- 
cent d'une de ces maladies, qu'ii a franchi la p^riode pendant laquelle il 
pouvait la transmettre. 

Si un enfant reste huit jours sans venir k la creche, il n'y est r^admis 
que muni d'un nouveau certiflcat relatant les constatations ci-dessus. 

Aucun enfant n'est admis s'il n'est vaccina ou si ses parents ne con- 
sentent k ce qu'il le soit dans le deiai fix<§ par le m^decin ou par Fun des 
m^decins de la creche. 

Art. 9. — Aucun enfant paraissant attaint d'une maladie transmissible 
ne doit 6tre garde k la creche. 

Tout enfant qui parait malade doit 6tre imm^diatement s^par^ des 
autres et rendu le plus t6t possible kssL m^re. 

Art. 10. — Les creches sont tenues exclusivement par des femmes. 

Art. 11. — NuUe ne peut devenirdirectrice d'une creche si elle n'avingt 



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920 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

et un ans accomplis et si elle n'est agr6^e par le Pr6fet da d^partement. 

Nulle ne peut fitre gardienne si elle n'est pourvae d*un certificat de 
morality d61ivr6 par le maire ou, encas d'omission oude refas non jasU- 
156 du maire, par le Pr^fet. 

Nolle ne peut devenir directrice ou gardienne d'ane creche siellen'6ta- 
blit par la production d'un certiflcat medical qu'ellen*est atteinte d'aucune 
maladie transmissible aux enfants, qu'elle jouit d'une bonne sanl6 et 
qu'elle a 6t6, depuis moins d'un an, vaccinae ou revaccin^e. 

Art. 12. — La creche doit avoir une gardienne pour six enfants ^^sde 
moins de dix-huit mois et une gardienne pour douze enfants de dix-huit 
mois k trois ans. 

Art. 13. — Les locaux et le mobilier de la crdche sont nettoy6s chaque 
jour ou la creche est ouverte. Les gardiennes tiennent les enfants et se 
tiennent elles-m6mes dans un 6tat de propret6 rigoureuse. 

Art. 14. — La directrice de toute crfeche doit tenir: 

1° Un registre matricule sur lequel sont inscrits les noms, pr^noms et 
la date de la naissance de chaque enfant, les noms, adresse et professions 
de ses parents, la date de Tadmission, et, s'il y a lieu, au moment des 
r^admissions, la constatation de la vaccination; 

2« Un registre sur lequel est mentionn6 nominativement le nombre des 
enfants presents chaque jour ; 

3° Uq registre ou sont inscrites les observations et les prescriptions du 
m6decin ou des m6decins; 

4<^ Uq registre ousont consignees les observations des inspecteurs et des 
visiteurs. 

Art. 15. — Les enfants recus dans la creche sont pes6s chaque semaioe 
jusqu'd r^e d'un an, et chaque mois de un k deux ans : le r^sultat de ces 
pes6es estsoigneusement relev6. 

Art. 16. — Le rfeglement inter! eur de la creche est afQch6 dans un en- 
droit apparent d'une des sailes; il est communique au maire de la com- 
mune. 

Art. 17. — Le repr^sentant de la creche transmet chaque ann^e au 
Pr^fet un compte moral de Toeuvre ainsi qu'un rapport medical dres86 
conform^ment au module adopts par le ministre de Tlnt^rieur. 

Uu compte financier est joint k toute demande de subvention. 

Art. 18. — L'arr^te minist^riel du 30 juin 1862 concemaut les creches 
est rapporte. 

Art. 19. — Le Conseiller d'etat, Dtrecteur de I'assistance et de Thy- 
gi^ne publiques et les Pr^fets sont charges, chacun en ce qui le conceme, 
de rex^cution du present arrSte. 

Fait k Paris, le 20 d6cembre 1897. 

Louis Barthou. 



Arrdt^s municipaux r^glementant la vente du lait ^cr^m^. 

Dans la stance du 14 mars 1898, le Gomite consultatif d'hygi^ne pu- 
blii|ue de France a en i ^mettre son avis sur des arr^t^s municipaux 76gle- 
mentant la vente du lait ^cr^me. Le maire de Lyon (18 juillet 1896)» et le 



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INFORMATIONS. 921 

maire de Bordeaux (3 novembre 1896), ont pris des arrM6s imposantaux 
marchands, livreurs et debitants qui font le commerce du lait, de placer 
sur cbaque recipient destine a recevoir le lait ^cr^m^ mis en vente, une 
dtiquette fixe, apparente et lisible, portant les mots de : lait 6cr^m6. 

Apr^s discussion, le Gomit6 consultatif a d^ciar6 que le maire tire de 
ses pouvoirs de police, le droit de ne permettre la vente au detail d'une 
denr^e qui a subi une manipulation ayant pour effet d'en alt^rer les qua- 
lit^s essentielles, qu'i la condition que le public soit pr^venu de cette 
manipulation par une annonce sp^ciale sous forme d'^criteau ou d'6tiquette. 
Le maire ne fait alors que prSvenir une fraude qui tombe sous le coup de 
Particle premier de la loi du 27 mars 1851 ou de I'article 423 du Code p6- 
nal, suivant qu'il s'agit d*une denr^e alimentaire ou de tonte autre denr6e 
ou march and ise. 

Du reste, le tribunal de simple police de Bordeaux a reconnu la l^ga- 
\M de Tarr^t^ pris par le maire de cette ville. 

Si les maires de toutes les grandes villes prenaient des arrSt^s ana- 
logues, un grand progr^s serai t fait au point de vue de Thygi^ne. Les en- 
fants, les vieillards et les malades en particulier, en retireraient grand 
b^n^flce. 



Les Services d' Assistance publique de Paris. 

A la suite d'une proposition de M. Ars^ne Lopin et sur le rapport de 
M. L. Acbille, le Gonseil municipal a vot^ le projet de deliberation ci- 
apr^s : 

L'administration est invitee k etudier sur les bases [suivantes la mo- 
dification de la comptabilite et des services administratifs des mairies de 
Paris. 

UnU^ de direction. — En confiant au secretaire chef de bureau de la 
mairie les fonctions remplies acluellement par le secretaire-tr6sorier du 
bureau de bienfaisance. 

UniU de caisse. — La caisse du Bureau de bienfaisance et celle de la 
mairie seront r6unies sous la direction du secretaire chef des bureaux de 
la mairie. 

UniU de personnel. — En rattachant au personnel de la Prefecture de 
la Seine le personnel parliculierement affecte au Bureau de bienfai- 
sance. 

En outre, le Gonseil a vote, sur la proposition de M. Louis Lucipia, la 
proposition suivante, dont les considerants ont ete empruntes au conseil 
superieur de T Assistance publique : 

Le Gonseil, 

Gonsiderant que Tassistance publique est due k ceux qui se trouvent 
temporairement ou definitivement dans Timpossibilite physique de 
pourvoir aux necessites de la vie ; 

Gonsiderant que c*est Tadministration municipale qui pent le mieux 
connaitre ceux qui ont droit aux secours ; 

Gonsiderant que TAssistance publique est d*essence communale,et ce 



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922 REVUE PHIL ANTHROPIQUE. 

sp^cialement k Paris, ou la plus grandesomme de subsides estfournie pa 
la ville de Paris, 

fimet le vobu : 

Que Tad ministration de TAssistance publique de Paris soit communa- 
lis^e. 



Mitablissements partiouliers affeot^s au traitement 
des malades. — Pouvoirs de radministration. 

Le Gonseil d'etat vient de statuer sar une question parliculi&rement 
delicate. U s'agissait de savoir quelle est T^tendue des pouvoirs de police 
d'un maire sur un ^tablissement particulier affects au traitement des ma- 
lades. 

Une demoiselle N... demeurant h, Limoges, re9oit et soigne gratuite- 
ment chez elle un certain nombre de malades. Mais le maire de Limoges 
a pris un arrSt^ lui interdisant de recevoir cbez elle aucune personue 
atteinte de tuberculose ou autre maladie contagieuse. 

La demoiselle N... a d^f6r6 Tarrfit^ municipal au Gonseil d'Etat pour 
exc^s de pouvoir, et au cours de Tinstance le ministre de Tint^rieur, k qui 
TalTaire a 6t6 communiqu^e, a ^mis un avis tendant k Tannulation de cet 
arr6t6. L'avis minist^riel se fondait notamment sur ce que Tadministra- 
tion ne pourrait ezercer aucune surveillance sp^ciale sur un immeuble 
priv^, ou sont recus des malades, et sur ce que les pouvoirs de police 
g'6n^rale du maire ne lui permettent pas de porter atteinte au droit que 
chacun poss^de d'user de sa propri^t^ comme il Tentend. 

Le Gonseil d*£tat a rendu un arr^t duquel il r^sulte que, s'il appartient 
k un maire d'user de ses pouvoirs de police dans le cas ou la requerante 
aurait nlglig^ de prendre les mesnres de precaution n^cessaires, il ne 
pent, sans porter atteinte au droit de propriety, interdire k an particulier 
de recevoir chez lui aucune personne atteinte de tuberculose ou d'autre 
maladie contagieuse. 

L'arr^te du maire de Limoges a done 6t^ annuls. II faut d'ailleurs re- 
marquer qu'au cours d'une enqu^te k laquelle il a ^i6 proc^dS par uii in- 
specteur g^n^ral du service de Thygi^ne publique, il a 61^ recounu que la 
maison de la demoiselle N... a re^u un am^nagement r^pondant aux exi- 
gences de la science et pr^sentant toutes les garanties. 



La R^forme des Expertises m^dico-l^gales. 

A la suite de la condamnation en premiere instauce du D' Laporte, la 
Society de m^decine de Paris a ^tudi^, k la demande d'un de ses membres, 
M. le D' Rougon, les r^formes k apporter aux expertises m^dico-l^gales. 

Sur le rapport de M. le D' Martin-Durr, et apr^s une discussion appro- 
fondie k laquelle ont pris part MM. A. Voisin, Rougon, Millet, Martin-Durr, 
Ladreit de la Gbarri^re, de Ranse et Moran, la Soci^t^ a vote ces conclu- 
sions : 



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INFORMATIONS. 923 

La Society de m^decine de Paris appelle Tattenlion des pouvoirs pu- 
blics et des corps comp^tenls sur les r^formes a apporter aux expertises 
m^dico-legales et leur soumet les vceux suivants : 

1^ Creation d'uo Institut m^dico-16ga] ; 

2<> Contre-expertise dfes le d6but de rinstniction ; 

3® Non-responsabilit^ p6cuniaire des experts; 

4<^ Nomination des mddecins experts par la plus haute personnalit6 
judiciaire du ressort; 

5^ Creation de commissions sup^rieures de contrdle; 

6** Non-fonctionnarisation des m^decins experts. 



Subventions du Gonsell municipal 
aux CEuvres philanthroplques. 

Le Gonseil municipal de Paris a accord^, sur le rapport de ,M. Haoul 
Bompard, au nom de la 5* commission, les subventions suivantes sur le 
budget de 1897 aux oeuvres pbilanthropiques (nous comptons les creches, 
les dispensaires, les soupes populaires, les patronages, les bureaux de 
placement, etc. 

Mutuality maternelle, 5000 francs; allaitement matemel et refuge-ou- 
vroir, 10 000 francs; orphelinat des Arts, 1200 francs; orphelinat de la 
bijouterie, 1000 francs; maison maternelle, 6000 francs; patronage des 
Hb^r^s, iOOO francs; society de patronage des jeunes d6tenus et liber^s, 
500 francs ; les engages volontaires, 1800 francs; OEuvre des lib^r6es de 
Saint-Lazare, 500 francs; h6pital'et dispensaire francais de Londres, 
300 francs; society frangaise de bienfaisance de Londres, 500 francs; asso- 
ciation Yosgieune, 300 francs; association corr^zienne, 200 francs; soci6t6 
parisienne de sauvetage, 300 francs; les secouristes francais, 800 francs; 
society fran^aise de sauvetage, 200 francs ; soci^t6 de secours aux marins 
francais naufrag^s, 200 francs; 6cole et dispensaire dentaires, 1000 francs; 
association V. Hauy, 400 francs ; hdpital des Dames francaises, 1 000 francs; 
CBUvre des loyers de Bercy, 200 francs; oeuvre des loyers du 11'' arrondis- 
sement, 2000 francs; solidarity de Picpus et du Bel- Air, 300 francs; caisse 
des invalides du 14* arrondissement, 200 francs ; oeuvre des loyers du 
16« arrondissement, 1000 francs; oeuvre des loyers du 17* arrondissement, 
3000 francs; denier des veuves et des vieillards, 300 francs; pr6t gratuit, 
3000 francs; pain pour tous, 4500 francs ;asile de nuitMouffelard, 300 fr.; 
pr^t gratuit de couvertures du 2' arrondissement, 200 francs; prSt gratuit 
de couvertures du 3« arrondissement, 300 francs; oeuvre des couvertures 
du 1" arrondissement, 200 francs; vestiaire de Montmartre, 1000 francs; 
visiteurs des pauvres, 200 francs; soci^t^ du mariage civil, iOOO francs; 
total : 50900 francs. 



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924 REVLE PHILANTHROPIQUE. 

Socl6t6 protectrice de TEnfance. 

ASSEMBL^E GJ^N^RALE DU 13 MARS 1898 

L'Assembl^e g^n^rale annuelle de la Soci6t6 protectrice de TEnfance a 
eu lieu le 13 mars, k 2 beures, dans la salle de la Soci^t^des Agriculteurs 
de France, 8, rue d'Athdnes. 

M. Stephen Li6geard, ancien d^put^, president de la Soci^t6 nationale 
d'Euconragement au Bten, qui avait consenti k accepter la pr^sidence 
d'honneur, avait, k ses cdt^s, M. le D' Gouraud, president de la Soci6t6 
protectrice de Tenfance; MM. Bertin et le D** Sevestre, vice-presidents; le 
D' Blache, secretaire g6n6ral ; les docteurs J. Bergerou, B^clfere, Derocq, 
Gallois,Herard, Leroux, Porak, Riocreux, Variot, Voisin(Aug.); MM.Carlier, 
tr^sorier de la Soci6t6, Andr^, E. Bezan^on, Mansais, Georges Picot, M. le 
D*" Georges Petit. 

M. le D** Gouraud, president, a prononc^ une allocution fort applaudie. 
Apr^s avoir rappel6 tout le bien fait par TCEuvre, il a exprim6 Tespoir 
que la Society protectrice de Tenfaiice pourrait, grdce k une loi vot^e aux 
premieres deliberations par le Senat, intervenir d'ofQce pour poursuivre. 
les parents indignes qui martyrisent leurs enfants. 

La fin de son allocution a ete trfes ecoutee et a vivement impressionne 
FAssembiee. Voici en quels termes M. le D' Gouraud a termine cette eio- 
quente allocution : 

« Yous le voyez, Mesdames et Messieurs, les circonstances sont solen- 
nelles et passionnent si vivement Topinion publique que nos legislateurs 
s'en sont emus; lis out voulu etablir une egale justice entre le crime et le 
chAtiment et rendre plus rigoureuseune loi qui n'autorisait qu'une repres- 
sion sans vertu, au prix de Tattentat qu'elle devait punir. 

« Encore une fois, le mouvement d'opinion dont nous avons pris Tini- 
tiative a porte ses fruits. G'est avec joie que je vous annonce la grande 
reforme qui vient d'etre vot6e par le Parlement; la voix vengeresse qui 
avait dej& ete favorablement entendue au Palais-Bourbon vient d* avoir son 
echo au Luxembourg et le vole du 10 mars 1898 inaugure une ere 'nou- 
velle, qui permetlra k la Societe protectrice de Tenfance de faire entifere- 
ment son devoir et de rendre son action charitable. 

« Tons, nous souvenant que nous sommes Fran(^ais, c*est-i-dire les 
defenseurs des faibles et des persecutes, nous pourrons, maintenant, sau- 
ver les petits enfants de France qui, sans nous, seraient devenus des 
martyrs. » 

M. Stephen Liegeard aprononce un eloquent discours frequemment in- 
terrompu par les applaudissements, dans lequel il a rappeie la necessite de 
proteger les petits qui naissent dans des families depourvues de tout et 
dont le chef chdme trop souvent. 

M. le D' Blache, secretaire general, qui a pris ensuite la parole, a rap- 
peie eu termes emus le souvenir des membres de la Societe qui ont peri, 
victime de leur devouement, dans la terrible catastrophe du Bazar de la 
Charite, de tous les autres membres et des medecins inspecteurs morts 



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INFORMATIONS. 925 

dans le courant de Fannie et il a faitdes yqbux pour que les vides soient 
combl^s ail plus tdt par de nouveaux adh^reuts, car Je nombre des mi- 
s^res k soulager d^passe encore de beaucoup les ressoarces de la Soci^t^. 

En 1897, la Soci^l^ a distribn6 3 947 secours repr^sentant nne somme 
de plus de 34000 francs. 

Les dons fails a la Soci6t^ par M. le ministre de rint^rienr, le Gonseil 
g^n^ral de la Seine, le Gonseil municipal de Paris, par des ^tablissements 
divers et par de» particuliers ont contribu^ k sauver un grand nombre 
d'existences de pauvres enfants. 

M. Blache oxprime toute sa gratitude aux dames qui se d^vouent k la 
Soci^t6 en fabriquant des layettes pour les petits d^sh^rit^s, Pr&s de 7000 
pieces de layettes ont ^t^ confectionn^es sp6cialement pour les prot^g^s 
de la Soci^t^. On nesaurait trop admirer ce bel ezemplede solidarity form^ 
par ces dames el demoiselles qui, outre leur argent, ont donnS leur tra- 
vail et leur temps, c'est-Ji-dire leur coeur lout en tier. 

Ce sont tons ces d^vouements qui ont valu k la Soci6t6 le dipldme 
d'honneur qu'elle a obtenu, en 1897, k FExposition de Bruxelles. 

M. earlier, secretaire g^n^ral de la Compagnie du chemin de fer d*Or- 
l^ans, tr^sorier de la Soci^t^, a rendu comple de sa geslion flnanci^re. 

M. le D' P. Gallois a communique les travaux des m6decins-inspectetirs 
de la Society; il a fait ressorlir le z^le et le d^vouement de ces collabora- 
te urs qui, par charity et par humanity, acceptent de surveiller gratuile- 
ment tons les nourrissons places dans leurs circonscriptions. 

Les principaux laur^ats de cette ann6e sont les suivants : 

MM. les docleurs Grosjean, de Montmirail (Marne), nomm^ membre 
honoraire; Bauzon, de Ghalon-sur-Sadne, qui a obtenu la m^daille d'or; 
MM. Barth^s, de Ghartres, Girat, de Neuvy Saint-S6pulcre (Indre), mSdailles 
de vermeil. 

MM.Duponl, de Nogenl-sur-Vemisson (Loiret), Laurent, de Saint-Saulge 
(Ni^vre); Sulils, de la Ghapelle-la-Reine (Seine-et-Marne), m^dailles d'ar- 
gent. 

II a ete decern^ en outre 4 m^dailies de bronze et de nombreux rap- 
pels de m^dailies. 

M. le D' L^on Derecq, m^decin en chef du dispensaire de TCEuvre des 
enfants tuberculeux, a proclam6 ensuite la lisle des recompenses p^cu- 
niaires accord6es aux mhres nourrices. II a fait ressorlir les m^rites de la 
femme du peuple qui, avec un budget d^risoire, arrive k Clever une fa- 
mille souvent nombreuse, par des prodiges d*ingeniosiie et d'Sconomie et 
qui, malgre ses lourdes charges, n'h^site pas k adopter des orphelins. « On 
etaitdix d4j3i; lafamille augmente, voili tout! » 

II a eie accords 4 prix de 100 francs k M»«» Maureau, Raffel, 
Boulillier et Brandin, et 31 prix de 50 francs; ces 35 m^res nourrices ont 
eu 328 enfants, sur lesquels 260 sont actuellement vivants. 



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9K REVUE PHILANTIIROPIQUE. 



Institution iwltomle des Jeunes Aveugles. 

(PARIS — BOULEVARD DBS CCVAUBtt, 36) 

L'lnstitution nalionale des Jeuoes Aveugles de Paris, qui a ^U fondle 
en 1784 par Tillustre Valentin HaQy, est la premiere ^cole d*aTQ«xgles qui 
ait exist^ dans le monde. 

Les vicissitudes qu'elle eut a subir pendant ses cinquante premieres 
amines anten^rent pour elle six collocations diff^rentes, toutes insufflsantes, 
quelqnes-unes d^plorables a cause du contact qu'elles ^lablissaient. Enfin, 
une lol du 18 juillet 1838 statua T^rection des bAtiments sp^ciaux ou I'ln- 
stitution a^t^ transf^r^e le 9 novembre 1843. 

L'Etablissement, bdti par Tarchilecte Philippon, occupe un rectangle 
d'une superiicie de 11800 metres, dont 3 500 occup^s par des construc- 
tions. II est serti dans un cadre form6 par le boulevard des Invalides, la 
rue de Sevres, la rue Duroc et la rue Masseran. Au milieu de la cour d*en- 
tr^e s*^16ve un groupe, ceuvre de Badiou, qui repr^sente le fondateur de 
TEcole exp^rimeutant ses proc^d^s sur le jeune Le Sueur. Le fronton de 
r^difice, dii au ciseau de JoufTroy, figure Hauy, inspire par la Charity, 
pr^sidant aux travaux d'enfants aveugles. Les constructions se composent 
d'un bdtiment central destine aux services g^n^rauz et de deux ailes lat6- 
rales sym^triquement oppos^es; celle de droite attribute aux garcons, celie 
de gauche r^serv^e aux filles. 

Deux pavilions distincts, qui occupent ensemble une superiicie de 
640 metres, sont affect^s au logement des professeurs. Le rez-de-chauss^e 
de ces pavilions forme, dans chaque quartier, un vaste pr^au convert dans 
lequel les ^ISves prennent leurs recreations en casde mauvais temps. 

La chapelle et la salle des exercices publics embrassent le premier et 
le deuxi^me etage du corps central de T^difice et peuvent ^tre r^unies ou 
s^par^es au moyen de grandes portieres. Le chocur et la coupole de la cha- 
pelle ont ete peints par Lehmann. 

Les locaux sont distribu^s avec entente et largement a^r^s; les classes, 
(Etudes, ateliers, r^fectoires, dortoirs et infirmeries sont bien emm^nages 
et chauff^s par des calorif^res k eau et k air. 

Liu vaste pr6au d^couvert, plants en quiuconce, est attenanl a chaque 
quartier. 

Une salle de bains contenant trente baignoires et les appareils k dou- 
ches permet de faire baiguer les ei^ves au moins une fois tous les quinze 
jours. 

Ind^pendamment de Torgue d*eiude k deux claviers manuels, un cla- 
vier p^desire et un syst^me k p^dales, qui se trouve dans chacun des quar- 
tiers, un grand orgue construit par la maisonGavaill6-Goll etquicomprend 
trente-six jeux, trois claviers k mains et un syst^me k p^dale est plac^ 
dans la salle des exercices publics. II sert pour les Eludes sup^rieures 
pour le culte et pour les auditions. 

II y a dans le quartier des garcons un atelier de tournage sur bois, un 
atelier de fileterie, uu atelier de cannage et d'empaillage de si^ges et un 
atelier d'accordage et entretien des pianos. 



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INFORMATIONS. 927 

Dans le quartier des jeunes filles, il existe on dfelier de fileterie et de 
travaux de fantaisie (tricot, crochet, etc). 

I /Institution poss^de aiissi ane imprimerie sp^ciale dans laquelle on 
6dite un tr^s grand nomlire d'onvrages (litt^raturo ou musique) k Tusage 
des avengles. On en tronve le catalogue k Tl^lconomat de T^tablissement. 

La bibliothk[ue de Tlnstitution se compose de 250 volumes en relief et 
de 1 600 volumes k Tusage d^s voyants. 

L'institution re<^oit 150 gargons et 80 jeunes filles; elle relive directe- 
roent du minist^re de rint6rieur. '^ 

Le directeur a sous son auiorit^, pour la surveillance de T^ducation et 
de Tenseignement, dans le quartier des gargons, un censeur; et, dans le 
quartier des jeunes flUes, une institutrice. 

Un aumdnier est charge du service et de Tenseignement religieux. Des 
mesures soot prises, de concert avec les families, pour rinstruction reli- 
gieuse des enfants appartenant anx cultes non catholiques reconnus par 

II y a pour le service de sant6 un m^decin et un dentiste ordinaires, des 
mMecins, un oculiste et un chirurgien consultants. 

Les ^l^ves sont admis de dix k treize ans. 

La dur^e du cours d'^tudesest de huit anuses pour les ^l^ves musiciens 
etde cinq ann^es pour les ^l^ves qui ne peuvent apprendre qu'une profes- 
sion manuelle. 

Le prix de la pension est de 1 200 francs, 

Des bourses sont entretenues dans T^tablissement sur lesfonds de TEtat 
et sur ceux des d^partements. Ges bourses sont diyisibles. 

Une somme de 320 francs doit Hre vers^e, k Tentr^e de I'^l^ve, pour la 
fourniture de son trousseau et son entretien pendant toute la dur^e des 
etudes. 

L'institution, k la fois ^cole secondaire et 4cole professionnelle, donne 
k ses ^ISves, avec les soins spdciaux d*^ducation que n^cessile leur itat, 
les connaissances qui ^l^ventla pens^e et m(irlssent la raison, el un metier 
ou une profession qui doit les rendre ind^pendants. Elle est encore 6cole 
normale pour la formation de ses professeurs, k qui elle confdre les 
grades. 

Outre Le Sueur, qui fut le premier ^l^ve d'HaOy, Fournier, qui fut son 
collaborateur le plus dislingu^, Braille, qui compl6ta son oeuvre en inven- 
tant r^crilure en points saillanls, d'autres aveugles, 61ev6s k Tlnstitution, 
t>nt acquis une honorable notori^t^; Rodenbach exerga en Belgique, de 
1862 k 1869, ann^e de sa mort, le double mandat de bourgraestre et de 
d6put^; Penjon, laur^at du grand concours, chevalier de la Legion d'hon- 
neur, fut professeur de math^matiques au lyc6e d'Angers; Mental se dis- 
tingua comme facteur de pianos, et les perfectionnements qu'il apporta 
dans son Industrie lui valurent la decoration de la Legion d'honneur ; 
Foucaud, m^canicien habile, inventa divers appareils pour faciliter la cor- 
respondance 6pi8tolaire entre les aveugles et les voyants ; Gauthier, Rous- 
sel et Lebel, professeurs ^ I'lnstitution, ont laiss^ des compositions musi- 
cales sacr6es et profanes d*nne grande valeur. 

Dans un ordre moins 61evd, mais qui tSmoigne aussi hautement du 



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928 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

bienfait de rinstruction donni^e anx aveugles, se trouvent les nombreux 
oavriers et artistes sortis de Tlnstitution et rendus par elle k la vie utile et 
ind6pendante. Les 6Uves qui n'ont pu que faire Tapprentissage d'un me- 
tier, Tont g^n^raleraent I'exercer dans leur famille ; ceux qui, plus heu- 
reusemeut dou^s, ontpu apprendre Taccord des pianos ou faire ieurs etudes 
musicales, sont places comme accordeurs, professeurs de musique ou or- 
ganistes. On oblient pour les' jeunes (llles aveiigles musicieunes des places 
dans les communaut^s religieuses, dans les ouvroirs et dans les pension- 
nats et ^coles laiques. 

L'accord des pianos fait actuetlement yivre fort honorable men t plus de 
deux cents anciens ^l^ves; quelques-uns m6me dirigent une maison de 
vente oude facture de pianos. 

Dix-sept ^glises importantes de Paris ont en ou ont encore des orga- 
nistes formes k Tlnstitution. Un nombre considerable d'^glises, cath^drales 
ou paroissiales des d^partements ou de T^tranger ont pour organistes 
d'anciens ^l^ves de Tlnstitution qui sont tr^s estim^s comme professeurs 
de musique. 

Les r^sultats brillants que Ton pent constater dans les exercices publics 
et les succ^s r6cents obtenus au Conservatoire oh deux 61^yes de cet ^ta- 
blissement ont obtenu, en 1886 et en 1888, les premiers prix de la classe 
d'orgue, attestent que Tlnstitution Nationale marche rapidement dans la 
voie du progr^s. 



Aoole professionnelle indigene pour la fabrioatton 
des tapis. 

L'Ecole professsionnelle indigene pour la fabrication des tapis a ^16 
fondle k Alger, en novembre 1895, par M"' Delfau. 

Elle a eu pour but : la renovation d'une Industrie qui tendait k dispa- 
rattre, et qui avait ete jusqu'alors la seule occupation lucrative de la 
femme indigene, elle seule pouvant s'y adonner utilement. 

Les debuts eurent lieu avec quatre femmes de la province d'Alger: one 
d'Alger et les trois autres des environs d'Orieansville. Quelques jours 
apr^s arrivaient et s*iostaIlaient deux femmes kabyles de Fort-National. 

Au bout de quatre mois, ces femmes, devenues ouvri^res, retoumaient 
dans leur tribu, et faisaient place k huit femmes de la Bousariah, d^par- 
tement d'Alger. Puis six femmes kabyles, dont deux femmes et quatre 
petites fiUes, venaient augmenter ce nombre. EUes rest^rent toutes jns- 
qa*k la fin de Tannee. 

Les femmes de la Bouzariah rest^rent beaucoup plus longtemps que 
les autres pour deux raisons : elles travailierent tr^s pen pendant la 
periode de Rhamadan, et comme elles demeuraient tout pr^s d'Alger, on 
perfectionna leur Industrie, pour avoir, en cas de besoin, des monitrices 
sous la main. 

La deuxi^me ann^e debuia avec 4 femmes des environs de Biskra et de 
Gonstantine et 8 petites filles d'Alger. Puis vinrent 3 femmes de Tiaret, 



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INFORMATIONS. 929 

(d^partement d'Oran) et 5 d* Alger. II resta en ce moment k TEcole pro- 
fessionnelle 6 femmes kabyles, 4 femmes ei 12 petites tilles d' Alger. 

Les femmes seules sont plac^es en face des metiers. Les petites filles 
ont une salle k part ; elles y sont occupies k preparer la^laine qui doit 
servir an tissage. Entre temps et deux fois par jour, la sous-directrice, 
M"^** Dugeuet, leur donue des iegons de choses, et leur fait aimer la France 
et les Fran^ais. Deux jours par semaine, elles consent et brodent des T6te- 
ments qui leur sont destines. Tons les soirs on leur apprend k lire. 



Le Service des Enfants assistes de la Haute-Qaronne. 

Le d^partement de la Haute-Garonnecomprenait, au 31 d^cembre 1896 : 

Enfants trouv6s : gardens 56 

— filles 59 

Enfants abandonn6s : gardens 296 

— filles 261 

Orphelins : gardens 70 

— filles 33 

Moralement abandonn6s : gardens 52 

— filles 37 

Total seT 

11 ressort des tableaux du mouvement que pendant I'ann^e 986 enfanls 
ont 61^ hospitalises, 712 ont ^t^ secourus temporairement, soil au total 
1,698 enfants qui ont b^n^flcie de TAssistance poblique pendant Tan- 
n€e 1896. 

M. le docteur Lanti^, iospecteur du service, expose dans son rapport 
annuel la situation des enfants k lait; elle ne paratt pas tr^s satisfaisante : 

i( J'ai dA placer, ^crit-il, au biberon la majeure partie des pupilles, en 
raison de la p^nurie de nourricesau sein, et s'il est difficile de trouverdes 
nourrices au sein, c'est k cause du prix de pension pay6 par TAdministra- 
tion, qui n*^st que de 18 francs, et moyennant lequel il est tr^s difficile, 
sinon impossible, de trouver one bonne nourrice. Le chiffre des d^cfts 
n'augmente pas cependant; il a ^t^ de 74 en 1896, dont 43 se sont pro- 
doits k la campagne et 31 k la creche. 

« Je ne contesterai cependant pas la superiority de Tailaitementau sein, 
et si la proportion des d^cfes n'augmenle pas, bien que les enfants soieot 
eiev^s au biberon, la cause m'en parait facile k determiner. Les nourrices 
au sein qui demandent des enfants assistes sont en general pauvresjet pre- 
sentent un lait dej& vieux, d'oi!i il decoole qu'avantla periode de sevrage 
de Tenfant le lait de la nourrice devient insufOsant, soit au point de vue 
de la quantite, soit au point de vue de la valeur alimentaire ; de plus, il en 
coi]lte a une nourrice qui a pris un enfant pour 6tre eieve au sein de se re- 
soudre, vu I'insuffisance de son lait, k acheter du lait pour conduire Ten- 
fant jusqu'au sevrage par Tallaitement mixte. 

u En resume, si Tallaitement an biberon ne parait pas plusmeurtrier 

REVUB PHU.AirrHROFlQUE. — II. 59 



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930 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

pour les pupilles que I'allaitement au sein, c'est parce que la comparaUou 
s'^tablit en regard de nourrices au seia de m^iocre valeur. » 

Le nombre des enfants moralement abandonn^s etaitde89; il s'est 
augments au cours de Fannie 1898. 

Les d^penses ont^W en 1896, pour ces deux categories de pupilles, de 
fr. 164 477 fr. 96. Sur cette somme, la part des secours temporaires a et6 
de 61 553 fr. 62 

M. le docteur Lanti^ n*a pas dissimui^ au Gonseil g^n^ral de la Haute- 
Garonne que Teffectif des enfants moralement abandonn^s ^talt en vote 
d'accroissement ; il s'exprime ainsi : 

a II n'y a pas lieu de s'efTrayer de Taugmentatiou du nombre des mo- 
ralement abandonn^s admis dans le service, car la question Qnanci^re me 
paralt bien secondaire en presence du devoir social impost par la loi du 
24 juillet 1889 en faveur de ce contingent d'enfants legitimes ou iiaturels 
que la maladie, la disparition momentan^e ou dSflnitive de leurs parents, 
leur negligence et leurs vices laissent sur le pav^ en proie k la misire, 
dont les consequences fatales sont trop souvent la prostitution et la crimi- 
nality. 



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ECHOS 



Visite du President de la RApabliqae k I'tiScole de mddeoine et k 
rii6pital du Val-de-Gr&ce. — Le President de la Republique, accom- 
pagn^ du g^n^ral Billot, ministre de la guerre, et du general Hagron, de 
M. Le Gall et des commandants Lamy et Meaux Saint-Marc, s'est rendu au 
Val-de-Grdce, dont il a visits Vhdpital et Vdcole. — M. Felix Faure a quitte 
rflys^e a neuf heures et deraie, en landau decouvert. Le g^n^ral Zurlinden, 
gouverneur militaire 'de Paris, entour^ des m6decins-inspecteurs Dieu et 
Mathieu, du m^decin en chef Madamet, de Torficier principal Sauvant et 
de Taumdnier Sihossier, Ta re^u dans la cour de Tecole. Apr^s que 
M. Mathieu, medecin-inspecteur et directeur de I'^cole, lui eut presents les 
ofllciers du Val-de-Gr4ce, le president de la Republique a commence la 
visile de Th^pital. II a traverse success! vement deux salles con tenant des 
blesses, une salle de fievreux, une salle de contagieux. Plusieurs fois 11 
s'est arr^te devant les lits des blesses, adressant k ceux-ci quelques pa- 
roles d'encouragement. Aux cuisines, le president a goiU6 la soupe du 
matin; k la buanderie, il s'est fait expliquer le fonctionnement des appa- 
reils mecaniques; dans T^cole, il a adress^ ses felicitations aux officiers, 
professeurs ou 6l^ves. Avant de quitter le Val-de-Grdce, M. F^lix Faure a 
Yisil^UQ coin curieux du vieii etablissement, une salle qu'on pretend his- 
toriqoe et qu'on appelle la chambre d'Anne d'Autriche. C'est 1^, dit la 
Mgende, qu^ T^pouse de Louis XIII recevait mysterieusement le c^l^bre 
Buckingham. Un grand portrait de la reine orne cetle chambre, ou les 
visi tears ne p^n^lrent que rarement. 

Mort de M'"^ TMophile Roussel. — M. Theophile Houssel, le 
grand et v^nerd philanthrope, a ^16 cruellement frapp^ dans ses affections 
les plus chores; il a perdu sa fiddle et vaillante compagne. 

Nous adressons au president de comity de patronage de la Revue Phi- 
lantkrapique nos plus respectueuses et plus profondes condoleances. 

La Tuberculose 4 TAoaddmie des Sciences. — A la suite de Ja belle 
communication de M. Brouardel sur le logement insalubre, q\m nous 



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932 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

avons reproduite, rAcad^mie des sciences, a cbarg^ uoe commission de 
Fexamen dcs questions relatives k la toberculose et aux habitations insa- 
lubres. 

Cetle commission est form^e des deux secretaires perp^tuels, de 
MM. Potain, Bouchard, Marez, Guyon, d'Arsonval, Lannelongue, Brouardel, 
de Freycinet, de Jonqui^res, Chauveau, Duclanx et Armand Gautier. 

M. le docteur Pierre Badin. — « M. le docteur P. Budin, bien connu 
non seulement comme accoucheur, mais aussi comme p^diatre, par les 
services qu'il a rendus aux nourrissons en perfectionnant et vulgarisant la 
st^rilisfition du lait, vient d'etre d^sign^, d la presque unanimity de ses 
collogues, pour occuper la chaire de clinique obst^tricale vacante par la 
mort de Tarnier. La Faculty ne pouvait donner k ce grand homme de 
science et de bien un successeur plus digne. » Ainsi s'expriment les 
Archives de medecinedes Enfants, n^ 4, avril 1898. 

Nous sommes heureux de nous associer k ces ^loges et de nous r^jouir 
de la nomination — tardive et m^rit^e — de M. le professeur Pierre Budin, 
notre savant collaborateur et ami. 

L'CEuvre des Bnfants taberculeux. — L'Assembl^e g^n^rale de 
rOEuvre des enfants tuberculeux s'est tenue le dimanche 6 f4vrier dans la 
salle des Agriculteurs de France. 

La stance s'est ouverte k 2 heures et demie, sous la pr^sidence de 
M. Georges Picot, secretaire perp^tuel de TAcad^mie des Sciences morales 
et politiques. A la tribune avaient pris place MM. les docteurs H^rard, 
Blache, Leon-Petit, Bucquoy, Derecq, Vaquier, Georges Petit, M. Gautrelel, 
membres du comit6 medical. 

MM. le comte d'Ayguesvives, Cottreau; M"«« la marquise de Moustier, 
la comtesse de la Vitlestreux, membres du Conseil d'administration. Dans 
la salle le Comite des dames patronesses etait represents par M"'*' Thion 
de la Chaume, Reynier, LSon-Petit, Duboys de la Vigerie, Derecq, Desprez, 
Kuntzelmann, etc. 

L'ordre du jour comportait une allocution de M. le D' HSrard, un dis- 
cours de M. Georges Picot, le compte rendu financier dc M. le comte 
d'Ayguesvives, le rapport du D*" L^on-Petil, secretaire general. 

L'assembiee, k Tunanimite, a nomme les membres du Conseil d'admini- 
stration pour une periode de quatre annSes, k dater du !•' mars 1898, 
M"'^ la marquise de Moustier, M. le D*" Leon-Petit, membres sortants reeii- 
gibles, M. Georges Picot, secretaire perpetuel de TAcademie des Sciences 
morales et politiques en remplacement de M. Boinviiiiers, decede. 

Recompenses d^cemdes k 1^ Association des Dames Fran^aises. 

— L' Association a pris part k huit Expositions. Nice, 4884, internationale, 
dipl6me d'honneur ; Rouen, 1884, regionale, dipl6me d'honneur; Beauvais, 
1885, regionale, dipl6me d'honneur; Anvers, 1885, universelle, dipl6me 
d'honneur; Boulogne, 1887, de la ville, dipldme d'honneur; LeHdvre, 1887, 
regionale, dipl6me d'honneur; Paris, 1889, universelle. Grand Prix; Chi- 
cago, 1894, dipl6me et medaille. 



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feCIIOS. 933 

M^daille de la Soci^t^ d'encoara^ement an bien. 

Croix du gouvemement de Bulgarie, en reconnaissance des services 
rendas pendanl la guerre entre la Bulgarie et la Serbie. 

M6daille de reconnaissance de la Soci^t^ nationale de Tir, pour les 
soins donnas aux malades sous les tentes au camp de Satory, 1892. 

Qaatri^me Gongr^s pour T^tude de la Tuberculose. — Le qua- 
tri^me Congrfes pour T^tude de la tuberculose aura lieu, k la Faculty de 
m^decine du 27 juillet au 2 aoAt 4898, sous la pr^sidence de M. le pro- 
fesseur Nocard (d'Alfort), et la vice-preside nee de M. le docteur H^rard. 

Voici la liste des questions raises k Tordre du jour : 

!<• Des sanatoria comme moyens de prophylaxie et de traitement de la 
tuberculose; rapporteurs : MM. les docteurs Le Gendre, Neller et Thoinot. 

2<> Des scrums et des toxines dans le traitement de la tuberculose; 
rapporteurs : MM. les professeurs Landouzy et Maragliano. 

3** Des rayons X (radioscopie et radiographic) dans la tuberdulose ; rap- 
porteurs : MM. les docteurs Berleri, Claude et Tissier. 

3® his Des rayons X dans le traitement de la tuberculose ; rapporteurs : 
MM. les professeurs Bergenia, de Bordeaux, et Lortet, de Lyon. 

4° La lutte centre la tuberculose animale par la prophylaxie ; rappor- 
teur : M. le professeur Bang, de Copenhague. 

5*> La lutte centre la tuberculose humaine par la desinfection des locaux 
habitus par lestuberculeux; rapporteur : M. le docteur A. -J. Martin. 

6^ De la propagation de la tuberculose dans I'arm^e et de sa prophylaxie , 
rapporteur : M. le jprofesseur Vallin. 

7° Questions diverses au choix des membres du Congrfes. 

Pour cea questions, le Comil6 d'organisation appelle Tattention sur 
qnelques-unes d'entre elles, parmi lesquelles nous citerons celles-ci : 

De la contagion de la tuberculose par le lait et la viande (faits authen- 
tiques) et des moyens del'^viter. En particulier, des moyens pratiqiies d'ob- 
tenir le lait sterilise et d'eng^n^raliser Temploi excessif. 

De la sterilisation des viandes provenant d'animaux iuberculeux. 

De la cure d'alfcitude et de la cure marine de la phlisie. 

Les demandes d'adh6sion et de billets de chemin de fer doivent etre 
adress6es (avant le 1*' juillet) h M. Masson, tr6sorier du Congres, 120, bou- 
levard Saint-Germain. 

Pri^re d'adresser tout ce qui concerne les communications du Congr6s 
k M. le docteur L.-H. Petit, secretaire general k Menton (Alpes-Mari times). 

Le Patronafi^e des Lib^r^s. — M. Barthou, ministre de Tlnterieur, a 
preside, le 31 mars, Tassembiee annuelle de la Societe generate pour le 
patronage des liberes. 

M. Berenger, senaleur, qui est le president de cette oeuvre depuis de 
longues annees, en a expose le but et le fonctiounement. II a insiste par- 
ticulierement sur les difficuRes que non seulement les Iiber6s, mais mfime 
les personnes ayant sur leur easier judiciaire une simple condamnation k 
Tamende, rencontrent lorsqu'il s'agit pour eux de trouver un emploi. 

La Societe de patronage, lors de sa fondation, en 1870, assista seule- 



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034 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

ment unc cinquantalne de liber es. Elle en a aid^ plus de 4000 au cours 
de rann6e demi^re. 

M. Barthou, en quelques mots, a f61icit6 la 6oci6l6 et son president. 

<( J'aurais manqu^, dit-il, h. un devoir et ^ nn plaisir en ne saisissanl pas 
cette occasion d'af firmer ^ voire president la sympathie que nous avons 
pour lui et pour Toeuvre qu^il preside. » 

« M. Berenger est, dans ce pays, k la l^te de toutes les belles et nobles 
initiatives. 11 vient de vous exposer j^loquemment les services rendus par 
votre Soci6t6 et vous a dit ce qu'on attend d'elle encore. Je ne saurais 
mieux dire. 

<c 11 est en effet des condamnations qui ne doivent pas entrainer un per- 
p^tueld^shonneur. Certains repentirs doivent 6tre encourages, car souvent, 
les fautes ponies ne sont que des p^ch^s vlniels, ou des p^ch^sdejeunesse, 
11 faut done les oublier et en faire disparattre les consequences, par la 
rehabilitation judiciaire et par la rehabilitation morale. 

« C*est Toeuvre excellente que vous accomplissez. Je vous en feiicite au 
nom du gonvornement dont la sympathie vous est acquise et dont la solli- 
cilude ne vous fera pas defaut. n 

Assembl^e g6n6rale de rOrphellnat de la Seine. — Le dimanche 
3 avril a eu lieu, dans le grand amphitheatre de la nouvelle Sorbonne. 
TAssembiee generate annuelle dela Societe de TOrphelinat de la Seine, sous 
la presidence de M. Jules Claretie. 

M. Gaufres, president de Toeuvre fondee au lendemain de 1870-71, a 
donne lecture du rapport sur la situation de la societe qui comptait, au 
31 decembre 1897, 1 042 membres eta 165 pupilles presents iForphelinat ; 
102 eieves, gar^ons et fiUes, et 63 apprentis, filles et gar^ons. 

Une exposition des specimens des travaux des apprentis accompagnait 
la distribution des recompenses aux orphelins, et Texcellente musique de 
recole d'artillerie de Vincennes, dirigee par M. Ad. Blin, executait des 
morceaux pendant la ceremonie, terminee par la Marseillaise. 

Aprfes le rapport tres interessant de M. Gaufres, M. Jules Claretie a 
prononce une allocution chaleureusement applaudie. 

I<a Maison de travail de la rue Fessart. — M. Laurent, secretaire 
general de la Prefecture de police, a inaugure le 30 mars, aux lieu et place 
de M. Barthou, ministre de llnterieur, empeche, les nouveaux locaux de 
la maison ouvriere de la rue Fessart. 

Les ateliers, inslalies depuis 1891 pour la fabrication des margottins, 
etaient assez defectueux. Grftce k des dons genereux, Toeuvre de TAssis- 
tance par le travail, fondee par le pasteur Robin, a pu restaurer I'etablis- 
sement, qui comprend : au rez-de-chaussee, un atelier pour 75 ouvriers, 
un refectoireet une buanderie; au premier etage, un dortoir de quarante 
lits et des lavabos. 

L'inauguration a eu lieu en presence [de WA. Maurice Sibille, depute et 
president de Toeuvre, de M. le pasteur Robin et de M. Mallet. M. Laurent 
a prononce une allocution applaudie et a remis les palmes d'officier d'Aca- 
demie k M. Mallet. 



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feCHOS. 935 

L'CEavre parlsienne des bains-douches. — Plusieurs philanthropes 
et hygi6nistes, MM. A.-E. Hausser, doctear Ghaslin, William Hausser, 
Honzeau et Escuyer ont r^soln de constituer, dans une reunion tenue au 
Mas^e social sous la pr^sidence de M. Jules Siegfried, s6nateor, une soci6t6 
parisienne de bains-douches k 20 centimes (savon compris) . 

Une conference a 6i6 faite le 10 mars, sous la pr^sidence de M. le 
docteur Brouardel, par M. Charles Cazalet, ancien adjoint au maire de 
Bordeaux, sur les bains-douches k Bordeaux et d'ailleurs. 

Le Patronafi^e des Jeunes Adultes liMr^s. — M. Milliard, garde des 
sceaux, a preside le dimaoche 20 mars, dans la salle des conferences de 
rUnion des femmes de France, rue de la Ghauss^e-d'Antin, Tassembiee 
generate de la Society de patronage des jeunes adultes lib^r^s. 

Apr^s une allocution de M. Charles Petit, conseiller k la Cour de cas- 
sation, MM. Paul Bailli&re, secretaire general, et Adolphe D^my, tr^sorier, 
ont donne lecture de leurs rapports sur la situation de Tassociation. Le 
garde des sceaux a pris ensuite la parole. II a feiicite les societaires de 
I'oeuvre de regeneration qu'ils ont entreprise. 

LlJnion d^assistanoe par le travail da VI<* arrondissement. — 

L'assembiee generale annuelle de TUnion d'assistance par le travail du 
marche Saint-Germain a eu lieu le dimanche, 6 mars, k la mairie de 
Saint-Sulpice, sous la presideace de M. Levasseur, membre de Tlnstitut, 
reminent economiste qui rempla^a comme president de cette tr^s interes- 
sante association M. Jules Simon. 

Le but de I'oeuvre est d'abord explique par M. A. Trezel, docteur en 
droit et avocat k la Cour de cassation; la societe, dit-il, combat la mendi- 
cite professionnelle en remplacant Taumdne par le bon de travail, et 
reieve, encourage les travailleurs victimes du ch6mage. Elle revolt, k cet 
effet, dans ses ateliers les individus valides de tout Paris, leur assure sub- 
sistance et logement. Depuis sa fondation, en 1892, TUnion a assiste 
3166 travailleurs et les a tires de la mis^re dans la proportion de 
82 p. 100. 

Les Secouristes fran^ais. — La Societe des secouristes francais et 
des inflrmiers volontaires a tenu, le dimanche, 6 mars, k deux heures, 
dans le grand amphitheatre de la Sorbonne, son assembiee annaelle. Le 
ministre de I'lnterieur, M. Barthou, devait la presider; mais, empeche au 
dernier moment, il s'est fait representer parle prefet de police, M. Charles 
Blanc. Un chceur et une musique militaire rehaussaient Tedat de cette 
ceremonie. Apr^s Texecution de la Marseillaise, le prefet de police a pro- 
nonce une allocution dans laquelle il s'est feiicite, lui, vieil ami de la 
societe, de representer aupr&s d'elle M. Louis Barthou. II a rappeie que 
Toeuvre humanitaire et patriotique de cette assemble s*est affirmee par 
cinq ans d'eiforts. II a annonce que le president de la Republique venait 
de signer le decret qui reconnatt d'utilite publique la Societe des secou- 
ristes francais . 

Apres avoir affirme que Paris ratiflerait sans reserve le decret du pre- 



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REVUE PHILANTHROPIQUE. 

[ui donne UDe coos^cration officielle k\em Ligue saiate des cheva- 
prompt secours », il a termini en disant que la reconnaissance 

isiens ^crira sur le drapeau de la soci^t^ : « D^sint^ressement, 

8 et courage ». 

3 allocution a 6t^ accuelllie par de vifs applaudissements. On a 
ensuite k la distribution des recompenses. 

osition au profit de la Ligrue fk*aternelle des Bnfants de France. 

Exposition des ceuvres des peintres Joseph, Carle et Horace Vemet 
u dans le courant du mois de mai, k TEcole des Beaux-Axts, an 
3 la Ligue fratemelle des Enfants de France qui vient d'etre reconnue 

politique. Le Gomit6 d'organisation, preside par M. Ger6me, 
i de rinstitut, comprend d'^minentes personnalit^s appartenant au 
de Tart et de la litt^rature : MM. Henner, Glarelie, Francois Gopp^e, 
I Dayot, Gustave Larroumet, comte Delaborde, Georges Glairin, 

Le Roux, SuUy-Prudhomme, Paul Dubois, Victorien Sardou, 
1 Detaille, g^n^ral Du BaFrail,amiraI[Miot, Henry Roujon,K8empfen, 
e, de Nolhac, prince d'Arenberg, Henry Houssaye, etc. 
exposition, oCi, grkce k Tobligeance des coUectionneurs, figurera 
id nombre de toiles inconnues du public et de dessins in6dits, 
ce comme un grand succ^s. 

)rie au profit de la Maison de travail. — M. le ministre de 
ur vient d'autoriser MM. Henri Rollet et Paul-fidouard Decharme a 
ane lolerie de 40000 billets k 1 franc au benefice de la Maison de 
itde Tasile temporaire de garcons, installSs, 13, rue de TAncienne- 
e. 

lacement de 20 billets de cette loterie donnera droit a une invita- 
ituite fit la f^te qui sera donn^e k I'occasion du tirage. II y aura un 
serie de 20 billets. 

inscription est d^s k present ouverle en vue d'acheter une.voiture 
bile qui sera Tun des gros lots de la loterie. 

r^renoes de TAtelier familial. — Nous avons eu d^jd Toccasion de 
e I'Atelier familial r6cemment ouvert, 16,rue de la Tour-d*Auvergne, 
aes filles pr^voyantes qui ne jugent pas inutile d'apprendre un 
soit un metier d*art appliqu^ k Tindustrie, soit simplement la cou- 
ates notions utiles a tons les degr^s de renseignement des femmes. 
d^vouee fondatrice de cetle ceuvre, M™* Elias, vient en quelque 
en eiargir le programme : M. le docteur Meyer-Bernheim a bien 
ir sa pri^re, donner aux jcuues habitudes de Tatelier, sous forme 
irences, des lecons pratiques d'hygi^ne, « infantile ». 



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REVUES ET PUBLICATIONS FRANgAlSES 



Le Temps a public, sous la signature de M. Maxima Leroy, avocat 
k la cour d'appel de Nancy, h propos de Taffaire de Chateau-Thierry, 
une lettre sur les droits de Vindigent que nous reproduisons int^gra- 
lement : 

Le jugement du tribunal de Ghdteau-Thierry, que le Temps signalait ces 
jours-cj, n'est pas une manifestation inopin6e et isol^e, sans racines dans 
notre pass^ jnridique. Dans Taucien droit, dans les codes napol^oniens 
m6mes, dans la jurisprudence de ce si^cle, commeutaire vivant de ceux-ci, 
il y a quelques textesprecurseurs, quelques decisions judiciaires qui accor- 
dent au pauvre un certain droit contre leriche. II est curieux de lesnoler, 
comme les premiers sympt6mes du nouveau droit social en Yoie de 
formation. 

Dans Tancien regime, selon M. Glasson, dans sa magistrale Hisioire du 
droit frangais (t. VI), le suicide de I'indigent n'^tait pas consid6r6 comme 
an crime ; dans tous les autres cas, au contraire, la loi civile ^dictait cer- 
taines peines, d'une origine eccl^siastique, contre ceux qui, sans ce motif 
d'excuse, s'^taient supprimes. D'autre part, Tenfant avail le droit de 
prendre, de voler k ses parents ce qui 6tait n^cessaire cl sa subsistance. Le 
d^sir de vivre l^gitimait ce droit au voL II faut voir, ii est vrai, dans cetic 
mansu^tude, la survivance visible du primitif communisme familial qui a 
pass^, dans une plus faible mesure, dans notre droit, notamment dans le 
Code p6nal et dans le Code civiL Gelui-1& excuse, en effet (mais excuse 
seulement} Tenfant voleur : il ne va pas jusqu'k cr^er directement en sa 
favour un droit, comme dans Tancienne legislation. 11 est curieux de con- 
stater, en passant, dans le droit napoI6onien, cette survivance communiste, 
bien oppos^e k ses tendances strictement individualistes et qu'ont origina- 
lement renouvel^e les juges de Ch4teau-Thierry. 

Dans le mdme esprit d'aide sociale, je citerai dans le Code civil le droit 
pour certains parents pauvres k une pension alimentaire, a faire ,valoir 
contre un parent plus riche. II est certain que Tid^e familiale iutervient 
^alement ici ; mais cette disposition est nettement oppos^e, en contresens , 



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REVUE PHILANTHROPIQUE. 

au principe de Tappropriation individuelle : celui qui reclame sa part de 
pain k sa famille, reclame sa part dans une forlane qu'il n'a pas person- 
nellement contribn^ u cr6er; ce qui est contre les principes du droit 
conimun. 

Dans ces deux cas, tr^s nelteraent, la loi ac€orde des droits a des indi- 
gents contre des plus riches, ^tablissant une solidarity, ^troite il est vrai, 
entre certain es personnes, que quelques tribunaux ont voulu 6lendre sans 
limite. Dans cet esprit, quelques conseils de prud'hommes ont essaj6 de 
cr^er une nouvelle jurisprudence, mais que la Com* de cassation a arr^t^e 
dansses germes. Sans aller aussi loin que ies juges de Chdteau-Thierrj, et 
restant sur le terrain du droit civil, deux de leurs d^isioos, en 1853 el en 
18$4,coQsid^r^reDt la « d^.tresse » comme une i< contrainte morale » viciant 
le consentement au mSme litre que la violence morale ou physique d*un 
tiers et, partant, ouvrant un recours contre celui qui en avail proflt^. 
(V. Dalloz, 1853, 1,102.) 

11 nous semble parfaitemenl legitime, psychologiquemenl et juridique- 
ment, de consid^rer la faim, besoin physiologique irresistible, comme un 
moyen de contrainte sur la volont^. Celui qui est en cas de legitime defense 
a le droit, d'apr^s le Code p^nal, de blesser ou de tuer; celui qui est con- 
Iraint est excusable et parfois plus. La faim, le couteau ou le revolver, c*est 
lou, jours la m6me menace k la vie; le mobile de Tacte consid^r^ p^nale- 
menl comme mauvais est, vis-i-vis de ces Irois facleurs, le d^sir violent el 
irraisonn^ d'^chapper k la mort. 11 y a lieu d'^tendre dans un sens humani- 
taire les termes stricts de la loi punissant ie vol, de la vivifier de quelques 
sentiments qui ne nous semblent pas contradicloires avec son essence. 

En effet, on pent juridiquement fonder notre th^se, en se basaiil sur 
Farticle 64 du Code p^nal, ainsi concu : 11 n*y a ni crime, ni delit, lorsque le 
privenu itait en 4tat de demence au temps dc faction ou lorsquHl a H6 contrcUnt 
par une force d laquelle il n'a pu risister. L'article ne sp^cifle pas le genre, 
le mode de la force contraignante et laisse toute latitude auxcommentaires 
les plus compr^hensifs. L'exemple suivant pent indiquer la nuance qui 
exisle entre la force physiologique personnelle, venant de I'^tre et r^agis- 
sant sur lui, et la force venant d'un tiers, exl^rieure k Iui«m6me. 

Un homme est devant une boulangerie : je le force k voter un pain sous 
la menace d un revolver : les tribunaux lui appliqueront, sans h^siter, 
Tarticle 6^. Repla^onsle mdme homme devant la m^me boulangerie, mais 
seul et volant sous la pression de la faim. Gelle-ci vaut celui-U, comme 
ineluctable imp^ratif de la volonte. 

Entre les deux situations que pr^sente notre exemple, il y a lieu de 
noter une difference : dans le second cas, I'homme poursuivi devra prouver 
qu'il a fait tons ses efforts pour trouver le salaire ou I'aumdne n^cessaires 
qu'il n'a pu ^chapper, malgr^ ses efforts, aux violences de la faim. La 
preuve, il est vrai, d'un fait n^gatif, est plus difficile k faire que celle d'un 
fait positif, mais on pent arriver, dans le deuxi^me cas de Texemple, k une 
certitude morale, par I'etude des circonstances de temps, de lieu, d'ant^c^- 
dents, etc., qui vaudra pour la conscience du juge, la certitude physique 
du premier cas. II n'y a entre les deux situations qu'une nuance qui pou- 
vail, autrefois, entrainer deux traitements diff^rents, mais qui, aujourd'hui. 



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REVUES ET PUBLICATIONS FRANgAISES. 939 

ne nous semble, k nos consciences modernes plus paternelles, plus tendreSf 
selon Macaulay, qu'unefacon plus humaine d*^tendre un tezte de loi, dont 
les id4es morales contemporaiues out bris6 le vieux moule ^troit. 

II faut remarquer, d'ailleurs, que le mouvement de la jurisprudence 
depuis une trentaine d'ann^es, vadans d'un tout autre sens que Tancienne, 
prend des liberies avec les articles des Codes, errant des lois judiciaires, 
pr^toriennes, anim^es de Tesprit social nouveau, comme dans Torsanisa- 
tion tr^s compliqu^e du devoir patronal. II s'^labore un droit nouveau, en 
favenr du faible, de Tindigent, de Tignorant; au capital s'attache une cer- 
taine responsabiUt6; le propri^taire n'a plus le droit de loner des loge- 
ments insalnbres et malsains; le cr6ancier ne peut plus consid^rer Ja per- 
sonne de son d^biteur comme une annexe de la cr^ance, par la contrainte 
par corps. A la vie juridique montent lentement tons les hommes, vers une 
vie plus pleine, la lente ascension, comme dans la Ballade de Longfellow, 
toujours plus haut, vers la lointaine justice, toujours plus proche de 
rhumanit^« 

M. le docteur L. Gourillon appr^cie ainsi, dans le Bulletin Officiel 
du syndicat des midecins de la Seiney racquittement en appel du doc- 
teur Laporte : 

La Gour d'appel de Paris {7« cbambre), dans son audience du 4 mars, a 
rendu un arr^t infirmant le jugement de la 9* cbambre du tribunal cor- 
rectionnel, qui avait condamn^ notre confrere Laporte k trois mois de 
prison avec application de la loi B6renger. 

Get arrSt a ^t^ accueilli avec la plus grande satisfaction par tout le 
corps m6dical. II reconnait qu'un accident survenant au cours d'une inter- 
vention chirurgicale nettement indiqu^e n'est pas une faute op6ratoire, et 
qu'en pareille circonstance, le medecin qui en est I'auteur ne tombe pas 
sous le coup de Tarticle 319 du Code p6nal. 

Devant la Cour d'appel, le d^bat a 6t6 port6 sur son veritable terrain, 
celui du droit strict, aussi bien par M^ H. Hoberl, T^minent d^fenseur de 
notre confrere, que par T^loquent r^quisitoire de M. Tavocat g6n6ral. 
Nous n'entendons pas nous soustraire k laresponsabilit^ de nos actes,mais 
nous entendons fttre k Tabri de la justice repressive, si nous n'avons pas 
commis de faute lourde, en cas d'insucc^s op6ratoire, dans les intei^en- 
tions les plus difflciles. G'est pr^ci^^^ment cette question qui a ^t^ mise en 
relief pai* M« Robert et M. Tavocat general, et nous ne saurions trop les eu 
f^liciter. 

Dans le cas de notre confrere, on ne pouvait lui imputer aucune faute 
lourde, aucune inobservation des regies jde Tart, nettement caract^ris^es 
dans Tarticle 319. En admetlant qu'il ait produit les lesions constat^es 
dans les rapports des experts, il ne peut Hre rendu responsable p6nalement 
de la mortde la dame Fresquet; il suffit de rappeler rapidement les faits 
et les circonstances pour en juger. 

Le D' Laporte, en faisant successivement trois applications de forceps, 
puis en tentant la crdniolomie, a-t-il rempli toutes les indications th6ra- 
peutiques, 6tant donn^ les circonstances? Oui, dvidemment. A-t-il 6t^ 



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940 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

imprudent ou a-t-il contrevenu aux regies de Tart, en se servant d'instm- 
ments de hasard? Gertainement non. 

Plac6 dans cette cruelle alternative, ou de laisser mourir la femme, qui 
se refusaitkaller k rhdpttal et 6tait dans rimpossibilitdd'y ^tretransport^e, 
on de mettre tout en oeuvre pour la sauver, le D^ Laporte n*h^si(e pas: il 
faitce que son devoir et sa conscience lui commandent, et ititervient... 

La Gour d'appel, en r6formant le jugement de la 9« chambre, a juste- 
ment jug^. Elle n'a pas permis, en si delicate mati^re, qu'il s'^tablisse 
une jurisprudence nouvelle touchant la responsabilit^ m^dicale. Ge faisant, 
elle a rendu un grand service aux m^decins, dont la profession est toujours 
synonyme de devoir, mais elle a rendu un plus grand service encore aux 
malades, qu'un moment de trouble ou d'h^sitation de la part du m^decin, 
dans des cas graves, en face d'une condamnation toujours possible, eHi pu 
mettre en danger. 

Notre confrere Laporte a 6t^ cruellement ^prouv^, II se consolera en 
pensant qu'il n'avait k aucun moment perdu Testime de ses confreres, et 
que, dans Tadversit^, il a ^t^ I'objet des sympathies unanimes, et la cause 
d'une admirable solidarity. Puisse cette union du corps mMical, n6e dans 
lemalhfur, persister dans les bons comme dans les mauvais jours! 

D*" L. GocRicHox. 

M. le docleur L.-R. Regnier s'occupe, dans le Journal dChygiene, 
de la lutte centre la tuberculose dans Tarm^e et dans les h6pitaux 
de Paris. 

. On se plaint chez nous de la depopulation et, comme presque ton 
jours, on cherche le remMe k cdt6. Assainissons et dans dix ans, la France 
comptera 1 million d'habitants de plus. A Paris, sous ce rapport, nous 
n'avotis pas k nous plaindre et les progr^s marchent d'un pas s(ir, bien 
que peut-6tre un peu lent. 

En ce qui concerne les tuberculeux, I'administration de F Assistance 
publique commence k r^aliser un desiratum depuis longtemps altendu et 
reclame par le corps des mddecins des h6pitaux. 

Elle vient d'ouvrir k I'hdpital Lariboisi^re deux pavilions contenant en- 
semble 160 lits, ^galement r^partis entre les hommes et les femmes, et 
consacr^s exclusivement aux tuberculeux.G'est peu encore, si on veutbien 
songer que ces malades remplissent le tiers des salles de nos hdpitaux, ou 
ils constituent des foyers de contagion d'autant plus dangereux qu'ils n'y 
s ont I'objet d'aucune mesure d'hygi^ne sp^ciale. Mais ce n'est que le com- 
mencement et plus tard on leur consacrera d'autres pavilions k Laennec et 
k Tenon, sans compter le sanatorium d'Augicourt qui finira peut-Stre bien 
un jour par sortir de ses fondations depuis longtemps poshes. Ges services, 
s'ils sont convenablement dirig^s, formeront un noyau bien int^ressant 
pour retude des divers modes de traitement de la tuberculose. Mais atten- 
dons avant de trop nous r^jouir. Actuellement dans les pavilions de La- 
riboisi^re, c'est le crachoir qui joue le principal rdle, et on a pris toutes 
les precautions pour qu'il remplisse convenablement son but. 



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REVUES ET PUBLICATIONS FRANgAISES. 941 

La Commission s*est aussi bien occup^e de Tassistance m^dicale des 
tuberculeux k domicile, qui sont un danger permanent pour la ville. Mais 
ici le probl^me est d'une solution plus difDcile. 

Tout lioge sur lequel on aura crach^ devra, comme le mouchoir, Hre 
plong6 et maintenn pendant cinq minutes dans Teau bouillante ou 
soigneasement mis k part pour ^tre livr^ au senrice public de disinfection. 

Pour que les indigents puissent ob^ir k ces derni^res injonctions, il 
faut que I'Administration songe k les pourvoir de linge de rechange et k 
organiser des chemin^es ou des foorneaux dans un nombre assez respec- 
table de chambre ou cabinets servant au logement des tuberculeux indi- 
gents qui en sont totalement d^pourvus. II faudra aussi qu'eile leur four- 
nisse le combustible n^cessaire; car ce n'est pas avec le tr^s maigre secours 
que ces malades recoivent du Bureau de bienfaisance, insufHsant d6j4 
pour leur permettre de manger autre cbose que du pain, qu'ils pourront 
faire conveoablement bouillir linge et crachats. 

Envoyer leur linge au service public de disinfection est plus ^cono- 
» mique, mais comment Tenverront-ils? V Instruction est muette k ce sujet. 
Est-ce par colis postal de fr. 25 c. ou en faisaot la demande par lettre 
non affranchie au pr^fet de la Seine? Dans ce dernier cas, les m^decins 
consultants des h6pitaux et les m^decins des Bureaux de bienfaisance du 
service k domicile et des consultations devront 6tre munis d'un certain 
nombre d'exemplaires de Vlnstruction (ce qui n'est pas encore fait), et de 
carnets de cartes qu'ils pourront donner k leurs malades pour corres- 
pondre avec le service de desinfection. Mais cela augmente consid6rable- 
ment la besogne de ce service, dont le personnel d^j&surmen^ sufQt k peine 
aux demandes de plus en plus multipli^es de la population parisienne. 

Ces questions de detail, si importantes, auraient besoin d'etre tran- 
cb^es et nous serious heureux de voir M. le Directeur de TAssistance pn- 
blique prendre les mesures n^cessaires pour que les indigents puissent se 
conformer aux instructions de la Commission. 11 pent 6tre certain que les 
m^decins veilleront k les leur rappeler et k leur en enseigner Futility. 

Mais jusque-l& ne nous hMons pas de chanter un hosannah k la Com- 
mission et ne nous endormons pas sur Tillusion que Vlnstruction sera 
suivie k la lettre taut qu'on n'aura pas donn^ aux indigents les moyens de 
s'y conformer sans augmenter leurs d^penses personnelles auxquelles ils 
subviennent d^j& si difflcilement. » 



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REVUES ET PUBLICATIONS fiTR4NGfiRES 



Allemagne. — Dans la Hevue berlitioise Hygienische Rundschau sigua- 
lons une elude sur TefTet hygi^nique pour les titles de r^vacuation syst^- 
matique des mati^res us^es telle qu'elle fonctionue k Berlin. 

L'auteur, Ting^nieur en chef Metzger, a relev6, pour Berlin, la morla- 
VM de 1840 k 1890, et 11 constate que, bien que la ville ait ^t^ muuie de 
derivations d'eau pure Taliineiitant d^s 1875, la mortality nioyenne de la 
capitate pnissienne n'a pas beaucoup diminu6 du fait de la plus grande 
purely de son alimentation en eau. Mais, dans la p^riode qui va de 1876 d 
1891, unecertaine amelioration se manifeste (de 31,31 la mortality descend 
k 28,77) et cette amelioration s'accentue encore notablement dans la pe- 
riode suivante qui groupe les ann6es 1882 k 1886. Pour cette derni^re 
p^riode la mortality descend au chifTre de 20,77 qui est le plus bas qui ait 
jamais ete constate. 

M. Metzger pretend qu'on doit surtout aitribuer cette amelioration de 
la sante publique au systeme de canalisation et d'enievement des eaux 
usees et des matieres de vidange adopte k Berlin. 

Sans meconnaltre Tinfluence bienfaisante d'une evacuation rapide,nous 
croyons que les tres remarquables progr^s sanitairea realises^ Berlin sonl 
das k un ensemble demesures qui comprend etTadduction d'eaux potables, 
et la surveillance de la vente du lait et des denrees, et i'evacuation rapide 
des matieres de vidange, et Tameiioration des egouts et du sol de la voie 
publique, etc. 

Ne quittons pas VHygienische Rundschau sans menlionner encore une 
note de M. Probsting sur les suicides de soldats. 

G. C. 

fttats-Unis de TAm^rique du Nord. — Les Annates de CAcadimie 
amMcaine des sciences politiques et sociales, editees a Pbiladelphie, sont 
toujours iuteressantes ^ consulteret les sujetsy sont traites avec une reellc 
indepen dance. 

Dans les Sociological Notes du dernier numero de mars, nous signale- 
rons un resume des plus instruclifs du rapport du commissaire fiscal de 



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REVUES ET PUBLICATIONS ^TRANGfeRES. 943 

TEtat de New-York sur le trafic des liqueurs alcooliques dans la grande 
m^tropole am^ricaiae, en 1B97, par comparaison k 1896. 

La loi exercant les d^bitants et r^primant Tivresse semble encore peu 
efQcace; loutefois, par comparaison avec Tann^e ant^rieure, le commis- 
saire du fisc a constats qu'il y a eu, en 1897, une r^duclion de 5 484 debits, 
soil la fermeture de 9 p. 100 de Tensemble des dtablissement de d^bit de 
boissons compris dans le territoire de I'^tat de New-Vork. 

L'auteur de la note ne paralt pas bien convaincu que cette diminution 
du nombre des debits corresponde k une diminution de Tivrognerie ; les 
hdtels et les pharmaciens d^bitant des alcools. 

Le fdcbeux cdt^ de toutes les lois dites r^pressives de Talcoolisme est 
que, presque partout, par Timposition de licences aux cabaretiers ou de 
surtaxes sur le degr^ alcoolique des liqueurs qu*ils d^bitent, elles orient 
pour la Ville ou pour TElat, un int6rSt fiscal diam^tralemeut oppose 
k la repression rigoureuse de Tivresse. 

C*est la pierre d'achoppement qui fait, en Europe comme en Am6rique, 
disparattre la repression efflcace. 

* 

La m^me revue contient une note sur Torganisation charitable dans la 
ville de Washington. Nousy relevons que, sur la demande du Gomit6 cen- 
tral de charite, les credits de 1 000 k 2000 dollars mis annuellement k la 
disposition de la police locale pour dislribution de petits secours ont 616 
supprim^s. Ces secours d'urgence sont maintenant distribues par le Go- 
mite lui-m6me,qui entend ainsi mettre fin aux accusations de partiality 
portees centre la police. 



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BIBLIOGRAPHIE 



Allaitement mixte et allaitement artificiel. — Depuis le jour ou le 
professeur P. Budin montra, avec preuves k Tappui, lesbienfaits qui peuTent 
r^sulter, pour les nourrissons, de rallaitement mixte et de rallaitement ar- 
tificiel parle lait sterilise, alors que Tallaitement maternel est iosufOsant on 
impossible, un pas immense a ^t6 fait an point de vue de Thygi^ne infan- 
tile. Des articles parusdansce journal, rann^ederni^re,ont fait connattre&ses 
lecteurs les progr^s considerables r^alis6s dans cette voie : [De VaUaite^ 
ment des enfants, Progr^s rMisis. La Revue Philanthrapique, 10 mai iH97, 
n<^ i» p. 31, par P. Budin. V alimentation lactie et les nouveaU'tiH d Paris, 
10 aoiit 1897, n« 4, p. 519, par Al. Boissard). C'est qu'en effet Tautorite qui 
s'attacbe au nom de celui qui s'est fait en France le promoteur de cette 
id^e, lui donnait d^s le d6but une impulsion d'autant plus justifl6e qu'elle 
6tait appuy6e par des faits et des statistiques aussi probants que conscien- 
cieux. Quoi d'^tonnant alors que rapidement son initiative ait trouv6 des 
imitateurs? A Paris, ont 6t6 cr^^es des consultations de nourrissons sur le 
module de celle qu'il avait organis^e k la Charity d'abord, k la Maternity 
ensuite; des dispensaires priv^s, des cr^cbes se sont eiev6s oil Ton donn« 
du lait sterilise et ou Ton suit le d6veloppement progressif des nourris- 
sons. De mdme en province : k Rethel, k Fecamp, k Grenoble, les m^de- 
cins ont propag^ par des distributions gratuites, Tusage du lait st^rilis^, 
k Texclusion du lait cru et du lait bouilli. Les pouvoirs publics n'ont pas 
tard^ k se pr^occuper de cette question. A Tinstigation de N. Paul Strauss, 
le Conseil municipal de Paris a nomm^ une commission compos^e de 
m^decins, de bacteriologistes, de chimistes, de v^t^rinaires, etc., pour 
etudier Falimentation par le lait. Rapporteur g^n^ral de cette commission, 
le professeur Budtn, en juillet 1897, en faisait connaitre les interessantes 
resolutions et les voeux qu'elle avait ^mis. Et non seulement en France, 
mais k T^tranger, I'^lan etait donn^; de toutes parts, on ezposait les r^- 
sultats obtenus par le lait sterilise. 

Parmi les enthousiastes de la premiere beure, un des sieves du maltre 
a su cr^er sa place. Esprit bon et actif, passionn^ pour les questions de 
Tenfance, H. de Hotbschild etudia pendant deux anuses, sous la direction 
du professeur Budin, les questions relatives k Tbygi^ne et k Tallaitement 
des nourrissons, puis il fonda dans la rue Picpus une polyclinique qui lui 
permit de poursuivre ses etudes et ses recherches tout en soulageant les 
enfants des pauvres. 

DejS, plusieurs travaux qu'il a fait parattre en 1897 ont fait counaltre 
les r^sultats qu'il a obtenus. Ge sont : Les laUs dits maternisH, leur fabriea- 



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BIBLIOGRAPHIE. 945 

tion et leur emploi, Bevuedes sciences pures et appliqueeSy n^ du 30 juin 4897. 
— Quelques observations sur Valimentation des nouveau-nis et de Cemploi 
raisonn6 du lait st&rilis^. Doin, 6ditear. — Note sur V hygiene et la protection 
de CenfancCf d'apr&s des Etudes faites h Berlin, Saint-Petersboarg, Moscou, 
Vienne et Budapest. Masson, ^diteur, Paris. 

Mais ces travaux n*6taienl que le prelude d'un ouvrage qu'il vient de 
publier et qui embrasse toute la question. II a pour tilre : Allaitement 
mixte et allaitement artificiel. « G'est de Texamen attentif et r4p^t6 des 
faits, dit-il dans sa preface, que Ton parrient k tirer les regies de la pra- 
tique journali^re : M. le professeur Budin en avait formula un certain 
nombre dfes 1894. Les r6sultats acquis aujourd'hui les ont consacr^es. Pre- 
senter ces regies et mettre le lecteur an courant des progr^s realises dans 
ces demi^res ann6es, apporter des preuves convaincantes avec Taide de 
courbes et de statistiques, tel est le but de ce livre. » Nous pouvons aller 
plus loin et dire que ce travail est en quelque sorte le r^sum^ de tout ce 
qui a et6 fait jusqu'^ ce jour sur Tbygi^ne et Tallaitement des irourrissons, 
c'est la mise au point k cette date, des recberches et des r^sultals obtenus 
toucbant cette question si imporlante au point de vue social. lA^ le prati- 
cien trouvera des conseils et un guide pour sa pratique joumali^re et le 
savant les indications qui lui seront n^cessaires, car dans T^norme biblio- 
grapbie qui complete Touvrage, Tauteur s'est efforc^ d'etre aussi complet 
et aussi exact que possible. « Toutes les indications qu'il donne ont H6 
coUationn^es et v^rifi^es sur les ouvrages originaux. Les dispositions 
adoptees pour cette bibliographie ont €i^ prises en vue de faciliter les re- 
chercbes, aussi bien en prenant pour point de depart un sujet ayant rap- 
port k une matiSre trait6e dans le volume, qu'en partant du nom d'un 
auteur connu pour avoir traits sp^cialement tel ou tel sujet. G'est ainsi 
que toutes les indications ont ^t^ class^es par chapitre suivant Tordre des 
mati^res ^tudi^es dans cbaque chapitre par ordre chronologique de publi- 
cation et enfln, dans cet ordre, par ordre alphab6tique d'auteur. » 

Nous ne pouvons donner ici qu'une analyse sommaire de cet impor- 
tant ouvrage. Comme son mattre, M. H. de Rothschild pose tout d'abord en 
principe que la meilleure m6thode d 'alimentation pour le nouveau-n6, 
c'est Talimentation au sein de la m^re. G'est la perfection quand T allaite- 
ment est bien r6glement6, bien conduit. Mais la m^re ne pent pas tou- 
joiirs allaiter son enfant; des causes locales, g^n^rales ou d'ordre social, 
peuvent 6tre un obstacle partiel ou total k Talimentation au sein. Que 
faire alors? Recourir k Tallaitement mixte (sein et lait st^rilis^) ou a Tal- 
laitement artificiel exclusif. Mais ce mode d'alimentation avait donn6 jus- 
qu'il ces derni^res ann^es des r^sultats d6plorables. Les travaux de Pas- 
teur, en montrant la cause du mal, y apportaient un remMe. On ^tudia le 
lait des animaux (dnesse, vache, etc.,) au point de vue chimique, au point 
de vue bact^riologique, au point de vue pathologique, on le vit receptacle 
de microorganismes provenant de Tanimal producleur malade ou apport^s 
de Text^rieur, transmettant les maladies anx nourrissons. On apprit que 
ces microbes pathog^nes ne resistaient pas k une temperature ^lev^e. Le 
lait st^rilisS 6tait invents. L'important pour un lait, c'est qu'il soit pur de 
tout germe nuisible. M. de Rothschild k ce propos fait le tableau d'une 

REVUE PHILANTHROPIQUB. — II. 60 



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946 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

laiterie module, il passe en revue le local, les ^tables, les animanx, la 
traite, les conditions d'un bon lait. 11 nous montre toutes les fraudes aux- 
quelles ce lait est sujet, le nombre de mains, d'interm^diaires par les- 
quels il passe avant d'arriver an malade, an pauvre b^b^ qu'il empoison- 
nera. Et ceci n'est pas de lliypoth^se si Ton pense qn'k Paris il se con* 
somme journellement 650000 litres de lait» on voit quelle importance il y 
a pour la sant6 publique k ce que cet aliment soitbon. 

Or, M. de Rothscbild a fait des recberches qui ne manquent pas d'in- 
t^r^t. On sait que, pour qu'un lait soit bon, il doit contenir an moins 
30 k 35 grammes de beurre par litre. Eb bien, k la consultation sp^ciale 
de sa polyclinique, il a fait pr^ lever des 6chantillons de lait aux adresses 
que lui donnaient les m^res de certains enfantsqui lui 6taient amends avec 
des accidents de gastro-ent^rite et qui ^taient aliment^s avec du lait 
frelat^vendu '20, 25 et 30 centimes le litre. Ges ^cbantillons ont Hk analyses 
avec soin et il donne le r6sultat de 6 analyses prises entre 46 ; la tenenr 
en beurre dans ces 6 sortesde laits ^taienlde 15, 19,20,24,25, 29 grammes 
pour un litre. Ces chifTres se passent de tout cominentaire. Une enqu^te 
faite par le Laboratoire municipal dans les 20 arrondissements a fait 66* 
couvrir des laits ne renfermant que 15, 17, 19 grammes de beurre par litre. 
II n'y a plus lieu d^s lors de sMtonner de T^norme mortality des nourris- 
sons. Ne pourrait-on suivre Texemple de certaines villes allemandes? A 
Berlin, k Francfort-sur-le-Mein, se trouvenl, en pleine cit^, des laiteries 
parfaitement entretenues, de 200 animaux, fournissant une moyenne de 
^0000 litres de lait par jour, k un priz pen ^lev6. Pourquoi n'en ferait-on 
pas autant k Paris ? 

Quoi qu'il en soit, pour Tinstant, le lait en g6n6ral, quand il arrive k 
Tenfant, est alt^r^. II faut le faire steriliser. Le lait st^rilis6 industrielle- 
ment a donn^ des r^sultats tr^s importants entre les mains de certains 
ra6decins, de M. Yariot, par exemple, dans son dispensaire de Belleville. 
Mais ce qui importe, parce qu'elle semble donner les meilleurs r^sultats, 
c'est la sterilisation k domicile, dans de petitesbou tellies, telle que Tare- 
commandee le professeur Budin dans ses communications. Les proc^d^s ne 
different que sur lemode de bouchage, tons sontdes derives du proc^d^ de 
Soxhlet. 

On a fait an lait sterilise des objections sur sa digestibilite. Des tra- 
vaux r6cents, ceux de C. Michel en parliculier, ont montre, au contraire, 
sa plus grande digestibility. Dernierement, M. Marfan, a parie de toxines 
qui seraient eiaborees par les micro-organisraes du lait. Rien en ciinique 
n'esl encore venujustifier les idees porement Iheoriques de M. Marfan; 
les toxines ne resistent pas k la temperature qui determine la sterilisation. 
On a voulu faire mieux, on a tentede fabriquer des laits matemt>ds;c'estdu 
lait de vache sterilise prepare de telle sorte quo sa composition se rap- 
procbe de la composition du lait de femme, et qui semble donner d'assez 
bons resuUats. A ce produit se rattachent les noms de Winter, Gaertner, 
Backhaus. 

Pour etre complet, Tauteur examine les laits fermentes (koumis et 
kephir), les laits condenses qui sont plut6t dangereux, et arrive k un pro- 
duit inieressant destine & Talimentation des enfants debiles, on nes avant 



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BIBLIOGRAPHIE. 947 

terme, dont Testomac et Tintestin ne sont.pJus aptes ou ne sontpas encore 
aptes k dig^rer et ^assimilerle laitst6rilisd, voire rndme lelaitde la m^re: 
c'est le lait peptomsi employ^ par MM. Badin et Michel, dans le service des 
d6biies &Ia Maternity, et qui lenr a donQ^ d'excellenls r^soltats, mais c'est 
UQ produit encore k T^tude. 

M. de Rothschild termine en faisant un expos6 de la question de Tallai- 
tement mixte etde rallaitement artiOciel au point devae philanthropique. 
U montre ce qui a 6i6 fait dans ce sens k Paris, en province et k T^tranger. 
II expose enOn lesr^sultatsqu'il a obtenus k laPolycIiniquedelarue Picpus, 
r^sultatsqui viennent corroborer de tons points ceux de M. le professear 
Budin. 

Des dessins, descourbes, des tableaux statistiques ajoutent encore k la 
clart^ de cet ouvrage qai marque une date dans revolution de I'hygi^ne 
infantile. 

L. M. 

Delia beneflcensa nel presente momento storico, par Riccardo 
Dalla Volta (Florence, Seeber, ^diteur, ^895, 64 pages) (1). 

Sous ce litre: la Bienfaisance d notre epoque, Tauteur critique certains 
points d'un livre public par le professeur Edouard Luchini avec la colla- 
boration de deux de ses confreres, avocats comme lui, MM. Charles Roselli 
et Marias Pugna, livre qui traitait des institutions publiques de bienfaisance 
dane la legislation italienne . 

La legislation sociale en Italie s'est developp^e d*une maniere lente et 
insuffisante. L'explication que Luchini donne de cette lenteur et de cette 
insufOsance peut se r^sumer ainsi : Tunite et Tindependance, but des aspi- 
rations nationales, redam^rent toutes les energies morales du pays et ten- 
dirent surtout k consolider Tunite italienne. « L'influence francaise, Tab- 
sencc d'une conscience juridique nationale, la hdle de donner au nouveau 
royaume une legislation uniforrae, flrent que, obliges de realiser des re- 
formes pour notre pays, nous allftmes d'abord vers celles qui paraissaient 
les plus brillantes, plutdt que vers cellesqui auraient pu donner de solides 
garantiesde liberte, de justice et de renovation morale et sociale. » 
L'economie politique classiqne elle-meme, apr^s avoir ete une cause 
d'atneiioration, avait flni par devenir un obstacle au progres... 

M. Dalla Volta n'admet qu'en particles explication de Luchini. Lorsque, 
dit-il, on compare TAngleterre et i'Ailemagne k notre pays pourdemontrer 
comment les probiemes economiques ont ete poses et resolus dans ces 
pays, on oublie les circonstances multiples qui constituent entre eux et 
ntalie des differences sensibles. On ne peut regler par une loi ni la vie d'une 
nation, ni les consequences douloureuses de son developpement. Pourquoi 
altribuer k la predominance de reconomie politique classique des ten-> 
dances legislatives qui tiennent^ des causes plus variees etplus profondes? 

« II y a vingt ans que le socialisme d'Etata ete importe en Italie, et il 
n'a pas realise de grands progres au point de vue pratique dans notre le- 
gislation ; et pourtant, etant donne les conditions dans lesquelles il a trouve 

(1) Brochure extraite de V^conomiste de Florence. 



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948 



REVUE PHILANTHROPIQUE. 



r^tude de T^coDomie politique chez nous, il anrait pu faire oeuvre meil- 
leure. » 

Un pays qui,jusque-l^,n'availpas de d^veloppement industriel propre, 
qui ne connaissait point la grande industrie et ses consequences, un pays 
yivant d'agriculture, an milieu des traditions, des pr6jug6sphilosophiques 
et historiques, des illusions, ne pouvait s'engager hardiment dans la vole 
du progr^s en mali^re de legislation sociale. L'cBuyre eM ^te pr^maturee. 

Luchini est, avec Cavour, partisan de la chariU Ugale; Tauteur au con- 
traire, on le voit, combat ce syst^me. II rappelle ces mots de Cavour: « La 
certitude de n'avoir pas k craindre les revers de la fortune el d'obtenir en 
toute circonstance d'abondanls secours, detniit dans la classe ou?riere 
tout esprit de pr^voyance et d'industrie. » Cavour pourtant etait partisan 
de I'assistance legale, et d6clarait en son discours k la Chambre dn 27 f^- 
vrierl851:« Dans un avenirprochain, la charity legale sagementadmi- 
nistr^e et bien r^gl^e pourra produire d'immenses bienfaits sans avoir les 
funestes consequences que d'aucuns redoutent. » 

Ces bienfaits, dit Tauteur, la charite legale ne les a pas realises, et ne 
pouvait le faire, « bien que, au premier abord, les chiffres que nous aliens 
imparlialement reproduire, sur le pauperisme en Angleterre, puissent 
faire croire qu'elle a eu des resuitats avantageux ». 

D'apres le droit anglais, T^tat doit k tout citoyen ce qui est necessaire 
k son existence. De \k\es loissurles pauvres,et les abus ruineux du paupe- 
risme. Pour remedier ^cette plaie toujours croissante, on institua d^s 1834 
les secours k domicile, eton introduisit dans les workhouses et autres asiles 
un regime sevfere et une discipline qui les font ressembler k des penilen- 
ciers. L'opinion publique s'eieva centre cette reforme qui fut consideree 
comme inhumaine. 

Mais, sitdt que le regime fut moins severe, les abus recommencerent, 
et on dut revenir aux mesures de rigueur. « Lesfaits done demontrent que 
Tassistance legale se heurte k deux ecueils, pour ne pas parler de ses 
autres inconvenients : ou elle est inhumaine, ou elle devient impuissante et 
corrvptrice. » 

II est vrai que la statistique du pauperisme en Angleterre signale une 
diminution dans le nombre proportionnel des indigents secourus. Voyons 
done les chiffres; nous verrons ensuite comment Tauteur les explique. 

Le nombre des indigents secourus par Vassistance Ugale en Angleterre et le 
budget destine d combattre officiellement le paupMsme ont diminue sensible- 
mentde 1 832 d 4 892. 



^nndes. 


Nombre 

des indigents 

secouras. 


Indigents 

secourus 

dans les 

maisons de travail 

in door paupert. 


Indigents 
secourus 
k domicile. 
out door 
paupers. 


Par 

miUe 
habitants. 


Les indigents secoorus 

maisons de travail 
sent It cenx qui sent 
secourus k domicile 
. dansla proportion de 


1832. . 


. 1200000 


n 


M 


85 


n 


1849. . 


. 1088659 


133513 


955146 


63 


1 k 7 


1871. . 


. 1037360 


156430 


880930 


46 


i k 6 


1892. . 


744757 


186607 


558150 


23 


1 k 3 


1894. . 


812441 


212629 


599812 


26 


i & 2,82 



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B1BLI0GRAPHI£. 



949 



Si on ]atsse de c6t6 les vieillards etlesenfants,pour]esquels TassistaQce 
est, dans bien des cas, inevitable, etqu'onoetienne'compte que des adultes 
valides assist^s [Adult able-bodied) la diminution est encore plus sensible. 



Anndes. 

1849. . 

1871. . 

1892. . 

1894. . 



Indigents Indigents 

secourus secourus 

Nombre dans les h domicile. 

des indigents maisons de travail out door 

assistds. in door paupers. paupers. 



228823 

172460 

92465 

116478 



26558 
34700 
26382 
38919 



202265 
147760 
66073 
77559 



Les indigents seconras 
dans les 
maisons de travail 
Par sent kceux qui sont 
mille secourus 4 domicile 
habitants, dans la proportion de 

13 1 di 8 

8 1^4 

3 1 i 2,5 

3,8 1 & 2 



Durant la mSme p^riode 18^9-4892^ le nombre des enf ants assist^s admi- 
nui de plus de moitU et celui des vieillards de plus d*un tiers. La reduction 
porte en majeure par tie eur les secours a domicile, 

Bien que les d6penses g^n^rales aient consid^rablement augments, 
bien que les secours soient devenus plus importants, etbien que le niveau 
du bien-Stre se soit 61ev6, la taxe pour les pauvres a diminu^ : 



nn6es. 


Produit 

de la taxe 

pour les pauvres. 


Par indigent 


Par habitant. 


Par 

livre sterling 
de rente taxde. 


1818. . . 


francs. 
9320440 


francs. 


fr.c. 

n 


pence. 


1849. . . 


5792962 


in 


8,30 


5 


1871. . . 


7886724 


189 


8,75 


4 


1892. . . 


8847678 


297 


8,70 


3 



Si Ton ne consid^re que la m6tropoie, il se trouve que la situation de 
Londres, h, regard du paup^risme officiellement constats, ne difTfere passen- 
siblement de celle de TAngletene. 

En 1875, Londres avait 321) indigents secourus d'apr^s la poor law pour 
10 000 habitants; en 1879, elle en avait259; en 4885, 240; en 1890, 246;en 
octobre 1893,232. Londres ne serait done plus Tenfer dont parle Shelley: 
hell is a city muck like London. 

Ici I'auteur interpr^te les chiffres qui pr^c^dent et ses commentaires 
valent d'etre cit^s textuellement : 

« Etmaintenant, quelle conclusion faut-il (Irer de ces chiffres? 11 n'est 
pas douteux — les statistiques Tout d^montr^ — que Taugmentation des 
salaires, le d^veloppement des associations ouvri^res (trade unions) la le- 
gislation protectrice du travail et autres causes semblables out contribu^ k 
la diminution du paup^risme anglais que la charity legale secourt. 

« Quand on envisage la bienfaisance, en un pays ou le principe de la cha- 
rity legale est admis, on ne doit pas oublier que cette derni^re n'exclut 
point la charite privde et publique. Tel est le cas de TAngleterre, od, en 
presence des graves consequences 6conomiques, sociales et iinanci^res 
qu'entralnait Tapplication de la poor law, et surtout en presence des pro- 
bldmes multiples qui sont li^s k Tam^lioration du sort de la classe ou- 



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REVUE PHILANTHROPIQUE. 

i la plus pauvre, on a pens^ qu'il fallait trailer le paap6risme scienti- 
ment, comme one veritable maladie,et on a organised! verses instilu-^ 
de bienraisance en t^te desquelles il convient de placer la Charity 
^isation Society (1)... » 

auteur enfln estime qu'on ale droit de tirer des chiffres mentionn^s 
haul cette simple conclusion : que la charity legale en Anglelerre 
eint peu k peu son action; ce qui ne veut point dire que le paup^risme 
aue dans ce pays; car la charity priv6e a pris en Angleterre une 
Lsion considerable et ses charges sh sont probablement accrues dans 
nesure supdrieure k la diminution ^prouv^e par la charity legale. Le 
ment de la dignity humaine plus d^velopp^, la reduction des secours 
nicile ont coulribu^ k diminuer le nombre des indigents assist^s par 
arite legale... Le dur regime des workfiouses barrant la route au |mu- 
me, celui-ci a pris d'aulres voies. « De nombreuses institutions de 
!aisance priv^e accomplissent plus efiicacement et avec plus d'huma- 
Tceuvre autrefois uniquement d^volue k la charity legale. » 
'auteur examine ensuite les objections que provoque la charitd legale 
part de la sociologie moderne et de la doctrine de revolution, 
allace, Spencer et Loria, aprfes Darwin, constatentque, dans noire civi- 
on moderne, la selection naturelle ne se fdit pas toujours au .proGt 
>lus forts. La bienfaisance est une des causes qui emp^chent la s^lec- 
de se faire k leur profit. La bienfaisance, en prot^geant les faibles, eu 
idant dans la lutte pour Texistence, contrarie I'ceuvre salutaire del'^li- 
Uion naturelle. Si on renon9ait, comme le voudrait Spencer, k ces 
ques qui ont pour r^sultat la conservation des personnes les plus 
es, la societe humaine s'am61iorerait contiimellement comme les 
is espfeces animales. Pour Darwin, comme pour Malthus, les pauvres 
ml etre abaudonn^s aux lois inexorables de la nature. « Nourrir les 
pables aux d6pens des capables, ajoule Spencer, est une grande 
ul6. C*est accumuler de propos deiiber6 une reserve de mis^res pour 
en^ralions futures... » 

out effort fait en vue de diminuer les penibles consequences de Tim- 
oyance a pour efTet inevitable d'augmenler le nombre des impre- 
nts. 

rop secourir les faibles, c'est faire de la selection k rebours. 
,e professeur Luchini ne croit pas que les objections de Spencer et de 
le de Darwin contre la charite legale et en general contre la bienfai- 
e aient un grand fondement. A la lulte individuelle pour Texistence, il 
>se la loi de Cunion pour Vexistence et fait remarquer que combaltre la 
faisance publique au nom de la selection, c*est detruire dans ses 
les la bienfaisance privee. 

,e difflcile, dit Dalla Volla, est deconcilier I'exercicede la charite, cette 
e vertu morale, avec les lois de la selection naturelle, de maniere a 
Scher I'abaissement physique et intellectuel de Tespece humaine. La 

) V. Revue Philanthropique, tome 11, n" 10 (mars 1898), p. 612. VAssistance 
ngleterre, par G. Sevrette. V. les chroniques d'Henri Napias : V Assistance en 
eterre, n" 1, p. 3, lesHdpitaujc de LondreSy n"» 6, p. 923, etc. 



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BIBLIOGRAPHIE. 951 

philanthropie scientifique a pour but d'arriver d cette conciliation, en tenant 
compte des lois biologiques et psycho logiques... 

La bienfaisance ne pent dtre bien exerc^e qu'apr^s an classement des 
pauvres. 11 faut jugeret comparer; connaftre tons ceiix qui m^ritentd'6tre 
secourus dansun territoire d6termin6; s^parer lesfaux pauvres des vrais; 
s6parerJa pauvret^ m^rit^ede Taulre; celle qui a droit k quelque indul- 
gence, quoique m^rit^e, de celle qui n'y a poinl droit; la misire doit avoir 
son cadastre comme larichesse..,Le bienfait doit frapper juste et produire un 
efTet salutaire tout comme le ch^tlment. Telle est en r^sum^ I'opinion de 
Luchini. 

Dalla Volta objecte que cette fa^on de comprendre la bienfaisance, la 
r^duit k une simple distribution de secours, d'apr^sce cadastre de lamish*e 
que Luchini consid^re comme nonmoinsn^cessaire que celuide larichesse. 
« Et quel effet produira Tassistance ainsi comprise et consid^r^een quelque 
sorte, comme un droit de Tindividu centre la socidt6, 11 est inutile de le 
dire; quiconque connalt les r^sultats de la charity 16gale le devine... 
L'assistance legale ne pent se targuer d*aucun de ces succ^s qui sent si 
fr^quemment obtenus par Finitiative due k la charity priy6e. » 

La philanthropie scientifique, dit Fauteur, vise k 61i miner le moins 
douloureusement possible les faibles, k transformer les moins aptes, sui- 
vant les cas, par le travail, Tinstruction, la pr^voyance, la tuteile, les soins 
m^dicaux. « Or la charite legale n'est point apte k ce rdle. » II y faut une 
bienfaisance priv^e « pulsant ses racines dans le sentiment religieux et se 
transformant suivant les exigences de la soci6t6 modeme ». 

Au contraire, T^coie socialiste veutque la charity fasse place k la jus- 
tice. Cette ^cole proclame le droit au travail et k Texistence. Elle se faitde 
l'assistance une conception plus conforme aux id6es modernes. 

Rappelons pour terminer les conclusions de Luchini que son contra- 
dicteur admet presque sans reserves. 

EUes peuvent se r^sumer en trois points. 

jo Etabtir une bonne legislation sociale qui peu k pen, mais aussitdt 
que possible, efface les consequences des in^galites di verses, et permette 
aux classes les moins fortun^es de s'61everpar la pr^voyance et par le 
travail. 

%^ Introduire dans la legislation civile les changements requis par la 
transformation des conditions sociales, et par requite (par exemple dans 
les locations d'objets,d'oBuvres, dans les contrats de colonies agraires etc.). 

3° Surtout faire converger toutes les forces priveeset publiques vers un 
maximum d'education populaire; chaque loi, chaque institution s'inspirant 
de la conception la plus haute de la dignite humaine, de la responsabilite 
de chacun, de la solidarite entre I'individu et la communaute. 

Marius Dupont. 



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BULLETIN 



Le Gonseil sup^rieur de I'Assistance publique en France a ^t6 cr6^ pat 
le minist^re Charles Floquet, pour « 6clairer Tadministration sur toutes 
les questions d'assistance et de pr6voyance » et pour seconder Taction 
ezerc^e par la direction nouvellement institute au minist^re de Tlnt^rieur. 
En 1886 seulement, tons les services d'assistance publiqae out ^t^ concentres 
dans une direction unique ; deux ans plus tard, cette heureuse initiative a 
^U compl6t^e par le d6crel da 14 avril 1888 instituant aupr^s da ministdre 
de rint^riear un Gonseil sup^rieur de I'Assistance publique, charg6 de 
r6tude et de Texamen de toates les questions qui lui sont renvoy^es par 
le ministre et qui int6resseut Torganisation, le fonctioonement et le d6ve- 
loppement des diff^rents modes et services d'asslstance. 

M. Henri Monod, I'actif et entratnant directeur de Tassistance et de 
Thygi^ne publiques, a eu d^s lors, pendant ces dix ann^es, des coop^rateurs 
de haute competence et de grand d^vouement. Le Gonseil sup6rieur, pr^ 
side par M. Theophile Roussel, a fourni une contribution ^norme aux 
projets d'initiative gouvernementale ; il alimente, il inspire la plupart des 
propositions d'initiative parlementaire et il est loin d'avoir acheve sa 
tdche. 

On a lu plus haut le compte rendu de la session du mois de mars 1898; 
le Gonseil superieur, puissamment second^ par M. Henri Monod et par ses 
inspecteurs gen^raax, poursuit avec m6thode, avec esprit de suite, son 
oeuvre reformatrice et son esprit pourrait Hve donn^ en exemple k plus 
d'une assembiee. II est en effet tout k fait consolant de constater que, 
malgre les divergences d'opinion politique on religieuse de ses membres, 
ce grand comite consul tatif otfre une r^elle unite d'inspiration et de doc- 
trine. Un vceUy vote k Tunauimite des membres presents k la stance du 
19 mars, a afflrme d'une mani^re edatante cette remarquable communaute 
de vues et de principes entre ces philanthropes d'origine differente et de 
sentiments si dissemblables. 

Le Gonseil superieur a tenu, sans doute avec intention, et non seule- 
ment pour flxer sa propre tradition, k rappeler ces regies generales : « L'as- 
sistance publique est due k ceux qui se trouvent, temporairement ou defi- 



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BULLETIN. 953 

nitivement, dans rimpossibibiiit^ physique de poarroir aux n^cessit^s de 
la vie. » 

Le goavememeat et le Parlement trouveront, s'il en est besoin, dans ce 
rappel de principe, an nouveaa motif de r^aliser en On Tassistance aux 
vieiUards indigents et aux inflrmes, telle qu'eile a ^t^ r4clam6e par le 
Gonseil sup^rieur, c'est-^-dire obligaioire. 

« L'assistance publique est d'essence commnuale. » L'aphorisme 
semble au premier abord inutile ; il a son opportunity, puisque Ton semble, 
dans certains milieux, rattacher compi^tement k Tassistance d^parmentale 
le secours k la vieillesse. Quels que soient les moyens Onanciers, et dans 
n'importe quelle organisation, c'est par la commune que les assist^s doi- 
vent 6Lre d^sign^s, sans quoi les pires abas sont k redouter. 

a L'assistance publique est une ceuvre de solidarity nationale. » Gette 
belle formule ne serait, k vrai dire, contesl^e par personne ; elle a sa raison 
d'etre pratique, car elle a pour consequence, dans la doctrine du Gonseil 
sup^rieur, d'6tablir la proportionnaiit^, non la flxit6, sur les subventions 
accord^es aux communes par les d^partements et par T^tat. Une com- 
mune surcharg^e d'indigents, et de ressources m^diocres, ne doit pas dtre 
trait^e sur le mSme pied que sa voisine au budget opulent et & la popula- 
tion moins ^prouv^e ; la justice distributive vent que Tune recoive une aide 
plus efficace, des subventions plus fortes des autres collectivit6s. 

II n'etait pas inutile de formuler et de rappeler ces vues, puisqu'elles 
avaient ^chapp^ k Tattention vigilante de la Ghambre des deputes au cours 
d'un d6bat trop rapide. 

Le Gonseil sup^rieur, qui avait ant^neurement ouvert la porte des Bu- 
reaux de bienfaisance de Paris aux administratrices, n'a pas 6t6 moins 
unanime dans Tadoption du voeu qui lui 6tait soumis sur la participation 
des femmes k Tadministration des ^tablissements publics de bienfai- 
sance. 

Ge n'est pas un simple vobu platoniqne, et lorsqn'une assembl^e aussi 
prudente et aussi pr^parde invite le gouvemement k donner acc^s k V6[€' 
ment f^minin dans les commissions administratives des hdpitaux et des 
bureaux de bienfaisance, dans les commissions de surveillance des ^tablis- 
sements nationaux, la manifestation n'est pas de celles que les pouvoirs 
publics puissent n^gliger. 

Pourquoi les femmes ne seraient-elles pas appel6es k jouer un r61e 
dans le fonctionnement des oBuvres et des institutions d'assistance pu- 
blique? N'ont-elles pas fait leurs preuves k la tdte de nombreuses OBUvres 
priv6es, m6me en France oii leur ddvouement n'est pas suffisamment solli- 
cite, surtout en Angleterre et aux Etats-Unis? 

II ne s'agit pas de passer d'un extreme k Tautre et de substituer 
syst6matiquement, de propos d^lib^r^, des administrateurs feminins aux 
administrateurs inasculins ; on ne se propose pas davantage de confdrer de 
piano cette fonction nouvelle k toutes les ppstui antes qui se pr^sente- 
ront. Les administrateurs de Tun et Tautre sexe devront dtre cboisis pour 
leurs aptitudes, leur morality, leur z^le, et le recrutement reste soumis 



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954 REVUE PHILANTHROPIQUE. 

aux garanties d'usage, k toutes les formalil^s reqaises.Toutes lesfois que, 
dans une locality d^termin^e, une femme de bien et d'inititiative voudra 
bien assamer ce mandat malaisd, elle sera la bienvenue; mais, jaslement 
parce que I'opinion accneiilera cette innovation avec one cerlaine m^flance, 
il y faudra mettre une discretion extreme et ne procider qu'^ bon escient, 
pour que Texp^rience seprononce dans les conditions les plus favorables et 
pour qu'elle fasse d^finitivement justice de pr^jug^s surann6s, mais vi- 
vaces. 

Ce second voeu du Gonseil sup^rieur de TAssistance publique sera suivi 
d'eCTet, tdt ou tard; il ne peut pas manquer de I'dtre pour le plus grand 
bien des pauvres et des malheureux. 



Le c^l^bre jugement du tribunal de Cbdteau-Thierry a eu non seule- 
raent en France, mais dans toute l*Europe, un relentissement m^rit^; il 
n'a pas ^t^ une manifestation banale d'indulgence et de piti^; ii a pos6 
devant Topinion, devant les pouvoirs publics, avec une fermet^ courageuse, 
le probl^me du devoir social d'assistance. Les consid^rants du jugement 
s'appuieot sur ce que la pr^venue, coupable d'avoir d6rob6 un pain pour 
nourrir son enfant, a & sa charge un enfant de deux ans, pour lequel per- 
sonne ne lui vient en aide, que de plus, elle se trouve « sans travail, mal- 
gr^ ses rechercbes pour s'en procurer, 'qu'elle . est bien not^e dans sa 
commune et passe pour laborieuse et bonne m^re ». 

Au point de vue juridique, nous avouons sans detour notre incompe- 
tence; des juristesexerc^s ont invoqu6 ^ Fappui de cette decision de jus- 
tice Tarticle 64 du Ck>de 'p^nal, ainsi con9u : « II n'y a ni crime ni d^lit, 
lorsque le pr^venu '^tait en etat de d^mence au temps de Taction ou 
lorsqu*U a M contraint par une force a laquelle il rCa pu risister, » Dans sa 
belle lettre au journal le Temps sur le droit de Tindigent, M. Maxime Leroy, 
avocat k la cour d'appel de Nancy, consid^re comme parfaitement legitime 
psycbologiquement et juridiquement, « de consid6rer la faim, besoin 
physiologique irresistible, comme un moyende contrainte sur la volonte. » 

Est-ce que, humainement, ii est possible d'admettre comme un fait 
normal, r^gulier, legitime, qu*une creature humaine meure de faim, et 
n'y a-t-il pas un devoir absolu de solidarite qui nous ordonne d'accorder 
les secours d'urgence, le morceau de pain lib^rateur, aux personnes en 
detresse? Cette forme d'assistance, pratiqu^e k Paris par le Pain pour 
iouSf par la Bouch^e de pain, par les soupes populaires, est, k propremenl 
parler, du sauvetage. 

Peu importent les moyens d'intervention sociale ou priv^e : Tessentiei 
est d'agir, de venir au secours de ceux qui meurent de faim, dont la vie 
ou la moralite est en danger par exc^s de mis^re. 

Au point de vue plus restreint de la mfere deiaiss^ede ChAteau-Thierry, 
une question plus precise se pose : celle des secours publics de matemite. 
Ces secours existent en r6alite, surtout pour les filles-m^res; tons les de- 
partements out un credit du service des enfants assistes destine aux secours 
temporaires pour prevenir les abandons. Ces secours sont-ils sufQsants 
pour leur quotite, pour leur duree ? Qui Toserait soutenir ? Au contraire, 



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BULLETIN. 935 

toutesles eaqudtes administralives ^tablissent que, malgr^ les progiis 
r^alis^s, les credits sont natablemeot laf^rieurs k ce qu'ils devraient 6tre, 
facultatifs au lieu d'etre obligatoires. 

Nous rentrons ici dans ie grave probl^ine de Tassistance matemeile, 
non seulemeut aux niles-m^res, mais aux m^res legitimes u^cessiteuses. 
Le gouyernement a d^pos^ sur Ie bureau du Conseil sup^rieur de I'Assis- 
tatice publique un projet concemant les enfants secourus; il a eu raison 
de proToqner les resolutions indispensables, carle statu quo n*estpas digne 
d'on pays civilis^. 

Le jugement de Gh&teau-Thierry a rappel6 k tous ceux qui ont une 
parcelle d'autorit^ le caract^re imp6rieux du devoir d'assistance : les aver- 
tissements ^clatent de toutes parts.G'est ainsi qu'a rassembi^e annuelle de 
rHospitalite de nuit, M. Costa de Beauregard adressait aux riches et aux 
heureux qui Tentouraient cet appel ^mouvant : 

« Venez done k ceux qui souCTrent. Venez pour eux, venez pour vous- 
ro^mes. A Theure de justice aigu6 qui sonne, justifiez vos derniers privi- 
leges. La politique, r6cole, la presse ont transform^ la vieille clientele de 
la charity. II faut qu'elle aussi se transforme. II faut qu*^ ses oeuvres elte 
envoie des ouvriers qui d^scendent vaillamment sur tous les chantiers de 
la mis^re. » 

La charity transform^e, elargie, n'est aulre que la solidarit6, et, de 
quelque nom qu'on la d^nomme, elle est pour tous le devoir social 
d'assistance. 

Le fameux proverbe « connais-toi toi-m6me » n'est pas moins vrai pour 
les collectivit^s que pour les individus et la sagesse des nations aurait tout 
profit k s'approprier Taphorisme grec. Autant la statistique brutale, avec 
ses chiffres moyens, risque d'etre d^cevante, autant la d^mographie com- 
parSe, analytique, ofTre des points d'appui solides. 

Nous n'en sommes encore, au point de vue des enqufites sur la popu- 
lation, les naissances et les d^c^s, qu'^ I'enfance de rart,et les belles etudes 
de M. Ars^ne Dumont Tout depuis longtemps ^tabli. M. le D' G. Drouineau, 
notre savant collaborateur, s'est attach^ k le d^montrer dans une int^res- 
sante communicalion k la Soci6te de m^decine publique (1); il compare, 
pour deux ann^es, 1889 et 1896, les d^partements d'apr^sleur exc6dent ou 
leur deficit de natality et il constate que la repartition reste la mSme. 
Ainsi, par exemple, les quatre groupes normand, champenois, proven^al, 
toulousain, et un d^partement du centre, celui du Puy-de-D6me, restent, 
k sept ans de distance, en etat d'inf6riorite et de d^croissance ; mais il y 
a dinquante ans, d*apr6s les statistiques de Bertillon p^re, tous les d6par- 
tements eu voie de d^peuplement (tout au moins par rexc6dent des d6ces 
sur les naissances et reserve faite des gains provenant de Pimmigration 
etrang^re) ne se trouvaient pas dans cette situation d^favorable ; il y a done 
recul manifeste. Quelle est la cause profonde de cette decadence de nata- 

(1) Revue cThygihie et de police sanitaire, 20 mars 1898, n" 3, p. 212 et sui- 
vantes. 



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REVUE PHILANTHROPIQUE. 

oila ce qu'il convient de rechercher avec un soin jaloux, d^partemeot 
partement, commune par commune, et les conclusions de M. Drooi- 
sndent k g^n^raliser la m^thode inaugur^e par M. Ars^ne Dumoat 
3s monographies rurales. 

n est de mdme pour les chiifres moyens de mortality. M. Drouinean 
Uement observer que ces renseignements sont g^n^rauz et approzi- 
et que, pour porter un jugement d^finitif, la mortality par &ge est 
msable. En eCTet, si telle agglomeration a plus de vieillards ou plus 
Its que sa voisine, les conditions de milieu sont difT^rentes et les 
)s statistiques ne sont pas exactement comparables. 
le D' Drouineau, reprenant et ^tendant I'id^e ancienne du easier 
raphique d^partemental, formulae par M. Bertillon p^re, propose 
stituer ce easier d^mographique en partant de la commune par unit^ 
ontinuant par arrondissement et par d^partement. Un m^me syst^me 
es serait employ^ sur toute la surface du territoire. « Une copie de 
che communale serait adress^e au chef-lieu du d^partement et lenr 
ble constituerait le veritable easier d^mographique d^partementai 
i en vue. Ce easier d^partemental serait mis entre les mains du Con- 
lygi^ne, qui aurait mission d'en faire chaque ann^e, aussit^t con- 
st eomplet, I'examen et le d^pouillement attentif. On pourrait d^s 
oduire chaque ann^e a TOfQce du travail, avec les r^sultats g^n^raux 
mvements ddmographiques, des apercus partieuliers d'un tr^s grand 

puis^s dans les rapports que les conseils d'hygi^ne pourraient 
ettre aussit6t leur examen termini. » 

t-dtre cet examen ainsi limits au point de vue sanitaire aurait-il 
ictSre trop 6troit; ce serait d^j& sans doute un rSsultat important 
naitre, locality par locality, les points faibles au point de vue de 
sit6 des maladies evi tables, de la mortality g6n4rale, de la mortality 
Pants du premier Age; il faudrait y joindre, suivant Texemple donn6 
Dumont et par d'autres ddmographes attentifs, une etude minntieuse 
iditions de travail, de salaires, de logement, de nuptialit^, de pro- 

bref une ^tude en quelque sorte monographique de tontes les 
mes francaises; Thygi^niste, le 16gislateur et le moraliste y puise- 
sans nul doute de puissants et d6eisifs enseignements. 

Paul Strauss. 



Le Db^cleur-G&ant : PAUL STRAUSS. 



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TABLE 



PREMIERE ANNEE. — TOME II 

DU 10 NOVEMBRE 1897 AU 10 AVRIL 1898 



Llvraison du 10 Novembre 1897. 

Paget. 

DiCTiONNAiRE DE l' ASSISTANCE, par Ic D' G. DROUINEAU 5 

Lettre a Monsieur Paul Strauss, directeur db la Revue Philantrhopiquey 

pap M- BfeQUET DE VIENNE 11 

Lb RtiTABUssEifENT DBS TouRS, par L£oN MILHAUD 16 

DispENSAiRES GRATCiTS POUR LBS Enfants BiALADES, par Ic D' J. DUBRISAY . 26 
L' Assistance judicuire : son organisation ; son fonctionnement ; lbs r£forbies 

A apportbr a la loi du 22 juiLLET 1851, par M* B. MONTEUX 36 

Plaidoter en faveur DBS Enfants Stourdis et paresseux, par M"»* Jeanne 

LEROY 54 

Cuisines populaires et Restaurants coopMratifs, par M. L. D'ABARTIAGUE. 58 
La Pouponni^re db Pohchefontaine et la Question des Cr6ches internes, 

par le D' X 75 

Lbs Orioines de l'institution des Caisses d'^pargne, par M. A. DE MALARCE. 89 
Classification des Defenses db l' Assistance publiqub db Paris, peu* ***,., 99 
Vari^t^s : Inauguration de I'Asile temporaire pour les enfants dont les 
mdres sont h l'h6pital. — L'QEuvre budg^taire de la troisidme R^publique 
en mati^re d'assistance. — L'tcole des sages-femmes de la Maternity. — 

Instruction sur la consommation du Lait 104 

Chronique £trang£re : AUemagne : Une soci^t^ d'assurances contre le chd- 
mage. — Am6rique du Sud, R^publique Argentine : Dix ann^es 4e sta- 
tistique ^ Buenos- Ayres ; Le patronage de Tenfance ^ Buenos-Ayres. — 
Angleterre : Hdpital des enfants trouv6s (Foundling Hospital). — 

Espagne : Les Monts-de-Pi6t6 ; Hygiene populaire 132 

Informations 143 

fecHOs 148 

Revues et Publications fran^aises 151 

Bulletin, par M. Palx STRAUSS 157 



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REVUE PHILANTHROPIQUE. 
LiTraison du 10 D^cembre 1897. 

ANCE PUBLIQUK DE PaRIS, par M. PAUL STRAUSS 161 

3 iNiGMES, par M— SfeVERINE Ill 

CHES, par M. Alfred BREUILLI^ 176 

AKCB ET l'^ducation des jel'Nes servantes A Paris et A LoNDHES, par 

Jbaotb E. SCHMAHL 181 

>e d^fetvsb dbs elcfarts traduit8 en justice : du yaoabondage, de la 
[cite et de la prostitution dbs eltfasts db moins de 16 ans, par 
OYS BRUEYRE 196 

RDS-MUETS ET L' ASSISTANCE. HlSTORIQLlS DB LTllMMlViMBNT DES SOURDSH 

s PAR LA PAROLE, par M. Marius DUPONT 214 

ECTioN DE l'Enfancb av Conor^s DB RouEN, par M. A. CAMBILLARD. i2i 

TORIUM D'AnGICOURT ET LA CURABILITY DE LA TuBERCULOSE PULMONAIRE, 

e D' A.-F. PLICQUE 242 

ouvRiERS, par M. F. MARTIN-GINOUVIER 252 

ICE PAR LE Travail, par M. Jean VOIRIEN 256 

3 : L'Organisation hospitalifere lyonnaise. — L'OEuvre du « Vestiaire » 
I Ligue fraternelle de Montmartre. — Un nouveau Patronage. — 
tioQ de la Jeunesse de France. — A propos de la pu^ricultare ^ bon 
h6. Communication du docteur Napias. — Les Prix de vertu. Dis- 

\ de M. Jules Glaretie 263 

[JE ^trang^re : AUemagne : La lutte contre la tuberculose; Le tra- 
les enfants; Les Sanatoria pour les tuberculeux; L'effet des assu- 
•s en cas de maladie et des caisses de pr^voyance pour la vieillesse 
i paup6rlsme. — Angleterre : Udpital de Poplar pour les accidents, 
jtriche : Le deficit des fonds d'assurance contre les accidents. — 
que : Le repos du dimancbe. -r- Russie : Les ambulances urbaines. 281 

riONS. . , 288 

303 

ET Publications francaises 307 

APHIB 313 

, par M. Paul- STRAUSS 315 

Livraison du 10 Janvier 1898. 

fioLOOiE DES Accidents, par M. Hector DEPASSE 321 

! PUBLIQUE : De quelques Ri^>formes a op^rer, par *" 328 

ECTioN DE l'Enfancb en Belgique, par M. Albert MONTIIEUIL . . . 334 

BS DE John Bost, par le D' DROUINEAU 342 

iNCE PAR LE Travail agricole, par M. Guillaume BEER 349 

: GoNTE DE NofiL, par M. Jacques FRfellEL 375 

)arit6 : SocuJt^ en faveur de l'Enfancb maliwureuse a Lausanne 

e), par M— Georges RENARD 382 

iNCE iD^ALE, par M. ALCANTER DE BRAHM 394 

>nies de Vacances, par M— Ad^le SCHEIBER 406 

E Pain, par M. J. BERGERON 410 

tion ^ducatrice des Caisses d'^pargne scolaires, par M. A. de MA- 

:E 422 

: L' Assistance m^dicale gratuite dans le d^partement de I'Eure : 
art do M. Savour^-Bouville. — Le deuxi^me Diner des Mutuaiistes : 
urs de M. Audiffred. — Traitement de la tuberculose h domicile : 



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TABLE DES MATlfeRES. 959 

Pagei. 

Rapport cle M. le docleur Thoinot.' — La situation des infirmiers et infir- 

miferes des h6pitaux de Paris : Un discours de M. H. D^rouin 435 

Gbronique iJ.TRANGfcRB : Allcniagne : Un nouvel h6pital ^ Berlin; Les acci- 
dents de fabrique. — Anglelenre : Maisons de convalescence. — Belgique : 
Les habitations h bon march6. — £tats-Unis de TAm^rique du Nord : La 
condition des n^gres dans les villes. — HoUande. Rusaie : Les asiles pour 

les alcooliques. — Suisse : Un nouvean sanatorium. . 45C 

Informations 456 

fecHOs - 467 

Revcrs rr Pckications fran(:aises 471 

BuLLBTOr/par M. Paul STRAUSS 475 

Uvraison do 10 F^vrier 1898. 

L'AssisTANCE PUBUQCE I Le Projbt db loi sur l'Assistancr acx vieillards et 

Aux incurables, par M. Henri MONOD 481 

L'Orthop^die ENFANTiNB, par M. Edmond LEPELLETIER 497 

Lb Classement des aldSn^s dans les asiles, par M. 6douard TOULOUSE. . 512 
Les Travaux du Comit6 de defense des Enfants traduits en justice pendant 

l'ann^e 1897, par M. Adolphe GUILLOT 521 

FIiSTOiRE d'un Aveuolb, par M. Henri N API AS 546 

Assistance aux MftuES, par M— BfeQUET DE VIENNE 560 

Lbs COMMISSIONS coMMLT«ALES d'assistance, par M. Paul STRAUSS. ..... 565 

Assistance par le Travail, par *** 572 

VARiiTtis : Visite du ministre de I'lnt^rieuri Tatelier de I'Union d'assistance 
du XVI* arrondissement. — Le logement insalubre. — Soci6t6 des visi- 
teurs des pauvres : Discours de M. Jules Lemaitre. — Mouvement de la 

population de la France en 1896 592 

Chronique i^TRANofeRE : Angleterre : L'Assistance publique a Londres en 1897. 

Espagne : La Contagion tuberculeuse ^ T^cole. 607 

Informations 616 

fecHOs 629 

BiBLIOGRAPHlE 635 

Bulletin, par M. Paul STRAUSS 637 

Uvraison da 10 Mara 1898. 

L'Assistance interscolaire dans unb £cole normale, par M. ^douard PETIT. 611 

Lb Paradoxe de Loiseau Pinson, par le D' H. THULlfe 6i7 

Lbs DMraciniSs et leur rapatriement, par le D' A.-F. PLICQUE 663 

L'Assistance EN Espagne, par le D' G. DELVAILLE 66') 

Grand'Dents et G'% par M""* Jeanne LEROY. 699 

De l'Entente a ^tabur entre les Bureaux de bienfaisance et lbs OEuvres 

d'assistance par le travail, par le D' P. BOULOUMIE 706 

Une Clause LiTioiEUSE, par M. II. DEROUIN 714 

A Les Theories malthusiennes et le Mariage dks i.ndii;exts, par M. Alfred 

LAMBERT 717 

VariSt^s : L'Hospice de Br^vannes. — Le Mont-de-Pi6t6 de Paris, par 
M. Louis Lucipia. — Assistance par le travail, rapport de M. Fail let sur 
la colonic de la Ghalmelle. — Rapport de M. Nocard sur Tllygidne des 

^tables et I'^tat sanitaire des vaches 723 

Chronique ^trang^re : Allemagne : L'Assurance obligatoire contre les acci- 
dents en 1896; L'Assurance obligatoire contre I'invalidit^ et la vieillesse 



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